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« Au-delà de
l'égalité, la
discrimina-
tion c'est de
la liberté amputée ».
Dans son propos d’intro-
duction, Philippe Bour-
sier, le Président de la
Fédération des Centres
Sociaux du Nord a insisté
sur le fait que la lutte
contre les discriminations
faisait totalement partie
du projet centre social.
« Il y a d'autres discri-
minations que celles qui
sont liées aux origines,
mais à force de courir
après toutes les discrimi-
nations, on n’en règle fi-
nalement aucune ». Pour
Philippe Boursier, ça peut
d’ailleurs être un strata-
gème pour noyer le pois-
son que de parler de tou-
tes les discriminations en
même temps : handicap,
sexualité ou origine.
« Je suis français et je
suis discriminé, on me
renvoie mes origines sup-
posées maghrébines alors
que je n'ai eu que pour
seul horizon les pieds
d'immeubles d'un quar-
tier ANRU. Alors que je
suis diplômé, il me faut
trois fois plus de temps
pour trouver un emploi.
J’ai des revenus, je suis
solvable mais le parc pri-
vé de logements me tour-
ne le dos ».
Les clés du cadenas
« Face à ces inégalités
structurelles, je ne peux
seul trouver les clés des
cadenas pour un accès à
l'emploi, au logement,
mais aussi aux loisirs, à la
parole ou à l'image. Cette
situation rend mon quoti-
dien difficile, rude, amer,
et m'incite à me replier
sur moi, à écrire avec
d'autres compagnons
d'infortune, dans une
communauté de souffran-
ce, des réponses impar-
faites qui pourraient mê-
me être considérées par
certains comme menaçan-
tes ».
Pour Philippe Boursier, les
concepts d’intégration et
de discrimination positive
sont des concepts
contestables, le premier
parce qu’il est en même
temps culpabilisant, le
second parce qu’il est
dévalorisant.
« Quand l'égalité des
droits ne fonctionne plus
et que les révoltes socia-
les deviennent suspectes Suite page 3
« La discrimination, c’est la liberté amputée » Philippe Boursier, président de la Fédération des Centres Sociaux du Nord
Les Centres Sociaux contre les discriminations
Compte rendu de la journée d’étude et de présentation de la boîte à agir du mercredi 24 juin 2009
voire criminelles, la dé-
mocratie est inachevée.
Les Centres Sociaux ont
inscrit la démocratie aux
côtés de la solidarité et
de la dignité humaine
dans notre champ. En lut-
tant contre les discrimi-
nations, nous voulons re-
donner de l’épaisseur à
l’égalité et donner des
couleurs à la liberté. La
réussite de cette journée
à laquelle participent de
nombreuses régions de
France, montre que c’est
là un engagement collec-
Juillet 2009
E n Rhône-Alpes, le partena-
riat qui s’est mis en place
entre l’URACS (Union Ré-
gionale Rhône-Alpes Cen-
tres Sociaux) remonte à plusieurs
années. Comme l’explique Sakhina
Bakha, directrice adjointe de l’AC-
SE, tout est parti d’une demande
de subvention. « Pourquoi les fem-
mes d'origine étrangère dans les
Centres Sociaux réclament-elles
des cours de cuisine et de danse
orientale ? »
Pour Sakhina Bakha, « les Centres
Sociaux sont à l'image de la socié-
té. Et les activités qu’ils dévelop-
pent et pour lesquelles ils deman-
dent des subventions ne sont pas
indépendantes des représentations
sociales et celles notamment qui
sont relatives à la place des fem-
mes dans l’espace public. Et les
femmes issues de l'immigration,
sont elles aussi marquées par des
stigmates et des stéréotypes eth-
nicisants que l’on retrouve au tra-
vers des activités qu’elles deman-
dent et qui leur sont proposées par
les Centres Sociaux ».
« Il y a trois ans, on ne travaillait
pas du tout sur cette question des
discriminations » complète Emma-
nuel Bodinier, délégué de l’URACS.
« Et c’est lorsque l’ACSE a changé
d’orientation que nous nous sommes
adaptés à ce changement et inter-
rogés sur nos objectifs. Jusqu’a-
lors dans les Centres Sociaux, on
visait surtout à l’épanouissement
des habitants et pas forcément à
leur émancipation. L’épanouisse-
ment, c’est de l’ordre de la trans-
formation personnelle, c’est la pos-
sibilité de développer ses capaci-
tés. L’émancipa-
tion, c’est l’ac-
tion sur un rap-
port social fait
de servitudes et
de contraintes.
Et ce change-
ment on l’inscrit
dans notre pro-
jet fédéral pas
seulement sur la
question des dis-
criminations ra-
cistes, mais aussi
sur celles qui
sont liées au
genre et aux
classes socia-
les ».
Décalage
Pour Sakhina Bakha, « Dans l’édu-
cation comme dans les Centres So-
ciaux, on voit bien le décalage qu’il
peut y avoir entre la société et
l’institution que peut représenter
un centre social qui est pourtant
porteur d’un projet politique atour
de la démocratie participative, la
lutte pour l’égalité et contre les
exclusions. Les jeunes comme les
femmes sont bien représentés
dans certaines activités. Ils le sont
moins dans les conseils d’adminis-
tration. Et, alors que les femmes
peuvent être surreprésentées dans
certaines activités, elles sont en
même temps quasiment invisibles
dans l’action politique ».
« Dans les Centres Sociaux malgré
le discours sur la lutte contre les
Page 2 Les Centres Sociaux
Dynamiques partenariales
Sakhina Bakhia, directrice adjointe de l’ACSE
discriminations et sur la notion
d'égalité, il n'y avait pas de dis-
cussion sur les discriminations,
c'était un sujet tabou. Aujourd’hui
on a un peu avancé mais tout n’est
pas réglé. Lorsque l’on interroge
les usagers et les professionnels,
on observe des écarts significatifs
en termes de représentation. Par
exemple les animateurs sont per-
suadés que les hommes issus de
l’immigration sont plus sexistes que
les autres ».
Discriminations indirectes
Et Emmanuel Bodinier de préciser
« il n’y a pas forcément de cas de
discrimination directe dans les
Centres Sociaux. Mais on peut sou-
vent alimenter des discriminations
indirectes à travers nos représen-
tations. L’animateur qui change son
nom pour réserver un camping et
Rhône Alpes
Interroger les représentations
et nommer les causes
qui se présentera comme étant
Pierre plutôt que Habib contribue
à la perpétuation de représenta-
tions et donc de pratiques discri-
minatoires. Nous devons être
clairs dans nos procédures de re-
crutement et lutter avec les gens
discriminés pour qu'ils puissent
exercer réellement leur métier et
ne pas se contenter de les aider en
leur trouvant des boulots de subs-
titution. Ensuite nous devons faire
avec les gens et non en leur nom
pour rompre avec la situation de
pouvoir qui peut donner lieu à dis-
crimination ».
Pour Emmanuel Bodinier, si l’Union
Régionale des Centres Sociaux de
Rhône-Alpes se sent à l’aise dans
son partenariat avec l'ACSE qui
travaille elle-même également avec
l’Université de Lyon 2 « nous ne
nous sentons pas du tout en phase
avec le gouvernement et avec sa
politique de lutte contre l’immigra-
tion. Il ne faut pas être naïf. Si les
gens sont discri-
minés, c'est par-
ce qu'ils portent
des stigmates, et
ces stigmates
sont produits
notamment par
une conception
de la citoyenneté
qui exclut la na-
tionalité. Je ne
vois pas comment
on peut continuer
à lutter contre
les discrimina-
tions racistes
tant qu'il y a des
quotas pour ex-
pulser les gens et
des situations de
contrôle systéma-
tique ».
Et de conclure : « on ne peut pas
agir seulement sur les conséquen-
ces des situations. Il faut aussi
nommer les causes ».
À l’épreuve des discriminations
Dynamiques partenariales
Page 3
Emmanuel Bodinier, délégué de l’URACS
Légende accompagnant l'illustration.
tif pour lequel les Centres Sociaux
sont mobilisés.
« Les institutions publiques peinent
à admettre que l'apparence physi-
que et le préjugé social détermi-
nent la nature des relations sociales
et in fine la place qui sera attribuée
au citoyen dans la société. Nous
sommes légitimes à interpeller l'es-
pace politique sur ces inégalités ».
Une interpellation qui concerne aus-
si les Centres Sociaux. C’est pour
cela, explique Philippe Boursier, que
nous avons choisi de nous arrêter
une journée pour nous interroger
sur le fonctionnement de nos struc-
tures, sur nos modes d'accueil et
sur la composition de nos emplois.
Car si, dans les Centres Sociaux, on
trouve facilement les couleurs de la
diversité et de la jeunesse, on sait
bien que ces couleurs sont bien
moins représentées au niveau du
bureau et surtout de la présidence
ou de la trésorerie.
Contradiction, paradoxe ou strata-
gème ? se demande Philippe Bour-
sier.
« La création de la boîte à outils est
le fruit d’un long travail de ré-
flexion sur les pratiques des Cen-
tres Sociaux, pratiques qui ont été
reprises dans un mémoire publié en
2007. Les formations et l'accompa-
gnement de notre démarche consti-
tuent une illustration concrète de
l’engagement des Centres Sociaux
dans la lutte contre les discrimina-
tions ».
La lutte contre les discriminations
prend parfois des chemins compli-
qués. Mais elle est nécessaire pour
« nous libérer des contraintes
d'une approche trop joviale et po-
lie » et pour donner leur chance
d’un autre quotidien à tous ceux et
celles qui fréquentent nos structu-
res ». « Un nouveau siècle pour un
autre quotidien ».
Suite de la page 1
L e projet Discrimin’actions
est né en 2004, d’une vo-
lonté partagée entre l’AC-
SE et la coordination des
Centres Sociaux d’Ile-de-France
(qui représente huit fédérations
départementales, plus de 250 Cen-
tres Sociaux et socioculturels et
qui s’adresse à une population de
près de deux millions de Franci-
liens), d’interroger les pratiques
d’intégration et de lutte contre les
discriminations. « Une recherche-
action a été menée avec la mobili-
sation d’une cinquantaine de cen-
tres » explique Audrey Cuypers,
chargée de mission à la coordina-
tion des Centres Sociaux d’Ile-de-
France. Jusqu’alors nous nous som-
mes rendu compte que nous abor-
dions le problème surtout sous l’an-
gle d’une meilleure maîtrise de la
langue française.
Ces formations mettaient au dé-
part l’accent pour l’essentiel sur la
dimension juridique et sur les pro-
blèmes d’accès à l’emploi et d’accès
au logement. « Mais, observe Au-
drey Cuypers, si cette approche
est essentielle, nous avons très
vite compris qu’elle ne pouvait être
la seule et qu’il manquait notam-
ment une approche citoyenne ».
Ces formations, qui ont lieu in situ,
s’adressent à l’ensemble du person-
nel des centres. Mises en place
dans le cadre d’un schéma régional
des discriminations, soutenu par le
Conseil régional d’Ile-de-France,
elles intègrent des séquences de
théâtre forum et elles ont permis
de découvrir au travers de certai-
nes pratiques des discriminations
systémiques. « Cela nous a égale-
ment permis de dresser une liste
d’exemples de bonnes prati-
ques dans les Centres Sociaux ».
Une douleur et une force
Pour les Centres Sociaux désireux
de s’impliquer dans la démarche,
Nour-Eddine Laouer, de la coordi-
nation, explique qu’un cadre de mé-
thode a été posé et qui est focali-
sé sur quelques points. D’une part
sur la question de la convergence
avec les autres formes de discri-
mination et sur la façon de coor-
donner toute action sans être
contre-productif sur les autres
formes de discrimination. D’autre
part il ne faut pas réduire cette
question des discriminations au
seul centre social sans prendre en
compte ce qui se passe sur le ter-
ritoire. Enfin être attentif au sen-
timent de discrimination. « C’est
une douleur dont il faut se saisir
pour en faire une force ».
Page 4 Les Centres Sociaux
Dynamiques partenariales
Audrey Cuypers, chargée de mission
à la coordination des Centres So-
ciaux d’Ile-de-France
Ile-de-France
Actions de formation et approche citoyenne
Nour-Eddine Laouer, coordination des
Centres Sociaux d’Ile-de-France
Pour Nour-Eddine Laouer, « si on
veut être efficace il faut agir en
amont sur les causes et pas seule-
ment sur les conséquences ». D’où
la nécessité de travailler avec les
bénévoles et avec les salariés no-
tamment sur la question des repré-
sentations et d’analyser les pro-
cessus dans la chaîne de décisions
et de pouvoirs.
Concrètement, explique Nour-
Eddine Laouer , pour accompagner
les centres, la coordination a rete-
nu trois types d’actions
- création d’un support de sensibi-
lisation sous la forme d’un diapora-
ma, ce qui permet une meilleure
compréhension du phénomène et
une meilleure circulation de l’infor-
mation sur les réflexes que l’on a
acquis. .
- un outil de diagnostic et d'éva-
luation des pratiques et du projet
centre social
- partir de situations de discrimi-
nation et essayer d’imaginer collec-
tivement des réponses possibles.
Suite page 9
« L’Ile-de-France est à
la fois une région ri-
che et en même temps
très inégalitaire et il y
a toujours un lien entre les inégali-
tés et les discriminations et la si-
tuation en Ile-de-France impose de
prendre cette question à bras-le-
corps. Pour nous, ce n’est pas une
question de morale. Les discrimina-
tions, c’est un délit. C’est pour cet-
te raison que nous sommes engagés
d'une manière très déterminée. Le
constat que nous faisons c’est que,
même si l'arsenal juridique est im-
portant, les discriminations perdu-
rent et ont même tendance à s'ac-
centuer ».
« Beaucoup de partenaires, asso-
ciatifs, syndicaux ou institution-
nels, comme l’ACSE, agissent déjà
sur ces questions de discrimination
avec bien souvent un savoir-faire,
une expérience, une antériorité qui
était bien supérieure à la nôtre. Et
notre stratégie en matière de dé-
mocratie régionale, c’est de faire
en sorte que les uns et les autres
unissent leurs forces pour agir en-
semble ».
« A travers la convention que nous
avons signée dans le cadre d’un
partenariat stratégique, nous
avons mis en place un comité de
pilotage et des instances qui nous
obligent à mieux unir nos efforts
et à travailler davantage ensemble.
Sur ce sujet, ça ne sert à rien
d'être chacun dans son coin et il ne
peut pas y avoir de concurrence ou
de rivalité. De plus il nous a semblé
que nous avions beaucoup à appren-
dre de l’ACSE qui a une vraie expé-
rience ».
« Il n’est pas simple, du fait des
lourdeurs institutionnelles, de
mettre en œuvre une convention
de ce type parce que chacun doit
modifier sa manière de travailler, y
compris les élus, les fonctionnaires
ou les agents d’autres services.
Sur ce sujet il ne peut pas y avoir
les élus d’un côté et le personnel
de l’autre et nous avons mis en pla-
ce un comité de pilotage qui est
une instance originale qui regroupe
aussi bien des élus que des chefs
de service ou les fonctionnaires
chargés de l’animation de ce dos-
sier ainsi que des groupes de tra-
vail qui s'adressent aux agents du
Conseil Régional intéressés par un
travail de déclinaison de ce rap-
port ».
Intégrer la lutte contre les
discriminations dans toutes les
politiques publiques
« Il y a donc des discussions entre
les services et notamment avec les
services des ressources humaines
pour que la Région soit exemplaire,
entre autres en matière de recru-
tement. Même chose du côté des
élus. Nous avons fait en sorte que
cette problématique soit transver-
sale, que toutes les vice-
présidences s’en emparent et qu’el-
le soit intégrée dans toutes les
politiques publiques
(développement économique, for-
mation continue, recherche, sport,
culture, action sociale…).
On ne peut pas lutter contre les
discriminations si on se contente
d'intervenir au niveau individuel
car il y a bien évidemment un lien
Page 5 Les Centres Sociaux
Dynamiques partenariales
Claire Villiers, vice-présidente du
Conseil régional d’Ile-de-France en
charge de la démocratie régionale
Claire Villiers :
Volonté politique et partenariats stratégiques
entre les politiques publiques, les
politiques macro-économique et la
lutte contre les discriminations ».
« Vis-à-vis des associations, nous
souhaitons que la question de la
lutte contre les discriminations
devienne un des critères de sub-
vention en privilégiant la conviction
plutôt que la répression. Nous
avons déjà signé des pactes locaux
avec quatre territoires régionaux
avec mise en place de formations-
actions à destination des profes-
sionnels sur l’emploi, l’éducation ou
la constitution de réseaux avec
comme objectif le fait de lutter
contre les préjugés ».
Renforcer les partenariats
« Pour qu'une démarche soit effi-
cace il faut absolument renforcer
les partenariats avec les collectivi-
tés, les institutions, les entrepri-
ses, les organisations syndicales.
Mais pour développer de tels par-
tenariats, encore faut-il que les
partenaires existent et nous som-
mes soucieux des offensives qui
sont portées contre le tissu asso-
L e partenariat a commencé
sur la question de l’accueil
des populations d’origine
étrangère dans le cadre
d’un groupe de travail baptisé Ci-
toyens du Monde créé dans le ca-
dre du contrat de ville relatif à un
quartier de Rennes avec la partici-
pation de Centres Sociaux et d’as-
sociations.
« Nous traitions alors, explique
Maggy Legrand, directrice du cen-
tre social carrefour 18 de Rennes,
des questions d'apprentissage de
la langue et nous étions soutenus
par l’ACSE qui finançait des for-
mations pour des professionnels et
des bénévoles de manière à optimi-
ser les techniques d'apprentissage
de la langue ».
« Nous sommes donc partis de ces
questions très concrètes et au fil
des rencontres entre profession-
nels, bénévoles, habitants du quar-
tier, nous sommes arrivés petit à
petit, malgré des approches diffé-
rentes, à nous positionner sur un
terrain beaucoup plus large. Et, à
la faveur d’un changement de mode
de gestion, les six Centres Sociaux
rennais ont été regroupés dans une
seule et même association, nous
avons impulsé une dynamique et mis
en place un groupe de travail sur
ces questions ».
Essaimage
« Puis nous avons sollicité l’ACSE,
avec laquelle nous avons constitué
un comité de pilotage, pour mener
une recherche-action sur trois ans
et interroger nos pratiques et le
positionnement de nos structures
vis-à-vis des populations avec les-
quelles nous travaillons. Recher-
che-action que nous avons baptisée
POESIE (poésie d’origine étrangè-
re et stratégies d’intégration) ».
« Nous avons commencé par un
état des lieux avec l’aide de l’Uni-
versité de Rennes 2, en association
avec un laboratoire de recherche.
Cette première année avait pour
objet de poser les bases d'une ré-
flexion partagée rassemblant ac-
teurs et partenaires des Centres
Sociaux ?
A la suite de cette première année
a eu lieu un forum qui nous a per-
mis en même temps élargir notre
champ de réflexion en nous inter-
rogeant sur notre vision et notre
posture par rapport à cette ques-
tion de l'accueil des populations
d'origine étrangère, ce qui a per-
mis de mettre en évidence que
nous avions peut-être un regard
discriminant envers ces popula-
tions ».
L’étude au départ portait sur un
quartier de 60 000 habitants sur
lequel se trouvent trois Centres
Sociaux. Tous les aspects du fonc-
tionnement d’un centre et des re-
lations entre permanents, bénévo-
les et habitants ont été passés au
crible.
La démarche est entrée dans une
logique d’essaimage puisque tous
les centres sont aujourd’hui
concernés et que le second forum
a été suivi par 150 personnes dont
un grand nombre d’élus qui partici-
pent eux aussi à ces temps forts.
Déjà les relations des Centres So-
ciaux avec le collectif des sans
papiers en ont été changées.
À l’épreuve des discriminations
Dynamiques partenariales
Page 6
Bretagne
Essaimer à partir de questions et de situations concrètes
Maggy Legrand, directrice du cen-
tre social Carrefour 18 de Rennes
« Héritières d’une lon-
gue histoire, les CAF
sont mal connues, y
compris des Centres
Sociaux », précise d’entrée de jeu
Bernard Kerleau, directeur de la
CAF de la Vienne. « Il est vrai que
notre nom peut induire en erreur
puisque nous ne faisons pas que des
allocations et nous ne nous intéres-
sons pas qu’aux familles ». « Mais
nos allocataires ne veulent pas que
nous changions de nom car ils ont
besoin de cette stabilité que nous
représentons ».
« Nous sommes un des acteurs de
la politique familiale et sociale. Il y
en a d’autres comme les collectivi-
tés locales par exemple. Nous som-
mes un des acteurs majeurs de la
politique familiale et un acteur de
plus en plus reconnu sur la politique
sociale puisque nous sommes char-
gés du versement du RSA. Nous
versons plus de 365 millions d’eu-
ros par an de prestations, soit 1
million d’euros par jour, soit un peu
moins de 1 % du produit national.
Même si nous nous appelons CAF,
un peu moins de un allocataire sur
deux n’a pas d’enfant ».
« Nous soutenons nos partenaires
dont nous sommes souvent un des
financeurs majeurs et nous avons
comme souci commun le fait de
développer l’offre de garde et
comme préoccupation le fait que ce
que nous finançons, notamment les
offres de services, soit compris
tout à la fois par les populations et
les décideurs ».
C’est une demande de l’ACSE, qui
était prête à financer des actions
et un catalogue de formation, qui a
amené la CAF de la Vienne à s’inté-
resser à cette question des discri-
minations. « Ce n’est pas cela qui
nous a motivés, mais ça nous a ai-
dés dans notre décision car nous
avons des ambitions communes sur
cette question dont nous avons
voulu qu’elle relève d’une démarche
globale concernant autant la CAF
elle-même, comme employeur et
comme lieu d’accueil du public que
les Centres Sociaux que nous sou-
tenons financièrement. »
Des choses à changer
« L’ACSE nous a proposé de procé-
der à des audits sur l'accueil, les
commissions, les ressources humai-
nes et les projets de Centres So-
ciaux. Elle nous a également propo-
sé de sensibiliser et de former les
administrateurs et les personnes
en relation avec le public. Nous
Page 7 Les Centres Sociaux
nous sommes aperçus que nous
avions des choses à changer dans
le fonctionnement de nos commis-
sions, dans nos procédures d'appel,
et de recrutement pour aller cher-
cher les bonnes candidatures
(pratiques d’auto-discriminations).
S’interroger sur ses pratiques
L'affichage de la lutte contre les
discriminations renvoie chacun ses
responsabilités. D’où la nécessité
d’y faire référence dans le projet
centre social, d’examiner sa tra-
duction dans la composition des
instances ou la formation des mili-
tants et des professionnels. Ce
n’est pas parce que nos valeurs
sont celles de l’équité, de la solida-
rité, laïcité, neutralité que cela
nous dispense de nous interro-
ger sur nos pratiques ».
Dans son intervention, Bruno Sulli,
directeur régional de l’ACSE Poitou
-Charentes a insisté sur le fait que
l’ACSE, après avoir rappelé ses
missions, travaille dans un premier
temps sur les zones de convergen-
ce possibles avec les partenaires,
en l’occurrence les Centres So-
ciaux et les associations avant de
s’intéresser à la question des va-
leurs qui peuvent nous inciter à
Poitou-Charentes
Une démarche globale qui interroge la CAF
tout autant que les Centres Sociaux
Bruno Sulli, directeur régional
de l’ACSE Poitou-Charente
Dynamiques partenariales
Bernard Kerleau, directeur de
la CAF de Vienne
Suite page 9
C ela fait quatre ans que
l’ACSE et l’Union régiona-
le des Centres Sociaux
sont dans une démarche
de partenariat sur la question de la
lutte contre les discriminations. Il
y a quatre ans, cette question était
alors, comme l’a montré une enquê-
te de l’IFAR, peu prise en compte
par les Centres Sociaux.
Comme l’a rappelé Francis Gautier,
« l’enjeu n’était même pas présent
dans les diagnostics intégrés aux
projets des Centres Sociaux. Au-
jourd’hui trois territoires se sont
engagés dans une démarche collec-
tive qu’ils mènent à plusieurs, en
Flandre Maritime, sur le Cambrésis
et sur Wattrelos- Wasquehal. Cela
concerne une vingtaine de Centres
Sociaux sur les 165 dans le Nord-
Pas-de-Calais.
Nous avons donc encore une marge
de progression mais à côté des
trois que j’ai citées on voit appa-
raître de nombreuses initiatives
initiées par les Centres Sociaux qui
souhaitent se qualifier sur le sujet,
dans le Valenciennois et en Aves-
nois par exemple ».
Pour Francis Gautier, rien de sur-
prenant au fait que l’enjeu des dis-
criminations ne soit pas apparu
plus tôt puisque le Fasild, prédé-
cesseur de l’ACSE, était plus sur
des logiques d’intégration que de
lutte contre les discriminations.
« Pendant longtemps, explique Fa-
dela Benrabia, directrice régionale
de l’ACSE Nord - Pas-de-Calais les
politiques publiques, portant sur
les questions de l'immigration,
étaient essentiellement marquées
par les notions d'intégration et
d'assimilation.
Mais l’établissement public n’est
pas le seul partenaire des Centres
Sociaux et il ne saurait être tenu
comme étant le seul responsable
de cette question. Mais c’est vrai
que dès lors qu’il subventionnait
des actions dans une logique d’inté-
gration, il indiquait en même temps
un cap à l’ensemble des acteurs
avec lesquels il travaillait ».
Question sociale
et discriminations
Pour Francis Gautier, « lorsque la
situation économique se dégrade,
les premières personnes touchées,
ce sont les femmes et les person-
nes issues de l'immigration. Il se-
rait contre-productif de vouloir
lutter contre les discriminations
liées à l'origine sans s’attaquer à la
question sociale. Mais il serait tout
aussi dangereux de croire qu’il suf-
fit de penser à la question sociale
pour résoudre celle des discrimina-
tions. C’est un vrai débat pour le-
quel il y a encore des résistances
dans certains territoires. Mais les
projets des Centres Sociaux intè-
grent de plus en plus ces deux en-
jeux de la discrimination liée aux
origines et de la question sociale
sans pour autant les confondre.
C’est là un enjeu de fond qui est
perçu aussi bien par les salariés
que par les élus et pas quelque
chose dont on ne parle que quand
on a le temps ».
« Depuis les années 2004 2005,
poursuit Francis Gautier, plusieurs
fédérations se sont fortement im-
pliquées dans la lutte contre les
discriminations et un groupe de
travail interfédéral a été consti-
tué avec Poitou-Charentes, Ile-de-
France, Rhône-Alpes, Nord-Pas-
de-Calais, en lien avec la fédéra-
tion nationale qui a fait de cet en-
jeu de la lutte contre les discrimi-
À l’épreuve des discriminations
Entre l’ACSE et la fédération des Centres Sociaux du
Nord
Page 8
Enjeux et méthode
Fadela Benrabia, directrice régionale
de l’ACSE Nord—Pas-de-Calais
Francis Gautier, délégué fédéral de la
FCSN
Suite page 9
nations un nouvel axe politique d'ac-
tions.
On a produit progressivement une
culture commune et on a fini par
s’entendre sur le sens des mots.
Sans doute tout n’est-il pas stabili-
sé. Il y a des avancées et des re-
culs. D’ailleurs en 2010 il est prévu
une action nationale de type ‘ les
mille luttes contre les discrimina-
tions liées à l’origine ‘.
Au final je pense que notre réseau
peut être assez fier de ce qu’il a
fait car il n’y en a pas beaucoup qui
ont su, avec l’aide de l’ACSE, pren-
dre au sérieux cet enjeu. Mais je ne
suis pas surpris qu’il faille du temps
avant de passer à l’action car il faut
le temps d’une appropriation préala-
ble des concepts, le temps de pren-
dre conscience et de percevoir la
réalité des discriminations indivi-
duelles ».
ciatif en particulier le tissu asso-
ciatif d'éducation populaire. En ma-
tière de discrimination, il ne s'agit
pas d'agir du haut vers le bas mais
d'agir de manière transversale,
chacun à sa place, avec les partenai-
res qui existent ».
« C’est un combat sur la longue du-
rée pour lequel il faut une volonté
politique forte qui soit partagée et
portée par l'ensemble des élus car
nous sommes tous et toutes à la
fois discriminés et discriminants.
En plus des partenariats, nous nous
sommes dotés d’outils. Parmi ces
outils, qui sont des moments forts,
il y a la semaine de l’Egalité que
nous préparons avec l’ACSE et qui a
lieu en décembre. Nous lions tou-
jours les discriminations et la ques-
tion de l’'égalité. Mais ce sont aussi
du soutien aux projets associatifs
ou aux permanences d'accueil des
personnes en particulier dans les
quartiers populaires, ces permanen-
ces devant être tout à la fois des
points d'accès aux droits mais aussi
des outils de formation et de
connaissances ».
« Une volonté politique, un travail
en partenariat et des outils, ce sont
trois éléments nécessaires pour
réussir dans la lutte contre les dis-
criminations ».
À l’épreuve des discriminations
Page 9
nous dispenser de toute réflexion
critique sur nos pratiques.
Un constat auquel fait écho Xavier
Thiollet, chargé de mission à la fé-
dération régionale de Poitou-
Charentes (URECSO). Il indique
que, s’il n’y avait pas de déni, aucun
centre social n’avait pour autant
amorcé une démarche d’envergure
sur cette question, laquelle n’était
pas jugée nécessaire. Depuis le dia-
gnostic de 2004, l’URECSO insiste
sur le fait que la lutte contre les
discriminations doit être inscrite
dans le contrat de projet et figurer
notamment dans la partie bilan et
diagnostic du projet centre social
car il est important que cela perdu-
re y compris en cas de changement
des équipes.
… Francis Gautier
… Bruno Sulli
Dynamiques partenariales
Suite de la page 5 (Claire Villiers)
T ravaillant depuis 4 ans
avec la fédération des
Centres Sociaux et l’Acsé
sur la question des discri-
minations, Saïd Bouamama a eu la
possibilité, ce qui est assez rare
pour un chercheur, de pouvoir
confronter un certain nombre d’hy-
pothèses à des réalités de terrain.
« Même si plus de 75 % des rapports
sur le sujets ont fini dans des ti-
roirs, nous sommes sortis de la pos-
ture de négation, y compris au niveau
des pouvoirs publics » observe tout
d’abord le sociologue de l’IFAR. Au-
jourd’hui, on ne nie plus l’existence
de processus de discriminations.
« Ce n’est pas une opinion c'est un
fait avéré incontestable, qui est
massif et structurel ». De même, s’il
n’est pas question de hiérarchiser
des discriminations ( toutes les dis-
criminations sont équivalentes en
termes d'effets sur la personne »),
celles qui sont liées à l’origine, par la
faiblesse des mobilisations pour les
empêcher et par leur caractère
structurel et systémique, revêtent
un caractère particulier.
Ne pas attendre
que les mentalités changent
Pour Saïd Bouamama, « il y a plus de
facilité à oublier les discriminations
racistes lorsque l'on se mobilise sur
les autres discriminations ». A
contrario, c’est en agissant contre
ce type de discriminations que l’on
peut agir sur l’ensemble des discri-
minations car c’est un terrain qui
révèle les autres. La discrimination,
c’est l’existence d’une inégalité dans
l'inégalité ».
Pour le sociologue qui avait illustré
son propos par de courtes séquences
extraites des Guignols, « ce n’est
pas non plus une affaire de repré-
sentation sociale. Si on attend que
les mentalités changent pour lutter
contre les discriminations, on peut
attendre longtemps. C'est une affai-
re de pratique et de construction
dans la vie quotidienne ». Et de
prendre l’exemple des handicapés.
« Ils se sont battus pendant des
années pour changer les mentalités
jusqu’au jour où ils ont exigé des
places de parking, pour faire pro-
gresser la notion d’égalité ».
Enfin pour Saïd Bouamama, les dis-
criminations ne sont pas un héritage
du passé colonial qui va disparaître
avec le temps. « On oublie qu'elles
sont inscrites dans le corps social,
dans le mode de sélection et dans
une multitude de petits gestes quoti-
diens ». De plus, dans un contexte de
crise économique, du fait d’un ac-
croissement de la concurrence sur
ces biens rares que sont l'emploi, le
logement, la santé et la formation.
« Ceux qui sont désavantagés au dé-
part le sont encore plus à l'arri-
vée avec risque d’exacerbation des
effets des discriminations et risque
de cumul des processus de discrimi-
nations liées à l’origine et au sexe.
La victimisation est une
conséquence et non l’inverse
Pour lutter efficacement contre les
discriminations, il faut se garder
d’une approche essentiellement
« culturaliste » de cette question.
Pour Saïd Bouamama, cela revient à
nier l’inégalité de traitement et à
Page 10 Les Centres Sociaux
chercher simplement à transformer
les publics qui sont victimes de dis-
criminations, qui ne seraient pas suf-
fisamment adaptés, prêts au déve-
loppement et intégrés au lieu d’agir
sur les causes structurelles qui pro-
duisent de l’inégalité et des discrimi-
nations. Certains jeunes sont deve-
nus des experts en CV et s’ils ne
trouvent pas de boulot, ce n’est pas
parce que leur CV serait mal rédigé.
« La victimisation est une conséquen-
ce des discriminations et non l'inver-
se. Attention à l’inversion des causes
et des conséquences ».
« Il faut arrêter la démarche com-
parative avec les Italiens, les Portu-
gais ou les Polonais. D’une part parce
que les discriminations antérieures
n'avaient pas de passif ni d’héritage
avec la société française. D’autre
part parce qu’il n’y a pas de violence
contre les Maghrébins comme il en
existait contre les Italiens ou les
Portugais. Ce n'est donc pas l'am-
pleur du rejet qui est en cause, c’est
sa reproduction transgénérationnelle
qui introduit une différence »
De plus il serait erroné de croire que
les discriminations ne seraient le
fait que de quelques racistes invété-
Saïd Bouamama, sociologue, chargé de recherche à l’IFAR
« Les discriminations ne sont pas un héritage mais une construction »
Saïd Bouamama, sociologue
(IFAR)
Enjeux et méthode
rés. « Ce n'est pas une pratique mar-
ginale de quelques méchants qu’il
suffirait de mettre de côté. Si nous
nous focalisons sur quelques mé-
chants, nous n'interrogeons pas nos
procédures de recrutement et nos
pratiques ». Le fait de ne pas pren-
dre en compte l'aspect systémique
des discriminations, nous conduit à
n’envisager que des actions partielles
et ponctuelles.
Une stratégie de long terme
La lutte contre les discriminations
pour un centre social ne peut être un
simple programme d’actions supplé-
mentaire. Cela doit s’inscrire dans
une stratégie de long terme et rele-
ver d’une actualisation des valeurs
d’éducation populaire. Et, même si
c’est long et même si ça doit provo-
quer des résistances, cela doit mobi-
liser l’ensemble des acteurs du cen-
tre social car les discriminations, ce
n’est pas seulement l’affaire des au-
tres, c’est aussi notre
affaire. Un centre so-
cial, parce qu’il ne vit pas
sur une autre planète,
peut être aussi produc-
teur de discriminations
dans sa façon d’accueillir
ou d’inscrire le public ou
de réagir aux témoigna-
ges de discrimination.
Enfin pour Saïd Bouama-
ma, promouvoir la diver-
sité ne règle pas les pro-
blèmes de discrimination car diversi-
té et égalité, ce n’est pas la même
chose. « La seule diversité qui vaille
doit être articulée à l'égalité. Dans
l'organigramme d'une structure
quelle qu’elle soit, il faut repérer à
quel niveau sont les Noirs, les Ara-
bes et les Femmes ».
Après avoir rappelé le constat fait
par le mouvement féministe améri-
cain du fait que les travaux en socio-
logie avaient tendance à sous-
estimer les discriminations sexistes,
À l’épreuve des discriminations Page 11
Enjeux et méthode
Saïd Bouamama explique en conclu-
sion qu’une mobilisation des person-
nes issues de l’immigration et des
quartiers périphériques est essen-
tielle. Il est fondamental que les
premiers concernés prennent la pa-
role et participent à cette prise de
conscience nécessaire de la société.
P our Eric Di Salvo, directeur
de la maison de quartier de
Basse Ville à Dunkerque, le
plan stratégique de lutte
contre les discriminations est un
plan territorial, puisqu’il concerne
la ville de Dunkerque et un secteur
qui va de Saint-Pol-sur-Mer jus-
qu’aux portes de Leffrinckoucke.
Trois Centres Sociaux ont d’abord
répondu à l’appel de la direction
générale de la jeunesse, avant que
les quatorze maisons de quartier
et un centre social de Saint-Pol-
sur-Mer ne décident de s’engager
à leur tour.
« Ce fut l'occasion, observe-t-il,
d'intégrer dans nos diagnostics, ce
qui n’avait jamais été le cas, la
question de la lutte contre les dis-
criminations. C’est ainsi que nous
nous sommes rendus compte que,
alors que nous nous présentons
comme représentatifs du quartier,
tous les habitants n’étaient pas
forcément représentés au centre
social, ne serait-ce qu’au travers
de certaines de nos activités. A
contrario, certaines catégories de
populations étaient surreprésen-
tées et même parfois de façon ex-
clusive dans certaines activités ».
« Nous avons donc décidé d’inscri-
re dans notre projet, qui a été ré-
digé fin 2008 et validé en 2009, la
lutte contre les discriminations.
Cela nous a amenés à revisiter cer-
taines actions et à envisager des
actions nouvelles. Et il est impor-
tant dès la phase de diagnostic
d’intégrer tout de suite parmi les
objectifs la dimension de la lutte
contre les discriminations et d’y
associer l’ensemble de nos parte-
naires ».
A Wattrelos – Wasquehal, explique
Patrick Francke, directeur du cen-
tre social l’Avenir à Wattrelos, il y
a d’abord eu un groupe de pilotage
qui a été mis en place au niveau de
quatre Centres Sociaux. Après la
phase de diagnostic, nous avons
organisé un séminaire qui a rassem-
blé une centaine de personnes à
Wasquehal. Il est important faire
en sorte que tout le monde
(salariés, bénévoles, usagers, admi-
nistrateurs) soit au même niveau
de formation et les ateliers de ce
séminaire ont représenté une véri-
table formation en quittant la di-
mension sociologique pour s’inté-
resser à ce que les gens vivent sur
Page 12 Les Centres Sociaux
le terrain. Cela rejoint la démarche
d’éducation populaire qui est celle
du réseau. Et nous organisons pro-
chainement une table ronde avec la
participation de toute une série
d’acteurs extérieurs dans le sec-
teur de l’emploi et du logement.
« Au départ, nous aurions souhaité
associer également la Mission loca-
le, le Plan local d’insertion et la
Chambre de Commerce et d’Indus-
trie, raconte Mostafa Ghezal, le
directeur du centre social du cen-
tre ville de Cambrai. Mais finale-
ment nous avons construit notre
plan avec la seule ville de Cambrai
en associant plusieurs Centres So-
ciaux dans le cadre d’une démarche
coopérative. Au fur et à mesure
que nous avons construit notre
plan, nous nous sommes rendus
compte que, avant d’aller interpel-
ler l’extérieur, nous avions tout un
travail à faire en interne aussi bien
au niveau de l’accueil que de la
composition de nos conseils d’admi-
nistration ou de notre organigram-
me. Et à la rentrée, nous allons en-
gager tout un travail en direction
des entreprises et de la chambre
de commerce et d’industrie ».
Centres sociaux du Nord
Présentation de La boîte à agir
Patrick Francke, directeur du
centre social du Laboureur de
Wattrelos
L’implication des territoires
Mostafa Ghezal, directeur du centre
social du centre ville de Cambrai
Vice-présidente du Conseil Régio-
nal du Nord – Pas-de-Calais, en
charge de la citoyenneté et des
partenariats associatifs, Ginette
Verbrugghe était fière de soutenir
une opération particulièrement
originale et innovante, peu habi-
tuelle au regard de ce que l’institu-
tion régionale finance habituelle-
ment.
« Les discriminations liées à l'ori-
gine, parce qu’elles sont profondé-
ment iniques et peu reconnues, en-
traînent une souffrance sociale
destructrice ou génératrice de
violences. Les processus de discri-
minations liées à l'origine sont sou-
vent complexes, difficile à identi-
fier et à décortiquer. Il peut
s'agir de discriminations directes,
le plus souvent illégales, ce n'est
pas pour cela qu'elles n'existent
pas, ou de discriminations indirec-
tes plus difficiles à cerner puisque
résultant d'attitudes, de procédu-
res, de normes ou bien encore de
discriminations systémiques qui
sont le produit d'une accumulation
de discriminations qui finissent par
faire système. L’idée même de dis-
crimination va à l'encontre de no-
tre principe d'égalité républicaine
et remet en question le fonction-
nement de notre société basé sur
la notion de réseau ou de coopta-
tion via les réseaux familial, rela-
tionnel ou professionnel.
« S'attaquer aux fondements des
discriminations liées à l'origine,
c'est d'abord dépasser le déni. Il
faut admettre que ces comporte-
ments existent, il faut aussi claire-
ment les cerner sans noyer le pois-
son en les incluant dans un discours
global sur l'exclusion. Enfin il est
essentiel de ne pas céder au senti-
ment d'impuissance ni de remettre
à plus tard la recherche de solu-
tions. La discrimination est
d'abord une question de comporte-
ment. La dessus nous pouvons tous
agir là où nous sommes et quel que
soit notre statut ».
Pour Ginette Verbrugghe, il est
essentiel que ce travail soit mené
de façon collective car, dans une
équipe ou les services d’une insti-
tution, « s'attaquer au problème
des discriminations liées à l'origine
requiert une prise de conscience,
une réflexion et une mobilisation
de tous. Quelle que soit sa déter-
mination et son engagement, une
personne isolée ne pourra pas
beaucoup avancer sans ses collè-
gues ou ses partenaires. Et cette
réflexion collective doit être déve-
loppée de façon transversale entre
élus et militants associatifs, sala-
riés et bénévoles. La boîte à agir
peut être un outil précieux ».
Ensuite, poursuit Ginette Ver-
brugghe, la politique publique de
citoyenneté avec un volet impor-
tant de lutte contre les discrimina-
tions liées à l'origine, telle que
nous la menons, a besoin du soutien
de la société civile. « L'action pu-
blique a besoin de vous, c'est-à-
dire de votre capacité à imaginer
et à expérimenter des actions in-
novantes mais aussi de votre capa-
cité à interpeller voire à bousculer
une institution comme la nôtre.
C'est dans ce cadre que la Région a
décidé de soutenir votre démarche
en vous aidant notamment à diffu-
ser la boîte à agir ».
Et Ginette Verbrugghe de se féli-
citer du fait que la méthode pro-
posée soit transférable et qu’il
soit possible d’étendre la démar-
che à un autre collectif de Centres
Sociaux et à d'autres réseaux as-
sociatifs. « Les acteurs de l'édu-
cation populaire et plus largement
les acteurs associatifs peuvent
devenir exemplaires sur cette en-
jeu sociétal décisif pour le déve-
loppement de la cohésion sociale ».
Rappelant que notre région dispose
également d’autres outils qui tra-
vaillent sur ces démarches comme
l’IFAR ou l’IEP de Lille, Ginette
Verbrugghe conclut : « pourquoi ne
pas imaginer que des institutions,
et pourquoi pas la Région, se saisis-
sent aussi de cet outil pour travail-
ler sur leurs propres comporte-
ments. Cela passerait par des for-
mations des élus et des techni-
ciens des services. Cela permet-
trait un regard nouveau sur notre
À l’épreuve des discriminations
Ginette Verbrugghe, vice-présidente du Conseil Régional :
une démarche de fond dont pourrait s’inspirer la Région
Page 13
Région Nord - Pas-de-Calais
Ginette Verbrugghe, vice-
présidente du Conseil régional en
charge de la citoyenneté et des
partenariats associatifs
Suite page 14
Compte rendu de la journée d’études du 24 juin 2009 « Les Centres Sociaux contre les discriminations « réalisé pour le compte de la Fédération des Centres Sociaux du Nord
mocratie, solidarité, di-
gnité. Le rôle de la fédé-
ration nationale, c’est de
soutenir la production
d’outils comme cette boî-
te à agir, qui est la pre-
mière du genre et de
contribuer à sa diffusion
dans le réseau et auprès
de nos partenaires.
Afficher notre investissement
dans la lutte contre les discrimina-
tions devient une incitation forte
pour nous-mêmes, pour changer
notre regard ; c’est aussi un mes-
sage adressé aux habitants et aux
pouvoirs publics ; c’est capitaliser
des pratiques et des transferts et
c’est intégrer dans la formation
nationale, la formation à la lutte
contre les discriminations. C’est
enfin assurer l'ancrage de nos ac-
tions contre les discriminations
dans le projet centre social parti-
cipatif. La lutte contre les discri-
minations devient ou est déjà un
axe prioritaire du projet social des
centres ».
Il revenait à Mostafa Ghezal, ad-
ministrateur de la fédération des
Centres Sociaux du Nord (et di-
recteur d'un centre social à Cam-
brai) de conclure cette journée.
« Le premier centre social a été
créé il y a 125 ans. L’histoire des
Centres Sociaux est un perpétuel
recommencement. Aujourd’hui la
« Nous avons pu voir
aujourd’hui, avec la
participation de nom-
breuses régions, com-
ment le réseau des Centres So-
ciaux s'appropriait et travaillait
sur cette question de la lutte
contre les discriminations » a sou-
ligné dans son propos de conclusion
Marie-Thérèse Hercule, adminis-
tratrice nationale à la fédération
nationale des Centres Sociaux,
chargée de la lutte contre les dis-
criminations. « Le réseau des Cen-
tres Sociaux, c'est un ensemble
composé majoritairement d'asso-
ciations. Leur adhésion à la fédéra-
tion départementale puis à la fédé-
ration nationale est une adhésion
totalement libre. Il n'y a donc pas
une armée de Centres Sociaux
obéissant à des injonctions natio-
nales. S’agissant du financement,
qui peut induire une forme d'ins-
trumentalisation, c'est vrai que l’on
répond aux demandes et aux pro-
positions qui nous sont faites mais
cet argent que l’on reçoit, on s’en
sert pour créer du lien social et
pour améliorer le mieux vivre en-
semble sur nos territoires ».
« Pour la fédération nationale, la
lutte contre les discriminations
relève pleinement de notre charte
fédérale et de nos valeurs fonda-
mentales qui se traduisent concrè-
tement dans notre mode d’inter-
vention dans les territoires : dé-
lutte contre les discriminations
réinterroge le projet de centre
social. On qualifie le projet et on
qualifie les acteurs. On s'appuie
sur nos valeurs et on redonne de
l'épaisseur au concept d’égalité.
Agir contre les discriminations,
c’est agir sur l'environnement, en
interne et en externe. Le centre
social doit éclairer le chemin, il
doit être producteur d'innovations
sociales ; il doit être en réseau
avec les acteurs culturels et socio-
économiques ; il doit être en parte-
nariat avec la CAF, le départe-
ment, la ville, la CCI, la chambre
des métiers, l'ACSE, l'État et les
organismes de formation. Le cen-
tre social doit être un outil de dé-
veloppement social local, qui empê-
che la reproduction sociale des
inégalités. A nous de nous bouger
et de nous mobiliser contre les
discriminations liées à l’origine
sans oublier les autres et de faire
le lien contre les exclusions socia-
les ».
Propos de conclusion
Suite de la page 13
action publique ».
« Si le Nord-Pas-de-Calais est pré-
curseur sur ces démarches, ça n'est
sûrement pas par hasard. C’est le
fruit d'un travail de fond mené
conjointement par des institutions,
des universitaires et des praticiens
de terrain. Ce travail s'inscrit dans
la durée. Nous ne sommes pas sur
une opération ponctuelle de marke-
ting ou d'affichage mais sur une
démarche en profondeur pour la-
quelle on se donne du temps pour
avancer et pour agir »