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Master of Advanced Studies in Children’s Rights (2005–2006) INSTITUT UNIVERSITAIRE KURT BÖSCH – UNIVERSITY OF FRIBOURG Les droits de l’enfant dans l’arène politique fédérale suisse L’exemple de la loi sur l’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille Clara Balestra Thesis submitted in the framework of the Master of advanced Studies in Children’s Rights March 2007 Tutor: Prof. Dr. Frédéric Darbellay

Les droits de l’enfant dans l’arène politique fédérale suisse

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L’exemple de la loi sur l’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille

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Master of Advanced Studies in Children’s Rights (2005–2006)INSTITUT UNIVERSITAIRE KURT BÖSCH – UNIVERSITY OF FRIBOURG

Les droits de l’enfant dans l’arène politique fédéralesuisse

L’exemple de la loi sur l’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille

Clara Balestra

Thesis submitted in the framework of theMaster of advanced Studies in Children’s Rights

March 2007Tutor: Prof. Dr. Frédéric Darbellay

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‘La libertà non è star sopra un alberoe nemmeno il volo di un mosconela libertà non è uno spazio libero

libertà è partecipazione’

Giorgio Gaber

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Remerciements

Je remercie tout particulièrement les personnes suivantes :

Mme Louisette Hurni-Caille pour les informations qu’elle m’a apportées et son soutien toutau long du travail.

Mme Joan E. Durrant, M. Franz Ziegler, M. Peter Newell et M. Ake Edfeldt pour le tempsqu’ils m’ont consacré et les informations précieuses qu’ils m’ont transmises.

Mme Hauri de l’Association pour la protection de l’enfance (ASPE) pour ses réponses et sesrenseignements. Mme Vermot et M. Martin pour avoir répondu à ma correspondance.

J’adresse également mes remerciements particuliers à M. Jean-Paul Salamin pour sarelecture, ses commentaires juridiques et ses conseils.

Un remerciement particulier à Mme Martine Lachat pour ses conseils juridiques.

J’aimerais aussi remercier M. Karl Hanson, mon professeur, et M. Frédéric Darbellay, montuteur.

Je souhaite remercier aussi toute ma famille :

M. Denis Ballestraz pour sa relecture du texte français et M. Mario Balestra pour celle dutexte anglais et pour les traductions des textes allemands.

Les familles Balestra et Ballestraz pour leur baby-sitting, leur aide logistique et leur soutienmoral.

Mon conjoint M. Serge Ballestraz pour ses modèles graphiques, sa correction du texteanglais et son soutien à toute épreuve et mes enfants Nerio et Ella Anna pour leur patience etleur bonne humeur.

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Table des matières

Page

Remerciements ii

Table des matières iii

Summary vi

Introduction 11. Méthodologie 42. Un modèle national de la prise de décision politique 4

Chapitre I : Le système de prise de décision politique 7

1. L’arène politique 7

2. Les acteurs politiques 72.1 L’Etat 72.1 Les parlementaires 112.1 La société civile 122.1 Le système judiciaire 132.1 La communauté internationale des droits de l’homme 13

3. Synthèse et conclusion 14

Chapitre II : L’enfant, ses droits et la représentation politique 15

1. Les images de l’enfant 151.1 L’image traditionnelle : l’enfant et ses besoins 151.2 L’image actuelle : l’enfant et ses intérêts 17

2. Les droits politiques et les enfants 19

3. La représentation politique des enfants et sa légitimité 20

4. La marginalisation des enfants 24

5. Synthèse et conclusion 25

Chapitre III : La Suisse et la loi contre les châtiments corporels 27

1. La loi sur l’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille 271.1 Les motivations du choix de la loi 281.1 Les causes de l’emploi de la force dans l’éducation des enfants 29

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2. Les normes internationales et les mécanismes de contrôle 302.1 L’Organisation des Nations Unies 31

2.1.1 La Convention des droits de l’enfant 312.1.1 Le Comité des droits de l’enfant 312.1.1 Les autres organes onusiens des droits de l’homme 32

2.1 Le système européen des droits de l’homme 322.1.1 Le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe 322.1.1 Le parlement du Conseil de l’Europe 322.1.1 La Cour européenne des droits de l’homme 322.1.1 Le Comité européen des droits sociaux 33

3. La Suisse et la loi sur l’interdiction totale des châtiments corporels 333.1 La situation légale 33

3.1.1 Les obligations internationales 333.1.1 Les normes nationales 34

3.2 Historique de la campagne pour l’adoption de la loi 35

4. Les prises de position face à la loi contre les châtiments corporels 384.1 Les avis favorables 38

4.1.1 Les arguments normatifs 384.1.1 Les arguments empiriques 39

4.1 Les avis contraires 404.1.1 Les arguments normatifs 404.1.1 Les arguments empiriques 41

5. Les acteurs politiques en Suisse 415.1 Le gouvernement 425.2 Les parlementaires 445.3 La société civile 465.4 Le système judiciaire 475.5 La communauté internationale des droits de l’homme 48

6. Le modèle suisse de la prise de décision 49

Chapitre IV : La Suède et la volonté du gouvernement 50

1. La Suède et la loi sur l’interdiction totale des châtiments corporels 501.1 La situation légale 50

1.1.1 Les obligations internationales 501.1.1 Les normes nationales 50

1.1 Historique de la campagne pour l’adoption de la loi 501.1.1 Le processus social et politique 52

2. Les acteurs politiques en Suède 532.1 Le gouvernement 532.2 Les parlementaires 542.3 La société civile 552.4 Le système judiciaire 562.4 La communauté internationale des droits de l’homme 562.4 Les experts 562.7 Les instituts nationaux des droits de l’homme (NHRI) 57

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3. Le modèle suédois de la prise de décision 57

Chapitre V : Le Royaume Uni et l’importance de la société civile 59

1. Le Royaume Uni et la loi sur l’interdiction totale des châtiments corporels 591.1 La situation légale 59

1.1.1 Les obligations internationales 591.1.1 Les normes nationales 60

1.2 Historique de la campagne pour l’adoption de la loi 60

2. Les acteurs politiques au Royaume Uni 612.1 Le gouvernement 622.2 Les parlementaires 632.3 La société civile 652.4 Le système judiciaire et les NHRI 662.5 La communauté internationale des droits de l’homme 67

3. Le modèle britannique de la prise de décision 68

Conclusions générales et Propositions 70

Bibliographie 74

Table des abréviations 81

Annexes1. Correspondance avec les acteurs politiques suisses 82

1.1 Mme Hauri ASPE 821.2 M. Martin, UDC 841.3 Mme Vermot, PSS 85

2. Entretien avec Mme Hurni-Caille 883. Entretien avec M. Ziegler 924. Entretien avec Mme Durrant 945. Correspondance avec M. Edfeldt 976. Entretien avec M. Newell 1007. Lettre du gouvernement britannique 1048. Position du Conseil fédéral à la motion de 1996 demandant l’interdiction des châtimentscorporels (96.3176) 106

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Summary

To understand the objectives of the Swiss political parties in power in matters related tochildren’s rights, we viewed parties legislatives political programs for the period 2003 to2007. In doing so, we noticed that almost none of the parties had included children’s issues intheir priorities. The only party mentioning the Convention on the Rights of the Child (CRC)was the Christian Democratic Party (PDC). However, after further research, we locatedchildren’s matters in the family policy of the different parties. From this observation, variousquestions have arisen and concretised themselves in the main question of our document:What is the status of children, and how can their rights be defended on the Swiss federalpolitical arena?

Children don’t have political rights (that is the right to vote and the right to be elected).Therefore, they don’t have access to the political sphere where decisions are taken andresources shared. Is this because children don’t have specific interests to defend? Accordingto the traditional image of children, they are ‘humans in becoming’ who have to be protectedand kept in a privileged place (identified as the family) for their better development. Being‘humans in becoming’, children are deemed incompetent ‘because competence is definedmerely in relation to adults’ praxis’1. The objective is to assist them to become competentand responsible adults. Adults, having already achieved their development, know whatchildren need and how to fulfil these demands. From this point of view, children don’t haveinterests, but needs. Their political participation is not necessary, because adults have thecompetency and the legitimacy to determine children’s needs and to fulfil them.

On the contrary, in a conception where children are considered complete beings and fullyintegrated into society, they are also deemed competent to determine their own interests.According to this image, children have specific interests to defend in the political arena. In ademocracy, multiple social forces are trying to share the limited resources of the State. Inorder to get their share of the resources, children should participate in the political decision-making process. If this is not the case, their life conditions deteriorate.

Social turnovers, which occurred over the last decades, have made the traditional image ofchildren obsolete. In fact, it does not mirror the social reality anymore. Therefore, thosechanges imposed an evolution from the traditional child’s image towards an image of thechild as a subject of rights. This development is meant to continue as it is a consequence ofstructural changes that go beyond the child himself and which include the whole society. It isan evolution of mentalities which occurs at different speeds and to different degreesdepending on nations and social groups. In the current political arena, both conceptions arepresent and find echo in principles contained in the liberal-conservative and the social-democratic ideologies respectively. These two ideologies are rivals on the political scene inthe majority of European countries. The first ideology defends the minimal State and thetraditional society while the second defends equality, freedom to participate and solidaritybetween individuals.

Children’s rights is the international community’s answer to the evolution of children’simage. They are meant to be the guidelines that political representatives gave themselves todefend the interests of the children on the political scene. However, the CRC, whichnormalizes children’s rights, doesn’t grant children political rights, consequently children are

1 Qvortrup Jens (1994), ‘Childhood Matters : An Introduction’, in Qvortrup Jens, Bardy M., Sgritta G.,Wintersberger H. (Eds), Childhood Matters, European Centre Vienna, 1994, p. 4.

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once again marginalized from the political arena. Nevertheless, the CRC concedes themsome political freedoms like the right to express their views in matters concerning them (art.12), the freedom of thought and association (art 14 and 15), the freedom of expression (art.13) and the freedom to have access to information (art. 17). In doing so, the CRC opens abreach in the adults’ monopoly on political decision-making. However, it should be notedthat the inclusion of children, in the political decision-making process, is still subject to thegood will of the authorities who are just supposed to consider children’s point of view.

Beyond their lack of political rights, children will by nature always need representatives todefend their interests in their early years. However, the CRC fails to address the issue ofchildren’s political representation. Indeed, having no right to vote, children can neitherchoose their representatives, nor ask them for accounts. The adults, who claim to speak intheir favour, are self-proclaimed political representatives and have, at the same time, decidedwhich interests to defend first and how to interpret them. Moreover, they are not accountable.Since the CRC does not address the issue and it is a reality political representatives interpretand prioritise children interests according to their own conceptions and influenced by theirown political beliefs, the community of human rights ought to debate the problem of thelegitimacy of the political representation in an elaborated manner2.

To better understand the decision-making process, we worked with a systemic modelcontaining three main political actors in a democratic context : the civil society, thegovernment and the parliamentarians. The relationships between those actors are dynamicand interactive, and are governed by a set of mutual influences. In this dynamic, thegovernment takes the lion’s share because of its executive power, its international legitimacyas well as the evolution of the political system. Its will is fundamental for defending ofchildren’s rights in the political sphere and in conditioned by its political ideology.

In the occidental European countries, the liberal-conservative and social-democraticconceptions compete in the political arena with the purpose of influencing political power.The principles of these philosophies defend two different images of the child, the family andthe role of the State in this relation. The ideologies group together politicians by formingpolitical parties. The elected members of these parties, the parliamentarians, are in the heartof the legislative power. They are elected by the citizens whose aspirations must be takeninto account when wanting to adopt new laws. Organized, this electorate can play its strengthof persuasion to condition the decision-making process.

The decision-making process relating to adoption of laws is characterised by a circulardynamic between the three actors. As we speak about the law on banning the corporalpunishment in the home, two other actors are moreover determinant in the process: thejudicial system, with its law interpretations, and the international community of the humanrights with its restraining treaties’ and its possibility to exercise political pressure on thedifferent actors.

With this model we analysed the decision-making process, which surrounds the law onbanning corporal punishments in the home. Indeed, this law brings to light the conception ofthe child, the family and as well as the role of the State of the politicians, by touching thedifficult debate on the separation of the private and the public sphere. It opposes the liberal-conservative philosophy from the social-democrat one. The first defends a minimalist State

2 Pupavac V. (2006), ‘A critical review of children’s rights in context’, in International InterdisciplinaryCourse in Children’s Rights, Ghent University, December 2006.

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and a traditional view on the family, whereas the second highlights the principles of equality,freedom to participate and solidarity between members of society. Furthermore, this lawhighlights children’s interests from the parents’ one, and in doing so it permits us to analysethe place of children’s rights without them being assimilated to the family. Additionally,children themselves asked for a ban of corporal punishments and nearly all experts andprofessionals unanimously say that physical punishment is detrimental to children. Finally,this law corrects an inequality in children’s protection before the law. Hence, by studying thislaw rather than another one, we attenuate, among others, the problem of the definition ofchildren’s interest.

In the document, we compared the Swiss process to the Swedish and the British one. Theanalyses of differences and similarities between the countries gave us some ideas that couldhelp us answering the central question of our work : What is the status of children, and howcan their rights be defended on the Swiss federal political arena?

In Switzerland, children are almost absent from the political agenda. They are mostlyassimilated to the family, which is in its turn marginalized from the political federal arena.Consequently, children face double discrimination. The analysis of the legal ban on corporalpunishment confirms this : in fact, little or no debate exists around this issue and none of thepolitical actors makes the adoption of this law a priority. By not doing so, they go against theexperts recommendations that find it an effective measure against the ill treatment ofchildren.

The Swiss government is composed of four political parties and the competition between thetwo main ideologies influences its decisions and actions. Constitutionally, the federalgovernment is responsible of civil and penal legislation and for the implementation ofinternational obligations. Cantons are, however, responsible for issues related to children’sprotection and for some family’s issues. The heterogeneous composition of the Swissgovernment, the share of competences between federal and cantonal level on children andfamilies’ issues, as well as the predominance of the liberal principle on the protection of theprivate sphere, limits the government’s will to take a stand in children’s matters. Thissituation hampers the creation of a coherent national family policy. The latter couldconstitute the political area where a debate around children, as subjects of rights, could takeplace and be the first step for a gradual introduction of children’s rights notion in the politicalarena and on the political agenda.

The Swedish example tells us about the central role that needs to be played by thegovernment. Its involvement is fundamental to achieve a shift of mentalities. Based on thesocial-democratic principles, the Swedish government, due to its political stability and itslong stay in power, inspired the other political actors with its conception of the child, thefamily and the State. It also put children’s interests at the centre of the government’spreoccupations and made children’s rights a mainstreamed perspective with which children’sissues are politically addressed. The debate around the law on banning corporal punishmentwas integrated in a larger vision of the family and society and resulted in coherent policies onsocial, family and children issues.

The British situation teaches us that civil society has a stake in the process of formingpolitical will. Well organised in a coalition where all relevant sectors are included(professionals, scientists, administrations, NGOs, …) and with a common clear objective,civil actors can positively influence and defend of children’s rights on the political arena.This influence is enhanced by the support of the international community of human rights. In

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fact, the latter has put pressure on the British government to fulfil its obligations followingthe judgment of the European Court (A v. UK), to ban corporal punishment also at home.Furthermore, all the regional and international human rights institutions have made the banon corporal punishment a priority in their fight towards violence against children.

Proposals

In the Swiss political arena, the defence of the children’s interests is a new topic, whichdemands to introduce innovations. In fact, the traditional image of the child is linked with thenotion of needs. The latter do not demand a political engagement because their determinationis done by competent adults whom don’t need to submit to a process of accountability.

In this matter, we propose to:- Extend the analyses of the decision-making process to other legislation (ex. the recent

reform of the penal code), other countries (ex. Germany, Austria) and other actors (asthe cantons and the medias);

- Continue to innovate in children political participation experiences;- Improve the representative political system by :

o continuing to stimulate the debate on the legitimacy of the politicalrepresentation in the human rights discourse, about :

the pertinence of children’s rights in the political defence of children’sinterests

the predominance of human rights activists and the place of parents inthis new pattern of political representation

the creation of an accountability system for the politicalrepresentatives

o arousing the interest of the traditional political actors on the children’sspecific interests in order to enable them to defend their interests on thefederal arena, particularly in the government and its administration, by forexample make it accountable in its national and international obligations.

o introducing new political actors, such as the National human rights institutions(NHRIs) recommended by the Committee on the rights of the child.

o according political rights to children by inventing a new representationsystem, for example by giving children’s legal representatives the right to votefor them.

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IntroductionEn voulant rechercher des informations sur la situation économique des enfants en Suisse,nous nous rendons sur le site de l’Office fédéral de la statistique3 et lançons une rechercheavec les termes ‘pauvreté enfants’. Un document s’affiche qui parle, entre autre, de lapauvreté des familles. Ce texte explique que les personnes de la tranche d’âge entre 30 et 39ans voient leur revenu diminuer à cause de la naissance de leurs enfants. Il n’est fait aucunemention des enfants dans cette étude car les données commencent à être prises dès l’âge de20 ans4. Intrigués par cette absence, nous poursuivons la recherche sous le terme ‘enfant’ etle premier document qui apparaît s’intitule : ‘Femmes sans enfants’5.

Au-delà de la simple recherche d’informations, l’absence des enfants dans les statistiquesfédérales sur la pauvreté peut être révélatrice d’une situation problématique plus profonde quinous conduit à nous poser un certain nombre de questions importantes sur le statut desenfants dans le contexte politique suisse : Comment les politiciens abordent-ils la questiondifficile de la pauvreté infantile sans pouvoir bénéficier de données établies et fiables ?

Partant de cette interrogation, nous avons passé en revue les programmes politiques 2003-2007 du Conseil fédéral et des partis politiques au pouvoir afin de comprendre leurs objectifsen matière de politique de l’enfance. Il faut bien reconnaître qu’il existe une véritableabsence du thème de l’enfance. Après quelques recherches infructueuses, c’est dans lesecteur de la politique familiale que, finalement, quelques indications intéressantes sontapparues. Il faut noter que seul le Parti démocratique chrétien (PDC) cite explicitement, dansson programme, la Convention des droits de l’enfant (CDE) ; pour les autres partis politiquesau pouvoir - Parti libéral démocrate (PLD), Union démocratique du centre (UDC), Partisocialiste suisse (PSS), l’enfant n’est pas à l’ordre du jour de l’agenda politique.

A partir de ce constat, plusieurs questions se sont fait jour qui se sont télescopées pourfinalement se cristalliser dans celle qui est le fondement de notre travail : ‘Quel est le statutdes enfants et comment défendre leurs droits dans l’arène politique fédérale suisse ?’

Les enfants ne sont pas en soi des citoyens, au sens où ils ne bénéficient pas de droitspolitiques - les droits de vote et d’éligibilité. Ils n’ont donc pas accès à l’arène politique oùles décisions sont prises et les ressources partagées. Peut-on dire pour autant qu’ils n’ont pasd’intérêts propres à défendre ? Selon la conception traditionnelle, les enfants sont des êtres endevenir qui pour leur développement doivent être protégés et sont donc gardés dans ununivers familial. N’ayant pas terminé leur développement, ils sont incompétents ‘becausecompetence is defined merely in relation to adults’ praxis’6. Il incombe donc aux adultes desatisfaire leurs besoins : le but étant de les aider à se transformer en adultes compétents etresponsables, qui mieux qu’un adulte peut savoir de quoi ils ont besoin ? Dans cetteconception, les enfants n’ont pas d'intérêts mais des besoins. Le problème de leurparticipation à la prise de décision politique ne se pose pas car ce sont les adultes qui savent,

3 Office fédéral de la statistique, sur : http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index.html4 Niklowitz Matthias, Suter Christian (2002), ‘Etapes de la vie et situations de pénurie’, in La sécurité socialedans les faits, Office fédéral de la statistique, juillet 2002 , n° 7, Neuchâtel, p. 19-21.5 Office fédéral de la statistique, (consulté la dernière fois le 23.02.07) sur :http://www.search.bfs.admin.ch/index.php?type=simple_query&query_words=enfant&lang_restriction=fr&lang=fr&subcollection_2%5B%5D=%23c_2_0_fr.6 Qvortrup Jens (1994), ‘Childhood Matters : An Introduction’, in Qvortrup Jens, Bardy M., Sgritta G.,Wintersberger H. (Eds), Childhood Matters, European Centre Vienna, 1994, p. 4.

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en étant adultes, ce dont les enfants ont besoin et qui s’organisent pour combler leursexigences.

Pourtant, dans la perspective où les enfants sont des êtres à part entière et sont partieintégrante à la société, ils participent à son fonctionnement grâce à leurs compétences,compétences qui leur permettent de participer à la détermination de leurs intérêts. Selon cetteconception, l’enfant a des intérêts qui demandent à être défendus sur la scène politique. Pourassurer cette défense, le peuple souverain peut mandater, par souci d’efficacité, desreprésentants. Ce peuple, par contre, n’est pas homogène ; il est composé de différentsgroupes qui essaient de faire valoir leurs intérêts et donc de s’accaparer une tranche desressources limitées de la nation. Les enfants, s’ils veulent défendre les leurs, doiventparticiper à ce partage. Si cela n’est pas le cas, leurs conditions de vie se détériorent.

Les bouleversements sociaux survenus dans les dernières décennies ont fait que l’imageclassique de l’enfant est devenue obsolète ; elle ne se reflète plus dans la société actuelle etdoit être modifiée. Les transformations sociales ont ainsi fait glisser la notion traditionnellede l’enfant vers celle d’un ‘enfant sujet’. Il s’agit d’un cheminement qui se greffe sur deschangements structuraux profonds qui vont au-delà de l’enfant lui-même et qui comprennentla société dans sa totalité. L’évolution des mentalités se produit à des vitesses et des degrésdifférents selon les sociétés et les groupes sociaux. Dans l’arène politique actuelle, les deuxvisions cohabitent et trouvent résonance dans des principes défendus respectivement dansl’idéologie libérale-conservatrice et dans l’idéologie sociale-démocratique, rivales sur lascène politique de la majorité des pays européens.

Les droits de l’enfant sont la réponse de la communauté internationale à l’évolution del’image de l’enfant. Ils sont les lignes directrices que les représentants se sont donnés pourdéfendre les intérêts des enfants sur la scène politique. Cependant, la CDE, qui inclut etformalise les droits de l’enfant, ne donne pas de droits politiques aux enfants en les excluantencore une fois de la citoyenneté. Elle leur octroie toutefois des libertés politiques – droitd’exprimer leur opinion dans des questions qui les concernent (art. 12) ; la libertéd’expression (art. 13) ; la liberté de pensée et d’association (art. 14 et 15) et le droit des’informer (art. 17). Elle ouvre ainsi une brèche dans le monopole des adultes sur la décisionpolitique. Toutefois, la participation des enfants à la formation de la volonté politique estencore soumise au bon vouloir des autorités qui sont simplement tenues à prendre enconsidération leurs points de vue.

Ainsi, les enfants pour défendre leurs intérêts doivent recourir au système de représentationpolitique. Là aussi, la CDE ne les aide pas. En effet, n’ayant pas le droit de vote, ils nepeuvent pas choisir leurs représentants ni leur demander des comptes. Les adultes, qui parlenten leur faveur, s’autoproclament représentants politiques des enfants et, en même temps, ilsdécident quels intérêts défendre en priorité et comment les interpréter. Ils ne doivent decomptes à personne et personne ne leur en demande. La CDE n’a pas traité le problème de lalégitimité de la représentation politique et la communauté des droits de l’homme se doit de ledébattre de manière approfondie7.

Le représentant politique défend ainsi les intérêts qu’il croit importants. Cette importancedépend de sa conception de l’enfant qui est directement influencée par son expérienced’enfant. Tout le monde a une expertise empreinte d’émotions dans ce domaine, ce qui réduitla possibilité de compromis et remet en question l’avis des experts, en entravant donc la prise 7 Pupavac V. (2006), ‘A critical review of children’s rights in context’, in International Interdisciplinary Coursein Children’s Rights, Ghent University, December 2006.

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de décision. Dans ces conditions, une modification d’image, bien qu’inéluctable, devient unprocessus long et périlleux. Une explication de l’absence des enfants dans les statistiques dela Confédération sur la pauvreté peut se trouver dans la prépondérance de la notion classiquede l’enfant dans le monde politique suisse.

Pour mieux comprendre le système de formation de la volonté politique et la place que lesenfants y jouent, nous optons dans ce travail pour un modèle systémique avec trois acteurspolitiques principaux, dérivés du principe ‘gouvernement du peuple, par le peuple et pour lepeuple’8. Il s’agit du peuple lui-même, nommé société civile, et ses représentants, c’est-à-direles parlementaires et le gouvernement. Les relations entre ces différents acteurs sont desréseaux d’interactions régis par des jeux d’influences, dans lesquels le gouvernement se taillela part du lion ; les parlementaires décident selon les principes de leur philosophie politiqueet la société civile a le pouvoir ‘de vie et de mort’ sur ses représentants, organisée elle a deplus la possibilité d’influencer la décision politique par sa force de persuasion.

Avec ce modèle, nous nous proposons d’analyser le processus d’adoption de loi surl’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille. En effet, cette loi met enévidence la conception de l’enfant, de la famille ainsi que du rôle de l’Etat du décideur, entouchant le débat difficile de la séparation de la sphère publique et privée. Elle oppose aussila théorie libérale-conservatrice aux principes sociaux-démocrates. La première défend unEtat minimal et une famille traditionnelle où l’enfant est un membre soumis aux droits desparents. La seconde met en avant l’égalité entre les membres de la société, la liberté departicipation et la solidarité entre les individus. Par ailleurs, cette loi oppose les intérêts desenfants à ceux des parents, ce qui nous permet de comprendre la place des droits de l’enfantdans leur spécificité sans les assimiler à l’ensemble des intérêts familiaux. Elle a aussi lemérite d’être une loi qui va dans l’intérêt des enfants – selon l’opinion des enfants eux-mêmes et les experts s’entendent pour le dire. Enfin, elle redresse une inégalité devant la loientre les enfants et les adultes, quant à leur protection. Ainsi en étudiant cette loi plutôtqu’une autre, nous atténuons, entre autre, le problème de la définition des intérêts desenfants.

Nous comparons ensuite la situation suisse aux modèles suédois et britannique. L’analyse desdifférences et des similitudes entre pays nous donnera quelques pistes de réflexion quipourront nous aider à trouver des solutions à la question centrale de ce travail : ‘Quel est lestatut des enfants et comment défendre leurs droits dans l’arène politique fédérale suisse ?’.

En Suède, l’adoption de la loi en 1979 se caractérise par l’importance de la volonté dugouvernement qui a permis, d’une part, d’inspirer les autres acteurs politique avec sa visionde l’enfant, de la famille et du rôle de l’Etat ; d’autre part, de mettre les enfants au centre despréoccupations de l’Etat. Le modèle britannique, pour sa part, souligne le pouvoir depersuasion de la société civile qui, organisée dans une coalition solide et permanente autourd’un but précis, peut conditionner la décision politique.

Dans le premier chapitre nous exposerons le modèle systémique qui nous aidera dansl’analyse. Dans le deuxième, nous contextualiserons la problématique de l’enfant face aupolitique. Dans le troisième, nous analyserons le modèle suisse en le comparant avec lethème plus général de l’introduction de la loi sur l’interdiction des châtiments corporels ausein de la famille. Dans le quatrième, nous décrirons le processus de décision suédois et, dansle chapitre suivant, nous ferons de même avec le processus britannique. Enfin, la conclusion

8 Constitution française, art. 2.

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présentera quelques propositions visant à introduire les droits de l’enfant dans l’agendapolitique fédérale suisse.

1. Méthodologie

Pour atteindre notre objectif, nous avons procédé à un travail d’analyse systémique etcomparative. Ainsi, trois pays seront comparés à l’aide d’un modèle systémique complexe àacteurs multiples. Plusieurs disciplines scientifiques seront mises à contribution, telles queles sciences politiques, la sociologie, le droit et la philosophie.

Le modèle choisi comprend des systèmes humains et sociaux à décideurs multiples qui sonten concurrence et qui emploient des procédures de marchandage et de négociation pouratteindre leurs buts personnels et le bien commun. Ce dernier est définit par chacun selon sapropre conception de la société9. C’est dans la complexité des interactions entre les sous-systèmes et leur superposition que résident les difficultés d’analyse et de rédaction de cetravail. Les concepts et les définitions se chevauchent et il est possible qu’un concept soitemployé avant sa contextualisation.

Par ailleurs, pour comprendre pourquoi les droits de l’enfant n’apparaissent pas dansl’agenda politique suisse, nous avons demandé aux principaux acteurs politiques suisses leuropinion et leur stratégie en ce qui concerne l’adoption d’une loi sur l’interdiction deschâtiments corporels au sein de la famille, à savoir le Département de l’intérieur de laConfédération, les partis politiques au pouvoir - Parti démocratique chrétien (PDC), Uniondémocratique du centre (UDC), Parti socialiste suisse (PSS) et Parti radical démocratique(PRD) - et deux organisations non gouvernementales qui s’occupent de protection del’enfance à travers, entre autre, du lobbying politique - l’ASPE et la Pro Juventute. Nousavons aussi contacté Mme Vermot, la conseillère nationale qui a déposé l’initiativeparlementaire de mars 2006 à ce sujet. La Confédération, l’UDC et l’ASPE nous ont répondu- un représentant pour chaque acteur politique10.

Afin d’améliorer nos connaissances sur les différents contextes étudiés et le débat général surl’interdiction des châtiments corporels, nous avons écrit à des référents, dont lesprésentations se trouvent dans les annexes correspondantes avec la transcription desentretiens téléphoniques11 et/ou les échanges de correspondance :

- Suisse : Mme Hurni-Caille et M. Ziegler (Annexe 2 et 3),- Suède : Mme Durrant et M. Edfeldt (Annexe 4 et 5),- Royaume Uni : M. Newell (annexe 6).

2. Un modèle national de la prise de décision politique

L’arène politique nationale, limitée pour ce travail à la seule adoption d’une loi, est lesystème que nous cherchons à analyser et qui peut se définir par le parlement au sens large.La structure du système est définie par des sous-systèmes, les acteurs politiques, qui se

9 Introduction à la systémique, Encyclopédie en ligne Wikipédia, (consulté le 31.01.07) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/Introduction_%C3%A0_la_syst%C3%A9mique.10 Annexe 1.11 Les idées données par nos interlocuteurs ont été reformulées par l’auteure et transcrites dans les annexescorrespondants.

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différencient par leur organisation et leur fonction et qui interagissent dans le but commund’une prise de décision, notamment l’adoption d’une loi.

Le système étant centré sur parlement, nous prenons en compte les parlementaires qui ysiègent, le gouvernement qui propose et influence les lois à adopter et la société civile quiagit pour faire valoir ses opinions. De plus, le système judiciaire national et la communautéinternationale des droits de l’homme influent sur la formation de la volonté nationale pour lethème qui nous occupe, c’est-à-dire la loi contre les punitions corporelles à la maison12. Lagrandeur des cercles témoigne de l’importance de chaque acteur à la lutte contre leschâtiments corporels au sein de la famille et non de leur influence sur la décision prise. Nousallons ainsi souligner la volonté d’agir et la force de certains groupes à l’intérieur de chaquesous-système, malgré le fait qu’il n’existe pas une unanimité d’opinion dans le sous-systèmelui-même. Par ailleurs, les flèches décrivent les interactions continuelles entre les différentsacteurs nationaux, plus importantes entre les trois acteurs principaux. Le caractère secondairedu système juridique est schématisé par sa petite taille et celui de la communautéinternationale des droits de l’homme, par le nombre de flèches.

Les interactions entre ces sous-systèmes comportent des liens hiérarchiques que nous neprendrons pas en considération car ils sont pour la plupart réciproques : le peuple élit le

12 Nous choisissons d’exclure les institutions nationales de droits de l’homme (INHR) de ce modèle car peu oupas déterminants dans les Etats comparés au moment de la prise de décision analysée. Ils vont par contre êtrenommés lorsqu’ils seront pertinent. Les media tout en jouant un rôle important dans la formation de la volontépolitique ne font pas partie de notre modèle pour respecter les limites du travail en cours.

Communauté internationale des droits de l’homme

Parlementaires

Société civile

Gouvernement

Système

judiciaireNational

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gouvernement, qui est soumis à sa volonté souveraine. Le gouvernement, à son tour, gère lepeuple qui est alors subordonné au pouvoir étatique.

Le système est complexe car il comporte un haut degré d’organisation et un environnementqui n’est pas fixe. Dans l’arène politique et dans chaque sous-système, les intérêts défendussont multiples et divergents. La société civile, par exemple, comporte des groupes d’intérêtsdifférents, parfois contraires, et dont l’influence est variable. La décision est ainsi prise parnégociation, négociation à son tour conduite par un jeu d’influences. Ce dernier est le refletde la force de persuasion de chaque acteur à un moment donné. Ainsi, institutionnellement,les acteurs politiques se trouvent plus ou moins proches de la prise de décision. Alors que lesparlementaires sont au cœur du processus, la société civile ne l’est qu’indirectement par lesélections, par le lobbying des Organisations non gouvernementales (ONG) ou par l’initiativeet le referendum pour la Suisse. Le gouvernement, pour sa part, participe au processus enproposant des normes et en donnant son avis sur celles qui sont énoncées. Son influence estautrement plus forte que celle d’un seul citoyen ou d’un groupe d’intérêts. Aussi, la force dechaque acteur peut varier selon les circonstances. Pendant une année électorale par exemple,les citoyens gagnent en influence13.

L’environnement dans lequel notre système s’inscrit est changeant. Les sociétés nationales etinternationales évoluent. L’arène politique est perméable aux variations économiques,sociales et culturelles qui en découlent. Les acteurs politiques le sont tout autant. Avec laglobalisation, cette perméabilité n’a fait qu’augmenter. ‘(…) La prise de décision ne suit pastoujours un cours rationnel: des lacunes dans l'information, des contraintes sociales, desréactions émotionnelles, l'actualité, l'urgence et l'incertitude peuvent y jouer un rôle.’14 Nousallons nous attarder sur la place que les intérêts des enfants ont dans ce milieu et essayer d’endéterminer importance.

13 Moekli Silvano (2005), Formation de la volonté politique, in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS),version du 11.02.2005 (traduit de l’allemand), (consulté le 18.01.07) sur : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17367.php.14 Moekli Silvano (2005), op. cit.

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Chapitre I : Le système de la prise de décision politique

Pour faciliter l’analyse des différents contextes nationaux présentés, nous allons introduiredans ce chapitre les différents acteurs politiques pris en considération, en les situant dansl’univers politique de la prise de décision. Afin de comprendre la place des droits de l’enfantsur la scène politique, nous avons choisi d’analyser le processus de prise de décisionaboutissant à l’adoption de la loi décrétant l’interdiction formelle des châtiments au sein de lafamille. Cette loi nous permet de comprendre la place des droits de l’enfant dans leurspécificité sans les assimiler à l’ensemble des intérêts familiaux15.

1. L’arène politique

Le but de ce travail est de comprendre comment les droits de l’enfant peuvent être portés àl’agenda politique suisse et influencer, de ce fait, la prise de décision politique. Pour limiternotre analyse, nous nous sommes bornés au processus de prise de décision au niveau central,en excluant les autres échelons administratifs (ex. Cantons, communes), même si leurinfluence sur la prise de décision centrale est loin d’être négligeable. Notre champ d’analyseest la formation de la volonté politique définie par Moekli comme ‘un processus qui permet,par échange de vues et par jeu d'influences, de parvenir à des décisions collectives àcaractère obligatoire.’16

La décision politique est la conséquence d’une lutte pacifique entre intérêts multiples etconcourants. La politique est ‘la direction du groupement politique que nous appelonsaujourd'hui « État », ou l'influence que l'on exerce sur cette direction.’17 Les démocratiesoccidentales sont basées sur le principe de souveraineté du peuple : ‘gouvernement dupeuple, par le peuple et pour le peuple’18. Ce peuple est formé de groupes sociaux,économiques et culturels divers qui essaient de faire valoir leurs intérêts dans la prise dedécision politique.

Pour ce qui concerne les droits de l’enfant, la CDE donne le mandat à l’Etat d’appliquer lesnormes qu’elle contient. Elle lui demande donc de représenter les intérêts des enfants sur lascène politique nationale.

2. Les acteurs politiques

2.1 L’Etat

Selon Plano et Olton, la définition d’Etat comprend une dimension nationale et unedimension internationale. La première est déterminée par sa géographie (un territoire) et parl’organisation politique qui gère la population qui y vit (institutions politiques). L’Etat est ditsouverain car il détermine librement ses objectifs nationaux et les moyens pour les atteindre.

15 Les motivations de ce choix sont exposées dans le chapitre III.1.1.16 Moekli Silvano (2005), Formation de la volonté politique, in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS),version du 11.02.2005 (traduit de l’allemand), (consulté le 18.01.07) sur : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17367.php.17 Weber Max (1919), Le savant et le politique, Union Générale d’Éditions, Paris, 1963, p.29.18 Constitution française, art. 2.

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La deuxième dimension définit l’Etat par la place qu’il occupe sur l’échiquier international.En théorie, la communauté internationale est formée par des Etats souverains égaux entreeux. En pratique, tant la souveraineté interne que la force d’influence de chaque Etat dans lacommunauté internationale sont déterminées par les lois et les organisations internationales,par la relation de pouvoir entre chaque Etat et par les facteurs circonstanciels quicaractérisent l’environnement national et international à un moment donné19.

L’Etat est donc un sous-système du système politique mondial. Dans ce travail, nous nouslimiterons à analyser l’influence de la communauté internationale sur la prise de décision quinous occupe. Ainsi, nous allons prendre en compte les dispositions internationales sur la loiinterdisant les châtiments corporels au sein de la famille et les prises de position de lacommunauté internationale des droits de l’homme.

Selon tous les traités internationaux, la responsabilité de respecter, de protéger et d’appliquerles droits de l’homme incombe à l’Etat. La Déclaration de Vienne et le Programme d’actionde 1993, énoncent : ‘...it is the duty of states, regardless of their political, economic andcultural systems, to promote and protect human rights and fundamental freedoms.’20 Ainsi,c’est l’Etat que la CDE charge du respect, de la protection et de l’application des droits del’enfant.

Quel est cet Etat tout-puissant ?

Depuis la théorie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu, l’Etat se divise entre troispouvoirs qui se limitent et se contrôlent mutuellement21. Le pouvoir exécutif est dans lesmains du gouvernement ; le pouvoir législatif, dans celles du parlement et le pouvoirjudiciaire appartient aux tribunaux. Ces trois pouvoirs sont indépendants et censéss’équilibrer entre eux. Ils sont la base de l’Etat de droit, un Etat régit par la norme et créépour lutter contre l’arbitraire.

Dans la pratique, les gouvernements sont les institutions en charge d’appliquer les normesinscrites dans la CDE22. Aussi, par l’évolution des institutions :

(L)es gouvernements contemporains ne se cantonnent pas à la seule exécution deslois, mais participent toujours peu ou prou à la fonction législative, à tel point que laséparation des pouvoirs ne se superpose plus à celle des organes. Ainsi, dans tousles États, le centre de gravité du pouvoir politique s’est déplacé du législateur, leParlement, vers le gouvernement, alors même que la théorie politique classiquehéritée des Lumières consacrait la prééminence des représentants élus de la nationen charge de faire la loi. Du fait de ces évolutions, gouverner, au sens large, c’estexercer les pouvoirs normatifs et de contrainte, mais aussi subvenir aux besoinscollectifs par la prestation de services publics. Autrement dit, gouverner signifieexercer les missions de l’État à l’intérieur comme à l’extérieur.23

19 Jack PLANO and Roy OLTON (1988), The International Relations Dictionary, Fourth edition, WesternMichigan University, Clio Dictionaries in Political Science, Santa Barbara, California, 1988, p.277.20 Para. 5.21 Démocratie, Encyclopédie en ligne Encarta 2006, (consulté le 18.01.07) sur :http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761575112_1/démocratie.html.22 Meuwese Stan (2004), ‘The role of Non Governmental Organisations and the Implementation of theConvention on the Rights of the Child : the Case of Defence for Children International’, in Verhellen Eugeen &Weyts Arabella (eds), Understanding Children’s Rights, Ghent University, Chidren’s Rights Centre, 2004, p.505.23 Gouvernement, Encyclopédie Microsoft Encarta en ligne 2006, (consulté le 18.01.07) sur :http://fr.encarta.msn.com/text_761555844___0/gouvernement.html.

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Le gouvernement est ainsi l’acteur politique le plus influent dans notre système. Il estl’élément central du pouvoir politique national. Par ailleurs, ‘la protection des plus faibles estune des tâches primordiales de l’Etat social moderne’24. Les enfants étant vulnérables etmarginaux, comme nous le verrons plus tard, l’Etat se doit de les protéger. Ainsi, il est legarant, à l’intérieur comme à l’extérieur, de la protection des enfants. Il renforce soninfluence sur la prise de décision grâce à la légitimité que lui donne la CDE sur le planinternational et grâce à sa fonction de protection sur le plan national.

Deux questions s’ouvrent alors à nous. D’une part, est-ce que le gouvernement a la volontépolitique d’accomplir ses obligations envers les enfants ? D’autre part, est-ce que sa volontésuffit à elle-même pour appliquer et faire appliquer les intérêts de l’enfant que legouvernement veut défendre ?

La volonté du gouvernement de mettre en pratique ses obligations envers les enfants estdéterminante pour leur application. Il est l’acteur politique plus influent au niveau national etle seul qui, à lui seul, a assez d’influence pour que la question des droits de l’enfant prennede l’importance dans l’arène politique. De plus, il est le seul à en avoir la légitimité. En effet,les enfants ne jouissent pas de droits politiques - ni par les normes internationales ni parnationales - et ne peuvent ainsi défendre leurs intérêts lors de la prise de décision.

Pour que l’exercice de cette volonté de l’Etat soit clair, il faut que les intérêts des enfantssoient une priorité pour le gouvernement. En effet, ce dernier est le représentant de toute lapopulation et non seulement celui des enfants. Un déterminant de la volonté dugouvernement réside dans sa conception de la société, de l’Etat, et de l’enfant. Dans les troispays qui nous intéressent, il y a deux conceptions majoritaires de la société qui s’affrontent.La théorie libérale-conservatrice et la théorie sociale-démocrate25.

La doctrine libérale-conservatrice est le mariage de principes libéraux et conservateurs. Pourschématiser26, sur l’hémisphère parlementaire droit, les libéraux se trouvent au centre et lesconservateurs à l’extrême droite. La position d’un parti politique entre ces deux extrêmesdétermine l’influence que les deux doctrines exercent dans leur idéologie politique.

Ainsi, la doctrine libérale prône un Etat minimaliste. La liberté est définie comme l’absencede réglementation et donc de contrôle étatique. ‘Pour les libéraux, (la société civile) est lerefuge de la liberté, le havre de l'initiative privée et de la morale de l'autodiscipline, menacéspar les pesanteurs de l'État.’ 27 C’est de cette conception de la société que la premièregénération de droits de l’homme est née ; les droits civils et politiques sont, entre autre,centrés sur l’individu et le respect de ses libertés face à l’ingérence de l’Etat et à sonarbitraire. Pour le conservatisme, la tradition est un principe central.

Le conservatisme est une philosophie politique (…) définie en partie par sonemphase de la tradition comme source de sagesse bien au-delà de ce qui peut être

24 Ruth Dreyfuss, conseillère fédérale, s’est ainsi exprimée lors des débats parlementaires autour du rapport surla maltraitance de 1992. En Conseil national (1996), ‘Rapport écrit du Conseil fédéral du 3 juin 1996’, inBulletin de l’Assemblée fédérale, 13 juin 1996, 96.3179, p. 919.25 Nous allons nous limiter à exposer les principes de ces deux philosophies politiques qui sont pertinents pournotre travail.26 Nous sommes conscients des imperfections que cette schématisation comprend et nous nous en excusons.Elle est cependant utile à l’analyse en cours.27Chevrier Marc (1999), ‘La société civile, L’Etat subsidiaire et la responsabilité civique au Québec’, Allocutionprononcée au Colloque du Ralliement québécois, Hôtel Québec, Sainte-Foy, Québec, le 30 octobre 1999,(consulté le 28.01.07) sur : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Societe_civile.

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démontré ou explicitement établi. (…) Pour les conservateurs, la société est quelquechose d'enraciné et d'organique; tenter de l'enlever ou de la modifier pour les plansd'un quelconque idéologue, c'est s'attirer de grands désastres non-prédits.28

Les libéraux et les conservateurs défendent ainsi, une conception de la société où la sphèreprivée doit être protégée de l’ingérence étatique. L’élément traditionnel, primordial pour lesconservateurs, engage la famille conventionnelle comme l’élément de base de la société. Cesmembres se confondent sous l’autorité parentale, qui les représente dans la sphère publique.L’image de l’enfant véhiculé est traditionnelle : un être en devenir qui doit être protégé etassisté jusqu’à ce qu’il atteigne la maturité et entre alors dans la société. Une loi surl’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille est difficilement acceptable selonces doctrines car, d’une part, l’Etat s’introduit dans la sphère privée, havre des libertés del’individu. D’autre part, il oppose les droits de l’enfant à ceux de leurs parents, en mettant encause la famille traditionnelle comme unité de base de la société 29.

Pour sa part, la philosophie sociale-démocrate défend les principes d’égalité entre lesindividus et face à l’Etat, de liberté définie comme participation à la chose publique et desolidarité entre les membres de la société30.

Les droits de l’enfant trouvent des échos dans cette philosophie. D’une part, l’égalité entreindividus permet aux enfants de se trouver à égalité avec les adultes. Le fait de penser lasociété comme un ensemble d’individus égaux dépasse l’unité familiale et permet de prendreen compte les enfants en tant qu’individus membres de la famille au même titre que leursparents. D’autre part, la notion de liberté n’est pas comprise comme liberté d’agir en dehorsdu cadre étatique, mais liberté de participer au façonnement de la société, donc aussi à lasphère politique. L’ingérence de l’Etat dans le domaine privée est moins problématique.‘Pour les sociaux-démocrates (…), la société civile, laissée à elle-même, engendre inégalitéset incivilités, et c'est la loi qui libère et l'excès de liberté qui opprime’31 Finalement, l’idée desolidarité implique une prise en charge des intérêts des plus vulnérables, des groupesminoritaires, dont les enfants. Ainsi, ces deux tendances sont importantes pour comprendreles positions et les arguments des partis politiques face à la loi sur l’interdiction totale deschâtiments corporels.

Chaque Etat démocratique occidental est le fruit d’un contexte historique, culturel,économique et social dans lequel ces deux conceptions de la société rivalisent. ‘L'Étatsubsidiaire est guidé à la fois par un devoir de non-ingérence, au nom de l'autonomie de lasociété civile, et par un devoir d'ingérence au nom d'un ordre social juste.’32

Ces deux doctrines sont représentées sur la scène politiques par les partis, qui ‘…sont desformations politiques regroupant des personnes partageant la même vision du monde, àsavoir une certaine conception de l’Etat, de la société et de l’économie. Oeuvrant à la foispour l’intérêt général et pour des groupes d’intérêts, ce sont des intermédiaires entre le

28 Conservatorisme, Encyclopédie en ligne Wikipedia, (consultée le 30.01.07) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/Conservatisme.29 Cass Bettina (1992), ‘The Limits of the Public/Private Dichotomy : A Comment on Coady & Coady’ inAlston Philip, Parker Stephen and Seymour John, Children,Rights and the Law, Clarendon Press, Oxford, NewYork, 1992, p. 141-143.30 Socialisme, Encyclopédie en ligne Wikipedia, (consultée le 30.01.07) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/Socialisme.31Chevrier Marc, op. cit.32Chevrier Marc, op. cit.

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peuple et les institutions étatiques.’33. Ils se distinguent des autres organisations sociales parleur volonté d’exercer le pouvoir34. Etant représentés dans le pouvoir exécutif et législatif,les partis forment la toile de fond des prises de position des pouvoirs étatiques. Ils incarnentles différentes idéologies politiques qui s’affrontent et se confrontent. On peut ainsi dire quela lutte au pouvoir des partis politiques comme défenseurs d’une conception de la société etcomme défenseurs des intérêts de certains groupes, influence de manière déterminante lesdécisions prises dans l’arène politique.

Ainsi, les membres des partis politiques sont élus par les citoyens au parlement afin dereprésenter ces derniers dans les décisions législatives.

2.2 Les parlementaires

Les parlementaires sont les législateurs par excellence. En effet, ils sont élus directement parles citoyens pour les représenter dans les institutions du pouvoir. Ils ont une légitimité quileur est conférée par le peuple souverain, l’instance suprême de l’Etat démocratique. Ce sonteux qui votent la loi en dernière instance. Leur importance est ainsi capitale et leur influenceest seulement contrebalancée par leur nombre et leur diversité.

Les parlementaires sont responsables de représenter les intérêts de toutes les couches de lasociété, en les traduisant en politiques structurées et en en contrôlant l’application. Leur rôleest ainsi de légiférer et de superviser les actions du gouvernement dans l’application de sesobligations nationales et internationales35. Etant des leaders de la société, ils jouent aussi unrôle important dans la sensibilisation de l’opinion publique sur des sujets de société, dont lesintérêts des enfants et leurs droits36. Etant donné que la majorité des parlementaires sontmembres des partis politiques, on parlera dans ce travail de la position des partis politiquesface au projet de loi sur l’interdiction totale des châtiments corporels.

Par leur vote, les citoyens octroient aux parlementaires le droit de décider à leur place.L’électeur les choisit par affinité idéologique et le parlementaire a le mandat de prendre desdécisions éclairées. Le parlementaire se trouve alors tenaillé entre la nécessité de plaire enadoptant les positions de son électorat et la nécessité de prendre des décisions éclairées pourle bien commun qui peuvent s’avérer contraires aux opinions de ses électeurs.

Policymakers do not tend to tackle issues for which there is no support withinpublic opinion even though the Convention on the Rights of the Child obliges themto take all necessary steps to eliminate violence on children. Thus: both in terms ofmentality as in terms of policy there still is a major lack of interest for this issue.(…) The frequency with which corporal punishment is still used and the acceptanceof that, makes it very difficult to present corporal punishment as a problem withinsociety. The lack of in depth research as well as the lack of jurisdiction and doctrineon this issue proves that corporal punishment is not considered to be all thatproblematic.37

33 Chancellerie Fédérale (2006), la Confédération en bref 2006, 29ème édition, 2006, p. 26.34 Partis politiques, Encyclopédie lbre Wikipedia, (consulté le 16.11.06) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_politique.35 Le parlement a d’autres fonctions qui ne sont pas par contre pertinentes à notre analyse.36 Inter-parliamentary Union and UNICEF (2004), Child Protection : A handbook for parliamentarians,UNICEF, Geneva, 2004, p. 22.37 Vandekerchkhove Ankie, C’s R Commissioner, Flanders Belgium, in Council of Europe (2002), Seminar onCorporal Punishment of Children within the Family, Forum for Children and Families, 4th meeting , Strasbourg,21-22 November 2002.

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Ainsi, la société civile choisit les hommes et participe au débat politique précédant le vote.En Suisse, elle peut susciter des initiatives ou des referendums pour participer directement àla décision.

2.3 La société civile

La société civile se définit comme un espace social où l’Etat n’est pas présent. Elle comprendles individus et les associations que ces individus forment en dehors du cadre étatique. Lesmembres de la société civile forment la nation et une partie d’entre eux – toujours plusimportante – sont des citoyens, c’est-à-dire des personnes qui jouissent des droits politiques38.

La société civile doit être régie par des normes, car elle est habitée par des intérêts multipleset contrastés. Ces intérêts doivent être défendus sans heurter la paix sociale. L’Etat est ainsiamené à édicter des normes qui structurent la vie civile et à les faire appliquer. La limiteentre société civile et Etat est ainsi floue39.

Par ailleurs, les individus s’assemblent et s’organisent grâce à leur liberté d’association afinde défendre des intérêts qu’ils ont en commun. Ces associations, qu’on appelle des groupesd’intérêts ou organisations non gouvernementales, militent dans l’arène politique pourinfluencer en leur faveur la formation de la volonté politique.

…(L)es groupes de pression (...) tentent d'influencer, à divers échelons, laformation de la volonté politique (…). Normalement, ils ne présentent pas decandidats aux élections, mais agissent auprès des élus des partis qui leur sontproches. Après les patrons et les salariés, qui se sont dotés des groupes de pressionles plus fortement institutionnalisés, d'autres milieux se sont organisés de façonanalogue, par exemple les protecteurs de la nature et de l'environnement, lesconsommateurs, voire des corporations de droit public. (…) Dans la seconde moitiédu XXe s. sont apparus les mouvements de citoyens préoccupés par un problèmepolitique particulier (…); plus ou moins durables, il arrive qu'ils nouent des lienspar-dessus les frontières. Il existe aussi des groupes de pression internationaux; ilspoursuivent en général des buts non matériels et jouent un rôle de plus en plusimportant depuis les années 1970, sous le nom d'organisations nongouvernementales.40

Ces organisations se distinguent des structures politiques car leur quête n’est pas le pouvoir,mais l’influence. Leur méthode est la persuasion, le lobbying - définie par Meuwese ‘theright message to the right people’.41 Elles emploient le système politique pour que sesinstitutions prennent les mesures qu’elles considèrent importantes42.

Pour ce qui concerne les droits de l’enfant, les ONG jouent un rôle important, rôle qui a étéofficialisé pour la première fois par la CDE (cf. art. 45 (sub a)) sous le libellé de ‘othercompetent bodies'. Elles sont appelées à superviser l’application des normes de la CDE parl’Etat partie43. En même temps, ‘(l)es mouvements politiques sont destinés à résoudre une

38Chevrier Marc (1999), op. cit.39Chevrier Marc (1999), op. cit.40 Groupes de pression, in Dictionnaire historique Suisse (DHS), version du 06.06.2005 (traduite de l’alleman),(consulté le 18.01.07) sur : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17364.php.41 Meuwese Stan (2004), op.cit., p. 510.42 Meuwese Stan (2004), op.cit., p.505-506.43 Meuwese Stan (2004), op cit., p.509.

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problématique ciblée. Ils exercent donc une fonction d’influence et d’expertise auprès despartis politiques’44.

Ainsi, les citoyens peuvent défendre leurs intérêts à travers leurs représentants politiques, parleur influence à travers les organisations civiles et, dans le cas de la Suisse, par l’initiativepopulaire et le referendum. La société civile influence la décision politique par son vote etpar son lobbying. Avec elle, d’autres entités inspirent la décision politique : le systèmejudiciaire et la communauté internationale.

2.4 Le système judiciaire

Il existe une dichotomie entre le principe de la souveraineté de l’Etat et les libertésindividuelles que les droits de l’homme défendent. Elle se traduit dans la loi nationale par deslimitations qu’elle impose aux droits affirmés dans les textes internationaux. Par exemple, ledroit au mariage est limité dans la plupart des pays à des personnes de sexes opposés. C’est lasociété qui donne, par sa conception, les limites des droits individuels, que ce soit pour lapaix et la sécurité ou pour défendre un groupe minoritaire.

Les juges, par leurs interprétations, trouvent (ou tentent de trouver) le juste équilibre auxlimites imposées par la loi nationale à la liberté individuelle prônée par les droits del’homme45. Ainsi, le rôle du pouvoir judiciaire, troisième pouvoir de l’Etat, influence à sontour le processus d’adoption d’une loi en donnant la tendance générale dans laquelle lesnormes sont interprétées et donc appliquées. Cette interprétation se base sur la jurisprudenceinternationale et sur les modifications advenues dans la société, en démontrant ainsi laperméabilité de ce sous-système à son milieu.

La jurisprudence nationale continue de jouer un rôle indéniable dans l’adoption ou le rejetdes lois sur l’interdiction des châtiments corporels en famille. De part ses décisions, lesystème judiciaire détermine le degré de protection légale des enfants. Par ailleurs, lajurisprudence internationale influence les décisions juridiques nationales, et vice versa.

2.5 La communauté internationale des droits de l’homme

Dans le Chapitre III.2, nous passons en revue les normes internationales sur l’interdiction deschâtiments corporels au sein de la famille et les prises de positions des organes de contrôle. Ilest important cependant de souligner l’ascendant de la communauté internationale a sur tousles acteurs politiques.

Aujourd'hui, à l'ère de la globalisation, la solution des problèmes échappe de plusen plus au cadre communal, cantonal, voire national, imposant le recours à desprocédures internationales ou transfrontalières qui impliquent en premier lieu lesgouvernements et les administrations. Plus les problèmes sont réglés ainsi, par desaccords entre collectivités territoriales, plus l'influence du Parlement et du corpsélectoral se rétrécit, tandis que grandit celle des fédérations et groupes de pressionorganisés au niveau international.46

44 Définition des partis politiques, Enciclopédie en ligne Wikipédia (consulté le 16.11.06) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti politique.45 Droits de l’homme, Encyclopédie en ligne Wikipédia, (consulté le 08.02.07) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/Droits_de_l'homme.46 Moekli Silvano (2005), op. cit.

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Le jeu des influences se poursuit au-delà des frontières non seulement pour ce qui est desinstitutions étatiques directement impliquées, mais aussi de la société civile et du pouvoirjudiciaire.

Ainsi, la boucle est bouclée. Dans le modèle classique, le citoyen élit le parlementaire quiadopte des lois appliquées par le gouvernement qui les impose à la société civile. Le pouvoirjudiciaire surveille le tout et la communauté internationale pourvoit le cadre légal dans lequelagir. Dans la réalité, la décision politique est le fruit d’interactions bien plus complexes etmouvantes, perméables à l’environnement national et international dans lequel elles évoluent.

3. Synthèse et conclusion

Le modèle choisi permet d’analyser le rôle joué par les différents acteurs politiques et le jeud’influences qui permet la formation de la volonté politique. Ce que l’on peut d’ores et déjàaffirmer est que le gouvernement, de part sa fonction, sa légitimité nationale et internationaleet l’évolution des systèmes politiques, a la place la plus influente dans ce modèle. Sa volontéd’agir dans la défense des droits de l’enfant est déterminée en grande partie par l’idéologiepolitique qu’il défend et par les circonstances du moment.

Les trois sociétés démocratiques prises en compte se caractérisent par une rivalité politiqueoù s’affrontent la conception libérale-conservatrice et la conception sociale-démocrate. Lesprincipes que ces deux écoles de pensée défendent diffèrent par l’image véhiculée del’enfant, de la famille et du rôle de l’Etat dans cette relation. Le parlement est le lieu où cesidéologies se rencontrent et est l’institution qui détient le pouvoir législatif. Lesparlementaires sont ainsi au cœur de la décision, mais sont freinés dans leur influence parleur nombre et par les antagonismes entre les partis politiques. Ces derniers sont à leur tourdominés par la logique électorale qui les oblige à tenir compte des aspirations des citoyenspour garantir leur survie politique.

La société civile, tout en ayant pour la plupart des pays une place indirecte, peut influer sur laprise de décision par son pouvoir d’élire les politiciens et, lorsqu’elle est organisée, par sacapacité de persuasion. Le système juridique donne la tendance générale dans laquelle la loiest interprétée et donc appliquée et la communauté internationale a un ascendant sur tous lesacteurs politiques en présence.

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Chapitre II : L’enfant, ses droits et la représentation politique

Les changements de société advenus dans les dernières décennies, ont permis de découvrirdes enfants acteurs sociaux, compétents et intégrés dans la société dans laquelle ils évoluent.Cette image contraste avec celle, classique, où le rôle des enfants est de se préparer à leur vied’adulte dans un milieu privilégié et propice à leur développement47.

Dans cette mouvance, de nouveaux canaux de participation sont mis en place par et pour lesenfants pour faciliter leur contribution à la vie sociale et politique. Au niveau local, lesexpériences de participation des enfants aux décisions politiques se multiplient et leurinfluence dans la prise de décision augmente.

Cependant, au niveau central de décision politique, les enfants restent marginaux dans lemeilleur des cas et exclus pour la plupart.

Children's relationship to the political world in western cultures has traditionallybeen a marginal one. In almost all European and North American countries votingis a political right enjoyed by those over the age of 18. With one or two exceptionschildren are not represented at the political centre.48

Dans ce chapitre, nous essayons de comprendre quelle est la place des enfants dans l’arènepolitique et comment leurs intérêts spécifiques y sont défendus en répondant à ces questions.Est-ce que les enfants ont des intérêts propres qui demandent à être défendus sur la scènepolitique ? Pourquoi les enfants sont exclus du processus de formation de la volonté politique? Quelle solution apporte le système politique actuel ? Quels sont les points faibles de cesystème ? Est-ce que leur manque de statut politique a des conséquences sur la défense deleurs intérêts ? Nous allons découvrir que l’image de l’enfant joue un rôle prépondérant etque cette vision est en train de changer. Cette évolution non achevée met actuellement lanouvelle et l’ancienne conception de l’enfant sur la scène politique. Les tensions quidécoulent de cette cohabitation déterminent largement la défense des intérêts des mineursdans la formation de la volonté politique.

1. Les images de l’enfant

1.1 L’image traditionnelle : l’enfant et ses besoins

Présents dans la sphère publique par leur participation à la vie économique, les enfantsjusqu’à la fin du vingtième siècle, comme d’autres groupes sociaux, ont été exclus de la viepolitique depuis que la démocratie existe. De nouvelles législations sur la protection desenfants sont alors édictées afin de les soustraire aux abus dont ils sont victimes dans lesindustries. Aussi, le monde du travail évolue et on assiste à une demande croissante de main-d’œuvre lettrée, les enfants sont ainsi poussés des industries vers les écoles49. Dictées par lesnécessités du moment, ces transformations aident à la redéfinition du rôle des adultes et desenfants et en déterminent le rôle dans la sphère publique et celle privée. Ces changements ont

47 James Allison, Jenks Chris (1998), op. cit., p. 32..48 Wyness M. (2001), ‘Children, childhood and political participation : case studies of young people’s councils’,in The International Journal of Children’s rights, 9/2001, p. 194.49 Qvortrup Jens (2001), ‘Children’s schoolwork : useful and necessary’, Brood & Rozen, Vol. 6 (4), 2001, p.152.

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eu des effets importants sur la vie des mineurs et leur statut social. Avec le temps, les enfantssont perçus comme des êtres en devenir, incompétents par définition, qui doivent être exclusde la vie publique afin de les protéger et dont la responsabilité du bon développementincombe aux adultes50.

Cette image voit les enfants comme des êtres vulnérables, fragiles que les adultes sont endevoir de protéger et d’assister. On les considère comme des êtres en devenir, en attente.Leur seule responsabilité est de grandir et d’apprendre comment se comporter une foisdevenus adultes. En tant que tels, ils sont ainsi considérés par définition comme des êtresincompétents. La notion de compétence est jugée en relation aux aptitudes qu’ils doiventapprendre et qui vont leur servir lorsqu’ils seront adultes et citoyens. ‘The adult world doesnot recognize children’s praxis, because competence is defined merely in relation to adults’praxis’51.

Aussi, vus innocents et purs, les enfants sont vulnérables et doivent être protégés des mauxde la société. On les confine donc dans un lieu privilégié qui leur permet de se développer dela meilleure manière possible. De ce fait, ils sont exclus de la sphère publique pour leur bien-être (l’intérêt supérieur) et évoluent sans contact direct avec la société.

We often read that children (...) must be ‘integrated into society’ (…)They are (…)revealing for the maybe unintended meaning which seems to indicate that childrenare not members or at least not integrated members of society. This attitude, whileperceiving children as a moratorium and a preparatory phase, thus confirmspostulates about children as ‘naturally’ incompetent and incapable.52

Leur havre est la famille, qui est aussi l’unité de base de la société. C’est elle qui satisfaittous les besoins engendrés par le développement des enfants. Si les besoins de la famille sontsatisfaits, les besoins de l’enfant sont à leur tour assouvis53.

Finalement, cette conception, met entre les mains des parents, gardiens ou autres, laresponsabilité des enfants. Les adultes semblent devenir de plus en plus sûrs de ce dont lesenfants ont besoin, précisément parce qu’ils sont enfants54. Les enfants sont une propriété desparents, qui ont les pleins pouvoirs sur toutes les décisions qui les concernent. SelonRodham, la superposition des intérêts des enfants avec ceux de leurs parents est un desaspects qui empêche l’obtention d’un statut légal pour l’enfant55, et contribue à leurisolement. Dans cette conception, les problèmes de la représentativité et de la participation àla prise de décision politique n’existent pas, car les parents, et les adultes en général, saventexactement ce dont les enfants ont besoin et prennent les décisions dans ce sens.

This becomes the basis for adults to act and talk on children's behalf. Adults assumethe responsibilities that would be attributed to children were they to be recognisedas citizens. Drawing on David Archard's 'caretaker thesis', we come back to the ideaof needs. The physical, moral and social needs of children are the responsibility of

50 James Allison (1998), ‘Foreword’, in Hutchby Ian, Moran-Ellis Jo, Children ad Social Competence : Arenasof Action, Falmer Press, London, 1998, p. vii.51 Qvortrup Jens (1994), ‘Childhood Matters : An Introduction’, in Qvortrup Jens, Bardy M., Sgritta G.,Wintersberger H. (Eds), Childhood Matters, European Centre Vienna, 1994, p. 4.52 Qvortrup Jens (1994), op. cit., p. 2.53 Wyness M. (2001), op. cit., p.195.54 James Allison (1998), ‘Foreword’, in Hutchby Ian, Moran-Ellis Jo, Children ad Social Competence : Arenasof Action, Falmer Press, London, 1998, p. vii.55 Rodham Hillary (1973), ‘Children under the law’, in Harvard Education Review, vol. 43, 1973 (reprinted in :Michael Freeman, Children’s rights Volume I, Alderston/Burlington, Ashgate/Dartmouth, 2004), p. 30.

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adult caretakers rather than the children themselves. Adults ensure that childrenreceive a range of common goods that support their physical and socialdevelopment. This, in effect, limits the extent to which children are in a position tocontract in to these arrangements, have some say in their own welfare.56

L’enfant est considéré selon cette conception, comme un être en devenir, et doncincompétent par définition, qui a sa place dans un univers privilégié, parallèle à la société. Ceparadis est situé dans la famille. Dans ce contexte, de part leur incompétence, les enfantsn’ont pas la capacité de déterminer leurs intérêts. Ils n’ont pas d’intérêts à défendre, mais desbesoins qui leur permettent d’atteindre l’état final de leur évolution, l’âge adulte. C’est eneffet, aux adultes, dans le cadre familial, de déterminer quels sont ces besoins et ce sont euxqui ont la responsabilité de les satisfaire.

Cette exclusion sociale nous amène à définir les enfants comme un groupe marginal, uneminorité. “Indeed the very title of ‘minority’ is a moral rather than demographicclassification that conveys notions of relative powerlessness and victimization.”57

Wyness propose une relation de cause à effet entre l’image classique de l’enfant décrite ici etson manque de statut social qui en découle, avec le manque de statut politique. ‘(T)he'political child' is seen as the 'unchild', counter-stereotypical image of children that does notfit with the norms of childhood’58.

1.2 L’image actuelle : l’enfant et ses intérêts

Les changements sociaux survenus dans la dernière moitié du vingtième siècle ont entamécette conception de l’enfance, où innocence et havre de paix signifient aussi incompétence etisolement. Les connaissances des cas d’abus sexuels dans la famille ébranlent la notion defamille comme havre de paix idéal pour le bon développement des enfants. Le débat autourdu travail des enfants révèle leur contribution à l’économie de la société. La violence entreenfants remet en cause la notion d’innocence. Leur capacité à soigner leurs parents et àprendre en charge leurs frères plus petits met à mal la notion d’incompétence. Ainsi, leséléments de base de l’image classique de l’enfant sont troublés. La participation des enfants ànotre société est de plus en plus évidente. Un changement de conception de l’enfants’impose59.

On assiste alors à une modification de mentalité, qui est encore en cours, entre uneconception de l’enfant comme être à devenir et une image de l’enfant comme être à partentière. Dans cette dernière, le mineur est un membre actif qui fait partie intégrante de lasociété et qui contribue à son fonctionnement avec ses compétences. L’enfant n’est plusseulement vulnérable ; il est compétent et peut faire face à différentes situations, exprimerson opinion et prendre part à des décisions. Il peut de ce fait participer à la détermination deses intérêts. Un ‘être qui a conscience de lui-même’60, un sujet.

Par ailleurs, les changements subis par l’institution de la famille, font que les enfants sont vusde moins en moins comme la propriété de leurs parents, mais comme des membres de lafamille au même titre que les autres et avec leurs droits propres. Selon Ziegert, le fait de

56 Wyness M. (2001), op. cit., p. 195.57 James Allison, Jenks Chris (1998), op. cit., p. 31.58 Wyness M (2001), op. cit., p. 194.59 James Allison (1998), op. cit., p viii.60 Sujet, Dictionnaire en ligne XMLittré v1.3, (consulté le 14.02.07) sur :http://francois.gannaz.free.fr/Littre/xmlittre.php?requete=s4657

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conférer des droits à l’enfant n’est pas un acte philanthropique, mais une conséquencenécessaire de la reconnaissance du statut spécifique des enfants dans nos sociétés modernesde plus en plus différenciées61.

Le Comité international des droits de l’enfant cristallise une image légale de l’enfant qui estle fruit de cette évolution et qui permet une interprétation uniformisée de la CDE.

La Convention consacre le statut de l’enfant en tant qu’individu et titulaire de droitsfondamentaux. L’enfant n’est pas un objet appartenant à ses parents ou à l’État, niun simple objet de préoccupation. Dans cet esprit, l’article 5 requiert des parents, oule cas échéant des membres de la famille élargie ou de la communauté, de donner àl’enfant, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités,l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît laConvention.62

Les recherches sociologiques centrent alors leur focus sur les enfants et appellent leurparticipation. Cette démarche dégage clairement des intérêts spécifiques qui vont au-delà deceux de la famille. La recherche de Van der Hoek sur la pauvreté infantile en Hollandepermet d’illustrer ces affirmations. Elle prend en compte comment les enfants, dans leurindividualité, vivent la pauvreté afin de pouvoir élaborer des mesures adaptées. Elle soulignel’importance de détacher les enfants de l’unité ‘famille’ pour pouvoir se rendre compte deleur réalité. L’enfant est une entité en lui-même qui demande des mesures socialesspécifiques pour l’aider à faire face aux problèmes qu’il rencontre. Sa participation estessentielle : la voix de l’enfant offre la clé pour formuler des mesures adaptées63. Il est ainsiclair que les intérêts des enfants ne coïncident pas toujours avec ceux de leur famille. D’autrepart, ces intérêts peuvent être détectés seulement en leur donnant la possibilité de s’exprimeret d’être écoutés. Finalement, cette recherche souligne le fait que les enfants ne sont pas ungroupe homogène, mais, comme tout groupe social, ils sont caractérisés par des intérêtsdifférents et parfois contrastés. Cette hétérogénéité ne fait que diminuer davantage leurinfluence dans l’arène politique.

L’évolution entre une conception traditionnelle de l’enfant et une autre est en train de se faireà des degrés et à des vitesses différentes dans toutes nos sociétés occidentales. Ainsi, leschâtiments corporels sont interdits dans la sphère publique alors qu’ils sont encore permis,dans la majorité des pays, dans la sphère privée. Dans cette période de transition, les deuxconceptions se chevauchent et cohabitent. Les tensions que cette cohabitation entraînentdéterminent tous les domaines de la société qui touchent de près ou de loin les enfants. Leprocessus de prise de décision politique en est ainsi imprégné. L’image classique de l’enfantest encore prédominante pour ce qui est des normes et des valeurs de participation politique.Le changement de mentalité prend du temps et se greffe sur des institutions anciennes baséessur les valeurs sociales précédentes.

Ainsi, les enfants du vingt et unième siècle sont en marche pour devenir des sujets de droitavec des intérêts spécifiques possiblement différents de ceux de leur famille. Ces intérêtsdoivent ainsi être défendus dans l’arène politique de nos démocraties. Cependant, l’accès à

61 Ziegert K.A. (1987), ‘Children’s Rights and the suportive function of law : The case of Sweden’, in Journalof Comparative Family Studies, 1987, 18, p. 163.62 Comité internationale des droits de l’enfant (2006), op. cit., para. 47.63 Van der Hoek Tamara (2005), Trough Children’s Eyes : An Initial Study of Children’s Personal Experiencesaand Coping Strategies Growing Up Poor in a Affluent Netherlands, Innocenti Working Paper No 2005-05,Firenze, UNICEF Innocenti Research Centre, 2005.

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cette arène leur est interdit. Ils représentent un des derniers groupes sociaux exclu de lacitoyenneté. La CDE elle-même ne leur octroie pas de droits politiques.

2. Les droits politiques et les enfants

Dérivés du fondement démocratique du peuple souverain et des principes d’égalité et deliberté - entendue comme autodétermination, les citoyens bénéficient des droits politiques quileur permettent de participer à la formation de la volonté politique64. Ces droits ne sont pasdévolus à tous les membres de la société. Il existe des catégories sociales qui, n’ayant pas ledroit de vote, ne sont pas considérés comme citoyens (par ex. étrangers ou enfants) mais quisont soumis aux lois de l’Etat. On différencie ainsi entre citoyenneté et population65.

Pour certains auteurs, les droits politiques se bornent à la possibilité de voter et d’être élu,alors que Marshall reconnaît le droit social à la participation dans la société comme étantaussi importante que les garanties des droits politiques (suffrage universel) et des droits civils(égalité devant la loi)66.

To put this idea of social apprenticeship another way, membership of a politicalcommunity is based on the idea of a social contract. Membership is granted on thebasis that any rights to participate and have a voice in the running of an institutionor the governing of a territory bring with them obligations or responsibilities. Muchof recent political debate in Britain and North America revolves around the precisenature of the relationship between rights and obligations. But it now seems to betaken as read that both elements are required within a democratic polity. Notions ofrespect, trust and tolerance are built into a network of mutual obligations such thatthe individual's political and social rights are intimately bound up with theirobligations to the wider society.67

Si on prend en considération l’image classique, les enfants ne font pas partie de ce réseaud’obligations. Ceci est dû à leur incompétence, à leur manque de statut social et à leurexclusion de la société. Cette situation engendre un discours en terme de besoins et non dedroits qui empêche l’émancipation de l’enfant comme sujet68. Avec l’image plus récente del’enfant la situation est similaire car

At stake is in a very genuine sense, the question of children citizenship. Whileparticipation – as well as protection and provision – are foreseen in the new UNConvention on the Rights of the Child, it is also specifically said that childrenshould not have political rights, which according to Marshall’s classical definitionis a precondition for being a citizen. Enhancing rights in specific areas in terms ofparticipation, provision and protection may be seen as a progress, but at the sametime the distance to adulthood and its ‘natural’ sovereignty is kept.69

64 Droits politiques, in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 11.02.2005 (traduit del’allemand), (consulté le 18.01.07) sur : http://hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10368.php.65 Droits politiques, in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 11.02.2005 (traduit del’allemand), (consulté le 18.01.07) sur : http://hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10368.php.66 Carney Terry (1992), ‘Reconciling the irrenciliable ? : A rights or interests based approach touncontrollability ? Comment on Seymour’, in Alston Philip, Parker Stephen and Seymour John, Children,Rights and the Law, Clarendon Press, Oxford, New York, 1992, p. 124.67 Wyness M. (2001), op. cit., p. 19568 Wyness M. (2001), op. cit., p. 19569 Qvortrup Jens (1994), op. cit., p. 19.

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En effet, la CDE n’octroie pas de droits politiques aux enfants ; elle leur garantit cependantdes libertés politiques telles que le droit d’exprimer leur opinion dans des questions qui lesconcernent (art. 12) ; la liberté d’expression (art. 13) ; la liberté de pensée et d’association(art. 14 et 15) et le droit de s’informer (art. 17). Une brèche s’est ainsi formée pour laparticipation des enfants à la formation de la volonté politique. Tout en restant exclus de lacitoyenneté, les enfants bénéficient des libertés politiques, qui, avec le temps, vont pouvoirleur permettre d’influencer leur entourage en premier et leur Etat par la suite. Lesexpériences des organisations d’enfants travailleurs, qui ont parfois réussi à influencer lesdécisions de leur gouvernement70, sont une preuve de ce que ces libertés permettentd’atteindre. Par contre, leur participation politique reste sujette au bon vouloir des décideurstraditionnels.

Ainsi, les changements sociaux, advenus dans la deuxième partie du vingtième siècle, ontmis en évidence les intérêts spécifiques des enfants qui doivent être défendus sur la scènepolitique, parfois séparément de ceux de la famille. En même temps, leur participationpolitique est marginale par le manque de droits politiques. La représentation politique estalors la solution que le système leur offre.

3. La représentation politique des enfants et sa légitimité

La conception qu’on a de l’enfant influence la manière dont l’adulte appréhende sa prise encharge politique. L’image classique de l’enfant présume une approche basée sur la notion debesoins que l’adulte, en tant que personne compétente, peut énumérer et satisfaire. L’enfantest donc un bénéficiaire d’assistance. La légitimité de la représentation politique est portéepar la compétence implicite de l’adulte.

L’image actuelle de l’enfant demande, par contre, une approche basée sur la compétence etles intérêts spécifiques des enfants. Le simple fait d’être adulte ne légitime plus le choix desbesoins à assouvir. Des normes tempèrent l’omnipotence de l’adulte quant aux choix qu’ilfait pour l’enfant. Les adultes restent, par contre, les décideurs privilégiés.

Déjà au début du siècle dernier, cette dualité existait. Dans le livre The Century of the Child(1909), Ellen Key, l’auteur, contribue à rendre constante l’idée que les enfants sont lesmeilleures ressources de toute civilisation et questionne la relation entre Etat etphilanthropie71. L’intérêt de l’Etat est de protéger les plus vulnérables en les assistant. Selonelle, la responsabilité d’assurer une enfance adéquate à tous les enfants appartient à l’Etat.Elle va plus loin. Dans sa vision, les enfants sont des sujets de droit, membres égalitaires dela société. Il ne s’agit plus de satisfaire, par humanisme, les besoins des plus faibles, mais desatisfaire des droits. Elle expose une vision de l’enfant qui glisse de bénéficiaire d’assistancevers un nouveau sujet de droit. Par ailleurs, un chapitre entier de son livre est dédié àl’interdiction des châtiments corporels72.

Dans les pays scandinaves, comme nous le verrons dans le chapitre IV, cette vision del’enfant prendra racine. Le reste de l’Europe, par contre, fera sienne la responsabilité de

70 Liebel Manfred (2004), A will of their own. Cross-cultural perspectives on working children, Zed books,London, 2004.71 Cunnigham Hugh (2005), Children and Childhood in Western Society Since 1500, Pearson LongmanEducatin Limited, Harlow, second edition, 2005, p. 172.72 Durrant J.E., Entretien téléphonique du 22.02.07, en Annexe 4.

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l’Etat envers les enfants73 tout en restant dans un discours d’assistance, liée à la conceptionclassique de l’enfant. Dans cette dernière, l’assistance n’est pas un droit et doit êtrerenégociée en permanence. Aussi, cette approche garde les enfants dans un état dedépendance face à l’adulte, alors que ‘…children’s political inclusion depends largely on themore radical notion of children’s collective interests’.74

La notion d’intérêts, par contre, a une résonance politique claire, car c’est à travers elle queles groupes sociaux s’assemblent et organisent leur action politique. Elle implique aussi lacapacité de les déterminer et de les défendre en première personne. Les enfants sont ainsi vuscomme acteurs, en contraste avec l’image passive de bénéficiaires d’assistance75.

'Interests' is a quintessentially political concept. Members 'of a social group findthemselves in similar situations with respect to a governing or superior politicalclass. Their common interests push them into a separate social category. The notionof children's 'interests' then implies a degree of separateness from 'non-child' groupsin society and the construction of channels through which this separateness can bearticulated. Unlike the politics of children's 'needs' where children are ironicallyabsent, 'interests' suggests agency in that children are viewed as active andinvolved, a group or body in a position to make claims on the state at variouslevels.76

Le discours des droits de l’enfant dans la dichotomie besoins/intérêts est interprété dedifférentes manières et est le sujet de débats académiques importants. Nous en donnons icijuste un échantillon. Pour Cunningham, il permet, dans le domaine politique, l’introductiond’un statut de sujets aux enfants en contraste avec l’approche classique d’objetsd’assistance77. Selon Ziegert, à partir des droits de l’enfant, on peut construire une grilled’évaluation qui permet d’apprécier la manière dans laquelle une société aborde la questionde la protection des intérêts des enfants78.

Wyness, au contraire, différencie les droits de la CDE entre ceux de protection et d’assistanceet ceux d’autodétermination. Les premiers sont assimilables à la notion de besoins alors queles seconds appuient une approche d’intérêts79. Il souligne le fait que la controverse liée auxdroits de participation est due à la diminution implicite des responsabilités et pouvoirs desadultes dans la définition de l’intérêt supérieur de l’enfant qui étaient jusque là incontestés80.

Toujours selon Wyness, il ne s’agit pas d’un débat sur les intérêts que les enfants vont choisirpar rapport aux adultes car, pour la plupart, la substance des demandes se superpose81. Leplus important est de donner la possibilité aux enfants d’exprimer leur point de vue et d’êtreécoutés82. L’important est ainsi la place qu’ils prennent dans le processus de prise de décisionet non la décision elle-même. Ceci a une influence positive sur la légitimité de la défense deleurs intérêts.

73 Cunnigham Hugh (2005), op. cit., p. 172.74 Wyness M. (2001), op. cit., p. 193-194.75 Wyness M. (2001), op. cit., p. 195 et 196.76 Wyness M. (2001), op. cit., p. 196.77 Cunningham Stephen, Lavalette Michael (2002), ‘Children, Politics and Collective Action : School Strikes inBritain’, in Goldson B., Lavalette M. and McKechnie J., Children, Welfare and the State, Sage Publications,London, 2002, p. 169-170.78 Ziegert K.A. (1987), op. cit., p. 157.79 Wyness M. (2001), op. cit., p. 196.80 Wyness M. (2001), op. cit., p. 196.81 Wyness M. (2001), op. cit., p. 193-21282 Wyness M. (2001), op. cit., p. 197

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Pour un souci de pratique, dans ce travail nous assumerons la position de Cunningham, quiassimile les droits de l’enfant en politique à la conception de l’enfant comme un sujet capableet actif dans la société dans laquelle il vit. Nous appellerons cette conception celle des droitsde l’enfant.

Ainsi, nous avons constaté que l’enfant a des intérêts propres à défendre sur la scènepolitique et qu’il a besoin de l’adulte pour les défendre. Nous avons aussi vu que les adultesn’ont plus la capacité implicite de définir les intérêts des enfants sur la scène politique. Unequestion s’ouvre alors : sur qui et quoi repose la légitimité de la représentation politique desenfants par les adultes ?

Selon Wyness, comme nous avons vu, cette légitimité passe par une participation des enfants,par leurs droits à l’autodétermination. Donc, par l’espace que l’arène politique est tenue àleur faire en tant que membres actifs de la société. Cependant, nous avons constaté quel’accès à la décision au niveau central leur est pour l’instant limité sinon fermé. Par ailleurs,comme le dit Freeman, ‘Children have interests to protect before they have wills to assert’83.Les enfants auront toujours besoin de représentants sur la scène politique dans les premièresannées de leur vie.

Pour paraphraser Armi, quand on parle d’enfance, on la considère comme une composantesociale qui n’a pas la capacité ni la possibilité de faire valoir ses droits et ses intérêts. Il est dela compétence des adultes d’assumer l’honneur de sauvegarder tels droits. L’application dece mandat est influencée par deux courants de pensée en nette opposition : celle du ‘mineuren fonction de l’adulte’ et celle ‘de l’adulte à disposition du mineur’84.

Selon cet auteur, l’enfant est incompétent politiquement dans cette période de sa vie. Lalégitimité de l’adulte reste ainsi fondée sur sa compétence. Par contre, le changementd’image de l’enfant (de bénéficiaire d’assistance à sujet de droits) permet une modificationde la perspective par laquelle on affronte la question de la détermination des intérêts àdéfendre et de leur interprétation. Elle n’aborde cependant pas le sujet du mandat de cettereprésentativité.

Flekkoy, pour sa part, demande à toutes les personnes qui représentent les intérêts des enfantsd’examiner constamment leur motivation pour être sûrs qu’elle sera celle des enfants. Ilspeuvent le faire en basant leur opinion sur les intérêts des enfants. La détermination de cesintérêts est fondée sur les connaissances du représentant et sur les recherches scientifiques85.Flekkoy fait un pas plus loin : la compétence de l’adulte n’est pas implicite ; elle repose sursa motivation et sur ses connaissances. Cette position soulève cependant deux questions :premièrement, qui décide sur quelles recherches se baser pour déterminer quels sont lesintérêts des enfants; deuxièmement, qui évalue les connaissances du représentant. Lacompétence est encore une fois basée sur les capacités de l’adulte et sa bonne volonté. Iln’existe pas de mécanisme de responsabilisation du représentant.

83 Pupavac V. (2006), ‘A critical review of children’s rights in context’, in International InterdisciplinaryCourse in Children’s Rights, Ghent University, December 2006, p. 2.84 Armi Marina (1991), ‘La violenza sui minori’, in Bollettino Associazione Svizzera per la protezionedell’infanzia (ASPI), n° 1/1991, p. 6-7.85 Grude Flekkoy M. (2002), ‘The Ombudsman for children : conception and developments’, in Franklin Bob(ed.), The new handbook of children’s rights: Comparative policy and practice, London, Routledge, 2002, p.412.

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Pupavac86, par contre, fait de la problématique de la légitimité le point central de sonraisonnement sur la représentation politique des enfants. Elle déplore le fait qu’on prennepour acquis que la représentation politique de l’enfant est juste si elle suit les prescriptions dela CDE. En littérature, deux théories de droits existent. La théorie volonté/pouvoir repose surla capacité du sujet de droit de demander l’accomplissement de ses droits et d’accepter lesobligations que cela implique. Dans ce modèle classique de droit, le sujet de droits est aussiun agent capable de les exercer. Cette théorie est difficilement accessible aux enfants, car ellesous-entend que les sujets de droit doivent exprimer une volonté.

La théorie des intérêts, qui est celle des droits de l’homme, proclame par contre que les sujetsont des droits qui sont protégés légalement s’ils ne peuvent pas les exercer. Elle donne desdroits justement à ceux qui manquent de la capacité de les exercer et qui ont besoin de leurprotection. Par leur incompétence, ces sujets de droits ne sont pas en mesure de décider niquels intérêts ils veulent défendre ni d’élire des représentants pour les défendre. Dans cettesituation, les sujets de droits et les agents moraux qui les défendent sont deux entitésdifférentes. L’approche des droits de l’homme, tout en sous-entendant l’existence dereprésentants, ne soulève pas la question de leur légitimité.

Les droits de l’enfant mettent en évidence ce déficit de légitimité, car pour les premièresannées de leurs vies, les enfants sont totalement dépendants des adultes. Cet état de fait ne vapas changer avec le temps comme cela a été le cas pour les femmes : une fois émancipées,elles ont pu assumer directement la défense de leurs droits. Encore une fois, les enfantssubissent l’arbitraire des adultes. D’une part, ces derniers s’autoproclament représentants.D’autre part, ils décident quels intérêts défendre et comment les interpréter. Tout en étantcentrale dans le discours des droits de l’homme, la question de la légitimité de lareprésentation politique reste marginale, mais elle se doit d’être débattue87.

Pupavac expose ensuite une conséquence perverse de cette situation. Dans l’approcheclassique, la représentation de l’enfant dans la sphère publique est donnée aux parents. Enmettant en discussion ce modèle, on remet en cause la capacité des parents à défendre lesdroits de l’enfant sans pour autant émanciper les enfants. Par conséquent, les droits del’enfant ne font que délégitimiser les parents en faveur des officiels, des professionnels et desactivistes88.

La remise en question de la légitimité de la représentation politique des enfants basée sur lesdroits de l’enfant n’en est qu’à ses débuts. Il n’appartient pas à ce travail de la résoudre. Il estcependant important de savoir qu’elle existe car elle secoue le système politique dereprésentation que l’on cherche à analyser.

Pour conclure, nous constatons que les enfants ont des intérêts spécifiques à défendre, maisqu’ils sont exclus de l’arène politique où ils pourraient les défendre. Le système dereprésentation politique leur est donc nécessaire, mais sa légitimité ne repose pas sur desbases solides comme pourrait l’être le droit de vote. Est-ce que cette situation détériore leursconditions de vie ?

86 Pupavac V. (2006), op. cit., p. 1-3.87 Pupavac V. (2006), op. cit., p. 2-3.88 Pupavac V. (2006), op. cit., p. 2-3.

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4. La marginalisation des enfants

De plus en plus de voix se lèvent pour souligner la précarité dans laquelle vivent les enfantset beaucoup font le lien entre cette situation préjudiciable avec leur manque de droitspolitiques qui engendre un manque d’intérêts des représentants dans les instancesdécisionnelles. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), par exemple, se sent dansl’obligation de demander à l’Etat de défendre les plus vulnérables malgré le manque dereprésentativité directe.

En novembre 1989, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté laConvention relative aux droits de l’enfant. Un des principes directeurs en est queles enfants sont des personnes qui ont les mêmes droits que les adultes. Cependant,comme les enfants dépendent des adultes, leur point de vue est rarement pris enconsidération lorsque les gouvernements décident de politiques. Parallèlement, lesenfants constituent souvent le groupe le plus vulnérable en ce qui concerne lesactivités gouvernementales en matière d’environnement, de conditions de vie, desoins de santé et de nutrition. La Convention relative aux droits de l’enfant énoncedes normes et des obligations claires à l’intention de tous les Etats signataires enmatière de protection des enfants.89

Kittay et Linsdsey, mettent en relation le manque de droit de vote des mineurs aux Etats Unisavec leur état de pauvreté. La première se demande si les personnes plus pauvres sont aussicelles qui ne sont pas représentées dans l’arène politique et souligne le fait que lorsqu’onmentionne les enfants on en parle comme des personnes en devenir et non comme descitoyens à part entière. ‘I don’t want a five-year-old in the voting booth any more than youdo,” she said, but we can’t “mistake not having the capacities needed for politicalparticipation for not having interests that require political representation.’ 90

Lindsey renchérit et affirme que la solution contre la pauvreté infantile est à portée de main,mais il n’y a jamais eu de volonté politique pour la résoudre. Le problème réside, selon lui,dans l’exclusion du vote des enfants :

The fundamental problem is that our political system fails to provide a mechanismthat lets the interests of children to be represented. In modern democratic societieslike the United States, political power derives from the vote. Those who can voteare able to assure that their needs and interests are protected. Yet, children areunable to vote. (…) One could imagine the consequences for any particular group ifthey lost their right to vote. Their interests would depend on the good will andsympathy of others. Perhaps their rights would be protected by the courts. But invery real terms, their interests and needs would rapidly fall in importance amongelected officials.91

Par ailleurs, Qvortrup, par une approche structurelle, révèle une graduelle marginalisation desenfants comme collectivité qui les expose à un majeur risque d’appauvrissement. Cephénomène est une conséquence collatérale des changements structurels survenus dans les

89 Krug Etienne G., Dahlberg Linda L., Mercy James A., Zwi Anthony et Lozano-Ascencio Rafael (2002), ‘Lamaltraitance des enfants et le manque de soins de la part des parents ou des tuteurs’, en Rapport mondial sur laviolence et la santé, OMS, Genève, 2002, p. 86.90 Kittay Eva, ‘Why Children and Other Dependents Belong in Political Theory’, Presentation at 16th AnnualMc Dowell Conference Fall 2006, 3.11.2006, in Getty Matt, McDowell Conference philosopher urges politicalrepresentation for children, American weekly, 14.11.2006, (consulté le 18.01.07) sur :http://veracity.univpubs.american.edu/weekly/111406/111406_mcdowell.html.91 Lindsey Duncan, Why children Should Have a Vote, (consulté le 18.01.07) sur :http://www.childwelfare.com/kids/kidsvote.htm..

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sociétés occidentales ces dernières décennies. Des causes démographiques et idéologiquesont contribué à ce phénomène. D’une part, un graduel vieillissement de la population s’estdoublé d’une baisse de natalité, qui a eu comme conséquence une diminution du nombre desadultes vivant avec des enfants. Ceci fait que les parents sont en sous nombre par rapport auxautres adultes. Aussi, dans nos sociétés libérales, les enfants sont une affaire privée, decompétence des parents uniquement. L’ingérence de l’Etat est mal perçue. Cependant, l’Etatà un rôle à jouer pour contrer ce phénomène. Mais même dans les pays scandinaves, où l’Etatprovidence est attentif à la cause des enfants, le pourcentage d’enfants en risqued’appauvrissement est nettement plus élevé que celui des personnes âgées92.

Ce phénomène a des conséquences négatives sur la défense des intérêts des enfants sur lascène politique. Les enfants ne perdent pas seulement leur importance par la diminution deleur nombre, ils perdent aussi des alliés entre les adultes, par la diminution des adultes quivivent avec eux. Leur influence politique ne fait que s’atténuer.

At one broad societal level children seem to be in the defensive to the extent thattheir share of the population in industrial countries for decades has beendiminishing. This means (…) not only that their relative material conditions havebeen deteriorating, it also reduces their likelihood to make claims on socialresources with any strength; as a tendency children have fewer and fewer allies. Arapidly diminishing part of adults live together with children, and therefore also thepart of the electorate which has nothing at stake as far as children are concerned isgrowing. The number of associations working on behalf of children may be many,but they are typically weak in economic and political terms compared with pressuregroups serving the interests of other population groups.93

En comparaison, les intérêts des personnes âgées sont mieux assouvis.

This analysis shows that aid of families with children constitute only a limitedquota in per capita terms of direct spending for the elderly, with the sole exceptionof spending for education, which however, according to Higgins, “is the principalfactor preventing the elderly-to-children ratio for public spending from being muchgreater.94

Une intervention étatique en leur faveur est nécessaire pour pallier leur marginalisationstructurelle. Leur absence de la scène politique ne fait qu’aiguiser une situation qui leur estdéfavorable.

5. Synthèse et conclusion

On assiste à un changement de mentalité qui voit les deux conceptions de l’enfant cohabitersur la scène politique. On passe d’un enfant exclu de la vie publique et bénéficiaire d’uneassistance dont la responsabilité est entièrement dans les mains de l’adulte, à un enfantcompétent, possesseur de droits, qui a des intérêts spécifiques à défendre dans l’arènepolitique. La CDE normalise cette dernière conception, tout en n’étant qu’une étape dansl’évolution en cours.

92 Qvortrup Jens (1999), Childhood and Societal Macrostructures, Odense University Printing Office,Copenhagen, 1999, p. 15-16.93 Qvortrup Jens (1994), op. cit., p. 18.94 Sgritta Giovanni (1994), ‘The generational Division of Welfare : Equity and Conflict’, in Qvortrup Jens,Bardy M., Sgritta G., Wintersberger H. (Eds), Childhood Matters, European Centre Vienna, 1994, p. 346.

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En effet, l’enfant reste exclu de l’arène politique que ce soit dans l’approche traditionnelle oudans celle des droits de l’enfant. La CDE ouvre une brèche avec l’octroi des libertéspolitiques, mais elle ne franchit pas le pas vers une entière citoyenneté. Cet état de fait a desconséquences réelles dans la vie des enfants, qui restent des marginalisés dans la sociétéactuelle. Les libertés politiques ne parviennent pas à compenser, pour l’instant, leur manquede droits politiques. Cette situation est péjorée par des causes structurelles. Les enfantsdiminuent en nombre tout comme diminue le nombre des adultes qui vivent avec eux. Leurinfluence politique s’affaiblit en proportion. A ce jour, il n’est pas possible de prédire si labrèche ouverte par la CDE changera le paysage politique. Il reste, qu’entre temps, il est dudevoir des adultes de défendre ces intérêts de la meilleure manière qui soit.

Dans le reste du travail, nous allons comparer trois modèles pour en dégager lescaractéristiques politiques, idéologiques et circonstancielles qui ont permis ou empêché ladéfense des intérêts des enfants dans le cadre de la loi relative à une interdiction totale deschâtiments corporels.

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Chapitre III : la Suisse et la loi contre les châtiments corporels

Dans ce chapitre, nous allons analyser la loi sur l’interdiction des châtiments corporels ausein de la famille, son historique, ses causes et les avis favorables et contraires. Puis, nous lesmettrons en parallèle avec la situation suisse, en examinant la participation des différentsacteurs politiques au processus de la prise de décision.

1. La loi sur l’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille

Il n’est pas lieu, dans ce travail, de faire un pamphlet politique sur le bien-fondé d’une loicontre les châtiments corporels. Il est cependant important de comprendre la logique quiamène les professionnels et les défenseurs des droits de l’enfant à être unanimement enfaveur d’une loi de ce type.

En 1979, la Suède surprend le monde, en émettant la première loi sur l’interdiction de toutesles formes de châtiments corporels et dans tous les milieux. Son unicité est due au fait quel’interdiction est valable aussi pour les parents, et elle s’attaque à toutes les formes deviolence (dures et douces). Elle n’amène pas de sanctions criminelles. Elle est volontairementéducative. Elle aspire à donner des lignes directrices claires pour les personnes quis’occupent des enfants et à enlever le sous-entendu légal que les châtiments corporels sontpermis dans leur éducation. Elle cherche à transformer les valeurs culturelles sur l’emploi dela force envers les enfants par des normes légales claires et à reconnaître et protégerexplicitement le droit de l’enfant à l’intégrité physique95.

Children are entitled to care, security, and good upbringing. Children are to betreated with respect for their person and individuality and may not be subjected tophysical punishment or other injurious or humiliating treatment96.

Cette loi ne veut pas enlever la responsabilité des parents à l’éducation de leurs enfants97.Elle n’a non plus pour but de criminaliser les parents, car au-delà d’autres considérations,cela irait à l’encontre du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant défendu par l’article 3 laCDE98.

Pour paraphraser l’ombudsman du Costa Rica, dans un discours devant son parlement enfévrier 2004, le vide légal à ce sujet, combiné avec la tradition, fortement ancrée dans lapopulation, qui fait des châtiments corporels une méthode éducative efficace, fait que lapermission légale de frapper modérément son propre enfant est interprété comme unepermission de battre son enfant99.

95 Loi suédoise inscrite dans le code des parents. Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), ‘Parenting and publicpolicy : contextualizing the Swedish corporal punishment ban’, in Journal of Social Welfare and Family Law,1997, 19, p. 443.96 Durrant J.E. (1996), ‘The Swedish corporal punishment ban : its history an effects’, in D. Frehsee and K-D.Bussman (eds), Violence against children in the family, Berlin de Gruyter, 1996, p. 21.97 Ziegert K.A. (1983), ‘The Swedish prohibition of corporal punishment : A preliminary report’, in Journal ofMarriage and Family, 1983, 45, p. 917.98 Newell Peter (2005), ‘The Human Rights Imperative for ending all corporal punishment of children’, inDurrant Joan E., Newell Peter, Power Clark et Stuart N. Hart, Eliminating Corporal Punishment : the wayforward to constructive child discipline, UNESCO, Paris, 2005, p. 43.99 Newell Peter (2005), op. cit., p. 44.

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1.1 Les motivations du choix de la loi

Le but de ce travail est de donner une piste de réflexion pour comprendre la situation précairedes droits de l’enfant sur la scène politique suisse et donc d’améliorer leur influence dans laprise de décision. Pour ne pas déborder du cadre fixé, nous avons choisi de concentrer nosefforts d’analyse sur le débat autour de l’adoption d’une loi sur l’interdiction des châtimentscorporels à la maison. Ce choix est motivé par plusieurs facteurs.

Premièrement, les parlements des trois pays analysés ont dû se prononcer par rapport à cetteloi. Dans deux d’entre eux, la loi a été refusée alors qu’en Suède elle a été adoptée à la quasi-unanimité. Aussi, la Suède a introduit cette loi dans un environnement politique où les droitsde l’enfant sont partie intégrante de la scène politique nationale. On peut ainsi la considérercomme un thermomètre, certes imprécis, de l’acceptation de la notion des droits de l’enfantdans l’arène politique.

Deuxièmement, le débat autour de l’interdiction des châtiments corporels à la maison met enévidence les intérêts des enfants par rapport à ceux de leurs parents ce qui nous permet decomprendre la place des droits de l’enfant dans leur spécificité sans les assimiler àl’ensemble des intérêts familiaux. Aussi, cette dichotomie a le mérite d’opposer les deuximages de l’enfant décrites dans le chapitre précédent100. Ce débat révèle, par ailleurs, lesdifférentes conceptions de l’Etat qui se rencontrent dans l’arène politique et qui déterminentses actions. Pour paraphraser Durrant et Olsen, le débat autour de cette loi reflète lesdifférentes visions sur la distribution des pouvoirs dans la famille, la position des enfantsdans la société et le rôle de l’Etat101.

Troisièmement, les enfants eux-mêmes, dans les différentes études où leur opinion a étédemandée, ont clairement affirmé être contre les châtiments corporels. D’une part, car ilssont inutiles – ils vont obéir à leurs parents seulement pour ne pas recevoir une autrepunition. D’autre part, ce geste violent est vécu comme une humiliation et à part la douleurphysique, il reste une douleur émotionnelle qui met plus longtemps à guérir102. La questioncontroversée de la légitimité de la représentation politique décrite dans le chapitreprécédent103 est en quelque sorte atténuée.

Quatrièmement, la nécessité d’adopter une telle loi fait l’unanimité des adeptes des travaux.Les défenseurs des droits de l’homme et les professionnels se rejoignent pour dire que leschâtiments corporels doivent être bannis. Les défenseurs des droits de l’homme veulentredresser la violation de certains principes fondamentaux qui régissent les normes des droitsde l’homme : l’égalité de tous devant la loi et le respect de l’intégrité physique et mentale etde la dignité humaine. Les professionnels pensent que les châtiments corporels sont néfastespour la santé et le développement des enfants.

100 Chapitre II.1.101 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., 19, p. 443.102 Hyder Tina, and Willow Carolyne, It Hurts You Inside : Children Talking about Smacking, Save theChildren and National Children’s Bureau, London, 1998.International Save the Children, Ending Physical and Humiliating Punishment of Children, Part 2, GlobalSubmission t the UN Secretary’s General Study on Violence against Children, Stokholm, Save the ChildrenSweden, 2005.UNICEF, Young Voices Opinion Survey of Children and Young People in Europe and Central Asia, Geneva,UNICEF, 2001.103 Chapitre II.4.

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Finalement, l’adoption de cette loi est devenue centrale dans la communauté internationaledes droits de l’homme qui en a fait son cheval de bataille contre la maltraitance envers lesenfants. Son analyse au niveau national permet d’apprécier l’influence que la communautéinternationale a dans l’arène politique d’un pays.

En conclusion, on peut estimer que l’adoption de cette loi est dans l’intérêt des enfants et doitêtre défendue dans la scène politique nationale – la scène internationale est déjà conquise.

1.2 Les causes de l’emploi de la force dans l’éducation des enfants

L’approche environnementale a permis à Ziegert de dégager deux phénomènes déterminantsqui expliquent l’emploi des châtiments corporels au sein de la famille. D’une part, il existeune approbation de ce phénomène dans les normes et valeurs sociales, en incluant celle dulégislateur. D’autre part, la situation de surcharge des parents déterminée par leurenvironnement diminue leur capacité à se contrôler104. Cette dernière demande des mesuresd’allègement afin d’améliorer les conditions de vie des familles. Ceci sort du champd’analyse choisis qui est l’adoption d’une loi. Il est cependant intéressant de constater que leConseil fédéral le privilégie dans le cadre de l’introduction de la loi.

Par contre, si l’on recherche un changement de comportement, il faut viser une modificationdes valeurs. Ainsi, si on considère que l’enfant appartient au parent, l’emploi de formes desoumission, dont la violence, est justifiable par le bien de l’enfant. Au contraire, si onenvisage l’enfant comme une personne ayant des droits, le parent devient le garant de cesdroits. L’enfant étant un paire, il n’est alors plus possible d’employer des formes desoumissions dans son éducation105.

Ainsi, si une loi est le reflet des valeurs et des idéologies d’une société106, le contraire estaussi vrai. Edicter une loi qui mette clairement toute violence contre les enfants hors la loi,peut modifier la conception de l’enfant, de la famille et du rôle de l’Etat sur la question etainsi être le premier jalon vers un réel changement d’attitude107.

La prise de décision politique dans ce sens sous-entend aussi un changement d’attitude de lapart du législateur qui tend à concevoir la famille et l’enfant de manière traditionnelle. Ladifficulté d’une modification d’attitude autour de ce thème réside dans le fait que tout lemonde a été enfant. Ainsi, d’une part chacun a son mythe de l’enfance emprunté d’émotionsqui rendent les compromis et donc la décision difficile ; d’autre part, chacun possède uneexpertise qui l’incite à remettre en question le point de vue des experts, composantenécessaire pour une prise de décision éclairée. Afin de permettre aux changements sociaux,survenus dans ces dernières décennies, de percer la vision idéaliste de la famille et del’enfant, il faut dépassionner le débat108.

Le changement des mentalités est aussi nécessaire à propos du rôle de l’Etat. Dans cedomaine, la dichotomie publique/privé bat son plein. Ainsi,

104 Ziegert K.A. (1983), op. cit., p. 918-919.105 Armi Marina (1991), ‘La violenza sui minori’, in Bollettino Associazione Svizzera per la protezionedell’infanzia (ASPI), n° 1/1991, p. 6-7.106 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 445.107 Ziegert K.A. (1983), op. cit., p. 920.108 Berger Michèle, Fehr Jacqueline, Meier-Schatz Lucrezia, Zünd Brigitte, Blanchard Jean, KrummenacherJürg, Tassigny de Marie-Françoise (2003), ‘Le lobbying dans la pratique’, en Questions familiales : Bulletind’information, OFAS, 1/2003, p. 13-20.

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If the home and the school had become by the early twentieth century spaces whichshould be inhabited by children, neither was in any way safe by the century’s end.As the abuse of children mounted the political agenda, ‘home’ was identified as theplace where it was most likely to occur.109

Devant ce constat, la responsabilité de l’Etat de protéger les membres vulnérables de lasociété est en contraste avec son devoir de respecter la sphère privée. Cette tension a déjà étéau centre des débats sur la violence familiale envers les femmes. Dans ce cas, le changementde mentalité s’est achevé et il n’est plus acceptable qu’un mari batte sa femme. Le débat surune loi interdisant les châtiments corporels au sein de la famille, repropose ce dilemme quioppose les deux doctrines politiques majoritaires : la libérale-conservatrice et la social-démocratique.

Le Comité des droits de l’enfant tranche la question en donnant son opinion, opinion qui faitjurisprudence.

Dans le préambule de la Convention, il est affirmé que la famille constitue l’unitéfondamentale de la société et le milieu naturel pour la croissance et le bien-être detous ses membres et en particulier des enfants. La Convention fait obligation auxÉtats parties de respecter et de soutenir les familles. Il n’y a pas le moindre conflitavec l’obligation incombant aux États de veiller à ce que la dignité humaine etl’intégrité physique des enfants, de même que des autres membres de la famille,bénéficient d’une protection entière dans la famille.110

Cette évolution s’inscrit, entre autre, dans un processus d’émancipation des groupes sociauxmarginaux, tel que les femmes. Elle est aussi influencée par le constat social que la famille nepeut plus être considérée comme le havre de paix où l’enfant peut se développer en toutesécurité. Par conséquent, l’Etat comme garant de la sécurité de ces membres, se doitd’intervenir. Enfin, elle s’inscrit dans la démarche politique qui a abouti à la création de laCDE et donc à l’acceptation par la communauté internationale du concept de droits del’enfant.

Ainsi, au niveau international, les différentes instances font désormais de cette loi leur chevalde bataille pour lutter efficacement contre la maltraitance et pour une couverture totale desdroits de l’homme.

2. Les normes internationales et les mécanismes de contrôle

Le droit international demande aux Etats parties d’adopter une loi sur l’interdiction deschâtiments corporels au sein de la famille. Ainsi, l’Etat a l’obligation de garantir le respect, laprotection et l’accomplissement des droits inscrits dans la CDE, en protégeant l’enfant del’Etat lui-même et des autres membres de la société (interférences horizontales), et enagissant positivement pour accomplir les devoirs qu’il a envers ses citoyens.

Dans la communauté internationale, le thème de la violence envers les enfants a pris del’ampleur et l’interdiction totale des châtiments corporels est recommandée comme une des 109 Cunnigham Hugh (2005), Children and Childhood in Western Society Since 1500, Pearson LongmanEducation Limited, Harlow, second edition, 2005, p. 193.110 Comité des droits de l’enfant (2006), Observation Générale N° 8 : Le droit de l’enfant à une protectioncontre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiment, Geneva,CRC/C/GC/8, 21 août 2006, para. 27.

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solutions de choix. Par un vote unanime à l’Assemblée générale, l’ONU déclare 2000-2010la ‘Décennie internationale de promotion d'une culture de la non-violence et de la paix, auprofit des enfants du monde’. Le Secrétaire général de l’ONU publie en septembre 2006 le‘Rapport mondial sur la violence envers les enfants’111. Le Conseil de l’Europe lance en 2006le programme d’action triennale de ‘Edifier une Europe pour les enfants’112.

A ce sujet, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe souligne que’Sinous prenons vraiment au sérieux l’engagement pour une Europe en tant qu’espace sansviolence à l’encontre des enfants, nous devons encourager tous les pays à interdiretotalement les châtiments corporels.’113

2.1 L’Organisation des Nations Unies (ONU)

2.1.1 La Convention des droits de l’enfantLa CDE, dans l’article 19, demande aux Etats de prendre ‘toutes les mesures (…)appropriées’ pour prévenir toutes formes de violence envers les enfants. L’Etat membre estdésormais obligé d’agir activement contre ce phénomène aussi ‘pendant qu(e l’enfant) estsous la garde de ses parents’. La CDE le rend responsable de la protection des enfants et luidemande expressément d’investir la sphère privée, tout en ‘(r)econnaissant que l'enfant (…)doit grandir dans le milieu familial’ (Préambule CDE). Ainsi, l’Etat est responsable demettre sur pied un cadre de mesures ‘législatives, administratives, sociales et éducatives’pour protéger l’enfant comme il le fait pour tous les membres de la société114.

2.1.2 Le Comité des droits de l’enfantSelon le Comité des droits de l’enfant, les châtiments corporels ne sont pas compatibles avecla CDE et il considère leur interdiction légale comme une mesure d’urgence. ‘Le Comitésouligne qu’éliminer les châtiments violents et humiliants à l’égard des enfants par la voied’une réforme législative et d’autres mesures nécessaires constitue une obligation immédiateet inconditionnelle des États parties’.115

Depuis 1994, dans ses recommandations aux Etats membres, en réponse à leurs rapportspériodiques, le Comité souligne l’importance d’un changement de législation afin d’interdireles châtiments corporels, notamment au sein de la famille. En 2001, il organise sa journée dediscussion autour de la ‘Violence envers les enfants dans la famille et à l’école’. Pendantcette journée, il adopte des recommandations formelles demandant la prohibition de laviolence envers les enfants, dont les châtiments corporels dans tous les lieux.116 Finalement,en août 2006, il rédige une Observation générale entièrement consacrée aux châtimentscorporels, au sein de la famille, à l’école, dans les institutions d’accueil et dans le systèmepénal117.

111 Pinheiro Paulo S. (2006), World Report on violence against children, Etude du Secrétaire des Nations Unies,Nations Unies, New York, 2006.112 Conseil de l’Europe (2005), Edifier une Europe pour les enfants, Délégués des Ministres, CM-SUIVI3(2005)13, Strasbourg, 18 octobre 2005.113 Hammarberg Thomas (2006), Allocution à la Conférence de lancement du Programme triennal : «UneEurope pour et avec les enfants », Monaco, 5 avril 2006.114 Newell Peter (2005), op. cit., p.26-27.115 Comité des droits de l’enfant (2006), op. cit., para. 22.116 Newell Peter (2005), op. cit., p.27.117 Comité des droits de l’enfant, Observation générale No 8 : Le droit de l’enfant à une protection contre leschâtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments (art. 19, 28 (par. 2) et 37, entreautres), CRC/C/GC/8, Genève, 21 août 2006.

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Mais le Comité n’est pas le seul dans l’univers onusien à donner à cette loi une grandeimportance.

2.1.3 Les autres organes onusiens des droits de l’hommeLe Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans son Observation sur le droit àl’éducation, explicite la nécessité de bannir les châtiments corporels des écoles. Il va plusloin lors des recommandations données au Royaume Uni en mai 2002, il demande l’abolitiondes châtiments corporels au sein de la famille.

Dans l’observation générale n° 20 (1992), sur l’article 7 du Pacte international relatif auxdroits civils et politiques (ICCPR), le Comité des droits de l’homme demande l’interdictiondes châtiments corporels en incluant explicitement ceux ordonnés comme mesuredisciplinaire. Il souligne aussi la nécessité de bannir ces punitions physiques au sein de lafamille, de l’école et du système judiciaire, lorsqu’il examine les rapports des Etats membres,en lien avec l’article 7 de la ICCPR.

Le Comité contre la torture condamne aussi les châtiments corporels en famille,(CAT/C/CR/32/4, May 2004). Dans son rapport à l’Assemblée générale de l’ONU en 2002,le Spécial Rapporteur sur la torture de la Commission des droits de l’homme a donnébeaucoup d’espace à la nécessité d’interdire les corrections physiques, dont ceux à lamaison118.

2.2 Le système européen des droits de l’homme

Les différentes institutions européennes de contrôle ont pris à leur tour la défense d’unelégislation contre les châtiments corporels.

2.2.1 Le Conseil des Ministres du Conseil de l’EuropeDepuis 1985, le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe a successivement condamnéles châtiments corporels ‘(Recommendation No. R (85) 4 on violence in the family,Recommendation No. R (90) 2 on social measures concerning violence within the family andRecommendation No. R (93) 2 on the medico-social aspects of child abuse).’119

2.2.2 Le parlement du Conseil de l’EuropeL'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adopte en 2004 une recommandationrelative à une campagne concertée et coordonnée dans tous les Etats membres pour uneabolition totale des châtiments corporels envers les enfants (R. 1666/2004)120.

2.2.3 La Cour européenne des droits de l’hommeLa Cour européenne, qui est née en 1998 de la fusion de la Commission européenne desdroits de l’homme et de la Cour européenne des droits de l’homme, examine les allégationsde violations de la Convention européenne des droits de l’homme (ECHR). Depuis les annéessoixante-dix, cette institution et celles qui l’ont précédée, ont jugé, à différentes reprises, les

118 Newell Peter (2005), op. cit., p. 25-48.119 Council of Europe (2002), ‘Progress made towards abolition of corporal punishment’, in Seminar onCorporal Punishment of Children within the Family, Forum for Children and Families, 4th meeting , Strasbourg,21-22 November 2002, Palais d’Europe, p.4.120 Children Are Unbeatable! Alliance (2006), Equal protection fram assaults is every child’s human right,published by Children Are Unbeatable! Alliance, June 2006, p. 10.

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châtiments corporels, dont ceux au sein de la famille, en violation avec différents articles dela ECHR,121.

2.2.4 Le Comité européen des droits sociauxLe Comité européen des droits sociaux examine les violations des Etats membres de laCharte sociale européenne. Il examine, entre autre, si les Etats membres fournissent uneprotection adéquate aux enfants. A cet effet, en 2001, il décide de donner priorité àl’interdiction des châtiments corporels. Dans son Observation générale de 2001, le Comitéénonce que tous les châtiments corporels sont une violation de l’article 17 de la Charte.Depuis lors, en examinant les législations nationales des pays membres, il émet desrecommandations en faveur de l’adoption d’une législation d’interdiction des châtimentscorporels aussi à la maison122.

Le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne, prévoyant un système deréclamations collectives, donne la possibilité au Comité de répondre à des plaintes collectivescontre les Etats qui violent des droits inscrits dans la Charte. En juin 2005, le Comité a jugé 5Etats membres coupables de ne pas avoir satisfait leur devoir de protection envers lesenfants, en interdisant formellement tous les châtiments corporels. Suite à ce jugement, laGrèce a légiféré dans ce sens123.

3. La Suisse et la loi sur l’interdiction totale des châtiments corporels

3.1 La situation légale

3.1.1 Les obligations internationalesLa Suisse a ratifié la ECHR en 1974, le CAT en 1986, l’ICCPR et l’ICESCR en 1992 et laCDE en 1997. Elle a signé la Charte sociale européenne le 06.05.1976 et ne l’a pas encoreratifiée.

Les recommandations du Comité des droits de l’enfant à la Suisse en 2002 sont lessuivantes124 :

While noting that corporal punishment is prohibited in schools, the Committee isconcerned that according to the jurisprudence of the Federal Tribunal, corporalpunishment is not considered as physical violence if it does not exceed the levelgenerally accepted by society. In addition, the Committee is concerned that corporalpunishment within the family is not prohibited under law.

The Committee recommends that the State party explicitly prohibit all practices ofcorporal punishment in the family, schools and in institutions and conductinformation campaigns targeting, among others, parents, children, law enforcementand judicial officials and teachers, explaining children’s rights in this regard andencouraging the use of alternative forms of discipline in a manner consistent withthe child’s human dignity and in conformity with the Convention, especiallyarticles 19 and 28, paragraph 2.125

121 Newell Peter (2005), op. cit., p.34.122 Newell Peter (2005), op. cit., p.36.123 Children Are Unbeatable! Alliance (2006), op. cit., p. 8.124 Par souci de contenance, nous n’allons pas donner la liste des recommandations de tous les organes decontrôle.125 Committee on the rights of the child (2002), Concluding observations of the Committee on the rights of thechild : Switzerland, Geneva, CRC/C/15/Add.182, 7 June 2002, para. 32 and 33.

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Selon ses obligations internationales, l’Etat suisse, incarné par son gouvernement, doitintroduire une loi explicitant l’interdiction totale des châtiments corporels envers les enfants.Voyons maintenant quelle est la situation légale suisse.

3.1.2 Les normes nationalesLa Suisse n’a pas jugé nécessaire de légiférer sur une interdiction explicite des châtimentscorporels au sein de la famille126. Par contre, la Constitution de 1999, protège les enfants demanière claire, en tant qu’êtres humains et en tant qu’enfants. Elle proclame l’égalité de‘(t)ous les êtres humains (…) devant la loi’ (art. 8 al. 1) sans ‘discrimination du fait (…) deson âge…’ (art. 8 al. 2). Aussi, ‘(t)out être humain a droit à (…) l’intégrité physique etpsychique (…) La torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradantssont interdits’ (art. 10 al. 2 et 3). Finalement, ‘(l)es enfants et les jeunes gens ont droit à uneprotection particulière de leur intégrité et à l’encouragement de leur développement.’ (art.11 al.1). Ainsi, les principes d’égalité devant la loi et le droit à la dignité humaine et àl’intégrité physique et psychique pour les enfants sont défendus constitutionnellement.

Les châtiments corporels sont interdits à l’école, dans les institutions alternatives et dans lesystème pénal. En cas de violation, il est possible d’intenter un procès contre un instituteur,un gardien de prison ou un éducateur par les articles 122 et 126 du code pénal (CP).

Aussi, selon l’art. 126 al. 2(a), les voies de fait sont punissables et elles sont définies de lasorte : ‘celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé nilésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni des arrêts ou de l’amende’(al.1). Si ses gestes sont répétés ‘(l)a poursuite aura lieu d’office si l’auteur a agi (…): contreune personne, notamment un enfant, dont il avait la garde ou sur laquelle il avait le devoirde veiller’ (al. 2(a)). Ainsi, la notion de répétition permet aux enfants d’être protégé d’office.Il subsiste cependant une brèche dans la protection légale, lorsque le tribunal juge qu’il n’y apas répétition dans les actes et donc il n’y a pas lieu d’intervenir d’office. En effet, lesenfants ne peuvent pas porter plainte (ancien art. 28 CP).

Il est intéressant de voir que dans le code pénal, révisé et rentré en vigueur le 01.01.2007, sil’enfant est jugé capable de discernement il peut désormais porter plainte (art. 30 CP). Il n’ya pas de limites d’âge à cette possibilité qui est conforme à la notion d’ evolving capacityénoncée dans l’article 5 de la CDE.

Par ailleurs, selon le code civil (CC), ‘(l)es père et mère sont tenus d’élever l’enfant selonleurs facultés et leurs moyens et ils ont le devoir de favoriser et de protéger sondéveloppement corporel, intellectuel et moral.’(art. 302 al. 1). Depuis 1978, par abrogationde l’art. 278 du CC, le droit de correction des parents n’est plus explicité dans la loi. Il estcependant encore présent implicitement par l’art. 14 du CP : ‘Quiconque agit comme la loil’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, même si l’acte est punissable en vertudu présent code ou d’une autre loi.’ 127

Ainsi, dans l’arrêt du Tribunal fédéral du 5 juin 2003 (ATF 126 IV 216ss), le droit decorrection est encore pris en considération, mais les juges tiennent compte de l’évolutionrestrictive de son interprétation, et considèrent que ‘le fait de tirer régulièrement les oreilles,en sus de l’administration de gifles, est révélateur d’un ‘mode d’éducation fondé sur la 126 Depuis 1993, les châtiments corporels à l’école sont illégaux et peuvent être poursuivis.127 Lücker-Babel Marie-Françoise (2003), ‘Mise hors la loi des mauvais traitements envers les enfants : leTribunal fédéral avance’, in Bulletin suisse des droits de l’enfant, Vol. 9, n°4, décembre 2003, p. 20-21.

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violence physique’ et devient punissable’128. Ils ne se prononcent pas cependant sur uneinterdiction totale.

Selon le Comité des droits de l’enfant, cette situation légale n’est pas suffisante pour protégerl’enfant. Il demande une interdiction légale claire dans le but de donner les moyens légaux àl’enfant pour se défendre.

Aussi, à deux reprises, des études faites par des experts mandatés par la Confédérationdemandent une législation claire sur l’interdiction des châtiments corporels. La première, en1992, dans le cadre du rapport Enfance maltraitée en Suisse129, a, entre autre, le mérite demettre en évidence, pour la première fois en Suisse, le problème de la maltraitance. Ladeuxième, en décembre 2005, dans le cadre de l’étude Violence contre les enfants : conceptd’une prévention globale130 - mandatée à des experts externes par l’Office fédéral desassurances sociales (OFAS) - demande l’adoption d’une loi claire interdisant les châtimentscorporels.

En Suisse, il convient d’ancrer dans la loi l'interdiction expresse d'infliger despunitions corporelles et d'autres traitements dégradants à l'enfant. On souligneraque de tels traitements sont : inefficaces sur le plan pédagogique, discutables sur leplan moral, lourds de conséquences sur le plan médical et psychologique.131

Des projets de loi pour l’interdiction totale des châtiments corporels ont été déposés, commenous allons le voir au paragraphe suivant.

3.2 Historique de la campagne pour l’adoption de la loi

Afin de mieux comprendre le fonctionnement du processus d’adoption d’une loi en Suisse,nous allons introduire sous cette rubrique et dans les suivantes, une citation qui expose lescaractéristiques politiques pertinentes au thème traité.

La Suisse est une république fédérale gouvernée d’après une Constitution adoptéeen 1848, révisée (…) en avril 1999 (…). Le système politique suisse — démocratiepluraliste — combine la démocratie directe et indirecte et repose sur les principesde souveraineté du peuple, de séparation des pouvoirs et de représentationproportionnelle. Depuis le référendum de 1971 accordant le droit de vote auxfemmes, tous les citoyens âgés d’au moins 18 ans peuvent voter. En outre, lesélecteurs possèdent un droit (de referendum et d’initiative populaire). Les cantonsjouissent aussi d’un droit de référendum qui leur permet toujours de décider endernière instance de l’application ou non d’une loi. (…) La Suisse constitue ainsil’un des pays dans le monde où l’influence directe des citoyens sur la politiquemenée par le gouvernement est la plus grande.132

128 Lücker-Babel Marie-Françoise (2003), op. cit, p. 20.129 Bouverat Germain préside le Groupe de travail (1992), Enfance maltraitée en Suisse, Rapport final présentéau chef du Département fédéral de l'Intérieur, Office central des imprimés et du matériel, Berne, 1992, para.5.1.2, R.130 Dardel Florence, Guidoux Lucienne, Luca Lara di, Ziegler Franz (2005), ‘Violence contre les enfants :concept d’une prévention globale’, in Bulletin Questions familiales, Hors-série du, Office fédéral des assurancessociales, septembre 2005.131 Ziegler Franz (2005),, ‘La prévention de la maltraitance physique envers les enfants sur le modèle duDKSB’, en Dardel Florence, Guidoux Lucienne, Luca Lara di, Ziegler Franz ‘Violence contre les enfants :concept d’une prévention globale’, in Bulletin Questions familiales, Hors-série du, Office fédéral des assurancessociales, septembre 2005, p. 51-75.132 Suisse, Encyclopédie en ligne Encarta, 2006, (18.01.07) sur :http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761571795_2/Suisse.html.

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En 1978, Mme Hurni-Caille commence à s’intéresser au problème de la maltraitance etcontacte plusieurs politiciens, institutions, experts, … pour trouver une réponse à sespréoccupations quant l’introduction d’une loi décrétant une interdiction totale des châtimentscorporels133. Finalement, en 1987, Mme Stamm, parlementaire démocrate chrétienne,demande, par un postulat parlementaire, un rapport sur la maltraitance en Suisse (postulat 87-503). ‘Notre code civil et notre code pénal contiennent diverses prescriptions qui protègentles enfants. Pourtant, chaque année, en Suisse de nombreux enfants subissent de mauvaistraitements d'ordre psychique, physique et sexuel’.

Ainsi, le Département fédéral de l’intérieur nomme M. Bouverat Germain, chef de laCentrale pour les questions familiales à l’OFAS, à la tête d’un groupe de travail formé par 12experts - diverses professions y sont représentées, telles que médecins, assistants sociaux,psychologues et juristes. Leur mandat est de 'renseigne(r) sur les genres de mauvaistraitements infligés aux enfants et sur l'ampleur de ce phénomène dans (le) pays, expose(r) etanalyse(r) les causes de ces mauvais traitements et propose(r) des mesures propres à ymettre fin.’ (Postulat 87-503)

Ce rapport est publié en 1992. Il dénonce une situation très préoccupante tout en donnantplusieurs recommandations pour y faire face, dont, pour la première fois en Suisse, un projetde loi sur l’interdiction formelle des châtiments corporels, aussi au sein de la famille.L’administration fédérale prend conscience du rapport lors de sa publication, mais ne réagitpas, tout comme le parlement134. A cette période, Mme Hurni-Caille cherche parmi lesconseillers nationaux quelqu’un prêt à aller de l’avant avec une motion parlementaire. Elle netrouve personne qui veuille s’exposer135.

Le groupe de travail demande alors à Mme Stamm un postulat sur la base de ce rapport, pourqu’on puisse au moins le discuter au Conseil national. La Commission juridique décide de nepas commenter le rapport mais la prise de position du Conseil fédéral. En 1995, le Conseilfédéral prend position. En été 1996, la discussion a lieu au Conseil national et en décembrede la même année au Conseil des Etats. Ce dernier demande alors au Conseil fédéraldifférentes mesures pour soutenir l’éducation non violente136.

Reconnaissant dans l’ensemble que le rapport soulevait effectivement un problèmedélicat qui n’avait été que trop longtemps occulté, le Conseil national l’a approuvéà l’unanimité. Il a également transmis au Conseil fédéral une motion (96.3176) parlaquelle il l’a chargé d’édicter des dispositions visant à interdire les châtimentscorporels et les traitements dégradants infligés aux enfants dans la famille et àl’extérieur. Il a de même transmis quatre postulats par lesquels il invitait notammentle Conseil fédéral à inscrire dans la Constitution une disposition sur la protectiondes enfants et à mettre sur pied un plan de prévention contre la violence exercéecontre les enfants au sein de la famille.

Le Conseil des Etats a également approuvé à l’unanimité le rapport. (…)Conformément à l’avis du Conseil fédéral concernant la motion transmise par leConseil national, le Conseil des Etats n’a transmis celle-ci que sous forme depostulat, estimant que l’intégrité des enfants était suffisamment garantie par la

133 Les démarches de Mme Hurni-Caille permettent de comprendre l’évolution de la question en Suisse inHurni-Caille Louisette, Entretien téléphonique du 01.12.06, en Annexe 2 et Hurni-Caille Louisette (1997), ‘Ibambini hanno diritti, anche da noi !’, en Bollettino Associazione Svizzera per la protezione dell’infanzia(ASPI), N°17, avril 1997, p. 15-31.134 Mme Hurni-Caille Louisette, Entretien téléphonique du 01.12.06, en Annexe 2. et M. Ziegler Franz,Entretien téléphonique du 16.01.07, en Annexe 3.135 Mme Hurni-Caille Louisette, Entretien téléphonique du 01.12.06, en Annexe 2.136 M. Ziegler, Entretien téléphonique du 16.01.07, en Annexe 3.

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législation en vigueur. Il conviendrait toutefois d’examiner dans quelle mesurel’interdiction existante des mauvais traitements à l’égard des enfants peut êtreencore davantage ancrée dans la conscience de la population.137

La motion, qui obligerait le Conseil fédéral à proposer un projet de loi d’interdiction totaledes corrections physiques, devient postulat qui astreint simplement le Conseil fédéral àconsidérer la possibilité de déposer un projet de loi. Le Conseil fédéral alloue alors 150'000FR à une campagne de sensibilisation sur l’éducation non violente pour trois ans. Unecampagne de sensibilisation a bel et bien lieu en 2001 avec la collaboration de l’ASPE138.Depuis la fin de la campagne, l’argument passe en sourdine. Si bien que, dans leurcommentaire sur le rapport de la Suisse devant le Comité des droits de l’enfant de 2002, lesONG suisses demandent : ‘Quand et comment la Confédération compte-t-elle entreprendreune campagne nationale d’information sur l’interdiction des châtiments corporels et lestraitements dégradants ?’139

Il faut attendre un autre rapport mandaté par l’OFAS140, sur la prévention contre la violenceenvers les enfants de l’automne 2005, pour que Mme Vermot, parlementaire socialiste,dépose une nouvelle initiative parlementaire : ‘Mieux protéger les enfants contre lamaltraitance’ (06.419). Elle est co-signée par 28 autres parlementaires, tous de l’hémisphèregauche du parlement (seule exception : une parlementaire PDC). L’étude de 2005 etl‘initiative parlementaire de 2006 ont soulevé l’intérêt des médias suscitant descommentaires, mais il n’y a pas eu de débat de société. Pour donner un exemple du climatqui entoure la question, dans un article paru dans l’hebdomadaire Hebdo, le journalistedéplore le fait que l’interdiction de la fessée soit si présente dans le rapport OFAS et sedemande si les auteurs ne souffrent pas d’ ‘une étrange terreur des rapports physiques’ quileur fait abhorrer les châtiments corporels141.

Ceci confirme l’opinion de Ziegler, selon laquelle les circonstances ne sont pas propices à undébat de société et un changement législatif. D’une part, la montée de la droite dansl’électorat suisse et la peur d’une augmentation de la délinquance juvénile font ressortir uneconception de l’éducation autoritaire. Dans l’opinion publique, l’éducation non violente estassimilée à une éducation anti-autoritaire en vogue dans les années soixante-dix et quidéfendait la thèse que l’enfant trouve de lui-même ses propres limites. D’autre part, l’enfantest absent des préoccupations de l’arène politique fédérale non seulement comme sujet dedroits. Il s’agit d’un problème de priorités qui relègue la question ‘enfance’ en deuxièmepriorité par rapport aux intérêts de la vie économique142.

Afin de mieux comprendre ces affirmations, nous allons désormais introduire les différentesprises de position politiques au sujet des châtiments corporels en famille, en général dans unpremier temps et en Suisse par la suite.

137 Parlement (1996), Note de synthèse, 93.034 Enfance maltraitée Rapport, (consulté 13.02.07) surhttp://www.parlament.ch/afs/data/f/rb/f_rb_19930034.htm.138 Haudi Andrea, Correspondance du 19.12.06, Annexe 1.1.139 ONG Suisses (2001), Rapport complémentaire au rapport officiel du gouvernement suisse soumis au Comitéde l’ONU pour les droits de l’enfant, UNICEF, Zürich, 2001, p. 6, (consulté le 28.01.07) sur :http://www.unicef.ch/f/information/publikationen/kinderrechte.php.140 Dardel Florence, op. cit.141 Rebetez Alain (2005), ‘la fessée, la loi et la rage d’interdire’, en Hebdo, 3.11.2005, n° 66, p. 44.142 M. Ziegler, Entretien téléphonique du 16.01.07, en Annexe 3.

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4. Les prises de position face à la loi contre les châtiments corporels

Actuellement dans les sociétés occidentales, tout le monde s’entend pour condamner les abusphysiques et psychiques envers les enfants. Ces abus sont déjà rendus illégaux dans leslégislations des trois pays comparés. Il existe aussi un consensus majoritaire sur l’interdictiondes châtiments corporels à l’école, dans les institutions d’assistance et dans le système pénal.Cet état de fait témoigne d’un changement de société déjà en cours. L’efficacité descorrections physiques comme méthode éducative est d’ores et déjà remise en doute. Aucontraire, le débat est loin d’être terminé pour ce qui concerne les châtiments corporels ausein de la famille.

Alors que sur la scène politique les avis s’entremêlent, il est intéressant de séparer lesarguments normatifs et empiriques, pour mieux comprendre les images de l’enfant et de lasociété qui s’en dégagent.

4.1 Les avis favorables

4.1.1 Les arguments normatifsPour ce qui concerne l’ingérence de l’Etat dans la vie privée, Cass reprend l’argumentationféministe qui souligne que les relations de pouvoir dans une famille sont influencées par lessystèmes économiques et sociaux dans laquelle elle vit. Ces secteurs déterminent entre autrela subordination des enfants face aux adultes. L’Etat, en réglementant la vie sociale,influence directement cette dépendance. Ainsi, il met l’enfant dans une situation devulnérabilité sans pour autant se donner les moyens légaux pour le protéger143.

Par ailleurs, les promoteurs de la loi demandent une ratification des violations des traitésinternationaux implicites dans le droit de correction ou la notion de reasonablechastisement144. Deux principes fondamentaux des droits de l’homme sont en jeu : d’unepart, le principe de non-discrimination, dans ce cas la discrimination due à l’âge, plusspécifiquement le droit à une égale protection devant la loi ; d’autre part, le droit à la dignitéhumaine et à l’intégrité physique et psychique145. Ces arguments sont à la base desobligations de l’Etat.

(Maud de Boer-Buquicchio) concluded her presentation by challenging thegovernments of the member states of the Council of Europe "to stop defending - ordisguising as discipline - deliberate violence against children and to accept thatchildren, like adults, have the fundamental human right not to be assaulted". TheDeputy Secretary General went even further by saying "in the face of such afundamental right states cannot remain indifferent - it is their duty to interfere.Hitting children is no more acceptable than hitting anyone else. There can be nodivide in the respect of human rights!”146

143 Cass Bettina (2002), ‘The Limits of the Public/Private Dichotomy : A Comment on Coady & Coady’ inAlston Philip, Parker Stephen and Seymour John, Children, Rights and the Law, Clarendon Press, Oxford, NewYork, 1992, p. 141-143.144 Voir Chapitre V.1.1.2 et Newell Peter (2005), op. cit., p. 26.145 Nous choisissons de ne pas s’attarder sur les fondements légaux et philosophiques de ces principes.146 Council of Europe (2002), ‘Progress made towards abolition of corporal punishment’, in Seminar onCorporal Punishment of Children within the Family, Forum for Children and Families, 4th meeting , Strasbourg,21-22 November 2002, Palais d’Europe, p.2.

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Ces deux principes sont acceptés par tous. En effet, le camp contraire à la loi préfère ne pass’attarder sur ce terrain dans leur argumentation. Les arguments empiriques sont pluscontroversés.

4.1.2 Les arguments empiriquesMalgré l’unanimité d’avis des experts et des professionnels en faveur de la loi, ces argumentssont condamnés à être débattus, car aucune recherche ne peut prouver, avec une margeminime de doute, que les châtiments corporels sont inefficaces et/ou nocifs. Une recherchede cette nature serait contraire aux normes éthiques, car elle impliquerait de battre, demanière variable en intensité et en fréquence, des groupes différents d’enfants afin deconnaître les conséquences de ce geste à court et à long terme. Les recherches doivent ainsise limiter à observer les phénomènes sociaux existants. Ni un camp ni l’autre ne peut alorsprouver irréfutablement d’avoir raison, comme le démontre la citation de Larzalere :

Durrant and I used the identical data source to arrive at nearly opposite conclusionsabout the effect of the spanking ban on subsequent support for corporal punishment.(…) Durrant concluded that "public support for corporal punishment has declined"(Durrant, 1999a, p. 435), whereas I concluded, "the spanking ban has made littlechange in problematic forms of physical punishment (Larzelere, 1999, p. 382).147

Ainsi, le débat dans l’arène politique reste central, débat où les différentes conceptions de lasociété et de l’enfant s’entrechoquent.

Par ailleurs, pour reprendre les mots de Durrant et Olsen, les personnes qui sont pour cette loila voient comme un but à atteindre dans leur lutte pour diminuer la violence envers lesenfants148. La position de l’OMS expose cet avis :

Les châtiments corporels sont dangereux pour les enfants. A court terme, ils tuentdes milliers d’enfants par an. Beaucoup d’enfants encore sont blessés et nombreuxsont ceux qui en gardent des handicaps. A plus long terme, un grand nombred’études montrent que cette pratique est un facteur important dans ledéveloppement de comportements violents et qu’elle est associée à d’autresproblèmes pendant l’enfance et plus tard dans la vie.149

Voilà un résumé exhaustif des arguments favorables à la loi exposés par Durrant150.Premièrement, il est difficile de mettre une limite claire entre les châtiments corporels et lesabus physiques. Il est ainsi ardu de savoir qu’est-ce qui est légal et qu’est-ce qui ne l’est pas.Même à 150 ans de son introduction par le cas R. v. Hopley, le système de Common law n’apas encore trouvé un consensus sur une définition du principe de reasonable chastisement.Deuxièmement, aucune étude scientifique a démontré l’efficacité des châtiments corporelsdans l’éducation des enfants. Le seul objectif atteint par cette méthode semble être uneobéissance immédiate basée sur la peur de la punition et non sur l’intériorisation des valeursqu’on veut transmettre à l’enfant. Les punitions physiques ne se sont pas montrées plusefficaces que d’autres méthodes éducatives non violentes, moins risquées.

147 Robert E. Larzelere, Child Abuse in Sweden, (consulté le 28.01.07) sur :http://people.biola.edu/faculty/paulp/sweden2.html.148 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 443.149 Krug Etienne G., Dahlberg Linda L., Mercy James A., Zwi Anthony et Lozano-Ascencio Rafael (2002), ‘Lamaltraitance des enfants et le manque de soins de la part des parents ou des tuteurs’, en Rapport mondial sur laviolence et la santé, OMS, Genève, 2002, p. 71.150 Durrant Joan E. (2005), ‘Corporal punishment: prevalence, predictors, & implication for children behaviour& development’, in Durrant Joan E., Newell Peter, Power Clark et Stuart N. Hart, Eliminating CorporalPunishment : the way forward to constructive child discipline, UNESCO, Paris, 2005, p. 49-90.

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Aussi, les châtiments corporels peuvent avoir des conséquences négatives : des blessuresphysiques, des conséquences psychologiques (dépression, alcoolisme, …), une dégradationde la relation de confiance entre les parents et l’enfant, une intériorisation des valeursmorales difficile qui peut amener à des comportements anti-sociaux et des risques d’escaladede la violence qui portent à des abus physiques plus sévères. Selon les études citées plus haut,les enfants emploient des arguments empiriques similaires pour défendre leur point de vuecontraire aux châtiments corporels151.

Ainsi, les justifications empiriques et normatives favorables se mélangent dans le discoursinternational, comme le démontre l’argumentaire employé dans l’étude sur la violence dePinheiro, qui est le fruit de la communion entre les avis des professionnels de la santé,incarnés par l’OMS et ceux des activistes des droits de l’enfant, représenté, entre autre, parl’UNICEF152.

4.2 Les avis contraires

4.2.1 Les arguments normatifsLes arguments normatifs contraires se fondent sur la conception de l’Etat basée sur ladoctrine libérale contraire à une ingérence de l’Etat dans la sphère privée de l’individu. Il fautsouligner que les droits de l’homme sont nés, entre autre, à cet effet153. En demandant à l’Etatde légiférer sur la vie familiale, donc la sphère privée, on diminue l’espace de liberté del’individu et on introduit l’Etat dans la relation privilégiée parents-enfants. De plus, desnormes contre les voies de fait existent dans les trois nations analysées, est-ce nécessaire d’enrajouter ? Selon cette position, les enfants sont déjà protégés contre les abus par la législationactuelle, une doublure ne serait pas une solution au problème de la maltraitance.

Par ailleurs, les courants contraires pensent que l’Etat ne peut pas imposer les méthodeséducatives qu’il privilégie. Il s’agit là d’une violation du droit des parents à élever leursenfants selon leurs convictions. Aussi, une surenchère des droits de l’enfant au détriment desdroits des parents toucherait à la structure hiérarchique traditionnelle de la famille, qu’onfavorise comme unité de base de la société.

Les groupes chrétiens conservateurs ont une part importante dans la résistance contre cetteloi. Des parents suédois membres d’une Eglise protestante, en 1979, ont porté plainte devantla Cour européenne des droits de l’homme en accusant la nouvelle loi de violer leur droit aurespect de la vie familiale. Deux autres jugements plus récents vont à l’encontre d’individusassociés à des écoles privées chrétiennes qui demandent, au nom de leur liberté religieuse etdu droit parental, de pouvoir user du droit de correction sur leurs élèves. Le premierjugement provient de la Cour européenne, et le deuxième de la Cour Constitutionnelle sudAfricaine154. Le Comité des droits de l’enfant a ainsi introduit un paragraphe dansl’Observation générale sur le droit à la liberté religieuse en relation avec les châtimentscorporels155.

151 Chapitre III.1.1.152 Pinheiro Paulo S. (2006), op. cit..153 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, Encyclopédie libre Wikipédia, (consulté le25.02.07) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_des_droits_de_l%27homme_et_du_citoyen_de_1789.154 Newell Peter (2005), op. cit., p. 35.155 Comité des droits de l’enfant (2006), op. cit., para. 29.

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4.2.2 Les arguments empiriquesDe moins en moins de personnes défendent ouvertement les châtiments corporels commeméthode éducative. Par contre, on craint que cette loi puisse saper l’autorité des parents.Ainsi, les punitions physiques restent le dernier recours éducatif face à des enfantsrécalcitrants. Aussi, une criminalisation à outrance des parents limite l’appui de certainslégislateurs à l’introduction d’une loi restrictive. Par ailleurs,

In the second half of the twentieth century the vision of the century of the childfaded for more mundane reasons. It was not that people ceased to accordsignificance to childhood –far from it ; rather, they began to doubt that it waspossible to preserve in any integrity the territory mapped out as childhood.Invasions threatened from every quarter, and childhood, so it was argued, could nolonger survive. In consequence children themselves became alien creatures, a threatto civilisation rather than its hope and potential salvation.156

Dans nos sociétés, on parle souvent de l’augmentation de la délinquance juvénile. Si elle esteffective ou fictive, là n’est pas le problème. Les conservateurs l’expliquent par un manqued’autorité des parents ‘il n’y a plus assez de discipline’ et les châtiments corporels deviennentalors la solution privilégiée : ou on ne les a pas assez employés quand les enfants étaientpetits ou on ne les emploie pas assez quand ils deviennent adolescents avec descomportements délinquants. Cette position est très présente en Suisse, où la droiteconservatrice est devenue majoritaire157.

Pour conclure, dans la confrontation des arguments favorables et contraires, nous pouvonssous-entendre les différentes conceptions de l’Etat, de la famille et de l’enfant. D’une part,les favorables amènent des arguments proches de la conception politique sociale-démocrate,où l’Etat social est privilégié à l’Etat minimal ; la famille est un ensemble de personnesd’égal statut ; et l’enfant est un sujet de droit qui jouit de la protection de son intégritéphysique et psychique et d’une égale protection devant la loi. D’autre part, les argumentscontraires reflètent une conception de la société libérale-conservatrice. L’Etat doit être le plusréduit possible et on privilégie la famille traditionnelle. L’enfant est en conséquence reléguédans la sphère privée et ne jouit pas de droits en tant que membre de la société. Voyons sousla prochaine rubrique, comment ces arguments résonnent dans l’arène politique suisse.

5. Les acteurs politiques en Suisse

La Suisse est une fédération formée de 24 cantons et 4 demi-cantons. La distribution descompétences, inscrite dans la Constitution, entre la confédération et les cantons laisse lepouvoir législatif civil (dont le droit des familles et l’autorité parentale) et pénal (donc lésionscorporelles et voies de fait) dans les mains de la confédération (art. 122, art. 123), qui estaussi responsable de la promotion des droits de l’homme (art. 54). Le pouvoir fédéral estainsi responsable de l’adoption ou non d’une loi sur l’interdiction totale des châtimentscorporels, tout comme de la promotion des droits de l’enfant. Cependant, la protection del’enfance - comme d’autres sujets liés aux politiques de l’enfance et de la famille - est unecompétence des cantons et des communes158. Cette dualité rend plus difficile une prise encharge cohérente et un intérêt politique clair. La Confédération peut ainsi passer la balle aux

156 Cunnigham Hugh (2005), op. cit., p. 187.157 M. Ziegler, Entretien téléphonique du 16.01.07, en Annexe 2.158 Rickenbacher Iwan (2003), ‘La famille en tant que thème politique’, in Questions familiales : Bulletind’information, OFAS, 1/2003, p. 10.

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cantons et se désintéresser de la question. Les cantons, de leur part, jaloux de leurcompétence, sont résistent à une ingérence fédérale.

Par ailleurs, aux élections de 2003, l’UDC devient le parti majoritaire au parlement, suivi parle PSS. Le centre de gravité du pouvoir du centre s’est déplacé vers les extrêmes. Ainsi, enSuisse, les forces politiques dominantes libérales-conservatrices s’opposent aux forcessociales-démocrates. Cette configuration politique se retrouve dans tous les acteurspolitiques. Cette polarisation de la société est difficile à digérer dans le fonctionnement de lapolitique suisse, habituée à une prise de décision par compromis159.

Il est vrai que cette situation influence marginalement les prises de position sur l’adoptiond’une loi sur l’interdiction totale des châtiments corporels, car depuis 1996, quand lesdiscussions ont eu lieu au parlement, les positions favorables et contraires n’ont pasfondamentalement changé. Avec ce virement à droite, les avis contraires se sont toutsimplement renforcés et la possibilité d’un compromis s’est affaiblie. Aussi, un débatpolitique sur la question devient moins probable. Le gouvernement devrait alors raviver leprocessus de décision, car il en a la responsabilité selon ses obligations nationales etinternationales160.

5.1 Le gouvernement

Le Conseil fédéral détient le pouvoir exécutif. Il est composé par 7 membres élus, pour ladurée de 4 ans, par les deux Chambres du parlement en plénière. Il est responsable devant leparlement. La formule magique instaurée depuis 1959 – 2 PDC, 2 PRD, 1 UDC et 1 PSS,s’est modifiée avec les élections de 2003. Désormais, le Conseil fédéral est composé de deuxconseillers PRD, deux UDC, deux PSS et un PDC. L’ancienne formule magique équilibraitles forces politiques vers le centre en facilitant le compromis, alors que la nouvellecomposition du Conseil fédéral, miroir des choix politiques de l’électorat, favorise lesextrêmes.

D’autre part, le Conseil fédéral croit que ‘la protection des plus faibles est une des tâchesprimordiales de l’Etat social moderne’161. Après la publication du rapport de 1992, legouvernement a dû répondre à la motion de 1996 demandant l’interdiction totale deschâtiments corporels (96.3176.)162.

Le Conseil fédéral est opposé à cette motion et privilégie une solution du problème de lamaltraitance par des programmes sociaux qui visent la diminution des charges sur lesfamilles163. Il se justifie par des arguments normatifs qui sont : la non-ingérence dans lasphère privée du citoyen, la primauté des droits des parents sur ceux des enfants et la volontéde ne pas doubler les lois déjà existantes et suffisantes à protéger l’enfant selon ses critères.De majorité libérale, le Conseil fédéral fait sien les avis normatifs contraires exposés sous la

159 Moekli Silvano (2005), Formation de la volonté politique, in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS),version du 11.02.2005 (traduit de l’allemand), (consulté le 18.01.07) sur : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17367.php.160 Voir Chapitre I.2.1 et Chapitre III.3.1.2.161 Conseil national (1996), ‘Enfance maltraitée’, en Bulletin de l’Assemblée fédérale, 96.034, 13 juin 1996, p.919.162 Voir Annexe 8.163 Intervention Mme Dreyfuss, conseillère fédérale, in Conseil national (1996), ‘Enfance maltraitée’, Bulletinde l’Assemblée fédérale, 13 juin 1996, 96.034, p. 928-929.

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rubrique précédente. Il confirme cette position lors de la soumission de son rapport initial auComité des droits de l’enfant en 2002164.

La notion de tolérance de la société est centrale dans cette prise de position165. Elle laisse aupouvoir judiciaire une marge de manœuvre qui lui permet d’être perméable aux évolutions dela société. Alors que, selon l’interprétation de Lücker-Babel, le judiciaire reprend le droit decorrection parentale en le réduisant au minimum par respect de la division des pouvoirs166,l’exécutif lui renvoie la balle en lui laissant la liberté d’interpréter quelle est la tolérance de lasociété. Toutefois, la pratique a prouvé que dans tous les pays qui ont adopté une législationsur les châtiments corporels au sein de la famille, le changement des mentalités s’est effectuégrâce à elle et aux campagnes de sensibilisation qui l’ont suivie167. Cette loi a ainsi été lemoteur du changement et non le contraire.

Il est intéressant de noter que le Conseil fédéral, malgré ses obligations, ne prend pas comptedes avis du Comité des droits de l’enfant, du Comité des droits de l’homme, du Comitécontre la torture, du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ou de celui de la Coureuropéenne des droits de l’homme. Obligations auxquelles la Suisse était soumise en 2002,lors de son rapport initial pour le Comité des droits de l’enfant où elle confirme sa positionsur la question168. La pression internationale, dans ce cas, ne semble pas être efficace pour unchangement légal national.

Par ailleurs, après les délibérations parlementaires de 1996, le Conseil fédéral alloue unesomme de 150'000 Fr. à une campagne de sensibilisation pour une éducation non violente169.L’ordre de grandeur de cette somme témoigne d’un intérêt marginal du Conseil fédéral qui sereflète dans son programme 2003-2007. Ce dernier ne mentionne les enfants que pourcatégoriser les familles - avec ou sans enfants. La deuxième orientation majeure (sur trois)est de ‘Répondre aux défis posés par l’évolution démographique’. On parle du vieillissementde la population comme une source de déséquilibre et les solutions que le Conseil fédéralpense apporter sont les suivantes:

- Consolider les assurances sociales pour l’avenir (garantir la prévoyance-vieillesse àlong terme, revoir en profondeur le système de santé et stabiliser l’assurance-invalidité)

- Renforcer la cohésion sociale (mieux intégrer les personnes au foyer avec enfants -en permettant une meilleure conciliation de la vie familiale et professionnelle - etles actifs âgés) 170

164 Committee on the rights of the child (2001), Consideration of the reports submitted by States parties underarticle 44 of the Convention, Initial reports of States parties due in 1999 : Switzerland, Geneva,CRC/C/78/Add.3, 19.10.2001.165 Voir Annexe 8.166 Lücker-Babel Marie-Françoise (2003), op. cit., p. 19-21.167 Newell Peter, Entretien téléphonique du 04.01.07, en Annexe 6.168 Committee on the rights of the child (2001), Consideration of the reports submitted by States parties underarticle 44 of the Convention, Initial reports of States parties due in 1999 : Switzerland, Geneva,CRC/C/78/Add.3, 19.10.2001.169 ‘Since 1996, it has been allocated an annual budget of Sw F 150,000 (Sw F 250,000 in 1999 and about Sw F 315,000 in2000) for projects to prevent the maltreatment of children.’ Committee on the rights of the child (2001),Consideration of the reports submitted by States parties under article 44 of the Convention, Initial reports ofStates parties due in 1999 : Switzerland, Geneva, CRC/C/78/Add.3, 19.10.2001, para. 371.170 Les titres exposés en Conseil fédéral (2004), Le rapport du gouvernement fédéral sur le programme de lalégislature 2003-2007 : la stratégie du Conseil fédéral, Chancellerie de la Confédération Suisse, Berne, 2004, p.43-53.

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Dans ce programme, les enfants restent absents et n’existent qu’à travers leurs parents. Poursa part, la famille n’est pas valorisée dans son rôle par excellence : la reproduction. En effet,une politique nataliste n’est pas la solution choisie par le gouvernement pour contrer leproblème du vieillissement de la société.

Ainsi, l’enfant est considéré comme dépendant de la famille qui est à son tour marginale dansles préoccupations du gouvernement. Cette situation est le fruit de l’évolution de l’Etat suissequi ‘…jusqu’ici (a) suivi une voie caractérisée par le peu de bureaucratie, la faibleimportance des dépenses sociales et la relative modestie du rôle de l’Etat social’171. Si onajoute l’opposition du parlement à l’ingérence du fédéral dans les compétences cantonales,on peut comprendre pourquoi ‘il est rare que la politique fédérale s’occupe explicitement dequestions familiales’172. Le parlement joue ainsi un rôle dans cette conjoncture.

5.2 Les parlementaires

L’Assemblée fédérale (ou Parlement) détient le pouvoir législatif ; elle comprenddeux Chambres : le Conseil des États et le Conseil national. Le Conseil des Etatsreprésente les cantons ; ses 46 membres (deux par canton, un par demi-canton) sontélus pour des durées variables selon les cantons. Le Conseil national représente lepeuple ; ses 200 députés sont élus au suffrage universel à la représentationproportionnelle173 pour quatre ans.174

La plupart des parlementaires sont membres de partis politiques. Les partis majoritaires auparlement, nés vers la fin du dix-neuvième siècle et le début du vingtième175, participent aupouvoir exécutif comme au pouvoir législatif. De ce fait, les actions du gouvernement et duparlement sont, pour la plupart, le résultat des négociations entre ces 4 partis politiques et desalliances qu’ils forment avec les partis plus modestes. En effet, dans ce système àreprésentation proportionnelle, la conception sociale du parti majoritaire au parlement vajouer un rôle important sur la prise de décision politique, mais, pour être déterminante, mêmece parti doit négocier avec les autres et créer des alliances176.

Par ailleurs, au parlement fédéral, les questions de l’enfance, ou les questions familiales,restent marginales pour des raisons similaires à celles citées plus haut pour le Conseil fédéral.De plus, les droits de l’enfant ne sont pas une priorité pour aucun des partis politique suissesdominants. Comme nous l’avons vu dans l’introduction de ce travail, le seul parti qui nommela CDE dans son programme 2003-2007 est le PDC177.

171 Rickenbacher Iwan (2003), op. cit., p. 10.172 Rickenbacher Iwan (2003), op. cit., p. 10.173 ‘An electoral system in which the seats in a legislative body are distributed to political parties in proportion to the sizeof each party's popular vote. (…) Proportional representation affords an opportunity for the direct expression of a widerange of social, economic, religious, ethnic, and political ideas and, therefore, is associated with a multiparty rather than atwo-party system. (…) Proportional representation is an alternative to the "winner takes all" feature of the single-memberdistrict system in which the winning candidate represents all of the people in his constituency’. Plano Jack, Olton Roy(1988), The International Relations Dictionary, Fourth edition, Western Michigan University, ClioDictionaries in Political Science, Santa Barbara, California, 1988, p. 420.174 Suisse, Encyclopédie en ligne Encarta, 2006, (consulté le 18.01.07) sur :http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761571795_2/Suisse.html.175 Dictionnaire histoirique suisse, sur : http://www.hls-dhs-dss.ch/index.php.176 Suisse, Encyclopédie en ligne Encarta, 2006, (consulté le 18.01.07) sur :http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761571795_2/Suisse.html.177 Pour une plus ample analyse à ce sujet voir Balestra Clara (2005), Le Parti Démocratique Chrétien et laConvention des droits de l’enfant, Travail d’Observation dans le cadre du Master, 31.12.2005.

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Pendant les débats parlementaires autour de la motion de 1996178, plusieurs autres motionssont discutées, toutes issues de l’étude du rapport sur la maltraitance de 1992. Il est ainsidifficile de dégager des positions claires sur le projet de loi qui nous occupe, d’autant plusque le débat d’idées s’est déroulé dans les commissions juridiques et peu transparaît dans lesdébats des deux Chambres. Tout le monde s’entend pour dire qu’il faut faire quelque chosecontre la maltraitance. Le débat est principalement concerné par les moyens et les ressourcesà allouer179. La gauche demande des programmes sociaux, donc un investissement concret dela part de l’Etat. Alors que la droite pense qu’’en cette matière la volonté d’agir est plusimportante que l’argent à mettre à disposition’180.

C’est à cette même période que la ratification de la CDE est discutée aux Chambres et lesarguments pour et contre la ratification sont comparables aux arguments des deux campspour la loi en question181. Les parlementaires favorables prennent des arguments empiriquespour défendre leurs intentions : contre une spirale ascendante de la violence ; promotiond’une éducation non violente ; exigence d’une politique cohérente au niveau fédéral ;nécessité, par des programmes sociaux, de diminuer la charge sur les familles, etc182. Les aviscontraires, par contre, emploient des arguments normatifs et empiriques : l’inutilité d’uneprotection légale supplémentaire, la non ingérence de l’Etat dans la sphère privée, la défensedes droits des parents afin qu’ils puissent éduquer leurs enfants. Ainsi, le thème des droits del’enfant n’a pas fait partie de la controverse. Les débats autour de la ratification de la CDEsont très animés. Le camp favorable a peut-être préféré ne pas envenimer la discussion quiaurait pu porter préjudice au résultat.

Cette situation a quelque peu changé dans le développement de Mme Vermot sur l’initiativeparlementaire de 2006. Des arguments normatifs - d’égalité devant la loi et de protection del’intégrité physique et psychique - se mêlent avec des arguments empiriques - recul de laviolence envers les enfants dans les pays où la loi a déjà été introduite. L’UDC, pour sa part,ne discute plus sur la primauté des droits des parents, mais fonde son avis contraire surl’inutilité d’une protection légale supplémentaire183.

Les discours se modifient légèrement, mais la substance reste la même184. Les socialistesdéposent en 2006 une nouvelle initiative parlementaire (06.419) et l’UDC est contraire à uneloi contre les châtiments corporels au sein de la famille. Mais surtout, la question ne reste quemarginale dans les préoccupations des partis, tout autant que dans celui du Conseil fédéral.

Est-ce que l’absence d’intérêts à cette question est aussi présente dans la société civile ?

178 On doit travailler sur ces débats, car le seul parti politique qui a répondu à notre correspondance est l’UDC.Conseil des Etats (1996), ‘Enfance maltraitée’, Bulletin de l’Assemblée fédérale, 12 décembre 1996, 93.034, p.1172-1181. Conseil national (1996), ‘Enfance maltraitée’, Bulletin de l’Assemblée fédérale, 13 juin 1996,96.034, p. 915-929.179 Dans le cadre de ce travail, nous nous bornerons à l’analyse des argumentations pour et contre une loi surl’abolition des châtiments corporels laissant à côté le facteur finanicier.180 Comby B. (PRD), dans Conseil national (1996), ‘Enfance maltraitée’, Bulletin de l’Assemblée fédérale, 13juin 1996, 96.034, p. 915-925.181 M. Ziegler Franz, Entretien téléphonique du 16.01.07, en Annexe 3.182 Hurni-Caille Louisette (1997), ‘I bambini hanno diritti, anche da noi !’, in Bollettino Associazione Svizzeraper la protezione dell’infanzia (ASPI), N°17, avril 1997, p. 15-31.183 Annexe 1.3.184 M. Ziegler Franz, Entretien téléphonique du 16.01.07, en Annexe 3.

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5.3 La société civile

Les châtiments corporels, bien qu’en déclin, continuent de faire partie de l’éducation dans lesfamilles suisses. Une recherche effectuée par l’Université de Fribourg, à la demande del’OFAS, a montré que l’emploi des châtiments corporels à la maison décline et que lesenfants en bas âge sont les plus sujets à ces traitements que les autres. En se basant sur desentretiens avec 1'240 parents d’enfants mineurs de 16 ans, l’étude estime que 13'000 enfantsmineurs de 30 mois ont été frappés, à presque 18'000 enfants on a tiré les cheveux et environ1'700 ont été frappés avec des objets185.

(L)a société continue de tolérer une certaine dose de violence dans l’éducation. Lesprincipes éducatifs tels que «une gifle donnée au bon moment n’a encore jamais faitde mal à un enfant»ou «qui aime bien châtie bien» expriment clairement latolérance existante envers les châtiments corporels. (…) Une proportion élevée desparents interrogés recourt, d’après les indications qu’elle fournit elle-même, à laviolence physique à l’endroit de ses enfants. Plus encore: si l’on considère lesstatistiques, la violence physique dans l’éducation est très manifestement non pasune exception, mais une norme et une règle.186

Dans tous les pays qui ont légiféré sur une interdiction totale des châtiments corporels, lamajorité de la population était favorable à l’emploi de la force dans l’éducation des enfants.Un travail de sensibilisation a été nécessaire pour qu’un changement d’attitude se fasse.Ainsi, le fait que la population suisse croit que les châtiments corporels sont une méthodevalable pour l’éducation de leurs enfants, n’est pas un argument contre l’introduction de laloi.

Dans un système politique proportionnel, l’initiative politique a besoin pour aboutir d’uneinteraction intense entre les différents acteurs politiques. Pour qu’une idée aie du succès, ilfaut au départ une coalition forte entre les différents acteurs politiques et les différentssecteurs touchés. Cette coalition a pour but de soutenir la lutte, qui peut durer des annéesjusqu’au bout. Même dans le domaine de la politique familiale, il est difficile de faire aboutirune idée qui défend les intérêts des parents électeurs, donc par définition mieux défendus queles enfants. Dans ce domaine, il n’existe pas un réseau permanent. A chaque initiative, lacoalition de base doit être recréée et renégociée entre les domaines politique, professionnel,administratif et civil. De plus les familles, comme les enfants, ne sont pas un groupehomogène, elles ont des intérêts diversifiés qui empêchent l’union de leurs forces187.

Selon Rickenbacher, il faut un mouvement fort et combatif pour faire aboutir un referendum.

Il est nécessaire pour cela que des groupements ou organisations fassent preuved’une grande cohésion et aient un fort pouvoir mobilisateur. (…) Union suisse desarts et métiers, Union suisse des paysans, Union syndicale et les organisationspatronales font dans un sens partie des forces les plus puissantes.188

185 Schöbi, D. & Perrez, M. (2004), Bestrafungsverhalten von Erziehungsberechtigten in der Schweiz: Einevergleichende Analyse des Bestrafungsverhaltens von Erziehungsberechtigten 1990 und 2004, Université deFribourg, Fribourg, 2004; information en anglais à “Small children target of parental beatings”, swissinfo, 24January 2005.186 UNICEF Suisse Pro Familia, Pro Juventute, Association suisse de la protection de l’enfant, Coordinationsuisse «droits de l’enfant», Fondation Village d’Enfants Pestalozzi (1999), Les droits des enfants en Suisse :Rapport sur la situation des enfants et des adolescents en Suisse, UNICEF Suisse, Zurich, 1999, p.65.187 Berger Michèle, Fehr Jacqueline, Meier-Schatz Lucrezia, Zünd Brigitte, Blanchard Jean, KrummenacherJürg, Tassigny de Marie-Françoise (2003), ‘Le lobbying dans la pratique’, en Questions familiales : Bulletind’information, OFAS, 1/2003, p. 13-20.188 Rickenbacher Iwan (2003), op. cit., p. 11.

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Au contraire, comme affirme Qvortrup, les organisations qui défendent les intérêts desenfants peuvent être nombreuses, mais, économiquement et politiquement, elles sont faiblesen comparaison des autres groupes de pression189.

Dans le domaine de l’enfance en Suisse, les organisations sont plusieurs, mais elles sonttoutes spécialisées dans des secteurs différents. Depuis 2003, le Réseau suisse des droits del’enfant réunit une quarantaine d’organisations qui défendent les droits de l’enfant sur lascène politique suisse. Ensemble, ces organisations se sont données des objectifs à atteindreet ont élaboré une stratégie commune. La lutte contre la violence et la maltraitance est une deleurs priorités sans pour autant faire de la loi sur l’interdiction totale des châtiments corporelsleur cheval de bataille190. Au contraire de la communauté internationale des droits del’homme, aucune ONG suisse lutte ouvertement pour une interdiction formelle deschâtiments corporels au sein de la famille.

En Suisse, les droits de l’enfant restent l’affaire d’une petite partie de la société, quicommence, sous l’impulsion de la CDE, à s’organiser. Il faut espérer que son poids politiqueaugmente avec l’évolution des mentalités qui est en cour. Il existe une influence de la part dela communauté internationale sur la société civile suisse, qui touche les ONGs intéressées etles professionnels, sans pour autant les rendre plus influents au niveau politique national.Jusqu’à aujourd’hui, aucune initiative populaire n’a été déposée à ce sujet.

Un autre acteur sur l’échiquier suisse pour l’adoption de cette loi est le système judiciaire.

5.4 Le système judiciaire

En 2003, le Tribunal fédéral a jugé un cas concernant un beau-père infligeant des gifles, descoups de pied et qui a tiré les oreilles à deux enfants. Le père biologique décide de porterplainte. Les tribunaux vaudois acquittent l’inculpé au nom du droit de correction. Arrivédevant la justice fédérale, le tribunal juge le beau-père coupable. Trois aspects de jugementsont intéressants. D’une part, les juges décident que les enfants battus sont des victimes(selon la LAVI) car ‘la gravité de l’infraction n’est pas forcément relevante et la violenceperçue par la victime est aussi digne d’attention’. Le Tribunal fédéral accorde dans le casparticulier aux enfants une protection accrue du fait qu'ils ne sont âgés que de neuf et onzeans et qu'ils se trouvent, face au compagnon de leur mère, dans une relation de dépendance.Dès lors, le statut de victime LAVI doit leur être reconnu et leur père, détenteur de l'autoritéparentale et à ce titre leur représentant légal, doit pouvoir invoquer la LAVI. Les enfants sontainsi des victimes, qui par contre, sans une notion de répétition dans les actes en cause et sansla présence de leur père biologique, n’auraient pas pu porter plainte selon l’ancien article 28CP.

D’autre part, le tribunal décide de ne pas ‘trancher la question de l’illégitimité totale de touteviolence intra-familiale infligée aux enfants’191. Il base son intervention sur la répétition desactes qui permet d’intervenir d’office (art. 126 al. 2 CP). Finalement, par l’interprétation del’évolution des mentalités, les juges choisissent de se valoir de leur droit d’intervenir avant

189 Qvortrup Jens (1994), ‘Childhood Matters : An Introduction’, in Qvortrup Jens, Bardy M., Sgritta G.,Wintersberger H. (Eds), Childhood Matters, European Centre Vienna, 1994, p. 18.190 Réseau suisse des droits de l’enfant (2005), Programme 2005 du Réseau suisse des droits de l’enfant, Berne,(consulté le 15.02.07) sur : http://www.netzwerk-kinderrechte.ch/index.php?l=fr-CH&t=netzwerk.191 Lücker-Babel Marie-Françoise (2003), op. cit., p. 20.

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que cela ne dégénère et que les coups ne deviennent habituels (art. 3.2 Constitution) 192. Pourconclure, les juges décident de suivre l’évolution de la législation nationale (droit de filiation)et internationale qui est empruntée d’une évolution restrictive de l’interprétation du droit decorrection, mais ils ne vont pas jusqu’à l’élimination de ce concept juridique.

Selon Lücker-Babel, les juges ont voulu respecter la séparation des pouvoirs de l’Etat, enlaissant aux législateurs de franchir le pas d’une interdiction totale de la violence envers lesenfants193. A la lecture du jugement, on peut toutefois se demander si la position de Lücker-Babel n'est pas trop restrictive. En effet, aux considérants 2.2. et 2.3., le Tribunal fédéraldécrit l'évolution du droit international et du droit national pour se demander finalement auconsidérant 2.5. si le droit d'infliger de légères corrections corporelles existe encore, questionqu'il laisse toutefois ouverte. En revanche, il est vrai que le tribunal fédéral n'interdit pas defacto tout geste violent.

Il est intéressant de souligner que la Cour suprême d’Italie a franchi ce pas et rendu de factotout geste violent dans l’éducation des enfants illégal. Le législateur n’a pas encore confirmécette norme dans la législation194.

5.5 La communauté internationale des droits de l’homme

Les acteurs politiques nationaux sont influencés, chacun à leur niveau, par les réseauxinternationaux ; le gouvernement par ses obligations internationales ; les parlementaires parles réseaux parlementaires européens et internationaux, comme l’union inter-parlementaire ;la société civile par les réseaux internationaux des ONG, comme le Global Initiative to Endall Corporal Punishment of Children actives pour l’adoption de la loi ou les Egliseschrétiennes conservatrices qui y sont contraires. Malgré ses interactions, le rôle de lacommunauté internationale sur la scène politique suisse reste marginal, tout comme le débatautour de la loi qui nous concerne.

Ainsi, le secrétaire adjoint du Comité européen des droits sociaux déplore en 2002 que ‘laquestion de l’interdiction des châtiments corporels reste invisible, difficile et controverséedans beaucoup de pays’.195

192 Lücker-Babel Marie-Françoise (2003), op. cit., p. 20.193 Lücker-Babel Marie-Françoise (2003), op. cit., p. 19-21.194 Global initiative to end all corporal punishment of children, in url :http://www.endcorporalpunishment.org/pages/frame.html, dernière mise à jour novembre 2005.195 De Boer-Buquicchio M., Seminar on corporal punishment of children within the family, Forum on Childrenand Families, 21 November 2002.

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6. Le modèle suisse de la prise de décision

Parmi tous les acteurs politiques, la loi interdisant les châtiments corporels au sein de lafamille n’est pas une priorité. Le partage constitutionnel des compétences entre cantons etConfédération entrave l’implication des organes centraux de décision à ce sujet. Cela sedouble d’une faible influence de la communauté internationale. Le modèle graphique suissede la prise de décision politique, que nous proposons dans le schéma, est caractérisé par despetits cercles car aucun acteur fait propre la lutte pour l’adoption de la loi sur l’interdictiondes châtiments corporels au sein de la famille. Notre hypothèse de départ, selon laquelle lesdroits de l’enfant sont peu visibles sur la scène politique, semble être confirmée par le peud’intérêt politique entourant la loi en question.

National

Na

Communauté internationale des droits de l’homme

Parlementaires

Sociétécivile

Gouvernement

S. J.

S. J.

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Chapitre IV : La Suède et la volonté du gouvernement

La Suède est la première nation à avoir introduit une norme claire interdisant tous leschâtiments corporels envers les enfants. Cette loi est le fruit d’une situation sociale etpolitique particulière et s’inscrit dans un environnement social-démocrate attentif aux intérêtsde l’enfant. La conception de l’enfant comme sujet est un fait accompli dans l’arène politiquesuédoise lors de l’adoption de la loi et les programmes qui en découlent font partie d’unepolitique familiale et sociale cohérente.

La Suède est un exemple pour la mise en œuvre d'une loi contre les punitions physiques ausein de la famille. La comparaison avec l'univers politique suisse est intéressante pour en tirerles similitudes ou les différences sur lesquelles on pourrait s'appuyer pour introduire dansl'arène politique suisse les droits de l'enfant.

1. La Suède et la loi sur l’interdiction totale des châtiments corporels

1.1 La situation légale

1.1.1 Les obligations internationalesLa Suède ratifie l’ECHR en 1952, la Charte sociale européenne en 1962, l’ICESCR etl’ICCPR en 1971, la CAT en 1986 et la CDE en 1990. Ainsi, lors de l’adoption de cette loi,les obligations internationales de la Suède se limitent aux principes d’égalité devant la loi etde dignité humaine et d’intégrité physique et psychique de tous les êtres humains. Aucunenorme spécifique contre les châtiments corporels n’a été formulée jusque là.

1.1.2 Les normes nationalesLa Suède a interdit les châtiments corporels au sein de la famille en 1979. La loi est inscritedans le code des parents comme suit :

Children are entitled to care, security, and good upbringing. Children are to betreated with respect for their person and individuality and may not be subjected tophysical punishment or other injurious or humiliating treatment196.

1.2 Historique de la campagne pour l’adoption de la loi

En 1889, Parti Social Démocrate (SAP) est créé et va prendre rapidement le pouvoir pour yrester pendant pratiquement tout le vingtième siècle. A la même période, le livre The Centuryof the Child est publié (1909). L’auteur - Ellen Key une féministe suédoise - voit l’enfantcomme l’élément premier, central de la société. Innovatrice, elle introduit l’idée deprivilégier la perspective de l’enfant dans le processus de prise de décision politique. Aussi,l’abolition des châtiments corporels y joue un rôle important. Ce livre a un grandretentissement en Suède. Le mouvement social-démocrate adopte cette vision de la société.Son cheval de bataille est l’augmentation du taux de natalité. Il poursuit cet objectif à travers

196 Durrant J.E. (1996), ‘The Swedish corporal punishment ban : its history an effects’, in D. Frehsee and K-D.Bussman (eds), Violence against children in the family, Berlin de Gruyter, 1996, p. 21.

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la création d’une société family friendly, en augmentant les ressources et en améliorant lesconditions de vie des familles197.

Un autre livre s’est avéré très important dans l’approche suédoise envers les enfants. Il s’agit,de Crisis in the Population Question (1934), de Alva et Gunnar Myrdal, qui décrit lapossibilité d’augmenter le taux de natalité par des programmes d’assistance socialedéveloppés dans le cadre d’une politique familiale cohérente. Le gouvernement socialdémocrate a introduit des programmes de ce genre déjà avant la deuxième guerremondiale198.

L’importance donnée aux familles et les principes sociaux-démocrates d’égalité, ont permisune prise de conscience des intérêts spécifiques de l’enfant. A cette idée s’ajoute une volontéétatique qui fait glisser les enfants d’une position périphérique à une place centrale dans lespréoccupations de l’Etat. Les intérêts spécifiques des enfants sont alors défendus dans l’arènepolitique par le plus imposant des acteurs, le gouvernement199.

Ainsi, en 1928, la Suède est une des premières nations à interdire l’emploi des châtimentscorporels dans les écoles supérieures. Le train des révisions légales vers une interdictionformelle des châtiments corporels est lancé et ne s’arrête qu’en 1979 avec la loi qui nousconcerne. Ainsi, en 1957, le gouvernement interdit implicitement les châtiments corporelspar l’abrogation du criminal defence du code pénal200 - une exception dans la loi quicriminalise les coups et blessures et donne la possibilité aux parents de discipliner les enfantspar la violence, un équivalent juridique des ‘Actes autorisés par la loi’ du code pénal suisse(art. 14 CP).

Cependant, le code des parents (Parents’ Code) suédois, continue de permettre des formesdouces de discipline physique, qui selon les normes en vigueur depuis 1957, constituent unevoie de fait pour le code pénal. Cette contradiction est supprimée en 1966, lorsque, mêmedans le code des parents, les châtiments corporels sont interdits. La formulation de cettenorme est cependant peu claire et n’interdit pas explicitement les châtiments corporelscomme méthode éducative201. Par ailleurs, les lois administratives qui interdisent clairementles châtiments corporels dans la sphère publique se succèdent durant les années soixante202.

Dans les années soixante-dix, deux cas pénaux secouent l’opinion publique. En 1971, unejeune enfant meurt sous les abus prolongés des personnes qui en ont la garde203. En 1975, uneautre jeune enfant est battue sévèrement par son père. La Cour acquitte le coupable et jugequ’il n’a pas excédé de ses droits de discipliner sa fille. L’opinion publique réagit et le débatest lancé. Une exposition sur les mauvais traitements envers les enfants est alors organisée àStockholm, à la fin de laquelle les organisateurs demandent de signer une pétition. Cettegalerie sera visitée par 60'000 personnes. L’opinion publique demande alors l’intervention dugouvernement. En 1977, le Ministre de la justice nomme une Commission des droits de

197 Durrant Joan E., Entrevue téléphonique du 25.01.2005, en Annexe 4, p. 2; et Cunnigham Hugh (2005),Children and Childhood in Western Society Since 1500, Pearson Longman Educatin Limited, Harlow, secondedition, 2005, p. 172.198 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), ‘Parenting and public policy : contextualizing the Swedish corporalpunishment ban’, in Journal of Social Welfare and Family Law, 1997, 19, p. 446.199 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 446.200 Durrant Joan E., Entrevue téléphonique du 25.01.2005, en Annexe 4, p. 2.201 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 444.202 Ziegert K.A. (1983), ‘The Swedish prohibition of corporal punishment : A preliminary report’, in Journal ofMarriage and Family, 1983, 45, p. 919.203 Ce cas a amené à la création de BRIS – voir Chapitre IV.2.3.

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l’enfant pour revoir le code des parents. La Commission est présidée par un ex-juge de laCour suprême très expérimenté dans le domaine du bien être de l’enfant (Tor Sverne) et elleest composée par des politiciens, des juges, des psychologues, des psychiatres et desreprésentants d’organisations non gouvernementales204.

La Commission conclut que les normes contre les châtiments corporels ne sont passuffisamment claires et suggère unanimement d’introduire une interdiction explicite deschâtiments corporels dans le code des parents. Aussi, elle pense que cette question doit êtretraitée en priorité sur les autres recommandations du rapport205. Soumis à l’approbation de 30institutions et organisations, le projet de loi est soutenu par 28 d’entre elles206. Lors de sonvote au parlement, la loi est adoptée par 259 votes contre 6 sur 349 parlementaires207.

L’historique de l’adoption de cette loi est intéressant pour notre analyse s’il est placé dans lecontexte social suédois de cette période.

1.2.1 Le processus social et politiqueUne croissance économique et une industrialisation, tardives et rapides, à la fois se sontdéveloppées dans un pays social-démocrate stable et centralisé qui a fait de la défense desintérêts des enfants une priorité. Plusieurs éléments précurseurs stimulent cette évolution,dont voici quelques-uns : une petite société homogène dans un grand espace a favorisé unecentralisation de l’Etat ; une stabilité dans la politique extérieure et un isolementgéographique lui ont permis de rester en dehors des grands débats politiques et sociaux quiont animé le reste de l’Europe au siècle passé208.

Au tournant du vingtième siècle, la Suède vit le problème de la diminution du taux denatalité. Au contraire de la Suisse, le parti social-démocrate, solidement au pouvoir, décide,sur l’impulsion des courants d’idées exposés plus haut, d’affronter le problème par despolitiques natalistes dirigées en faveur des familles, en augmentant leurs ressources et enaméliorant leurs conditions de vie. Il y a ainsi une claire volonté du gouvernement dedéfendre les intérêts des familles, cible des programmes sociaux mis en place. La conceptionde la famille suédoise est déjà imprégnée des valeurs sociales-démocrates d’égalité entre lesindividus. Graduellement, dans ces conditions, il surgit la nécessité de considérer les enfantscomme un groupe social à part entière, avec ses intérêts propres. Il se dégage ainsi, au fil desdécennies, une conception de l’enfant comme sujet de droit et non bénéficiaire d’assistance.Les droits de l’enfant deviennent alors l’approche étatique. Grâce aussi à un climat politiquestable, l’influence des académiciens sur la prise de décision n’est pas négligeable, ce qui rendplus facile leur influence sur des questions aussi passionnées que sont l’enfant et lafamille209.

La loi sur l’interdiction totale des châtiments corporels s’inscrit ainsi dans un discours plusglobal qui combine les droits de l’enfant avec une approche préventive. En Suède, parler dedroits de l’enfant n’est pas une simple question de satisfaire des besoins. Les droits del’enfant sont de la responsabilité de la société. Ils sont aussi une manière d’énoncer la qualité 204 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 445.205 Ziegert K.A. (1983), ‘The Swedish prohibition of corporal punishment : A preliminary report’, in Journal ofMarriage and Family, 1983, 45, p. 919.206 Boyson Rowan (2002), Equal protection for children: An overview of the experience of countries that accordchildren full legal protection from physical punishment, Edited by Lucy Thorpe, NPSCC, 2002, p. 16207 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 445.208 Ziegert K.A. (1987), ‘Children’s Rights and the supportive function of law : The case of Sweden’, in Journalof Comparative Family Studies, 1987, 18, p. 165-166. Voir aussi Chapitre III : causes des cp dans l’éducation.209 Ziegert K.A. (1987), op. cit., p. 165-166. Voir aussi Chapitre III.1.2.

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de l’environnement dans lequel vivent les enfants et d’évaluer les actions du gouvernement.Ainsi, dans cet univers social-démocrate, la loi est devenue un élément de changement socialet le bien-être économique et physique sont devenus des droits des citoyens. Vu que lesenfants sont considérés comme tels au même titre que les adultes, leurs droits sont considéréssérieusement et traduits en politiques et programmes cohérents. Ainsi, les programmesgouvernementaux qui prônent l’interdiction des châtiments corporels font partie d’un tout etsont coordonnés au reste des programmes familiaux et sociaux 210.

Cela explique pourquoi Durrant et Olsen identifient deux éléments clés qui ont contribué àl’adoption de la loi et de son acceptation sociale : la reconnaissance quasi générale des droitsde l’enfant et l’approche collectiviste - fondée sur le principe social-démocrate de lasolidarité - des politiques sociales211.

2. Les acteurs politiques en Suède

Entre l’enlisement totalitaire et bureaucratique des pays communistes et lelibéralisme économiquement efficace mais excessivement brutal d’un point de vuesocial d’Amérique du Nord, l’Europe centrale a su trouver une alternative originale,conciliant efficacité économique et bien-être social. Les pays scandinaves -et enparticulier la Suède- sont apparus à l’avant garde de cette expérience. C’est en cesens qu’on a pu parler d’un « modèle suédois »212.

2.1 Le gouvernement

Le SAP est resté au pouvoir pratiquement tout le siècle passé. Il a pu ainsi avoir une vision àlong terme et l’imposer dans le processus de formation de la volonté politique en dépit desautres idéologies politiques en présence. Le fait que la loi qui nous concerne soit passée à laquasi-unanimité porte à supposer qu’en effet, tous les partis ont adopté une conception del’enfant sujet de droits, proche des principes sociaux-démocrates. Au contraire, en Suisse, lesdeux conceptions de l’enfant sont encore présentes dans l’arène politique.

La légitimité quasi mythique du gouvernement, lui permet de prendre des décisions éclairées,parfois contraires aux valeurs de la société, comme c’est le cas pour la loi qui nous occupe.

L'État-providence, dit Maciej Zaremba, a longtemps été intouchable. Une décisionprise par les sociaux-démocrates ne pouvait pas être mauvaise ni immorale. On nepouvait pas toucher au mythe. Pourquoi vouloir calomnier une société humanistesoucieuse des plus faibles ? 213

En Suisse, les décisions des autorités sont bien acceptées après leur adoption. Elles sont parcontre remises en cause constamment lors de leur élaboration par les rivalités entre partispolitiques d’idéologies différentes et par la tradition de démocratie directe.

Par ailleurs, en Suède, la compétence de la protection de l’enfance est dans les mains dugouvernement ; cette compétence est clairement établie, par rapport à la Suisse où le pouvoirfédéral la partage avec les cantons. L’idéal de collectivisme selon lequel le bien-être d’un 210 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 446 et 450.211 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 450. Voir aussi Chapitre I.2.1.1212 Politique de la Suède, Encyclopédie libre Wikipédia, (consulté le 4.02.07) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_de_la_Suède213 Politique de la Suède, Encyclopédie libre Wikipédia, (consulté le 4.02.07) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_de_la_Suède

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individu est dans les mains de la collectivité et donc du gouvernement, a fait que la naissanced’un partenariat entre le gouvernement et la famille est né dans les années trente214. Nousavons vu qu’en Suisse la question familiale est marginale au niveau fédéral depuis laconstitution de l’Etat.

En Suède, la volonté du gouvernement de défendre les intérêts des plus jeunes a donné auxenfants le représentant le plus influent sur la scène politique. Les droits de l’enfant sont à lafois le guide sur lequel les projets de loi se basent et par lequel le gouvernement fonde salégitimité. En Suisse, la défense des intérêts des enfants se caractérise par l’absence dereprésentants politiques influents et par une implication minime de la part de l’Etat. Ainsimalgré ses années au pouvoir, la ‘formule magique’ du Conseil fédéral n’a pas pu dégagerune politique sociale, familiale et de l’enfance cohérente qui pourrait être le lieu privilégié dedébats sur l’introduction graduelle des droits de l’enfant dans le monde politique national. Apart la compétence partagée avec les cantons, cette situation est aussi due à un centre degravité du gouvernement proche des idéaux libéraux d’un Etat minimaliste, comme nous ledémontre la position du Conseil fédéral quant à la loi sur l’interdiction des châtimentscorporels au sein de la famille.

Par contre, puisque dans les deux systèmes politiques la représentation est proportionnelle, enSuisse comme en Suède les partis politiques au pouvoir doivent recourir à la négociationpour faire passer leurs idées au parlement.

2.2 Les parlementaires

La démocratie monarchique suédoise est parlementaire. Le roi a des fonctions dereprésentation. Le pouvoir exécutif est dans les mains du gouvernement alors que le pouvoirlégislatif, avec toutes les limites exposées dans le premier chapitre, est dans les mains duparlement qui est constitué d’une chambre où siègent 349 élus pour 4 ans au suffrageuniversel. Par ailleurs, les enfants de moins de 18 ans sont exclus du vote.L’arène politique suédoise se caractérise par une rivalité entre les partis politiques de gaucheet ceux de droite. Les premiers ont été au pouvoir pour la majorité du siècle dernier. Lesseconds atteignent et dirigent le gouvernement dans les années soixante-dix215. Les valeurssociales-démocrates sont tellement présentes dans la politique suédoise que les partis dedroite en adoptent les principes. Un exemple est le fait que la loi contre les châtimentscorporels a été adoptée lorsque la coalition de droite est majoritaire au gouvernement et à laquasi-unanimité des votes des parlementaires, ce qui souligne l’homogénéité de l’opinion desparlementaires sur la question des châtiments corporels au sein de la famille, donc de laconception de la famille, de l’enfant et du rôle de l’Etat.

Les partis politiques suisses sont aussi vieux que le SAP, mais aucun d’eux n'a eu lapossibilité d’exercer seul le pouvoir. Ils ont toujours eu la nécessité de travailler dans lecompromis et aucun d’eux n’a pu imposer une vision de la société d’une manière aussi libreet sur une période aussi longue que le parti social-démocrate suédois.

Soumis à une logique électorale, les partis suédois doivent tenir compte de l’opinion et desvaleurs de leurs électeurs. La société civile joue un rôle important dans la création d’unenation sans violence légale envers les enfants.

214 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 451.

215 Depuis les années soixante-dix on assiste à une alternance au pouvoir entre ces deux coalitions. Ceci parcontre sort de l’objet de notre travail qui est l’adoption de la loi advenue en 1979.

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2.3 La société civile

Pour ce qui concerne l’attitude de la population envers les châtiments corporels au sein de lafamille, on a des données seulement à partir de 1965, où une étude démontre que, pour 53%de la population, les châtiments corporels sont nécessaires. Ces données sont assez basses,comparées à d’autres pays, comme par exemple les Etats Unis, où encore aujourd’hui, le 80% de la population est favorable à cette méthode éducative216. Déjà en 1968, cetteacceptation baisse à 42%. Parallèlement, le pourcentage de Suédois qui croient à uneéducation non violente a augmenté entre 1965 et 1971 de 35% à 60%217. Cette situationconfirme que la population suit l’évolution des révisions légales, mais reste à la traîne. Lorsde l’introduction de la loi en 1979, une grande tranche de l’électorat ne partage pasl’acceptation quasi unanime du parlement pour cette interdiction218. Cependant, la seuleréaction contraire vient de représentants de l’Eglise protestante conservatrice219.

Ainsi, l'émotion suscitée dans l'opinion publique, dans les années soixante, par les deuxaffaires pénales relatées ci-dessus et l’exposition de Stockholm sur la maltraitance infantileont créé un débat de société. La société civile demande au gouvernement d’agir et contribueainsi au processus de prise de décision.

D’autre part, deux ONG très respectées travaillent pour les droits de l’enfant. Save theChildren Suède, fondée en 1919, est la plus ancienne et peut compter sur des ressourcesfinancières importantes. Children’s Rights in Society (BRIS) a été fondée en 1971 après lamort d’un enfant, suite aux abus de son gardien. Toutes les deux participent à la campagnepour l’adoption de la loi sur l’interdiction des châtiments corporels en 1979. De part leurascendant, elles influencent lourdement la prise de décision220.

Une autre spécificité du processus suédois est la participation active des groupes pour ladéfense des droits des femmes à la campagne en faveur de l’adoption de cette loi. Il estimportant, selon ces organisations, d’éduquer les enfants à la non-violence afin de prévenirles actes brutaux envers les femmes. Il s’agit d’une exception dans le monde féministe car,dans la majorité des pays, ces groupes sont réticents à une telle loi craignant unecriminalisation des femmes221.

Ainsi, le processus suédois de prise de décision compte sur une opinion publique active, quise tourne vers son gouvernement pour trouver des réponses à la violence domestique, alorsque l’opinion publique suisse semble plutôt passive. Les ONG qui portent politiquement laproblématique sont très influentes et prennent à bras le corps la question des châtimentscorporels en famille. Leurs collègues suisses sont plutôt effacées devant la force écrasantedes groupes du secteur économique et le désintérêt du gouvernement. Aussi, l’interdictionformelle des punitions physiques ne semble pas être une de leurs priorités. Pour finir, lacoalition civile pour l’adoption de la loi peut compter sur des alliés extérieurs au secteur del’enfance.

216 Durrant Joan E., Entrevue téléphonique du 25.01.2005, en Annexe 4.217 Durrant Joan E., Entrevue téléphonique du 25.01.2005, en Annexe 4. Durrrant J.E. (1996), ‘The swedishcorporal punishment ban : its history an effects’, in D. Frehsee and K-D. Bussman (eds), Violence againstchildren in the family, Berlin de Gruyter, 1996, p. 20.218 Durrant J.E. & Olsen G.M. (1997), op. cit., p. 444.219 voir Chapitre IV. 2.5.220 Durrant Joan E., Entrevue téléphonique du 25.01.2005, en Annexe 4.221 Durrant Joan E., Entrevue téléphonique du 25.01.2005, en Annexe 4.

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Face au mouvement politique qui entoure l’adoption de cette loi, le système juridique ne faitque la constater.

2.4 Le système judiciaire

Le système juridique n’a pas été une force locomotrice dans le processus222 tout comme lacommunauté internationale.

The ministers of Justice played - as they ought to - a prominent roll from the1950ies and onwards; but most jurists kept to the side during the preparative years- when it was only the politicians who handled these questions. The final law text,however, was totally a work from a high Dr. of Justice and president of a court ofappeal division, Tor Sverne223.

2.5 La communauté internationale des droits de l’homme

Au niveau international, la Suède a épaté la communauté des droits de l’homme. LeDanemark et la Norvège ont suivi assez vite son exemple224.

Par ailleurs, sept parents, membres de la Protestant Free Church congrégation deStockholm, portent plainte en 1979 à la Commission européenne des droits de l’homme,alléguant que la nouvelle législation contre les châtiments corporels viole leur droit aurespect de la vie familiale. La Commission juge inadmissible cette plainte en 1982 car cetteloi

(…) cannot be considered as an interference in the exercise of the parents’ right torespect for family life. Neither does the fact that corporal punishment of a child byhis parents may expose the latter to criminal prosecution for assault, by the samestandards as assault of a person outside the family, constitute an interference withthe exercise of this right.225

Comme pour la Suisse, la communauté internationale ne joue pas un rôle important, maispour des raisons contraires. Alors que la Suède initie le processus au niveau international, laSuisse est peu perméable à son influence. Sans le soutien du système judiciaire ni de lacommunauté internationale, la Suède écoute ses experts.

2.6 Les experts

L’introduction de la loi pour l’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille enSuède comporte un nouvel élément influent : la participation des experts (professionnels etscientifiques). Leur opinion est prise en compte dès le début du siècle dernier, comme leprouve l’influence des deux livres de Key et des Myrdal226, et continue de l’être tout le longdu processus. Ces experts font relation entre châtiments corporels, violence domestique etabus sur les enfants227. Au contraire des parlementaires suisses, l’homogénéité de penséequ’on retrouve en Suède autour de l’image de l’enfant, de la famille et du rôle de l’Etat a

222 Edfeldt Ake, Communication personnelle du 06.02.2005, en Annexe 5.223 Edfeldt Ake, Communication personnelle du 06.02.2005, en Annexe 5.224 Durrant Joan E., Entrevue téléphonique du 25.01.2005, en Annexe 4.225 Boyson Rowan (2002), Equal protection for children: An overview of the experience of countries that accordchildren full legal protection from physical punishment, Edited by Lucy Thorpe, NPSCC, 2002, p. 17.226 Chapitre IV.1.2.227 Ziegert K.A. (1983), ‘The Swedish prohibition of corporal punishment : A preliminary report’, in Journal ofMarriage and Family, 1983, 45, p. 917.

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pour conséquence que les législateurs réussissent à prendre du recul et dépassionner le sujetet deviennent perméables au discours scientifique.

Par ailleurs, en 1979, un nouvel acteur vient soutenir la défense des droits de l’enfant dansl’arène politique suédoise : l’ombudsman.

2.7 Les Instituts nationaux des droits de l’homme (INHR)

Institution créée en Suède et maintenant présente dans plusieurs autres pays, l’ombudsman –ou INHR - naît par la loi concernant les droits de l’enfant entrée en vigueur en 1979. Cetteinstitution n’a donc pas participé à l’adoption de la loi qui nous occupe, mais il est importantde la nommer car elle est désormais devenue un acteur politique qui lutte en faveur des droitsde l’enfant sur la scène politique de plusieurs pays. Sa création est aussi recommandée par leComité des droits de l’enfant228.

3. Le modèle suédois de la prise de décision

228 Committee on the rights of the child (2002), General Comment No 2 : The role of independent nationalhuman rights institutions in the promotion and protection of the rights of the child, Geneva, CRC/GC/2002/2,15 November 2002, para. 1.

National

Communauté internationale des droits de l’homme

Parlementaires

Société civile

Gouvernement

S. J.

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Le modèle suédois, à l’opposé de celui suisse, est opulent. Tous les acteurs politiquesprincipaux ont participé activement à la défense des intérêts des enfants dans la prise dedécision sur la loi qui nous concerne. De par son évolution sociale et politique, la Suède aintégré les droits de l’enfant dans l’arène politique de manière transversale. Déjà en 1935,avec sa nouvelle politique sociale, elle décide que tous les enfants suédois ont le droit (et nonla possibilité) de naître dans un environnement où les parents sont soutenus et les besoins debase de la famille sont garantis. Il ne s’agit pas là d’une réponse humanitaire, mais d’un droitétabli229. Le levier principal à l’introduction des droits de l’enfant dans l’agenda politique,au-delà des considérations structurelles, est la volonté du gouvernement social-démocrate etla possibilité qui lui a été donnée de l’appliquer, représentée dans le schéma par sa plusgrande taille.

La philosophie du SAP, bénéficiant d’une légitimité quasi mythique dans la population, ainfiltré tous les niveaux de la société, en permettant d’élaborer une vision des enfants faceaux châtiments corporels qui s’est ensuite étendue au reste de la communauté internationale.Tous les acteurs politiques ont contribué à l’adoption de cette loi. Ils ont travaillé avec unevision similaire de l’enfant et de sa place dans la société, dans un esprit commun de respectde ses droits. Ce consensus s’est formé sur un siècle de pouvoir social-démocrate. Cechangement de mentalité a permis l’introduction des droits de l’enfant dans l’agendapolitique de manière permanente et omniprésente.

Les bases de la politique suisse sont différentes. La lutte entre les idéologies politiquescontinue de battre son plein et sous-tend toutes les décisions politiques. L’évolution desmentalités est en cours, mais elle est loin d’être aboutie comme cela était le cas pour la Suèdeen 1979. La composition hétérogène du gouvernement, la structure fédéraliste du pays et laprépondérance des principes libéraux de protection de la sphère privée, empêchent legouvernement de prendre en main la question de la protection de l’enfance et la politiquefamiliale, qui restent marginales dans l’agenda politique fédérale.

Le cas suédois nous apprend l’importance de la volonté gouvernementale. Son implicationdans les changements de mentalités souhaités est primordial. Vu que l’influence de lacommunauté internationale sur les affaires internes suisses est marginale, l’obligation deprotection des plus faibles peut être un levier pour mobiliser l’intérêt de l’Etat.

229 Ziegert K.A. (1987), op. cit., p. 167.

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Chapitre V : Le Royaume Uni et l’importance de la société civile

Au Royaume Uni, il existe un droit de correction explicite qui permet aux parents de frapperleurs enfants de manière modérée et raisonnable et qui est compris dans la notion légale dereasonable chastisement. Le gouvernement britannique est opposé à son abrogation. Auparlement, il n’existe pas de consensus sur cette question. La conception libérale-conservatrice de la société affronte celle sociale-démocratique de l’enfant, la famille et le rôlede l’Etat. Cependant, contrairement à la Suisse, il existe un débat de société à ce sujet générépar la société civile organisée autour de l’Alliance Children are Unbeatable! et épaulée par lacommunauté internationale.

1. Le Royaume Uni et la loi sur l’interdiction totale des châtimentscorporels

1.1 La situation légale

1.1.1 Les obligations internationalesLe Royaume Uni ratifie l’ECHR en 1971, l'ICCPR et l’ICESCR en 1976, le CAT en 1988 etla CDE en 1991. Il a ratifié la Charte sociale européenne déjà en 2003 au moins.

Les recommandations du Comité des droits de l’enfant au Royaume Uni sont comparablesaux recommandations faites à la Suisse :

In light of its previous recommendation (…), the Committee deeply regrets that theState party persists in retaining the defence of "reasonable chastisement" and hastaken no significant action towards prohibiting all corporal punishment of childrenin the family. The Committee is of the opinion that governmental proposals to limitrather than to remove the "reasonable chastisement" defence do not comply with theprinciples and provisions of the Convention and the aforementionedrecommendations, particularly since they constitute a serious violation of thedignity of the child. (…) Moreover, they suggest that some forms of corporalpunishment are acceptable and therefore undermine educational measures topromote positive and non-violent discipline.

"The Committee recommends that the State party:with urgency adopt legislation throughout the State party to remove the "reasonablechastisement" defence and prohibit all corporal punishment in the family and in anyother contexts not covered by existing legislation;promote positive, participatory and non-violent forms of discipline and respect forchildren's equal right to human dignity and physical integrity, engaging withchildren and parents and all those who work with and for them, and carry out publiceducation programmes on the negative consequences of corporal punishment 230

Il faut de plus souligner que le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui est chargé defaire le suivi des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, a exprimé, durant larévision des cas en suspens en 2004 et 2005, ses regrets quant au non-accomplissement dujugement du cas de 1998, A v. UK231.

230 Committee on the rights of the child (2002), Concluding observations of the Committee on the Rights of theChild : United Kingdom, Genève, CRC/C/15/Add.188, 4 October 2002, paras. 35 and 36 (a and b).231 Children Are Unbeatable! Alliance (2006), Equal protection fram assaults is every child’s human right,published by Children Are Unbeatable! Alliance, June 2006, p. 8 et Voir Chapitre V.2.5 et.

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1.1.2 Les normes nationalesEn 1860, le président de la Cour suprême d’Angleterre, en jugeant un instituteur qui avait tuéun élève pendant une mesure disciplinaire, justifie l’inculpation de l’accusé par cetteargumentation : “ … a parent … may for purpose of correcting what is evil in the children,inflict moderate and reasonable chastisements” (R. v. Hopley, 1860). Il introduit ainsi lanotion de reasonable chastisement présente, encore aujourd’hui, dans le système judiciairebritannique et dans la plupart des pays colonisés par la Couronne232. L’interprétation de cettenotion est laissée à la discrétion du juge233. Depuis 140 ans, un consensus sur ce qui estraisonnable et modéré n’a jamais été trouvé234.

Ainsi, la législation britannique permet explicitement, à travers la notion de reasonablechastisement, les punitions physiques au sein de la famille. Même si les différencessubsistent entre les 4 provinces du Royaume Uni, il appartient au parlement britannique(Westminster) de légiférer pour ou contre l’interdiction totale des châtiments corporels.

Actuellement, la situation légale des châtiments corporels au Royaume Uni est trèscomplexe. Nous allons la résumer, pour ce qui concerne les corrections au sein de la famille,en paraphrasant le site de Global Initiative to end all corporal punishment for children235.Les châtiments corporels à la maison sont légaux dans tout le Royaume Uni, bien que ladéfense de reasonable chastisement ait été limitée par des amendements à la loi enAngleterre, au pays de Galles et en Ecosse. En Ecosse, les actes autorisés par la loi sontréduits par la provision du Juge criminel (Scotland) Act (2003) section 51 qui introduit leconcept d’attaque justifiée envers les enfants. Cet Act définit injustifiables les coups à la tête,le fait de secouer un enfant et l’emploi d’objets. En Angleterre et au pays de Galles, lasection 58 du Children Act de 2004 permet aux parents de justifier les attaques contre leursenfants comme une punition raisonnable, mais ne permet pas des attaques plus sérieuses quisont interdites par la loi. En Irlande du Nord, les actes autorisés par la loi sont réduits auminimum par Law Reform (Miscellaneous Provisions) (Northern Ireland) Order (2006) et nesont pas permis pour ce qui concerne les blessures, les dommages corporels réels et sévèreset la cruauté envers les enfants. La complexité de la législation et les différences entre lesadministrations locales témoignent d’une évolution légale difficile vers une interdictiontotale, déjà imposée au Royaume Uni par la Cour européenne des droits de l’homme236.

1.2 Historique de la campagne pour l’adoption de la loi

La campagne pour l’abolition des châtiments corporels dans les écoles porte ses fruits en1986, lorsque le Royaume Uni les interdit dans les écoles subsidiées par l’Etat237. Commesuite logique, les activistes, dont Newell, décident de continuer la campagne pour uneinterdiction totale des châtiments corporels. En 1989, EPOCH est fondée (End corporal

232 Newell Peter (2005), ‘The Human Rights Imperative for ending all corporal punishment of children’, inDurrant Joan E., Newell Peter, Power Clark et Stuart N. Hart, Eliminating Corporal Punishment : the wayforward to constructive child discipline, UNESCO, Paris, 2005, p. 26.233 Global initiative to end all corporal punishment, surhttp://www.endcorporalpunishment.org/pages/frame.html.234 Durrant Joan E. (2005), ‘Corporal punishment : prevalence, predictors, & implication for children bahaviour& development’, in Durrant Joan E., Newell Peter, Power Clark et Stuart N. Hart, Eliminating CorporalPunishment : the way forward to constructive child discipline, UNESCO, Paris, 2005, p. 50-51.235 Global initiative to end all corporal punishment, sur http://www.endcorporalpunishment.org/.236 Chapitre V.2.5.237 En 2003, dans toutes les écoles britanniques les châtiments corporels sont interdits.

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punishment of children in the home) : une organisation qui lutte contre les châtimentscorporels au sein de la famille.

En 1998, un jugement de la Cour européenne des droits de l’homme demande au RoyaumeUni un changement de législation pour introduire une interdiction formelle de tous leschâtiments corporels. EPOCH voit alors une possibilité concrète de succès. Pour soutenir lacampagne civile, elle fonde l’Alliance Children are Unbeatable! qui grandit graduellement etregroupe à ce jour plus de 400 organisations non gouvernementales, des personnalités et unnombre toujours croissant de parlementaires dans tout le Royaume Uni238.

En 2004, un nouveau Children Act est voté. On y propose une nouvelle section (Clause 12)qui demande l’abrogation de la notion de reasonable chastisement afin de garantir auxenfants une protection égale aux adultes devant la loi. Une importante campagne en faveur decette clause est organisée et coordonnée par l’Alliance Children are Unbeatable!239. Cetteclause n’est pas acceptée par un vote écrasant de 423 votes contraires et 75 favorables. A saplace, on introduit la Clause 56 qui définit les reasonable chastisement. Cette clauseproposée par le gouvernement est acceptée à 284 voix contre 208240.

(1) In relation to any offence specified in subsection (2), battery of a child cannot bejustified on the ground that it constituted reasonable punishment.(2) The offences referred to in subsection (1) are-(a) an offence under section 18 or 20 of the Offences against the Person Act 1861(c. 100) (wounding and causing grievous bodily harm);(b) an offence under section 47 of that Act (assault occasioning actual bodily harm);(c) an offence under section 1 of the Children and Young Persons Act 1933 (c. 12)(cruelty to persons under 16).(3) Battery of a child causing actual bodily harm to the child cannot be justified inany civil proceedings on the ground that it constituted reasonable punishment.(4) For the purposes of subsection (3) "actual bodily harm" has the same meaningas it has for the purposes of section 47 of the Offences against the Person Act 1861.(5) In section 1 of the Children and Young Persons Act 1933, omit subsection(7).241

Malgré l’introduction de la section 56, le débat parlementaire autour du Children Act de 2004a provoqué un débat de société242.

2. Les acteurs politiques au Royaume Uni

Le Royaume Uni est une monarchie parlementaire, où, comme en Suède, le roi a un rôle dereprésentation. Il s’agit d’un système politique bipartite.

The decisive role of the majority in the political decision-making process. In theBritish system, the party that wins a majority at the polls has the right to form thegovernment. The prime minister and the cabinet as majority party leaders wield thepowers of the Parliament to implement their programs. They can continue so longas the government retains the confidence of Parliament. (…) Party government in

238 Children are Unbeatable! Alliance, (consulté le 25.02.07) sur :http://www.childrenareunbeatable.org.uk/pages/supporters.html239 Croke Rhian, Crowley Anne (2006), Righting the wrongs: The reality of children’s rights in Wales, Save theChildren, Cardiff, 2006, p. 51.240 Croke Rhian, Crowley Anne (2006), op. cit., p. 52.241 2004 Children Act, Clause 56.242 Croke Rhian, Crowley Anne (2006), op. cit., p. 52.

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Great Britain has been based on an essentially two-party system in which theConservative and Labour parties, by advocating varying public policies, haveoffered the electorate a choice of alternatives. Although Parliament remains legallysupreme, its role has been diminished by a dependence upon the cabinet as thesource for the initiation and determination of policy. Contrasted with the V.S. partysystem, the British parties are characterized by centralized organization, a degree ofideological unity, and party whip discipline. Hence, leadership is usually assured ofan automatic majority in Parliament on government-sponsored measures.243

2.1 Le gouvernement

Le gouvernement, formé par un seul parti, propose les lois et en détaille le contenu. Il estsoutenu par la majorité à la Chambre des Communes - 352 travaillistes sur 649parlementaires. De plus, dans le système britannique, il existe une discipline de parti trèsstricte qui oblige les parlementaires de se conformer aux décisions du parti, s’il le demande,lors de leur vote au parlement (party whip discipline). Ainsi, si on ajoute que le RoyaumeUni est un pays unitaire et que les décisions des administrations locales (Ecosse, Irlande duNord244 et Pays de Galles) dépendent de décisions parlementaires et non de dispositionconstitutionnelle comme c’est le cas en Suisse, on peut affirmer que le gouvernementbritannique à la mainmise sur les décisions politiques.

Cette force est contrebalancée par la rivalité qui existe entre les deux partis politiquesmajoritaires qui s’alternent au pouvoir depuis des décennies : le parti travailliste et le particonservateur, l’un défend une idéologie sociale-démocrate et l’autre une idéologie libérale-conservatrice245.

Depuis 1997, le parti travailliste, fondé en 1990, est au pouvoir. D’origine syndicale, il passed’une idéologie socialiste à une conception sociale-libérale. En effet, au pouvoir entre 1945et 1951, il lance une vague de nationalisations. Alors qu’en 1997, pour reconquérir le pouvoiraprès 18 ans d’opposition, il adopte une politique du centre-gauche libérale qui reprend ‘deséléments politiques du centre, voire de la droite, comme l'acceptation des privatisationsindustrielles ou de la mondialisation’246.

Ainsi, le Royaume Uni est un pays politiquement unitaire dirigé par un gouvernementmonopartite qui bénéficie d’une force écrasante dans le parlement que le principe de partywhip discipline ne fait que renforcer. Le parti travailliste est un vieux parti au même titre queles partis suisses et suédois au pouvoir. Il pratique le pouvoir depuis 10 ans, une périodemoins longue que le Parti Social Démocrate suédois (SAP) mais tout de même suffisantepour appliquer les changements souhaités. Contrairement au SAP, qui transmet ses principesaux autres partis et à la société, le parti travailliste doit s’adapter au contexte et adopte desprincipes libéraux pour conquérir et garder le pouvoir. Il doit en effet séduire un électoratproche des principes libéraux qui a soutenu le parti conservateur entre 1979-1997. Alors quecette rivalité idéologique qui oppose les conservateurs aux socialistes peut être comparée à lasituation suisse, aucun parti helvétique n’a la mainmise sur les décisions parlementaires 243 In Plano Jack, Olton Roy (1988), The International Relations Dictionary, Fourth edition, Western MichiganUniversity, Clio Dictionaries in Political Science, Santa Barbara, California, p. 419-420.244 L’Ecosse dispose d’une plus grande autonomie que les autres régions, alors que l’Irlande du nord est pourl’instant gérée comme une colonie.245 Royaume Uni, Encyclopédie en ligne Encarta, 2006, (consulté le 18.01.07) sur :http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761553483/Royaume-Uni.html246 Social-démocratie, Encyclopédie libre Wikipédia, (consulté 30.01.07) sur :http://fr.wikipedia.org/wiki/Social-d%C3%A9mocratie.

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comme l’a le gouvernement britannique. De plus, la joute partisane se retrouve, en Suisse,aussi à l’intérieur du gouvernement.

La compétence de la protection de l’enfance est clairement centrale même si les parlementsdes administrations locales se prononcent sur la question en éditant des règles à ce sujet247.Pour ce qui concerne la loi sur l’abolition des châtiments corporels au sein de la famille, legouvernement, en 2004, est activement contraire à son introduction, tout en se disantconcerné par le problème. Il se justifie par la légitimité des droits des parents et par la non-ingérence de l’Etat dans les affaires privées 248. Les arguments employés sont similaires àceux donnés par le Conseil fédéral et se basent sur les principes libéraux de l’Etat minimal etconservateur de la conception classique de la famille, bien loin des principes sociaux-démocrates défendus par le SAP.

Selon Newell, la raison de la non-adoption de la Clause 12, en 2004, est due à l’emploi de laparty whip discipline par le Premier ministre. L’année 2005 est une année électorale et cedernier ne veut pas d’une loi aussi controversée dans une année charnière. En effet, lamajorité de la population est opposée à une interdiction des châtiments corporels. Cependant,45 parlementaires travaillistes se rebellent et votent pour la Clause 12, une des plus grandes‘rébellions’ à ce jour au parlement britannique249.

Cette position gouvernementale peut être interprétée de deux manières. D’une part, la logiqueélectorale a imposé un positionnement contraire aux principes idéologiques du parti quitendent vers une défense des droits de l’enfant. Cette position est soutenue par l’adoption desdispositions qui permettent la création des INHR. D’autre part, les principes libéraux fontdésormais partie de l’idéologie du parti travailliste, ce qui explique que la position dugouvernement n’a pas changé en 2007250. Par ailleurs, le Children Act de 2004 a clairementcomme cible les enfants et non la famille. Ainsi, on peut dire que les enfants font partie del’agenda politique du Royaume Uni ; il reste à savoir si les droits de l’enfant sont considéréeslors des prises de décisions.

Although legislation made more than a nod in the direction of children’s rights, itwas the rights and responsibilities of parents which were most emphasised. At theend of ‘the century of the child’. Society was still grappling to find some resolutionof the issue that first came to prominence in the 1880s, that of the properrelationship between government, parents and children.251

Toutefois, malgré la mainmise de gouvernement sur la prise de décision, la Clause 56 estpassée pour quelques votes seulement (284/208 sur 649 parlementaires).

2.2 Les parlementaires

Le parlement britannique est dominé, depuis 1997, par le parti travailliste. Le partid’opposition est le parti conservateur qui défend des principes libéraux et conservateurs. Onparle de trois partis politiques au parlement qui comprend 611 parlementaires sur 649 (352travaillistes, 196 conservateurs et 63 libéraux-démocrates). Vu le nombre réduit de partis

247 Comme pour la Suisse, nous n’allons pas prendre en considération les administrations locales malgré leurinfluence sur la prise de décision centrale.248 Cette position est confirmée par la réponse donnée à la demande d’un citoyen dans l’Annexe 7.249 Newell P., Entretien téléphonique du 04.01.07, en Annexe 6.250 Annexe 7.251 Cunnigham Hugh (2005), Children and Childhood in Western Society Since 1500, Pearson LongmanEducatin Limited, Harlow, second edition, p. 183.

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politiques, le lobbying de la société civile tend à être efficace s’il cible les parlementaires etnon leur parti252.

Par ailleurs, le Comité parlementaire conjoint des droits de l’homme (Joint Committee onHuman Rights) a demandé, à plusieurs reprises, que les recommandations du Comité desdroits de l’enfant soient mises en application et a sollicité que le principe de protectionégalitaire pour tous soit atteint253. Comme son nom l’indique, cet organe est chargé deconsidérer les questions des droits de l’homme au Royaume Uni. Il est appelé conjoint car ilest constitué par des parlementaires des deux chambres (composé d’un libéral, 4 travaillisteset 1 conservateur)254.

We therefore recommend that Clause 49 of the Bill be amended as follows: Replacesubsection (1) with the following new subsection— ‘(1) Reasonable chastisement isnot a defence to any charge involving battery of a child.’ (…).255

Contrairement au parlement suédois, le parlement britannique n’est pas unanime sur la loiinterdisant les châtiments corporels au sein de la famille. Le seul parti qui soutient lacampagne en faveur de cette loi est le parti Libéral démocrate, un parti de centre gauche256.Les parlementaires conservateurs, par contre, sont unanimement contraires à cette loi qui va àl’encontre des droits des parents et demande une ingérence de l’Etat dans la vie privée. Lesparlementaires travaillistes sont divisés.

Dans le débat parlementaire précédent l’adoption du Children Act de 2004, la Clause 12 pourl’abrogation du principe de reasonable chastisement est débattue257. Les deux campsemploient des arguments normatifs et empiriques à la fois. Le camp favorable insistelargement sur l’égalité de protection devant la loi de tous les membres de la société -argument employé par l’Alliance Children are Unbeatable! dans sa campagne, mais il nerecule pas devant les statistiques de mortalité infantile causée par les abus de ceux qui en ontla garde. Il s’appuie sur l’avis des experts et fait le parallèle avec la situation de violencedomestique contre les femmes qui rencontrait la même résistance dans les années soixante-dix et qui maintenant est acceptée par tous.

Le camp contraire déplore l’ingérence néfaste de l’Etat dans les affaires privée et insiste surla nécessité de laisser cette méthode éducative aux parents afin que les enfants puissentgrandir avec la conscience des limites qu’ils doivent avoir en société. Ils craignent une sur-criminalisation des parents et soulignent la différence entre les châtiments corporels et les

252 Newell Peter, Entretien téléphinque du 04.01.07, en Annexe 6.253 Children Are Unbeatable! Alliance (2006), op. cit., p. 15.254 ‘The Committee has the power to require the submission of written evidence and documents, to examine witnesses, tomeet at any time (except when Parliament is prorogued or dissolved), to adjourn from place to place, to appoint specialistadvisers, and to make Reports to both Houses. The Lords Committee has power to agree with the Commons in theappointment of a Chairman.’ In The Parliamentarian Joint Committee on the Human Rights (2003), Government'sResponse to the Committee's Tenth Report of Session 2002-03 on the UN Convention on the Rights of the Child,London, HL Paper 187 HC 1279, 25 November 2003, p. i.255 Joint Committee on the Human Rights (2004), Children Bill, HL Paper 161 HC 537, London, 8 September2004, p. 49, para. 177.256 ‘(Ils) sont considérés traditionnellement comme parti du centre ou centre-gauche mais le changement dans la politique duLabour les a mis, selon quelques personnes, le vrai parti de la gauche’ Encyclopédie libre Wikipédia, (consulté le30.12.06), sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Partis_politiques_britanniques.257 Commons Hansard, 2.11.2004, column 238-264. Débats au House of Lords : 5.07.2004 à partir de la colonne518 & Débat au House of Commons : mardi 2.11.2004 à partir de la colonne 173.

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abus. Ils s’appuient aussi sur la responsabilité des parlementaires comme élite de lacitoyenneté et donc des devoirs qu’ils ont envers elle. Ils ne peuvent ainsi pas aller contre lesintérêts des parents.

On retrouve des arguments similaires à ceux proposés par les parlementaires suisses et quiopposent deux conceptions de l’enfant, de la famille et du rôle de l’Etat. Les avis desprofessionnels et des scientifiques ne semblent pas être plus déterminant qu’en Suisse où lecape du mythe de l’enfance, qui donne à chacun d’entre nous une expertise sur toutes lesaffaires concernant l’enfance, les remet constamment en discussion.

Par contre, le droit des enfants à une égale protection légale est présent dans les débatsbritanniques258, laissant supposer une plus grande acceptation de la vision de l’enfant sujet. Ilest aussi intéressant de voir qu’alors que le parti conservateur et le parti libéral démocratesont homogènes, les avis exprimés par les parlementaires travaillistes sont partagés. Le voteserré qui a permis l’adoption de la clause 56 par rapport à l’écrasant refus essuyé par laclause 12 peut être ainsi expliqué par la discipline de vote imposée par le Premier ministre.

D’autre part, l’opinion des citoyens dans une année électorale a eu une influence importantesur la prise de décision politique.

2.3 La société civile

Une recherche de 1997 du Département de la santé démontre que les enfants britanniquessont fréquemment frappés.

The large majority (91%) of children had been hit. Frequency of hitting declinedwith age. Only 25% of the babies aged up to one year in the study had never beensmacked by their mothers; 14% of these one-year-olds had been smacked with“moderate” severity, and 38% had been smacked more than once a week. The studyincluded interviews with both parents in 99 two-parent families. It found that onefifth of children in these families had been hit with an implement and over one third(35%) had at some time experienced a punishment that was rated as “severe”(defined as punishments “that were intended to, had the potential to, or actually didcause physical and/or psychological injury or harm to the child”). 259

Comme en Suisse, les châtiments corporels sont une pratique assez courante au RoyaumeUni et la large majorité de la population ne voit pas d’un bon œil l’adoption d’une loi lesinterdisant. Selon Newell, cet état de fait est normal, car l’opinion publique ne change passans une loi claire. Le changement des mentalités demande aussi une intervention de l’Etat àtravers une campagne nationale de sensibilisation.

Par contre, au Royaume Uni il existe une alliance d’organisations civiles qui depuis 1998 necesse de grandir. Elle regroupe à ce jour plus de 400 entre organisations nongouvernementales, personnalités et un nombre toujours croissant de parlementaires. Cetteorganisation a pour seul but politique de rendre les châtiments corporels illégaux auRoyaume Uni et promeut une éducation non violente. Ainsi, on retrouve une coalition forte

258 Il faut nuancer cette affirmation en tenant compte que les débats suisses et britanniques se passent à unedizaine d’années de différence.259 Nobes G. (1997), “Physical punishment of children in two-parent families”, in Clinical Child Psychologyand Psychiatry, vol. 2, no. 2, pp.271–281. (consulté le 15.02.07) Résumé sur :http://www.endcorporalpunishment.org/pages/frame.html.

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qui comprend des différents acteurs politiques (société civile, parlementaires), des experts(professionnels, scientifiques) et depuis 2003, des églises. La participation de ces dernièresest très importante car les groupes chrétiens conservateurs sont ceux qui prônent leschâtiments corporels comme moyen éducatif efficace et en font campagne260. Pratiquementtoutes les organisations qui luttent en faveur des enfants et les organisations professionnellesdu secteur font partie de l’Alliance Children are Unbeatable! 261.

Ainsi, contrairement à la Suisse, il existe au Royaume Uni une coalition de base stable etinfluente, par le nombre de ses membres et par sa composition, qui porte en avant la luttepolitique pour l’introduction de la loi contre les châtiments corporels au sein de la famille. Sacampagne pour l’adoption de la clause 12 en 2004 a permis de lancer un débat de société quin’a fait que se poursuivre depuis. Pour augmenter sa crédibilité, elle s’est appuyée sur lejugement de la Cour européenne de 1998262. Elle base son argumentaire sur les principes desdroits de l’homme d’égalité et de protection de l’intégrité physique et psychique.

Selon Newell, il faut trouver un moyen de forcer légalement l’Etat récalcitrant à changer salégislation, cela étant la plus forte forme de persuasion. Les arguments empiriques sont plusaléatoires car il est difficile d’être scientifique dans un thème non logique, qui touche lesgens de très proche, - leurs parents les ont élevés ainsi et/ou eux élèvent leurs enfants de lasorte. Aussi, pratiquement tous les livres classiques parlent de châtiments corporels dansl’éducation des enfants. Dans l’imaginaire collectif, c’est une chose normale et efficace.Enfin, il est impossible de vérifier scientifiquement que les châtiments corporels sontinefficaces et ont des effets négatifs à long terme, car il s’agirait d’une étude non éthique. Ilest toujours possible de trouver des experts qui soutiennent que les fessées dans descirconstances déterminées sont bénéfiques263.

Au Royaume Uni, il existe un grand rejet de la loi de la part de l’électorat, mais une coalitionforte existe tout autant et elle a une légitimité légale qui lui a été conférée, non seulement parles différents traités internationaux des droits de l’homme, mais aussi par un jugement de laCour européenne des droits de l’homme qui impose au gouvernement de changer lalégislation. Ainsi, malgré le fait que le système judiciaire national joue un rôle passif dans leprocessus de la prise de décision qui nous occupe, la communauté internationale des droits del’enfant le soutient.

2.4 Le système judiciaire et les NHRI

Le système judiciaire britannique continue d’appliquer la notion de reasonable chastisementdans ses jugements, ce qui explique pourquoi le cas A. V. UK264 arrive devant la Coureuropéenne - après avoir épuisé toutes les instances judiciaires nationales. Il serait intéressantde voir de quelle manière évolue l’interprétation juridique de cette notion par le systèmenational.

Par ailleurs, comme nous avons vu plus haut, c’est dans le Children Act de 2004 que lesdispositions pour la création des NHRI britanniques ont été éditées, ils n’ont ainsi pasparticipé aux débats sur l’adoption de la Clause 12. Depuis, cependant, ils ont joint la

260 voir jugements de la Cour européenne, Chapitre III.2.2.3.261 Newell Peter, Entretien téléphonique du 04.01.07, en Annexe 6.262 Chapitre V.2.5.263 Newell Peter, Entretien téléphonique du 04.01.07, en Annexe 6.264 Cour européenne des droits de l’homme (2001), ‘Maltraitance familiale: L’Etat responsable !’, enJurisprudence libertés publiques, n° 202, février 2001, p. 48-51.

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campagne et édité une déclaration commune qui demande l’introduction de normes clairessur l’interdiction totale des châtiments corporels265.

Ainsi, sans un appui intérieur, la société civile se tourne vers la communauté internationale,où elle trouve un allié de poids dans la Cour européenne des droits de l’homme.

2.5 La communauté internationale des droits de l’homme

Un garçon qui a été frappé de manière répétée par son père adoptif accuse, devant la Coureuropéenne, le Royaume Uni de faillir à ses devoirs de protection (le cas A. V. UK). Il s’agitdu premier cas concernant les châtiments corporels au sein de la famille qui arrive devantcette Cour. Au niveau national, les Tribunaux ont décidé que le père adoptif ne dépassait passes droits parentaux à discipliner son enfant. La Cour européenne, par contre, décide quel’accusé a violé l’article 3 de la ECHR (‘Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peinesou traitements inhumains ou dégradants.’). Elle juge l’Etat britannique coupable car salégislation nationale a failli à protéger cet enfant à cause de la notion légale de défense dureasonable chastisement266.

A l’époque, le gouvernement britannique promet de modifier sa situation légale. Depuis,comme nous l’avons vu, des considérations de politique interne ont eu le dessus. Cependant,ce jugement a donné de l’élan à la campagne de la société civile. Aussi, il est un des plusanciens jugements non résolus traités par le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe. Lapression du Conseil sur le Royaume Uni va devenir de plus en plus importante267. Pour sapart, le système onusien continue, à l’instar du Comité des droits de l’enfant cité plus haut, àdemander l’abrogation de la notion de reasonable chastisement.

Malgré le fait que la communauté internationale n’a pas eu un rôle déterminant sur l’adoptionde la loi, elle a octroyé une légitimité à la lutte civile nationale. De plus, elle a eu unerésonance dans le Comité parlementaire des droits de l’homme, organe interne au pouvoirlégislatif, qui était, pour la majorité, composé par des parlementaires travaillistes, partimajoritaire à Westminster. Les pressions ne vont qu’augmenter que ce soit par le Conseil desMinistres du Conseil de l’Europe ou par les autres organes de contrôle européens et onusiens.

Le Royaume Uni a été jugé coupable par une instance juridique régionale réputée etrespectée. La Suisse est d’ailleurs soumise aux même obligations internationales que legouvernement britannique (sauf celles de la Charte européenne des droits sociaux) et pourraitainsi se retrouver dans la même situation.

265 Du 22.01.06 et disponible dans Children Are Unbeatable! Alliance (2006), op. cit., p. 16.266 Newell Peter (2005), op. cit., p.34.267 Newell Peter, Entretien téléphonique du 04.01.07, Annexe 6, p. 3.

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3. Le modèle britannique de la prise de décision

It is no longer a question of whether the UK should abolish all legal defenses thatallow children to be hit and thus give children equal protection under the law onassault. It is a question of how soon the UK will respond to its human rightsobligations. Law reform to abolish all corporal punishment of children is now seenas an obligation under international law by both European and United Nationshuman rights monitoring bodies. This has been confirmed by the UKparliamentary Joint Committee on Human Rights.268

Cette citation expose un avis clairement favorable à la loi, mais même en le nuançant, il restequ’au Royaume Uni le débat de société est présent et actuel. Tout le monde connaît laquestion et prend position. La société civile s’est organisée autour d’une alliance forteépaulée par la communauté internationale des droits de l’homme. Ainsi, le schéma de la prisede décision britannique est caractérisé par une position prépondérante de la société civile etpar le nombre de flèches témoignant de l’implication de la communauté internationale desdroits de l’homme.

Alors qu’en Suède l’opinion publique a su activer le gouvernement, au Royaume Uni lamobilisation semble plus difficile, mais ne s’agit-il pas que d’une question de temps ?L’implication de la communauté internationale et la prise de position favorable de laCommission parlementaire des droits de l’homme portent à le croire. La première devient de 268 Children Are Unbeatable! Alliance (2006), op. cit., p. 3.

National

Communauté internationale des droits de l’homme

Parlemen-taires

Société civile

Gouverne-ment

S.J.National

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plus en plus pressante. L’arrêt de la Cour européenne de 1998 demande un changementlégislatif au Royaume Uni, comme elle l’a fait par le passé en ce qui concerne l’interdictiondes châtiments corporels à l’école, démarche qui a aboutit à leur interdiction formelle. Deplus, à l’intérieur du corps législatif de l’Etat, la commission pour les droits de l’homme adéjà souligné son accord à un changement législatif à maintes reprises.

Dans ce contexte, le rôle moteur est dans les mains de la société civile qui s’est coalisée enune alliance forte et durable, qui est en train de gagner de plus en plus de parlementaires. Lacommunauté internationale, tout en exerçant une pression directe à travers le Conseil desMinistres du Conseil de l’Europe, joue un rôle important en octroyant à cette coalition civileune légitimité supplémentaire.

La Suisse, peu perméable aux pressions internationales, aurait-elle besoin d’un jugementdéfavorable pour abroger le droit de correction ? Actuellement, ce présumé jugement netrouverait pas terrain fertile chez aucun des acteurs politiques en présence. Il se pourrait quela jeune coalition pour les droits de l’enfant soit renforcée dans son travail, mais il luifaudrait du temps pour atteindre la force actuelle de l’Alliance britannique. Surtout,l’Alliance ne veut atteindre qu’un objectif politique clair, alors que le Réseau suisse desdroits de l’enfant, tout en se donnant des priorités, a des objectifs plus amples quicomprennent tous les droits de l’enfant.

L’exemple britannique nous enseigne qu’une coalition civile solide et permanente,comprenant tous les partisans de la question (professionnels, scientifiques, ONG,administrations, …) et se concentrant sur un objectif précis qui fait l’unanimité, peut avoir unimpact important sur la défense des droits de l’enfant dans l’arène politique. D’autant plusqu’en Suisse, elle disposerait des instruments de la démocratie directe. Cette coalitionpourrait relancer un débat d’actualité afin de compter sur l’appui de la communautéinternationale des droits de l’homme. Comme l’indique Newell, pour convaincre ungouvernement récalcitrant, il faut trouver des moyens légaux pour le forcer. Les obligationsnationales et internationales du gouvernement suisse peuvent jouer ce rôle.

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Conclusions générales et Propositions

La formation de la volonté politique est le résultat d’un jeu d’influences mutuelles entreplusieurs acteurs politiques qui interagissent de manière dynamique et permanente. Legouvernement a la place du lion dans ce processus à cause du pouvoir exécutif qu’il détient,de sa légitimité internationale et de l’évolution des systèmes politiques. Sa volonté d’agir estainsi déterminante dans la défense des droits de l’enfant sur la scène politique. Cette volontédépend de son idéologie politique et des circonstances du moment.

Les conceptions libérale-conservatrice et sociale-démocrate rivalisent dans les sociétésoccidentales européennes afin d’exercer une influence sur la direction de l’Etat269. Lesprincipes que ces deux écoles de pensée défendent diffèrent par l’image véhiculée del’enfant, de la famille et du rôle de l’Etat dans cette relation. Autour de ces idéologies seregroupent les politiciens en formant des partis politiques. Les parlementaires, membres deces partis et au cœur du pouvoir législatif, doivent leur ascendant sur la décision politique àleurs électeurs dont les aspirations doivent être prises en compte lors du vote d’une loi.Organisé, l’électorat peut jouer de sa force de persuasion pour conditionner la formation de lavolonté politique.

Ainsi, le processus d’adoption d’une loi comporte une dynamique circulaire entre ces troisacteurs principaux : gouvernement, parlementaires et société civile. Pour ce qui concernel’adoption de la loi contre les châtiments corporels au sein de la famille, les acteurs politiquesen présence sont plus ou moins perméables à l’influence du système judiciaire national,troisième pouvoir de l’Etat, et au niveau international à la communauté des droits del’homme.

La place de l’enfant dans cet univers est déterminée par l’idée que l’on se fait de sa personneet de sa place dans la société. A ce titre, on assiste à une évolution des mentalités qui voitdeux conceptions de l’enfant cohabiter sur la scène politique. On passe d’un enfant exclu dela vie publique et bénéficiaire d’une assistance dont la responsabilité est entièrement dans lesmains de l’adulte, à un enfant compétent, possesseur de droits, qui a des intérêts propres àdéfendre dans l’arène politique. Cette transformation est le fruit d’un changement structurelprofond qui va au-delà de l’enfant lui-même et qui comprend la société dans sa totalité. Lesdroits de l’enfant sont la réponse de la communauté internationale à l’évolution de l’image del’enfant survenue ces dernières décennies. La CDE normalise cette dernière conception, toutn’étant qu’une étape dans l’évolution en cours.

En effet, tout en leur reconnaissant des intérêts propres, la CDE échoue dans la nécessité dedonner aux enfants la force politique pour les défendre. Elle ne leur octroie pas les droitspolitiques en les ségréguant de la citoyenneté. Cette marginalisation a des conséquencesréelles sur la vie des enfants, comme par exemple le haut taux de pauvreté des enfants, labalance d’assistance en faveur des personnes âgées ou la persistance d’une zone de violencelicite envers les enfants qui est le droit de correction.

La CDE ouvre par contre une brèche avec l’attribution des libertés politiques. Comment cettebrèche changera le panorama politique est encore imprévisible. Il reste qu’entre-temps, il estdans le devoir des adultes, mandataires de la défense des intérêts des enfants dans l’arènepolitique, de défendre ces intérêts de la meilleure manière que ce soit.

269 Weber Max (1919), Le savant et le politique, Union Générale d’Éditions, Paris, 1963, p.29.

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En Suisse, au niveau fédéral, l’enfant reste absent de l’agenda politique. Il est en effetassimilé à la famille, elle-même marginale des préoccupations fédérales. L’enfant est ainsidoublement discriminé. L’analyse du processus de décision entourant l’adoption de la loiinterdisant les châtiments corporels au sein de la famille, qui oppose les intérêts des enfants àceux des parents, a permis de constater cette marginalisation. La question reste peu débattue.Aucun acteur politique fait de cette loi une priorité, malgré l’avis des experts qui larecommandent pour lutter contre la maltraitance, problématique préoccupante dans la sociétésuisse.

De plus, le gouvernement suisse n’est pas homogène, il est composé par les 4 plus grandspartis politiques. A son intérieur, la rivalité entre les idéologies libérale-conservatrice etsociale-démocratique est présente et influence ses décisions et ses actions. Aussi,constitutionnellement, le pouvoir fédéral est responsable de l’adoption des législations civileset pénales et de l’application des obligations internationales, alors que les cantons s’occupentde plusieurs questions touchant l’enfance et la famille. Ce partage des compétences et leprincipe libéral de respect de la vie privée, qui semble prépondérant dans sa position, fait quele gouvernement central peine à s’intéresser à une législation contre les punitions physiques àla maison. Cette situation entrave aussi l’élaboration d’une politique familiale nationale etcohérente. Cette dernière pourrait être un lieu où le débat politique autour des enfants commesujets de droits pourrait s’épanouir et permettre une graduelle introduction de la notion dedroits de l’enfant dans la scène politique nationale.

Le cas suédois nous apprend l’importance de la volonté gouvernementale qui a permis uneintégration graduelle des droits de l’enfant dans la prise de décision et dans l’agendapolitique. Son implication dans les changements de mentalités souhaités est primordial. Legouvernement a aussi fait de la question de l’enfance une préoccupation centrale de l’Etat quis’est traduite dans une politique sociale, familiale et de l’enfance harmonieuse, où la loicontre les châtiments corporels s’est articulée dans un tout coordonné et cohérent.

Pour sa part, l’exemple britannique nous prouve la possibilité d’aller de l’avant surl’initiative de la société civile. Une coalition civile solide et permanente comprenant tous lessecteurs impliqués (professionnels, scientifiques, ONG, administrations, …) et se concentrantsur un objectif précis qui fait l’unanimité, peut avoir un impact positif sur la défense desintérêts des enfants dans l’arène politique. Aussi, les obligations étatiques nationales etinternationales donnent une légitimité à cette lutte. De plus, l’influence d’une telle campagneest amplifiée par sa résonance internationale qui permet des synergies avec les efforts de lacommunauté des droits de l’homme.

La montée de la droite conservatrice dans l’univers politique suisse rend plus difficile lapénétration des droits de l’enfant dans l’arène politique, car son attachement à la traditionfavorise le modèle classique de l’enfant. La route est longue, une implication du Conseilfédéral et de son administration, au-delà des initiatives civiles, nous semble primordiale auchangement de mentalités qui sous-tend la défense des droits de l’enfant dans la sphèrepolitique fédérale.

Propositions

Dans l’arène politique, la défense des intérêts des enfants est un thème nouveau qui demandede l’innovation. En effet, l’image classique de l’enfant ne contient pas la notion d’intérêtpour ce qui concerne les enfants mais celle de besoins. Ces derniers peuvent être déterminés

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par les adultes et ne sont pas soumis au processus de légitimisation des bénéficiaires commel’est la défense des intérêts. Nous essayons, sous cette rubrique, de donner quelques pistes deréflexion.

1. Elargir l’analyse afin d’avoir une meilleure compréhension de la situation et d’yapporter des solutions plus pertinentes :

a. Analyser d’autres décisions politiques comme, par exemple, la révision ducode pénal en 2006.

b. Appliquer ce modèle à d’autres pays qui ont adopté la législation pourl’interdiction totale des châtiments corporels, pour avoir d’autres inspirations,comme pour le cas de l’Allemagne, pays proche socialement et politiquementà la Suisse.

c. Introduire d’autres acteurs à l’analyse suisse comme les cantons et les médias.Les premiers sont compétents sur les questions touchant à l’enfance etparticipent directement à la formation de la volonté politique en général. Lesdeuxièmes jouent un rôle important dans l’évolution des mentalités etinfluencent la prise de position des autres acteurs politiques.

2. Continuer de s’aventurer dans de nouveaux modes de participation des enfants à laprise de décision. Il s’agit d’un domaine encore nouveau où les expérimentations semultiplient et se confortent dans les libertés politiques octroyées par la CDE. SelonBardy, ‘If minors are given new chances of participation and co-determination, they,too, will become social subjects of the politics of childhoods alongside adults’270.

3. Améliorer le système actuel de représentation politique. En effet, les enfants nepourront jamais garantir la défense de leurs intérêts dans les premières années de leurvie. Ils sont condamnés à être représentés par les adultes. Il faut ainsi que le systèmede représentation soit apte à absorber la nouvelle conscience de leur individualité etde leurs exigences spécifiques :

a. Stimuler le débat sur la légitimité du système de représentation politique dansla communauté internationale des droits de l’homme, à propos :

i. Des droits de l’enfant comme moyen politique de défense des intérêtsdes enfants et donc du rôle de la CDE.

ii. Des défenseurs des droits de l’enfant comme représentants politiqueset la place des parents dans ce nouveau schéma de responsabilités.

iii. De la création d’un système de responsabilisation légale desreprésentants politiques

b. Augmenter l’intérêt des acteurs traditionnels à la question de l’enfance et de lafamille pour atteindre ensuite une perméabilité au discours des intérêts propresdes enfants sur la scène politique suisse et de leurs droits. Pour susciter leurintérêt, nous pouvons :

i. Le Conseil fédéral, miser sur ses obligations nationales etinternationales ; sur le rôle indispensable de l’Etat pour redresser lescauses structurelles en défaveur des enfants ;

270 Bardy Marjatta (1994), ‘The Manuscript of the 100-Years Project: Toward a Revision’, in Qvortrup Jens,Bardy M., Sgritta G., Wintersberger H. (Eds), Childhood Matters, European Centre Vienna, 1994, p. 315.

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ii. Les partis politiques1. de la gauche : les amener à s’intéresser à la question ‘enfance’

et miser sur les principes sociaux-démocrates qui favorisentl’adoption d’une image de l’enfant sujet de droits.

2. de la droite : animer les partis du centre, plus ouverts à lanouvelle image de l’enfant mais réticents face l’intervention del’Etat dans la sphère privée. Pour les partis traditionalistes,mettre en évidence la nécessité de défendre les intérêts desenfants pour permettre la survie de nos sociétés occidentales,qui sont à risque par leur marginalisation structurelle.

iii. La société civile : malgré la difficulté de changer les mentalités sansl’intervention de l’Etat, favoriser, par la sensibilisation des familles etde la société en générale, l’évolution des habitudes de pensée versl’introduction de la notion d’enfant sujet de droit, comme, parexemple, des campagnes sur l’éducation non violente. En parallèle,créer les prémices pour la formation d’une coalition solide autour d’unobjectif commun d’actualité au niveau international, à travers, parexemple, le Réseau suisse des droits de l’enfant.

c. Introduire des nouveaux acteurs politiques comme les NHRI, préconisés par leComité des droits de l’enfant. Leur force réside dans leur statut d’institutionscréées par la loi tout en restant indépendantes du pouvoir étatique. Une entitéentre l’Etat et la société civile qui a le but de défendre un groupe socialspécifique et qui permettrait une meilleure visibilité aux droits de l’enfant.

d. Concéder des droits politiques aux enfants en inventant un nouveau systèmede représentation tel, par exemple, le vote aux représentants légaux desenfants. En effet, la différence du traitement entre les personnes âgées et lesenfants porte à croire que le droit de vote des aînés leur permet une meilleuredéfense de leurs intérêts. Selon Brey, ‘(e)n privant les enfants du droit de vote,le suffrage universel adulte incite les politiciens à accorder moins de poidsaux intérêts des enfants qu’à ceux des électeurs. Le meilleur moyen degarantir que une prise en compte équitable des intérêts des enfants – leuraccorder le droit de vote – se heurte toutefois au fait qu’un enfant ne possèdepas les compétences intellectuelles requises pour exercer son droit de vote.Comme une incapacité d’exercice d’un droit n’implique toutefois pasnécessairement la perte de ce droit, (dans son analyse, il s’)efforce dedéterminer si les principes démocratiques sur lesquels reposent les systèmespolitiques occidentaux n’exigent pas d’accorder à l’enfant un droit de votequi serait exercé par ses représentants légaux’271

271 Brey Laurent (2004), La représentation politique des enfants, (consulté le 18.01.07) sur :http://www.orfi.ucl.ac.be/cemj/debriey/rech.html.

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Brey Laurent (2004), La représentation politique des enfants, (consulté le 18.01.07) sur :http://www.orfi.ucl.ac.be/cemj/debriey/rech.html.

Chevrier Marc (1999), ‘La société civile, L’Etat subsidiaire et la responsabilité civique auQuébec’, Allocution prononcée au Colloque du Ralliement québécois, Hôtel Québec, Sainte-Foy, Québec, le 30 octobre 1999, (consulté le 28.01.07) sur :http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Societe_civile.

Kittay Eva, ‘Why Children and Other Dependents Belong in Political Theory’, Presentationat 16th Annual Mc Dowell Conference Fall 2006, 3.11.2006, in Getty Matt, McDowellConference philosopher urges political representation for children, American weekly,14.11.2006, (consulté le 18.01.07) sur :http://veracity.univpubs.american.edu/weekly/111406/111406_mcdowell.html.

Hammarberg Th. (2007) ‘Nous devons bannir toute forme de violence contre les enfants’,Allocution prononcée à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Strasbourg,23.01.2007 (consulté le 28.01.07), sur :http://www.coe.int/t/commissioner/Activities/news2007/070123PACE_fr.asp.

Lindsey Duncan, Why children Should Have a Vote, (consulté le 18.01.07) sur :http://www.childwelfare.com/kids/kidsvote.htm.

Newell P. (2002), ‘Protecting children from corporal punishment, there is still a lot ofresistance to overcome’, Interview, Council of Europe, Strasbourg, 21.11.2002 (consulté le13.02.07) sur : http://www.coe.int/t/e/com/files/interviews/20021121_interv_Newell.asp

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80

Rebetez Alain (2005), ‘La fessée, la loi et la rage d’interdire’, en Hebdo, 3.11.2005, n° 66, p.44.

Ziegler Franz (2006), Les enfants qui ont reçu des coups ont tendance à les rendre àl’adolescence, en ASPE, Berne, 26.04.2006, (consulté le 15.12.07) sur :http://www.kinderschutz.ch/cms/.

6. Sites internet

Dictionnaire historique de la Suisse, sur : http://www.hls-dhs-dss.ch/index.php?lg=f.

Encyclopédie Encarta, 2006, sur : http://fr.encarta.msn.com/

Encyclopédie libre Wikipédia, sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil.

Global initiative to end all corporal punishment, sur http://www.endcorporalpunishment.org/

Socialinfo, Dictionnaire suisse de la politique sociale, sur : http://www.socialinfo.ch/.

Swissinfo, sur : http://www.swissinfo.org/fre/index.html

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81

Table des abréviations

al. alinéaart. articleASPE Association suisse pour la protection de l’enfanceATF Arrêt du Tribunal fédéral suisseBRIS Children’s Rights in Society, ONG suédoiseCAT Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains

ou dégradantsCC code civilCDE Convention des droits de l’enfantcf. confer (latin), ‘rapportez-vous à’CP code pénalCRC Convention on the Rights of the ChildECHR Convention européenne des droits de l’hommeEPOCH End corporal punishment of children in the home, ONG britanniqueICCPR Pacte international relatif aux droits civils et politiquesICESCR Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturelsLAVI Loi sur l’aide aux victimes (Suisse)NHRI Institutions nationales de droits de l’homme (Ombudsman)No numéroOFAS Office fédéral des assurances socialesOMS Organisation mondiale de la santéONG Organisation non gouvernementaleONU Organisation des nations uniesop. cit. oeuvre citéep. pagepara. paragraphePDC Parti démocratique chrétien suissePLD Parti libéral démocrate suissePSS Parti socialiste suisseR. RecommandationSAP Parti social démocrate suédoisUDC Union démocratique du centre suisseUK Royaume UniUNICEF Fonds international des Nations unies pour les secours à l’enfance

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Annexe 1

1. Association pour la protection de l’enfance (ASPE)

19.12.2006Bonjour M. Ziegler,

Je suis une étudiante du « Master in Advanced Studies en Droits de l’Enfant » à l’InstitutUniversitaire Kurt Bösch et l’Université de Fribourg.

Actuellement, je rédige une thèse dont la question centrale est la suivante :

« Comment introduire les droits de l’enfant dans l’agenda politique », en prenant commeexemple la loi sur l’abolition des châtiments corporels en famille.

Ainsi, j’aimerais connaître comment les normes sur l’abolition du châtiment corporel à lamaison ont été ou pas adoptées dans trois pays en particulier, dont la Suisse (avec la Suède etle Royaume-Uni). Pour plus de précision, vous trouvez en annexe, en anglais, les lignesdirectrices de ma thèse.

Mme Christina Weber, une collègue d’études, m’a donné votre nom et votre adresse emailcomme celui de votre collègue Mme Frischkopf en m’informant que vous étiez les personnesen charge de la campagne pour l’abolition du châtiment corporel pour l’Association Suissepour la Protection de l’Enfance (ASPE) et pour le Réseau Suisse des Droits de l’Enfant.

Afin de pouvoir bénéficier d’une source d’information fiable et profiter de vosconnaissances, je vous demanderais, si cela est possible, de bien vouloir répondre à quelquesquestions sur le processus d’adoption de cette loi en Suisse.

1. Est-ce que votre organisme lutte-t-il pour une abolition légale du châtiment corporel ?Si oui, quelle est sa stratégie ?

2. Dans votre article « les enfants qui ont reçu des coups ont tendance à les rendre àl’adolescence » (26.04.2006), vous employez surtout une argumentation éducative endémontrant la nocivité de l’emploi éducatif des châtiments corporels. Pensez-vousque cet argumentaire est plus efficace dans la situation suisse qu’une lutte pourl’égalité devant la loi, la dignité humaine et l’intégrité physique des enfants (c’est-à-dire mettre en avant les droits de l’homme) ?

3. Quelles ont été jusqu’à aujourd’hui, les étapes que vous considérez commeimportantes dans votre démarche et qui ont été les acteurs principaux ?

4. Pensez-vous que l’initiative parlementaire déposée par Mme Vermot et Mme Savaryen mars 2006 aura une chance d’aboutir ? Quels sont les actions entreprises de votrepart pour la soutenir ?

5. Dans votre article cité plus haut, vous mettez en garde contre un « appel à uneéducation plus sévère …» lorsqu’on parle de violence juvénile. Dans cette période depolarisation politique et virement à droite de l’électorat, une question aussi sensibleest-elle plus à même de créer le débat de société nécessaire pour un changement dementalité sur le sujet ? Aussi, quelle importance pourrait avoir une mobilisation de lasociété civile, que se soit comme électorat ou comme groupe d’intérêt ?

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6. Quels alliés avez-vous et quels autres vous considérez importants d’avoir ?7. Quel rôle jouent les partis politiques dans votre stratégie ?8. Comment mobiliser l’Etat pour qu’il mette en oeuvre ses obligations internationales ?9. Vous avez joint la campagne internationale de ISPCAN lors de la Journée de

l’éducation non-violente le 30 avril passé. Pensez-vous qu’une pression internationalepourrait être un soutien à votre cause ? Si oui, comment ? Comme par exemple cetype de campagne ou les recommandations du Comité pour les droits de l’enfant.

10. Quelle importance joue le système judiciaire ? Est-ce que l’arrêt du Tribunal Fédéralsur les châtiments corporels de 2003, qui a suscité quelques débats, a aidé ou nuit àvotre campagne ?

11. Et pour finir, est-ce que vous pensez qu’un changement d’image de l’enfant (debénéficiaire d'assistance à titulaire de droits, de membre de la famille à citoyen) estnécessaire pour que cette loi soit adoptée et qui (Etat, partis politiques ou sociétécivile, …) et/ou quels sont les facteurs de changement ?

Je me rends compte que cette liste est longue et laborieuse et que votre temps est limité. Sivous pensez qu’une entrevue téléphonique pourrait être plus adaptée, je serais heureuse deprendre contact avec vous. Je reste à votre disposition pour d’éventuels éclaircissements.

En attendant votre réponse, je vous remercie d’avance pour l’intérêt que vous porterez à marequête et je prends cette occasion pour vous souhaiter Bonnes Fêtes.

Mes meilleures salutations,Clara Balestra

Réponse de Mme Hauri Andrea, Leiterin FachbereichKindesmisshandlung und vernachlässigung, ASPE

22 Décembre 2006Bonjour Mme Balestra,Je vous remercie de votre intérêt pour notre association. Franz Ziegler a quitté notreassociation en octobre 2006. Je suis la personne qui lui succède, et je ne commenceofficiellement qu'en janvier. Après avoir parlé avec Franz Ziegler, je vais essayer de répondreà vos questions comme suit:1) L'ASPE Suisse est en faveur de l'abolition légale du châtiment corporel. Notre intérêt estsurtout qu'une telle loi ait un effet préventif et puisse augmenter les moyens financiers pourla sensibilisation de la société et la prévention. Notre association n'a pour l'instant pas destratégie claire pour la lutte de l'abolition légale du châtiment corporel. En 2006 et 2007,nous nous sommes concentrés sur une grande campagne nationale contre l'abus sexuel enversles enfants.2) Une argumentation contre le châtiment corporel pourrait inclure, selon l'opinion de l'ASPESuisse, les points forts tels que la dignité humaine, l'intégrité physique et les droits del'enfant.3) En 2001, le comité de l'ASPE Suisse a déclaré l'éducation sans violence comme étant sonthème principal (en lien avec la décennie de la culture de paix et de non-violence au profitdes enfants (2001-2010), proclamée par l'ONU le 10 novembre 1998). L'ASPE Suisse a faitune campagne nationale, financée par l'état, qui a mené à la création du site internet, la sériede brochures "Education non - violente", avec le but de sensibiliser le public. Dans les annéessuivantes, nous avons fait des actions lors du "No hitting day" le 30 avril, et la journée

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internationale des droits de l'enfant le 20 novembre (comme la distribution de balles "anti-stress", etc.).4) La motion parlementaire de Mme Vermot et Mme Savary n'a pas eu d'effet visible. Celamontre, à notre avis, que l'intérêt politique pour l'abolition du châtiment corporel est petit enSuisse. Mme Vermot est membre du comité de notre association et nous avons collaborédans les démarches pour cette motion.5) Selon notre opinion, la société civile n'est, en ce moment, pas en faveur d'une abolition duchâtiment corporel, il faudrait plutôt prendre des mesures au niveau politique. 6) Pour la campagne " Pas de violence envers les enfants", nous n'avons pas eu d’alliésspécifiques, mais nous sommes en collaboration avec des différents acteurs dans le domainede la protection de l'enfant.7) La motion parlementaire de Mme Vermot et Mme Savary avait été faite en collaborationavec notre association. Nous essayons de faire du lobbying politique dans la protection del'enfant.8) Je ne peux pas répondre à votre question.9) Oui, nous pensons qu'une pression internationale serait un soutien à notre cause.10) Le système judiciaire joue un rôle important. Il définit les normes par rapport à laprotection de l'enfant et le châtiment corporel envers des enfants.11) Je ne peux pas répondre à votre question.Je vous prie de bien vouloir nous envoyer un exemplaire de votre travail.Andrea HauriLeiterin Fachbereich Kindesmisshandlung und –vernachlässigungKinderschutz Schweiz

3. M. Urs Martin, secrétaire du groupe parlementaire de l’UDC

27.01.2007Bonjour,

Je suis citoyenne suisse et étudiante au « Master in Advanced Studies en Droits de l’Enfant »à l’Institut Universitaire Kurt Bösch et l’Université de Fribourg.

Actuellement, je rédige une thèse dont la question centrale est :

« Comment introduire les droits de l’enfant dans l’agenda politique », en prenant commeexemple la loi sur l’abolition des châtiments corporels au sein de la famille.

Ainsi, j’aimerais connaître comment les normes sur l’abolition des châtiments corporels à lamaison ont été ou pas adoptées dans trois pays en particulier, dont la Suisse (avec la Suède etle Royaume-Uni).

Je vous écris pour connaître la position de votre parti sur la question :- la position et les éventuelles actions envisagées, sur l’adoption d’une loi pour

l’interdiction des châtiments corporels et des traitements dégradants au sein de lafamille - qui fait actuellement l’objet d’une initiative parlementaire (06.419)

- votre réaction au document publié par l’OFAS en septembre 2005 « Violence enversles enfants : concept pour une prévention globale »

En attendant votre réponse, je vous remercie d’avance pour l’intérêt que vous porterez à marequête.

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Mes meilleures salutations,Clara Balestra

Réponse de M. Urs Martin, secrétaire du groupe parlementaire UDC

12.02.2007Madame

Nous vous remercions pour votre courriel. L'UDC n'est pas d'avis qu'il faudrait introduire desnouvelles droits pour les enfants. Les droits existants sont suffisants.Nous sommes donc contre l'intervention 06.419.Meilleures salutations

Urs Martin, lic. rer. publ. HSG

Secrétaire du groupe parlementaireUNION DÉMOCRATIQUE DU CENTRE

2. Mme Ruth-Gaby Vermot, Conseillère nationale socialiste qui a déposél’initiative parlementaire ‘Mieux protéger les enfants contre lamaltraitance (06. 419)

19.12.2006Bonjour Mme Ruth-Gaby Vermot,

Je suis une étudiante du « Master in Advanced Studies en Droits de l’Enfant » à l’InstitutUniversitaire Kurt Bösch et l’Université de Fribourg.

Actuellement, je rédige une thèse dont la question centrale est : « Comment introduire lesdroits de l’enfant dans l’agenda politique », en prenant comme exemple la loi sur l’abolitiondes châtiments corporels au sein de la famille.

Ainsi, j’aimerais connaître comment les normes sur l’abolition des châtiments corporels à lamaison ont été ou pas adoptées dans trois pays en particulier, dont la Suisse (avec la Suède etle Royaume-Uni). Pour plus de précision, vous trouvez en annexe, en anglais, les lignesdirectrices de ma thèse.

En tant que conseillère nationale et déléguée au Conseil de l’Europe, vous travaillez entreautre pour ce qui concerne les droits de l’homme et de l’enfant et la protection des enfants.De plus, vous siégez au Comité de l’ASPE depuis plusieurs années. Afin de pouvoirbénéficier d’une source d’information fiable et profiter de vos connaissances, je vousdemanderais, si cela est possible, de bien vouloir répondre à quelques questions sur leprocessus d’adoption de cette loi en Suisse.

- En mars 2006, vous avez soumis une initiative parlementaire pour une interdictionlégale des châtiments corporels et des traitements dégradants. Qu’est-ce qui a motivévotre intérêt pour ce sujet ?

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- Pourquoi à 10 ans après la première motion vous remettez ce sujet à l’agendaparlementaire ?

- Pensez-vous que les attitudes envers les châtiments corporels ont changé parmi lespartis politiques et/ou parmi la société civile ?

- Dans cette période de polarisation politique, une question aussi sensible est-elle plus àmême de créer le débat de société nécessaire pour un changement de mentalité sur lesujet ?

- Quelles sont les étapes que vous considérez importantes dans le processus d’adoptionde cette loi ? et qui sont les principaux acteurs ?

- Avez-vous des parlementaires des partis du centre ou de droite qui sont prêts à voussoutenir ? et quel rôle vont-ils jouer ? Comment allez-vous vous employer à lesconvaincre ?

- En tant que membre du Comité de l’ASPE, vous militez aussi dans une associationcivile. Quels sont les interactions et les avantages de lutter dans une structure de partiet dans une organisation civile pour l’adoption de la loi contre les châtimentscorporels au sein de la famille ? Quels sont les points forts de chacune des deux plate-formes politiques ?

- Dans votre campagne, pour que votre initiative parlementaire aboutisse, quelleimportance pourrait avoir une mobilisation de la société civile, que se soit commeélectorat ou comme groupes d’intérêt ?

- Pensez-vous qu’une pression internationale pourrait être un soutien à votre cause ?comme par exemple les recommandations du Comité pour les droits de l’enfant et laposition du Conseil de l’Europe à ce sujet ?

- Avez-vous choisi ce moment pour soumettre l’initiative car la Suisse doit présenterson rapport au Comité international des droits de l’enfant en 2007 ?

- Quelle importance joue le système judiciaire ? Est-ce que l’arrêt du Tribunal Fédéralde 2003 sur les châtiments corporels (ATF 129 IV 216 ss) aide ou nuit à votrecampagne ?

- Vous militez aussi contre la traite des femmes, pensez-vous qu’il existe dessimilarités entre la campagne contre la violence intrafamiliale envers les femmes et lalutte actuelle que vous menez pour les enfants ? Si oui, lesquels ?

- Enfin, est-ce que vous pensez qu’un changement d’image de l’enfant (de bénéficiaired'assistance à sujet de droits, de membre de la famille à citoyen) est nécessaire pourque cette loi soit adoptée et qui (Etat, partis politiques ou société civile, …) et/ouquels facteurs peuvent déterminer ce changement ?

Je me rends compte que cette liste de questions est longue et que votre temps est limité,surtout dans cette période des Fêtes. Si vous pensez qu’une entrevue téléphonique pourraitêtre plus adaptée, je serais très heureuse de prendre contact avec vous. Je reste à votredisposition pour d’éventuels éclaircissements.

En attendant votre réponse, je vous remercie d’avance pour l’intérêt que vous porterez à marequête et je prends cette occasion pour vous souhaiter des Bonnes Fêtes.Mes meilleures salutations

Réponse de Mme Ruth-Gaby Vermot, conseillère nationale

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14.02.07Liebe Frau Balestra,

ich antworte gerne auf ihre Frage, werde mich jedoch aus zeitlichen Gründen kurz halten:

Ich habe die PaIV lanciert, weil ich mit Fachleuten gemeinsam der Meinung bin, dass eswichtig ist, die Diskussion zu lancieren und Entscheide zu treffen. Für eine solche heikleDiskussion - hier die antwort auf die zweite Frage - ist die Zeit nie günstig. Und Gewalt, dashabe ich auch während Der Beratung meiner PaIv gegen häusliche Gewalt immer wiedergesehen - polarisiert immer und dar eigentlich nie sein.

Im Augenblick beschäftigt uns die Gewalt gegen Frauen, Kinder, Jugendgewalt, Gewalt amArbeitsplatz etc. sehr intensiv. Wir erleben täglich Formen Von Gewalt, auch und vor allemGewalt gegen kinder. Die berühmte "Ohrfeige Zum richtigen Zeitpunkt" hat immer nochgesellschaftliche Gültigkeit, viele Leute halten daran fest. Aber auch häusliche Gewalt warein Grenzenloses Tabu und erst die Taten, die an die Oeffentlichkeit drangen und damitverbundene von Organisationen oder vom Parlament provozierte Diskussion haben erreicht,dass man sich damit ernsthaft und intensiv befasst. Die PaIv gegen Gewalt an Kindern wird -ob zeitlich richtig oder nicht richtig - auch eine Diskussion provozieren. Hat sie übrigensschon in den Medien und das ist nicht schlecht. Umdenken hat immer mitAuseinandersetzungen zu tun. Wenn die PaIV nicht überwiesen wird, wird später jemandanderer sie erneut eingeben. Wir haben Diskussionsbedarf und zwar dringenden.

Mit freundlichen GrüssenRuth-Gaby Vermot-Mangold, Nationalrätin

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Annexe 2

Entretien téléphonique avec Mme Louisette Hurni-Cailledu 01.12.2006, effectuée par Clara Balestra.

Activiste suisse de la première heure contre la maltraitanceenvers les enfants. Membre fondatrice de l’Association Suissepour la Protection de l’Enfance (ASPE), elle en devient lasecrétaire pendant les premières 6 années. Membre de lacommission de 12 experts rédacteurs du rapport demandé par leParlement sur la violence envers les enfants et la maltraitance de1992272. Dès 1989, elle milite au sein de l’organisation pour laDéfense des Enfants International section suisse(http://www.dei.ch/qui_f.php), où elle siège au Comité et participeà la campagne pour la ratification de la Convention des droits del’enfant (CDE) par la Suisse.

Questions qui ont guidé l’entretien- historique de la campagne pour l’adoption de la loi sur l’interdiction des châtiments

corporels au sein de la famille en Suisse- les motivations personnelles qui l’ont amenée à ce combat- quelle est la meilleure stratégie pour que la campagne aboutisse

EntretienDès 1978, Mme Hurni-Caille fait une tentative pour que, dans la modification de laConstitution, il serait possible d’inclure une interdiction des châtiments corporels et destraitements dégradants. Bien des personnes ont été contactées par elle. Finalement, lors destravaux du groupe de travail qui a élaboré le Rapport sur la maltraitance273 en 1992, on parlepour la première fois en Suisse d’une loi contre les châtiments corporels au sein de lafamille. Mme Hurni-Caille en est l’initiatrice.

A cette période, Mme Hurni-Caille cherche parmi les conseillers nationaux quelqu’un prêt àaller de l’avant avec ce projet par une motion parlementaire. Elle ne trouve personne,personne veut s’exposer.

Depuis 1976, Mme Hurni-Caille travaille contre les mauvais traitements envers les enfants,plus spécifiquement contre le châtiment corporel et les traitements humiliants. Elle fondedans un premier temps, l’Association suisse de la protection de l’enfance (ASPE) en 1982.Elle milite par la suite au sein de Défense de l’Enfant International (DEI).

Pro Juventute, avant la fondation de l’ASPE, ne voulait pas entrer en matière contre leschâtiments corporels, car elle avait peur de perdre ses financements.

272 Bouverat Germain préside le Groupe de travail (1992), Enfance maltraitée en Suisse, Rapport final présentéau chef du Département fédéral de l'Intérieur, Office central des imprimés et du matériel, Berne, 1992.273 Bouverat G. et alii (1992), Enfance maltraitée en Suisse, Rapport final présenté au chef du Départementfédéral de l'Intérieur par le groupe de travail Enfance maltraitée en Suisse, Office central des imprimés et dumatériel, Berne, 1992, para. 5.1.2, Recommandations.

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Lors de la création de ASPE en 1982, beaucoup d’attentes se font sentir. Elle fait partie duComité et elle travaille comme secrétaire de l’organisation bénévolement pendant 6 ans. A ceposte, elle a aussi continué à sensibiliser les professionnels du secteur, les politiciens et autressur la maltraitance - journalistes, enseignants, étudiants, écoliers qui voulaient faire un travailsur ce thème. C’est en 1983 que la faculté de psychologie a offert le premier cours sur lamaltraitance, à Berne.

Avant la fondation de l’ASPE, elle est invitée à une conférence multidisciplinaire à Viennesur la maltraitance organisée par un professeur en pédiatrie Czermak, où le pédiatre suédoisZetterström était invité – ce dernier a milité pendant 20 ans en Suède pour l’abolition duchâtiments corporels. Ce pédiatre souligne le fait que depuis que l’interdiction existe enSuède, les cas de maltraitance grave ont diminué.

En 1988, elle est affiliée au parti des Verts. Elle propose au président de porter le combat del’interdiction des châtiments corporels au parlement. Les partisans demandent que ladiscussion se fasse dans un sous-groupe des Verts de Berne, duquel le président ne fait paspartie. Mme Hurni-Caille est donc seule à porter la discussion qui soulève beaucoupd’émotions. Conclusion : les Verts ne vont pas porter ce thème au parlement car ils neveulent pas diminuer les droits des parents.

Selon Mme Hurni-Caille, la meilleure stratégie pour atteindre l’adoption de la loi surl’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille est celle de la sensibilisation àtout azimut. Il ne faut pas s’arrêter d’en parler, il faut aussi laisser le temps aux gensd’évoluer. Pour autant que les citoyens penseront que les parents ont le droit de frapper leursenfants et qu’il s’agit d’une méthode éducative valable, les choses ne changeront pas.

Elle précise qu’en allemand châtiment corporel se dit Gewohnheitrecht : Droit habituel, droitd’habitude. Ceci montre comment cette méthode fait solidement partie des valeurs culturelleset sociales en Suisse.

Selon Mme Hurni-Caille, les forces contraires sont directement liées à la surpuissance desparents envers les enfants, c’est-à-dire à la défense de la sphère privée et familiale. La routeest encore longue. Elle se souvient que lors des discussions pour la ratification de la CDE, leconseiller fédéral Cotti, agacé par les discussions interminables, annonce au Conseil des Etatsque la terre n’arrêtera pas de tourner si la Suisse ratifie la Convention.

Personne intéressante à contacter : M. Franz Ziegler, qui, le premier, a fait une thèse sur lamaltraitance des enfants il y a 20 ans. Il vient de démissionner de l’ASPE, où il avait un postede haut niveau.

Plus tard Mme Vermot, conseillère nationale socialiste et parlementaire engagée sur lesquestions sociales, devient membre du Comité de l’ASPE. Elle est aussi l’initiatrice del’initiative parlementaire pour l’interdiction des châtiments corporels déposée en mars 2006.

Entretien téléphonique avec Mme Louisette Hurni-CailleDu 30.01.07, effectuée par Clara Balestra

- Est-ce qu’il existe d’autres organisations non gouvernementales qui font un travail delobbying en Suisse pour l’adoption d’une loi qui interdit les châtiments corporels ausein de la famille ?

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L’idée qu’en Suisse il y a des enfants maltraités est nouvelle dans l’opinion publique suisseet auprès des autorités. Encore en 1990, lors du Sommet mondial de l’ONU pour l’enfance, laSuisse parlait surtout des problèmes vécus par les enfants du Tiers monde et non des Suisses.Les ONG aussi ont vécu cette évolution. Ainsi, l’ASPE est restée pour longtemps la seuleorganisation qui s’occupait de la maltraitance en Suisse. Aujourd’hui, à sa connaissance,aucune autre ONG qui fait un travail de lobbying politique s’occupe de la maltraitance engénéral et des châtiments corporels plus spécifiquement.

Même dans le milieu médical, il a été difficile d’introduire le concept de maltraitance enSuisse et d’y porter des solutions. Par exemple, il y a quelques années, Dr. Tonnella, pédiatretessinois et président de l’ASPE tessinoise pendant longtemps, à une conférence de pédiatre àWintertur, a voulu proposer la création d’un centre permanent de formation pour lesprofessionnels du secteur sur le traitement des cas de maltraitance. Il n’a cependant pas pufaire aboutir son idée par manque de soutien.

L’Europe aussi en 1987 n’était pas prête à une interdiction des châtiments corporels. Lors dela Colloque sur les droits de l’enfant, Mme Hurni-Caille propose l’introduction dans lesrecommandations finales de l’interdiction légale des châtiments corporels. La délégationbritannique demande alors une version plus douce de cette recommandation : ‘il faut’ estdevenu quelque chose comme ‘il faudrait’.

- Pourquoi le Conseil fédéral demande le rapport sur la maltraitance en 1992 alors quesont intérêt n’est pas évident lors de sa publication ?

Mme Stamm a été contacté plusieurs fois par Mme Hurni, secrétaire de l’ASPE, car elles’occupait, et encore maintenant elle s’en occupe, des questions familiales. Intéressée par lesujet de la maltraitance, elle en a fait un postulat. Au même moment, le Conseil de l’Europeorganise des réunions régulières des Ministres de la famille sur la situation des enfants enEurope. M. Bouverat Germain, chef de la Centrale pour les questions familiales à l’OFAS(Office des assurances sociales à la Confédération Suisse), y siège comme représentant de laSuisse. Ce Comité demande aux pays membres des rapports sur la situation nationale de lamaltraitance. Les deux démarches poussent la Confédération à effectuer le rapport et donnentle mandat à M. Bouverat.

Mme Hurni-Caille pense qu’il arrive un moment où un problème est dans ‘l’air’, c’était le caspour la violence au sein de la famille (autour de 1975 les premières maisons pour les femmesbattues voient le jour et c’est seulement en juin ou juillet 2007 qu’entrera en vigueur larévision du CC qui exige que ce soit la personne violente qui doit quitter la maison et non lafemme battue et les enfants).

- Comment l’opinion publique a reçu le rapport sur la maltraitance en 1992 ?

Mme Hurni-Caille ne me rappelle pas d’un débat publique à ce sujet. A son souvenir, lesmédias n’en ont pas parlé. Seuls les professionnels du secteur ont commenté lesrecommandations, celle pour une interdiction légale des châtiments corporels a reçu desapprobations, mais selon la plupart les priorités étaient ailleurs.

- Une démarche internationale, par exemple à travers la Cour européenne des droits del’homme, comme est en train de se passer en UK, est-elle envisageable en Suisse274 ?

274 Voir Chapitre V.2.5.

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Selon Mme Hurni-Caille, elle serait inutile. Ces dernières années l’UDC a pris de plus enplus de pouvoir. L’UDC est hostile à toute ingérence internationale dans les affaires internesdu pays. Il suffit de se rappeler les débats parlementaires très forts qu’il y eu lors de laratification de la Convention des droits de l’enfant. Le climat est resté très froid à touteingérence internationale et étatique dans la vie familiale des suisses.

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Annexe 3

Entretien téléphonique avec M. Ziegler,du 16.01.2007, effectuée par Clara Balestra

Psychologue et collaborateur du Secrétariat de l’Associationsuisse pour la protection de l’enfance (ASPE) pendant 15 ans,jusqu’en novembre 2006. Membre de la commission de 12 expertsrédacteurs du rapport demandé par le Parlement sur la violenceet la maltraitance des enfants de 1992275 et Co-auteur du rapport‘Violence contre les enfants : concept d’une prévention globale’de 2005 commandité par l’OFAS276. M. Ziegler est une figureimportante en Suisse dans la lutte contre la maltraitance enversles enfants.

Questions qui ont guidé l’entretien avec M. Ziegler1. Qui d’autre dans la société civile suisse s’occupe de lutter pour une interdiction

formelle et totale des châtiments corporels ?2. L’Etat a financé la campagne de l’ASPE de 2001, comment cela s’est-il produit ?3. Pourquoi Mme Vermot a déposé son initiative parlementaire de mars 2006 ? Est-ce

qu’une campagne nationale la soutient ?4. Quelles mesures sont nécessaires pour mobiliser l’opinion publique à ce sujet ?5. Est-ce que l’image de l’enfant influence le fait qu’en Suisse, les droits de l’enfant ne

soient pas très présents sur la scène politique ?6. Est-ce que les arguments normatifs pourraient être porteurs pour une campagne suisse

pour l’adoption de la loi contre les châtiments corporels au sein de la famille ?

EntretienL’ASPE est la seule association suisse qui fait un travail politique pour une légalisation surl’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille. D’autres associations existent,mais elles se concentrent sur la formation des parents et des intervenants pour une éducationnon violente. Elles ne font pas du lobbying politique.

En 2001, L'ASPE Suisse a commencé une campagne nationale de sensibilisation au publicpour une éducation non violente, co-financée par l'Etat, qui a mené à la création du siteinternet et une série de brochures "Education non-violente" et divers articles ‘give-aways’(par exemple des balles anti-stress.).

Le financement étatique est le fruit d’une demande du Conseil national pour des mesuresdans la direction d’une éducation non violente. En effet, le rapport ‘Enfance maltraitée enSuisse’ de 1992, contient 30-40 pages de propositions. L’administration fédérale en a prisconscience lors de sa publication, mais n’a pas réagi et le Parlement ne l’a pas discuté.

275 Bouverat Germain préside le Groupe de travail (1992), Enfance maltraitée en Suisse, Rapport final présentéau chef du Département fédéral de l'Intérieur, Office central des imprimés et du matériel, Berne, 1992.276 Dardel Florence, Guidoux Lucienne, Luca Lara di, Ziegler Franz (2005), ‘Violence contre les enfants :concept d’une prévention globale’, in Bulletin Questions familiales, Hors-série du, Office fédéral des assurancessociales, septembre 2005.

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Le groupe de travail demande alors un postulat de base sur ce rapport pour qu’il puisse aumoins être discuté au Conseil national. La Commission juridique décide de ne pascommenter le rapport mais la prise de position du Conseil fédéral. En 1995, le Conseilfédéral (CF) prend position ; en été 1996 la discussion a lieu au Conseil national. Ce dernierdemande alors au CF différentes mesures pour soutenir – entre autres – l’éducation nonviolente.

L’ASPE reçoit ainsi pour une période de 2 ans (l’arrivée au pouvoir de Couchepin aprèsDreyfuss coupe une année au budget) un montant relativement faible.

Selon Ziegler, la motivation gouvernementale à cette campagne est faible. En effet, depuislors, il n’y a plus eu d’initiatives de ce genre. De plus, de la part de l’ASPE, l’accent est misdepuis quelques temps sur la problématique de la violence sexuelle contre les enfants. Lesautres types de violence sont mis un peu à l’écart pour l’instant. Comme résultat, lacampagne de 2001 est tombée dans l’oubli.

Malgré la déclaration de l’ONU de la décennie contre la violence (2000-2010), nil’administration fédérale, ni les ONGs suisses travaillent dans ce sens.

Selon M. Ziegler, l’initiative parlementaire de Mme Vermot de mars 2006 n’est pascoordonnée avec une campagne à plus large spectre. Le parti socialiste lui-même a desdoutes sur le choix du moment pour une initiative de ce type.

Le climat suisse actuel n’est pas favorable à une campagne sur l’abolition des châtimentscorporels dans la famille : tous parlent de l’augmentation (vrai ou fausse ?) de la délinquancejuvénile. Certains groupes pensent que cela est dû à une éducation trop violente envers lesenfants alors que d’autres disent exactement le contraire et demandent une augmentationd’autoritarisme dans l’éducation des jeunes. Ces derniers sont désormais majoritaires.

Dans le discours populaire et politique suisse, on assimile l’éducation non violente à l’anti-autoritarisme en les condamnant en bloc. Les avis contraires à l’éducation non violentes’appuient sur les mêmes peurs exprimées lors de la ratification de la Convention des droitsde l’enfant.

M. Ziegler s’insurge sur le fait que les enfants ne jouissent pas des mêmes droits que lesadultes. Il trouve l’argument normatif très porteur. Il a ainsi proposé à Mme Vermot del’employer dans son initiative parlementaire de mars 2006, pour qu’elle s’appuie sur les idéesde discrimination et d’injustice. Mme Vermot a cependant privilégié les aspects de protectionde l’enfance.

Pour que le processus d’adoption de la loi avance, M. Ziegler pense qu’il faut travailler àdeux niveaux : en éduquant les parents et en continuant le lobbying politique - informer etsensibiliser les parlementaires.

Selon M. Ziegler, les droits de l’enfant ne sont pas dans l’agenda politique non pas pour unproblème d’image de l’enfant, mais à cause de la priorité qui est toujours donnée aux intérêtsde la vie économique. Les intérêts de l’enfant deviennent alors secondaires.

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Annexe 4

Entrevue téléphonique avec Mme Joan E. Durrant,du 22.01.2007, effectuée par Clara Balestra

Mme Joan E.Durrant se présente elle-même ainsi sur le site internet de l'Université duManitoba :

Associated professor in Manitoba University and Head of Family SocialSciencesPh.D. (1988) Child-Clinical Psychology, University of WindsorTeaching: Developmental health, Risk and resiliency in child development,children and violenceResearch: In my research, I have focused on preventing physical maltreatmentof children. I have a particular interest in uncovering the factors that leadparents to strike their children as punishment. My research has taken me toSweden, where I have studied the history and implementation of the world'sfirst ban on physical punishment, as well as Swedish parents' approaches tochild discipline. I also have carried out studies of attitudes toward physicalpunishment and its abolition in Canada, Sweden and Germany. Currently, Iam developing a cross-cultural project on Children's Views of PhysicalPunishment to determine whether cultural change can alter the developmentalpathways of children's understandings of punishment and human rights277.

Questions qui ont guidé l’entrevue :- Since the beginning of the last century Sweden started to ban the corporal punishment

first in school and then at home. At the same time in the population, corporalpunishment (CP) was used to discipline the children until the express ban in 1979 andthe national campaign of sensitisation. Who/What was the initiator of this movement? The State ? A specific political party or some civil groups of interests (the todaycalled NGOs) ?

- During all the century, the process has continued and seemed that the parliament andgovernment continue to support it against the general public opinion. How could thatargument so often be in the political agenda and the decisions taken so consistentduring all the century ?

- Who was for and who against the different laws for the ban of corporal punishmentand which arguments were used ?

- Had it been a big debate or the different laws passed in silence ?- How could that be possible according to you for the political parties to sustain that

process against the opinion of their electors ? Who or what could continue keep thatinterest in place until today (the sensitization campaign continues) ?

- Even if Sweden was the first State to abolish the corporal punishment in the home,was the international community important in the process ? as for example theCommittee on the Rights of the Child nowadays or the European Court decisions.

- Does the ombudsperson institution play some role in the process of adoption ?- Does the judicial system play some role in that process too ?- May you suggest me some document or resource person that might be useful for my

research ?

277 Université du Mannitoba, (consulté 26.01.07) sur :http://www.umanitoba.ca/faculties/human_ecology/family/Staff/joan_durrant.shtml.

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EntretienAu début du siècle, le mouvement social démocrate, dont le parti a été fondé en Suède en1889, lutte pour l’égalité entre citoyens et pour les droits de l’enfant. La Suède se trouvealors dans une période charnière où des grands changements se produisent. Elle est en trainde s’industrialiser rapidement et le taux de natalité est en train de baisser considérablement.

Au même moment, le livre The Century of the Child - écrit par Ellen Key, une féministesuédoise - est publié. L’auteur voit l’enfant comme l’élément central de la société. Elle parledéjà à cette époque d’adopter la perspective de l’enfant dans le processus de décisionpolitique. Aussi, l’abolition des châtiments corporels (CP) y joue un rôle central. Ce livre aun grand retentissement en Suède.

Le mouvement social démocrate adopte cette vision de la société. Son cheval de bataille estl’augmentation du taux de natalité et le fait à travers la création d’une société family friendly,en rendant facile aux familles d’avoir des enfants en augmentant leurs ressources et leursconditions de vie. Il emploie une perspective centrée sur les droits de l’enfant. Pour cemouvement, l’enfant est un investissement pour les familles.

Le Parti Social Démocratique est fondé en 1889. Il prend rapidement le pouvoir et le gardepour pratiquement tout le 20ème siècle. Il a une vision pour la famille et les enfants : améliorerla situation des familles et leur nombre et atteindre l’égalité pour les enfants. Le fait de resterlongtemps au pouvoir lui permet d’avoir des programmes à long terme centrés sur lesfamilles, qui visent un changement de société permanent. La lutte contre les CP en est uncorollaire, un aspect qui s’imbrique dans une vision plus générale.

Pour ce qui concerne l’attitude de la population envers les châtiments corporels au sein de lafamille, on a des données seulement à partir de 1965, où une étude a montré que, pour 50%de la population, les châtiments corporels ne sont pas admissibles. Ces données sont assezbasses comparées à d’autres pays, comme par exemple les Etats Unis où encore aujourd’huile 80 % de la population est favorable à cette méthode éducative.

En 1957, le gouvernement enlève la criminal defence du code criminel - une exception dansla loi qui criminalise les coups et blessures et donne la possibilité aux parents de frapper lesenfants pour les éduquer - en interdisant ainsi de fait les châtiments corporels de la loi. MmeDurrant affirme de ne pas être assez informée sur le processus qui a amené au changementlégislatif de 1957.

Durant les années 60, l’abolition s’étend à tous les lieux où les enfants sont éduqués, jusqu’àl’abolition complète en 1979.

En 1979, deux grandes et influentes organisations non gouvernementales pour la défense desdroits de l’enfant participent à la campagne pour l’adoption de la loi sur l’interdiction deschâtiments corporels au sein de la famille, terminant ainsi un long processus qui a amené àl’interdiction totale de cette méthode éducative.

- Save the Children Sweden est une organisation ancienne, très influente dans la sociétésuédoise et avec des moyens financiers importants.

- Children’s in Society est plus jeune et petite, mais tout autant influente.

Autre spécificité du processus suédois, les groupes pour la défense des droits des femmesparticipent aussi à la campagne pour l’adoption de cette loi. Elles font le parallèle entre le

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processus d’émancipation des enfants et des femmes. Il est important, selon cesorganisations, d’éduquer les enfants à la non violence afin de prévenir les actes violentsenvers les femmes quand ils deviennent adultes. Au contraire, les groupes féministescanadiens par exemple, mais dans la majorité des autres pays aussi, sont réticents à prendrepartie pour les droits de l’enfant et plus spécifiquement contre les châtiments corporels ausein de la famille, car ils craignent que les femmes soient criminalisées.

L’Ombudsman spécifique pour les enfants n’était pas encore nommé en 1979, il l’a été en1993. Cependant, l’ombudsman était impliqué dans années 70 dans la mise en œuvre duprogramme pour le droit des enfants à un environnement sécuritaire.

Le système juridique, par contre, n’a pas été une force locomotrice dans le processus.Lorsque finalement le projet de loi arrive au parlement, il fait déjà l’unanimité. En effet, il estaccepté par 259 voix contre 6.

Deux événements ont ébranlé l’opinion publique suédoise dans les années précédantl’adoption :

- En 1975, un père est traduit en justice pour avoir frappé brutalement son enfant. Lacour le juge innocent et le justifie en disant qu’il n’a pas outrepassé son droit depunition envers sa fille.

- Suite à cet épisode, une exposition de photos est organisée au centre de Stockholmsur les enfants maltraités. Les photos s’avèrent révélatrices. A la fin de l’exposition,une pétition est mise à disposition pour être signée par les visiteurs, qui demande àl’Etat de faire plus contre les abus envers les enfants.

La réponse de l’opinion publique est forte et le changement d’attitude sur la violence enversles enfants est irréversible.

Le gouvernement établit une commission et lui donne deux mandats :- examiner le Code des parents pour en permettre l’amélioration dans une perspective

conforme aux droits de l’enfant- faire des recommandations pour diminuer les abus contre les enfants.

La Commission conclut que les châtiments corporels sont tellement courants dans la sociétéqu’il est nécessaire de donner des lignes directrices claires sur le sujet. Vu qu’il s’agitd’enfants, elle propose de mettre cette norme dans le code civil afin de devenir un guide dansles actions éducatives de l’Etat envers les parents et en même temps d’éviter de criminaliserles parents.

En 1979, en Suède, l’adoption de cette loi n’a généré aucune controverse. Le particonservateur farouchement contraire à cette loi au Canada ou au Royaume Uni, défend cetteloi en Suède. Son adoption est non controversée, car dans la société suédoise, l’enfant estimportant et il a des droits comme tout autre citoyen. Il faut vérifier encore si le particonservateur n’était justement pas au pouvoir lors du vote parlementaire de cette loi.

Au niveau international, la Suède a choqué le monde. Le Danemark et la Norvège ont suiviassez vite son exemple. Seule l’Islande, où l’éducation non violente est la norme, s’est sentieobligée de faire adopter une loi de ce genre en 2003 à cause des pressions internationales. Ils’agit pour elle d’une loi pro forma, car elle est d’aucune utilité dans la société islandaise.Désormais, le Conseil de l’Europe a fait de l’abolition des châtiments corporels un impératifdes droits de l’homme.

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Annexe 5

Correspondance avec M. Åke Edfeldt,

Professeur d’éducation à l’Université de Stockholm. Il a participéaux premiers efforts pour l’adoption de la loi sur l’interdictiontotale des châtiments corporels.

30.01.07Dear Åke Edfeldt,

I am a student of the “Master in Advanced Studies in Children’s Rights” at the InstitutUniversitaire Kurt Bösch and the University of Fribourg, Switzerland. I am writing a thesiswhere the central question is : “ How to defend Children’s Rights in the political arena”.

I choose to take the example of the adoption of the national laws for the ban of corporalpunishment at home, in three different countries, United Kingdom, Sweden and Switzerland.Attached to this email, you will find the general guidelines of the thesis.

To summarize, I am trying to analyse what is the process that allows the adoption of this law,the political actors that can influence it (State, political parties, civil society, ...) and thepositive and negative factors that influence the process. Mme Joan E. Durrant suggested meto contact you for more information about it. In fact, I missed the implication in the processof some political actors in Sweden.

I would like to ask your opinion about the following matters :- Was the general ombudsman implicated in the process ? What was is role ?- Had the judicial system played a role in the process ?- How come the conservative party, on power those years, accepted the law adoption ?

Even more, it had played an active role in the process ?- What party were the 6 voices against the law in the 1979 vote ? and what were their

arguments ?- In the society, does it exist other forces against the total ban of corporal punishment a

part the 7 parents who suits the Swedish government on the European Court- Since the beginning of the last century Sweden started to ban the corporal punishment

first in school and then at home. At the same time in the population, corporalpunishment was used to discipline the children until the express ban in 1979 and thenational campaign of sensitisation. Who was the initiator of the change of the penalcode in the 1957, when the criminal defence was abolished ? and how come the itpassed even if the majority of the population was against it ?

If you think that a telephonic interview could be more adapted, I would be very happy tocontact you. I remain to your disposal for possible enlightenments.While waiting for your answer, I thank you in advance for the interest that you will carry tomy request.

Best regardsClara Balestra

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Réponse de M. Åke Edfeldt, du 06.02.07

Dear Clara Balestra,I will try to answer your questions as shortly as possible; if there still remains problemsplease tell me so:

1:o The "children's ombudsman" (BO in Swedish) was one of the results of the new lawconcerning children's rights which was passed by the Swedish Parliament July 1st in 1979;before that the Swedish branch of the international organization Save the Children had theirown "BO", but together with the new law she became the first ombudsman to represent theSwedish parliament, as all the different ombudsmen do. Ergo she was not involved in thenew law more or less than the other top administrators was. (Another thing is that she as anindividual member of Save the Children played a strong part in the introduction of thepossible law.

2:o The ministers of Justice played - as they ought to - a prominent roll from the 1950ies andonwards; but most jurists kept to the side during the preparative years - when it was only thepoliticians who handled these questions. The final law text, however, was totally a workfrom a high Dr of Justice and president of a court of appeal division, TOR SVERNE.

3:o No, it was the Swedish Labour, i.e. the Sw. Social Democrats who had theGovernmental power continually from WW II and to the middle of the 1970ies. But the thenPrime Minister was a member of the Center party (the Conservatives was a rather small partywithin the right group).

4:o The Center party or The Agrar Party as was their name up to the middle of the 1960ies,however or rather their women's association had played a leading roll when the questionsabout violence towards children was put on the agenda already in the 1930ies. At that timethe conservative and the labour women were both shocked, when confronted with suchrestrictions towards the private family life.

5:o When discussed in the Parliament there was no organized objection from any party evenif there were a few Die-hards in the country who meant that they defended conservativeethics in quite a boisterous way; it might be those whom you call "the 6 voices".

6:o There has never been such a law suit at the EU court as you mention!

7:o From the first treatment of this question in the Parliament and up to 1979 there has beena gradual change in the professionals' attitudes towards criminalization of family violencetowards children. Around the first half of the 1970ies all concerned professionals in Swedenhad unanimously found that corporal punishments were such a bad treatment of children thatit ought to be criminalized- The parliament followed our indication and then it did not reallymatter that about half of the total population still used corporal punishments of sorts; and aswe reckoned, those figures decreased quickly when the law had been passed.

8:o Tor Sverne (see above) was the initiator to the specific Swedish law in 1979 andinternationally through the U.N. Children’s Rights Movement (the second Genevaconvention).

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9:o The work with the changes within the penalty code from 1957 had been headed by twodifferent social democratic Ministers of Justice, but none of them dared to defy their ownmembers in such a way as suggesting a law against parental violence in upbringing.

10:o Concerning the still continuing decrease in the percentages of those who still useviolence in upbringing see Family Violence Against Children, Berlin 1996 or later reports.

Best wishes, ake

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Annexe 6

Entretien téléphonique avec M. Peter Newell,le 04.01.2007, effectué par Clara Balestra

Peter Newell is an advocate for children’s rights, in the UK and internationally. InEngland he has chaired the NGO Children’s Rights Alliance and is Coordinator ofthe UK Children are unbeatable! Alliance, campaigning for abolition of all corporalpunishment. In the 1990s he was Research Coordinator for the Commission onChildren and Violence in the UK. Internationally, he is the Coordinator of theGlobal Initiative to End All Corporal Punishment of Children. Together with hispartner, Rachel Hodgkin, he prepared UNICEF’s Implementation Handbook onthe Convention on the Rights of the Child. He has worked frequently as aconsultant for UNICEF, in particular advising in general measures forimplementation of the Convention of the Rights of the Child and on establishmentof independent human rights institutions for children. He is also Adviser to theEuropean Network of Ombudspeople for Children. M. Newell is a member of theNGO Advisory Panel and the Editorial Board for the Secretary General’s Study278.

Questions qui ont guidé l’entretienI would like to ask your opinion about the following matters :

- Along this run, you have adjusted your actions and strategies according to theevolving situations. What have been your strategies, the main stages of yourcampaign and who are or have been the main actors ?

- What are the strong points and the possible mistakes committed during the process ?- Who are your allies ? Are you looking for others ? Who are they ?- In your writing you privilege the human rights arguments against corporal

punishment, why this choice ? Do you think that educational arguments (inefficiencyof corporal punishment as educational method) are less effective to achieve your goal?

- In 2004, all the elements were there for a good result of the campaign, and somearticles said that with the freedom of vote, the law would have passed. Why theopposition of the government and the Labour Party ? What could have been done tochange the situation?

- Since then, lot of MP, the UK parliamentary Joint Committee on Human Rights andthe 4 Children’s Commissioners expressed themselves in favour of a ban of corporalpunishment at home and a review of the Children’s Act section 58. Do you think thatit would be time to vote again for a children’s legal protection against corporalpunishments ?

- What is the importance of the political parties in the process ? In an interview in2002, you said that the job of politicians is to make the change and not to followpublic opinion. But aren’t they the representatives of the citizens, can they go againsttheir opinion ?

- In an interview, 21.11.2002, you said that three quarters of the population in Britain isagainst corporal punishment, but still four years later there is no legal ban in UK.

278 Presentation of the Editorial Board of the UN Secretary General’s Study on Violence against Children, sur :http://www.violencestudy.org/a472

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How important is the civil society mobilization to be politically effective ? In whichform ?

- You are one of the joint coordinator and initiator of the Global Initiative to End AllCorporal Punishment of Children and you are active in other international initiativesand researches. Do you think that an international pressure can be effective inmobilising the State to implement its international obligations? How you complementthat with the national campaign ?

- you follow closely the judgements in the matter of corporal punishment, what isaccording to you the role of the judicial system in this process of the adoption of alaw for its ban ?

- you were the Research Coordinator for the Commission on Children and Violence inthe UK. What are you expecting from a Commissioner for Children in the campaignfor the adoption of the law for the ban of the corporal punishment at home ?

- In your writing you often compare the present situation of children before the law(reasonable chastisement) with the women’s one in the past. Does it exist also asimilarity between the process of adoption of the law for the ban of the corporalpunishment against children and a law for the ban of violence against women ?

EntretienM. Newell a commencé sa campagne pour une interdiction légale des châtiments corporels àla maison au Royaume Uni comme suite logique de la campagne pour l’interdiction légaledes châtiments corporels à l’école.

- M. Newell a milité dans une association d’instituteurs appelée STOP. En 1986, la loisur l’interdiction des châtiments corporels à l’école entre en vigueur.

- En 1989, EPOCH est fondée (End corporal punishment of children in the home) : uneorganisation qui lutte contre les châtiments corporels au sein de la famille. Cela est lasuite logique selon lui de sa démarche auprès des écoles.

- En 1998, un jugement de la Cour européenne contre le Royaume Uni demande à cettedernière d’abroger la loi sur le ‘reasonable chastisement’. Newell et ses collèguesvoient la possibilité de succès et fondent l’Alliance Children are Unbeatable! quiregroupe à ce jour plus de 400 organisations non gouvernementales, des personnalitéset un nombre toujours croissant de parlementaires dans tout le Royaume Uni.

Selon Newell, la raison de la non-adoption d’une loi pour l’interdiction des châtimentscorporels en 2004 dans le nouveau Children Act est due à M. Blair qui a empêché le votelibre des parlementaires travaillistes. En effet, l’année 2005 était une année électorale et Blairn’a pas voulu d’une loi aussi controversée dans une année charnière. M. Blair n’a pas permisla liberté de vote car la majorité de la population UK est contre une interdiction légale etn’est pas prête à cela. Dans tous les pays qui ont interdit les châtiments corporels au sein dela famille, la population accepte les châtiments corporels comme méthode éducative : c’est lacampagne de sensibilisation qui vient après la loi qui permet un changement de mentalité àce sujet et non le contraire. C’est l’opinion éclairée des professionnels qui compte et legouvernement doit l’imposer à la population en général.

45 MP se sont cependant rebellés et ont voté contre la section 58 – voir chapitre UK dans lathèse – une des plus grandes ‘rébellions’ à ce jour, tous du camp des travaillistes. Pas un seulconservateur est favorable à cette loi. Selon Newell, l’Etat doit mettre en œuvre les idéeséclairées des professionnels pour faire avancer les différents dossiers de manière éclairée, etnon suivre ce que la population pense (attitude populiste).

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Pratiquement tout le monde s’entend pour dire que les formes graves de châtiment corporelsont mauvaises, le problème réside dans le rejet des formes mineures de violence tel que lafessée. Selon Newell, seuls les arguments normatifs sont efficaces, car les argumentsempiriques sont les suivants :

- difficiles dans un thème non logique, ils touchent les gens de très proche, leursparents les ont élevés ainsi et/ou eux élèvent leurs enfants de la sorte. Aussi,pratiquement tous les livres classiques parlent de châtiments corporels dansl’éducation des enfants, dans l’imaginaire collectif, c’est une chose normale etefficace

- il est impossible de vérifier scientifiquement que les châtiments corporels sontinefficaces et ont des effets négatifs à long terme, car il s’agirait d’une étude nonéthique - elle requiert de frapper régulièrement des enfants. Ainsi, il est toujourspossible de trouver des experts qui soutiennent que les fessées, dans des circonstancesdéterminées, sont bénéfiques.

Le parallèle que Newell fait souvent entre la fin des châtiments corporels envers les femmeset celui des enfants n’a pas de bases scientifiques, mais il est porteur car il parle à lamajorité : il n’existe pas d’études qui lient les deux démarches.

Importance de la société civile dans une campagne de ce genre :- pour Newell, il est impossible d’arriver à un changement de loi par un changement de

mentalité de la population- pratiquement toutes les organisations qui luttent en faveur des enfants et les

organisations professionnelles du secteur font partie de l’Alliance Children areUnbeatable!. En effet, pour convaincre les parlementaires il faut des professionnelsqui contrent les arguments des partis contraires ; c’est là que les arguments deprotection de l’enfance entrent en jeu.

- En UK, depuis 2003, il est primordial à ce moment d’avoir dans l’alliance les Eglisescar elles deviennent efficaces pour contrer les groupes Chrétiens de droite qui prônentles châtiments corporels comme moyen éducatif efficace et en font campagne – voirjugements de la Cour européenne. Il existe un Churches Network for non violence quiest très actif internationalement et bien organisé. Dans toutes les régions du monde, ilest présent et travaille avec des personnalités religieuses tel que Desmond Tutu.

Pour ce qui est des partis politiques, l’Alliance travaille surtout sur un lobbying avec lesparlementaires de personne à personne, sauf pour le parti Labour Democrate qui soutient lacampagne pour une abolition des châtiments corporels. Les Verts aussi ont pris position pourla campagne, mais il ne s’agit pas d’un parti parlementaire.

Si un gouvernement est contre à une loi pour l’abolition des châtiments corporels au sein dela famille, selon M. Newell il faut :

- trouver un moyen de les forcer légalement (Cour EU, Traités internationaux,Constitution, Cour Suprême, Comité des Droits de l’enfant, …). Cela est la plus forteforme de advocacy. Pour exemple, le jugement de la Cour européenne de septembre1998 n’a pas encore eu de suites en UK. C’est alors au Comité des Ministres desuperviser sa mise en œuvre. Il s’agit d’un travail assez invisible pour le public, maistrès efficace. Il prend de plus en plus de poids car le jugement contre UK est l’un desplus vieux non exécutés.

- Nécessité de trouver des ressources financières et humaines, des personnalitésimportantes et des parlementaires qui la discutent au parlement

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- L’opinion publique ne change pas sans une loi claire et une campagne d’éducation- Développer des recherches qui ont comme prévalence d’interviewer des enfants et

leurs parents sur les liens de confiance, tel que la recherche « it hurts you inside »- Une campagne d’enfants va commencer au UK contre les châtiments corporels, son

financement a été trouvé. Ce type de campagne est important car les enfants sont plusinfluents que les adultes ; de part leur présence, ils ne permettent

- pas aux adultes de soutenir les arguments contraires.

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Annexe 7

Lettre du gouvernement britannique du 03.01.2007

From: [email protected] [mailto:[email protected]]Sent: 03 January 2007 14:46To: Barber, StephenSubject: Case Reference 2006/0338421

Dear …

Thank you for your email of 11 December to the Rt Hon Alan Johnson MP about thephysical punishment of children. Due to the volume of correspondence the Secretary ofState receives he is unable to reply personally to each one. I am therefore replying on hisbehalf.

You have said that the Government “does not condone physical punishment of children”, andI am pleased that this is acknowledged. But Ministers are still prepared to recognise thatsome parents may feel on some occasions that they do not have an alternative. TheGovernment does not want to interfere with the legitimate rights of parents to create asupportive environment for their own families in their own way.

The Government believes that all children should be safe from harm and takes the abuse ofchildren very seriously. At the same time, though, it is important that ordinary law-abidingfamilies should be able to have a sensible framework of discipline without unnecessaryinterference from outsiders. Respect for private family life is part of our law. This is whythe Government is committed not to impose a blanket ban on smacking, and the House ofCommons have voted overwhelmingly against it.

Your disappointment about the current law may reflect a misconception about the law ofassault, which covers a very wide spectrum of acts. For example, the kind of act that causeseven a transient reddening of the skin could under current charging standards fall to becharged as a common assault, while more lasting marks could be charged as assaultoccasioning actual bodily harm. Following our legislation, the reasonable punishmentdefence would of course no longer be available against those more serious charges.

Your assertion that the law does not satisfy our human rights obligations is incorrect. Thereis no question of the UK avoiding its human rights obligations. The relevant obligationsunder international law are the United Nations Convention on the Rights of the Child(UNCRC) and the European Convention on Human Rights (ECHR). Neither of thoseconventions requires state parties to adopt a complete ban on all forms of corporalpunishment.

In the UNCRC, Articles 19 and 37(a) deal with the protection of children from violence andabuse. In 2002 the UN committee that monitors states' compliance with the Conventionrecommended that the UK legislate to remove what was then the "reasonable chastisement"defence and prohibit all corporal punishment. It is, however, for member states to decidehow to implement their obligations, and the UK Government had taken the view that itsdomestic law already provided the necessary protection for children. Since that time theChildren Act 2004 has been enacted, which further strengthens our safeguarding systems inmany important ways. During the passage of the Act through the Lords, Lord Lester – an

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eminent human rights lawyer – asserted unequivocally that what is now section 58 wouldmeet the UK's obligations under Article 19 and article 37(a) of the UNCRC, and would be “aproportionate response to the pressing social need to protect children from all forms ofphysical or mental violence, injury or abuse." The Government agrees with that position.

Regarding the European Court of Human Rights, the Committee of Ministers which overseesimplementation of judgements of the European Court of Human Rights has now acceptedthat, since the enactment of section 58, the law of England and Wales is compliant with theCourt’s judgement, given in the leading case of A vs United Kingdom.

Your reference to “equal protection” slightly misses the point that adults have a greaterresponsibility to care for the well-being of children than for fellow adults. That caring willsometimes include taking responsibility for supportive discipline. If in some families that issometimes expressed by way of physical discipline that does not cause harm, then parentsshould be allowed to take that decision without fear of being criminalised.

Recent revision to the Crown Prosecution Service’s Charging Standards is anotherrecognition of the difference between adults and children – one which should increase theprotection of children.

Given that Parliament last voted on this issue in 2004, there are no plans to re-visit thelegislation at present. The Government will continue to focus its efforts on the fight againstcriminal violence and abuse against children, and on its important agenda to support childrenand parents, such as Sure Start and the Every Child Matters programme.

Yours sincerely

Pauline ShawPublic Communications Unit

Page 116: Les droits de l’enfant dans l’arène politique fédérale suisse

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Annexe 8

Position du Conseil fédéral à la motion de 1996 demandant l’interdictiondes châtiments corporels (96.3176)

S'agissant des peines corporelles, il faut distinguer entre le domaine interne à la famille et ledomaine externe. Le droit de la filiation est applicable au domaine interne, c'est-à-dire auxrelations parents/enfant. Un devoir d'éducation et de protection découle de l'autoritéparentale pour les parents. Bien que la loi ne prévoie pas quels sont les moyens d'éducation,il est aujourd'hui largement admis que les parents peuvent également mettre en oeuvre desmoyens répressifs lorsque le bien de l'enfant ou la protection de tiers le requiert, que lamesure est proportionnée et qu'aucune mesure d'éducation plus douce n'est disponible. Mais,en aucun cas, la santé physique et mentale de l'enfant ne doit être compromise, de telle sorteque les coups de poing, de pied ou de bâton, etc., sont par exemple clairement interdits. Leslimites du pouvoir d'éducation des parents résultent ainsi du droit de la protection de l'enfantet du droit pénal (cf. infra)’ (AB 1996 N 917 / BO 1996 N 916)

Toute atteinte minime à l'intégrité corporelle n'est certes pas punissable. Toutefois, selon lajurisprudence la plus récente, une atteinte qui dépasse la mesure usuelle tolérée dans lasociété, mais qui ne cause aucun dommage au corps ou à la santé, constitue une voie de faitet doit être punie par la peine la plus légère prévue par le Code pénal. Le comportement quidoit être considéré comme ordinaire et toléré dans la société doit être déterminé dans chaquecas en tenant compte de toutes les circonstances. Selon la doctrine dominante, une voie defait doit être admise dans le cas de gifles, de coups de poing, de coups de pied, de heurtsviolents et de déversements de liquides, etc., dans la mesure où il n'en résulte pas dedommage pour le corps ou la santé. Les dispositions pénales mentionnées sontnaturellement applicables aux parents et aux autres personnes chargées de l'éducation. (AB1996 N 917 / BO 1996 N 916).

Dans ce contexte, le Conseil fédéral est d'avis que le législateur a en principe rempli samission (cf. également la prise de position du Conseil fédéral sur le rapport sur l'enfancemaltraitée en Suisse, FF 1995 IV 1, 6). Si on adoptait de nouvelles dispositions, comme lamotion le demande, ces règles pourraient se résumer à des répétitions du droit actuel,comme c'est par exemple le cas en Allemagne. Cependant, compte tenu de l'importancefondamentale de la protection de l'enfance, le Conseil fédéral est prêt à examiner si et dansquelle mesure l'interdiction existante des mauvais traitements à l'égard des enfants peut êtreencore davantage ancrée dans la conscience de la population. Pour ce faire, deséclaircissements complémentaires seront nécessaires. ’ (AB 1996 N 917 / BO 1996 N917)279

279 Parlement (1996), Note de synthèse, 93.034 Enfance maltraitée Rapport, (consulté 13.02.07) surhttp://www.parlament.ch/afs/data/f/rb/f_rb_19930034.htm.