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Les enquêtes de harcèlement Louise Chamberland Résumé Les entreprises sont de plus en plus sensibilisées au phénomène du harcè- lement en milieu de travail. Il reste toutefois une incertitude quant aux actions à prendre face au dépôt d’une plainte ou devant l’évidence de situations problématiques. Bien que des méthodes de résolution souples soient alors fortement recommandées (intervention de la gestion, médiation, conciliation), ces dernières sont des méthodes qui demandent la participation volontaire des parties impliquées. Conséquemment, il se peut que les employeurs n’aient d’autres choix que de se tourner vers les enquêtes. Ces dernières servent à reconstruire les événements ainsi qu’à rétablir les faits. Pour être efficaces, ces enquêtes doivent répondre à certains principes de base. Cet article se veut un guide de familiarisation des principes de base des enquêtes. Toutefois, afin d’effectuer des enquêtes approfondies, il est recommandé que les enquêteurs suivent une formation appropriée. Bien qu’il existe des moyens de résolution de conflits beaucoup plus souples que ceux de l’enquête, il arrive que cette dernière soit le recours choisi pour faire la lumière sur la situation et ainsi mettre fin à un comportement non désiré. L’enquête vise avant tout à établir les circonstances entourant les événe- ments. Elle permet de reconstruire les faits, d’obtenir des éléments de preuve, d’identifier les éléments spécifiques aux allégations ainsi que d’en identifier les auteurs. Elle devient donc un outil avantageux pour le mandataire dans ses prises de décision et ses choix d’actions futures. Il y a plusieurs types d’enquêtes: informelles, administratives, criminelles, com- missions d’enquête, et d’autres types jugés pertinents. La nature de l’infraction reprochée, sa gravité ou sensibilité ainsi que les législations qui s’appliquent sont les facteurs déterminants quant à la sélection d’un type d’enquête. Dans le cas de harcèlement et violence en milieu de travail, on retrouve plus particu- lièrement l’enquête administrative, cette dernière étant plus accessible et plus rapide. En effet, l’enquête administrative peut être effectuée par des employés ainsi que par des agences extérieures. Néanmoins, son accessibilité ne lui enlève aucunement sa complexité et son caractère sensible; il est donc préfé-

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Les enquêtes de harcèlement

Louise Chamberland

Résumé

Les entreprises sont de plus en plus sensibilisées au phénomène du harcè-lement en milieu de travail. Il reste toutefois une incertitude quant auxactions à prendre face au dépôt d’une plainte ou devant l’évidence de situationsproblématiques. Bien que des méthodes de résolution souples soient alorsfortement recommandées (intervention de la gestion, médiation, conciliation),ces dernières sont des méthodes qui demandent la participation volontairedes parties impliquées. Conséquemment, il se peut que les employeurs n’aientd’autres choix que de se tourner vers les enquêtes. Ces dernières servent àreconstruire les événements ainsi qu’à rétablir les faits. Pour être efficaces,ces enquêtes doivent répondre à certains principes de base. Cet article seveut un guide de familiarisation des principes de base des enquêtes.Toutefois, afin d’effectuer des enquêtes approfondies, il est recommandé queles enquêteurs suivent une formation appropriée.

Bien qu’il existe des moyens de résolution de conflits beaucoup plus souplesque ceux de l’enquête, il arrive que cette dernière soit le recours choisi pourfaire la lumière sur la situation et ainsi mettre fin à un comportement non désiré.L’enquête vise avant tout à établir les circonstances entourant les événe-ments. Elle permet de reconstruire les faits, d’obtenir des éléments de preuve,d’identifier les éléments spécifiques aux allégations ainsi que d’en identifier lesauteurs. Elle devient donc un outil avantageux pour le mandataire dans sesprises de décision et ses choix d’actions futures.

Il y a plusieurs types d’enquêtes: informelles, administratives, criminelles, com-missions d’enquête, et d’autres types jugés pertinents. La nature de l’infractionreprochée, sa gravité ou sensibilité ainsi que les législations qui s’appliquentsont les facteurs déterminants quant à la sélection d’un type d’enquête. Dansle cas de harcèlement et violence en milieu de travail, on retrouve plus particu-lièrement l’enquête administrative, cette dernière étant plus accessible et plusrapide. En effet, l’enquête administrative peut être effectuée par des employésainsi que par des agences extérieures. Néanmoins, son accessibilité ne luienlève aucunement sa complexité et son caractère sensible; il est donc préfé-

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rable, voire même indispensable, que l’enquête soit effectuée par un oudes enquêteurs ayant reçu une formation adéquate. Une enquête effectuéepar une personne qui s’improvise enquêteur peut avoir des conséquencesdésastreuses.

Le présent article se veut une présentation ainsi qu’un guide pouvant aider lesemployeurs dans leurs démarches, leur choix d’enquête ainsi que dans la révi-sion de ces dernières. Il vise également à répondre aux questions des partiesconcernées ou intéressées par le processus. Il ne serait toutefois pas prudentd’entreprendre une enquête en utilisant cet article comme guide de procédure.

Jusqu’à maintenant, nous avons parlé d’enquête de harcèlement et de violenceen milieu de travail. Pour les fins de rédaction, le mot « harcèlement » comprendtoutes les formes de harcèlement et de violence qui surviennent en milieu detravail.

Il se peut qu’une enquête soit effectuée par deux enquêteurs. Cette décisionest habituellement prise selon les caractéristiques propres à chaque situation.Par exemple, lors d’un cas de harcèlement sexuel impliquant deux personnes desexe opposé, il peut être sage d’engager deux enquêteurs représentant lesdeux sexes. Le même principe s’étend à d’autres types de plainte (raciale,syndicale, patronale et autres). Toutefois, dans la réalité, le facteur monétairedétermine fréquemment le nombre d’enquêteurs affectés à une enquête.Nonobstant ce fait, pour les fins du présent article, le mot « enquêteur » serautilisé au singulier.

Types d’enquêtes

Les enquêtes informelles sont des enquêtes menées en superficie. Elles sontutilisées fréquemment pour toutes sortes de raisons. En matière de harcèle-ment, il arrive que les plaintes ne soient pas cohérentes ou que les allégationsne rencontrent pas la définition. L’enquête informelle est alors utilisée afin dedéterminer s’il y a suffisamment de matière pour mener une enquête formelle.Elle peut également être utilisée lorsqu’un gestionnaire a eu vent d’une situa-tion sans qu’il y ait de plainte formellement déposée. Suite aux résultats, legestionnaire peut décider de poursuivre avec une enquête formelle ou laissertomber. Il est toutefois déconseillé d’entreprendre des mesures administrati-ves ou disciplinaires suite à une enquête informelle.

Les enquêtes administratives sont des enquêtes approfondies. Elles sontparfois nécessaires pour parvenir à une administration saine et efficace du

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processus. Elles sont généralement menées suite à une plainte formelle ou aurésultat d’une enquête informelle. Il se peut qu’un gestionnaire ordonne uneenquête approfondie afin d’apaiser ses doutes, sans qu’il y ait eu dépôt deplainte ou d’enquête informelle. L’enquête administrative vise à établir lescirconstances entourant une plainte, permet de reconstituer les événements,d’obtenir des éléments de preuve et d’identifier le ou les auteurs (lorsqu’appli-cable). Elles peuvent être menées par un ou des employés ou des sous-trai-tants. Il est toutefois préférable de faire appel à une personne qualifiée. Il estégalement préférable que l’enquêteur soit mandaté en bonne et due forme.Nous y reviendrons plus tard dans la section du mandat.

Les enquêtes criminelles impliquent qu’il y a eu un manquement au Codecriminel. Elles sont généralement menées suite à une infraction à ce code. Ellesvisent à établir les circonstances entourant une infraction, de permettre lareconstitution des événements, d’obtenir des éléments de preuve et d’identi-fier le ou les auteurs (lorsque applicable). Elles sont menées par des agents dela paix dûment accrédités à collecter les preuves susceptibles de mener à unecondamnation.

On parle d’enquêtes lors d’une infraction hybride lorsqu’un ou des gestescorrespondent à la fois à des infractions criminelles ainsi qu’à du harcèlement.Lorsque les gestes reprochés requièrent une enquête criminelle et adminis-trative, la première a définitivement préséance. Dans la majorité des cas, lesautorités criminelles n’apprécient pas que deux enquêtes soient menées simul-tanément car cela pourrait amener plusieurs problèmes comme la confusionchez les témoins et une corruption des éléments de preuve. Conséquemment,lors d’une infraction hybride, il est préférable d’effectuer des vérificationsauprès des autorités criminelles avant de mener une enquête administrative. Ilest fort possible que cette dernière soit suspendue jusqu’à la fin de l’enquêtecriminelle.

Les commissions d’enquête sont généralement utilisées afin de faire la lumière surun ou des événements de nature publique ou d’envergure. Dans les secteurspublics et parapublics, ces enquêtes sont régies selon des lois spécifiques,leur utilisation est très limitée. Elles sont dispendieuses car elles sont menéespar un groupe d’individus qui s’y consacrent à temps plein pendant toute leurdurée. Elles sont très peu utilisées dans les cas de harcèlement.

Les autres enquêtes telles que les enquêtes de sécurité, d’accident, de marketinget autres font l’objet de procédures particulières qui ne seront pas explorées ici.

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L’enquêteur

Les enquêtes en matière de harcèlement sont de nature délicate. Consé-quemment, il est préférable que l’enquêteur puisse agir en faisant preuve detact, de discrétion, de minutie et de sensibilité. Il doit avoir un esprit analytique,connaître les politiques de l’entreprise ainsi que les éléments de preuve.

Les notions de neutralité et d’impartialité sont souvent utilisées lors del’embauche d’un enquêteur, mais on oublie toutefois de préciser ce qu’ellesveulent dire. Par neutralité, on veut dire s’abstenir de prendre partie, ce quipeut s’avérer difficile car, en tant que personne humaine avec ses propresvaleurs, ses expériences passées et sa culture, il est presque impossible d’êtretotalement neutre. Par exemple, l’enquêteur qui aurait vécu lui-même (ou l’unde ses proches) une situation de harcèlement sexuel pourrait avoir à contrôlerses propres biais devant ce genre d’enquête. Toutefois, l’enquêteur quiaccepte cette réalité adhère au principe de la neutralité du processus. Il est ànoter que le manque de neutralité peut devenir inconscient malgré toute labonne volonté de l’enquêteur. A cet aspect, il faut aussi ajouter l’apparence deneutralité, malgré toute l’intégrité de l’enquêteur, il pourra ne pas être vu avecautant de neutralité de l’extérieur si une des parties pouvait savoir que l’enquê-teur a déjà été impliqué personnellement dans un sens ou dans l’autre.

Il en va de même pour les valeurs et la culture d’une entreprise; par exemple, unsuperviseur exige qu’un employé porte un vêtement tel que prévu par le codevestimentaire de l’entreprise; un autre exige qu’un employé porte un vêtementspécifique parce qu’il le trouve à son goût. A priori, les attentes des deuxsuperviseurs sont les mêmes, soit le port d’un vêtement. Les valeurs ainsi que lecontexte organisationnel font en sorte que les deux situations sont différentes.Un enquêteur habitué dans un milieu où aucune tenue vestimentaire n’estexigée pourrait évaluer la situation différemment d’un enquêteur qui provientd’un autre milieu. L’enquêteur qui adhère au principe de la neutralité du pro-cessus ira plus loin en vérifiant avec des experts.

On entend par impartialité le fait qu’une personne n’a aucun bénéfice direct ouindirect dans le processus ou sa finalité. Être impartial ne suffit pas toujours.En effet, l’enquêteur doit également donner l’apparence d’impartialité.L’enquêteur qui est vu au restaurant avec l’une des parties peut mettre en périlson apparence d’impartialité. Les liens interpersonnels peuvent égalemententrer en ligne de compte. L’enquêteur qui mène une enquête dans laquelle leneveu de son époux est directement impliqué peut ne pas avoir l’apparenced’impartialité, malgré le fait qu’ils ne se connaissent pas dans la réalité.

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En matière d’enquête administrative, les plus grands dommages sont causéspar les gens qui s’improvisent enquêteurs et qui ne possèdent aucune formationainsi que par certains enquêteurs qui s’improvisent experts. Une enquête malmenée peut avoir des conséquences désastreuses autant pour les individusconcernés que pour l’entourage et la gestion.

Le mandat

Le mandat a deux fonctions principales: donner à l’enquêteur l’autorité afinqu’il puisse mener son enquête en toute légitimité et clarifier les attentes desmandataires. On y retrouve habituellement un énoncé des allégations (ou unecopie de la plainte originale), les délais d’exécution, les définitions qui doiventêtre utilisées, les paramètres, le nom des personnes ressources ainsi que lesoutien administratif et logistique.

Par énoncé des allégations, on entend les descriptions du ou des compor-tements reprochés. Il ne suffit pas de crier harcèlement pour que les autoritésprennent action; il revient à la personne plaignante de fournir suffisammentd’éléments pour convaincre les autorités de la légitimité de sa démarche. Uneplainte peut avoir une ou plusieurs allégations. Un mandataire peut déciderd’inclure un énoncé des allégations directement dans le mandat ou d’inclureune copie de la plainte en annexe au mandat. Habituellement, le choix se faitselon la nature des allégations. Si toutes les allégations entrent dans la définitionde harcèlement de l’entreprise, il sera plus facile d’y donner suite. Toutefois, sicertaines allégations ne sont pas retenues, le mandataire pourra alors déciderd’inclure un énoncé des allégations retenues directement dans le mandat.

On entend par délai d’exécution, le temps accordé à la réalisation de l’enquête.Une enquête effectuée trop rapidement risque d’être incomplète et, par le faitmême, donner des résultats erronés. A l’inverse, une enquête trop longuerisque de rendre difficile la production des éléments de preuve, les témoinsayant oublié ou s’étant départis des documents pertinents. Conséquemment, lesdélais devraient être en fonction des différentes étapes d’une enquête. Deplus, un trop long délai laisse toutes les personnes mises en cause dans l’expec-tative et le stress, tandis que la frustration du plaignant ne fait qu’augmenter.

Plusieurs entreprises ont adopté leur(s) propre(s) définition(s) de ce qui peutconstituer du harcèlement. Ces définitions peuvent avoir un impact non seu-lement dans l’évaluation de la plainte mais également dans les aboutissementsde l’enquête. Par exemple, plusieurs organismes ont adopté la notion de com-portement répété comparativement à d’autres où un seul comportement suffit.

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Le Conseil du Trésor fédéral a adopté la notion d’un seul comportement,c’est-à-dire qu’un seul comportement correspondant à la définition amènera àune plainte fondée.

Par ailleurs, la définition adoptée par les normes du travail du Québec parled’un comportement répété. Conséquemment, le même comportement, nonrépété, mènera à une conclusion de plainte non fondée. Il est à noter que cettedernière définition ajoute qu’un seul événement de nature grave suffit, ce quipeut être très subjectif car pour l’un, se faire crier après est très grave alorsqu’un autre peut considérer ce comportement déplorable mais pas grave. Il estdonc préférable que l’enquêteur soit conscient au départ de ce que le manda-taire considère comme étant de nature grave.

Par paramètres, on entend les informations spécifiques qu’un mandataire jugepertinentes. Voici quelques exemples d’informations qu’on devrait normalementretrouver dans un mandat: Est-ce que le comportement correspond à la défini-tion ? Sur quelle période le comportement s’est-il produit ? De quel genre deviolence ou harcèlement s’agit-il ? Est-ce que le comportement est un cas isolé ?Est-ce que le comportement est persistant ? Y avait-il des signes avant-cou-reurs ? Est-ce que d’autres personnes ont subi le même comportement ? Est-ceque la situation a eu des répercussions sur la carrière des personnes impliquées(personnes plaignantes et mises en cause)?

Par personne-ressource, on entend parfois un coordonnateur qui aideral’enquêteur pour la prise de rendez-vous ainsi que dans le soutien administratifet logistique. Habituellement, la personne plaignante ainsi que la personnevisée sont déjà au courant de la tenue d’une enquête. Il n’est pas toujoursapproprié pour un enquêteur d’appeler directement les témoins, ces derniersn’étant pas nécessairement informés de la tenue d’une enquête ou ne pouvantpas nécessairement quitter leur travail sans remplacement. Conséquemment, lesupport d’une ressource du milieu de travail s’avère nécessaire.

Planification

Afin d’éviter des pertes de temps, il est préférable que l’enquêteur établisseson plan d’action. Ce dernier peut être constitué de l’ouverture d’un journal debord, de la familiarisation du mandat, de la plainte et des allégations, del’établissement des sources d’information et de la séquence des personnes àrencontrer, de la logistique, de la préparation des questions initiales, de la prisede rendez-vous et finalement de l’établissement d’un calendrier.

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Le journal de bord

L’enquêteur peut choisir de séparer son journal de bord en différentes sectionsafin de noter les conversations téléphoniques, les communications écrites, sesrésumés d’entrevue, l’inscription des rendez-vous, les documents manquants,les questions à répondre, etc.

La familiarisation du mandat, de la plainte et des allégations

Avant de débuter l’enquête, il est primordial que l’enquêteur comprenne etsaisisse bien les attentes du mandataire. Il doit également s’assurer que lesattentes sont judicieuses, pertinentes et réalistes. Ensuite, il doit se familiariseravec la plainte et les allégations.

Les sources d’informations

L’enquêteur doit déterminer les sources d’information les plus adéquates afinde répondre à son questionnement. Il existe trois sources principales d’infor-mation:

Les témoinsIls jouent un rôle déterminant afin de vérifier si l’information est factuelle ou non.Conséquemment, les entrevues sont essentielles; elles peuvent cependantêtre remplacées par des déclarations écrites. Toutefois, les entrevues permet-tront à l’enquêteur d’explorer davantage le sujet. Il arrive que les témoignagesécrits soient suivis d’entrevues afin de clarifier certains points. Il peut êtredouteux, voire dangereux de baser une conclusion sur une preuve de ouï-dire.

Les sources documentaires Malgré le fait que plusieurs documents lui sont remis en début d’enquête, il estpossible que l’enquêteur voit le besoin d’aller chercher d’autres documentspertinents.

Les sources matériellesLes preuves matérielles les plus fréquentes sont les photos. Il peut égalements’agir de films, d’un objet oublié ou tout autre élément qui aidera à éclaircir lasituation.

La séquence des rencontres

L’enquêteur devra déterminer la séquence des entrevues. À cet effet, il existedeux écoles de pensées, la première étant de rencontrer la personne plaignanteen premier, ensuite les témoins pour terminer avec la personne visée.

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Avec la deuxième école de pensées, la personne plaignante est rencontrée enpremier, la personne visée en deuxième et les témoins par la suite. En plusd’être pratico-pratique, cette méthode permet une meilleure neutralité, en cesens que l’enquêteur ayant rencontré les deux parties au départ, les deuxpourront donner leur interprétation. Les questions aux témoins auront égale-ment pris en considération les commentaires des deux parties.

Quoi qu’il en soit, il est possible que l’enquêteur ait à modifier la séquence deses entrevues avec les disponibilités des gens à rencontrer. Lorsque possible,l’enquêteur peut revoir les parties à la fin et ce, afin de contre-vérifier l’informa-tion obtenue pendant la cueillette. La parité est primordiale. À chaque fois quel’enquêteur rencontre une partie, il se doit de rencontrer l’autre partie et ce, afinde minimiser l’apparence de parti pris.

Les entrevues téléphoniques ne sont pas privilégiées car l’enquêteur ne peutpercevoir les indices non-verbaux de la communication. De plus, elles nepeuvent assurer la confidentialité avec autant de précision. Toutefois, ellespeuvent s’avérer nécessaires selon l’accessibilité de la personne à rencontrer.

Il est également possible que certaines informations soient éliminées en coursde route. Il est aussi possible qu’il ne soit plus nécessaire de rencontrer certainstémoins. Si la personne mise en cause avoue ou que tous les témoins rencontrésont la même version, il n’y aura peut-être aucune valeur ajoutée à la poursuitede la collecte d’informations.

La logistique

Pour les entrevues, il est préférable de trouver un endroit discret, un lieu quipermettra aux gens de sortir leurs émotions sans avoir peur d’être vues ouentendues et ce, tout en restant à proximité du lieu de travail. L’impression desécurité des personnes rencontrées fait une grande différence dans la qualité del’information reçue. Un employé qui est rencontré dans le bureau de sonpatron n’aura pas la même facilité d’expression que dans une salle extérieure. Leslieux publics sont à éviter car il y a trop de va-et-vient. Il en va de même pourles maisons privées pour lesquelles il faut faire preuve d’une prudence accrue.

Dans un contexte idéal, l’enquêteur pourrait effectuer la logistique de la sallede la façon qui lui convient. Certains préfèrent une table ronde ou s’asseoir endiagonale afin d’éviter le face à face qui peut donner l’impression de confron-tation; d’autres préfèrent travailler avec la barrière psychologique d’une tabledans la perspective d’un face-à-face. Dans un contexte réel, l’enquêteur aurapeut-être à s’adapter aux lieux disponibles.

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L’utilisation d’un magnétophone est de plus en plus courante. Elle permet deréécouter les témoignages et de baser l’analyse sur les faits rapportés et nonsur les perceptions que l’enquêteur a des faits rapportés. Cette technique estencore plus utile lorsqu’une procédure de grief existe, permettant alors unemeilleure contre-expertise lorsque nécessaire.

La préparation des questions

L’enquêteur pourra préparer des questions spécifiques à chaque allégationainsi que des questions d’ordre général. D’autres questions peuvent s’ajouterà mesure que la cueillette avance. Ces dernières pourront être révisées au furet à mesure que les témoins seront rencontrés. Pour être efficientes, les ques-tions doivent se rapporter aux allégations. Si l’évaluation du climat fait partiedu mandat, les questions pourront aussi être orientées dans cette direction.Les questions aideront l’enquêteur à savoir si le comportement a bel et bien eulieu, à déterminer quels motifs sont derrière le comportement, la durée de cedernier, le comportement de la personne plaignante ainsi que toutes autresdemandes spécifiées dans le mandat.

Les quatre critères suivants pourront aider l’enquêteur à sélectionner l’infor-mation ainsi que les témoins tout au long du processus :

La pertinenceEst-ce que l’information se rapporte aux allégations et à la plainte ? Si l’enquê-teur a déjà la réponse, il ne sera peut-être pas pertinent de rencontrer tous lestémoins, tel que planifié au départ.

La crédibilitéLa crédibilité est importante dans la sélection des sources d’information. Quel-les sont les relations entre la personne plaignante et l’une des parties ? Est-ceque cette personne fait partie de la problématique ? A-t-elle un gain possibledans cette situation ? Est-ce de l’information de première main ou des ouï-dire ?Est-ce qu’elle connaissait les éléments de la plainte ?

L’accessibilitéEst-ce que l’information est accessible ? Quelle sera la source la plus accessibleet rapide ?

La rentabilitéOn doit effectuer une évaluation rapide des coûts en temps et en argent !Est-il nécessaire de prendre l’avion pour interroger un témoin ? Y a-t-il d’autresmoyens pour obtenir cette information ? Dans certains cas, les entrevuestéléphoniques pourront être considérées!

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La prise de rendez-vous

Selon l’ordre établi, l’enquêteur pourra procéder à la prise de rendez-vous. Telque mentionné plus tôt, il est de mise que l’enquêteur contacte les personnesdirectement impliquées dans la plainte (la personne plaignante ainsi que lapersonne visée). Il faudra toutefois prévoir suffisamment de temps pour leslaisser s’exprimer, tout en laissant sortir leurs émotions. Des rendez-vous enfin d’avant-midi ou en fin de journée sont à éviter.

Le temps alloué aux témoins est également une question délicate, certainsétant plus volubiles et plus au fait de la situation que d’autres. L’arrivée d’unenquêteur peut apporter des turbulences dans un milieu de travail. Plus lesentrevues seront effectuées rapidement, moins le milieu en sera affecté. À ceteffet, la venue d’un coordonnateur peut s’avérer une aide appréciable. Il peuts’assurer de la disponibilité des témoins sans que ces derniers aient de tempsprécis d’alloué. Lorsqu’un témoin quitte l’enquêteur, ce dernier peut communi-quer avec le coordonnateur et lui demander d’en envoyer un autre.Dans sa prise de rendez-vous avec les personnes concernées, l’enquêteurpourra s’informer à savoir si celles-ci sont au courant de la tenue de l’enquêteet si elles ont eu l’opportunité de se préparer à l’entrevue. Il est déconseillé derencontrer une personne qui n’a pas été informée ou qui n’a pas eu l’opportu-nité de se préparer. Il se peut qu’en cours d’enquête, une personne non cibléedevienne une personne visée; il est alors recommandé d’aviser le mandataire etd’agir selon ses directives.

Le calendrier

Finalement, le plan doit contenir un calendrier incluant l’estimation du tempsexigé pour toutes les étapes de l’enquête. Ce calendrier permettra d’établir lesdélais du processus et, le cas échéant, de demander une prolongation de tempsadvenant l’impossibilité de rencontrer les échéanciers prévus.

Cueillette d’informations

L’analyse sera basée sur les éléments de preuve amassés pendant la cueilletted’informations. Conséquemment, les entrevues sont déterminantes dans leprocessus; elles doivent être bien préparées et bien menées. Les personnesrencontrées sont pratiquement toujours nerveuses, il est donc préférable quel’enquêteur soit en mesure de les mettre à l’aise, tout en restant orienté vers lebut de sa démarche. À ce stade, les différentes techniques de communicationet de recadrage peuvent s’avérer très utiles. Parmi les méthodes de communi-

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cation utilisées par un enquêteur on retrouve: parler le moins possible, utiliserles silences, rester attentif, éliminer les distractions, être compréhensif sansdonner son accord, éviter de critiquer, contrôler son non-verbal, rester patient,être calme, et, naturellement, être curieux.

Les entrevues doivent inciter une personne à partager l’information sans quecette dernière ne soit suggérée. A titre d’exemple, si l’enquêteur demande« Êtes-vous monsieur XZ ? », il vient de suggérer la réponse « monsieur XZ ».Par contre, l’enquêteur peut, en toute liberté, demander « Quel est votre nom ? ».Cette façon de faire peut sembler anodine à prime abord. Elle peut toutefoisfaire une grande différence dans l’analyse ou la révision d’enquête, ce quidemande à l’enquêteur d’exercer ses habiletés et d’aller chercher l’informationsans rien dévoiler. En ce sens, les questions ouvertes et en entonnoir sontrecommandées.

Pendant l’entrevue, l’enquêteur doit être vigilant face à certains pièges. À ceteffet, voici les plus fréquents :

• L’interviewé qui pose les questions : Un vieux proverbe dit que lapersonne qui pose les questions est maître du processus. Lorsquel’interviewé se met à poser des questions, il revient à l’enquêteur dereprendre le contrôle du processus de façon diplomate pour ne pas perdrel’intérêt de la personne rencontrée.

• Les écrans de fumée : lorsqu’un témoin nie les faits avec conviction, évitede répondre directement à la (aux) question(s), tente d’engager l’enquê-teur dans une discussion hors propos et ce, afin d’éviter l’objet à l’étude.

• La remise excessive d’information : Lorsqu’une partie remet tellementd’informations ou de documentation, l’enquêteur pourrait avoir de ladifficulté à effectuer une sélection appropriée.

• Les faits hors propos : ces faits semblent liés à la plainte, alors qu’ils ne lesont pas.

• Manque de coopération : l’enquêteur pourra alors exercer son pouvoird’influence ou technique (tel le recadrage) pour reprendre la situation. Endernier recours, il pourra utiliser l’autorité qui lui est accordée avec lemandat.

• Interruptions internes : lorsque l’interviewé essaie d’interrompre leprocessus d’entrevue, la plupart du temps en questionnant sur les

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questions posées. Afin de ne pas perdre le témoin, il est préférable deréorienter les questions et d’essayer d’y revenir plus tard.

• Interruptions externes : Afin d’éviter les interruptions externes, il estpréférable de choisir un endroit discret.

Lorsque la situation s’y prête, il est préférable d’enregistrer les entrevues. Decette façon, l’enquêteur pourra travailler avec la version réelle des interviewéset non avec sa perception de ce qu’il a entendu. Au besoin, il pourra même citerles références de bandes sonores dans son rapport. Contrairement à la croyancepopulaire qui dit que le magnétophone rend les personnes nerveuses, cesdernières ont tendance à l’oublier après quelques minutes d’entrevue. Àdéfaut de pouvoir enregistrer, l’enquêteur devra prendre suffisamment denotes pour présenter les faits tel que rapportés.

Il se peut que la personne interviewée requiert la présence d’un tiers. Il estalors essentiel que l’accompagnateur ne soit pas un témoin ou une personneimpliquée. Il faut également éviter que cette personne accompagne plus d’untémoin et ce, afin d’éviter une enquête parallèle renfermant une partie del’information.

Analyse

L’analyse est le lien entre les faits et la conclusion. Elle peut être comparée aucheminement d’un problème de mathématique. L’étudiant peut avoir la bonneréponse et recevoir seulement la moitié des points, ayant omis de démontrerson cheminement. Le même principe s’applique à l’analyse; le mandatairedevrait être en mesure de suivre le cheminement de l’enquêteur.

L’analyse doit être basée sur les faits et non sur les interprétations. Elle doitcontenir suffisamment d’informations pour comparer les similarités et les diffé-rences. Elle doit faire ressortir les éléments qui servent à appuyer ainsi que leséléments qui sont contradictoires. Il se peut que l’enquêteur ait à entrecroiserl’information; par exemple, un témoin peut avoir entendu une personne crier;au même moment, un témoin plus éloigné peut avoir vu une personne tomber;un autre peut avoir vu une personne faire un mouvement de poussée sans êtrecertain de ce qu’il y avait devant. Tous ces faits sont arrivés au même moment.L’enquêteur devra avoir l’habilité à pouvoir analyser toutes les facettes del’information afin de savoir si les différentes versions décrivent le même événe-ment et ce, sous des angles différents. Il peut aussi s’agir d’événementstotalement distincts.

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Selon la nature de l’information recueillie, l’enquêteur devra déterminer lavaleur probante à y accorder. Parmi les types d’informations, on retrouve :

• Déclarations écrites : ces dernières ont préséance sur les entrevues.

• Preuves directes : ces sont les preuves de première main : il peut s’agir dedocumentation, de témoins directs ou toute autre forme établissantl’existence du fait.

• Ouï-dire : lorsqu’un témoin a entendu l’information d’un tiers. Lesouï-dire ne peuvent être utilisés pour l’analyse. Ils peuvent toutefois s’avé-rer efficaces pour retourner à la source ou vers les preuves de première main.

• Preuves circonstancielles : lorsqu’un élément de nature indirecte permetd’établir l’existence d’un fait, par exemple, si le pavé est trempé, c’estpeut-être qu’il a plu, mais pas nécessairement. Si toutefois le pavé esttrempé, le gazon est trempé, qu’on a vu des nuages gris et qu’on a enten-du la pluie, cette dernière devient de plus en plus probable, un élément denature indirecte qui peut aider à confirmer ou informer l’existence d’un fait.

• Preuves documentaires : toute documentation pertinente fournie audébut ou obtenue pendant le processus.

• Preuves testimoniales : obtenue principalement en entrevue; en général,les témoins jouent un rôle déterminant dans la reconstitution des événements.

• Preuves matérielles : tous les objets aidant à reconstituer les événements,les plus fréquents étant des photos, des objets oubliés ainsi que ladisposition des lieux.

Les règles de preuve

Dans les enquêtes administratives, la règle de preuve utilisée est la normecivile. Dans les enquêtes criminelles, la preuve utilisée est l’absence de doute(hors de tout doute). La norme civile stipule que la preuve doit être établieselon la balance des probabilités (la preuve prépondérante), ce qui signifie quel’événement est plus probable qu’improbable. Pour les enquêtes adminis-tratives, la preuve « hors de tout doute » peut également être utilisée si démon-trée; elle n’est toutefois pas nécessaire.

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Le fardeau de la preuve

Selon les entreprises et les écoles de pensées, le fardeau de la preuve sedéplace selon l’étape du processus. En Cour civile ainsi que dans plusieursprocessus de griefs, le fardeau de la preuve incombe uniquement à la personnequi entame le processus, c’est-à-dire que la personne plaignante doit consti-tuer seule la preuve. Le comportement doit être démontré ainsi que sa confor-mité à la définition. Pour ce qui est des plaintes de harcèlement et de violence,dans la majorité des organisations, les personnes plaignantes n’ont pas àconstituer seules la preuve. Elles doivent toutefois, en début du processus,donner suffisamment d’informations pour convaincre les autorités de la légiti-mité de sa démarche.

Tel que mentionné plus tôt, toute information recueillie devra être évaluéeselon sa pertinence, à savoir si elle est directement liée ou non à la plainte, etselon sa crédibilité. En cas de doute ou d’information incomplète, il se peutque l’enquêteur doive retourner à l’étape de la collecte d’informations.

Conclusion d’enquête

Lors d’une enquête de harcèlement, il y a deux conclusions, l’une par alléga-tion et l’autre pour l’ensemble du rapport. Pour les allégations, les conclusionssont basées sur les éléments de preuve recueillis ainsi que sur l’analyse. Il sepeut qu’une seule partie des allégations soit fondée. Il peut également s’agird’une plainte de mauvaise foi. Quoi qu’il en soit, elle doit être cohérente avecla ou les définitions utilisées.

• Allégation fondée : L’allégation est fondée lorsque les éléments de preuverecueillis démontrent que le comportement est bel et bien survenu et quece dernier correspond à la définition. Comme il s’agit d’un processusadministratif, la preuve utilisée sera la preuve prépondérante. Il faut doncque le comportement soit plus probable qu’improbable.

• Allégation non fondée : Il se peut qu’une plainte soit non fondée, àsavoir lorsque les éléments de preuve démontrent que le comportementn’est pas survenu ou lorsque ces derniers sont insuffisants pour ledémontrer. Il arrive fréquemment qu’une plainte soit non fondée en raisonde l’absence d’éléments de preuve, ce qui ne veut pas dire que le gesten’a pas été posé et qu’il n’y a pas eu de violence ou de harcèlement. C’est

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particulièrement dans ces cas que l’enquêteur doit s’abstenir de toutpréjugés pour s’en tenir aux éléments de preuve. Ceci dit, une plainte peutêtre déposée de bonne foi sans qu’on soit en mesure d’en démontrer lebien-fondé.

• Plainte de mauvaise foi : c’est une plainte soumise par une personne quisait à l’avance que celle-ci n’est pas fondée et qui est montée avec desintentions douteuses. On rencontre particulièrement ce genre de plaintelorsque les gens veulent profiter des avantages du système ou encorepour essayer de camoufler leurs propres limites ou insuffisances.

La conclusion fondée peut également inclure l’intention. La jurisprudencedémontre qu’en cas de plainte fondée, il n’est pas nécessaire que l’agresseurait eu l’intention de commettre un acte ou qu’il ait fait preuve de mauvaise foipour qu’un acte ait été commis, pourvu que l’acte ait été préjudiciable à lapersonne. Toutefois, lors de mesures administratives ou disciplinaires afin decorriger le comportement, l’intention pourra être considérée pour déterminer lagravité ou l’importance de celles-ci.

Recommandations

Il est possible que le mandat demande à l’enquêteur de fournir des recomman-dations. À moins que ce dernier ne soit un spécialiste dans les relations detravail du milieu ou avocat, il est préférable qu’il s’en tienne aux recomman-dations ainsi qu’aux mesures préventives pour rétablir un climat sain. L’enquêteétant un outil pour la direction, cette dernière peut s’en servir pour déterminerles mesures à prendre.

Prenons un exemple. En accord avec les demandes d’un mandat, l’enquêteuravait recommandé un avertissement écrit pour les deux auteurs d’un comportementpréjudiciable. En raison de l’état de leurs dossiers disciplinaires respectifs, ladirection a choisi de leur donner chacun trois jours de suspension sans solde.Les auteurs du comportement ont fait venir le rapport d’enquête via le commis-saire de l’Accès à l’information. Par la suite, ils ont déposé un grief prétextantque la direction était plus sévère que l’enquêteur. Toute cette saga aurait puêtre évitée si l’enquêteur s’en était tenu à des recommandations préventivesou de rétablissement du climat de travail, tout en laissant aux spécialistes lesoin d’établir les mesures appropriées.

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Rédaction du rapport

Le rapport doit être clair et concis. Selon les spécifications du mandat et poursituer le lecteur, voici quelques sections qui peuvent être incluses dans unrapport d’enquête :

• Introduction 

• Déclaration de l’enquêteur (le nombre de personnes rencontrées ourejointes par téléphone; expliquer pourquoi certains témoins n’ont pasété rencontrés; discussion des problèmes administratifs survenus pendantle processus ainsi que toute autre information jugée pertinente)

• Description du contexte 

• Chronologie des événements 

• Définition utilisée

• Pour chaque allégation :- Résumé des allégations- Eléments de preuve recueillis- Analyse des allégations- Conclusion- Intention

• Conclusions générales

• Recommandations

CONCLUSION

Le présent article démontre le sérieux des enquêtes administratives. Il se veutun guide sommaire pouvant aider le mandataire d’enquête dans son orien-tation. Il peut également servir à la familiarisation du processus aux personnesintéressées. Il serait toutefois imprudent de l’utiliser comme guide pour entre-prendre une enquête, l’enquêteur devant approfondir davantage les facettesindispensables aux conditions gagnantes d’une enquête bien effectuée.