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LES FILIERES DE LA DECONSTRUCTION ET DU DEMANTELEMENT NUCLEAIRE ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES RAPPORT présenté au Conseil Economique, Social et Environnemental Régional de Basse-Normandie par Alain PIQUET 2014

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LES FILIERES DE LA DECONSTRUCTION

ET DU DEMANTELEMENT NUCLEAIRE

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ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES

RAPPORT

présenté au Conseil Economique, Social et Environnemental Régional

de Basse-Normandie

par Alain PIQUET

2014

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R E M E R C I E M E N T S

Le Rapporteur souhaite remercier l’ensemble des acteurs nationaux et régionaux, auditionnés et consultés, qui ont contribué de par leur expertise à l’élaboration de cette étude sur « les filières de la déconstruction et du démantèlement nucléaire - état des lieux et perspectives ».

Il tient également à témoigner sa reconnaissance au Bureau du CESER à l’origine de l’étude, au Groupe de Travail composé de Bernard CHARLES, Evelyne DUBOIS-DERRIEN, Michel FRICOUT, Dominique GOUTTE, Philippe LEGRAIN, Jean-Marie MEULLE, Jean-Luc MICHEL, Gilles RICCI, Jacqueline SAINT-YVES et Arlette SAVARY, ainsi qu’aux Membres de la Commission n° 5 « Développement économique - Energie » sans qui ce travail n’aurait pu aboutir.

Enfin, il remercie particulièrement Elisabeth TOULISSE, Chargée de Mission, pour toutes les recherches qu'elle a effectuées, pour le travail d'information et d'analyse qu'elle a su réaliser avec compétence.

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CESER de Basse-Normandie Les filières de la déconstruction et du démantèlement nucléaire

Etat des lieux et perspectives

S O M M A I R E

INTRODUCTION ........................................................................................................... 1

I. LA FILIERE DU DEMANTELEMENT NUCLEAIRE ................................................................ 3

I.1. Les Installations Nucléaires de Base (INB) ...............................................................3 Notions préalables .................................................................................3 I.1.1. Etat des lieux des INB à démanteler en France...............................................9 I.1.2. Les acteurs du démantèlement ................................................................ 11 I.1.3. Une filière structurée par son cadre réglementaire ....................................... 14 I.1.4.

I.1.4.1. Une législation nationale et internationale ..................................... 14 I.1.4.2. Le rôle prépondérant de l'ASN dans le démantèlement nucléaire ........... 18

I.1.5. Une stratégie de démantèlement évolutive ................................................. 19 I.1.6. Une déconstruction immédiate qui nécessite néanmoins une anticipation des

opérations ......................................................................................... 21 I.1.6.1. Des étapes nécessaires pour s'assurer de la faisabilité technique des

opérations ............................................................................. 21 I.1.6.2. Des facteurs organisationnels et humains à ne pas négliger pour mener

à bien le défi du démantèlement ................................................. 23 I.1.7. Coût estimé du démantèlement des Installations Nucléaires de Base .................. 25 I.1.8. Une stratégie à même de permettre à l'industrie nucléaire française de mettre

en avant son excellence ........................................................................ 26 I.1.8.1. Une situation internationale favorable et des pouvoirs politiques

nationaux facilitant .................................................................. 26 I.1.8.2. Le triptyque formation – recherche - entreprises indispensable pour

relever le défi du démantèlement ................................................ 27 I.1.9. Des défis à relever mais de nombreux atouts ............................................... 29

I.2. Entre démantèlement et déconstruction : la problématique des sous-marins ................. 30 I.2.1. La flotte nucléaire française ................................................................... 30 I.2.2. Les opérations de démantèlement et de déconstruction ................................. 32 I.2.3. Une filière en devenir ? ......................................................................... 34

II. LES FILIERES DE LA DECONSTRUCTION DES MOYENS DE TRANSPORTS ................................ 37

II.1. Les moyens de transports maritimes et fluviaux ..................................................... 37 II.1.1. Les Bateaux de Plaisance Hors d'Usage (BPHU) ............................................. 37 II.1.2. Les bateaux de pêche, une activité soumise à la réglementation européenne ....... 44 II.1.3. Les navires civils et militaires ................................................................. 47 II.1.4. Les potentialités et les conditions de développement d'une filière en France ....... 56

II.2. Les moyens de transports terrestres ................................................................... 60 II.2.1. Généralités sur les Véhicules Hors d'Usage (VHU) .......................................... 60 II.2.2. Un enjeu environnemental, socle d'une réglementation européenne et française .. 62 II.2.3. Un réseau d'acteurs .............................................................................. 63 II.2.4. Une filière qui doit faire face à de multiples adaptations ................................ 64

II.3. Les moyens de transports ferroviaires ................................................................. 65

III. LA FILIERE DE DECONSTRUCTION DES BATIMENTS ET DES OUVRAGES DU GENIE CIVIL ............ 69

III.1. La déconstruction urbaine ............................................................................... 69 III.1.1. La notion d'écologie industrielle appliquée à la déconstruction urbaine .............. 69 III.1.2. Les freins et les leviers impactant la gestion des déchets du bâtiment et des

travaux publics ................................................................................... 71

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

CESER de Basse-Normandie

III.2. La déconstruction de barrages nécessaire au rétablissement ou à l'amélioration de la continuité écologique ..................................................................................... 74 III.2.1. A la croisée des directives communautaires et du Grenelle de l'environnement ..... 74 III.2.2. Les évolutions réglementaires : impacts et moyens mis en œuvre sur le territoire . 76 III.2.3. Retour d'expériences sur la déconstruction des ouvrages hydrauliques ................ 77 III.2.4. D'une opération technique à un véritable projet de territoire : les éléments à

prendre en compte .............................................................................. 79

IV. L'AMIANTE : UNE PROBLEMATIQUE COMMUNE AUX ACTIVITES DE DECONSTRUCTION ET DE DEMANTELEMENT ................................................................................................. 81

IV.1. Le « magic mineral », une utilisation intensive en France ......................................... 82 IV.2. Une réglementation tardive .............................................................................. 83 IV.3. Des situations de contamination multiples ............................................................ 88 IV.4. Des pathologies complexes et une mise en place de mécanismes de réparation tardifs ..... 90 IV.5. L'amiante : une réglementation, source d'évolution de la filière de déconstruction des

bâtiments .................................................................................................... 92

ANNEXE - REPERES CHRONOLOGIQUES SUR L’AMIANTE : DU « MAGIC MINERAL » A LA PIERRE TOMBALE .................................................................................................................. 97

INDEX DES SIGLES ..................................................................................................... 103

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CESER de Basse-Normandie Les filières de la déconstruction et du démantèlement nucléaire

Etat des lieux et perspectives

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INTRODUCTION

La déconstruction et le démantèlement, pour ce qui relève des éléments ou des installations nucléaires, ont pour objet la protection de l’environnement mais aussi la contribution à la préservation des ressources en valorisant les matières contenus dans les déchets. Ces préoccupations sociétales, environnementales et économiques ont fait l’objet d’une réglementation importante et complexe ces 30 dernières années, laquelle a peu à peu imposé un changement de paradigme de notre société. D’un modèle économique linéaire, la société et le monde industriel semblent se diriger de plus en plus vers un modèle d’économie circulaire plus respectueux de l’environnement, plus économe en termes de ressources et promouvant l’éco-conception et la valorisation des déchets en tant que ressources.

Compte tenu de la présence de nombreuses installations concernées le moment venu par des activités de déconstruction et de démantèlement en Basse-Normandie, il est apparu opportun au Conseil Economique, Social et Environnemental Régional de mener une réflexion visant à définir le spectre des activités relevant de la déconstruction et du démantèlement, saisir les problématiques et les enjeux environnementaux, économiques, sociaux, voire sociétaux, tant d’un niveau national qu’international.

Tout système en fin de vie ayant vocation à être déconstruit ou démantelé, les filières qui prennent en charge cette activité sont nombreuses. Si leurs modalités de déconstruction diffèrent, elles produisent toutes des déchets valorisables ou non. Ces filières sont devenues une composante à part entière de la filière industrielle notamment dans le cadre de la problématique de la transition énergétique et écologique et de l’évolution vers une économie circulaire qui réintroduit dans le circuit productif ces déchets. Au vu de la diversité des filières du point de vue de leur opportunité de développement, de leur structuration, de leur caractère inéluctable, le CESER a mené un travail et élaboré un rapport sur l’étude de 4 familles d’activités ou filières.

La première partie définira les activités liées au démantèlement nucléaire sous l’angle réglementaire et sociétal et les stratégies des différents pays en la matière au regard des dernières évènements. Les freins ou conditions indispensables au développement de ces activités feront l’objet d’une analyse, tant du point de vue économique, social que financier.

L’étude des filières de déconstruction des moyens de transports, maritimes et fluviaux, terrestres et ferroviaires, permettra de constater les différences en termes de législation et les potentialités de valorisation inter-secteurs à développer pour en faire des filières économiquement viables.

Une troisième partie sera consacrée à la déconstruction des bâtiments et des ouvrages de génie civil dont le point commun est de répondre à un enjeu environnemental de préservation des ressources. Le rôle des collectivités y apparaît comme primordial.

Enfin, la quatrième partie abordera la problématique de l’amiante, problématique commune aux filières de démantèlement et de déconstruction et dont la réglementation impacte plus largement l’ensemble des filières.

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

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A l’issue de cette réflexion globale, le CESER produira des études plus approfondies sur 3 filières qui intéressent plus particulièrement la Basse-Normandie :

- Volet I : le démantèlement nucléaire ;

- Volet II : l’amiante entre démantèlement et déconstruction ;

- Volet III : entre déconstruction et recyclage, la problématique des composites.

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CESER de Basse-Normandie Les filières de la déconstruction et du démantèlement nucléaire

Etat des lieux et perspectives

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I. LA FILIERE DU DEMANTELEMENT NUCLEAIRE

Quels que soient les choix politiques adoptés ces prochaines années, le démantèlement de sites ou d'infrastructures nucléaires, en raison de leur obsolescence, est inéluctable. Toutes les stratégies mises en place par les différents pays selon leur perception des impératifs écologiques, économiques, sociaux ou technologiques, ont été impactées par les derniers évènements internationaux en matière nucléaire et ont été revues par les décisions réglementaires ou politiques prises postérieurement.

On compte, début 2014, 437 réacteurs en exploitation dans le monde, 68 en construction et 144 à l’arrêt. Selon les évaluations de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, 300 réacteurs nucléaires seront arrêtés dans le monde dans les 20 prochaines années, dont 50 à 60 en Europe. Le nombre de réacteurs arrêtés cumulés aux autres installations nucléaires faisant ou devant faire l’objet d’un arrêt d’exploitation laisse apparaître l'activité du démantèlement comme un marché destiné à croître très fortement à partir des années 2020. Pour faire de cette filière en émergence une filière écologiquement et socialement responsable, porteuse d'emplois et d'innovation, il conviendra de répondre à de nombreux défis, défis qui seront autant d'occasions de mettre en avant ou de renforcer l'excellence française en matière nucléaire et plus précisément l'activité aval de la filière, à savoir le démantèlement nucléaire au sens large.

I.1. LES INSTALLATIONS NUCLEAIRES DE BASE (INB)

Si le mot nucléaire désigne de façon général les installations ou les activités du nucléaire civil et militaire, il convient de distinguer pour mieux comprendre leur réglementation et leur problématique, celles relevant des Installations Nucléaires de Base, celles relevant des Installations Nucléaire de Base Secrète ou celles classées pour la protection de l’environnement. Si ces installations se différencient de par leur origine, nucléaire civil ou militaire, elles se particularisent également de par la quantité de la radioactivité qui en émane et des déchets qu’elles produisent.

Notions préalables I.1.1.

Une Installation Nucléaire de Base (INB) est l'appellation réservée aux équipements qui, de par leur nature ou en raison de la quantité ou de l’activité des substances radioactives qu’ils contiennent, sont soumis à la loi du 13 juin 2006 (dite loi TSN -Transparence et Sécurité en matière Nucléaire-). Toute INB doit être autorisée par décret, pris après enquête publique et avis de l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Sa conception, sa construction, son exploitation et son démantèlement sont réglementés.

Les Installations Nucléaires de Base regroupent les réacteurs nucléaires, les installations liées au cycle du combustible nucléaire (préparation, enrichissement, fabrication, traitement et entreposage ou stockage des déchets radioactifs), les installations contenant des substances radioactives ou fissiles et les accélérateurs de

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particules en fonction de leur puissance et énergie délivrée. Ainsi les matières ou les substances radioactives1 peuvent être présentes dans cinq secteurs : l'électronucléaire (centrales nucléaires et usines de fabrication et de traitement des combustibles), la recherche (principalement les équipements de recherche du CEA), la Défense, l'industrie (stérilisation et conservation de produits alimentaires, contrôle de soudure, extraction de terres rares) et la santé.

Certaines installations dites Installations Nucléaire de Base Secrète (INBS) relèvent d'une protection au titre de la Défense Nationale et sont soumises à un régime d'autorisation et de surveillance spécifique. Celles-ci sont placées sous la surveillance du Délégué à la Sûreté Nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la Défense (DSND). Les INBS relèvent soit du Ministère de la Défense (on compte 12 installations en France), soit du Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie (au nombre de 7).

On compte également des installations commerciales ou industrielles relevant de la réglementation des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) qui, si elles utilisent des radionucléides, sont en dessous d’un certain seuil d’exemption.

Le démantèlement d’une installation nucléaire, suivant la définition de l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), couvre l'ensemble des activités, techniques ou administratives, réalisées après l'arrêt de l'installation nucléaire, afin d'atteindre un état final prédéfini. Ces activités peuvent comprendre des opérations de démontage d'équipements, d'assainissement de locaux et de sols, de destructions de structure de génie civil, de traitements, conditionnements, évacuations et éliminations de déchets radioactifs. En France, cette opération incombe aux exploitants nucléaires selon le principe du pollueur-payeur, principe réaffirmé par la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion des matières et des déchets radioactifs2. Depuis cette loi de 2006, le démantèlement doit être prévu dès la création de l’installation et une provision financière doit être constituée à cette fin. Mais bon nombre d’opérateurs avait déjà prévu ces opérations et, en ce sens, la loi a permis de renforcer et de cadrer des pratiques existantes.

1 Une substance radioactive est une substance qui contient des radionucléides naturels ou artificiels

dont l'activité ou la concentration justifie un contrôle de radioprotection. Une matière radioactive est une substance radioactive pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement. Les déchets radioactifs sont des substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n'est prévue ou envisagée (définitions ASN).

2 Loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 du programme relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs.

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Etat des lieux et perspectives

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Installations Nucléaires de Base en France

Les déchets radioactifs émanant des Installations Nucléaires de Base sont classés en 6 catégories selon leur niveau d'activité et leur période de radioactivité :

- les déchets de Haute Activité (HA), issus en grande majorité des combustibles usés après traitement ; ils représentent 0,2 % du volume total des déchets radioactifs mais 96 % de la radioactivité française (exemple : produits de fission vitrifiés) ;

- les déchets de Moyenne Activité à Vie Longue (MA-VL) -exemple : déchets en fût de béton- ;

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- les déchets de Faible Activité à Vie Longue (FA-VL) ;

- les déchets de Faible et Moyenne Activité à Vie Courte (FMA-VC) ; ils constituent 63 % du volume total des déchets radioactifs français et 0,02 % de la radioactivité (radioactivité inférieure à 31 ans -exemple : gants, blouses-) ;

- les déchets de Très Faible Activité (TFA) stockés dans un centre dédié de l'ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs) ; il est à noter que la majorité de pays étrangers considèrent ces déchets comme des déchets conventionnels et ne font donc pas l'objet d'un stockage particulier (exemple : gravats, terres, ferrailles) ;

- les déchets à vie très courte issus principalement du secteur médical.

Ainsi à chaque catégorie est associée une filière de gestion. Il est à noter que la loi française interdit le stockage sur son territoire de déchets radioactifs étrangers.

Déchets dits à vie très courte contenant des radioéléments

de période < 100 jours

Déchets dits à vie courte dont la radioactivité

provient principalement des radioéléments

de période ≤ 31 ans

Déchets dits à vie longue contenant majoritairement

des radioéléments de période > 31 ans

Très Faible Activité

(TFA)

Gestion par décroissance

radioactive sur le site de production

puis élimination dans les filières

de stockage dédiées aux déchets

conventionnels

Recyclage ou stockage dédié en surface (installation de stockage du centre industriel

de regroupement, d’entreposage et de stockage de l’Aube)

Faible Activité (FA)

Stockage de surface (centre de stockage

des déchets de l'Aube)

Stockage à faible profondeur (à l'étude dans le cadre

de la loi du 28 juin 2006)

Moyenne Activité (MA)

Haute Activité (HA)

Non applicable1 Stockage en couche géologique profonde

(en projet dans le cadre de la loi du 28 juin 2006)

Volume de déchets en % Niveau de radioactivité en % HA

Déchets de haute activité

MA-VL Déchets de moyenne activité à vie longue

FA-VL Déchets de faible activité à vie longue

FMA-VC Déchets de faible et moyenne activité à vie courte

TFA Déchets de très faible activité

Répartition du volume et du niveau de radioactivité des déchets radioactifs existants à fin 2010 Source : ANDRA

Centaines Bq/g

Millions Bq/g

Milliards Bq/g

0,2 % 96 %

3 % 4 %

7 % 0,01 %

63 % 0,02 %

27 % < 0,01 %

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Rapport - Page 7

Catégorie Volume à fin 2012

(m3 équivalent conditionné)

HA (déchets de Haute Activité) 2 700 MA-VL (déchets de Moyenne Activité à Vie Longue) 40 000 FA-VL (déchets de Faible Activité à Vie Longue) 87 000 FMA-VC (déchets de Faible et Moyenne Activité à Vie Courte) 830 000 TFA (déchets de Très Faible Activité) 360 000 DSF (Déchets Sans Filière)* 3 600

Total général ≈ 1 320 000

* Les déchets identifiés dans la catégorie DSF sont ceux qui n'entrent pour le moment dans aucune des filières existantes ou à l'étude, en raison notamment de leurs caractéristiques chimiques et physiques. Les études concernant la gestion de ces déchets sont en cours.

Volumes des déchets radioactifs, entreposés ou stockés, à fin 2012 Source : ANDRA

Catégorie Pour 2020 Pour 2030*

HA (déchets de Haute Activité) 4 000 5 300 MA-VL (déchets de Moyenne Activité à Vie Longue) 45 000 49 000 FA-VL (déchets de Faible Activité à Vie Longue) 89 000 133 000 FMA-VC (déchets de Faible et Moyenne Activité à Vie Courte) 1 000 000 1 200 000 TFA (déchets de Très Faible Activité) 762 000 1 300 000

Total général ≈ 1 900 000 ≈ 2 700 000

* Concernant l'industrie électronucléaire, les prévisions sont fondées sur une hypothèse d'allongement de la durée de fonctionnement des centrales à 50 ans et le traitement de l'ensemble des combustibles nucléaires usés. L'Inventaire national prend en compte les 58 réacteurs actuels et l'EPR de Flamanville en cours de construction.

Prévisions des volumes de déchets pour les années 2020 et 2030 Source : ANDRA

Répartition de l'origine des déchets MA-VL déjà produits

Source : ANDRA - Inventaire national des matières et déchets radioactifs - Edition 2012

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

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Répartition de l'origine des déchets HA déjà produits Source : ANDRA - Inventaire national des matières et déchets radioactifs - Edition 2012

Certains déchets font partie de l'inventaire établi par l'ANDRA mais ne font ou ne feront pas l'objet de stockage particulier. Il s'agit des déchets dits « historiques » ayant bénéficié d'un mode de traitement particulier tels que :

- l'immersion, pratiquée dès la fin des années 40 ; on estime ainsi, qu'entre 1967 et 1969, la France aurait pratiqué l'immersion de 14 200 tonnes de déchets radioactifs dans l'Atlantique et 3 200 tonnes dans le Pacifique entre 1967 et 1982, date de l'abandon de cette pratique ;

- le stockage sur les anciens sites miniers ; 50 millions de tonnes de résidus d'exploitation minière de l'uranium ont été stockés sur 17 sites ;

- le stockage hors sites de l'ANDRA ; cela concerne essentiellement des déchets contenant des radionucléides mais qui ne sont pas utilisés pour leurs propriétés radioactives ; 4 installations de stockage avaient ainsi été autorisées en France (Bellegarde en Languedoc-Roussillon, Champteussé sur Baconne en Pays de Loire, Argences en Basse-Normandie et Villeparisis en Ile-de-France).

90 % des déchets radioactifs produits en France disposent d'une filière de stockage opérationnelle.

Le déclassement est l'opération administrative qui consiste à supprimer l'installation de la liste des INB. Celui-ci ne peut intervenir qu'après la réalisation de travaux de démantèlement et qu'après justification de l'atteinte de l'état final visé par l'exploitant.

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En résumé, on comptabilise 3 grandes phases dans le cycle de vie d'une Installation Nucléaire de Base :

- la phase de conception et de construction soumise à un décret d'autorisation de création3 ;

- la phase d'exploitation relevant d'une autorisation de mise en service ou de prolongement d’activité ;

- la phase de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement autorisé par décret spécifique.

L'ASN précise que « la mise à l’arrêt définitif et le démantèlement ont pour objectif d’évacuer les matières radioactives et les déchets encore présents dans l’installation à la fin de la phase d’exploitation, à décontaminer, puis démonter les équipements des procédés mis en œuvre et enfin à assainir les locaux ayant contenu des zones à déchets radioactifs (au sens du zonage « déchets »), puis, si nécessaire, à déconstruire les bâtiments de l’installation. Cette phase de la vie de l’installation recouvre ainsi un ensemble d’opérations très variées, de natures différentes et pouvant se dérouler concomitamment dans de nombreuses parties de l’installation. Par exemple, des opérations de reprise de déchets anciens peuvent se dérouler dans une zone, alors que des opérations d’assainissement d’équipements sont en cours dans une autre, que des déconstructions de bâtiments annexes se préparent et que des unités de traitement de matériels ou de déchets sont exploitées dans un atelier spécialement aménagé à cet effet. De plus, la totalité de ces travaux peut s’étaler sur une longue période de temps avec des équipes nécessairement différentes de celles présentes en exploitation. »

Etat des lieux des INB à démanteler en France I.1.2.

Dès les années 1960, les exploitants, et notamment le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), ont procédé à des opérations de démantèlement d'installations de cycle de combustible, de laboratoires de recherche ou de réacteurs expérimentaux. Actuellement, sur les 125 Installations Nucléaires de Base présentes sur le territoire français, une trentaine d'installations françaises fait ou va faire l'objet de démantèlement. Le démantèlement de ces installations de tous types, réacteurs de production d'électricité, usines de retraitement, installations de traitement de déchets, constitue, outre un défi technologique important, un véritable enjeu économique, sociétal et environnemental pour la France et pour son industrie nucléaire. La durée du démantèlement d'une centrale étant estimée à 30 ans (de l'arrêt du réacteur à la remise en état du site), le démantèlement de ces installations s'étalera tout au long du XXIème siècle.

Ces défis techniques et technologiques vont se doubler d'un défi écologique. En effet, la déconstruction en cours des neufs réacteurs français à l'arrêt par EDF va générer, d'ici 2040, environ 800 000 tonnes de déchets conventionnels (non radioactifs et recyclés) et environ 180 000 tonnes de déchets radioactifs, en très grande majorité

3 Le chapitre III du livre V du code de l'environnement prévoit une procédure d'autorisation de

création suivie d'éventuelles autorisations ponctuant l'exploitation d'une INB, de sa mise en service jusqu'à sa mise à l'arrêt définitif et son démantèlement, en incluant d'éventuelles modifications de l'installation.

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

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à vie courte. Ce défi écologique est inscrit au cœur même du Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs 2013-2015 (PNGMDR), les objectifs de ce plan étant, en particulier, de développer de nouveaux modes de gestion à long terme des déchets radioactifs.

Concernant les réacteurs EDF, sur les 9 en cours de démantèlement en France, la majorité est constituée de réacteurs de première génération utilisant la technologie dite graphite-gaz. Cette technologie a été progressivement abandonnée dans les années 80 et remplacée par la technologie des Réacteurs à Eau Pressurisée (REP) qui équipent la totalité des 58 réacteurs en activité à l'heure actuelle.

La centrale de Brennilis, exploitée jusqu'en 1985 et dont les opérations de démantèlement ont démarré en 1997, a servi de test grandeur nature à EDF pour ses autres INB en démantèlement : Bugey 1, Chinon A1 – A2 – A3, Saint Laurent des Eaux A1 et A2, Chooz A et Superphénix implanté à Creys-Malville.

21 INB sont en cours de démantèlement au sein du Commissariat à l'Energie Atomique. On compte une grande variété d'installations : réacteurs expérimentaux, laboratoires, stations de traitement de déchets et d'effluents. Le CEA, dans le cadre du démantèlement nucléaire, se distingue par la mobilisation de sa recherche autour de la robotique, appliquée au démantèlement. Pour ce faire, le CEA a mis en place un programme de recherche et de développement en partenariat avec les grands industriels. Il est à noter que 800 agents du CEA sont mobilisés pour le démantèlement des différentes unités.

AREVA concentre notamment son activité de démantèlement autour de 4 grands chantiers majeurs. L'entreprise annonce avoir prévu un investissement de 4 milliards d'euros sur 25 ans pour le démantèlement de l'usine UP2 400 de La Hague et de ses ateliers associés. Au plus fort des chantiers, 500 à 600 personnes seront ainsi mobilisées pour l'assainissement de l'établissement et le conditionnement des déchets présents sur le site, déchets qui ne bénéficiaient d'aucune filière adaptée lors de la phase de production de l'usine. Le démantèlement de l'usine de traitement UP1 de Marcoule par 900 agents AREVA a quant à lui démarré il y a dix ans et devrait s'achever dans une vingtaine d'années. L'usine de Cadarache est la première usine fabricant du MOX4 à être démantelée. Démarrée en 2007, cette opération mobilisera 225 personnes au plus fort du chantier. AREVA, outre l'assainissement et le démantèlement de ses anciennes unités de production, s'efforce de les réindustrialiser. Ainsi, les sites d'Annecy et de Veurey, créés en 1955 et 1957 et tous deux situés en zone urbaine, ont fait l'objet d'un partenariat avec les acteurs locaux et les pouvoirs publics pour maintenir les emplois sur les zones déclassées.

Il convient de rajouter à cette liste le Laboratoire pour l’Utilisation du Rayonnement Electromagnétique d'Orsay (LURE) exploité par le CNRS et dont l'exploitation a cessé depuis 2003.

Fort de plus de vingt ans d'expérience dans le monde, les différents opérateurs ont mis en place des filières de formation internes à leur entreprise, à l'image de la filière de compagnonnage chez AREVA. Ces efforts conduiront à répondre, pour partie, aux besoins en personnel et en compétences des chantiers à venir. En effet,

4 Le Mox est un combustible nucléaire composé de 93 % d'uranium appauvri et 7 % de plutonium.

Produit uniquement par AREVA, ce combustible permet de recycler une partie de matières nucléaires issues du traitement des combustibles usés.

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au plan international, le démantèlement concerne ou concernera 90 réacteurs électronucléaires, 200 réacteurs de recherche, de nombreuses installations du cycle du combustible ou des établissements médicaux.

Installations à l'arrêt définitif ou en cours de démantèlement en 2012

Source : ASN

Les acteurs du démantèlement5 I.1.3.

• Exploitant, fournisseur ou établissement de recherche

EDF assure l'architecture industrielle et la maîtrise d'ouvrage de toutes les centrales construites en France. De plus, l'entreprise exploite 58 réacteurs nucléaires français répartis sur 19 sites (410 milliards de KWH soit plus de 87 % de la production d'électricité d'EDF). EDF s'appuie depuis 2001 sur son centre d'ingénierie, le CIDEN (Centre d'Ingénierie de la Déconstruction et de l'Environnement Nucléaire), centre entièrement dédié à la déconstruction et à l'assainissement de ses 9 centrales nucléaires et fort de 550 salariés.

AREVA maîtrise l'ensemble du cycle : l’extraction minière, la chimie de l’uranium, l’enrichissement, la fabrication du combustible, la conception et la construction des réacteurs, le service aux réacteurs, les transports, le recyclage des combustibles usés et le démantèlement. Comme indiqué précédemment, le groupe

5 Se référer à l'étude du CESER de Basse-Normandie « Le nucléaire pour l'énergie et la santé : vers un

pôle d'excellence en Basse-Normandie » - Février 2009.

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doit procéder au démantèlement de la première usine UP2-400 sur le site AREVA La Hague. Pour ce faire, AREVA s'appuie sur sa Direction des Opérations Démantèlement et Services de son Business Group Aval.

GDF-SUEZ possède et exploite 7 réacteurs en Belgique et détient des participations dans certaines centrales françaises (Chooz et Tricastin). Le groupe, qui maîtrise des compétences de l’amont à l’aval de la filière, s’est doté lui-aussi d’une organisation dédiée comprenant une Direction du Développement Nucléaire(DDN) et une Direction de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection.

Le Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) est un acteur majeur de la recherche, du développement et de l'innovation, notamment dans le domaine nucléaire. A l'origine de la filière industrielle nucléaire, le CEA compte 10 centres de recherche, 26 Equipex (équipements d'excellence), 16 Labex (laboratoires d'excellence) et 3 Idex (initiatives d'excellence). Sur les 43 INB dont disposent le CEA, 21 sont en cours de démantèlement. La Direction de l'Energie Nucléaire (DEN) a en charge, au sein du CEA, les programmes d'assainissement et de démantèlement des installations dont le CEA est l'exploitant. Le CEA a déjà procédé au démantèlement de 8 de ses INB depuis 2005.

Il est à noter que, dans le cadre des travaux du Comité stratégique de filière nucléaire, un travail est mené autour de la création d'un institut de recherche conjoint entre le CEA, EDF et AREVA afin que les acteurs de la filière mutualisent leurs travaux en termes de recherche et de développement.

• Les industriels

Le marché du démantèlement, en plein développement, attire de nombreuses entreprises notamment Alstom Power –un des leaders mondiaux pour les ilots conventionnels des centrales nucléaires (turbines…)-, les entreprises du BTP (dont Bouygues qui intervient dans la construction de l'EPR de Flamanville et Vinci partenaires historiques) et Veolia environnement. Ce dernier s'est allié par un accord stratégique au CEA le 15 janvier 2013, le PDG de Veolia annonçant viser un chiffre d'affaires annuel entre 300 et 400 millions. Outre ces grands groupes dont la Société des Techniques en Milieu Ionisant (STMI), filiale d'AREVA qui couvre plus d'un tiers du marché de l'assainissement, des centaines de PME et de sous-traitants exercent dans ce domaine d'activité. Le secteur de l'énergie nucléaire, de l’amont à l’aval, compterait 2 500 entreprises et 220 000 salariés.

• Les services ministériels

Le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie (MEDDE) et la Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) élaborent la politique et mettent en œuvre les décisions du Gouvernement relatives au secteur nucléaire civil, exceptées celles ayant trait à la sûreté nucléaire et à la radioprotection.

• Les acteurs publics

Les instituts de recherche ou de formation : Deux ont une portée nationale. L'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) conduit des programmes de recherche et apporte un appui technique aux autorités en matière de sécurité, de sûreté et de radioprotection. L'Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires

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(INSTN), créé en 1956, est un établissement public rattaché au CEA et placé sous la tutelle conjointe du Ministère de l'Enseignement Supérieur, du Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie et du Ministère du Redressement Productif. Celui-ci a pour vocation de transmettre les savoirs et savoir-faire développés au sein du CEA et est également mandaté par l'ASN pour évaluer les choix retenus par les exploitants en termes de démantèlement.

L'Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs (ANDRA) est chargée de réaliser l'inventaire des matières et des déchets radioactifs en France, de collecter les objets radioactifs et de les gérer. Elle a également pour mission de rechercher des solutions de stockage, d'exploiter, de surveiller et de sécuriser les centres de stockages, de contrôler et de remettre en état les sites pollués par la radioactivité. Créée en décembre 1991, l'ANDRA est placée sous la tutelle des Ministres en charge de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement.

L'ANDRA gère 3 centres de stockage en France. 2 sont situés dans l'Aube (un centre de stockage pour les déchets de faible et moyenne activité à vie courte depuis 1992 -le CSA- et un Centre Industriel de Regroupement, d'Entreposage et de Stockage -le CIRES-) depuis 2003 pour les déchets à très faible activité. Ces deux centres permettent de stocker 90 % des déchets radioactifs à très faible activité ou à vie courte, produits annuellement en France. Le site de Digulleville dans la Manche est, quant à lui, le 1er centre français de stockage en surface de déchets faiblement et moyennement radioactifs. L'ANDRA dispose également d'un centre dans la Meuse / Haute-Marne comprenant un laboratoire souterrain sur la commune de Bure au sein duquel l'ANDRA étudie la faisabilité d'un stockage de déchets radioactifs réversible en formation géologique profonde (projet Cigéo) associé à un espace technologique, un observatoire de l'environnement et une écothèque, lieu de conservation des échantillons des déchets stockés sur le site. Concernant le projet Cigéo, l'enquête publique démarrée en mai 2013 déterminera si le projet sera retenu ou non, pour une mise en service prévue en 2025.

Le rôle de l'ANDRA a été confirmé dans le cadre du contrat d'objectif 2013-2016 signé entre l'ANDRA et l'Etat. Par ce contrat, la France réitère son ambition en matière de gestion des déchets nucléaires et son vœu d'être un exemple et une référence au niveau international.

L'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) assure, au nom de l'Etat, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l'environnement des risques liés aux activités nucléaires. Elle contribue à l'information des citoyens.

• Les organismes nationaux

L'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) informe le Parlement des conséquences des choix à caractère scientifique et technologique retenus afin que celui-ci puisse avoir tous les éléments nécessaires à la prise de décisions. Pour ce faire, il recueille des informations auprès des acteurs de la filière (exploitants, autorités de contrôle dont l’ASN…) et met en œuvre des programmes d’études et procède à des évaluations.

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Le Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN), créé par la loi du 13 juin 2006, dite loi TSN, est une instance de concertation, d'information et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires.

L'Association Nationale des Comités et Commissions Locales d'Information (ANCCLI) est le porte-parole au niveau national des avis et préoccupations des 38 Commissions Locales d'Information (CLI) et du Comité Local d'Information et de Suivi (CLIS) du laboratoire de Bure. Ces CLI, présidées par le Président du Conseil Général, ont pour mission d'informer sur les objectifs, la nature et l'impact des activités nucléaires tels que les a institués la loi TSN. Elles rassemblent en France 3 000 membres (élus, syndicalistes, représentants d'associations, experts et personnes qualifiées).

Le Comité Stratégique de la Filière Nucléaire (CSFN) a pour mission de renforcer les relations entre les différents acteurs de la filière. Ce comité, créé par Eric Besson en juillet 2011, réunit, sous la présidence des Ministres chargés de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie et du Redressement Productif, l'ensemble des acteurs de la filière (entreprises, donneurs d'ordre, exploitants nucléaires, prestataires et sous-traitants, organisations syndicales et professionnelles, ministères de tutelle et l’ASN en tant qu’observateur).

• Les organisations internationales

L'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), organisation internationale indépendante créée en 1957 et placée sous l'égide de l'ONU, a pour objet d'encourager et de faciliter l'usage de l'énergie atomique à des fins pacifiques ainsi que la recherche dans le domaine nucléaire. Elle élabore les normes fondamentales de sûreté, sur proposition des états membres, normes servant de base commune à la rédaction des différentes réglementations nationales.

L'Agence pour l'Energie Nucléaire (AEN) est une organisation inter-gouvernementale spécialisée dans l'organisation de coopérations et de développements économiques.

La Western European Nuclear Regulators Association (WENRA club) regroupe quant à elle depuis 1999 des agences ou des organismes de régulation nucléaire. Celle-ci vise une harmonisation, par le haut, de la réglementation.

La World Association of Nuclear Operators (WANO), pendant de la WENRA, regroupe les exploitants nucléaires dont l’objectif est d’améliorer la sûreté nucléaire des installations.

Une filière structurée par son cadre réglementaire I.1.4.

I.1.4.1. Une législation nationale et internationale

Jusqu’en 1963, la sûreté nucléaire relevait de la compétence quasi exclusive du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) et aucun texte n’encadrait l’activité nucléaire. L’entrée d’EDF dans le domaine nucléaire et ses divergences croissantes avec le CEA poussèrent le Gouvernement à définir une réglementation précise concernant les installations nucléaires et à instituer un système de contrôle indépendant du CEA.

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Le décret du 11 décembre 1963 relatif aux installations nucléaires donna ainsi une définition précise des Installations Nucléaires de Base (INB), à savoir pour mémoire des installations comprenant les réacteurs nucléaires, certaines installations de préparation, d’enrichissement, de fabrication, de traitement ou d’entreposage de combustibles nucléaires ou de stockage des déchets radioactifs, les installations contenant des substances radioactives et fissiles de même que les accélérateurs de particules. L'intérêt majeur du décret fut de poser le principe de la responsabilité de l’exploitant (celui qui exerce les activités) et de soumettre obligatoirement les installations à une procédure d’autorisation. Le décret prévoyait également des sanctions en cas de non-application des règles et la création d’un corps d’inspecteur chargé du contrôle, de la sécurité et du respect des règles. Parallèlement, il instaura une Commission Interministérielle des Installations Nucléaires de Base (CIINB), notamment en charge des procédures d’autorisation des INB.

Avec l’accélération du programme français de construction de centrales nucléaires, fut créé, en 1973, au sein du Ministère de l’Industrie, le Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires (SCSIN), investi de missions de contrôle et d’inspection des INB.

Le SCSIN devint en 1991 la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN), rattachée aux deux Ministres chargés respectivement de l’Industrie et de l’Environnement. Le 22 février 2002, la Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection (DGSNR) remplaça la DSIN avec un champ de compétences étendu à la radioprotection.

Enfin, la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la Transparence et à la Sécurité en matière Nucléaire (loi TSN) créa l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante en charge du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ainsi que de l’information des citoyens sur l’état de la sûreté nucléaire.

Cette loi TSN, qui définit aujourd'hui le cadre d'exercice des INB, prévoit en outre un réexamen périodique de la sûreté des installations tous les 10 ans. Adressé à l’ASN et aux Ministres en charge de la sûreté nucléaire, le rapport de réexamen de sûreté comporte les conclusions de l’examen réalisé par l’exploitant et, le cas échéant, les dispositions envisagées pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la sûreté de l’installation. Après analyse, l’ASN peut imposer de nouvelles prescriptions techniques et communique aux Ministres chargés de la sûreté nucléaire son analyse du rapport. La loi du 13 juin 2006 a modifié de façon substantielle le régime juridique des INB en y intégrant la nécessité de prévenir les risques et les nuisances qui peuvent être créés par les installations.

Le décret d’application de la loi TSN n° 2007-1557 du 2 novembre 2007, dit « décret procédures », a quant à lui fixé les règles générales applicables à la conception, la construction, le fonctionnement, la mise à l’arrêt définitif, le démantèlement, l’entretien et la surveillance des INB. L’application de ces règles repose sur une « approche proportionnée à l’importance des risques ou inconvénients présentés par l’installation. Elle prend en compte l’ensemble des aspects techniques et des facteurs organisationnels et humains pertinents ».

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Si la loi TSN a imposé à la filière un cadre réglementaire, les événements internationaux, et notamment les accidents nucléaires, ont renforcé continuellement cet arsenal réglementaire. Ainsi :

- l’accident de la centrale de Three Mile Island (Pennsylvanie - Etats-Unis), survenu le 28 mars 1979, fit prendre conscience aux autorités de la nécessité d'anticiper les mesures à prendre en cas d'accident (conduite à tenir si accident, surveillance de la radioactivité) ;

- l’accident de Tchernobyl, survenu le 26 avril 1986, a entraîné la notion de « culture de sûreté » ;

- enfin, la catastrophe de Fukushima-Daiichi (11 mars 2011) a conduit différents pays nucléarisés, dont la France, à effectuer des Evaluations Complémentaires de Sécurité (ECS) ; ces ECS ont amené l’Autorité de Sûreté Nucléaire à imposer aux exploitants un grand nombre de prescriptions afin d'accroître la sécurité de leurs installations nucléaires.

Ainsi en France, suite à l'accident japonais et en application de la loi sur la Transparence et la Sécurité Nucléaire, le Premier Ministre François Fillon a commandé, dès le 23 mars 2011, à l’ASN une étude sur la sûreté des installations nucléaires civiles au regard de l’accident de Fukushima, en ciblant plus particulièrement les risques d’inondation, de séisme, de perte d'alimentations électriques, de perte de refroidissement ainsi que la gestion opérationnelle de situations accidentelles.

Dans son avis n° 2012-AV-0139 du 3 janvier 2012, l’ASN a considéré que les installations examinées présentaient un niveau de sûreté suffisant pour qu'aucun arrêt immédiat ne soit demandé. Dans le même temps, l’ASN estimait que la poursuite de leur exploitation nécessitait d’augmenter, dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sûreté dont elles disposaient déjà, leur robustesse face à des situations extrêmes.

La réglementation concernant les INB a été significativement renforcée par l'arrêté du 7 février 2012 dit arrêté INB. Celui-ci définit les exigences essentielles applicables aux INB pour la protection des intérêts énumérés par la loi : la sécurité, la santé et la salubrité publiques, la protection de la nature et de l'environnement. Cet arrêté complète ou remplace les précédents, à partir de juillet 2013.

De même, dans un souci d'harmonisation des pratiques au niveau européen et en complément de la réglementation nationale en cours, les Etats ont pris en compte la directive 2011/70/Euratom qui établit un cadre communautaire visant à garantir la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs. Chaque Etat doit établir un programme national de gestion des déchets radioactifs. Il est à noter que la France a anticipé et s'est déjà dotée d'un tel programme par le biais du Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs (PNGMDR).

En effet, en ce qui concerne la gestion des déchets radioactifs, la législation française a pris en compte la problématique dès 1991 par l'adoption de la loi du 30 décembre 1991 dite loi « Bataille », loi complétée par la loi de programme n° 2006-739 du 28 juin 2006 sur la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Celle-ci permet d'établir une feuille de route concernant la gestion des déchets radioactifs en France, quelle qu'en soit leur activité ou nature.

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Parmi toutes les dispositions, la loi :

- prévoit l'élaboration d'un Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs6, mis à jour tous les trois ans ;

- définit les obligations qui incombent aux exploitants nucléaires en matière de provisions pour le financement de la gestion des déchets radioactifs et du démantèlement ; la loi du 28 juin 2006 impose ainsi aux exploitants d’évaluer de manière prudente leurs charges nucléaires de long terme (démantèlement et gestion des déchets radioactifs), de constituer des provisions financières afférentes à ces charges (l’actualisation de ces provisions est soumise à des dispositions réglementaires, notamment un plafond pour le taux d’actualisation) et de constituer des actifs de couverture, comptabilisés séparément et dédiés à ces charges, pour un montant au moins égal au montant des provisions ;

- réaffirme les principes de protection de la santé des personnes et de l'environnement, la prévention ou la limitation des charges portées par les générations futures.

La Directive Européenne du 19 juillet 2011 a quant à elle permis une homogénéisation des réglementations en créant un cadre communautaire pour la gestion responsable des matières et déchets radioactifs. En réaffirmant la responsabilité de chaque Etat dans la gestion de ses déchets et en imposant la mise en place d'un programme national pour la gestion du combustible usé et des déchets nucléaires. Cette directive a de plus souligné l'intérêt du travail réalisé en France par le biais du PNGMDR. Ce PNGMDR permet de dresser un bilan régulier en matière de gestion des substances radioactives tout en définissant les besoins nouveaux et les objectifs à atteindre dans l'avenir. Le premier plan établi pour la période 2007-2009 avait montré que, si des solutions sûres de gestion à court et moyen termes des déchets existaient, il restait à trouver des solutions pour le stockage à long terme.

La pyramide réglementaire

Source : ASN

6 Les matières radioactives sont des substances radioactives valorisables pour lesquelles une

utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, éventuellement après traitement.

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Rapport - Page 18

Le plan PNGMDR 2013-2015 organise, comme les deux précédents plans, la mise en œuvre des recherches et des études sur la gestion des matières et des déchets selon les trois orientations définies par la loi :

- réduction de la quantité et de la nocivité des déchets ;

- entreposage des déchets comme étape préalable ;

- stockage en couche géologique profonde.

Pour ce faire, le PNGMDR souhaite que soient développés de nouveaux modes de gestion à long terme, à l'instar du projet Cigéo mené par l'ANDRA, tout en améliorant les modes de gestion existants.

I.1.4.2. Le rôle prépondérant de l'ASN dans le démantèlement nucléaire

La phase de démantèlement concerne l'ensemble des opérations effectuées en vue d'atteindre un état final défini permettant le déclassement de l'installation. Cette phase, qui vient en rupture complète avec la phase d'exploitation, est autorisée et approuvée par décret, conformément au titre IV du décret relatif aux Installations Nucléaires de Base et à l'article 29 de la loi du 13 juin 2006 relative à la Transparence et à la Sécurité en matière Nucléaire. Lorsqu'un exploitant prévoit, pour quelque cause que ce soit, la mise à l'arrêt définitif de son installation, il doit en informer, 3 ans avant la date de fin envisagée, les Ministres en charge de la Sûreté Nucléaire et l'Autorité de Sûreté Nucléaire. Il transmet à cette occasion une mise à jour du plan de démantèlement de l'installation, plan comprenant l'ensemble des opérations à effectuer.

Au moins un an avant la date prévue pour la mise à l'arrêt définitif d'une installation, l'exploitant doit adresser une demande d'autorisation de réaliser les opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement au Gouvernement et à l'ASN.

Cette demande comporte notamment :

- une mise à jour du plan de démantèlement (ensemble des travaux envisagés jusqu'à l'état final envisagé, délais) ;

- un rapport de sûreté applicable aux opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement et les dispositions permettant d'assurer la sûreté de l'installation ;

Phases réglementaires

Décret d’autorisationde création

Décret d’autorisation de MAD-DEM

Mise à l’arrêt définitif Déclassement

Opérations

d’exploitation

Phases techniques

Opérations de

démantèlement

Opérations de préparation à la mise à l’arrêt définitif

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- les règles générales de surveillance et d'entretien à observer pour maintenir un niveau satisfaisant de sûreté ;

- une étude de maîtrise des risques.

L'exploitant doit également joindre à son dossier, au titre des articles R. 122-1 à R. 122-16 du code de l'environnement, une étude d'impact sur l'environnement.

Le cadre institué par la loi TSN et ses décrets d'application impose en outre la réalisation d'une enquête publique.

La mise en œuvre des opérations de démantèlement telles que présentées dans le dossier accompagnant la demande d'autorisation est subordonnée à l’approbation par décret, contresigné par les Ministres chargés de la sûreté nucléaire. Cette demande d'autorisation est préalablement soumise à l'ASN pour que cette dernière vérifie que les opérations prévues garantissent un niveau de sûreté et de radioprotection optimal, que les filières de gestion des déchets soient bien définies, que le phasage des opérations soit cohérent et que les actifs mobilisés soient suffisants.

A l'issue des opérations de démantèlement, si l'état final défini par l'exploitant est atteint et si les niveaux d'assainissement le permettent, l'installation peut être déclassée et rayée de la liste des Installations Nucléaires de Base, conformément à la procédure prévue par son décret d'autorisation de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement. Dans le cas d'un démantèlement partiel, l'ASN peut exercer un réexamen de sûreté tous les 10 ans.

Afin d'entériner le déclassement de l'installation, l'exploitant de l'installation adresse à l'ASN une demande en ce sens. Le dossier de cette demande est soumis à l'avis des communes intéressées et de la Commission Locale d'Information. L'ASN peut alors soumettre à l'homologation des Ministres chargés de la sûreté nucléaire la décision portant déclassement de l'installation du régime des INB.

Afin de conserver la mémoire de l'existence passée d'une installation nucléaire sur un site, ainsi que pour prévoir d'éventuelles restrictions à l'utilisation future de l'installation ou de son site d'implantation, l'ASN peut imposer l'établissement d'une servitude comme un préalable au déclassement de l'installation.

Une stratégie de démantèlement évolutive I.1.5.

L'actualité internationale, et notamment la catastrophe de Fukushima, a bouleversé le paysage nucléaire européen et plus particulièrement les pratiques en termes de démantèlement. Ainsi l'Allemagne, en décidant le 30 juin 2011 d'arrêter les neufs réacteurs encore en service sur son territoire d'ici 2022, est entrée de plein pied dans la problématique du démantèlement. La Suisse en a fait de même en prévoyant une sortie du nucléaire d'ici 2034. En Belgique également, mais avec une précaution, cette sortie n'interviendra que sous réserve que le pays trouve d'autres sources d'énergies alternatives au nucléaire. Pour d'autres Etats, si la décision était prise de prolonger la durée de vie de leurs centrales, il n'en demeure pas moins que la problématique du démantèlement se posera à plus ou moins longs termes.

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Pour y répondre, trois stratégies peuvent être adoptées :

- Le démantèlement différé : les parties contenant des contaminants radioactifs sont traitées ou conditionnées de façon à pouvoir les maintenir en sûreté jusqu'à ce qu'elles puissent être décontaminées et démantelées quelques décennies plus tard.

- Le confinement sûr : les parties et contaminants radioactifs sont enfermés dans une structure de confinement renforcée jusqu'à ce que la radioactivité décroisse à un niveau suffisamment faible pour permettre la libération du site. Cette stratégie, retenue par le Royaume-Uni, n'est pas sans poser de questions pour les générations futures. Il est à noter que la même technique a été utilisée pour la centrale de Tchernobyl, le confinement sûr s'étant fait par le biais de la mise en sarcophage de la centrale.

- Le démantèlement immédiat : les parties contenant des contaminants ou des équipements radioactifs sont décontaminées dès la fin de l'exploitation jusqu'à un niveau permettant de libérer l'installation et d'atteindre un seuil dit de déclassement. Cette option a été retenue en France, en Belgique et en Espagne selon des procédures un peu différentes en fonction de la disponibilité des filières de déchets. Ainsi l'Espagne a opté pour le démantèlement différé pour ses centrales graphite car aucune filière de gestion de déchets n'existait tout en optant pour un démantèlement immédiat pour les centrales dotées d'une autre technologie.

Jusqu'en 2000, EDF avait pris comme option le démantèlement partiel ou différé de ses centrales françaises mises à l'arrêt et différait le démantèlement complet à 30 ou 40 ans. Sans réelle stratégie de démantèlement aux dires du responsable du CIDEN, EDF avait pour pratique, après l'arrêt définitif du réacteur, de retirer le combustible et de l'envoyer sur le site de La Hague. Les vidanges une fois faites, les installations secondaires étaient déconstruites. Venait ensuite une phase de surveillance correspondant à une phase de décroissance naturelle de la radioactivité.

Suite aux recommandations de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique et de l'Agence de Sûreté Nucléaire en 2000 préconisant une stratégie de démantèlement immédiate, l'entreprise a totalement changé sa position. En 2005, EDF s'est donc engagée, dans le cadre d'un contrat de service public avec l'Etat, à déconstruire intégralement ses 9 réacteurs à l'arrêt : Brennilis, Bugey 1, Chinon 1, 2 et 3, Chooz, Creys-Malville et Saint Laurent 1 et 2. L'achèvement de ces déconstructions étant prévu à l'horizon 2036, EDF s'appuie sur son centre d'ingénierie dédié à la déconstruction (le CIDEN).

Le Commissariat à l'Energie Atomique a opté pour la même stratégie. Depuis la création d'un fonds dédié au démantèlement en 2006, le CEA mobilise ainsi 800 agents et une direction d'objectif dédié (Département Assainissement Démantèlement Nucléaire -DADN-) afin de procéder au démantèlement de 21 de ses Installations Nucléaires de Base sur 43.

Le troisième opérateur, AREVA, a opté pour la même stratégie de démantèlement immédiat, en s'appuyant sur sa structure dédiée au démantèlement, son Business Group Aval, notamment pour la plus ancienne de ses installations, l'usine

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UP2-400 de La Hague. Néanmoins, le démarrage effectif des opérations était lié à l’obtention des décrets correspondants.

Ce revirement global de stratégie répond à un constat commun de l'ASN et des producteurs quant à la nécessité et à la volonté notamment de répondre à un enjeu sociétal et technique de la part de l'industrie nucléaire. En effet, en mettant en avant la responsabilité de l’exploitant et donc le principe du pollueur-payeur, le poids du démantèlement ne devrait pas être porté par les générations futures. Les réglementations nationales et internationales facilitent cette approche stratégique. Ainsi, que ce soit l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) ou l'Autorité de Sûreté Nucléaire, l'ensemble des organisations se prononcent en faveur d'un démantèlement immédiat et proposent des cadres réglementaires adaptés. Matériellement, cette stratégie permet d'éviter des coûts de maintenance élevés et facilite la mobilisation du personnel « historique » ayant participé à l'exploitation de la centrale afin de pouvoir s'appuyer sur son expertise et sur sa mémoire de l'exploitation. La faisabilité technique des opérations est encore un argument en faveur du démantèlement immédiat des Installations Nucléaires de Base. Les premières opérations de démantèlement ou de déclassement, sur des installations de types très différents, ont montré que les producteurs avaient acquis des compétences dans ce domaine. Néanmoins, les opérations de démantèlement immédiat soulèvent de nombreuses interrogations.

Une déconstruction immédiate qui nécessite néanmoins une I.1.6.anticipation des opérations

Si les acteurs français du nucléaire répondent tous d'un commun accord aux recommandations de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique et de l'Autorité de Sûreté Nucléaire, il n'en demeure pas moins que les opérations de démantèlement des INB représentent un chantier hors norme. Afin de ne pas laisser aux générations futures le poids des démantèlements, la filière nucléaire se doit de répondre à ces multiples enjeux industriels, environnementaux et sociaux.

I.1.6.1. Des étapes nécessaires pour s'assurer de la faisabilité technique des opérations

La première difficulté soulignée par les acteurs est celle de la faisabilité technique. Si la phase de démantèlement des installations nucléaires de nouvelles générations ou de celles en cours de construction est prévue bien en amont, il n'en fut pas de même pour les plus anciennes ; celles-ci n'ont pas été conçues en tenant compte de leur future déconstruction. Deux étapes paraissent donc incontournables pour relever le défi de la faisabilité technique du démantèlement : la réalisation d'un état des lieux précis de l'installation et la définition de la cible finale visée en termes de démantèlement.

La réalisation de l'état des lieux de l'installation à démanteler, et plus largement de son environnement, doit permettre de retracer l'historique complet de l'établissement et d'avoir une connaissance fiable des équipements qui le composent. Le retour d'expérience des premiers démantèlements a démontré que l'absence de cartographie d'un site, et notamment des incidents qui avaient pu avoir lieu, pouvait s'avérer être un obstacle au démantèlement, voire un risque. Les opérateurs

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soulignent à ce titre qu'il est impératif de conserver la « mémoire du site » sinon à travers des archives de l'exploitation du moins à travers le témoignage des anciens salariés afin de retracer au mieux l'historique de l'exploitation.

La première étape du démantèlement étant le retrait du combustible de l'installation, cela a pour effet de diminuer le risque pour l'environnement. Le risque pour les agents étant particulièrement encadré puisque des opérations de vidange et de rinçage des circuits sont réalisées, et ce le possible à distance des agents pour les protéger, afin d’enlever le plus possible de matière radioactive. Ces opérations, effectuées en milieu confiné, sont de plus très souvent réalisées en co-activité (les opérations d'exploitation et de maintenance ne s'arrêtant pas), ce qui n'est pas sans impact sur l'organisation. Les dangers potentiels déterminent les modalités d'intervention, celles-ci se faisant de façon manuelle ou à l'aide de moyens robotisés. Les interventions sont encadrées de façon à ce que les règles de dosimétries soient toujours respectées et la santé des travailleurs préservée.

L'état final visé par le démantèlement7 (déconstruction des bâtiments et retour à l'espace naturel ou réutilisation des bâtiments) impacte également fortement les processus mis en place tant au niveau de la durée, des coûts que des modalités d'intervention.

La prise en compte partielle, selon les opérateurs, du démantèlement lors de la construction des INB explique les nombreuses adaptations auxquelles le projet industriel va être confronté. Cette opération industrielle de grande ampleur doit néanmoins faire l'objet d'anticipation, notamment en ce qui concerne la problématique organisationnelle et humaine.

Outre les différents facteurs précités, les activités de démantèlement nucléaire peuvent se heurter, selon les dires du CIDEN, à une absence de disponibilités des exutoires8 or, comme le notait Florence Gauthier, experte en sûreté des réacteurs en cours de démantèlement à l’IRSN, « démanteler c’est transformer une installation nucléaire en déchets ».

Selon la loi TSN, le producteur de déchets a la responsabilité technique et financière des déchets qu’il génère, la conception, la construction et la gestion des centres de stockage étant confiées à l’ANDRA. Ainsi, concernant EDF, l’entreprise dispose, pour les déchets radioactifs à vie courte, de deux exutoires, Morvilliers et Soulaines dans l’Aube. Concernant les déchets radioactifs à vie longue, différentes solutions sont à l’étude. EDF utilise le centre d’entreposage temporaire ICEDA9 (Installation de Conditionnement et d’Entreposage de Déchets Activés) sur le site de la centrale de Bugey en attendant une évacuation définitive dans un centre de stockage. Ce dernier pourrait-être le Centre Industriel de stockage Géologique de déchets radioactifs en couche géologique profonde (Cigéo) dans la Meuse qui pourrait être destiné aux déchets à haute activité et à moyenne activité à vie longue.

7 L'état final atteint à l'issue du démantèlement doit être tel qu'il permet de prévenir les risques ou

inconvénients que peut présenter le site pour les intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du code de l'environnement, compte tenu notamment des prévisions de réutilisation du site ou des bâtiments et des meilleures méthodes et techniques d'assainissement et de démantèlement disponibles dans des conditions économiques acceptables.

8 Filières d’élimination des déchets. 9 ICEDA est une installation prévue pour entreposer, sur une surface de 8 000 m², les déchets de

moyenne activité à vie longue et ce sur une durée limitée de 50 ans.

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L’absence de seuil libératoire des déchets, spécificité française, apparaît comme une véritable problématique. En effet, de nombreux pays définissent des seuils libératoires en dessous desquels les déchets peuvent faire l’objet d’un traitement dans les filières classiques ce qui, d’une part, réduit la quantité de déchets radioactifs et, d’autre part, impacte moins la filière de gestion des déchets.

I.1.6.2. Des facteurs organisationnels et humains10 à ne pas négliger pour mener à bien le défi du démantèlement

La fin de la période d'exploitation d'une installation nucléaire et le passage à la phase de démantèlement sont vecteurs de changements. En ce sens, l'arrêté du 7 février 2012, très prescriptif en matière de démantèlement, prévoit que [les méthodes et techniques mises en œuvre par l'exploitant doivent prendre en compte les Facteurs Sociaux, Organisationnels et Humains (FSOH) pour déterminer les conditions de réalisation sûre et efficace des activités et prévenir les risques d'actions inappropriées]. Pour répondre à cette obligation, l'opérateur du chantier doit donc s'assurer de disposer d'une organisation globale à même de gérer des opérations très différentes de celles des périodes de production ou de maintenance. Cette organisation se doit de prendre en compte trois problématiques : la gestion des risques, les compétences requises pour un chantier de grande ampleur et la gestion de la sous-traitance. L'exploitant doit avant tout, ainsi que le prescrit le Code du Travail, préserver la santé et la sécurité des populations et des travailleurs. Lors des premières phases du démantèlement, les travailleurs doivent exercer dans un environnement plus radioactif. Afin d'obtenir un niveau de sûreté suffisant, l'organisation mise en place doit donc prévoir une planification des opérations et un contrôle rigoureux des interventions. Cette dernière, soumise à l'approbation de l'Autorité de Sûreté Nucléaire, concerne notamment les actions de radioprotection11 (suivi dosimétrique, choix des dispositifs de protection, objectifs de dose). Il est à noter que les agents sont exposés à d'autres risques conventionnels tels que l'amiante ou les produits chimiques. L'objectif final du démantèlement étant de débarrasser le site de toutes formes de radioactivité, la gestion des risques passe aussi par une prise en compte de la gestion des déchets. Conformément au Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs, les exploitants doivent veiller à la réduction et à la nocivité des déchets. Une étude déchet est systématiquement prévue pour tout démantèlement, cette étude faisant l'objet d'un contrôle conjoint de l'ASN et de l'IRSN. Ce travail permet de définir les zones productrices de déchets radioactifs, les zones productrices de déchets conventionnels (relevant de filières d'élimination classiques) et les processus d'élimination (stockage, valorisation ou destruction). L'absence d'une filière d'élimination peut conduire l'exploitant à entreposer des déchets au sein même de l'installation, en attente de solution. La gestion de ces déchets impose donc à l'exploitant de maintenir, voire de renforcer, le niveau de sûreté et de radioprotection du démantèlement.

10 Au sens de l'arrêté du 7 février 2012 fixant les règles relatives aux INB, les facteurs organisationnels

et humains sont définis comme des facteurs ayant une influence sur la performance humaine, tels que les compétences, l'environnement de travail, les caractéristiques des tâches et l'organisation.

11 La radioprotection est définie comme l’ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes directement ou indirectement, y compris lors des atteintes portées à l’environnement (ASN).

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Schéma gestion de déchets (ASN)

Si des capacités techniques et technologiques suffisantes sont requises pour assurer un tel chantier, il est également impératif de gérer au mieux les compétences humaines. Or, le secteur nucléaire pourrait être confronté à d'importants besoins de recrutement. EDF prévoit d'embaucher 5 000 personnes par an d'ici 2015 et, d'après le Comité Stratégique de la Filière Nucléaire12, 110 000 emplois nouveaux s'ajouteraient aux 220 000 actuels. Concernant l'activité du démantèlement nucléaire, 200 personnes pourraient être employées sur 20 ans par centrale démantelée. Il semble donc bien qu'il existe un potentiel d'emplois dans l'activité du démantèlement nucléaire mais la question de la transition des emplois actuels vers les emplois du démantèlement et plus largement de la filière se pose dès à présent. L'IRSN souligne ainsi [le maintien des moyens humains ainsi que l'excellence de l'offre de formation constituent d'ores et déjà une préoccupation au niveau européen, doit être abordé afin que l'insuffisance du potentiel de personnels qualifiés ne soit pas un facteur limitant de la sûreté et de la sécurité nucléaire]. Les premiers retours d'expérience de démantèlement ont montré que l'accent devait être mis sur le transfert de compétences inter-générationnel afin de préserver les compétences et les savoir-faire et d'assurer la transition entre les emplois actuels et ceux en devenir du démantèlement. Le CSFN a validé en ce sens, lors du comité de pilotage du 4 juillet 2013, les engagements de la filière nucléaire de favoriser l'emploi et la formation, de coordonner à l'international une offre de formation adaptée aux projets industriels de

12 Communication du CSFN lors du Comité de pilotage du 4 juillet 2013.

Mise à l’arrêt définitif Déclassement

Opérations d’exploitation

Opérations de préparation

à la mise à l’arrêt définitif

Phases techniques Opérations de démantèlement

Risques liés à l’exploitation normale

Risques liés à la gestion des déchets

Risques liés à la sécurité classique, incendie, explosion…

Risques liés au vieillissement, obsolescence, perte de mémoire

Risques liés à l’inadéquation de la surveillance, impact long terme (sols pollués)

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la filière, de soutenir l'innovation et de mettre en place un cahier des charges de la sous-traitance de la filière du nucléaire.

L'arrêté du 7 février 2012 fixant les règles relatives aux INB encadre le recours à cette pratique : « L'exploitant dispose, en interne ou au travers d'accords avec des tiers, des capacités techniques suffisantes pour assurer la maîtrise des activités… L'exploitant exerce sur les intervenants extérieurs une surveillance lui permettant de s'assurer… que les opérations qu'ils réalisent, ou que les biens ou services qu'ils fournissent, respectent les exigences définies ». La problématique de la sous-traitance a été réaffirmée lors des récentes Evaluations Complémentaires de Sûreté (ECS) menées par l'ASN à la demande du Gouvernement mais déjà présente depuis les années 80. Le recours à des entreprises prestataires est jugé trop massif, certains donneurs d'ordre emploieraient jusqu'à 20 000 agents prestataires. En ce qui concerne le secteur du démantèlement, le cas est différent. La limitation des niveaux de sous-traitance est une disposition prise en 2011 par l’ensemble des exploitants de la filière nucléaire et qui concerne l’ensemble des activités de production, de maintenance ou de démantèlement des installations. Ainsi, on peut noter que pour les opérations menées sur la centrale de Chooz, EDF s'est limité à trois niveaux de sous-traitance. Si cette pratique permet aux opérateurs de bénéficier d'une main-d'œuvre formée et donc apte à intervenir, il impose aux opérateurs, responsables de la maîtrise de la sûreté de l'installation, de maintenir et de former des collaborateurs à la surveillance de ces sous-traitants, or ces compétences internes pourraient faire défaut. Le CSFN, interrogé sur cette problématique, a donc souhaité mettre en place un cahier des charges qui définit l'ensemble des conditions de recours à cette pratique (limitation des niveaux de sous-traitance, encadrement de l'intérim, dispositions relatives aux conditions de travail et de séjour autour des sites nucléaires). Ces conditions de recours limitées et protectrices, tant pour l'agent externe à l'entreprise que pour celui engagé par le détenteur du marché, devraient faire de cette pratique un outil fiable pour répondre aux marchés du démantèlement.

Coût estimé du démantèlement des Installations Nucléaires de I.1.7.Base

Le coût du démantèlement des centrales nucléaires, et plus largement des Installations Nucléaires de Base, fait l'objet de nombreux débats. Ainsi, la loi du 13 juin 2006 et son décret d'application du 2 novembre 2007 imposent aux exploitants, dès la création de l'Installation Nucléaire de Base, d'établir un plan de démantèlement comprenant la stratégie globale de démantèlement et notamment les délais prévus. Ce plan, qui fait l'objet d'une mise à jour tout au long de la vie de l'INB, est adossé à des ressources financières pérennes. Le décret n° 2007-243 du 23 février 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires et l'arrêté du 21 mars 2007 constituent le dispositif juridique qui permet de faire reconnaître le principe de pollueur payeur. L'article 20 de la loi déchets prévoit un dispositif de sécurisation du financement des charges liées au démantèlement, à la gestion, à la reprise et au conditionnement des déchets radioactifs. L'exploitant doit constituer un portefeuille d'actifs dédiés, selon l'estimation des charges de démantèlement et des charges de gestion des déchets qu'il évalue. Ces actifs ne pourront être remis en cause, même dans le cas d'une faillite de l'exploitant. Cette opération fait l'objet d'un contrôle de l'Etat qui analyse la situation de l'exploitant,

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voire prescrit les mesures nécessaires si la provision paraît insuffisante ou inadéquate et d'un avis de l'ASN sur les rapports remis par l'exploitant pour évaluer ces charges.

[Les exploitants d'Installations Nucléaires de Base évaluent, de manière prudente, les charges de démantèlement de leurs installations ou, pour leurs installations de stockage de déchets radioactifs, leurs charges d'arrêt définitif, d'entretien et de surveillance. Ils évaluent de la même manière, en prenant notamment en compte l'évaluation fixée en application de l'article L. 542-12 du code de l'environnement, les charges de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs.] - Article 20 de la loi de programme n° 2006-739 du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

Ce contrôle de l'Etat est confié, par la loi de 2006, à la Commission Nationale d'Evaluation du Financement (CNEF), commission qui doit rendre son rapport tous les 3 ans. Au regard des incertitudes liées aux charges de démantèlement et de gestion des déchets, la CNEF a récemment estimé que le véritable coût de ce démantèlement ne serait connu qu'à échéance des opérations, soit vers la fin des années 2100.

Le coût des charges du démantèlement est évalué par les entreprises à 34,776 milliards d'euros (respectivement 18,5 milliards d'euros pour EDF, 10,5 milliards d'euros pour le CEA et 4,7 milliards d'euros pour AREVA). Le coût du projet de stockage de l'ANDRA, Cigéo, varie selon les estimations des producteurs ou de l'ANDRA de 14,4 à 35,9 milliards d'euros, ce qui explique que ces chiffres fassent l'objet de contestation par les écologistes et soient appréciés avec prudence par la Cour des Comptes13. Afin de pouvoir évaluer au mieux les besoins, l'Autorité de Sûreté Nucléaire a réalisé en 2011 un guide, à l'attention des exploitants, pour leur permettre d'évaluer au mieux le calcul de leur charge de démantèlement.

Au regard des nouvelles stratégies de démantèlement élaborées par l'ensemble des producteurs mondiaux, les coûts afférents au démantèlement devraient représenter a minima 220 milliards d'euros dans le monde sur 20 ans.

Une stratégie à même de permettre à l'industrie nucléaire I.1.8.française de mettre en avant son excellence

I.1.8.1. Une situation internationale favorable et des pouvoirs politiques nationaux facilitant

Les derniers événements ou catastrophes nucléaires, la prise en compte du démantèlement comme enjeu sociétal et technique ont totalement modifié le paysage du démantèlement nucléaire. Les stratégies envisagées par les différents pays ont subi de fortes évolutions. Pour certains, l'urgence est de passer d'un démantèlement partiel ou différé à un démantèlement complet des installations nucléaires arrivant en fin d'exploitation, exploitation qui peut d'ailleurs faire l'objet d'un prolongement dans le temps. Pour d'autres, le virage est encore plus radical : l'Allemagne, la Suisse et la Belgique ont décidé de sortir de l'ère du nucléaire et donc

13 Par une lettre du 17 mai 2011, le Premier Ministre a confié à la Cour des Comptes une demande

d'expertise des coûts de financement de la filière électronucléaire, y compris ceux relatifs au démantèlement.

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de démanteler l'ensemble de leur parc. Le marché du démantèlement international semble donc être un secteur porteur.

La France qui occupe déjà une position de leader sur ce secteur d'activité –elle est le 1er exportateur d'équipements et de services nucléaires- doit pouvoir légitiment se positionner comme acteur incontournable. Forts d'une expérience du démantèlement, les acteurs de l'industrie nucléaire français peuvent compter sur un appui important de l'Etat par le biais du Comité Stratégique de la Filière Nucléaire. Celui-ci a annoncé le 29 janvier 2013 la future signature d’un contrat de filière destiné à soutenir cette industrie en édictant un certain nombre de mesures destinées à inciter les jeunes générations à se tourner vers les métiers du nucléaire. Le CSFN a également fait le choix de soutenir l'innovation, d'accompagner la transition énergétique et de renforcer la cohésion de la filière pour conquérir des marchés à l'export. Il est à noter que certains acteurs ont déjà opéré un rapprochement à l'instar de Veolia et du CEA qui ont signé un accord stratégique dans l'assainissement et le démantèlement des INB.

Les 400 réacteurs amenés à être démantelés dans le monde dans les vingt prochaines années constituent un marché potentiel, prometteur pour les entreprises françaises.

I.1.8.2. Le triptyque formation – recherche - entreprises indispensable pour relever le défi du démantèlement

Le 29 janvier 2013, Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement Productif, et Delphine Batho, Ministre de l'Ecologie, réaffirmaient la volonté du Gouvernement d'innover, notamment en matière de démantèlement : [la filière française du démantèlement sera en particulier renforcée pour répondre aux importants besoins à venir dans tous les pays concernés, en s'appuyant sur l'excellence de nos entreprises en matière de haute technologie].

Forte de 2 500 entreprises relevant du domaine nucléaire dont de grands donneurs d'ordre dotés chacun d'un centre d'ingénierie dédié au démantèlement, la France apparaît idéalement placée sur ce segment. Ces entreprises assurent la maîtrise complète des opérations, de l'amont à l'aval en passant par les opérations de transport. 37 % d'entre elles seraient spécialisées dans la filière du démantèlement.

Le démantèlement programmé des installations en fin de vie faisant appel à des sphères de compétences variées telles que l'ingénierie, les bâtiments travaux publics, la maintenance, le nettoyage et la gestion des déchets, le marché voit apparaître de nouveaux opérateurs, voire des regroupements d'opérateurs. Il est à noter que l'Etat et les principaux industriels de la filière ont créé un fonds de modernisation des entreprises nucléaires. Ce fonds, doté de 133 millions d'euros (dont 50 millions alloués par la Banque Publique d'Investissements), devrait permettre de développer la filière.

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Entreprises de la filière aval : 168 entreprises

Taux de spécialisation : 37 %

26 % de PME indépendantes, 52 % de PME filiales

20 300 emplois directs du nucléaire

Valeur du marché : 3,5 milliards d'euros ; valeur ajoutée : 1, 5 milliard d'euros

Chiffres de la filière « aval du nucléaire » Source : Analyse PwC

Selon le cabinet Arthur D. Little, le marché mondial du démantèlement s'élèverait à 220 milliards d'euros sur 20 ans, le marché européen représentant à lui seul 74 % du marché mondial. Pour se positionner au mieux sur le marché du démantèlement, la filière française peut s'appuyer sur des activités de recherche et développement de haut niveau avec à sa tête le CEA. Ce dernier coordonne, depuis les années 70, les activités de R & D autour de trois objectifs :

- La protection des travailleurs selon le principe ALARA (As Low As Reasonably Achievable)14. L'objectif est d’éviter que l’agent ou son entourage reçoive des doses, en particulier par le développement de la robotisation, et d'assurer un suivi dosimétrique de l'intervenant de chantier. Pour prévenir les effets néfastes des rayonnements ionisants, la limite d’exposition externe annuelle d’un intervenant étant limitée à 20 millisievert, ce dernier bénéficie de tenues adaptées, d’un dosimètre et opère en zones confinées, le plus souvent par le biais de la télé-opération.

- La protection de l'environnement par la réduction des déchets et leur meilleure gestion. Le Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs joue en ce sens un rôle important en orientant les recherches sur ces thématiques. Il est à noter que s'il existe, pour 90 % des déchets radioactifs produits, des filières de gestion définitive, ce n'est pas le cas pour les 10 % restants (déchets de HA, de MAVL et de FAVL) qui font l'objet d'un stockage en attente de solutions. Les travaux menés actuellement autour de la possibilité de création d'un centre de stockage réversible profond de déchets radioactifs est une illustration des avancées en recherche et développement15. A l'initiative du Comité stratégique de la Filière Nucléaire, le CEA, EDF et AREVA devraient se regrouper afin de mutualiser leurs travaux en termes de recherche et de développement.

- La réduction des coûts du démantèlement tout en respectant la réglementation et la sûreté des installations.

Le marché du démantèlement, en France comme à l'export, devrait avoir un impact fort en termes d'emploi. Bien que les professionnels s'accordent à dire que les emplois du secteur du démantèlement ne pourront remplacer les emplois perdus suite à l'arrêt d'installations, la problématique des ressources humaines reste prégnante. Le secteur nucléaire, 3ème secteur français derrière l'automobile et l'aéronautique, envisage, toutes activités nucléaires confondues, de créer 110 000 emplois

14 Aussi bas qu'il est raisonnablement possible. 15 Projet Cigéo de centre de stockage réversible profond de déchets radioactifs en Meuse / Haute-

Marne.

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supplémentaires. Le positionnement des entreprises françaises sur les marchés étrangers du démantèlement ne pourra que renforcer ces besoins. Se posera alors le problème du transfert de compétences d'un secteur d'activité à l'autre et intergénérationnel et celui de l'attractivité des emplois.

Répartition géographique des emplois aval de la filière

Sources : Analyse PWC, année 2009

Des défis à relever mais de nombreux atouts I.1.9.

Pour faire de la filière du démantèlement nucléaire une filière industrielle stratégique, les acteurs vont devoir répondre à de nombreux défis. Technologiquement et opérationnellement, les chantiers de démantèlement sont des opérations hors norme de par leur dimension et leur complexité. Le démantèlement, non-pris en compte lors de la construction ou de l’exploitation des installations, impose un important travail préparatoire de la part des exploitants et des adaptations techniques quasi-permanentes pour parvenir à allier sécurité des hommes, de l’exploitation et impératifs économiques. Le défi financier est un autre obstacle à relever. Si des provisions de charges sont prévues, le coût du démantèlement nucléaire ne semble pas connu de façon précise, principalement au regard de la complexité des opérations et de la réglementation qui impose un haut niveau d’exigence. La problématique des déchets qui fait l’objet de nombreux débats est un autre défi à relever. L’absence d’exutoires pour certains déchets n’est pas sans poser de problème. Ainsi, les déchets à haute activité qui ne représentent que 0,2 % du volume total des déchets radioactifs produits mais 96 % de la radioactivité sont en

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attente d’un stockage adapté. Se pose aussi la question de la réduction des déchets, question prise en compte dans le Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs.

Néanmoins, la filière peut bénéficier de conditions très favorables. En effet, l’obsolescence inéluctable des installations nucléaires rend ces opérations obligatoires. Les derniers évènements tragiques en matière nucléaire ont de plus fait infléchir les Gouvernements en matière de stratégie de démantèlement. En dépit d’un prolongement éventuel des installations, les opérateurs se sont engagés dans une stratégie de démantèlement immédiat. Une trentaine d’installations sur les 125 INB que compte la France font ou vont faire l’objet de démantèlement. Le marché international du démantèlement devrait ainsi atteindre son pic d’activité au cours des années 2025. Le marché européen, qui représente 74 % du marché mondial, devrait représenter environ 160 milliards d’euros sur 20 ans (sur un marché mondial estimé à 220 milliards d’euros). Forte d’une expérience acquise dès les années 60, la France doit être en capacité de se positionner sur ce marché. Elle bénéficie de plus de l’appui du Comité Stratégique de la Filière Nucléaire qui s’est engagé à soutenir l’innovation et l’adaptation des compétences dans ce domaine d’activité. Enfin, l’usine UP2 400 sur le site de La Hague, centre de retraitement des combustibles usés qui a fonctionné pendant 40 ans, a obtenu l’autorisation de démanteler 4 de ses 7 installations. Les acteurs du nucléaire disposent là, en plus de toutes les installations de tailles diverses en démantèlement, d’un terrain d’opérations pouvant mettre en avant l’expérience française et la capacité des opérateurs et des chercheurs à se fédérer et à mener à bien un projet d’une telle envergure.

I.2. ENTRE DEMANTELEMENT ET DECONSTRUCTION : LA PROBLEMATIQUE DES SOUS-MARINS

La flotte à propulsion nucléaire française I.2.1.

Depuis 2001, la flotte sous-marine française est uniquement à propulsion nucléaire. Axée sur la dissuasion, elle se compose d'une part des Sous-marins Nucléaires Lanceurs d'Engins (SNLE) basés à Brest, chargés de la dissuasion nucléaire française et des Sous-marins Nucléaires d'Attaque (SNA) basés à Toulon, assurant la protection des SNLE et des forces navales et exerçant des missions de contrôle ou de renseignements. Parmi la flotte à propulsion nucléaire, hors sous-marins, la France possède le porte-avions Charles de Gaulle mis en service en 2001 et doté de 40 avions de combat. Ce dernier assure la couverture aérienne des théâtres d'opérations ou l'attaque d'objectifs terrestres ou navals. La question d'un deuxième porte-avions nucléaire français a fait l'objet de nombreux débats ces dernières années ; le projet semble définitivement enterré.

La maitrise d'ouvrage de ces bâtiments est assurée par la Direction Générale de l'Armement (DGA) et le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA). Les maîtres d'œuvre industriels sont, d'une part, AREVA TA pour la partie nucléaire pour les études de démantèlement de la chaufferie et, d’autre part, DCNS pour les travaux de l’ensemble du sous-marin.

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CESER de Basse-Normandie Les filières de la déconstruction et du démantèlement nucléaire

Etat des lieux et perspectives

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Nom Admission service actif Retrait du service actif

Le Redoutable 1971 1991

Le Terrible 1973 1996

L'Indomptable 1976 2005

Le Foudroyant 1974 1998

Le Tonnant 1980 1999

L'Inflexible 1985 2008

Sous-marins nucléaires lanceurs d'engins type Le Redoutable

En 1986, le Ministère de la Défense a engagé, dans le cadre du programme « Coelacanthe », le développement et la construction d'une nouvelle génération de SNLE. L'objectif est de remplacer les SNLE de type Le Redoutable au fur et à mesure de leur retrait programmé et d'assurer la présence d'au moins un SNLE en permanence en mer.

Initialement six SNLE nouvelle génération étaient prévus mais leur nombre fut ramené à quatre à la fin de la guerre froide.

Nom Admission service actif Retiré du service

Le Triomphant 1996

Le Téméraire 1998

Le Vigilant 2004

Le Terrible 2010

Sous-marins nucléaires lanceurs d'engins nouvelle génération

Les SNA de type « Rubis » seront progressivement remplacés par des bâtiments de type Barracuda à vocation plus stratégique. A la fois navires de combat et instruments de puissance, ceux-ci seront dotés d'une capacité de puissance et de frappe supérieure. Il est à noter qu'avec cette nouvelle génération de sous-marins, les opérations de maintenance du cœur combustible seront réduites.

Nom Lancement Admission service actif

Le Rubis 1979 1983

Le Saphir 1981 1984

Le Casabianca 1984 1987

L'Emeraude 1986 1988

L'Améthyste 1988 1992

Le Perle 1990 1993

Sous-marins nucléaires d'attaque type Le Rubis

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

CESER de Basse-Normandie

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Nom Mis sur cale Lancement Mise en service prévue

Le Suffren 2007 2017

Le Duguay Troin 2009 2019

Le Tourville 2011 2021

Le Dupetit-Thouars 2023

Le Duquesne 2025

Le De Grasse 2027

Sous-marins nucléaires d'attaque type Barracuda

Les opérations de démantèlement et de déconstruction I.2.2.

Les bassins de la base navale de Cherbourg accueillent actuellement cinq Sous-marins Nucléaires Lanceurs d'Engins en fin de vie. Le premier à avoir été retiré du service actif, Le Redoutable, a fait l'objet, après un démantèlement de plus de deux ans, d’un prêt par le Ministère de la Défense à la Communauté Urbaine de Cherbourg afin d'en faire l'attraction de la Cité de la Mer. Depuis, la base navale a accueilli cinq autres SNLE, déchargés de leur combustible nucléaire et en attente de déconstruction totale. En 2017, ces sous-marins devraient être rejoints par les Sous-marins Nucléaires d'Attaque de première génération, retirés du service actif à un rythme d'un tous les deux ans. L'urgence est donc bien à la déconstruction de ces bâtiments, priorité d'abord relancée par la Ministre de l'Environnement, du Transport et du Développement Durable, Nathalie Kosciusko-Morizet, en août 2010. Cette dernière a demandé aux Préfets d'œuvrer afin de mettre en place une filière de déconstruction des navires en fin de vie. Si le Livre Blanc de la Défense16 confirme le remplacement de la flotte de sous-marins, la date initiale de démarrage des travaux en serait déjà décalée.

Si les lieux, bien qu'il soit difficile de déplacer un sous-marin une fois son combustible retiré, et les dates de déconstruction de ces bâtiments ne sont pas connus, la réglementation liée à cette activité a fait l'objet d'un travail spécifique en France dès 1991, à l'occasion de la mise au retrait du service actif du Redoutable, premier sous-marin nucléaire à être réformé.

Ces opérations de démantèlement et de déconstruction font l'objet de deux démarches distinctes et ne dépendent pas du même opérateur. Le démantèlement concerne l'ensemble des opérations touchant à la sécurité nucléaire et dont la maîtrise d'ouvrage a été confiée à la Direction Générale de l'Armement et au Commissariat à l'Energie Atomique (l’objectif étant de garantir la conservation des tranches réacteurs des 6 SNLE de type Le Redoutable). La déconstruction prend en charge le traitement de la coque après séparation de la tranche réacteur, DCNS en étant le maître d'œuvre17 lors des dernières opérations réalisées sur Cherbourg.

A ce sujet, la DGA explique : « Le démantèlement est une opération sensible au point de vue de la sécurité nucléaire, techniquement délicate à réaliser, mais

16 Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale rendu public le 19 avril 2013 fixant les grandes

orientations de la loi de programmation militaire 2014-2019. 17 DCNS est une société privée à capitaux publics depuis 2003. L'Etat y est actionnaire à 65 % et Thales

à 35 %. Sa production est destinée à la Marine française à 70 %, le reste étant réservé à l'exportation.

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Etat des lieux et perspectives

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maîtrisée, notamment sur les plans de la radioprotection et du traitement des déchets. En revanche, la gestion de la coque libérée de son installation nucléaire après contrôle n'entraîne plus de contraintes particulières sur le plan de la sécurité nucléaire. Le sous-marin amputé de sa tranche réacteur est remis à l'eau et remorqué vers un quai en attente de déconstruction. Toutes ces opérations de démantèlement ont lieu dans les sites DGA du port militaire de Cherbourg. »

Plusieurs phases ponctuent ces deux opérations :

- La mise à l'arrêt définitif : Le cœur du réacteur et les différents composants énergétiques sont déchargés. Les combustibles irradiés sont placés dans la piscine de l'atelier du Homet sur le site de DCNS Cherbourg en attendant leur reprise par le CEA. Ils seront ensuite retraités ou stockés en attente de solutions.

- Le démantèlement de niveau I : Certains matériels de la tranche réacteur sont retirés, les circuits de chaufferie sont vidangés, des contrôles de paramètres d'ambiance sont installés au sein du Compartiment Réacteur Echange (CRE).

- Le démantèlement de niveau II : La partie confinée est réduite à son minimum, une décontamination poussée est faite. Les traversées de cloisons sont soudées, la tranche réacteur est découpée, séparée du reste du navire et mise en eau. L'avant et l'arrière du sous-marin sont alors joints par soudure. La coque peut être entreposée le long d'un quai. A l'issue de cette phase de 6 à 8 mois, la surveillance et l'entretien sont allégés.

- L'entreposage de longue durée : La tranche réacteur est entreposée sur une dalle sismorésistante, protégée des intempéries, en attente de la décroissance radioactive des matériaux afin d'accomplir les travaux sur les derniers équipements dans les meilleures conditions de sécurité. Cette étape est envisagée actuellement pour quelques dizaines d'années. Il est à noter que la tranche réacteur du SNLE Le Redoutable est entreposée depuis 17 ans sur Cherbourg.

- Le démantèlement de niveau III : Tous les matériaux et équipements nucléaires sont retirés. L'installation est découpée et conditionnée en futs de déchets, pris en charge par l'ANDRA.

- La déconstruction : Elle intervient après autorisation de l'autorité de sûreté. Cette opération nécessite des espaces conséquents, chaque coque mesurant plus de 100 mètres et 7 000 tonnes.

Bien que le sous-marin, une fois décontaminé, ne présente plus de risques radiologiques, son traitement reste sensible pour des raisons de secret militaire, ce qui explique que sa déconstruction ne puisse se faire qu’en France pour éviter tout risque d’espionnage.

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

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MAD : Mise à l'Arrêt Définitif DEM : Travaux de démantèlement CRE : Compartiment Réacteur Echangeurs

Processus de démantèlement des sous-marins

Une filière en devenir ? I.2.3.

Héritage de la politique de dissuasion nucléaire née de la guerre froide, l’armement nucléaire français des années 70 et 80 doit maintenant faire l’objet de démantèlement et de déconstruction. Pour que cette filière existe, il apparaît nécessaire de lever un certain nombre d’interrogations et en premier lieu la possibilité financière de répondre à ces activités. S’il est avéré que le Ministère de la Défense a l’obligation d’assurer le démantèlement de ses matériels militaires et donc celui à caractère nucléaire, il doit également constituer une provision pour charges inscrites au bilan de l’Etat. Au 31 décembre 2012, 324 millions d’euros étaient provisionnés pour les réacteurs des SNLE et des SNA. Or d’après la Cour des Comptes18, le coût du démantèlement serait sous-évalué. Celle-ci pointe notamment un provisionnement incomplet pour les chaufferies nucléaires du porte-avions Charles de Gaulle et les réacteurs des sous-marins-nucléaires, le niveau III du démantèlement des sous-marins, phase ultime et la plus complexe, n’ayant pas été prévu dans le calcul des provisions. En attente d’éléments complémentaires demandés au Ministère de la Défense par la Cour des Comptes et comme pour le nucléaire civil, se pose la question du coût du démantèlement et de la capacité des acteurs à y répondre.

Si ces opérations sont coûteuses, il n’en demeure pas moins que la France peut mettre en avant son expertise dans ce domaine. Le SNLE Le Redoutable a ainsi fait l’objet d’une série d’opération lui permettant d’atteindre le niveau II du démantèlement et a fait l’objet d’une cession à la Cité de la Mer de Cherbourg. Sa coque ayant fait l’objet de traitements particuliers, il a été possible de faire entrer

18 Rapport relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l’Etat du 22 mai 2013.

Arrivée

4 mois

MAD

4 à 6 mois

Niveau 1 6 à 8 mois

Niveau 2

Découpe

du CRE

Entreposage CRE

Niveau 3

Déconstruction coque

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l’appareil au sein du patrimoine public. Les 5 autres SNLE de type redoutable ont fait ou font pour le dernier d’entre eux l’objet d’un démantèlement de niveau II.

Ces opérations peuvent constituer un marché à long terme puisque, bien que les lois de programmation militaire puissent apporter quelques décalages dans les dates, le marché semble porteur. Ainsi après les 6 premiers SNLE de type Le Redoutable, les 6 SNA de type Le Rubis devraient être au niveau II d’ici 2030. Les 4 SNLE de seconde génération (de type Le Triomphant) arriveraient sur le marché du démantèlement en 2030, le porte-avions Charles de Gaulle en 2040, les 6 SNA de type Barracuda en 2050. En dépit des orientations politiques et des décalages de programmation, cette filière a donc un caractère pérenne.

Bien que le démantèlement et la déconstruction des sous-marins nucléaires français soient réalisés dans le respect des règles de protection de l'environnement, l'Autorité de Sûreté Nucléaire de Défense y veillant selon des normes rigoureuses, cette filière doit faire l'objet d'attention. Les filières des déchets nucléaires, bien qu'elles existent, doivent encore se développer pour accueillir notamment les déchets d'amiante contenant des radioéléments issus des sous-marins.

Pour que cette filière existe et ce malgré les contraintes économiques, il s'avère indispensable de conserver la main d'œuvre déjà formée à ces métiers spécifiques. Pour rappel, une opération de déconstruction de sous-marins emploie en moyenne une centaine d'hommes sur 24 mois. La France dispose de sites possédant les outils nécessaires à ces opérations, les espaces et les infrastructures nécessaires, les compétences et un réseau de sous-traitants désireux de s'engager. Les conditions indispensables, si ce n'est à un développement tout au moins au maintien de cette filière, sont présentes mais soumises à des orientations politiques et budgétaires.

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II. LES FILIERES DE LA DECONSTRUCTION DES MOYENS DE TRANSPORTS

La diminution des ressources naturelles, la nécessité de valoriser les systèmes en fin de cycle pour répondre à cette problématique, la préservation de l'environnement ou de la propre santé humaine font des filières de déconstruction un enjeu prioritaire pour la société. La perspective d'un développement économique, sinon durable tout au moins soutenable, a fait l'objet de nombreux débats lors du Grenelle de l'Environnement et renforce la thèse actuellement en cours de la nécessité de développer une économie circulaire qui prendrait en compte la déconstruction du produit dès sa phase de conception. Ce modèle économique qui propose de transformer les déchets en matières premières secondaires pourrait être autant d'occasions d'organiser de nouvelles filières, de favoriser l'innovation et de créer des emplois.

II.1. LES MOYENS DE TRANSPORTS MARITIMES ET FLUVIAUX

Les Bateaux de Plaisance Hors d'Usage (BPHU) II.1.1.

Avec 4 millions de plaisanciers, près de 500 installations portuaires et plus de 25 000 immatriculations supplémentaires de bateaux de plaisance par an, la France se trouve confrontée à un double problème : la gestion des places de ports et la déconstruction des Bateaux de Plaisance Hors d'Usage (BPHU). En effet, on compte au 31 août 2012, 969 644 bateaux de plaisance dont 730 812 de moins de 6 mètres. Mais parmi ces bateaux, 40 % ne navigueraient pas19 ; ils encombreraient inutilement les ports ou autres espaces ou auraient fait l'objet d'une destruction peu respectueuse de l'environnement et non déclarée. A ces bateaux s'ajoutent les bâtiments de petite construction (planches à voile, canoës, bateaux gonflables) achevant leur vie au sein de la filière de déchets classique. Environ 20 000 bateaux arriveraient en fin de vie chaque année ; ce chiffre reste une estimation car il est basé sur les nouvelles immatriculations et mériterait une étude plus approfondie. Cette situation préoccupante peut s'expliquer dans un premier temps par une absence de réglementation.

Hormis le principe de Responsabilité Elargie du Producteur (REP) promu par l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) et qui a peu de retentissement sur la filière nautique, il n'existe pas au niveau international de réglementation propre aux BPHU. La déconstruction d'un BPHU relève de la responsabilité et du bon vouloir du propriétaire. Ce vide juridique et cette problématique de BPHU croissants ont poussé les professionnels, à travers la Fédération des Industries Nautiques (FIN), à créer l'Association pour la Plaisance Eco-Responsable (APER) le 24 février 2009. Association loi 1901, l'APER a pour objectif la création et la promotion d'une filière française de déconstruction des BPHU. En s'appuyant sur un réseau de 20 points conseils et 52 déconstructeurs agréés, l'APER tente d'apporter une réponse à cette problématique en accompagnant les particuliers

19 Présentation de la filière de déconstruction des bateaux de plaisance. Association pour la Plaisance

Eco Responsable.

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dans leur recherche d'une solution respectueuse de l'environnement pour la déconstruction de leur bateau. On compte un peu plus de 600 BPHU20 déconstruits par l'entremise de l'APER.

Au-delà de cette mission, l'APER exerce une veille technologique sur la valorisation du composite en France et en Europe et assure les relations avec d'autres filières industrielles concernées par la valorisation de ce matériau (plasturgie, éolien) et différents éco-organismes (VHU, mobiles homes). Ce chiffre de 600 BPHU déconstruits est bien évidemment très faible au regard des 20 000 bateaux qui arriveraient en fin de vie chaque année. Le résultat est d'autant plus décevant que de nombreuses études européennes ont montré la faisabilité technique et économique de cette filière. En effet, depuis une quinzaine d'années, Japonais, Finlandais, Norvégiens et Français ont montré que les matériaux pouvaient être réutilisés. Seuls les matériaux composites, réduits en fragments, posent toujours des problèmes de valorisation.

Avantages Inconvénients

Le broyage

Procédé le plus simple qui permet de broyer les déchets stratifiés en fines poudres et agrégats, réutilisés ensuite pour fabriquer de nouveaux composites.

• Pas de déchet ultime non valorisable

• Polymérisation difficile qui diminue la qualité des matériaux recyclés

• Risques de combustion de broyats, dégagement de poussières irritantes et forte consommation d'énergie

L'incinération

Méthode qui consiste à brûler les déchets et à récupérer la chaleur dégagée pour la production d'énergie. Les fibres sont récupérées à part et servent de renforts

pour les bétons, les enrobés routiers…

• La résine brûle très bien • Méthode plus propre pour l'incinération à

très haute température dans les fours à cimenteries

• Pouvoir calorifique réduit • Dégagement de dioxines, furanes et CO2

La pyrolyse

Technique qui consiste à décomposer les stratifiés sous vide d'air et à haute température. Le quart des pyrogaz produits est condensé sous forme d'huiles lourdes.

Le reste sert à la production de chaleur. Les fibres sont récupérées à part.

• Technique plus propre • Le rendement reste assez faible

Démantèlement des navires en fin de vie Source : Moteur Boat Magazine, mars 2013

20 Chiffres 2012 de la déconstruction. APER. La taille des bateaux déconstruits varie de 4,75 mètres à

10,53 mètres.

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On le voit, la pierre d'achoppement est bien l'absence d'un cadre réglementaire incitatif. Tout repose sur la volonté et la responsabilité des acteurs de la filière. Néanmoins, on constate une évolution législative ces dernières années.

Jusqu'en novembre 2012, la déconstruction des BPHU pouvait être faite par un déconstructeur de véhicule hors d'usage. Le décret 2012-1304 du 28 novembre 2012 a imposé que les BPHU soient déconstruits dans des installations soumises aux normes des ICPE.

Les pouvoirs publics, soucieux d'apporter une réponse à cette problématique, se sont emparés de la question en France. Ainsi, de février à juin 2013, se sont tenues les Assises de la Mer et du Littoral21 avec parmi les 10 thématiques développées, celle de « la construction et la déconstruction navale ». Les travaux ont confirmé l'absence de cadre juridique. Le vide juridique est déjà en partie réglé par la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 qui modifie le code des transports en offrant aux ports de plaisance des possibilités d'intervention face à la présence d'un bâtiment abandonné sur leur site22. Cette loi permet aux autorités de « réquisitionner » un bâtiment pour le faire déconstruire, avec la possibilité de faire financer cette déconstruction par le propriétaire ou bien de bénéficier des retombées financières du recyclage du bateau.

Les Assises de la Mer et du Littoral ont d'ailleurs insisté sur la problématique du coût relatif de la déconstruction. L'APER estime en effet que le coût moyen de la déconstruction d'un bateau de plaisance serait de 1 207 euros (entre 500 et 2 920 euros selon la taille du bâtiment)23.

Deux solutions pour faire face à cette problématique du coût de la déconstruction ont été mises en avant par les professionnels dans le cadre des Assises de la Mer et du Littoral : d'une part, une prise en compte, dès la phase de conception, à l'instar des Installations Nucléaires de Base, d'un plan de déconstruction ; d'autre part, la mise en place d'un dispositif économique tel que l'écotaxe de déconstruction sur les produits utilisés en mer pour garantir la destruction des matériels quels qu'ils soient. Cela sans oublier les petites embarcations qui finissent le plus souvent dans les filières classiques des déchets : planche à voile, bateau, surf, aviron, dériveur.

Ces réglementations, pour être acceptées, doivent avoir une portée internationale afin de ne pas créer de distorsion de concurrence entre pays. Aux dires des professionnels, il semble que ce soit à ces conditions qu'il soit possible de répondre aux enjeux environnementaux et économiques propres à favoriser l'émergence d'une filière.

21 Sous l'égide du Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie. 22 Loi n° 2013–431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de

services de transports. 23 Ce coût est réparti entre le transport pour 30 %, la déconstruction et la dépollution pour 50 % et le

traitement des déchets pour 20 %.

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Types de bateaux déconstruits

Source : APER

Types de matériaux

Source : APER

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Ancienneté du parc de bateaux en propriété

Source : APER - ODIT, 2008

Véhicules Hors d’Usage BPHU

Contrôle technique obligatoire -

Assurance obligatoire -

Fin de vie déclarable sur la carte grise -

Valeur positive du véhicule Valeur négative

Existence d'une profession spécifique -

Taux de recyclage > 75 % - de 20 %

+ 1,6 million de tonnes par an Environ 10 000 tonnes par an

Effets rapides de l'éco-conception (- 10 ans) Effets à long terme de l'éco-conception (+ 30 ans)

Faible encombrement Encombrement 2 à 3 fois plus important

Eléments de comparaison Source : APER

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Statistiques 2012 des premières immatriculations françaises de navires de plaisance par régions et longueur

Source : © Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement DGITM/DAM/SDSI

< 5 m

5 à 6 m

6 à 7 m

7 à 8 m

8 à 10 m

10 à 12 m

12 à 15 m

15 à 18 m

ENJEUX POTENTIELS de la façade MEMN

• Développer et/ou optimiser les activités de construction et de réparation navale

• Identifier, encourager et organiser la filière de déconstruction navale

• Définir les opportunités de création d’emplois dans les filières de la construction et la déconstruction

• Développer les filières de formations adéquates

Localisation des établissements de construction et réparation navale, y compris le secteur de la plaisance sur la façade littorale MEMN

+ 240 <5m

Sources : ESRI, INSEE_SIREN, Geofla® Geolittoral, DIRM MEMN

projection : RGF93/Lambert93

Réparation navale – France2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Chiffre d'affaires 978 1060 1086 1185 1271 1384 1573 1446 1040 1150

Valeur ajoutée 314 365 350 376 410 461 528 386 277

Emploi 7151 7598 7705 8065 8573 8853 9251 9946 8382

Nombre d'entreprises 65 69 73 75 76 76 78 352Taux d'exportation (%) 57 56 57 59 60 61 58 64 51 46

nd

nd

nd nd

Sources : 2001-2007 SESSI/EAE, INSEE/SUSE (entreprises de CA de 0,1 Meuros et plus), 2008-2010 Insee/Esane, Insee/DADS, douanes ; Ifremer

Construction de navires civils et de défense – France2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Chiffre d'affaires 2712 4104 2917 3139 2941 3538 3191 3887 3988 3622Valeur ajoutée 1018 1104 942 994 989 979 1045 644 661 600

Emploi 21532 20974 18337 17522 15867 16379 15533 10911 11195 10166

Nombre d'entreprises 42 42 41 137

Taux d'exportation (%) 83 75 45 28 30 40 29 35 43

nd nd nd nd nd nd

ndSource : Insee, Entreprises, Ifremer

Construction nautique2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Chiffre d'affaires 186 245 251 228 213 226 302 1055 897 919Valeur ajoutée 67 95 88 87 76 74 99 358 305 312

Emploi 1822 2599 2356 2194 1667 1471 1533 7301 6209 6356

Nombre d'entreprises 45 52 49 48 44 43 36 nd 2220 nd

Taux d'exportation (%) 36 34 34 nd 35 43 49 11 2 1Sources : 2001-2007 SESSI/EAE, 2008-2010 Insee/Esane, douanes ; Ifremer

8 – Construction et déconstruction navale

DIRM MEMN / MCPM / CR/ 26/03/2013

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Texte tapé à la machine
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Texte tapé à la machine
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Tampon
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Données et mots clés

COMMERCE PLAISANCE

•durée de vie physique minimale = 25 ans ; âge moyen des navires démantelés = 30 ans

•Flotte européenne de navires de commerces = 25 % / flotte mondiale dont moyenne d’âge = 15 ans, France = 8 ans

Source : Mission interministérielle ; démantèlement des navires civils et militaires, mars 2007) / Analyse stratégique – âge et durée de vie des navires, L.LE PENSEC, H.PINON mars 2007,

• Gisement bateaux de plaisance =200 BPHU (source :APER, Econav, novembre 2011).

• Bateaux construits majoritairement entre 1960 et 2000. Espérance de vie entre 30 et 50 ans en fonction de l’entretien.

• Gisement potentiel bateaux de pêche = 66 % des navires > 20 ans, dont 82% < 12m (Source :Econav, novembre 2011)

• Influence écrasante sud asiatique dans le marché de la construction et déconstruction

• pour 10 ans :

◦Déconstruction européenne = 500 000 à 700 000 tonnes

◦ Déconstruction mondiale 60 à 100 millions de tonnes

(source : mémoire technique, Jean LELONG, ENSM, janvier 2013)

• Offre facilement identifiable (entreprise déconstruction) Demande volatile (propriétaire bateaux)

• Regain du marché de l’occasion

• Pression et enjeux des places de port

• Convention de Bâle, puis Convention de Hong Kong,

• Initiatives de groupement d’acteurs privés, stratégies des gestionnaires de ports sur les infrastructures existantes.

• Initiatives d’une filière de déconstruction sur la façade MEMN, à Caen, associant la Fédération des Industries Nautiques (FIN)et l’Association pour la Plaisance Eco-Responsable (APER)

• Coût moyen d’un navire facile à détruire = 100 à 200 $US/tonne

• Surcoût pour démantèlement « vert », respectant l’environnement = de 50 à 150 $US/tonne en fonction de la complexité du navire. (+75 % du prix de base)

• Gisement max français = 5 navires>100 jb et 100 à 150 <100Jb ; Gisement européen = 200 à 250>100Jb ; Gisement mondial = 700 <Jb

• Nécessité d’innovation dans les domaines du financement (intégration du coût du cycle de vie dès l’achat)

• Développer et rendre économiquement viable les technologies de démantèlement (solvolyse,

• valorisation Composite Verre/Résine (CVR), de la co-combustion en cimenterie)

Nécessité de structuration et développement des filières de recyclage et de démantèlement, stratégies financières ?/Encadrement et intégration du cycle de vie des navires

Diversification portuaire, création d’emploi : 1000 tonnes recycles / an = 1 ETP en site mécanisé.

Localisation des établissements de déconstruction, de démantèlement d’épaves, de recyclage de déchets triés et de commerce de gros déchets triés, tous secteurs

confondus

DUNKERQUE

BOULOGNE S

UR MER

DIEPPE

FECAMP

LE H

AVRE

ROUEN

CAEN

CHERBOURG

0123456

Statistiques 2012 des voiliers détruits, exportés ou radiés pour les quartiers maritimes de la façade MEMN et par taille

Source : © Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement DGITM/DAM/SDSI

< 5 m

5 à 6 m

6 à 7 m

7 à 8 m

8 à 10 m

10 à 12 m

12 à 15 m

15 à 18 m

18 à 24 m

> 24 m

No

mb

re d

e n

avi

res

2007 2008 2009 2010 2011 20120

5

10

15

20

25

Evolution des voiliers - détruits exportés radiés - par quartiers de la façade MEMN (2007 à 2012)

Source : © Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement DGITM/DAM/SDSI

DUNKERQUE

BOULOGNE SUR MER

DIEPPE

FECAMP

LE HAVRE

ROUEN

CAEN

CHERBOURG

No

mb

re d

e n

avi

res

Sources : ESRI, INSEE_SIREN, Geofla® Geolittoral, DIRM MEMN

projection : RGF93/Lambert93

Source : Rapport ADEME, Etude de la Fin de Vie des moyens de Transport en France, novembre 2006 ; Voies Navigables de France

Flotte de pêche par classe d’âge Flotte fluviale par classe d’âge

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

CESER de Basse-Normandie

Rapport - Page 44

Les bateaux de pêche, une activité soumise à la II.1.2.réglementation européenne

La question de la déconstruction des bateaux de pêche a peu fait l'objet d'études. Cette filière dépend depuis une quarantaine d'année de la réglementation européenne et notamment des Plans de Sorties de Pêche (PSP).

Dès 1983, la Commission Européenne a souhaité adopter des mesures de réduction de la flotte relevant de l'espace communautaire afin de maintenir une flotte moderne et compétitive pour adapter les pêches communautaires aux ressources marines. Les orientations définies par pays ont ainsi été déclinées en ce qui concerne la France de façon drastique. Pour atteindre les objectifs de la Commission Européenne, 4 programmes d'orientations pluriannuels ont été mis en place entre 1983 et 2002. Afin de se donner les moyens de les atteindre, la Communauté Européenne les a assortis de subventions, d'abord dans le cadre du Programme d'initiative communautaire Pesca, puis à partir de 1993 de l'IFP (Instrument Financier d'orientation de la Pêche) et enfin le FEP (Fonds Européen pour la Pêche). En 1991, la France lança le premier plan de sorties de pêche dans le cadre du plan Mellick, plan assorti d'aides publiques. Celui-ci avait pour objectif une réduction de 10 % de la puissance globale de la flotte française, soit 100 000 kW. 973 navires furent ainsi voués à la destruction, navires ayant bénéficié en moyenne d'une subvention de 120 000 francs par bâtiment de moins de 12 mètres. Ce plan permit à la France de respecter les objectifs des deux premiers plans d'orientation de la Commission Européenne. Le 3ème POP (Plan d'Orientation pour la Pêche) imposait à la France une réduction de sa flotte de 30 000 kW. Ce chiffre n'ayant pas été atteint, les aides publiques à la construction furent retirées. En 1998, un plan de sortie de flotte d'envergure fut lancé afin d'atteindre les objectifs des POP 3 et 4. Les aides publiques à l'arrêt définitif des navires furent conservées jusqu'en 2002, cette prime étant versée sous réserve de présentation du certificat de destruction, destruction à la charge du propriétaire ou sur présentation du certificat d'innavigabilité du bateau. Ces aides, modulées selon le tonnage et l'âge du navire, eurent comme effet induit d'inciter les navires les plus jeunes, bénéficiant au mieux des aides, de sortir de la flotte. En 2002, la Commission Européenne décida la mise en place d'une nouvelle politique de sortie de flotte. Chaque création de navire devait être compensée par le retrait d'un bâtiment de capacité au moins équivalente et ce sans aide. Celle destinée à la construction d'un navire neuf fut maintenue jusqu'en 2005. Afin de mobiliser au mieux les crédits disponibles, la France engagea un plan de modernisation de la flotte afin d'améliorer la sécurité des hommes, la valorisation de la ressource marine et la modernisation de la flotte. L'annonce de la fin des aides eut pour conséquence un afflux de commandes auprès des chantiers navals : 188 navires cessèrent leur activité, 84 furent modernisés entre 2002 et 2005, soit 10 % de la capacité totale de la flotte.

La période 2007-2013, marquée par le Fonds Européen de la Pêche, a confirmé la suppression des aides au renouvellement de la flotte afin d'éviter la surcapacité des bateaux, la France axant son aide sur la modernisation des navires. Priorité est donnée au remplacement des moteurs, sous réserve d'une réduction de leurs capacités, et aux travaux de sécurité et d'amélioration des conditions de travail. Le panorama de la filière laisse apparaître aujourd'hui une flotte de pêche vieillissante et de plus en plus inadaptée. Le renouvellement des bateaux se heurte à des points

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CESER de Basse-Normandie Les filières de la déconstruction et du démantèlement nucléaire

Etat des lieux et perspectives

Rapport - Page 45

de blocage économiques, les pêcheurs n'ayant pas la capacité financière d'investir. Ces derniers rapportent que la valeur d'un bateau est 40 % supérieure à celle d'avant 2004, soit avant la fin des aides publiques24. Seuls 191 bateaux ont été construits entre 2000 et 2010.

Années Plus de 12 m Moins de 12 m Total

1995 1 715 4 878 6 593

1996 1 680 4 795 6 475

1997 1 597 4 656 6 253

1998 1 535 4 583 6 118

1999 1 510 4 461 5 971

2000 1 503 4 380 5 883

2001 1 473 4 271 5 744

2002 1 454 4 256 5 710

2003 1 432 4 209 5 641

2004 1 342 4 069 5 411

2005 1 326 4 034 5 360

2006 1 265 3 697 5 232

2007 1 245 3 934 5 179

2008 1 130 3 856 4 986

2009 1 041 3 796 4 837

Evolution de la flotte de pêche française métropolitaine de 1995 à 2009

Source : IFREMER

24 Rapport parlementaire de Daniel Fasquelle, juin 2011, « Renouveler les navires pour sauver la pêche

française ».

1 7151 597 1 510 1 473 1 432

1 326 1 2451 041

4 8784 656

4 461 4 271 4 2094 034 3 934 3 796

6 593

6 2535 971

5 744 5 6415 360

5 1794 837

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

Plus de 12 m Moins de 12 m Total

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

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Rapport - Page 46

Avec une moyenne d'âge de 25 ans, la flotte de pêche présente un gisement important en termes de démantèlement dans les prochaines années. Sur les 7 265 navires français en 2011, 10 % de cette flotte serait composée de navires de plus de 40 ans et près de 70 % des navires auraient plus de 20 ans. La Commission Européenne estimant que la capacité de pêche actuelle est bien supérieure à la capacité requise pour pêcher, dans le cadre d'une activité écologiquement responsable, a défini dans le cadre du FEAMP 2014-2020 (Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche) la possibilité pour les Etats de consacrer 15 % de leur enveloppe nationale à la casse des bateaux, à la modernisation de ceux-ci ou à la cessation temporaire d'activité. La mesure adoptée par la commission pêche du Parlement Européen le 10 juillet 2013 s'est ainsi prononcée dans ce sens. Cet amendement prévoit que le renouvellement des navires de moins de 12 mètres et de plus de 35 ans puisse être subventionné jusqu'à 80 000 euros par le FEAMP. D'après les Organisations Non Gouvernementales qui contestent cet amendement, 1 000 navires en France répondraient aux critères.

Age 2000 2005 2010

≤ à 10 723 810 784

De 11 à 20 2 374 1 520 685

De 21 à 30 1 654 1 736 1 855

> à 30 935 1 277 1 425

Total 5 686 5 343 4 749

Répartition de la flotte métropolitaine par âge entre 2000 et 2010

Source : Fleet Register On the Net - Commission Européenne

0

500

1000

1500

2000

2500

≤ à 10 De 11 à 20 De 21 à 30 > à 30

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CESER de Basse-Normandie Les filières de la déconstruction et du démantèlement nucléaire

Etat des lieux et perspectives

Rapport - Page 47

La flotte de pêche n'entrant pas dans le cadre de la convention de Hong Kong, le démantèlement de cette dernière dépend de la volonté des armateurs ou de l'Etat. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, à savoir des déconstructions réalisées dans des conditions qui ne respectent pas l'environnement, les différentes études ont laissé entrevoir la possibilité de créer sur chaque façade maritime un grand site de démantèlement commun à la flotte de pêche et à la flotte de plaisance.

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

DOM 118 96 102 109 120 100 125 81 88 48 23

Métropole 80 80 77 74 82 129 119 54 39 25 25

Total 198 176 179 183 202 229 244 135 127 73 48

≤ à 12 170 149 154 168 178 200 217 129 124 67 47

> à 12 28 27 25 15 24 29 27 6 3 6 1

Nombre de constructions de navire de pêche de 2000 à 2010 Source : Fleet Register On the Net - Commission Européenne

Les navires civils et militaires II.1.3.

L'aventure du porte-avions Clémenceau et ses 12 années d'errance ont mis en exergue l'absence d'une filière de démantèlement écologique et socialement acceptable. Actuellement, en dépit de la réglementation, la majorité des bâtiments en fin de vie battant pavillon européen sont envoyés en Asie du Sud-Est pour être démantelés25. C'est ainsi que, dans le monde en 2012, 1 326 navires civils26 sont partis pour la démolition et 416 entre le 1er janvier 2013 et le 30 avril 2013, ce qui représente un recyclage de plus de 3,5 millions de tonnes de matériaux. En 2006,

25 Les navires étant destinés à être recyclés, on emploie indifféremment les termes démantèlement,

déconstruction, déchirage ou recyclage. 26 Selon l'ONG Robin des Bois.

0

20

40

60

80

100

120

140

DOM Métropole

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

CESER de Basse-Normandie

Rapport - Page 48

seuls 293 bâtiments avaient fait l'objet d'un démantèlement. En l'absence d'une réelle filière de déconstruction en France, 392 bâtiments, soit 94 % des navires détruits, ont fait l'objet d'un transfert vers les pays d'Asie. Bien qu'à la tête d'une flotte à la moyenne d'âge très basse (6,9 ans en moyenne contre 16 dans l'Union Européenne et 23 au niveau mondial), la France participe activement à la réflexion autour de la problématique de la déconstruction des navires en fin de vie. La particularité de la France, pays d'Europe à posséder la plus grande façade maritime, explique son engagement à faire évoluer les choses.

• Des fins de vie différentes

Comme l'a montré le rapport d'information sur le démantèlement des navires présenté par Marguerite Lamour27, un navire en fin de vie peut connaître différents sorts. L'océanisation28, pratiquée avec d'éventuels effets escomptés sur le tourisme, est encore utilisée par les Etats-Unis notamment pour leurs porte-avions. Cette pratique est totalement interdite en Méditerranée et en Atlantique respectivement depuis le 1er janvier 2001 et le 1er janvier 200529. Les autres zones sont soumises au Protocole de 1996 de la Convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets. Pour être autorisée hors Méditerranée et Atlantique, l'océanisation est soumise à autorisation et aux respects de directives techniques. Concernant les bâtiments militaires, l'océanisation et l'utilisation des coques à des fins de tirs militaires sont interdites depuis le 31 décembre 2004 en France. Il est à noter que l'océanisation intervenait après l'utilisation des navires comme brise lames. La Marine nationale française, mais plus largement les marines européennes, s'est depuis inscrite dans une perspective de développement durable et de respect des différentes conventions mais il faut souligner que les navires militaires ou les navires d'Etat ne peuvent faire l'objet du même traitement que les navires civils et relèvent d'une compétence étatique, le financement et les processus de leur déconstruction étant assurés par les Ministères de tutelle.

Moins écologiques, les cimetières de bateaux n'en demeurent pas moins usuels. Particulièrement fréquents pour les bateaux de pêche, la Bretagne en compte une dizaine ; cette pratique a longtemps été utilisée pour les navires militaires retirés de la flotte. Le cimetière de Landévennec sur la presqu'île de Crozon en Bretagne en est la plus grande illustration. Une cinquantaine de navires, en attente de déconstruction, quittent progressivement ce site en partie pour Le Havre, lieu retenu pour leur déconstruction dans le cadre des appels d'offres lancés par le Ministère de la Défense. Reste encore à trouver des solutions pour les grands bâtiments tels que l'ex-porte-avions Jeanne d'Arc.

27 Rapport d'information déposé à l'Assemblée Nationale par la Commission de la Défense Nationale et

des forces armées sur le démantèlement des navires et présenté par Marguerite Lamour le 24 janvier 2007.

28 Opération qui consiste à couler un bâtiment en mer. 29 Convention OSPAR (pour la protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est) de 1992, Protocole

de 1995 relatif à la prévention et à l'élimination de la pollution de la mer méditerranée par les opérations d'immersion.

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CESER de Basse-Normandie Les filières de la déconstruction et du démantèlement nucléaire

Etat des lieux et perspectives

Rapport - Page 49

De façon marginale, d'autres bâtiments, cédés par la Marine à des associations ou à des villes, sont utilisés à des fins patrimoniales comme musées. Citons le croiseur Colbert à Bordeaux ou le sous-marin Le Redoutable qui termine sa vie à la Cité de la Mer de Cherbourg.

• Un cadre juridique incomplet

Le domaine de la déconstruction des navires se caractérise par une organisation juridique internationale insuffisante. Sans encadrement contraignant, cette activité à hauts risques se déroule au mépris des règles de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et en l'absence de toute protection environnementale. La commission de l'environnement du Parlement Européen estime à [5,5 millions de tonnes, le volume des substances potentiellement nuisibles pour l'environnement qui finiront dans les chantiers de déconstruction, en particulier les boues d'hydrocarbures, les huiles, les peintures, les PVC et l'amiante, pour la période allant de 2006 à 2015]. Pour les navires en fin de vie relevant de la flotte de commerce –soit 95 % de la flotte mondiale-, l'Union Européenne applique la Convention de Bâle qui interdit l'exportation des déchets dangereux dans les pays ne relevant pas de l'OCDE. C'est ainsi qu'un navire, au regard du grand nombre de substances nocives qu'il contient, est considéré comme un déchet dangereux et ne peut faire l'objet d'un démantèlement hors de l'OCDE. Au vu de la difficulté d'application de ce règlement -plus de 90 % des navires étant démantelés selon la méthode de l'échouage30 hors OCDE pour une question de coût mais aussi d'absence de capacité de recyclage- et de la facilité pour les navires de pratiquer le dépavillonnement, l'Organisation Maritime Internationale (OMI)31 a souhaité élaborer une réglementation adaptée, à travers la convention de Hong Kong32, convention qui engagerait les Etats recycleurs et les Etats pavillonnaires.

Cette convention entend traiter, « du berceau à la tombe », l'ensemble du cycle de vie d'un bâtiment supérieur à 500 gigatonnes, hors navires d'Etat, et ce dans une démarche intégrant les problématiques sociales, environnementales et économiques. Néanmoins, le recyclage de l'acier et les installations de démantèlement ne sont pas des activités couvertes par la Convention. Cette dernière, si elle impose des obligations envers l'ensemble des acteurs de la chaîne de construction et de déconstruction, rencontre un réel obstacle. En effet, la convention est censée entrer en vigueur 24 mois après sa ratification par 15 Etats, la flotte marchande des 15 Etats devant représenter 40 % de la flotte mondiale et leur capacité de recyclage s'élevant à au moins 3 % de leur flotte au cours des 10 années précédant l'entrée en vigueur33. Eu égard à ces critères restrictifs, seuls 5 pays dans le monde ont paraphé cette convention à l'heure actuelle (France, Italie, Pays-Bas, Saint-Christophe-et-Niévès et Turquie).

30 L'échouage consiste à abandonner sur une plage les navires qui y seront découpés, au mépris de

toutes protections humaines et environnementales. 31 L'OMI, créée en 1958, est l'institution spécialisée des Nations Unies chargée d'élaborer des

dispositions relatives à la sécurité en mer. Elle regroupe 169 Etats membres. 32 Convention de Hong Kong pour un recyclage sûr et écologiquement responsable des navires adoptée

sous l'égide de l'Organisation Maritime Internationale le 15 mai 2009. 33 Article 17 de la Convention de Hong Kong.

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

CESER de Basse-Normandie

Rapport - Page 50

Anticipant la difficulté d'application de la Convention de Hong Kong qui en tout état de cause ne pourra entrer en vigueur avant 2020, la Commission Européenne a travaillé dès 2007 à l'élaboration d'une stratégie sur le démantèlement des navires. A cette fin, un Livre Vert sur les pratiques du démantèlement à destination de l'ensemble des Etats membres a été élaboré par la Commission. Ces travaux ont permis d'aboutir à des propositions réaffirmant, d'une part, l'importance de l'adhésion des Etats signataires à la convention de Hong Kong et, d'autre part, d'envisager la réduction des effets néfastes du démantèlement et ce en anticipant sur la signature de la convention de Hong Kong.

Ce Livre Vert promeut ainsi le développement des capacités européennes de déconstruction navale, prémices d'une filière, et la création d'un fonds de démantèlement, instrument financier permettant de faire appliquer le principe de pollueur payeur par les propriétaires. Les conclusions de ce travail se retrouvent dans la « stratégie de l'Union Européenne pour l'amélioration des pratiques de démantèlement des navires » dévoilée le 19 novembre 2008 par la Commission Européenne. Cette stratégie a pour objectif que le démantèlement des navires de l'Union Européenne soit réalisé de façon écologiquement rationnelle et dans des installations sûres et ce dans le monde entier. Pour ce faire, la Commission réitère les recommandations faites dans le cadre du Livre Vert en invitant les pays membres à ratifier au plus vite la Convention de Hong Kong. Consciente du temps qu'il faudra pour mettre en pratique cette convention, cette dernière devant recueillir à la fois la signature des pays propriétaires des bateaux à démanteler et des Etats assurant le recyclage de ces navires, la Commission travaille à la proposition d'un règlement européen plus immédiatement applicable. Parmi toutes les propositions figurent :

- la mobilisation d'un fond de financement, véritable instrument financier du démantèlement ;

- un régime de contrôle des installations de recyclage (contrôle et délivrance d'autorisation de démantèlement) et des Etats pavillonnaires (inventaire des matières dangereuses présentes à bord des navires, plan de démantèlement, certificat autorisant le démantèlement) ;

- un champ du démantèlement incluant les navires de commerce, de guerre et de l'ensemble des bâtiments d'Etat ;

- la mise en œuvre de méthodes de démantèlement propres à assurer un « recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires ».

Le 23 mars 2012, la Commission Européenne a repris ces éléments dans la proposition de règlement « relatif au recyclage des navires » qu'elle a déposée. Cette proposition entend faire jouer un rôle tant aux recycleurs qu'aux propriétaires de navires et reprend les propositions d'élaboration d'un plan de recyclage pour tous les navires en démantèlement, l'élaboration et le contrôle de l'inventaire des matières dangereuses présentes sur le bâtiment.

Côté recycleurs, la Commission Européenne réaffirme l'importance d'attribuer une autorisation de démantèlement préalable (accordée aux seules exploitations respectant les exigences sanitaires et environnementales). A cela s'ajoute un dispositif incitatif à travers un fonds dédié au démantèlement et réservé aux armateurs qui choisissent un site écologiquement et socialement responsable pour la déconstruction, cet outil permettant de rendre plus compétitifs les centres de

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CESER de Basse-Normandie Les filières de la déconstruction et du démantèlement nucléaire

Etat des lieux et perspectives

Rapport - Page 51

traitement européens. Lors de la Commission du 11 avril 2013, une large majorité de députés a adopté la disposition destinée à renforcer les obligations lors du démantèlement d'un navire, notamment celles concernant l'inventaire des substances dangereuses et le recyclage des matériaux. Le projet de fond de démantèlement comme instrument financier pour développer la filière s'est heurté quant à lui au refus d'une majorité de députés. Cette taxe aurait permis de récolter 150 millions d'euros par an pour subventionner des chantiers de démantèlement dits propres. Là encore, l'inquiétude de constater une distorsion de concurrence au sein des pays européens a peut-être mis un frein à la naissance d'une filière. Le prochain rendez-vous est fixé en 2015, le Parlement ayant invité la Commission Européenne à lui proposer un nouveau dispositif incitatif favorisant le démantèlement des navires, dans le respect de la santé et de la sécurité humaine et de la sauvegarde de l'environnement.

• La spécificité des bâtiments militaires ou d'Etat et notamment de la Marine française

Le marché de l'occasion des navires de guerre permet, pour partie, aux marines internationales, de renouveler régulièrement leur flotte (et donc d'éviter d'être confrontées à la problématique de la déconstruction) et de conserver une flotte relativement jeune. Ces bâtiments sont, soit vendus aux enchères, soit cédés à moindre prix aux marines en développement. Si la marine française cède également des bâtiments à d'autres nations, elle a fait le choix de déconstruire ses bateaux dans le cadre d'un plan d'action qui s'est traduit en 2009 par la conclusion de plusieurs marchés.

Cette politique de déconstruction, plus exigeante et plus complexe pour la Marine que la simple vente ou l'océanisation, entend répondre à des exigences en termes de développement durable et d'innovation. En effet, depuis 2006, suite aux déboires du Clémenceau, l'Etat a décidé d'avoir une attitude exemplaire concernant la déconstruction. Pour ce faire, les opérations de déconstruction doivent répondre à plusieurs caractéristiques :

- priorité donnée aux coques les plus anciennes ;

- recours à des marchés négociés, après publicité préalable, exécutés sur le territoire de l'Union Européenne, conformément à la réglementation européenne ;

- constitution de lots attractifs pour les industriels, représentant 3 à 4 années d'activité, afin de favoriser la concurrence et d'offrir une visibilité propre à conforter l'apparition éventuelle de nouveaux acteurs ;

- recherche de l'efficacité financière34.

Cette politique attractive pour les industriels a déjà permis la signature de plusieurs marchés. C'est ainsi que 50 embarcations et engins portuaires de la Marine stockés pour 44 d'entre eux à Brest et 6 à Cherbourg ont été confiés à la Société Gardet de Bezenac. Ces bâtiments seront déconstruits au Havre au sein d'un chantier relevant des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE).

34 Source : Ministère de la Défense.

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L'ex-bâtiment de débarquement de chars Dives et Argens et l'ex-pétrolier ravitailleur d'escadre Saône ont été confiés à un groupement momentané d'entreprises constitué des sociétés Foselev et Topp Decide qui réalisera la déconstruction à la Seyne sur Mer. Parmi les opérations déjà réalisées, on peut citer la déconstruction du dragueur Phénix démantelé par la société cherbourgeoise Construction Métalliques de l'Ouest en 2009. L'objectif affiché par la Marine est de couvrir par un contrat de déconstruction, d'ici à 2014, l'ensemble des bâtiments retirés du service, soit un équivalent de 100 000 tonnes. Pour ce faire, deux appels publics à la concurrence sont lancés par an, ce cadencement devant permettre de limiter le nombre de bâtiments stockés en attente de déconstruction et les sources de risques environnementaux.

Pour mener à bien cette politique ambitieuse, la Marine française a défini 3 étapes dans la déconstruction :

- le désarmement du navire ; certains matériels et équipements sont retirés afin d'éviter tout risque pour l'environnement ;

- l'inventaire des matières polluantes (amiante, polychlorobiphényles -PCB-, peintures au plomb…) afin de s'assurer que le chantier retenu dans le cadre de l'appel d'offre soit en capacité de les traiter ; une attention particulière est portée à la gestion et la traçabilité des déchets ;

- la déconstruction en tant que telle.

Afin de rendre les contrats de déconstruction attractifs tant pour la Marine que pour les industriels, cette dernière prévoit deux flux financiers :

- un poste de dépenses permettant de garantir la prise en charge de tous les frais (une dépense consistant en l'achat d'une prestation) ;

- un poste de recettes par lequel l'Etat récupère le produit des ventes des matières valorisables assorti de clauses d'intéressement pour l'industriel ; plus ce dernier recyclera, plus les recettes seront importantes pour l'Etat et l'industriel (une recette provenant de la valorisation).

Dans la loi de finances initiale 2012–2017, le budget total pour les opérations de déconstruction représente 138 millions d'euros. Il concerne l'ensemble des matériels terrestres, aériens ou navals.

• Un marché croissant

Si, en 2006, 293 navires seulement étaient adressés aux chantiers de démantèlement internationaux, on en comptait 1 020 en 2011 et 1 326 en 2012. L'année 2013 semble suivre le même tracé puisque pour les 4 premiers mois de l'année, l'ONG Robin des Bois en dénombre déjà 416.

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L'accroissement de l'activité répond à plusieurs causes clairement explicitées lors de la présentation du rapport de l'Assemblée Nationale préalable à l'adoption de la loi autorisant la ratification de la Convention de Hong Kong par la France35. En premier lieu, il convient de noter l'âge croissant des bâtiments qui oscille autour d'une trentaine d'années en moyenne. Pour certaines catégories, cet âge moyen a considérablement baissé du fait de la législation internationale. En effet, à la suite de l'accident en 1989 de l'Exxon Valdez qui s'échoua en Alaska en provoquant une marée noire, les Etats-Unis décidèrent d'interdire les pétroliers à coque simple. L'interdiction fut reprise en 1992 par l'OMI dans le cadre d'un amendement à la Convention MARPOL36.

Bien que la date butoir de la mise aux normes des pétroliers ou tankers à simple coque soit fixée à 2015, l'Union Européenne a d'ores et déjà pris des dispositions en interdisant les pétroliers à simple coque dans ses eaux territoriales. Si l'on peut constater une baisse du nombre de tankers démantelés entre 2012 et début 2013, les estimations font état de 800 pétroliers à simple coque devant faire l'objet d'un remplacement et par conséquent d'un démantèlement.

35 Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi n° 8 autorisant la

ratification de la Convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, 18 juillet 2012.

36 Convention internationale sur la prévention de la pollution par les navires de 1973.

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La décision de déconstruction d'un navire peut également découler d'une raison purement économique. Après avoir changé de main 3 ou 4 fois ou de pavillon, un navire peut ne plus être suffisamment rentable ou demander un coût d'entretien bien trop important ; la démolition sera alors la dernière solution. Soutenu jusqu'en 2008 -preuve en est les commandes très importantes faites aux chantiers navals jusqu'à cette date- le marché du fret est touché de plein fouet par la crise. Face à la pénurie de marchandises à transporter et à l'état de surcapacité de la flotte, de nombreux bâtiments de faible ou moyen tonnage sont envoyés à la casse alors que parallèlement des conteneurs de plus en plus grands sont construits.

Un autre facteur influant sur la filière est le cours de la ferraille. Etant une matière première par définition, la ferraille subit des variations. Ainsi, on a constaté que le prix à la tonne pouvait varier de 200 à 1 100 US Dollars la tonne sur une échelle de temps très courte.

• Une industrie asiatique

Tous les acteurs en conviennent, la capacité de déconstruction se concentre en Asie. La géographie des sites en est une des raisons : les navires peuvent facilement s'échouer, par marée haute, le long des baies comme c'est le cas dans la baie d'Alang en Inde qui compte une dizaine de kilomètres de côtes consacrées à la déconstruction ou encore Chittagong au Bangladesh. Ces sites, qui demandent des coûts d'infrastructures dérisoires, voire inexistants, emploient jusqu'à 50 000 personnes. Le site de Chittagong, d'après les autorités locales, ferait vivre 3 millions de personnes. Travailleurs et riverains sont exposés à des dangers sanitaires et environnementaux car les sites, malgré les efforts concédés ces dernières années, ne répondent pas totalement aux normes. 1 ouvrier sur 6 serait encore atteint d'asbestose.

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Les potentialités et les conditions de développement d'une II.1.4.filière en France

Depuis l'affaire du Clémenceau, le démantèlement des navires, quels qu'ils soient, a fait l'objet de très nombreuses attentions. Les différents rapports (Lamour, Cardo) ou le Livre Vert de la Commission Européenne ont tous montré la pertinence d'une filière de démantèlement au sein de l'Union Européenne et l'intérêt d'accorder autant d'importance à une filière de construction que de déconstruction. En France, suite au Grenelle de la Mer, des engagements ont été pris pour créer une véritable filière industrielle de navire en fin de vie37 en considérant l'angle emploi-formation–recherche et ce quel que soit le type de bâtiment. Cette réflexion porte aussi bien sur l'acte de démanteler que sur la filière amont (éco-conception) et la filière aval (revalorisation, traitement des déchets), l'objectif à terme étant de concevoir un déchet comme une matière première secondaire potentielle. Pour parvenir à la création d'une filière de démantèlement, française ou européenne, les différentes études ont défini les conditions nécessaires.

• Une estimation fiable du nombre de bâtiments à démanteler

L'émergence d'une telle filière ne peut se faire sans l'établissement d'un état des lieux précis du potentiel de bâtiments à démanteler. Cet état des lieux est à établir selon deux critères : l'origine des navires et leurs composants. Si l'on considère la flotte de navires français, celle-ci semble insuffisante en nombre pour permettre le développement d'une filière. On compte actuellement environ 5 400 navires battant pavillon français, navires relativement jeunes (la moyenne d'âge étant de 6,9 ans) donc peu concernés par le démantèlement. Les bâtiments les plus âgés relèvent de pavillons non européens et sont démantelés hors OCDE. Néanmoins, plus de 70 000 navires traversent la zone des Casquets, au large du Cotentin, et pourraient, en fin de vie, être captés par un marché de démantèlement et par là même favoriser l'émergence d'une filière, et ce d'autant plus qu'une grande partie des derniers pétroliers à simple coque vont devoir être démantelés.

Selon les différentes études et rapports, les navires militaires pourraient quant à eux servir de base à une filière. Le stock de navires à démanteler présente la particularité d'être parfaitement identifié, 100 000 tonnes en stock et un flux annuel de 10 000 tonnes, mais ne pourrait, à terme, assurer la pérennité d'une filière sauf à ce que celle-ci soit artificiellement subventionnée. Les sous-marins (SNLE et SNA) sont à dissocier des navires militaires car ils sont soumis à des procédures très cadrées, notamment des appels d'offre européens. De plus, leur démantèlement peut difficilement être envisagé loin du site qui a procédé au retrait de leur tranche réacteur, ces derniers devenant difficilement transportables. Il est à noter que les bâtiments militaires comme les navires de commerce rencontrent une problématique commune, celle du désamiantage.

La flotte de pêche représente un autre axe de la filière démantèlement et le plus important. Les différents Plans de Sortie de Pêche ont stimulé la filière. Mais, en dépit de ces Plans de Sorties de Pêche, le parc est vieillissant et le stock conséquent. A noter que les navires de moins de 10 mètres ne rentrent pas dans le champ des PSP et pourtant 85 % des navires sont constitués d'embarcations de moins de 12 mètres.

37 Mission parlementaire Cardo : Démantèlement des navires, 28 juin 2010.

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Des « petits » bâtiments pourraient donc venir grossir le stock de navires vieillissant à démanteler. En dehors de l'avantage de bénéficier d'un PSP, les professionnels de la pêche peuvent compenser le coût de l'opération par la vente d'une partie du matériel qui représente en moyenne un tiers du prix du bateau.

Le secteur des bateaux de plaisance possède quant à lui deux problématiques spécifiques. La première concerne la difficulté à établir le stock de navires potentiellement concernés. Le chiffre de 20 000 bateaux par an arrivant en fin de vie est régulièrement avancé, bateaux venant grossir le stock de bâtiments déjà en fin de vie et non traités. L'expérience menée avec la FIN (Fédération des Industries Nautiques) et le réseau APER (Association pour la Plaisance Eco-Responsable), sur Caen en 2005, a montré combien il était difficile de faire une estimation précise du gisement de bateaux. A cela s'ajoute la difficulté financière pour les propriétaires de prendre en charge le coût du démantèlement. Ce frein mis au démantèlement incite régulièrement les propriétaires à faire don de leur bateau plutôt qu'à prendre en charge le coût des opérations de déconstruction. La seconde problématique des bateaux de plaisance vient des matériaux utilisés. Pour rendre une filière de démantèlement fiable, il est indispensable de pouvoir valoriser les matériaux recyclés. Si les navires métalliques (ceux de la grande plaisance, de la pêche de plus de 12 mètres, des navires et des sous-marins militaires) peuvent après dépollution fournir des matières premières secondaires, il n'en est pas de même pour les bâtiments en matières composites. L'expérience menée par l'APER a montré que les bâtiments en Composite – Verre - Résine (CVR) avaient un coût de déconstruction de 100 euros au mètre. Cette problématique vient se rajouter à celle de l'identification du gisement pour faire de ce secteur un pourvoyeur sûr de la filière de démantèlement. Il n'en demeure pas moins que la problématique de la déconstruction des bateaux, au regard de leur moyenne d'âge, va se poser dans les 5 prochaines années. Or sans réglementation, les opérations continueront à être réalisées dans un respect de l'environnement peu scrupuleux.

• Un consensus politique et financier, une incitation réglementaire

La Convention de Bâle définissant le navire en fin de vie comme un déchet, donc en interdisant l'exportation hors pays d'OCDE, s'est révélée peu adaptée et surtout extrêmement contournable par les différents armateurs. De ce fait, les Etats se sont accordés, au sein de l'Organisation Maritime Internationale, sur le texte de la Convention de Hong Kong. Cette convention a pour objectif d'apporter un instrument juridique à l'ensemble des navires, à l'exception des navires de guerre et des bâtiments de moins de 500 tonneaux, mais aussi aux sites de recyclage. En prévoyant un inventaire des matières dangereuses, un plan de recyclage des bateaux, un contrôle précis des installations, cette convention a pour objectif de rendre la filière de démantèlement écologiquement et socialement responsable. La difficulté de parvenir à la ratification de cette convention par les différents Etats membres a poussé la Commission Européenne à travailler depuis 2007 à une proposition de règlement sur le recyclage des navires qui entend engager l'ensemble des parties prenantes de ce recyclage. Si la Commission Européenne est en mesure de créer un instrument juridique, la mise en place d'un instrument financier pose davantage de problème. Le Conseil Economique et Social Européen, saisi pour avis en juillet 2012, a souligné qu'il manquait au projet de règlement européen la proposition d'un instrument économique : [le CESE invite la Commission à étudier la possibilité

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d'utiliser ces fonds pour développer les capacités de démantèlement et mettre en place une filière de recyclage en Europe]. Cette dernière invite donc la Commission, d'une part, à prévoir un fonds dédié à une filière de démantèlement écologiquement et socialement responsable et, d'autre part, à contribuer à financer la construction des infrastructures nécessaires à cette dernière. Tous les observateurs sont arrivés à la conclusion que cette filière ne pouvait compter uniquement sur la valorisation des produits du démantèlement pour être viable et devait obligatoirement passer par un système de taxation. Différentes hypothèses ont été évoquées : contribution de l'industrie navale et des armateurs, taxation à l'entrée de chaque port, taxation sur les nouveaux navires.

• Des conditions propres au développement d'une filière

L'installation d'un site de déconstruction n'est pas sans poser de problèmes. Réputé polluant et bruyant, il demande à être accepté par les riverains. Pour ce faire, l'activité se doit de respecter l'ensemble des normes écologiques et relève de toute façon de la législation sur les Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE)38. Cette réglementation impose aux installations des procédures très contraignantes (étude d'impact, enquête publique). Les différentes études diligentées sur la filière de déconstruction navale s'accordent toutes pour demander une simplification pour ces installations en les identifiant sous la forme du régime d'enregistrement le moins contraignant mais écologiquement et socialement acceptable. Le site de Bassens fut un des premiers classés ICPE et ce pour accueillir le Clémenceau. Les plus récentes études montrent que 15 sites pourraient potentiellement répondre aux contraintes d'une telle installation. 3 sont déjà référencés comme ICPE permanentes : Brest, Le Havre et Bassens en Gironde (le Ministre Délégué aux Transports, Fréderic Cuvillier, a réaffirmé le 7 juin 2013 la volonté du Gouvernement de faire de ce site un acteur majeur du démantèlement). Outre l'acceptabilité sociale, ces sites doivent se trouver en lien direct avec la mer pour capter au mieux les différentes flottes. Ces activités doivent aussi pouvoir bénéficier de larges espaces à vocation industrielle pour les différentes activités : dépollution et nettoyage, déconstruction, entreposage, retraitement des effluents. Au regard du coût prévisionnel de ces installations, 20 millions d'euros pour un traitement annuel de 100 000 tonnes, la compatibilité avec d'autres activités industrielles permettrait de mutualiser les coûts et les infrastructures (cale sèche, quai, réseaux de raccordements) et de développer des activités complémentaires (industrie du ferraillage, réparation navale).

• Des moyens techniques et humains

Bien que les techniques de déconstruction de bateaux semblent opérationnelles, la filière peut se heurter à deux difficultés. La première est la problématique de l'amiante. La phase de dépollution et de nettoyage peut représenter jusqu'à deux tiers du coût de la déconstruction (amiante, PCB et autres produits toxiques). Moins performante que certains pays européens tout aussi respectueux des normes environnementales, la France pourrait souffrir d'un manque de compétitivité en ce domaine. Des recherches s'avèrent indispensables pour accroître les gains de temps et les gains financiers. Ces recherches pourraient également être mutualisées avec

38 Rubrique 2 712 de la législation sur les ICPE - Véhicules Hors d'Usage (VHU).

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d'autres secteurs d'activité. La seconde difficulté rencontrée par cette filière est l'incapacité à valoriser de façon économiquement intéressante les navires en Composite39 – Verre – Résine (CVR). 90 à 95 % des bateaux en bois, en acier ou en aluminium peuvent être recyclés mais il en est tout autrement des navires en composite qui représentent 80 % des bâtiments déconstruits. Contrairement aux navires « traditionnels », le coût du démantèlement des CVR n'est pas compensé par le bénéfice réalisé par la revente des matériels. Hormis les équipements de navigation, l'accastillage et les moyens de propulsion, les déconstructeurs peinent à valoriser les matériaux composites. La majorité des éléments du bateau sont broyés et incinérés.

L'ensemble des professionnels s'accordent à dire qu'un effort doit être fait pour valoriser au mieux ces produits. La filière nautique ne représentant que 10 % de la consommation des CVR ; elle ne peut constituer à elle seule un débouché. Il paraît nécessaire d'y associer d'autres flux de déchets. Les mobile homes, les caravanes, les trains, les matériels agricoles et de plus en plus les automobiles pourraient représenter des apports intéressants, sans oublier les pales d'éoliennes. De durée relativement restreinte, une dizaine d'années, ces pales entièrement en composite ne trouveraient pas de débouchés actuellement.

La loi du 2 juillet 2003 Urbanisme et Habitat impose à l'exploitant de provisionner les moyens du démantèlement tout au long de la vie de l'éolienne mais n’en n’impose pas les modalités. Pour exemple, le Consortium EDF EN aurait provisionné 300 000 euros pour chaque future éolienne du parc offshore français. La possibilité de développer une filière pourrait passer par la mutualisation des activités de recherche et développement des différents secteurs utilisant le même matériau.

Ventilation du marché français des composites (120 000 tonnes) par applications

39 On appelle matériau composite un matériau qui est composé de deux matériaux de nature

différente (définition du Groupement de la Plasturgie Industrielle et des Composites).

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Hormis pour la filière de déconstruction des sous-marins nucléaires, les réseaux de déconstruction de bateaux sont peu structurés. Deux types d'entreprises se rencontrent sur les chantiers actuellement : celles très spécialisées et particulièrement formées à l'élimination des déchets dangereux et celles intervenant dans le domaine du recyclage et de la dépollution quel que soit le support. Concernant les formations, si elles existent pour la déconstruction des bâtiments ou le démantèlement nucléaire, aucune n'a été pensée pour la filière nautique. Paradoxalement, aux dires du Conseil de l'Union Européenne40, l'ensemble des chantiers recycleurs actuels ne pourront faire face aux besoins de démantèlement, sans cesse croissants. A mi-chemin entre le secteur du recyclage traditionnel, celui de la construction et réparation navale et celui de la métallurgie, le secteur de la déconstruction de bateaux nécessite plus que jamais une réflexion globale quant à la formation de ses salariés.

II.2. LES MOYENS DE TRANSPORTS TERRESTRES

Généralités sur les Véhicules Hors d'Usage (VHU) II.2.1.

On estime à 1,5 million le nombre de véhicules détruits par an par la filière de déconstruction agréée, sur un total de 2,2 millions de véhicules entrant dans la catégorie des véhicules hors d'usage. La filière du recyclage automobile produirait un chiffre d'affaires annuel de 500 millions hors taxes et emploierait 12 000 salariés dans les 1 622 centres agréés et les 52 centres broyeurs41. L'activité de recyclage, soumise à une réglementation nationale et communautaire en constante évolution, impacte l'ensemble de la filière automobile.

Constructeurs et équipementiers doivent veiller à produire des matériaux éco-conçus et le collecteur se doit de respecter des normes environnementales en constante évolution. La société dans son ensemble se doit de prendre en compte les nouvelles réglementations.

Pour s'assurer d'un stockage et d'un traitement dans des conditions environnementales optimales, l'Europe et la France ont veillé à mettre en place une réglementation spécifique. Les différentes directives et décrets d'application concernant les VHU s'appliquent à 3 types de véhicules (article R 543-154 et R 543–156 du Code de l'environnement) :

- les voitures particulières - véhicules à moteur ayant au moins 4 roues et disposant de 9 places assises maximum ;

- les camionnettes - véhicules à moteur ayant au moins 4 roues destinés au transport de marchandises dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes ;

- les cyclomoteurs à 3 roues équipés d'un moteur dont la cylindrée ne dépasse pas 50 cm3.

40 Déclaration du 17 mai 2006 du Conseil de l'Union Européenne. 41 Chiffres fournis par le CNPA (Conseil National des Professionnels de l'Automobile).

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Ces véhicules hors d'usage, considérés dès lors comme des déchets dangereux42, peuvent provenir de différentes sources :

- des particuliers, pour 50 % ; en vertu du décret VHU n° 2011-153 du 4 février 2011, tout particulier propriétaire d'un VHU doit remettre son véhicule à un centre agréé par la Préfecture ; le propriétaire qui ne respecte pas la réglementation encourt une peine de 2 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende ;

- des compagnies d'assurance et des mutuelles ; on compte environ 30 % de VHU issus des sinistres automobiles ;

- des réseaux de constructeurs ;

- des fourrières, des domaines…

Les véhicules hors d'usage sont considérés comme des déchets dangereux et soumis à ce titre au Code de l'environnement. Le Conseil National des Professions de l'Automobile (CNPA) a ainsi dénombré 28 filières prenant en charge ces déchets. Parmi ces déchets, on peut distinguer :

- les déchets dangereux : huiles, batteries, liquides de freins, pots catalytiques devant faire l'objet d'un traitement particulier dans des filières agréées ; le plomb contenu dans les batteries peut ainsi être valorisé de même que la silice contenue dans les pots catalytiques qui fait l'objet de valorisation par les cimenteries ;

- les déchets banals : pneus, fauteuils, pièces métalliques et plastiques, pare-brise et vitrage ; il est à noter que la prise en charge du verre par les recycleurs, verre qui représente 2 à 3 % du poids d'une automobile, fait l'objet actuellement de nombreux débats ; son traitement ne permettrait pas aux recycleurs d'en tirer un revenu économiquement viable ; les réflexions portent sur une mutualisation de la collecte entre les éléments en verre des voitures et la collecte des verres plats du bâtiment.

Nature Quantité Réglementation

Métaux ferreux 686 kg Déchets banals

Métaux non ferreux - aluminium 43,5 kg Déchets banals

Métaux non ferreux - autres 21,5 kg Déchets banals

Batteries 10 kg Déchets dangereux

Caoutchoucs - pneumatiques 53 kg Déchets banals

Plastiques 85 kg Déchets banals

Verre 28 kg Déchets banals

Divers 61 kg Déchets banals ou dangereux

Carburant 40 litres Déchets dangereux

Huiles (liquides de frein + lubrifiants) 6 litres Déchets dangereux

Liquides de refroidissement + lave-glace 8 litres Déchets dangereux

Acide sulfurique (batterie) 3 litres Déchets dangereux

Quantité de déchets en moyenne par VHU Source : Actu environnement

42 Selon le décret 2002-540 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets, les VHU qui

contiennent des liquides ou des composants dangereux sont considérés comme des déchets dangereux.

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Les métaux ferreux, bien qu'en grande diminution dans l'automobile, sont toujours majoritaires. Ainsi l'automobile représente entre 17 et 30 % du marché de l'acier.

Un enjeu environnemental, socle d'une réglementation II.2.2.européenne et française

Si la filière de la déconstruction des VHU a fait l'objet d'une réglementation, au niveau français, dès l'après-guerre, il faut attendre 1976 pour que l'intérêt environnemental commence à être entendu comme une priorité. En complément de la réglementation déjà en place, le décret du 21 septembre 1977 imposa ainsi aux entreprises de recyclage de se mettre en conformité avec la réglementation des Installations Classées pour l'Environnement (ICPE)43. Toujours dans la même perspective, et d'une façon proactive, les acteurs de la filière VHU française s'entendirent pour conclure un accord-cadre le 10 mars 1993 visant à faire reconnaître les engagements respectifs des acteurs, pouvoirs publics, constructeurs et équipementiers, industriels du recyclage et producteurs de matériaux, afin d'améliorer le retraitement des VHU en utilisant au mieux les solutions techniques et économiques et les pratiques environnementales. Cet accord-cadre qui marquait l'engagement de l'ensemble de la filière automobile à valoriser au mieux une filière a pu servir de base aux travaux européens et particulièrement à la directive n° 2000-53 du Parlement Européen du 18 septembre 2000 qui implique la construction automobile dans le recyclage et organise la filière d'élimination des véhicules automobiles. Devenu texte de référence, cette directive a été transposée en droit français par le décret n° 2003-727 du 1er août 2003, complétée ensuite par différents arrêtés. A travers cette directive, un certain nombre d'enjeux environnementaux et d'exigences s'imposent à l'ensemble des pays membres. Celle–ci a pour ambition avant tout de limiter la production de déchets issus des véhicules, de favoriser la réutilisation, le recyclage et la valorisation des VHU et fixe de nouvelles exigences aux constructeurs.

Ainsi, la Directive fixe deux objectifs :

- le taux de réutilisation et de valorisation des véhicules doit atteindre en poids moyen par véhicule et par an :

. 85 % au plus tard le 1er janvier 2006 ;

. 95 % au plus tard le 1er janvier 2015 ;

- le taux de réutilisation et de recyclage doit atteindre en poids moyen par véhicule et par an :

. 80 % au plus tard le 1er janvier 2006 ;

. 85 % au plus tard le 1er janvier 2015.

Pour atteindre de tels taux, l'Europe encourage à limiter la production de déchets. Elle interdit un certain nombre de métaux lourds peu recyclables44 et invite les constructeurs à concevoir des véhicules qui facilitent la réutilisation et le

43 Article R 543-161 du Code de l'environnement, rubrique 2712 ou 2713. 44 Le plomb, le mercure, le cadmium et le chrome héxavalent sont limités, voire interdits, dans la

fabrication de pièces d'équipement.

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recyclage. Les dispositions réglementaires de la Directive Européenne visent quant à elles à organiser la collecte et le traitement des déchets dans de bonnes conditions environnementales. Pour ce faire, le décret de 2003 impose la reprise des véhicules hors d'usage jusqu'à leur recyclage complet et ce à titre gratuit par un démolisseur agréé. Les démolisseurs ayant la possibilité de refuser la prise en charge d'un véhicule à valeur marchande négative, la remise du véhicule peut alors s'effectuer auprès d'un broyeur qui lui peut bénéficier d'une compensation financière de la part du constructeur.

Un réseau d'acteurs II.2.3.

L'activité liée au traitement des VHU s'organise autour de deux grands acteurs, les démolisseurs au sein des 1 622 centres agréés VHU et les broyeurs répartis sur 52 sites en France.

Les centres agréés VHU sont soumis depuis 1976 à une réglementation en évolution constante. Ces derniers doivent, d'une part, être titulaires d'une autorisation au titre des Installations Classées Pour l'Environnement (ICPE) dès lors que l'exploitation dépasse 50 m² et, d'autre part, bénéficier d'un agrément préfectoral obtenu en respectant un cahier des charges reprenant les exigences techniques de la Directive Européenne de 2000. Les centres peuvent ainsi assurer la destruction administrative et physique du véhicule. Dans le cadre de cette destruction, les centres agréés sont amenés à réaliser trois activités distinctes :

- La collecte de l'élément physique et administratif : les détenteurs de VHU ont l'obligation de remettre leur véhicule aux centres agréés, sans qu'aucun frais ne leur soit facturé. En contrepartie, le centre remet à l'ancien propriétaire un certificat de destruction, certificat qui entraîne dans un premier temps l'annulation d'autorisation de circuler, puis l'annulation d'immatriculation du véhicule. Dès lors, le Service d'Immatriculation des Véhicules (SIV) reçoit les certificats.

- Le centre agréé peut ensuite procéder au traitement du véhicule, à savoir la dépollution et la déconstruction. Pour ce faire, il est d'abord procédé à la mise en sécurité du véhicule. Les organes de sécurité sont neutralisés (airbags, réservoirs GPL, prétensionneurs de ceinture), puis le véhicule est débarrassé de tous ses éléments polluants (huiles usagées, liquide de refroidissement, batteries), éléments polluants valorisés ultérieurement dans des filières spécifiques. Le démontage en tant que tel peut alors être réalisé.

- A l'issue du démontage, les centres agréés peuvent valoriser les pièces démontées en les revendant sur le marché français ou le marché européen (la France est le premier exportateur de pièces détachées) ou sur le marché de la rénovation dans le cadre de la pratique de l'échange standard réalisé par les constructeurs. En ce qui concerne la carcasse du véhicule, dépolluée, et dont toutes les pièces récupérées ont été tracées, celle–ci peut faire l'objet d'une reprise par les broyeurs afin d'en valoriser les matières. Ces dernières seront réintroduites, après broyage, dans les industries métallurgiques et sidérurgiques comme matières premières secondaires. Il est à noter que les broyeurs, comme les centres agréés, sont soumis à autorisation préfectorale.

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Rapport - Page 64

Autovinyle

Une filière qui doit faire face à de multiples adaptations II.2.4.

Si la filière a su s'organiser et s'adapter aux directives européennes et aux transpositions de ces directives en droit français, celle-ci est confrontée à un problème grandissant, celui de la concurrence exercée par une filière parallèle. Selon les chiffres de l'Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME), près de 1 000 chantiers sauvages exerceraient en toute illégalité. Dépourvue d'agrément préfectoral, cette filière clandestine traiterait 500 000 véhicules par an, soit un tiers de ceux traités par la filière légale. Cette problématique a fait l'objet d'une communication commune du Ministre de l'Intérieur, du Ministre de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie et du Ministre du Redressement Productif, le 27 novembre 2012. Pour faire face à cette concurrence déloyale, l'Etat entend lancer une action nationale de contrôle de centres VHU illégaux afin, d'une part, de pallier aux risques environnementaux et, d'autre part, pour soutenir l'économie de la filière automobile.

[Certains centres VHU exercent encore une activité sans agrément. Ces filières illégales de prise en charge des déchets et les trafics associés sont dommageables, tant en termes environnementaux qu'économiques. Elles ne réalisent pas la dépollution dans les règles de l'art et constituent un frein économique pour le développement de la filière régulière et des emplois correspondants. Le développement d'une filière de traitement des véhicules hors d'usage toujours plus professionnelle et solide est ainsi l'un des enjeux essentiels du « plan de soutien à la

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Etat des lieux et perspectives

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filière automobile » présenté par le Ministre du Redressement Productif le 25 juillet 2012.]45

Les contrôles prévus auront une double finalité : d'une part, faire cesser l'activité de cette filière illégale et, d'autre part, mettre en conformité l'ensemble des exploitants légaux parmi lesquels certains ne répondraient pas totalement aux exigences réglementaires, notamment en termes environnementaux et d'objectifs de résultats. Parmi les 246 inspections menées fin 2012, il a été retenu 106 procédures pénales, 15 suspensions d'activité, 131 mises en demeure et 4 propositions de mise en conformité. Ces inspections ont été réaffirmées comme des priorités pour les inspecteurs d'installations classées en 2013.

L'ensemble de ces contrôles va certainement réduire le nombre d'acteurs et, de ce fait, ces mesures pourront permettre aux professionnels d'augmenter la matière première nécessaire à leur activité et leur assurer un équilibre économique viable.

Outre la problématique de cette filière parallèle, la France est confrontée à la difficulté de répondre aux objectifs de taux de valorisation et de recyclage définis par la Directive Européenne 2000/53/CE du 18 septembre 2000. Le taux fixé à 85 % pour 2006 et 95 % en 2015 n'atteindrait aujourd'hui que 81,4 %. Ce chiffre peut être expliqué par la difficulté d'approvisionnement des centres -les mesures de prime à la casse ont augmenté le nombre de véhicules à traiter mais ont aussi déréglé la filière-. Il démontre également l'importance de mobiliser l'ensemble des acteurs autour de cette problématique. Il est avéré que techniquement un véhicule pouvait être recyclé à au moins 95 % mais l'obstacle économique est bien là. Il s'avère donc nécessaire pour le constructeur d'intégrer et de développer davantage les notions d'éco-conception afin d'améliorer la recyclabilité des véhicules. Cette démarche, engagée par de nombreux constructeurs, permettrait selon ces derniers d'assurer une rentabilité économique à la filière et l'atteinte des objectifs définis par la Directive Européenne. En rendant le recyclage plus économique et plus facile techniquement, le marché de la pièce de réemploi pourrait être développé.

Le plan de redressement de la filière automobile lancé en juillet 2012, en écho avec ces constats, a souligné l'importance de « faire émerger de nouveaux emplois à travers la création d'une véritable filière française de la déconstruction et du recyclage automobile ». Pour y répondre, l'ensemble des acteurs, constructeurs, recycleurs, institutionnels et citoyens vont devoir faire évoluer leurs pratiques.

II.3. LES MOYENS DE TRANSPORTS FERROVIAIRES

Le démantèlement des moyens de transports ferroviaires n'est soumis à aucune législation, hormis le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 notifiant l'interdiction de la mise sur le marché de matériaux contenant toutes les variétés de fibres d'amiante, et qui a considérablement complexifié le traitement des véhicules ferroviaires hors d'usage.

Les véhicules appartenant à la SNCF, construits avant 1986, date à laquelle la société a demandé à ses fournisseurs de proscrire l'amiante, sont concernés au premier plan. C'est ainsi qu'à l'heure actuelle on compte, en France, 3 700 véhicules

45 Communiqué de presse sur le lancement d'une action nationale de contrôle des centres VHU illégaux

du 27 novembre 2012.

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(wagons de fret, voitures de voyageurs, locomotives), soit 150 kms de véhicules mis bout à bout en attente de traitement.

Le remplacement du parc de TER par les régions, devenues autorités organisatrices en matière de transport depuis la loi de décentralisation de 2002, et la future sortie du parc des premiers TGV devraient voir le nombre de véhicules à traiter considérablement augmenter.

Le rapport sur la situation ferroviaire française, réalisé par le député Alain Bocquet46 en 2011, évoquait la nécessité de créer une filière de traitement dédiée au matériel de transport.

A l'heure actuelle, plusieurs solutions existent pour répondre à la déconstruction du matériel.

Age du matériel (années) 0–10 11–20 21–30 31–40 41–50 > 50 Total

Automotrices 3 248 1 135 1 352 557 331 34 6 657

Autorails 906 294 202 314 185 37 1 938

Locomotives électriques 358 239 219 502 374 90 1 782

Locomotives thermiques 524 43 241 848 302 1 958

Locotracteurs (1) 6 104 311 217 435 108 1 181

TGV 1 240 1 981 1 769 200 5 190

Tram Train 135 135

Matériels moteur 6 417 3 796 3 853 2 031 2 173 571 18 841

Voitures 82 205 1 688 4 037 412 41 6 465

Wagons (2) 4 622 4 358 12 761 49 359 32 960 2 469 106 529

Parc global 11 121 8 359 18 302 55 427 35 545 3 081 131 835

(1) Locotracteurs autorisés sur voie principale uniquement. (2) Dont 283 wagons pour lesquels l’autorisation est suspendue par l’Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire

pour raison de sécurité.

Pour les automotrices, autorails, TGV et les tram-trains, les valeurs indiquées correspondent au nombre total de caisses (matériels moteurs et remorques).

Parc français de matériels roulants (unités immatriculées par l'Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire -EPSF-) au 31 décembre 2010

Source : EPSF

La SNCF, comme la RATP, possèdent des centres techniques -« technicentres »- ayant en charge la déconstruction des véhicules après désamiantage par des sociétés privées. En effet, l'amiante se présente dans les enduits extérieurs, les joints et les protections de chauffage. Trois sociétés françaises prennent en charge cette opération de désamiantage : la Société Métallurgique d'Epernay (SME) dans l'Ain, Recylux à Baroncourt dans la Meuse et Guy Dauphin Environnement dans le Calvados. Cette opération, réalisée par sablage ou grenaillage, a un coût estimé à 15 000 euros par voiture.

Bien que l'amiante soit de moins en moins présent dans les véhicules, les autres produits dangereux, tels que les huiles ou les produits frigorifiques, doivent faire l'objet d'un traitement dans des filières agréées. Le retrait des pièces peut alors

46 Rapport au nom de la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale sur la situation de l'industrie

ferroviaire française : production de matériels roulants voyageurs et fret, Alain Bocquet, 8 juin 2011.

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s'effectuer au sein des technicentres dédiés. De nombreuses pièces sont alors récupérées pour alimenter le réseau des pièces d'occasion (compresseur, radio, cartes électroniques, moteur) ou pour être réparées ou rénovées (sièges et armatures de sièges, vitres, luminaires), la carcasse faisant l'objet de vente auprès de la filière de recyclage des métaux. La revente et le recyclage des pièces permettent à la SNCF d'équilibrer ses coûts de démantèlement, voire de réaliser un certain profit. Ainsi, ces opérations permettent de répondre à un double enjeu, économique et environnemental.

Cet enjeu environnemental est au cœur de différents projets. Ainsi l'opération Valtex, financée par l'ADEME et pour laquelle se sont associés Renault, la SNCF, plusieurs industriels et un laboratoire de recherche, vise le développement d'une filière rentable de recyclage et de valorisation des déchets de textiles professionnels.

Parallèlement, la SNCF développe deux sites consacrés au désamiantage : celui de Chalindrey en Haute Marne (250 voitures par an dès 2014 y seraient démantelées), sous la houlette de sa filiale Geodis, et celui du Mans (l'objectif étant de 300 voitures annuellement). En dehors de l'aspect environnemental, ce développement de sites pourrait répondre à la demande des organisations syndicales qui souhaitent récupérer ou tout au moins maintenir l'activité au nom de la préservation de l'emploi sur le territoire français.

La plus récente opération est à mettre à l'initiative du Groupe Vitamine T. Ce groupe associé à Alstom Transport, Hiolle Industries, LME Trith, Ramery Environnement a signé en avril 2012 un accord de groupement industriel portant sur la déconstruction de matériel roulant ferroviaire hors d'usage.

Suite logique du rapport parlementaire du député Bocquet, ce groupement d'entreprises souhaite proposer l'intégralité des compétences requises pour la déconstruction du matériel ferroviaire (désamiantage, recyclage et valorisation) et ce dans une optique de développement durable alliant le social -en contribuant à la création d'emploi-, l'économique -en proposant une offre unique de déconstruction- et l'environnemental par l'utilisation d'un processus de déconstruction écologiquement acceptable.

A cette opération sera associée la RATP qui fournira les premières voitures à déconstruire. Cette dernière utilise actuellement la société Wig France pour le désamiantage et la société MJR Métal pour le démantèlement des métaux ferreux et non ferreux.

La SNCF, qui détient 80 % des wagons du fret de marchandises, de même que la RATP ou les opérateurs privés entendent résorber le stock de matériel à déconstruire d'ici 2018 mais on constate que le démantèlement à l'heure actuelle n'intègre pas de filière générale et s'appuie sur des filières de recyclage spécifiques à chaque type de matériaux.

La filière de déconstruction « globale » sera d'autant plus aisée à développer pour l'avenir que les constructeurs conçoivent les nouveaux moyens de transports en limitant le nombre de matériaux entrant dans la composition d'un même matériau et en employant le moins possible de produits dangereux.

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En conclusion, on constate, que ce soit pour les moyens de transports maritimes, terrestres ou ferroviaires, que les opérations de déconstruction se heurtent aux mêmes thématiques bien qu’à des niveaux différents. Ainsi l’absence de cadre juridique ou a contrario des contraintes réglementaires trop importantes peuvent nuire au développement d’une filière. De telles activités sont de plus impactées par la volatilité et le coût des matières premières. Sans contrepartie des Etats ou des institutions internationales ou sans prise en compte de la déconstruction dès la phase de construction du véhicule, cette filière peut apparaître peu rentable. Néanmoins, au vu du nombre de véhicules à déconstruire, et ce dans le respect des normes environnementales et sociales, la filière peut avoir un avenir. Les différentes études ont montré que les acteurs concernés étaient compétents, que l’activité connaissait une hausse régulière et que le territoire pouvait se prêter à de telles activités, notamment en ce qui concerne les bateaux. Pour passer de simples activités de déconstruction à une filière structurée, il paraît indispensable de fédérer tous les acteurs de la chaîne, de la conception des véhicules à leur déconstruction, autour des concepts d’éco-conception afin de lever tous les freins au développement de cette filière.

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III. LA FILIERE DE DECONSTRUCTION DES BATIMENTS ET DES OUVRAGES DU GENIE CIVIL

III.1. LA DECONSTRUCTION URBAINE

La notion d'écologie industrielle47 appliquée à la III.1.1.déconstruction urbaine

La pression foncière et la rareté des terres ont imposé depuis le dernier quart du XXème siècle la nécessité de reconstruire la ville sur elle-même, cette action faisant de la démolition une des modalités de la renaissance de la ville. La réhabilitation de l’ancien en ville, en vue de le rendre utilisable conformément aux nouvelles législations en vigueur, doit avant tout être privilégiée puisqu’elle permet des économies de ressources naturelles. Mais très vite deux problématiques concernant la gestion des déchets issus de cette déconstruction se sont posées : comment gérer de manière soutenable les ressources naturelles et comment préserver l'environnement ?

L'élimination des déchets, au sens large, a fait l'objet de différentes réglementations depuis 1975. En 1992, la réglementation concernant les décharges et la limitation des déchets qui pourraient y être acceptés fut renforcée et l'obligation de valorisation des emballages imposée. La directive cadre du 19 novembre 2008 constitue quant à elle le cadre de référence de la politique de gestion européenne. Celle-ci fixe les objectifs en termes de valorisation des flux de déchets afin de réduire leur enfouissement et leur incinération. L'objectif de réemploi et de recyclage des déchets de construction et de démolition est fixé à 70 %.

Le Grenelle de l'Environnement, en faisant de la gestion des déchets du bâtiment une de ses priorités, va engendrer une refonte du référentiel réglementaire en organisant la planification de ces derniers. La loi Grenelle II48 en retranscrivant les orientations de la loi Grenelle I a ainsi rendu obligatoire :

- l'élaboration d'un Plan de Prévention et de Gestion des Déchets du Bâtiment Travaux Publics (BTP) à l'initiative de chaque Conseil Général ;

- l'établissement d'un diagnostic préalable aux chantiers de démolition ;

- la modification du code de la construction et de l'habitation avec la prise en compte de la production de déchets liée à l'édification, l'entretien, la réhabilitation et la démolition du bâtiment.

Ces évolutions réglementaires ont permis de faire évoluer les pratiques de la démolition vers celles de la déconstruction, à savoir une technique qui consiste à déposer les éléments de second œuvre où se trouvent en grande majorité les déchets non inertes, avant l'abattage de la structure principale.

47 L'écologie industrielle consiste à transformer les déchets en matériaux et à réduire la consommation

de matières premières. Les déchets inertes constituent alors des matières premières secondaires pour les constructions à venir.

48 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

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L'évolution de la réglementation, qui doit permettre de répondre à l'enjeu majeur pour les décennies d'une gestion optimale des déchets de chantier, mobilise un grand nombre d'acteurs dont les collectivités, les professionnels (à tous les stades de la déconstruction) et les particuliers.

La loi Grenelle II a ainsi clairement donné un rôle aux collectivités à travers l'obligation pour elles de mettre en place un Plan de Gestion des Déchets du BTP. Depuis 2010, ce plan doit être élaboré à l'initiative du Président du Conseil Général ou tout au moins sous sa responsabilité (ou du Président du Conseil Régional pour la région Ile-de-France). Ainsi chaque département doit présenter un plan départemental ou interdépartemental de gestion des déchets du BTP. Ce dernier fait l'objet d'une concertation très large comprenant les représentants du Conseil Général, les communes ou leurs regroupements, l'ensemble des organismes publics et professionnels concernés, les associations de protection de l'environnement et les associations de consommateurs. Le premier objectif du plan est de pouvoir dresser un inventaire complet des types, quantités et origines des déchets produits par le BTP ainsi que de lister les installations pouvant les accueillir (pour le tri, le traitement ou le stockage). Sont également dressés les objectifs en matière de valorisation des déchets et de diminution des quantités stockées. L'utilisation des matériaux recyclés fait l'objet d'une des priorités de ce plan afin d'économiser les ressources et de permettre de trouver des débouchés pour cette filière. Ces décisions sont soumises à enquête publique, avant délibération finale du Conseil Général.

La gestion des déchets n'est pas uniquement l'affaire des collectivités, celle-ci est une pratique intégrée par les acteurs du BTP, bien qu'à des niveaux différents. Réglementairement, ces derniers doivent établir avant toute déconstruction un audit préalable visant à recenser les déchets, pour tout bâtiment d'une surface hors œuvre brute supérieure à 1 000 m². Celui-ci doit présenter les caractéristiques des déchets du chantier et expliciter les modes possibles de tri, de recyclage et de gestion des déchets, ceci permettant, outre de respecter les engagements environnementaux en termes de préservation des ressources naturelles, de définir au mieux les coûts de gestion des déchets. En effet, ces derniers sont estimés entre 2 à 4 % du chiffre d'affaires du secteur du bâtiment. La déconstruction doit donc être envisagée comme une déconstruction sélective pour ne pas impacter trop lourdement le chiffre d'affaires des entreprises. Si le maître d'ouvrage a un rôle prééminent dans ce processus, l'ensemble des acteurs de la déconstruction participe à cet effort de gestion49.

Enfin, la directive cadre 2008/98/CE sur les déchets achève de définir le cadre réglementaire en instaurant un taux de 70 % en poids de réemploi, de recyclage ou de revalorisation des déchets non dangereux de construction ou de déconstruction d'ici 2020. Ce taux serait à l'heure actuelle de l'ordre de 62 %50.

Il est à noter que le projet de loi portant sur la nouvelle organisation du territoire de la république envisage de nouvelles mesures applicables en matière de déchets. La Région aurait en charge l’élaboration d’un plan régional de prévention et de gestion de déchets qui se substituerait à l’ensemble des plans existants.

49 Cf. fiches ADEME : 9 fiches de recommandations concernant la gestion des déchets à toutes les

phases du chantier. 50 Selon une étude de la Cellule Economique Rhône-Alpes. Etude sur le recyclage des déchets du BTP.

Septembre 2013.

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Les freins et les leviers impactant la gestion des déchets du III.1.2.bâtiment et des travaux publics

Selon les dernières statistiques nationales du Ministère du Développement Durable, en 2008, les déchets issus du BTP s'élèveraient à 254 millions de tonnes dont 38,2 millions pour le secteur du bâtiment. 90 % proviendraient des chantiers de démolition ou de réhabilitation, le total représentant 73,6 % de la production des déchets de toutes origines en France.

La gestion des déchets est devenue une composante à part entière de la déconstruction mais un certain nombre de freins persistent. Si face à l'afflux croissant de déchets les grandes entreprises sont en capacité de se mobiliser, cela s'avère plus contraignant pour les petites entreprises. Ces dernières mettent en avant des coûts de traitement bien supérieurs à leur simple élimination ou des taux de valorisation insuffisants. Néanmoins, comme le souligne la Fédération Française du Bâtiment,

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plusieurs facteurs peuvent concourir à l'optimisation de la gestion des déchets tels que l'existence de lieux d'évacuation des déchets à proximité des chantiers, l'implication du maître d'ouvrage de la phase amont du chantier à la phase avale, la prise en compte des coûts de gestion des déchets dès la phase de conception du projet et de façon plus large la mobilisation générale de tous les acteurs de la filière.

Afin de favoriser une bonne gestion des déchets tant du point de vue économique qu'environnemental, les acteurs soulignent la nécessité de disposer, au plus près des chantiers, d'installations de recyclage. Ce maillage territorial peut apparaître difficile à réaliser, les chantiers étant par définition temporaires donc mouvants géographiquement. Les différentes enquêtes montrent la nécessité de disposer de lieux d'évacuation des déchets contenus dans un rayon de 15 à 20 kms ou à 20 à 30 minutes du lieu de production. Si la mise en place des Plans de Gestion des Déchets départementaux ont permis de mieux mailler le territoire, les professionnels soulignent que cela est encore insuffisant. Certains territoires resteraient sous équipés (zones de montagne et zones rurales). Les dernières statistiques et observations font apparaître la nécessité de créer des points de regroupement de proximité, en lieu et place de l'enfouissement, pour orienter les déchets vers les sites de recyclage. Un bon maillage territorial d'installations de recyclage pourrait permettre de proposer des solutions économiquement acceptables pour les professionnels. Ceci ne pourra se faire sans une implication de l'ensemble des professionnels, à commencer par le maître d'ouvrage.

Les collectivités, par le biais des Plans Départementaux de Gestion des Déchets du BTP, sont dorénavant associées à cette problématique. Il est à noter que dans le cadre de la conférence environnementale des 20 et 21 septembre 2013, il a été annoncé la mise en place d'un plan de déchets national 202051 mettant « l'accent sur la priorité que constitue la prévention des déchets et réorientant la gestion des déchets vers plus de valorisation pour qu'ils soient utilisés dans l'économie circulaire ». Ce plan, qui viendra renforcer la réglementation actuelle, devrait permettre de mieux organiser la filière de la valorisation en la dotant d'outils. Il n'en reste pas moins indispensable que les professionnels, et en premier lieu les maîtres d'ouvrages, doivent être parties prenantes de ces évolutions. En anticipant en amont du projet la gestion des déchets, ceux-ci participent à un changement culturel, nécessaire aux défis qui se présentent. En effet, pour passer d'une simple opération d'évacuation des déchets à un recyclage exigeant en termes environnemental et économique, celui-ci doit définir, dès la rédaction du marché, les exigences et en donner la capacité aux acteurs. Si dans les faits ces critères sont insuffisamment retenus comme éléments déterminants dans l'attribution des marchés, les fédérations apportent leur appui aux professionnels. Ainsi, peut-on noter l'action de la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) qui s'est alliée à Veolia Propreté afin de proposer aux entreprises artisanales une offre spécifique pour la gestion et le recyclage de leurs déchets. Parallèlement, la Fédération Française du Bâtiment a établi un large partenariat pour financer les infrastructures d'élimination des déchets de chantiers.

51 Ce plan sera intégré dans le plan national de prévention des déchets.

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Au vu de l’intérêt de valoriser les déblais de travaux publics (préservation des ressources naturelles, réduction des coûts et des nuisances liées au transport puisque les ressources viennent du local et limitation de la mise en décharges dont on cherche à réduire le nombre), de nombreuses initiatives ont vu le jour en France. Des plateformes de valorisation ou des installations mobiles de recyclage de déblais de terrassement ont ainsi permis de montrer aux professionnels que les matières premières recyclées avaient la même qualité et permettaient de proposer une réduction des coûts aux entreprises et aux donneurs d’ordre dès lors que les plateformes accueillent des gros volumes de déblais à recycler et qu’elles se situent au plus près des chantiers.

Déchets inertes produits par l'activité

de travaux publics (en millions de tonnes)

Répartition des quantités de déchets inertes selon leur destination (en %)

Nombre de

salariés

Quantité totale

de déchets inertes

Déchèterie, plateforme

et/ou centre de regroupement

et/ou de tri

Valorisation matières Installations de stockage

(CET, CSDU…)

Autres Total

Réutilisation, recyclage sur un autre site, y compris par

une autre entreprise

Comblement de

carrières

Déchets inertes (CET III,

ISDI)

Déchets non

dangereux (CET II)

De 0 à 19 75,2 54 20 14 7 NS 5 100

De 20 à 99 101,9 14 39 21 23 NS 3 100

100 et plus 33,9 30 37 13 15 NS 4 100

Total 211,0 30 32 17 16 NS 4 100

NS = Non Significatif

Destination des déchets des travaux publics par tranche d'effectif Source : SOeS, enquête sur les déchets produits par l'activité de construction en France en 2008

L'implication et la volonté partagée de l'ensemble des acteurs, les outils mis à leur disposition, la réglementation structurante permet ainsi de lever les freins liés à la gestion des déchets de recyclage mais également de permettre une meilleure valorisation de ces produits. Pour faire de ces déchets une matière première secondaire utilisable, il faut que l'ensemble de la profession soit convaincu de l'intérêt économique de ces derniers mais également de leur qualité technique et environnementale.

Pour développer et faire accepter socialement les activités liées à la déconstruction urbaine, les acteurs doivent prendre en compte les conséquences humaines et sociales de ces opérations et y associer les habitants. Ceux-ci ne pourront y adhérer s’ils n’ont pas pris acte de la nécessité de reconstruire la ville sur elle-même et s’ils ne sont pas convaincus de la gestion optimale d’un point de vue économique, social et environnemental des déchets de déconstruction.

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Rapport - Page 74

III.2. LA DECONSTRUCTION DE BARRAGES NECESSAIRE AU RETABLISSEMENT OU A L'AMELIORATION DE LA CONTINUITE ECOLOGIQUE

A la croisée des directives communautaires et du Grenelle de III.2.1.l'Environnement

Forte de 447 barrages, dont la moitié est exploitée directement par EDF, la France est le deuxième producteur d'hydroélectricité en Europe.

Barrages en France

Source : EDF

Production totale d'énergies renouvelables en France

Source : France hydro électricité

Si le maintien et le développement de cette industrie sont soutenus par le Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie, ce dernier doit faire face à une double contrainte réglementaire.

L'application de la directive cadre 2000/60/CE du 23 octobre 2000 (dite DCE -Directive Cadre sur l'Eau-) fixant la non-dégradation et l'atteinte du bon état des cours d'eau en 2015, contraint la France et les Etats membres à assurer une certaine continuité territoriale indispensable à la réalisation du cycle de vie complet des

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espèces. Cette directive, imposant le rétablissement de la libre circulation des poissons, est confortée par les engagements du Grenelle de l'Environnement prévoyant l'effacement des ouvrages hydrauliques en déshérence afin d'obtenir 66 % des masses d'eau de surface en bon état en 2015.

Par continuité écologique d'un cours d'eau, la directive cadre entend la libre circulation des organismes vivants et leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri, le bon déroulement du transport naturel des sédiments ainsi que le fonctionnement des réservoirs biologiques (article R214-109 du Code de l'environnement).

Le bon état des masses d'eau est quant à lui fondé sur l'évaluation de l'état chimique et écologique des cours d'eau, cet état étant apprécié selon des paramètres physico-chimiques et biologiques dont notamment la diversité et l'abondance des espèces animales et végétales présentes dans les cours d'eau.

Objectifs environnementaux de la directive cadre sur l’eau 2000/60/CE

- Pour les eaux de surface

. La prévention de la détérioration de toutes les masses d’eaux de surface en vue de l’obtention d’un bon état écologique et d’un bon état physicochimique au plus tard en 2015 ;

. La prévention et l’amélioration de toutes les masses d’eau artificielles et fortement modifiées en vue de l’obtention d’un bon potentiel écologique et d’un bon état physicochimique au plus tard en 2015 ;

. La réduction progressive de la pollution due aux substances prioritaires et l’arrêt ou la suppression de la pollution due aux substances dangereuses prioritaires.

- Pour les eaux souterraines

. La mise en œuvre des mesures nécessaires pour prévenir ou limiter le rejet de polluants dans les eaux souterraines et pour prévenir la détérioration de toutes les masses d’eau souterraines ;

. La protection, l’amélioration et la restauration de toutes les masses d’eau souterraines ainsi que l’assurance d’un équilibre entre les captages et le renouvellement des eaux souterraines afin d’obtenir un bon état des masses d’eau souterraines en 2015 ;

. La mise en œuvre des mesures nécessaires pour inverser la tendance à la hausse significative et durable de la concentration de tout polluant résultant de l’impact de l’activité humaine afin de réduire progressivement la pollution des eaux souterraines.

- Pour les zones protégées (eau potable, zones vulnérables et sensibles, Natura 2000…)

. Le respect de toutes les normes et de tous les objectifs au plus tard en 2015, sauf disposition contraire dans la législation communautaire sur la base de laquelle les différentes zones protégées ont été établies.

Objectifs environnementaux de la Directive Cadre sur l’Eau Source : Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable

En application de la directive européenne 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir des sources renouvelables et du Grenelle de l'Environnement visant le développement de l'ensemble des filières d'énergies renouvelables, le Ministère a dû s'engager dans un plan de relance de l'hydroélectricité. Ce dernier doit permettre à la France d'atteindre 23 % d'électricité renouvelable dans sa consommation d'électricité en 2020.

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L'ensemble de ces démarches a clairement posé la question des impacts de l'hydroélectricité sur les milieux aquatiques. Cette problématique a fait, pendant 18 mois, l'objet d'un travail entre le Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de la Mer, des représentants d'élus, des producteurs d'hydroélectricité, des associations et des fondations de protection pour l'environnement, des associations pour les énergies renouvelables et l'association des pêcheurs en eau douce. Le fruit de ce travail a donné lieu à la signature d'une convention d'engagements pour le développement d'une hydroélectricité à haute qualité environnementale le 23 juin 2010 par le Ministre Jean-Louis Borloo.

Afin de concilier les exigences environnementales, notamment la préservation des milieux naturels et le respect des autres usages, ainsi que la poursuite du développement des énergies renouvelables, il a été nécessaire de décliner cette convention en objectifs répondant à l'ensemble des exigences dont :

- un programme de recherche sur l'impact des ouvrages sur les espèces, en particulier l'anguille ;

- un effort de mise aux normes des ouvrages existants dans le respect des obligations légales ;

- un grand plan d'effacement des ouvrages hydrauliques en déshérence (plus de 40 000 dont 1 200 à effacer pour 2012) ;

- l'effacement de 5 ouvrages hydroélectriques dont ceux de la Roche-qui-Boit et de Vezins sur la Sélune, dans le département de la Manche ;

- l'identification du potentiel de l'hydroélectricité dans les secteurs où les enjeux environnementaux sont moindres afin d'atteindre le niveau de production hydroélectrique visé (23 %) et l'objectif de bon état d'au moins 66 % des cours d'eau.

Les évolutions réglementaires : impacts et moyens mis en III.2.2.œuvre sur le territoire

Afin de répondre au mieux aux engagements européens et aux décisions du Grenelle de l'Environnement, un Plan de renaturation de la continuité écologique des cours d'eau a été élaboré. Présenté le 13 novembre 2009 par Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d'Etat à l'Ecologie, ce plan répond également à la mise en place en France d'une trame verte et bleue visant à restaurer la continuité écologique des milieux terrestres et des milieux aquatiques et à préserver la biodiversité. Il est à noter que le lancement de ce plan s'est accompagné de la signature d'un contrat d'objectifs entre l'ONEMA (Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques) et l'Etat (2009-2012).

En effet, la présence d'ouvrages transversaux créant des ruptures dans la continuité de la rivière et pouvant dégrader la qualité des milieux de vie des espèces aquatiques, voire freiner ou supprimer la libre circulation de ces espèces, a été évoquée par le Grenelle de l'Environnement et a fait l'objet d'une réglementation par l'Union Européenne. L'Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) a fait ressortir, dans un inventaire national, la présence de 60 000 seuils et barrages sur l'ensemble des cours d'eau de métropole dont à peine 10 % ayant un intérêt économique, 4 % équipés pour le franchissement piscicole, la majorité de ces ouvrages étant à l'abandon sans aucun usage même indirect. Ces ouvrages seraient

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responsables de la diminution de 44 % de la densité d'anguilles depuis 1983 et de la très nette diminution voire de l'extinction du saumon sauvage et de nombreuses espèces amphihalines52.

Le Plan de renaturation de la continuité écologique des cours d'eau favorisant une bonne articulation entre les politiques portées par l'Etat et ses établissements publics (Agences de l'Eau, Office National de l'Eau, ONEMA…) se décline en 5 piliers :

- le renforcement de la connaissance sur les seuils et les barrages comprenant entre autre la mise en place d'un référentiel national des obstacles à l'écoulement des eaux ainsi qu'une évaluation de l'impact de chaque obstacle sur la continuité écologique ;

- la définition des priorités d'intervention par bassin s'appuyant sur les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, l'ensemble des programmes de mesures et d'initiatives locales et les différents plans de protection des espèces ;

- la révision des IXèmes programmes des Agences de l'Eau et des contrats d'objectifs permettant de mobiliser les financements nécessaires à l'aménagement des 12 000 ouvrages prioritaires ;

- la mise en œuvre de la police de l'eau ayant en charge la coordination d'un programme pluriannuel d'interventions sur les obstacles les plus perturbants pour les espèces ;

- l'évaluation des bénéfices environnementaux des mesures mises en œuvre.

D'après la circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l'Etat et ses établissements publics du Plan de renaturation de la continuité écologique des cours d'eau, l'effacement des ouvrages n'ayant plus d'usage est une priorité. Preuve en est, lors du lancement du plan, la Secrétaire d'Etat à l'Ecologie a annoncé la décision de procéder à l'effacement des barrages normands qui ne permettent pas la libre circulation des poissons migrateurs. Outre ces deux barrages, le Plan de renaturation évoque la nécessité impérieuse de déconstruire les ouvrages de Condamine (Vallée de l'Ubaye), de Trente Pas (Bléone - Hautes-Alpes) et de Caubous (Garonne).

Retour d'expériences sur la déconstruction des ouvrages III.2.3.hydrauliques

La mise en œuvre de la Directive Cadre sur l'Eau fixant une obligation d'atteinte du bon état écologique des cours d'eau en 2015 et sa transposition en droit français sur le rétablissement de la continuité écologique des cours d'eau imposent la suppression ou l'aménagement de certains seuils faisant obstacle à la libre circulation des poissons. Plusieurs solutions sont alors envisageables :

- l'abaissement de la hauteur de l'ouvrage ou l'ouverture d'une brèche permanente ;

- l'ouverture des vannes ;

- l'installation d'un dispositif de franchissement ;

52 Les espèces amphihalines sont des espèces qui, à des moments déterminés de leur cycle, passent de

l'eau douce à l'eau salée et vice versa.

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- l'anticipation sur l'effondrement naturel de l'ouvrage en ayant pris des mesures préventives de protection ;

- l'effacement de l'ouvrage.

Si les quatre premières solutions peuvent être envisagées sur des ouvrages de faible importance, il n'en est pas de même pour les ouvrages hydrauliques de grande dimension. L'effacement, donc la suppression de tels ouvrages, requiert leur démantèlement total afin que ceux-ci ne constituent plus, dans un premier temps, un obstacle au transport des sédiments puis à la libre circulation des espèces.

Contrairement aux Etats-Unis où, depuis 1998, le rythme d'effacement d'ouvrages hydrauliques, pour la plupart inférieurs à 12 mètres, a dépassé celui de la construction, la France compte encore peu d'exemples de déconstruction. A ce jour, 3 exemples en France peuvent faire l'objet d'observation :

- Le barrage de Maisons-Rouges sur la Vienne a été démantelé en 1998 dans le cadre du Plan Loire Grandeur nature dans le but de la restauration de la continuité écologique. Face aux coûts de l'équipement du barrage en dispositifs de franchissement et aux coûts de sa réhabilitation estimés à 8 millions d'euros contre 1,7 million pour son arasement, la décision a été prise par EDF du non-renouvellement de sa concession dès 1993. Au final, l'arasement du barrage se sera élevé à 2,6 millions d'euros partagés entre l'Etat à 65 %, EDF à 23 % et l'Agence de l'Eau à 12 %. Si d'un point de vue écologique, l'effacement du barrage de Maisons-Rouges peut être considéré comme un succès, d'un point de vue socioéconomique, les observateurs s'accordent à dire qu'il n'a fait l'objet d'aucune valorisation à l'échelle locale. En effet, la population n'a bénéficié d'aucune compensation sur le plan socioéconomique et les activités antérieures ont totalement disparues. En dépit d'une opération fortement médiatisée, le territoire n'a bénéficié d'aucun développement.

- L'effacement du plan d'eau du Coupeau sur le Vicoin (Mayenne), démantelé en 2008, était identifié comme un obstacle à la continuité écologique et posait également de nombreux problèmes de piégeage de sédiments et d'eutrophisation du plan d'eau, ces derniers imposant de fréquents et coûteux curages. Contrairement au barrage de Maisons-Rouges, l'opération du Vicoin a fait l'objet d'une concertation au plan local (représentants des collectivités, habitants, associations…), ce qui a permis d'associer l'ensemble de la population au choix de l'arasement et de favoriser la prise en compte d'un véritable plan socioéconomique prévoyant les aménagements ultérieurs afin d'apporter un véritable gain environnemental à la vallée. L'opération portée par l'Agence de l'Eau, le Conseil Général, le Conseil Régional et le Syndicat du Bassin du Vicoin a été saluée comme une réussite et sert maintenant de « vitrine écologique » à la collectivité locale.

- Le barrage hydraulique de Kernansquillec dans la vallée du Léguer (Côtes d'Armor), construit en 1923, a fait l'objet, d'une part, d'une destruction en raison de son caractère vétuste et des risques qu'il faisait encourir à la population en cas de rupture et, d’autre part, de la nécessité de restauration écologique du cours d'eau. Long de 100 mètres et haut de 15 mètres, ce barrage multi-voûtes était lié à une très forte histoire locale. Construit pour alimenter des papeteries, il a représenté jusqu'en 1965, date de fermeture de l'usine, le symbole de l'essor économique de cette vallée. La destruction du barrage a été le coup d'envoi d'une

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véritable politique de valorisation du patrimoine industriel. En effet, cet arasement s'est doublé d'une opération de dépollution du site industriel de l'ancienne usine. Le travail d'aménagement de ce site a permis de fédérer la population autour de ce projet. La mise en valeur des vestiges du barrage ainsi que la remise en état des berges se sont poursuivies après l'arasement du barrage. Ce sont ainsi 32 hectares (dont 12 hectares relevaient de l'ancienne retenue) qui ont fait l'objet d'aménagements. Cette opération d'1 million d'euros, sous maîtrise d'œuvre de l'Etat, a été financée par le Ministère de l'Industrie, l'Agence de l'Eau Loire Bretagne, le Ministère de l'Environnement ainsi que par des crédits européens.

D'une opération technique à un véritable projet de territoire : III.2.4.les éléments à prendre en compte

Si l'arasement de certains barrages au regard de la réglementation peut s'avérer inéluctable, il est indispensable de se baser sur les exemples précédents pour que ces opérations puissent trouver un consensus dans la population et apporter un bénéfice au territoire. Les acteurs locaux, plus largement que ceux relevant seulement du site mais plutôt le territoire au sens large, doivent être impliqués en amont de l'opération dans le cadre d'un processus de concertation. Ces projets d'arasement impliquent une modification complète du territoire et, pour être partagés par le plus grand nombre, doivent faire l'objet d'une étude portant sur quatre thématiques :

- L'étude d'impact utile à l'établissement d'un diagnostic sur les effets négatifs et positifs du barrage avant et après arasement. Cette étude a pour objectif d'intégrer l'ensemble des enjeux socioéconomiques d'un tel projet : contraintes économiques, attentes sociales telles que le maintien d'activités récréatives, la préservation du cadre de vie, les enjeux touristiques et la valorisation du patrimoine industriel.

- L'étude technique du projet ayant pour objet la prise en compte globale des impacts de l'arasement : conception technique du projet, évacuation des sédiments voire des métaux lourds, prise en compte des risques sanitaires éventuels, protection de la faune.

- Le suivi scientifique indispensable à un tel projet.

- L'étude des leviers financiers permettant, d'une part, de s'assurer de la prise en charge financière du projet technique et, d’autre part, de mettre en place un dispositif d'accompagnement permettant d'établir un nouveau projet de territoire et ce en concertation avec l'ensemble des élus, habitants, forces économiques et institutionnels du territoire.

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IV. L'AMIANTE : UNE PROBLEMATIQUE COMMUNE AUX ACTIVITES DE DECONSTRUCTION ET DE DEMANTELEMENT

Principale cause de décès dus à des maladies professionnelles dans le monde, l'exposition à l'amiante devrait, selon l'Organisation Internationale du Travail, être à l’origine d’environ 100 000 décès en France d'ici 2025. Véritable épée de Damoclès, aux dires de l'Organisation Internationale du travail, les décès dus à l'amiante devraient atteindre un « pic » dans les années 2015-2019. Bien que les impacts sanitaires de l'amiante aient été établis dès les années 50, l'amiante a été fortement utilisé dans les pays industrialisés, notamment dans les années 1970. Répertorié dans plus de 3 500 produits dérivés, l'amiante n'a fait l'objet de réglementation que très tardivement. Il faut attendre 1997 en France, et encore plus tardivement dans toute l'Europe, pour connaître l'interdiction de la production ou tout au moins de l'utilisation de l'amiante. Néanmoins, le risque est encore présent à l'heure actuelle en Europe, au regard du nombre de sites contenant et dégageant des fibres d'amiante. Mais les pays en voie de développement ou émergents pourraient être encore plus durement touchés, ceux-ci n'ayant pas encore légiférés sur l'utilisation ou la production de l'amiante.

Industrie de transformation de l'amiante de 1850 à 2003

Source : InVS 2008

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La réglementation actuelle devrait permettre l'émergence d'un nouveau secteur industriel : celui de la déconstruction ou du traitement des bâtiments amiantés. En effet, le traitement des bâtiments amiantés voire leur destruction va demander de nombreux chantiers et faire appel à des compétences variées afin de réaliser les diagnostics immobiliers, les mesures d'empoussièrement, les diagnostics déchets avant démolition, les travaux de désamiantage ainsi que les travaux de gestion des déchets. Ces nouveaux marchés devraient accroître les activités de la filière bâtiment et lui permettre de diversifier ses activités.

IV.1. LE « MAGIC MINERAL », UNE UTILISATION INTENSIVE EN FRANCE

L'amiante est le terme générique qui recouvre une variété de silicates formés naturellement au cours du métamorphisme des roches qu'une opération mécanique appropriée transforme en fibres minérales utilisées industriellement.

Deux types d’amiante sont distingués : la chrysotile dite amiante blanc (variété la plus courante qui représente 98 % de la production mondiale d'amiante) et les amphiboles. Cette dernière famille recouvre elle-même cinq variétés : l'anthophyllite, l'amosite dite amiante brun, la crocidolite dite amiante bleu, l'actinolite et la trémolite, variétés extrêmement nocives.

Les propriétés physico-chimiques de l'amiante en ont fait un minéral magique, expliquant son utilisation massive. Dès 1826, les physiciens ont mis en avant les propriétés de résistance de l'amiante :

- à la chaleur et au feu ;

- aux agressions chimiques ;

- à la traction et à l'usure.

Sa facilité de filage et son faible coût en ont fait un argument de vente imparable pour les industriels.

L'amiante a été principalement utilisé dans le secteur de la construction, le matériau le plus utilisé étant l'amiante-ciment. Composé d'un mélange de ciment à 90 % et de fibres à 10 %, il est présent dans les produits manufacturés du second œuvre : dalles de revêtement de sols, cloisons, colles, feutres bitumés. Le gisement de l'amiante-ciment présent dans les bâtiments à l'heure actuelle serait de l'ordre de 24 millions de tonnes. Composé de fibres d'amiante sous forme compacte et donc moins facilement libérables dans l'environnement, il présenterait moins de danger que l'amiante utilisé sous forme de flocage ou calorifugeage. Dans ce second cas, l'amiante étant faiblement lié au matériau, il s'effrite plus facilement et encore plus avec le temps, en libérant les fibres dans l'environnement. Procédé de flocage rapide et répondant au mieux aux impérieux besoins de construction, il a été fortement utilisé dans les établissements scolaires et d'enseignement supérieur dans les années 60 et 70 notamment après l'incendie du collège Pailleron en 1973 (l'Université de Jussieu en est un autre exemple bien connu).

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Outre les établissements d'enseignement, de nombreuses constructions ont été traitées par le procédé de flocage : agences postales, installations ferroviaires, établissements pénitentiaires. 15 % des bâtiments publics représenteraient 70 % des surfaces amiantées en France53.

Les établissements sanitaires et les bâtiments industriels se situent à la première place. Une étude réalisée auprès de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a fait apparaître qu'hormis les bâtiments construits après l'interdiction de l'amiante donc en 1997, l'ensemble des bâtiments de l'AP-HP renfermait de l'amiante, à des degrés divers. Une enquête réalisée par la SOFRES en mars 2005 montrait une présence moindre dans les autres établissements nationaux, 73 % d'entre eux ne présentant plus d'amiante dans leurs locaux. Quant aux établissements scolaires, 13 % des lycées contiendraient encore de l'amiante.

En dehors des bâtiments, l'amiante a été utilisé dans l'industrie des cartons et des papiers, dans le textile (vêtements ignifugés), dans la fabrication de joints et de garniture de fictions (plaquettes de freins), de produits de revêtement routiers, de produits pour fumeur (pipe, porte-cigarette), pour les grille-pains et dans plus de 3 500 autres produits.

IV.2. UNE REGLEMENTATION TARDIVE

La production d'amiante dans le monde est estimée à 174 millions de tonnes au cours du XXème siècle. En augmentation dès le début du siècle, sa production et son utilisation n'ont cessé d'augmenter jusqu'en 1970, le point le plus fort de la production ayant été atteint à la fin de cette décennie avec près de 5 millions de tonnes. En 1970, les cinq principaux producteurs d'amiante chrysotile étaient le Canada, l'URSS, l'Afrique du Sud, la Chine et l'Italie. On constate qu'en 2006, la Russie et la Chine produisent plus de la moitié de la production mondiale avec 2 millions de tonnes.

Production mondiale d’amiante entre 1920 et 2000

Source : US Geological Survey

53 Rapport d’information du Sénat : « Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer,

en tirer des leçons pour l’avenir ». Octobre 2005.

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Répartition de la production d'amiante en 1970

Source : US Geological Survey / Institut du Chrysotile

Répartition de la production d'amiante en 2002

Source : US Geological Survey / Institut du Chrysotile

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La consommation mondiale d'amiante a de la même façon culminé à la fin des années 1970 à 4,7 millions de tonnes. Les Etats-Unis ont diminué leur consommation de façon progressive à partir des années 1970 mais il a fallu attendre les années 1990 pour voir la consommation de l'Europe fléchir.

Suite à la contrainte réglementaire imposée en 1996, la consommation en France s'est effondrée passant de 150 000 tonnes en 1975 à 60 000 tonnes en 1990 et environ 5 000 tonnes en 1996. Majoritairement dépendante du Canada (66 % des importations), la France utilisait jusqu'à son interdiction l'amiante à 90 % en amiante-ciment, 5 % en garniture de frictions, 3 % en revêtements routiers, 1 % en textile et papier et 1 % pour la fabrication de joints.

Si la nocivité de l'amiante est connue depuis le début du XXème siècle, son interdiction en France ne date que du 3 juillet 1996 (cf. annexe sur les repères chronologiques de l’amiante). Dès 1906, Denis Auribault, inspecteur du travail à Caen, rédigeait un rapport sur la surmortalité des ouvriers d'une usine de Condé sur Noireau. Il corroborait en cela une étude d'un médecin londonien ayant fait l'observation d'un décès d'ouvrier dû à l'inhalation de fibres d'amiante.

Il faut attendre 1945 pour que soient prises en compte les affections professionnelles consécutives à l'inhalation d'amiante au titre des tableaux de maladies professionnelles. Mais cette reconnaissance de maladie professionnelle sera assortie dans les années 1950 et 1951 de conditions telles qu'elles limiteront, de fait, la prise en compte de ces dernières.

La mission commune d'information54 diligentée par le Sénat en 2005 pour établir le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante note que, dès 1918, les compagnies américaines refusaient d'assurer sur la vie les travailleurs de l'amiante. Pour la commission, il semble manifeste que l'information sur la dangerosité de l'amiante était clairement connue dès 1965 et que certains employeurs avaient cherché à banaliser l'amiante. Lors d'un congrès, tenu à New York en 1965, l'ensemble des sommités médicales mondiales avaient pu faire un état des lieux précis des connaissances au regard de l'amiante et des risques afférents. Quelques années plus tard, en 1971, les industriels européens se réunissaient en congrès à Londres afin de déterminer une stratégie leur permettant de continuer et de justifier l'utilisation de l'amiante. La relation amiante / cancer était une fois de plus démontrée en 1972, à Lyon, lors du congrès de l'Agence internationale de la recherche sur le cancer mais la nécessité de répondre à la démographie scolaire et donc de construire davantage d'établissements va relancer l'utilisation de l'amiante à travers la technique de flocage. L'incendie du collège Pailleron en 1973 le justifiera davantage. Ce collège, comme un millier de collèges en France, avait montré sa faible résistance au feu. Par mesure de précaution, l'Etat engagera un grand plan de reconstruction de bâtiments, bâtiments contenant de l'amiante, alors que parallèlement, fin 1973, le Bureau International du Travail démontrait les dangers de l'amiante, sans aucune réaction de la part des autorités. Le scandale de l'université Jussieu de Paris sensibilisera l'opinion publique aux dangers de l'amiante. Les universitaires, constatant le dépôt de flocage sur leurs microscopes prendront la tête d'un comité anti amiante mené par le chercheur Henry Pezerat. Dès cette époque, 8 cas de maladies professionnelles sont

54 Rapport d'information du Sénat au nom de la mission commune d'information sur le bilan et les

conséquences de la contamination par l'amiante – Séance du 20 octobre 2005.

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avérés, leur nombre s'élève à 130 aujourd’hui. Le 17 août 1977, un premier décret vise à protéger les salariés exposés à l'inhalation des poussières d'amiante (obligation de réduction de la concentration d’amiante à laquelle les salariés peuvent être exposés dans les entreprises à deux fibres par cm3). L'arrêté du 29 juin 1977 interdit le flocage dans les lieux d'habitation. Le décret du 20 mars 1977 interdit quant à lui les flocages contenant plus de 1 % d’amiante dans l’ensemble des bâtiments. Mais très vite, les limites de ce décret ont été mises en avant. En effet, si en Europe et particulièrement aux Pays Bas l'usage de l'amiante avait été interdit, la France n'avait retenu que l'usage contrôlé de l'amiante. Dans de nombreuses industries, dont les chantiers navals, les niveaux d'exposition à l'amiante étaient de 100 à 1 000 fois supérieurs à ceux fixés par les normes.

Les années 80 sont marquées par l'action forte du Comité Permanent Amiante (CPA). Fusion de l'Association française de l'amiante regroupant les industriels et de l'Institut National de Recherche Scientifique (INRS), cette structure dépendait totalement du financement des industriels de l'amiante. Composé d'industriels, de scientifiques, de hauts fonctionnaires, de représentants d'organismes publics et de syndicalistes, le CPA se verra déléguer par l'Etat sa politique de Santé Publique en matière d'amiante. Ainsi l'Etat laissera aux mains de ce puissant lobby la gestion du dossier.

Le CPA s'opposera aux velléités de l'Union Européenne en invoquant le risque de disparition d'emplois et les difficultés de substitution de l'amiante. Par deux fois, l'association usera de son influence pour contrecarrer l'Union Européenne dans son souhait sinon d'interdire l'amiante tout au moins d'en contrôler l'usage.

Répartition du nombre de bâtiments par année de construction / CSTB

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Répartition des types de locaux au sein des établissements scolaires

concernés par la présence d'amiante

Peu actif jusqu'à cette période, le Code du travail français prit en compte certaines directives européennes concernant la limitation de l'usage des fibres d'amiante55 en fixant des valeurs limites d'exposition à l'amiante et en considérant l'amiante comme un agent nocif.

En 1996, de façon concomitante, l'Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante (ANDEVA) dépose plainte contre X au pénal et l'Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale en France (INSERM) rend public un rapport sur les risques sanitaires liés à l'amiante. Celui-ci estime que l'amiante pourrait faire 100 000 morts d'ici 2025. L'inertie des pouvoirs publics est alors pointée du doigt de même que le silence de la médecine et de l'inspection du travail.

Le 1er janvier 199756, l'importation, l'utilisation et la fabrication de matériaux à base d'amiante sont strictement interdites en France. La France, 8ème pays européen à prendre ces mesures, 46 ans après le Royaume Uni et 31 ans après les Etats-Unis, compte encore à cette époque 14 établissements de production.

55 Directive du 19 septembre 1983 Union européenne / article L.230-2 et L.231-10 et 12 du Code du

travail. 56 Décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996.

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Parallèlement, la nécessité de prendre en compte le préjudice subi par les victimes de l'amiante s'est traduit par la création, dans le cadre de la loi de financement pour la sécurité sociale de 1999, d'un dispositif spécifique de retraite destiné à compenser la perte d'espérance de vie des personnes contaminées. Le Fonds de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante (FCAATA)57 permet aux salariés, sous certaines conditions, de bénéficier d'une retraite dès 50 ans. Le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA)58 destiné à réparer intégralement les préjudices subis par les victimes complètera le dispositif en 2001.

L'Europe interdira définitivement l'usage de l'amiante en 1999. Des dérogations jusqu'en 2002 (notamment pour les garnitures de frein des poids lourds) et des exceptions à l'interdiction d'utilisation d'amiante ont été autorisées, soit pour des produits auxquels on ne pouvait substituer l'usage de l'amiante, soit pour les ventes de véhicules d'occasion.

Si l'utilisation de l'amiante est passée de 35 000 tonnes en 1996 à 12 tonnes en 1999, il faut noter que la France a continué à en importer jusqu'en 2002.

Le problème de l'amiante est encore d'actualité car actuellement seuls 40 pays ont interdit l'amiante et on constate une hausse de la production mondiale. Plus de 2 millions de tonnes continuent à être produites chaque année. On estime à 100 000 millions de m² la surface de bâtiment flockés en France soit l'équivalent d'une ville comme Lyon.

IV.3. DES SITUATIONS DE CONTAMINATION MULTIPLES

L'exposition à l'amiante peut être d'origine purement environnementale par le fait d'une présence naturelle ou résiduelle due à une fréquentation des bâtiments amiantés. Selon la définition de la Haute Autorité de Santé59, l'exposition environnementale est définie comme une exposition à la pollution de l'air extérieur (environnement extérieur) et à celle de l'air intérieur (environnement ambiant) par des fibres d'amiante à l'exclusion des expositions professionnelles liées à un travail au contact de matériaux contenant de l'amiante.

Dans les cas de pollution par l'environnement extérieur, on distingue :

- les sites géologiques d'affleurement de roches amiantifères pouvant libérer des fibres susceptibles, par inhalation, de contaminer à distance ;

- les zones urbaines ou rurales polluées lors d'opérations de démolition ou d'enlèvement d'installations contenant de l'amiante, la pollution due au trafic routier (freins, usure du revêtement routier contenant de l'amiante) ou dans l'environnement de mines d'amiantes ou d'usine de transformation d'amiante.

On recense en France 28 sites correspondant à d'anciennes exploitations ou à des affleurements d'amiante dont 9 en Corse, les autres étant majoritairement situés dans les Alpes occidentales. L'ancienne mine de Canari en Haute Corse assurait à elle seule

57 Article 41 de la loi de financement de sécurité sociale de 1999. 58 Article 53 de la loi de financement de sécurité sociale du 23 décembre 2000. 59 Rapport d'orientation : exposition environnementale à l'amiante : état des données et conduite à

tenir. Janvier 2009.

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25 % des besoins industriels continentaux. Ce site découvert en 1898 a d'abord été la base d'approvisionnement de la société Eternit dès 1927, pour son usine de Prouvy dans le nord de la France. En 1941, la Société Minière de l'Amiante (SMA) composée des grands consommateurs français d'amiante (Everite, Eternit, Ferodo et la Société du Fibro-ciment) entreprend la construction d'une usine. La production s'élèvera à 25 000 tonnes par an en 1962 et placera la France au 7ème rang des pays producteurs d'amiante. Sa fermeture, pour raisons économiques, sera définitive en 1965.

1 413 personnes auraient travaillé, sans aucune protection particulière, sur le site de Canari pendant sa durée d'exploitation. Pour un grand nombre, il s'agissait d'ouvriers Marocains, Turcs, Italiens et même des prisonniers de guerre allemands dont le suivi médical est de ce fait plus difficile à réaliser. Ce site, racheté par la commune et qui est utilisé comme décharge d'ordures ménagères continue à poser des problèmes environnementaux.

Confié à l'ADEME, les travaux de sécurisation du site réalisé par l'entreprise Vinci, ont mis en avant la difficulté d'éviter les contaminations par poussière d'amiante lors de travaux. Ce chantier de six millions d’euros doit permettre de stabiliser et d’enterrer les dépôts d’amiante. Se pose toujours la question des rejets des rebuts de l'exploitation à la mer, rejets qui ont provoqué la formation de plages stériles, question encore plus cruciale dans cette zone éminemment touristique.

Outre l'exposition purement environnementale à l'amiante et qui dépasse le seul cadre de l'ancienne mine de Canari, on constate que l'exposition passive dans les bâtiments amiantés concerne potentiellement un grand nombre de personnes. On peut parler dans ce cas de pollution par l'environnement intérieur. En effet, le chiffre de 15 à 20 % de victimes de l'amiante n'ayant jamais été en contact avec l'amiante dans leur vie professionnelle est avancé.

Dans le cas d'une pollution par l'environnement intérieur, on peut définir 3 niveaux d'exposition :

- l'exposition purement domestique par contact avec des vêtements souillés par des activités en lien avec l'amiante ou par des objets ménagers contenant de l'amiante (grille-pain, planche à repasser) ;

- l'exposition lors de travaux de bricolage (changement de plaque en fibre ciment, de garniture de freins) ;

- l'exposition du fait de la suspension dans l'air des locaux de fibre d'amiante ou par dégradation de bâtiments qui en contenaient (flocage, bâtiments en démolition). Le cas le plus symbolique en est la faculté de Jussieu à Paris.

Selon la Haute Autorité de Santé, les niveaux d'exposition environnementale à l'amiante varient de manière très importante et peuvent parfois atteindre les niveaux de l'exposition professionnelle.

La pollution par environnement professionnel concerne les personnes qui, dans le cadre de leur activité professionnelle, ont produit (extraction et transformation) de l'amiante ou l'ont utilisé dans le cadre de diverses activités de transformation ou d'isolation ou ont réalisé des activités de maintenance.

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La mission d'information du Sénat60, corroborée par les statistiques de l'INVS, a établi 3 catégories de salariés particulièrement concernés par l'amiante résiduel :

- les professionnels du second œuvre du secteur du bâtiment : électriciens, plombiers, chauffagistes, couvreurs qui sont amenés à intervenir sur les parties floquées ou calorifugées des bâtiments. 1 à 2 millions de salariés seraient potentiellement concernés ;

- les personnels de maintenance et d'entretien intervenant notamment sur des revêtements ou des dalles de sols contenant de l'amiante et dont les fibres peuvent être libérées dans l'air lors d'une opération de nettoyage ou de maintenance ;

- les ouvriers de chantier de désamiantage, lesquels font l'objet d'une réglementation particulière depuis 1996.

IV.4. DES PATHOLOGIES COMPLEXES ET UNE MISE EN PLACE DE MECANISMES DE REPARATION TARDIFS

La nocivité de l'amiante ou tout au moins la suspicion de dangerosité du produit sur la santé était connue de longue date. Dès 1893, l'Etat légiférait pour lutter contre l'empoussièrement des usines par les fibres d'amiante. En 1945, les affections pulmonaires liées à l'inhalation d'amiante entraient dans les tableaux recensant les maladies professionnelles. Mais outre le lobbying très puissant des industriels qui a eu pour effet de minimiser les impacts sanitaires de l'amiante, il faut noter le rôle ambigu du corps médical et de l'inspection du travail et l'absence de réelles structures d'alerte. Les médecins pouvaient être conscients de ces problèmes mais étant eux même salariés des entreprises concernés, on peut aisément comprendre leur mutisme. Cet ensemble de dysfonctionnements explique le nombre élevé de victimes. Ainsi, entre 1965 et 1995, 35 000 personnes seraient mortes de l'amiante en France. En 2010, 9,4 % des maladies professionnelles étaient dues à une exposition à l'amiante.

Selon l'Institut National de Veille Sanitaire (INVS), on peut distinguer deux types de pathologies selon leur aspect bénin ou malin :

- Parmi les pathologies bénignes, on distingue les plaques pleurales et les épaississements pleuraux et l'asbestose. Les plaques pleurales, marqueurs de l'exposition à l'amiante, sont facilement détectables à la radiographie. Les épaississements pleuraux sont quant à eux souvent accompagnés d'atteintes pulmonaires pouvant entrainer des douleurs thoraciques. Ces atteintes des plèvres, qui apparaissent dans la majorité des cas plus de 15 ans après la première exposition, relèvent du tableau 30 des maladies professionnelles. Dès lors que la fibrose atteint le poumon, on parle d'asbestose. Cette atteinte qui provoque une sclérose du tissu pulmonaire concernerait des personnes exposées à des niveaux très élevés d'amiante. Les manifestations vont de la simple gêne respiratoire à l'insuffisance respiratoire associée à d'autres maladies (insuffisance cardiaque, désordres immunologiques) et provoquent un risque de cancer broncho-pulmonaire.

60 Rapport d'information du Sénat au nom de la mission commune d'information sur le bilan et les

conséquences de la contamination par l'amiante.

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Rapport - Page 91

- Les pathologies malignes comprennent le mésothéliome, autrement appelé « cancer de l'amiante » dont le risque est significativement plus élevé si l'exposition a été de longue durée et de forte intensité. Cette tumeur touche majoritairement la plèvre et présente des manifestations cliniques peu spécifiques qui en rendent le diagnostic difficile et tardif. Cette pathologie, qui survient après 30 ou 40 ans, et rarement en dessous de 20 ans, limite l'espérance de vie à 12 à 18 mois. D'après l'Institut National du Cancer61, l'âge médian au diagnostic est de 70 ans pour les hommes et 67 ans pour les femmes. Au cours de la période 2003-2007, 822 décès ont été enregistrés chaque année en France métropolitaine. Les prévisions font apparaitre un chiffre de 50 000 à 100 000 décès par mésothéliome d'ici 2030. Il est à noter que dans les années 60, les professions les plus exposées à ce type de cancer étaient celles issues du secteur de la production et de l'utilisation de l'amiante : ouvriers des usines de transformation d'amiante, travailleurs des chantiers navals, chauffagistes. Depuis les années 80-90, les professions les plus concernées sont celles des métiers impliquant des tâches d'intervention sur des matériaux contenant de l'amiante au premier rang desquels les employés de la construction et de la réparation navale, les plombiers tuyauteurs, les carrossiers industriels. En France, d'après l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), 10 à 20 % des cancers du poumon et 85 % des mésothéliomes seraient dus à l'amiante.

Autres cas de cancers, les cancers broncho-pulmonaires représentent la première cause de mortalité et ne présentent aucune spécificité de par leur origine. Survenant en général 20 ans après l'exposition, il ne semble pas possible de définir de valeur seuil. Néanmoins, le risque d'atteinte tumorale est multiplié par l'exposition à d'autres agents cancérogènes, notamment le tabac.

D'autres cancers pourraient être liés à une exposition à l'amiante (larynx, digestifs ou urogénitaux). L'Institut National de Veille Sanitaire (INVS) estime qu'un quart des hommes, actuellement à la retraite, aurait été exposé à l'amiante.

Tenant compte des erreurs du passé, l'Etat a créé en 1998, l'Institut National de Veille Sanitaire (INVS), véritable réseau d'alerte et de surveillance dans les domaines de santé publique. Le Département Santé Travail (rattaché à l'INVS) s'est vu confier la mission de surveillance sanitaire des risques liés à l'activité professionnelle et plus particulièrement les risques liés à l'amiante à travers le Programme National de surveillance du Mésothéliome. Pour ce faire, le Département Santé Travail enregistre les cas de tumeurs primitives de la plèvre dans 22 départements ainsi que sur Lille et sa Région. Ces enregistrements ont d'ores et déjà permis d'estimer le nombre annuel de cas de mésothéliome, les secteurs et professions les plus touchés ou les plus à risques. Cette mesure a été complétée par la déclaration obligatoire des mésothéliomes dans le cadre du Plan Cancer afin de renforcer la surveillance épidémiologique et d'identifier les cas sans exposition professionnelle connue à l'amiante.

Parallèlement a été mis en place un suivi médical pour les anciens salariés de l'amiante. Ce Suivi médical Post Professionnel (SPP) concerne l'ensemble des anciens

61 Institut National du Cancer : Amiante et mésothéliome pleural malin - état des connaissances au

19 janvier 2012.

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salariés ayant été exposés à des substances cancérigènes62 (en 2008, le SPP des travailleurs de l'amiante représentait 80 % des dossiers de demande). Accordée sur présentation d'une attestation d'exposition remise par l'employeur, cette surveillance consiste en une consultation médicale et un scanner thoracique tous les cinq ans pour les personnes ayant été fortement exposées et tous les dix ans en cas d'exposition de catégorie intermédiaire, examens pris en charge par les organismes de sécurité sociale. Outre ces derniers, le suivi impose la conservation du dossier médical du salarié pendant quarante ans. Actuellement, deux programmes de surveillance existent : le programme Spirale, piloté par l'INSERM pour les salariés du régime général et ESPrl (Programme de surveillance post professionnelle des artisans ayant été exposés à l'amiante) piloté par l'INVS pour les artisans retraités. Bien que salués par tous, ces suivis rencontrent de nombreuses difficultés dans leur application : suivi facultatif laissé à l'initiative du salarié, employeurs réticents à fournir l'attestation d'exposition. Néanmoins, ces programmes ont permis de mettre en avant les secteurs les plus exposés aux conséquences de l'amiante, à savoir ceux de la construction, des travaux publics, de la réparation automobile et de l'industrie manufacturière. Les professions de peintres, d'ouvriers du second œuvre, de couvreurs, de chauffagistes seraient les professions les plus concernées.

IV.5. L'AMIANTE : UNE REGLEMENTATION, SOURCE D'EVOLUTION DE LA FILIERE DE DECONSTRUCTION DES BATIMENTS

Pour ce qui est du bâtiment, la problématique de l'amiante concerne deux types de publics : les propriétaires et les professionnels intervenant sur les matériaux amiantés. Pour prévenir les risques, la réglementation n'a cessé de se renforcer ces dernières années. Mais il se pose toujours la question du nombre de bâtiments effectivement concernés. En l'absence d'un inventaire complet en France, et des difficultés pour les entreprises de répondre aux exigences techniques imposées par la réglementation en vigueur, la réglementation peine à s'imposer. Mais propriétaires comme salariés doivent s'y soumettre. En cas de vente d'un bien immobilier dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997, ou en cas de travaux ou de démolition de ce bien, le Code de la santé publique prévoit que le propriétaire doit faire établir un diagnostic technique mentionnant la présence ou l'absence de Matériaux ou Produits Contenant de l'Amiante (MPCA). Cette réglementation s'appliquera au plus tard en 2021 pour la recherche des matériaux friables et pour l'ensemble des biens qu'ils soient mis en vente ou non. Ce diagnostic, réalisé par un professionnel accrédité par le COmité FRrançais d'ACcréditation (COFRAC) sera annexé au dossier technique immobilier. Lors de ce diagnostic, le professionnel devra rechercher la présence des matériaux et produits de la liste A (matériaux friables : flocages, calorifugeage et faux plafonds), liste B (matériaux non friables : matériaux de couverture, bardages, conduits de cheminée, planchers, plafonds, poutres…).

Si la présence de matériaux et de produits de la liste A est décelée, le rapport issu du diagnostic imposera soit :

- une évaluation périodique de l'état de conservation des MCPA (dans un délai maximum de trois ans) ;

62 Article D.461-25 du code de la sécurité sociale, issu du décret n° 93-644 du 26 mars 1993 modifié en

1995, complété par l'arrêté du 6 décembre 2011.

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- une mesure d'empoussièrement dans l'atmosphère afin de déterminer la concentration d'amiante (dans un délai de trois mois) ;

- des travaux de confinement ou de retrait de l'amiante (avec copie du rapport au préfet).

Le diagnostic, concernant les produits issus de la liste B, devra faire mention de recommandations en cas de risque de dégradation. Dans le cas de vente sans diagnostic d'amiante, la responsabilité du vendeur pour vices cachés pourra être engagée et faire l'objet d'un recours devant le tribunal d'instance.

Qui doit faire réaliser, quel repérage ?

Propriétaire d’immeuble

d’habitation ne comportant qu’un

seul logement

Propriétaire de partie privative

d’immeuble collectif

Propriétaire de parties communes

d’immeuble collectif

Propriétaire d’autres

immeubles bâtis

Selo

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courant des locaux

Pas d’obligation de repérage amiante

Repérage des matériaux de la liste A et constitution d’un Dossier Amiante - Parties Privatives

Repérage des matériaux des listes A et B et constitution d’un Dossier Technique Amiante

Repérage des matériaux des listes A et B et constitution d’un Dossier Technique Amiante

Vente Repérage des matériaux des listes A et B

Repérage des matériaux de la liste B (et matériaux de la liste A si non effectué précédemment)

Repérage des matériaux des listes A et B et constitution d’un Dossier Technique Amiante

Repérage des matériaux des listes A et B et constitution d’un Dossier Technique Amiante

Réalisation de travaux

Repérage des matériaux de la liste C

Repérage des matériaux de la liste C

Repérage des matériaux de la liste C

Repérage des matériaux de la liste C

Démolition Repérage des matériaux de la liste C

Repérage des matériaux de la liste C

Repérage des matériaux de la liste C

Repérage des matériaux de la liste C

Obligation des propriétaires / Bureau Véritas

En ce qui concerne la protection des travailleurs de l'amiante, le Code du travail et les arrêtés afférents ont permis à la France de respecter les obligations communautaires issues de la directive n° 2009/148/CE. La prévention des 900 000 travailleurs contre le risque amiante, et notamment des acteurs des chantiers de désamiantage, a fait et fait l'objet actuellement d'évolutions réglementaires. Depuis le 1er janvier 2012, la réglementation renforce considérablement les exigences de formation à la prévention du risque amiante. Ainsi, l'arrêté formation du 23 février 2012 précise le contenu et la périodicité des formations en fonction de l'activité et de la responsabilité des opérateurs (de l'opérateur à l'encadrant) et rend obligatoires ces formations soit en formation initiale ou en remise à niveau pour les professionnels de maintenance et d'entretien soit sous forme de recyclage régulier pour les agents intervenant dans le cadre d'activités de retrait-encapsulage. Ces formations sont dispensées par des organismes accrédités pour les activités de retrait-encapsulage par le COFRAC (COmité FRançais d'ACcréditation) et formés par l'INRS et

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l'OPPBTP (Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics). Les entreprises devront, quant à elles, obtenir la certification nécessaire à tous travaux de désamiantage intérieurs et extérieurs à travers les normes NFX 46-010 et NFX 46-011 et ce dès le 1er juillet 2014. L'entrée en vigueur du décret n° 2012-639 du 4 mai 2012 relatif aux risques d'exposition à l'amiante, dont certains arrêtés d'application sont en attente de publication, entraîne d'autres dispositions réglementaires. Ces mesures font suite à une campagne réalisée, en 2009 et 2010, de prélèvements et de mesures d'empoussièrement en fibres d'amiante à l'aide d'un nouveau moyen technique (la Microscopie Electronique à Transmission Analytique –META-). Cette nouvelle technologie a mis en évidence des mesures d'empoussièrement bien supérieures à celles mesurées jusque-là et la possibilité de prendre en compte l'ensemble des catégories de fibres. Suite à ce décret, la Valeur Limite d'Exposition Professionnelle (VLEP) a été abaissée de 100 fibres par litre d'air à 10 fibres par litre d'air sous 3 ans63 (l'échéance étant fixée au 1er juillet 2015) que ce soit pour l'amiante friable ou non, la distinction n'existant plus dans le Code du travail.

Afin de réduire au mieux l'exposition à l'amiante des travailleurs, l'employeur se doit de mettre en place des techniques et des modes opératoires adéquats (limitation de la diffusion des fibres, moyens de décontamination appropriés, travail robotisé, moyens de protection collective). Il est également tenu de transcrire ces risques dans un document unique d'évaluation des risques. L'employeur se doit également de fournir au salarié des Equipements de Protection Individuels (EPI) entretenus et vérifiés périodiquement.

La protection du salarié passe également par la protection d'un certain public. Ainsi la réglementation prévoit le renouvellement de l'interdiction d'emploi des jeunes de moins de dix–huit ans, des travailleurs à contrat déterminé pour certaines activités et des intérimaires. Cette protection passe également par un suivi médical. Chaque employeur est ainsi tenu de renseigner une fiche d'exposition à l'amiante recensant les dates et les résultats des contrôles de l'exposition à l'amiante, les procédés de travail utilisés, la nature du travail et les caractéristiques des matériaux et appareils utilisés. Afin de prévenir les possibilités d'exposition du salarié à l'amiante, la réglementation impose également à l'employeur de prendre des mesures concernant le traitement, le ramassage, le conditionnement et l'évacuation des déchets du chantier64. Ces mesures concernant les déchets font également suite à la condamnation de la France par la Cour de justice de l'Union Européenne, condamnation lui reprochant sa gestion des déchets.

Bien que l'évolution de la réglementation en matière d'amiante réponde ainsi à plusieurs problématiques, elle soulève de nombreux problèmes ou difficultés :

- Si la volonté des états de prévenir de nouvelles contaminations est tout à fait légitime, cette prise en compte a un impact financier indéniable. Ainsi le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA), depuis sa création en 2002, a enregistré 66 418 demandes d'indemnisation de victimes et 66 554 demandes d'indemnisation d'ayants droits pour un montant de 2,782 milliards d'euros, somme provenant du budget de l'Etat et attribuée chaque année par la loi de financement

63 Cette valeur s'entend sur une durée de 8 h, la durée maximale d'une vacation n'excédant pas 2 h 30.

La durée maximale quotidienne est limitée à 6 h. 64 Article R 4412-122 du Code du Travail.

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de la sécurité sociale. Pour nombre d'observateurs, ce dispositif semble être un dispositif « à bout de souffle » et mérite une réflexion globale.

- La réglementation en matière d'amiante est une autre problématique. Tardive en France, elle est considérée aujourd'hui comme la plus exigeante au monde. A titre d'exemple, le législateur a déjà prévu l'application de normes pour 2015, normes qui pour bon nombre de professionnels sont inatteignables actuellement au regard de l'état des techniques.

- Pour appliquer ces normes, actuelles et futures, il apparaît nécessaire d'établir un état des lieux de l'amiante en France. Le chiffre de 100 millions de m² de bâtiments amiantés est avancé, sans plus de certitudes. Des travaux en ce sens ont été entrepris, notamment par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB)65. Deux études réalisées en 2006 et 2008 ont permis, sinon de cartographier les bâtiments amiantés de façon générale, de mettre en avant certaines caractéristiques de bâtiments à partir des rapports d'activités des opérateurs de repérage. En ce sens, le rôle des professionnels du bâtiment est considérable.

Indéniablement, la problématique de l’amiante est mieux prise en compte par l’ensemble des acteurs, des gouvernants aux professionnels du bâtiment en passant par les particuliers, mais il n’en demeure pas moins vrai que son traitement engendre de nombreuses interrogations qui peuvent freiner le développement d’une filière de déconstruction. Il est très difficile de réaliser un état des lieux précis des bâtiments et surfaces amiantés et donc quasiment impossible de définir le marché de déconstruction. Bien que les professionnels aient considérablement progressé dans l’utilisation des techniques de désamiantage et se soient doté d’outils performants et que les compétences des professionnels sont avérées, cette filière manque toujours d’attractivité. Se pose également la problématique de la réglementation, trop exigeante de l’avis des professionnels. Malgré la prise en compte de cette problématique par les institutionnels, Etat et collectivités locales, le problème des exutoires pour ce type de matériau fait toujours débat. Une absence ou un nombre insuffisant d’établissements de traitement de déchets semble handicaper le développement d’une filière de déconstruction. Néanmoins, le secteur du désamiantage peut ainsi apparaître comme un secteur industriel en plein essor nécessitant des compétences nouvelles ou complémentaires afin de pouvoir assurer la réhabilitation complète du parc immobilier et traiter les anciens sites de production ou de transformation de l'amiante.

65 Rapports réalisés à la demande de la Direction Générale de la Santé (DGS) en lien avec la Direction

générale de l'Urbanisme, de l'Habitat et de la Construction. Le CSTB est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du Ministère de l'Egalité des Territoires et du Logement et du Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie.

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ANNEXE - REPERES CHRONOLOGIQUES SUR L’AMIANTE : DU « MAGIC MINERAL » A LA PIERRE TOMBALE (source : Mission commune d’information du Sénat)

- 5500 av. JC : en Carélie, nos ancêtres du néolithique utilisent déjà des fibres d’amiante, ajoutées à un mélange d’argile et de limon, pour fabriquer des poteries servant à la cuisson des aliments ;

- 1826 : le chevalier Aldini, colonel des pompiers de Rome, professeur à l’université de Bologne, imagine d’utiliser l’amiante dans la confection d’un vêtement propre à faciliter l’attaque des incendies ;

- 1829 : le physicien et chimiste anglais Faraday, lors d’une démonstration à l’Institut royal de Londres, encourage chaleureusement son homologue italien ;

- 1862 : l’amiante canadien est présenté à l’Exposition internationale de Londres ;

- 1865 : le dictionnaire Larousse présente l’amiante comme un gadget : « On en fait des tissus, des mèches, des dentelles, du papier et du coton incombustibles, mais les objets ainsi obtenus n’ont jamais été que des curiosités » ;

- 1868 : l’Italie extrait déjà 200 tonnes d’amiante ;

- 1877 : l’exploitation des gisements d’amiante débute au Québec après la découverte de Fecteau ;

- 1879 : John Bell présente les applications de l’amiante pour le confinement des machines, qui sont rapidement adoptées par les marines anglaise et allemande : le « magic mineral » devient le « compagnon de route du capitalisme industriel » ;

- 1883 : l’extraction de l’amiante commence dans la province du Cap ; le journal « The Engineer » traite de l’amiante et de ses applications, notamment le calorifugeage ;

- 1884 : 100 tonnes d’amiante canadien sont livrées à la fabrique de Rochdale en Angleterre qui donnera naissance à la société Turner and Newhall, l’un des quatre grands trusts mondiaux de l’amiante ;

- 1885 : les gisements de l’Oural commencent à être exploités ;

- 1899 : le Dr Henri Montagne Murray à Londres fait la première observation d’un décès lié à l’amiante : il diagnostique une fibrose pulmonaire d’origine mystérieuse chez un ouvrier ayant travaillé pendant quatorze ans dans l’atelier de cardage d’une filature d’amiante ;

- 1900 : l’Autrichien Ludwig Hatschek dépose un brevet relatif à la fabrication de produits en fibrociment, qui sera utilisé notamment par Eternit et Saint-Gobain ;

- 1906 : Denis Auribault, inspecteur du travail à Caen, rédige un rapport sur la surmortalité des ouvriers d’une usine de textile de Condé sur Noireau, dans le Calvados, utilisant l’amiante. Cette note publiée dans le Bulletin de l’inspection du travail est classée par l’administration et reste lettre morte ;

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Les filières du démantèlement nucléaire et de la déconstruction - Etat des lieux et problématiques

CESER de Basse-Normandie

Rapport - Page 98

- 1918 : les compagnies d’assurances américaines refusent d’assurer les travailleurs de l’amiante ;

- 1922 : la société Eternit France est créée par l’industriel Georges Cuvelier ;

- 1924 : Nellie Kershaw, entrée comme bobineuse en 1917 à la filature d’une fabrique d’amiante, ultérieurement reprise par la Turner and Newhall, meurt par étouffement à 33 ans d’une « fibrose pulmonaire causée par l’inhalation de particules minérales » ; dix ans après la mort de Nellie, la Grande-Bretagne fera entrer l’asbestose dans le champ des maladies professionnelles indemnisables ;

- 1927 : le filon d’amiante de Canari, au Cap corse, découvert par le géologue suisse Eggenberger, est mis en exploitation par l’industriel Georges Cuvelier, fondateur d’Eternit France ;

- 1930 : l’amiante est enfin inscrit à l’ordre du jour de la conférence internationale consacrée à la santé des mineurs ; depuis 1910, la production mondiale d’amiante est passée de 128 000 à 339 000 tonnes ;

- 1931 : la Grande-Bretagne édicte une première réglementation limitant l’empoussièrement dans les usines ; deux Britanniques, Klemperer et Rabin, découvrent le mésothéliome ou cancer de la plèvre ;

- 1943 : la Turner and Newhall et huit autres industriels de l’amiante confient une première étude expérimentale sur les pathologies de l’amiante à un laboratoire américain : 80 % des souris testées développent un cancer du poumon en moins de trois ans. Les résultats de cette étude resteront secrets ;

- 1945 : l’ordonnance du 2 août crée le tableau n° 25 des maladies professionnelles reconnaissant les fibroses pulmonaires consécutives à l’inhalation de poussières renfermant de la silice ou de l’amiante ; la revue « Archives des maladies professionnelles » signale déjà deux cas de cancer lié à l’asbestose ;

- 1946 : les Etats-Unis édictent une réglementation limitant l’empoussièrement dans les usines ;

- 1950 : le décret du 31 août crée le tableau n° 30 qui reconnaît l’asbestose comme maladie professionnelle ;

- 1954 : John Knox, médecin du travail de l’usine Turner and Newhall de Leeds, confie à l’épidémiologiste Richard Doll une étude sur les ravages du « magic mineral » ;

- 1955 : en dépit des pressions des industriels, l’étude épidémiologique de Richard Doll est publiée dans le « British Journal of Industrial Medecine », prouvant le lien entre amiante et cancer du poumon ;

- 1956 : un courrier entre les responsables de la Turner and Newhall et la société Ferodo évoque les dangers pour les populations vivant aux abords des usines, lors du choix d’un site français de transformation des fibres ;

- 1960 : l’étude du docteur Wagner confirme que l’amiante est à l’origine du mésothéliome qui touche les mineurs en Afrique du Sud et révèle que le cancer de la plèvre atteint aussi les riverains des usines ; elle dénombre 33 cas de mésothéliome dans la population des mineurs d’amiante dans la province du Cap ;

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Etat des lieux et perspectives

Rapport - Page 99

- 1962 : dans une réponse adressée à la Présidence de la République, Raymond Barre, directeur de cabinet du Ministre de l’Industrie, plaide la cause des industriels concernant les problèmes de pollution nés de l’activité de la société minière de l’amiante à Canari, en Corse ;

- 1964 : la conférence internationale sur les risques liés à l’amiante se réunit à New-York sous l’égide de l’académie des sciences. Les actes de cette conférence sont consultables dès 1965 à la bibliothèque de la faculté de médecine de Paris. Le pneumologue Irving Selikoff, directeur de la division de médecine expérimentale du Mount Sinaï Hospital de New-York, publie la première grande étude épidémiologique, à la demande du syndicat des ouvriers de l’isolation ; le Sud-Africain J.G. Thomson retrouve des corps asbestosiques dans les poumons d’un habitant sur quatre autopsié dans la province de Captown ; le docteur Muriel L. Newhouse, du département de médecine professionnelle britannique, fait état de 76 cas de mésothéliome, dont 31 ouvriers de l’amiante, 11 cas vivant à proximité d’usines, 9 femmes et enfants d’ouvriers ;

- 1965 : le premier cas de mésothéliome pleural, diagnostiqué par le Français Jean Turiaf, est décrit dans le bulletin de l’Académie de médecine ;

- 1968 : deux chercheurs britanniques, Morris Greenberg et T.A. Lloyd Davis, étudient les cas recensés dans le registre anglais des mésothéliomes et dénombrent 38 cas sans exposition à l’amiante, mais ayant habité au voisinage des sites de transformation (voisins, femmes et enfants d’ouvriers de l’amiante contaminés notamment par un contact avec des vêtements de travail) ;

- 1971 : les industriels anglo-saxons et européens de l’amiante se réunissent à Londres pour bâtir une stratégie qui leur permettra de continuer à utiliser le minerai ; le COmité Français d’étude sur les Effets Biologiques de l’Amiante (COFREBA), premier lobby de « l’or blanc », est créé ;

- 1973 : les premiers procès ont lieu aux Etats-Unis ;

- 1974 : quatre trusts contrôlent 50 % de la production et 25 % de la transformation de l’amiante dans les pays occidentaux : John-Manville (Etats-Unis), Turner and Newhall (Grande-Bretagne), Cape Ltd (Grande-Bretagne), Eternit (Belgique) ;

- 1975 : les chercheurs du campus de Jussieu découvrent que leurs locaux universitaires sont pour une large part isolés à l’amiante et révèlent la situation des usines de transformation ; le collectif intersyndical sécurité des universités Jussieu est créé (CFDT, CGT, FEN) ;

- 1976 : le tableau n° 30 des maladies professionnelles est modifié et prend en compte le cancer du poumon et le mésothéliome ;

- 1977 : le professeur Jean Bignon adresse au Premier Ministre, Raymond Barre, une lettre dévoilant l’ampleur de l’hécatombe attendue. La chambre syndicale de l’amiante et le syndicat de l’amiante-ciment l’accusent dans un livre blanc de vouloir faire fermer les portes des industries de l’amiante, du bâtiment, de la mécanique, de l’automobile et de la construction navale ; l’arrêté du 29 juin interdit le flocage dans les immeubles d’habitation ; le décret du 17 août réduit la concentration d’amiante à laquelle les salariés peuvent être exposés dans les entreprises (deux fibres par cm3) ;

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Rapport - Page 100

- 1978 : le décret du 20 mars interdit les flocages contenant plus de 1 % d’amiante pour l’ensemble des bâtiments ; selon une résolution européenne, « l’amiante est un produit cancérigène et toutes les variétés utilisées dans le marché commun présentent un danger pour la santé humaine » ;

- 1980 : la chambre syndicale de l’amiante devient l’association française de l’amiante ; l’acteur Steve Mac Queen meurt d’un mésothéliome à l’âge de 50 ans ;

- 1982 : la société américaine Johns-Manville, plus importante entreprise mondiale dans le secteur de l’amiante, invoque l’article 11 de la loi sur les faillites pour se protéger des centaines de milliers de procès qui lui sont intentés ; une convention relative au dépistage des flocages d’amiante dans les établissements scolaires est passée entre le BGRM66 et le Ministère de l’Education Nationale . Le Comité Permanent Amiante (CPA) est créé en France, ce lobby mis en place à l’initiative du directeur général de l’INRS, rassemble, outre les industriels, des scientifiques, des fonctionnaires des Ministères concernés, des représentants d’organismes publics comme l’INC, l’INRS et des syndicats, un « Symposium mondial sur l’amiante » se réunit à Montréal ;

- 1986 : la Chase Manhattan Bank poursuit la société Turner and Newhall en lui réclamant une indemnisation de 185 millions de dollars pour le flocage à l’amiante de ses locaux ; le conseil d’administration de l’INRS se propose d’octroyer une subvention au CPA dans la perspective d’un nouveau colloque à Montréal : le délégué de FO, dont l’organisation ne participe pas aux travaux du CPA, s’y oppose ;

- 1989 : Marcel Valtat, secrétaire général du CPA, envoie une lettre au Premier Ministre Michel Rocard, ainsi qu’à sept Ministres, sous l’intitulé : « Usage contrôlé de l’amiante : utopie ou réalité ? » ;

- 1991 : la sécurité sociale n’indemnise que 492 victimes de l’amiante, dont 56 cas de mésothéliome : sur 10 000 cancers professionnels annuels, moins de 2 % sont indemnisés ; l’INSERM recense 902 cas de mésothéliome, contre 300 en 1968 ; en Grande-Bretagne, 183 travailleurs des usines transformatrices de l’amiante sont décédés depuis 1971 ; 10 985 autres décès dus à l’amiante sont enregistrés durant la même période ;

- 1994 : l’association française de l’amiante verse 700 000 F au cabinet Europaxis ; le comité anti-amiante de Jussieu organise en mars une conférence à l’université de Paris VII, en présence d’experts étrangers, dont Julian Peto. Jean Bignon et Patrick Brochard publient en novembre une étude sur le campus de Jussieu ; le CPA organise une conférence de presse ; les veuves de plusieurs enseignants du lycée professionnel de Gérardmer, décédés d’un cancer, déposent une plainte ; les experts français se réunissent en décembre au Ministère du Travail et confirment les dangers de l’amiante ;

- 1995 : le Lancet publie en mars l’étude de l’épidémiologiste Julian Peto qui révèle que le nombre de mésothéliomes est très élevé en Grande-Bretagne et aussi que ceux-ci se sont répandus bien au-delà des seuls salariés des usines de transformation de l’amiante, notamment chez les ouvriers du bâtiment ; l’enquête de « Sciences et avenir » est publiée en mai ; le CPA cesse de se réunir en septembre ; le reportage d’Envoyé Spécial, « Mortel amiante », est diffusé ;

66 Bureau des Recherches Géologiques et Minières.

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Rapport - Page 101

- 1996 : l’Association Nationale Des Victimes de l’Amiante (ANDEVA) est créée en février ; le décret du 7 février oblige les propriétaires de bâtiments à réaliser un diagnostic sur la présence d’amiante. Cinq malades, membres de l’ANDEVA, se portent partie civile et déposent une plainte contre X, le 25 juin. Le rapport de l’INSERM, « Effets sur la santé des principaux types d’exposition à l’amiante », est rendu public le 2 juillet lors d’une conférence de presse. Le Ministre du Travail et des Affaires Sociales, Jacques Barrot, annonce le 3 juillet l’interdiction de « la fabrication, l’importation et la mise en vente de produits contenant de l’amiante », à compter du 1er janvier 1997 ; le Président de la République Jacques Chirac annonce dans son intervention télévisée du 14 juillet, qu’ « il n’y aura plus d’étudiants à Jussieu avant la fin de l’année » ; le Parquet de Paris ouvre le 6 septembre une information judiciaire contre X pour « blessures volontaires » à la suite d’une plainte déposée par un électricien atteint d’un mésothéliome de la plèvre : l’instruction débouche sur un non-lieu ; l’amiante est interdite par un décret du 26 décembre : son utilisation est proscrite en France à partir du 1er janvier 1997 ; après l’Allemagne, l’Italie, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas, la Norvège et la Suisse, la France est le huitième pays à interdire totalement l’amiante ;

- 1997 : pour la première fois une entreprise, la société Eternit, est condamnée pour faute inexcusable, à la suite d’une plainte d’un salarié de l’usine de Vitry-en-Charollais ;

- 1998 : le Canada dépose une plainte contre la France devant l’OMC pour avoir interdit l’amiante ; le 19 décembre, la France met en place la retraite à 50 ans pour les salariés exposés au moins 30 ans dans des entreprises où l’amiante a été utilisé ; l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) est créé ;

- 1999 : l’Union Européenne interdit l’amiante ;

- 2000 : le tribunal administratif de Marseille reconnaît la faute de l’Etat ; l’OMC donne raison à la France ;

- 2001 : le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) est créé ; les premiers procès contre la filiale américaine de Saint-Gobain (Certain Teed) s’engagent aux Etats-Unis ;

- 2002 : dans plusieurs arrêts du 28 février, la Cour de Cassation reconnaît la faute inexcusable de l’employeur pour les cas de maladie professionnelle : l’employeur a désormais une obligation de résultat concernant la prévention dans le cas des risques qu’il fait courir à ses salariés ;

- 2004 : le Conseil d’Etat confirme la responsabilité de l’Etat dans l’affaire de l’amiante ;

- 2005 : l’interdiction de l’amiante au niveau communautaire devient effective au 1er janvier ; le Sénat crée une mission d’information commune sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante.