Les plantes sont façonnées par la lumière

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  • 7/31/2019 Les plantes sont faonnes par la lumire

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    la lettre n0 11 / printemps 2004de l Acadmie dessciences

    Les Plantes

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    EditorialLa recherche scientifique est une gran-de tradition de notre pays. Lavoisier,Pasteur, les Curie, les plus grandsmathmaticiens, nos biologistes nova-teurs en tmoignent. Qui ne connat lim-portance de la recherche dans la cultureet limage nationales, la ncessit duneuniversit attentive et comptente dansle domaine scientifique, et laction nces-saire dinstitutions permettant dobtenirles moyens et lvaluation du travailscientifique? ducation, sant, indus-

    trie, agriculture, environnement, climat,scurit civile et militaire sont autant dedomaines qui voquent la place centralede la recherche et qui imposent dessoins ininterrompus et efficaces tousles niveaux et dans toutes les discipli-

    nes. Que la recherche ne soit pas dl-gue sectoriellement, mais au con-traire une priorit du gouvernement dela France semble une vidence politique!Si dans les disciplines traditionnelles,dont certaines sont souvent peucoteuses, nos chercheurs attestenttoujours de lminence de notre tissuscientifique national, il nen est pas demme quand on examine la situation dela recherche franaise dans des secteurs

    technologies mergentes comme lessciences du vivant (et leurs corrlats

    mdicaux) et les nanotechnologies avecles bouleversements intellectuels,thiques, et financiers qui en dpendent.Les donnes chiffres sont l pour indi-quer la diminution remarquable des cita-tions des articles scientifiques publispar nos laboratoires, linsuffisancenumrique et de qualit des brevets prisen France, le dpart de scientifiquesencore jeunes en pleine activit, formsen France et allant sinstaller outre-atlantique, sans compter les plus jeunes,post-doctorants, qui restent ltranger.Trs mal rtribus et souvent incapables

    de dmontrer leur talent dans les condi-tions actuelles, les chercheurs quirestent sont dsesprs ou en colre:le mouvement foudroyant et massif dejanvier-fvrier Sauvons la recherchela bien montr.

    La confiance nest plus l. Ni celle deschercheurs dans les promesses quonleur a faites, mme si celles-ci sontsincres et relativement importantes, nicelle des gouvernants qui souvent cdentaux simplifications en accusant notresystme de recherche dimmobilisme,dinefficacit et pour tout dire de gchis.Devant le blocage tel quil pouvait treconstat le vendredi 27 fvrier, douardBrzin et moi avons eu loccasion, le

    lendemain au cours dun dbat surFrance Culture, de proposer publique-ment une mdiation, titre person-nel. A lvidence, nous tions conscientsque nos situations respectives de prsi-dent et de vice-prsident lus de lAca-dmie nous confraient ipso-facto, auregard des autres scientifiques, dugouvernement, et de la socit civile,une lgitimit que nous savions garantiepar la comptence scientifique et moralede nos confrres. Dailleurs ds le mardisuivant, un scrutin du Comit secret,nous accordait massivement une con-fiance qui nous a permis desprer le

    concours clair de nos consurs et denos confrres.

    Les responsables des laboratoires ontmanifest trs fortement leur dtermi-nation. Il reste mettre en perspectiveleurs revendications immdiates. Jesouhaite personnellement quun effort

    significatif soit fait des deux cts. Nousavons, avec les reprsentants qualifisdu collectif Sauvons la recherche ,contribu la constitution du comitnational dinitiative et de proposition pourla recherche scientifique. Les diff-

    rentes composantes du peuple scien-tifique franais y ont trouv leur placeavec laccord de tous. Nous comptonssur laide promise pour le faire fonc-tionner: il sagit de consulter et dedonner publiquement la parole tous,au cours d tats Gnraux oud Assises de la recherche. Il sagitaussi dtablir, ds cette anne et avecvocation dapplication immdiate, uneorientation et une programmation

    vocation pluriannuelle, les aspectsbudgtaires et organisationnels tantinclus.

    Notre Acadmie soffre ainsi commegarante de notre recherche. Sa contri-bution institutionnelle en laborationdepuis plusieurs mois dans le cadre dugroupe Science et Socit pilot parJean-Franois Bach, sera prsente aucours des dbats et des tudes quicommencent

    partienne mile BaulieuPrsident de lAcadmie des sciences,professeur honoraire au Collge de France.

    Sommaireditorial

    Un comit national dinitiativeet de proposition pour la recherchescientifiquetienne mile Baulieu

    page 2

    Dossier

    Les plantes sont faonnes

    par la lumireMichel Cabochepage 3

    Lobservation des fleursChristian Dumas

    page 6

    Endosymbioses racinairesJean Dnari

    page 7

    Vgtation et changementsclimatiques actuelsPaul Ozenda

    page 9

    loge de lusine chimique vgtaleEntretien avec Roland Douce par Paul Caro

    page 10

    Les aventures dune pomme de terreChristian Frault

    page 12

    Questions dactualit

    Lhumanisation du gnomePhilippe Vernier

    page 14

    Enseignements scientifiqueset enseignements technologiques:des mconnaissances rciproqueset trop de divergencesYves Malier

    page 16

    La vie des sancesQuelques remarques sur les difficultsde la lecture chez lenfantPierre Buser

    page 20

    La vie de lAcadmie

    Prix scientifique 2004Fondation Lefoulon-DelalandeBourses de recherche 2004page 21

    Les relations internationalesde lAcadmie des sciencesAndr Capron

    page 22

    lections de Membrespage 24

    Un comit nationaldinitiative et de proposition

    pour la recherche scientifique

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    la lettre n0 11 / printemps 2004de lAcadmie des sciences

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    Dossier

    De nombreux gnes intervenant dansles mcanismes de base de la cel-lule eucaryote sy trouvent en bonneplace (cyclines, enzymes de recombi-naison, protines impliques dans latraduction, dans le fonctionnement ducytosquelette, etc) confirmant uneorigine commune des eucaryotesanimaux et vgtaux. On dcle aussidans les gnomes des plantes les tracesde lendosymbiose de la cellule euca-ryote primitive dj pourvue dune mito-chondrie, avec une cyanobactrie ca-pable de photosynthse. Le gnome descyanobactries actuelles comporte 3170gnes. Arabidopsis, la plante modle des

    vgtalistes comporte plus de 4000gnes prsentant des similitudes desquences avec les gnes cyanobact-riens. Fait surprenant, un tout petitnombre de ces gnes (110) est retrouvdans le gnome chloroplastique issu duchromosome cyanobactrien, le restedes gnes ayant massivement migrdans le noyau de la cellule pour y re-joindre plus de 20000 autres gnes nuc-laires. De cet hritage cyanobactriensont issues les protines impliquesdans la construction des photosystmes,qui rendent les plantes capables duti-liser lnergie lumineuse et de fixer le

    carbone atmosphrique. De cet hritageproviennent aussi les systmes de rgu-lation dits deux composants, sortede capteurs biologiques typiques desbactries et parmi ces derniers un

    1 Correspondant de lAcadmiedes sciences, directeur de recherche lINRA, Versailles.

    Les organismes photosynthtiques et les plantes en particulier

    jouent un rle majeur dans la teneur de latmosphre en oxygne

    et en gaz carbonique. En outre les plantes, en colonisant les terres

    merges depuis environ 470 millions dannes ont constitu

    une ressource renouvelable, mais incontournable daliments pour

    le rgne animal qui sest install sur les continents, lui aussi, grce

    leur aide. Lhomme, en dveloppant lagriculture et en exploi-

    tant les ressources de combustibles fossiles na fait quaccentuercette dpendance lgard du rgne vgtal. La comparaison des

    gnomes de plantes ceux des animaux et de bactries a confirm

    la place singulire des plantes dans larbre de lvolution.

    Les plantessont faonnes

    par la lumireparMichel Caboche 1

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    Durant les annes 1980, les connais-sances sur la fleur ont rapidement

    progress grce lanalyse de mutantsfloraux chez des espces modles: leMuflier et lArabette des dames. Chez lapremire, une collection de mutantsnaturels existe en Grande-Bretagne; lesmutations sont lies lactivit dl-ments mobiles du gnome induits parune lvation de temprature. Chez laseconde, il sagit essentiellement demutants dinsertion obtenus par unetechnique de transgense base sur lacapacit naturelle de transfert de gnes

    dune bactrie du sol la plante. Onpourrait aisment croire que sans gn-tique, il ny a pas de comprhensionpossible des phnomnes biologiques.La science ne progresse pas par une loidu tout ou rien mais par de petites avan-ces, certaines sont imprvisibles maistoujours bases sur lobservation.

    La fleur, le pote et la gntiqueAprs avoir crit Les souffrances dujeune Werther, Goethe quitte la cour deWeimar pour lItalie o il sadonne labotanique. Lobservation des planteslamne publier, en 1790, une remar-

    quable thorie: La mtamorphose desplantes. Il a lintuition de lorigine foliairedes organes floraux et dcrit la trans-formation dun organe dun type en unorgane dun autre type (exemple: unptale en une tamine). Ce nest passans rappeler ce qui a t observ chezla mouche Drosophile ou chez unmutant, une antenne peut remplacerune patte; les responsables de cesmutations sont des gnes homotiquesqui renferment tous dans leurssquences dADN un motif commun trsconserv: la bote homo. Cette dcou-

    verte fondamentale a t rcompensepar un prix Nobel.Les organes floraux sont de quatretypes: spale, ptale, tamine etcarpelle; chaque type est sur un cerclediffrent ou verticille. Chez les fleurs, ondistingue donc quatre verticilles concen-triques symtrie axiale ou bilatrale.On parle encore de fleurs rgulirescomme lglantine ou irrgulirescomme les orchides. Lobservation deroses monstrueuses, ou mutants, a trapporte, en 1807, par Jean-JacquesRousseau. Dans ses Lettres sur leslments de botanique, il notait que lamultiplication des ptales avait entran

    la disparition des organes reproducteurs

    transforms en ptales brillants!

    Dossier

    Ces observations de Goethe et de Rous-seau nont pris toute leur valeur quaudbut des annes 1990, priode o lona dmontr le rle des gnes homo-tiques dans la formation des fleurs,mme chez des espces o elles sonttrs simplifies, comme chez le mas.Trois groupes de ces gnes contrlent

    des fonctions identitaires. A spcifie lesspales, A + B les ptales, B + C lestamines et enfin C, les carpelles (oupistil). Des interactions positives (A + Bou B + C) ou ngatives (entre A et C) exis-tent entre ces fonctions. Ce modlesous-tend une unit ontognique et fonc-tionnelle chez les 300000 espces de

    fleurs identifies. Laposie, lobservation:qualit premire desbotanistes, et la gn-tique se trouvent ainsirunies dans une incroy-able trilogie moderne.

    Pollinisation et

    fcondationLa reproduction sexueimplique une reconnais-sance entre le grain depollen (partenaire mle)et le pistil (partenairefemelle) au sein de lafleur. Le pollen est d-pos au contact du pistilpar le vent, leau ou lesanimaux. Le pistil estalors capable de discri-miner du pollen duneautre espce ou de la mme plante

    (raction dauto-incompatibilit). Or lesrisques dautofcondation sont levspuisque 96% des espces possdent surun mme pied des organes mles etfemelles et, parmi elles, 75 % ont lesdeux prsents dans la mme fleur. Cemcanisme induit un risque de consan-guinit lev, phnomne largementdfavorable lors de variations du milieu.Au cours de l'volution, des systmesqui limitent la consanguinit ont tslectionns; ils seraient lorigine dusuccs volutif des plantes fleurs et deleur position dominante dans la floremondiale.

    Lauto-incompatibilit est souventcontrle par un seul locus multiall-lique, le locus S (S pour Self-incompati-bility); le rejet du pollen se produitlorsque le mme allle S est exprim

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    la fois par le pollen et le pistil. Il enrsulte une htrozygotie de tous lesindividus ce locus, un chec de lauto-fcondation et une impossibilit de polli-nisation dune plante par un pollen quiporterait lun de ses deux allles. Chezune plante cousine de lArabette, le chou,le locus S est trs polymorphe avec plus

    de 60 allles; complexe, il stend surplusieurs dizaines de kb et contientplusieurs gnes dont les allles cos-grgent avec le phnotype d'auto-incom-patibilit. Dun point de vue fonctionnel,le locus S contient deux units de trans-cription, la premire codant le dtermi-nant mle, la seconde le dterminant

    femelle; linteraction entre les deux

    conduisant au rejet du pollen. Parmi lesdiffrents gnes identifis, SRK (S locusreceptor kinase) est responsable delauto-incompatibilit, ct femelle. Ilcode une protine transmembranairedont la structure rappelle celle desrcepteurs kinase des animaux. Sonimplication a t atteste par l'analysede variants autocompatibles porteurs demutations qui entranent labsence detranscrits ou ne donnent que des trans-crits tronqus, et des expriences detransgnse. Rcemment, le dtermi-nant mle a t identifi par squenagede la rgion du locus S de diffrents

    haplotypes. Il sagit de SCR (S locuscysteine rich) qui code une nouvelleclasse de petits peptides polymorphesriches en rsidus cystine. La dmons-tration finale de son rle a t apporte

    Lobservation

    des fleurs

    1 Membre de lAcadmie des sciences,professeur lcole normale suprieure de Lyon.

    parChristian Dumas 1

    par des expriences entranant despertes et des gains de fonction; laprotine SCR est le ligand qui active SRKdans le cas d'une pollinisation auto-incompatible.

    Chaque grain de pollen compatibledpos sur le pistil peut mettre un tube

    qui vhicule deux gamtes mles. Ctfemelle, deux gamtes sont localiss lintrieur dun appareil complexe: lex-trieur, lovaire lorigine du fruit, et lintrieur, lovule lorigine de la graine.Rien ne permet, a priori, de distinguerles deux gamtes mles. Par contre, lesdeux gamtes femelles sont diffrents.Lun, aprs fusion avec un gamte mle,donne naissance au zygote principal 2n pour former lembryon ou germe dela graine. Lautre, beaucoup plus gros,renferme deux noyaux (n+n); aprsfcondation par le second gamte mle,

    il donne naissance un produit de fusion 3n qui se dveloppe en un embryonaccessoire, lalbumen. Celui-ci fonc-tionne comme nourrice pour lembryon-plantule avant quil ne soit autonome.Cette double fcondation, interne etunique, rsulte de laffranchissementprogressif des plantes au milieu liquide.Depuis sa dcouverte en 1898 chez le lis,elle a t retrouve chez toutes lesplantes fleurs et a pu tre en partielucide, grce un systme in vitro

    ralis en 1994, dans notre laboratoire.Plus rcemment, lutilisation de mutantschez lArabette a permis de mettre en

    vidence dautres interactions gam-tiques.

    Jai soulign ici limportance de lobser-vation. Aujourdhui, les seuls liens entrele citadin et la Nature sont les paysagesmodels par lHomme et observs de lafentre dune voiture ou sur un cran detlvision. Par ailleurs, la disparition derfrence aux plantes dans les pro-grammes du secondaire au profit dedonnes trop conceptuelles, loigne lesenfants et les jeunes adultes de laNature, sans veiller leur sens de lob-

    servation. Il est important de reconnatreet de nommer quelques plantes, et au-del de comprendre les mcanismesintimes de la vie. Nos concitoyens ontsouvent une approche motionnelle dela Nature qui les conduit parfois desattitudes loignes des ralits scienti-fiques. A cet gard, on peut regretter quelEurope ait rduit nant son soutienaux recherches en gnomique vgtaledans le cadre du 6e PCRD. Ceci rsultede laction conjugue de politiques et demouvements cologistes qui font desamalgames regrettables sur les OGM,leur intrt en agriculture et les multi-

    nationales qui les dveloppent. Fleur,pollinisation et fcondation constituentdes enjeux importants dans le domainede la slection, de la cration varitaleet de la biodiversit

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    changes de mtabolites entre parte-naires. Ces mycorhizes jouent un rle

    important dans la nutrition phosphatedes plantes et sont prsentes chez plusde 80 % des espces vgtales exis-tantes, chez des mousses, fougres,gymnospermes et angiospermes. Lemaintien de ces associations au coursde lvolution et leur ubiquit tmoignentde limportance de ces symbioses dansladaptation des plantes au milieu.

    Bien que lazote molculaire (N2)constitue environ 80% de latmosphreterrestre, lazote constitue un facteurlimitant majeur de la croissance desvgtaux cultivs. Ce paradoxe est d au

    fait que la molcule dazote est trsstable et que les organismes suprieurs(eucaryotes) sont incapables de lutiliser.Seules des bactries (procaryotes) sontcapables de rduire N2 en ammoniac, de

    fixer lazote en le rendant assimilable.Cette rduction ncessite beaucoup

    dnergie: cest pourquoi les systmesfixateurs les plus efficaces sont consti-tus par des plantes capables de formerdes organes particuliers, les nodositsracinaires, o elles hbergent des bact-ries fixatrices. Dans ces nodosits laplante fournit de lnergie et descomposs carbons la bactrie qui enretour fournit de lazote assimilable son hte. Ces nodosits produisentchaque anne plus dazote assimilableque lindustrie des engrais. La symbiosefixatrice dazote la plus importante dunpoint de vue cologique et agronomiqueest celle associant des bactries du sol,

    les Rhizobium, aux Lgumineuses.

    Ces deux types dendosymbioses raci-naires jouent un rle considrable dansle fonctionnement des cosystmes

    Des symbioses dune grandeimportance cologique et agro-nomique

    L aptitude tablir des associations bnfice mutuel est une caract-ristique trs ancienne des organismesvivants, et certaines de ces symbiosesont jou un rle fondamental dans lvo-lution. Il y a environ 400 millions dan-nes, la colonisation du milieu terrestre

    par les plantes a t associe la forma-tion de symbioses appeles mycorhizes arbuscules cause des structures quele champignon forme lintrieur descellules de racines et qui facilitent les

    Dossier

    Endosymbiosesracinaires

    1 Directeur de recherche lINRA,laurat de lAcadmie des sciences.

    parJean Dnari 1

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    vingt-dix dutiliser une lgumineusemodle, Medicago truncatula, qui estdiplode et autogame, possde ungnome de taille rduite (500 Mb), et estcommodment transformable par Agro-bacterium. Cette espce a t adoptedepuis comme modle par un grandnombre de laboratoires amricains

    et europens pour identifier les pro-grammes symbiotiques vgtaux et faci-liter ltude de la biologie des lgumi-neuses.

    Des programmes importants de gno-mique de Medicago truncatulasontdvelopps en Europe et aux tats-Unisavec un double objectif: dune part iden-tifier les programmes symbiotiques desplantes, et dautre part faciliter la gn-tique et lamlioration des lgumineusescultives qui jouent, grce leur apti-tude fixer lazote, un rle cl dans la

    production mondiale de protines etdans le dveloppement dune agricul-ture respectueuse de lenvironnement.Une tude de cytogntique molculairea rvl que la structure du gnome decette espce est simple, les rgionsriches en squences rptes et pauvresen gnes (htrochromatine) tant con-centres autour des centromres. Unestratgie de squenage a donc tadopte qui vise concentrer les effortssur les rgions du gnome riches engnes (euchromatine) estimes 200Mb (la taille du gnome dArabidopsistant de 140 Mb). Ce programme doit

    sachever en 2006. Plusieurs approchesde gnomique fonctionnelle sont utili-ses. Ltude de lexpression des gnesse fait par utilisation de puces ADN quicomptent actuellement 16000 gnesmais dont le nombre devrait augmenteravec les progrs du squenage dugnome. Par ailleurs des programmesde mutagense systmatique par ethyl-methyl sulfonate (remplacement dunebase par une autre), par neutronsrapides (formation de petites dltions)ou par insertion dun lment transpo-sable (tiquetage de gnes) vont fournir

    des ressources importantes pour ltudede la fonction des gnes. Enfin, destudes de gnomique comparative visent comparer lorganisation des gnomesde Medicago truncatulaet des princi-pales lgumineuses cultives pourpouvoir transfrer efficacement les infor-mations obtenues sur le systmemodle. Ces tudes devraient grande-ment faciliter la gntique et lamlio-ration des lgumineuses, et permettreun accroissement des superficies quileur sont consacres en Europe, rendantpossible le dveloppement de systmesagricoles durables

    premires rponses de la plante-hte laddition de facteurs Nod est linductiondoscillations calciques dans les poilsabsorbants. Les gnes DMI1 et DMI 2sont ncessaires pour linduction de cetterponse calcique, DMI2 codant pour unercepteur-kinase qui pourrait tre impli-que dans la perception des deux typesde signaux symbiotiques, bactriens etfongiques, et DMI1 codant pour un canal

    ionique. Le gne DMI3 code pour uneproteine-kinase, calcium et calmodulinedpendante, dont la fonction est vrai-semblablement dinterprter des signa-tures calciques. Le fait quune telleprotine soit indispensable pour laformation de mycorhizes indique que lavoie de transduction du signal mycorhi-zien doit galement impliquer unerponse calcique. Le gne DMI3 tant ledernier gne, identifi dans la voie detransduction, qui est commun aux deuxtypes de symbioses (fig.1), il est tentantde faire lhypothse que les signaux

    produits par les deux types de symbiotesprovoquent des rponses calciques diff-rentes (par exemple des oscillations defrquence ou dintensit diffrentes) etque la fonction de la protine DMI3 estde percevoir ces diffrences et dactiversoit le programme de nodulation, soit leprogramme de mycorhization. Il sagitmaintenant didentifier les signauxmycorhiziens, les facteurs Myc, pourdterminer leur structure, analyser lesrponses calciques quils induisent etanalyser la voie de perception-trans-duction des signaux de mycorhization.La dcouverte de la nature chitinique des

    facteurs Nod avait t une surprise. Eneffet les bactries et les plantes neproduisant pas de composs chitiniques,pour quelles raisons une bactrie utili-serait de tels composs comme signaux

    molculaires? On peut maintenantmettre lhypothse suivante: dans lasymbiose mycorhizienne, trs ancienne(400 millions dannes), lvolution a s-lectionn des mcanismes de signali-sation fonds sur la synthse et laperception de composs de type chiti-nique, qui sont abondants chez leschampignons. La symbiose Rhizobium-lgumineuses, plus rcente (70 millions

    dannes) aurait utilis et adapt unepartie de ces mcanismes pour la signa-lisation conduisant la formation denodosits.

    La gnomique et lidentificationdes programmes symbiotiques

    La gntique molculaire a permisdidentifier un petit nombre de gnessymbiotiques. Des programmes degnomique sont dvelopps maintenantpour permettre des approches globales,intgratives. Le gnome de Sinorhizo-

    bium meliloti, partenaire symbiotiquede Medicago, a t squenc permet-tant la prparation de puces ADNcontenant tous les gnes identifis etltude globale du transcriptome. Cesoutils devraient permettre lidentifica-tion des gnes de Rhizobium impliqusdans la symbiose et des signaux de laplante et de lenvironnement qui contr-lent lexpression de ces gnes au coursdes diffrentes tapes, colonisation dela rhizosphre, infection symbiotique,dveloppement des bactrodes fixateursdazote, etc Le gnome du champignonmycorhizienGlomus intraradicesest en

    cours de squenage.

    Pour ce qui concerne ltude de laplante-hte, des quipes franaises ontpropos au dbut des annes quatre

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    Dossier

    naturels et dans la nutrition phosphateet azote des plantes. Le dveloppement lchelle du globe de systmes agri-coles durables ncessitera de mieuxexploiter ces systmes symbiotiques.

    Des signaux symbiotiquesLtude gntique des symbioses vise

    identifier, chez chacun des organismes,lensemble des gnes impliqus dans larelation avec lautre partenaire, le pro-gramme symbiotique. Ltude de lasymbiose Rhizobium-Lgumineuses amontr que chaque partenaire contrlelexpression du programme symbiotiquede son associ laide de signaux mol-culaires. Chez Rhizobium les gnes nod

    (pour nodulation) sont responsables dela reconnaissance de la plante-hte, delinfection et de linduction de la forma-tion des nodosits et sont impliqus dansun dialogue molculaire entre les deux

    partenaires. Des signaux symbiotiques,en gnral des flavonodes, sont s-crts par les racines des lgumineuseset induisent lexpression des gnes nod

    de Rhizobium. Ces gnes nodcontrlentla production de signaux bactriens, lesfacteurs Nod, qui sont des oligomresde chitine N-acyls par une chanedacide gras; chaque espce de Rhizo-bium synthtise un type de facteurs Nodprsentant une combinaison de substi-tutions chimiques particulire qui con-fre la bactrie sa spcificit dhte.

    Les facteurs Nod induisent de profondes

    transformations dans les racines delhte pour prparer linfection symbio-tique et induire lorganogense desnodosits: rorganisation du cytosque-lette, activation de la transcription degnes symbiotiques prcoces, inductionde divisions cellulaires, etc... Ces signauxagissent de faon spcifique desconcentrations extrmement faibles cequi implique lexistence chez la plantehte de rcepteurs haute affinit et demcanismes damplification et de trans-duction de ces signaux. Lanalyse gn-tique a identifi plusieurs gnes contr-

    lant la perception des facteurs Nod et latransduction du signal chez la plante. Laperception des facteurs Nod impliquedes rcepteurs kinases domaine LysM,qui pourraient agir sous forme dhete-rodimres et tre impliqus dans plu-sieurs tapes du processus de linfec-tion symbiotique. En aval, trois gnesDMI contrlent non seulement la forma-tion de nodosits mais galement laformation dendomycorhizes (fig.1). Lesdeux types de symbioses partagent doncdes tapes communes dans la cascadede transduction des signaux symbio-tiques. Quelles sont ces tapes? Une des

    Figure 1: Perception et transduction de signauxsymbiotiquesconduisant la formation de mycorhizes et/ou de nodosits.

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    portions de chromosomes lorsquil estcompar chez des espces vgtalesapparentes. Enfin le gnome nuclaireprsente une tonnante plasticit. Cesten particulier le cas du bl, vritablemonstre vgtal, qui rsulte de laddi-tion de gnomes diffrents.

    Quels sont les systmes de dfense

    naturels des plantes?

    Les plantes ne possdent pas de dfenseimmunitaire dite acquise telle quenous la connaissons chez lhomme avectoute cette machinerie complexe impli-que dans la production danticorps, enrevanche elles possdent une redoutableimmunit inne . Lorsquune planteest attaque par un agent pathogne(virus, bactries, champignons, etc) elleragit en gros toujours de la mmemanire. Cette stratgie de dfenseinclut linduction dune mort program-me au site mme de linfection condui-sant le plus souvent des ncroseslocalises arrtant ainsi linvasion du

    pathogne. Elle inclut galement lex-crtion par la cellule de molculesvaries comme les phytoalexines qui secomportent comme de vritable anti-biotiques et des protines particuliresqui sont le plus souvent des hydrolasescomme les glucanases capables datta-quer la paroi des champignons. Lesplantes se prmunissent des grandsprdateurs (insectes, mammifres, etc.)en fabricant une multitude de composstoxiques particulirement pernicieux(strychnine, curare, digitaline, atracty-loside, etc.).

    Les plantes peuvent dialoguer entre ellesgrce lmission de petites molculesvolatiles (thylne, terpnes, etc.). Larception de ces molcules par la plantemet en route toute une cascade detransduction du signal qui se concrtisefinalement par lexpression de gnesparticuliers codant pour des protinestoxiques ou prsentant un got amerpour lagresseur ventuel. Par exemple,en Afrique, les acacias qui sont broutspar les chvres mettent un signal volatilqui va tre interprt par les voisinscomme lavertissement davoir dmarrer la synthse de composs

    amers. Le dialogue chimique peut gale-ment seffectuer entre la plante et leprdateur du prdateur. Lorsquunechenille attaque certaines plantes celles-ci mettent des molcules volatiles qui

    Dossier

    parPaul Caro 2

    Question:

    Un botaniste dans un ouvrage consacr lloge des plantes sest plaint du

    peu dintrt que les hommes leur accor-

    dent par rapport aux animaux. Quenpensez-vous?

    Faire lloge des plantes me paratconvenable! Elles sont fascinantes,

    esthtiquement elles sont trs belles, etnotre environnement serait bien tristesans elles. Elles confrent aux paysagesune grande diversit mle dmotionsesthtiques. De plus elles sont utiles. Enpompant leau du sol et en la vaporisantdans latmosphre elles jouent un rledterminant dans le cycle de leau quistablit en permanence entre locan,la terre et latmosphre. Elles sontcapables partir de molcules trssimples comme le gaz carbonique, leau,les anions nitrate et sulfate et grce lnergie solaire de fabriquer une multi-tude de molcules complexes comme

    le saccharose, tous les acides amins etles vitamines dont elles vont se servirpour se dvelopper et se reproduire.Elles jouent par consquent un rledterminant dans la nutrition de lhom-me et des animaux. Depuis toujours, lescivilisations antrieures ont slectionndes plantes pour amliorer leur qualit.Ainsi les civilisations pr-colombiennesont domestiqu le mas il y a dj plusde 5000 ans partir dune petite plantesauvage buissonnante. Les vgtaux secaractrisent par une surprenante plas-ticit de leur dveloppement. Certaines

    cellules vgtales dj trs diffrenciessont capables de rgnrer un nouvelindividu. Cette proprit, qui porte le nomde totipotence, est lorigine dune multi-tude de techniques (micro-bouturage,clonage, etc.) largement utilises danslindustrie des semences et des plants.De trs nombreux polymres que lesplantes fabriquent, comme la lignine etla cellulose, fournissent des fibres quiprsentent un intrt considrable dansde trs nombreux domaines touchantlameublement, les industries du bti-ment et papetire et bien sur lhabille-ment. Mais les plantes depuis toujours

    ont t utilises pour soigner. Ainsi desmolcules appartenant des familleschimiques diverses (alcalodes, terp-nodes, flavonodes, etc.) et issues decette formidable usine chimique queconstitue le vgtal, sont utilises com-me pesticides (rotnone, pyrthrine,etc.) et mdicaments (morphine, taxol,curare, digitaline, salicylate, atropine,nicotine, quinine, etc.).De toute vidence les plantes concilientla beaut et lutilit.

    O en est ltude du gnome des plantes fleurs?

    Arabidopsis thaliana (larabette desdames) sest impos comme systmemodle pour lanalyse du gnome chezles vgtaux: dabord la taille de songnome nuclaire est trs petite(140 millions de paires de bases) ensuite,lintervalle de temps entre la graine etla plante entire est relativement courtce qui est commode pour assigner chacun des gnes une fonction prcisegrce la cration de mutants chezlesquels un gne donn est interrompu.Ltude du gnome des plantes fleurs

    a permis en particulier dapporter desprcisions importantes sur la repro-duction et le dveloppement, sur lemtabolisme des principaux organes,sur le statut hydrominral des plantes,sur les rponses adaptatives des vg-taux aux contraintes de lenvironnementet enfin sur la pathologie vgtale. Ilreste encore dcouvrir la fonction daumoins 30 % des gnes restants sur untotal denviron 30000. Par ailleurs lesgnomes les plus importants sont ceuxdes espces cultives impliques dansnotre alimentation et de trs nombreuxchantiers sont ouverts dans cette direc-

    tion. Ainsi le gnome du riz (440 millionsde paires de bases) est pratiquemententirement squenc. Il convient denoter au passage que lordre des gnes(syntnie) est conserv sur de grandes

    vont renseigner le prdateur de lachenille et lattirer.La comprhension des mcanismesmolculaires de la perception de lat-taque des pathognes et du dclenche-ment de la riposte de la plante permettraune meilleure protection des plantesbase sur la stimulation contrle deleurs dfenses naturelles.

    Vous tes un spcialiste du mtabolisme

    des plantes suprieures: quel est ltatdes recherches sur le mtabolisme dela cellule vgtale.

    Cest un domaine de recherche qui aexplos ces dernires annes. Ainsi, parexemple, le saccharose, produit ultimede la photosynthse, est une molculede toute premire importance car ellealimente en carbone et en nergie cetteformidable usine chimique que repr-sente la plante. Les processus qui con-duisent son laboration la lumiredans les cellules chlorophylliennes desfeuilles et son transport via les vais-

    seaux conducteurs (sve labore) sontdes sujets qui ont normment pro-gresss. Il existe une multitude de mca-nismes impliqus dans la rgulation dela synthse du saccharose qui intgrentles besoins de lorganisme entier et ajus-tent la vitesse de synthse ceux-ci.Cette rgulation est encore loin dtrecomprise. Par ailleurs, laiguillage de lasve labore vers tel ou tel organeguidera ncessairement le dveloppe-ment et la croissance ultrieure de laplante. Les signaux mtaboliques et/oude nature hormonale impliqus dans la

    mise en place des vaisseaux conduc-teurs doivent imprativement tre re-cherchs pour comprendre les relationsqui existent, au niveau de la planteentire, entre le mtabolisme et le dve-loppement.Dune faon gnrale le mtabolisme ausein de la cellule vgtale est cartelentre les divers compartiments de lacellule. Citons quelques exemples. Lasynthse de lacide folique, une vitamineessentielle, schafaude progressive-ment dans les plastes, le cytosol et lesmitochondries. Le cycle photorespira-toire qui se droule dans les feuilles

    claires lorsque ces dernires ne sontplus approvisionnes en gaz carbonique,implique le fonctionnement coordonnde pratiquement tous les compartimentsde la cellule (chloroplastes, cytosol, mito-

    10

    1 Membre de lAcadmie des sciences, directeurde lInstitut de biologie structurale J. P. Ebel,Grenoble.

    2 Correspondant de lAcadmie des sciences,directeur de recherche au CNRS.

    loge de lusine

    chimique vgtaleEntretien avecRoland Douce1

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    chondrie, peroxysome!). Ce cycle permetde dissiper une grande partie de lner-gie reue par les feuilles exposes lalumire. De mme certaines synthsesparticulires impliquent divers territoirestissulaires. Ainsi latropine est synth-tise dans les racines, achemine auxvaisseaux conducteurs pour saccumuler

    dans les territoires foliaires. Les dialogues mtaboliques entre lesdivers compartiments de la cellule, entreles tissus au sein dun mme organe etentre les organes, seffectuent par lebiais de petites molcules qui sont prisesen charge par une multitude de sys-tmes de transporteurs dont linventaireest encore loin dtre effectu.Lnergie ncessaire au fonctionnementde la machinerie mtabolique chez lesplantes suprieures provient de lalumire. Les complexes supramolcu-laires (antennes collectrices de lumire,

    photosystmes, transporteurs dlec-trons) impliqus dans la captation delnergie lumineuse et sa conversion ennergie chimique sont localiss dans lesmembranes (thylakodes) des chloro-plastes (Dans 1 gramme de feuille il ya environ 3 108 chloroplastes et la sur-face dploye par ces membranes estde 5 m2). La lumire induit dans les thyla-kodes un courant dlectrons qui permetla recharge dun accumulateur dlec-tron (NADPH) et dnergie (ATP). Ledonneur dlectron nest autre que leau

    ce qui conduit la production doxygne.La vitesse de ce courant dlectrons estmodule par les demandes en NADPHet ATP pour les besoins du mtabolismeet notamment pour la synthse dusaccharose qui sera distribu tous lesorganes de la plante via les vaisseauxconducteurs. On peut dire que lon a

    dcortiqu pratiquement toutes lestapes de ce transfert dlectrons lheure actuelle. De mme lutilisationconjugue des outils de la physio-logie, de la biophysique et de la gn-tique molculaire en particulier parlquipe de Francis-Andr Wollman Paris (CNRS), ont permis davancerconsidrablement dans la comprhen-sion des mcanismes qui prsident lamise en place de cette chane de trans-fert dlectrons au cours de la biogensedes thylakodes.Le mtabolisme est encore trs loin

    davoir livr tous ses secrets. Il ne fautpas oublier quil est le rsultat final delexpression du gnome: sa complexitest extrme et les recherches dans cedomaine rebondiront ncessairement.

    Et les phnomnes de fixation de lazote?

    L aussi les progrs ont t spectacu-laires! La fixation de lazote a lieu essen-tiellement dans des structures particu-lires (nodosits) qui sont de vritablesorganes localiss dans les racines des

    lgumineuses (luzerne, trfle). Cesorganes abritent une bactrie (rhizo-bium) initialement prsente dans le solet capable de fixer lazote molculaire.Linfection exige un dialogue chimiquedune subtilit fine qui stablit entrelhte et la bactrie. Ce dialogue a tdcrypt par lquipe de Jean Dnari

    (INRA) Toulouse. Des signaux chimi-ques sont mis dans le sol par lesracines de la plante et parmi eux unflavonode. Ces signaux induisent chezle Rhizobium lexpression de gnes parti-culiers (gnes Nod). Ces gnes codentpour plusieurs protines impliquesdans la synthse dun lipo-polysaccha-ride complexe qui servira de signal sontour pour dclencher lorganogensedes nodosits chez la plante hte. A lafin les bactries simplanteront dans lesnodosits en pntrant dans les racinesvia les poils absorbants. Il sagit l dune

    symbiose parfaite. La plante fournit labactrie lnergie ncessaire sonpropre mtabolisme et notamment pourla fixation de lazote molculaire (ce quiest un vritable tour de force comptetenu de la stabilit de ce gaz!). En retourla plante recevra de la bactrie un apportnon ngligeable en azote rduit.

    Plaidoyer pour la systmatique

    Cette discipline a dclin en France partir de la deuxime moiti du vingtime

    sicle. Elle est lheure bout desouffle . Dj cette science nest plusenseigne dans certaines universits. Lescrdits allous pour la faire vivre et spa-nouir sont drisoires. Elle subsiste cepen-dant dans le cadre de nombreuses asso-ciations naturalistes souvent actives etdconnectes le plus souvent du tissu

    universitaire. Quel contraste avec lgedor de la systmatique que fut leXIXe sicle et qui a conduit lclosion desgrandes flores que nous connaissons eten particulier la flore complte illustreen couleurs de France, Suisse et Belgiquede Gaston Bonnier! Un foss dincom-prhension sest progressivement creusentre la plupart de ces naturalistes qui sesentent rejets et la recherche moderne.Elle se traduit, en particulier, par uneopposition virulente aux OGM! Ce dclinde la systmatique est profondmentregrettable car cette science au service

    du dveloppement durable contribue deplus en plus valuer limpact de lco-nomie humaine sur la biodiversit engrande partie menace. Elle reprsentegalement une tape incontournable pourmieux comprendre le comportement desplantes dans leur milieu naturel. La syst-matique doit retrouver la place quellenaurait jamais d perdre et je suis srque les outils modernes de linformatiqueet de la biologie molculaire viendrontlpauler dans son renouveau. Puissions-nous tre entendus!

    Dossier

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    agronomique de lOise accompagnede la parution dAnnales et la consti-tution dune vritable quipe ensei-gnante pluridisciplaine, rapidementrayonnante en interne comme vis--vis des partenaires extrieurs. Pointdorgue de sa carrire scientifique:lobtention de la pomme de terre quiportera le nom de ltablissement quildirigea si longtemps.

    Les tapes de la cration puis delexploitation de la varitElles seront retraces partir desdocuments disponibles, peu nombreuxmais en gnral explicites, et ce aprsavoir fait une remarque pralable: les-sentiel des archives de lInstitut -dont

    La pomme de terre Institut deBeauvais

    Cest une pomme de terre auxtubercules peau jaune ple, fineet chair blanche, gnralement trsgros et arrondis, ramasss autour destiges et faciles rcolter. La plante estgrande, trs vigoureuse, au feuillage

    vert-clair avec des ptioles ross. Lesfolioles sont ovales et larges. Safloraison, blanche, est trs abondante.Elle ne fructifie pas. Sa chair est assezfarineuse et se dfait un peu lacuisson. Elle est souvent considrecomme la reine des pures .Elle rsiste remarquablement lascheresse, ne boule pas et procureun rendement lev. Sa sensibilit la plupart des maladies est impor-tante.

    Connue aussi sous les noms de Beauvais , Beauvette, Bouvet-te , Reine blanche ou encore Chardon blanc, elle a eu ses heuresde gloire spcialement auprs desproducteurs Bretons, dans le Centreet le Sud-ouest de la France ainsiquen Afrique du Nord. On en a dcrit

    galement une variante colore, fleurs violettes, portant le nom de RoiGradlon . Son importance -devenuefaible mais non anecdotique- au coursde la priode moderne, peut tresitue par les tonnages de plants certi-fis: plus de 14000 tonnes en 1951,2000 trente ans plus tard, entre 200 et300 aujourdhui, dont les trois quartsdestins des marachers et desagriculteurs fournissant des marchslocaux ayant cibl des acheteursfidles voire nostalgiques.

    Le crateurAu cours du XIXe sicle, lenseignementagricole public ne commena trevritablement organis quen 1848mme si lcole rgionale de Grignon,par exemple, avait t cre ds 1829.

    Au niveau priv, lide de limplanta-tion dune cole dagriculture Beau-vais remonte au second quart duXIXe sicle: les Frres des coles chr-tiennes disposaient dj dtablisse-ments gnraux en ville et taienttrs sensibiliss aux ncessits dunenseignement adapt de lagriculture,spcialement en direction des jeunesruraux.Sur le site travaille une personnalitexceptionnelle: Eugne Chanoine (enreligion Frre Eugne-Marie) n en

    1824. Son directorat est marqu parplusieurs tapes ou vnements dim-portance, tels que lacquisition dunvaste outil exprimental en bordure deplateau picard, la cration de la Station

    1 Ancien directeur de recherche lINRA,Conseiller du prsident du Conseil national desprogrammes.

    Les aventures dune

    pomme de terre

    Dossier

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    parChristian Frault 1

    Il y a cent vingt ans, la varit de Pomme de terre Institut de Beauvais tait mise au commerce simultanment parlexploitation de lInstitut agricole de Beauvais et la Maison Vilmorin.Elle est donc lune des plus anciennes varits inscrites au Catalogue officiel. Elle fut obtenue, de semis, en 1856 parEugne Chanoine (Frre Eugne-Marie), alors professeur de ltablissement dont il devint directeur quelques annesplus tard. Maintenue en collection et constamment slectionne jusque vers 1875, elle a figur ensuite dans les nombreuxessais mens Beauvais pendant une dizaine dannes avant sa mise officielle sur le march remonte 1884.

    Curieusement et en dpit de lexplicitation associe son nom la fois symbole structurel et lieu gographique, et denombreux documents qui font foi de son origine et de ses conditions de cration, sa provenance demeure inconnue dans les textes officiels, nonobstant les efforts dploys pour que la vrit soit rtablie, particulirement au moment dela clbration de son centenaire. On se propose ici de rappeler les caractres et limportance de cette varit, les condi-tions de son obtention et les principaux traits de la personnalit remarquable de son crateur, avant de dvelopper uneanalyse des tapes de sa slection puis de sa mise sur le march: plaidoyer pour une reconnaissance tardive dune cra-tion varitale ancienne et injustement non attribue.

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    le courrier- a subi les vicissitudes liesaux trois guerres traverses parlEcole. Des documents dimportanceont disparu et il nous a fallu procderpar recoupements ou citations pouren tablir lexistence. Dautre part -et ce trait mrite dtre indiqu - FrreEugne tait un homme dune parti-

    culire modestie qui ne voulait pasmettre ses recherches et sa person-nalit en avant : ctait lInstitut quicomptait Il ncrivit pas sur sestravaux de cration varitale, se con-tentant jusquen 1880 dinsrer dansses tableaux de rsultats et ses com-mentaires une ligne consacre au Semis de lInstitut avant dosersaventurer ensuite jusqu la formu-lation: Institut de Beauvais (semis) .Sil est clair que lon ignore lorigineexacte des gra ines du fameux semis , celles-ci provenaient de la

    Maison Vilmorin, comme un courrierdu Frre Eugne Henry de Vilmorinen tmoigne.Toujours est-il que cet change entrepartenaires ou relations, frquent dansle domaine de la slection varitale etconsidr comme un lment impor-tant de coopration, fut fcond. Lesemis eut lieu en 1856 et cest partirde 1859 quune rubrique le concernantest insre dans les collections entre-tenues par lInstitut. Son comporte-ment et ses performances sont expli-cits par les Annales la fin desannes 1870 : rendement, rusticit

    (telle que conue lpoque), richesseen fcule et taux de dchets. Son clas-sement est particulirement satisfai-sant et les commentaires faits lgardde la nouvelle varit sont logieux.1884 est lanne de la mise au com-merce simultane par la ferme delInstitut et la Maison Vilmorin.La longue carrire d Institut de Beau-vais tait alors bien commence.

    Vers une reconnaissance de lori-gine et de lobtenteur?Comme indiqu prcdemment plu-

    sieurs publications dimportance,anciennes ou modernes, commettent,selon nous, lerreur dindiquer pour Institut de Beauvais : varit dori-gine inconnue, existait en 1884 dans lacollection Vilmorin ou une formuletrs voisine, oubliant en tout cas lexis-tence dune provenance beauvaisienne.Une telle situation nest pas unique. Lavarit Bonnotte de Noirmoutier parexemple, dont lorigine tait auparavantqualifie d inconnue .Ce nest qu lissue de la premirephase de remonte de lcole aprsles dgts de la Seconde guerre

    mondiale que des tentatives furentfaites mais sans succs. A loccasionde la clbration du centenaire de lavarit, lopration fut renouvele etlargie, mais les preuves apportes se

    Dossier

    13

    Dans tous les cas, il y a lieu aujourdhuide rtablir la vrit historique comptetenu des lments multiples apportset offerts ventuellement aux chan-ges scientifiques. Nous proposons laprsentation suivante:

    Varit de pomme de terre:

    Institut de BeauvaisOrigine: Institut de Beauvais miseau commerce par cet tablissement etpar Vilmorin en 1884. Avec mention deson obtenteur Eugne Chanoine (Frre Eugne-Marie).

    Esprons quune justice tardive seraenfin rendue une institution et unepersonnalit loccasion du cent ving-time anniversaire de cette varit

    rvlrent, part-il, insuffisantes endpit de leur nombre et de la multipli-cit des documents prsents.

    En rsum, numrons les lmentsles plus favorables dont lensembleconstitue un faisceau de prsomptionslargement positif : le nom donn et

    admis nest pas quivoque (pensons de nombreux exemples chez dautresespces vgtales: bl, avoine ou maspar exemple), les travaux scientifiqueset techniques dans lesquels la varit(ou le semis) est mentionne sontnombreux et permettent dutilesrecoupements. A notre connaissanceils nont jamais t contests, unepersonnalit marquante de lpoque,Henry-Louis de Vilmorin attribue expli-

    citement la cration de cette varitpuis sa multiplication au Frre Eugne(confrence du 30 janvier 18 88 ), lescontinuateurs des recherches ducrateur ne reviennent pas, mmeaprs sa disparition, sur lorigine decette varit, enfin la conduite detravaux de slection mens par

    plusieurs partenaires la fois, corres-pond souvent une coopration effi-cace, frquente encore de nos jourspour lamlioration de la pomme deterre. Pourrait-on imaginer que lin-formation errone ce sujet, fournie une poque o les relations entrelacs et religieux taient tendues, aitt simplement recopie ensuitelors de la rdaction de documents ?peut-tre.

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    Questions dactualit

    1 Directeur du laboratoire "Dveloppement, Evolu-tion, Plasticit du Systme Nerveux" Gif-sur-Yvette.

    2 Voir sur site internet la bibliographie complte.

    A ujourd'hui, c'est en explorant songnome que l'homme part enqute de sa propre nature. Les progrsde l'analyse de la squence du gnomehumain, de l'tude du polymorphisme

    des gnes dans les populations hu-maines, de la liaison des polymor-phismes des pathologies multiples,accrditent l'ide que le long texte gno-mique reclerait les secrets de notre"humanitude". On peut n'y voir qu'unnouvel avatar de l'injonction platoni-cienne (Connais-toi toi-mme). L'en-treprise recle aussi, si l'on n'y prendpas garde, un risque fort de confusion et de collusion- malencontreuse entreune approche gntique de l'volutionhumaine et une interprtation rductricedes comportements humains.

    Le raisonnementqui justifie l'ana-lyse des fonde-ments gnti-ques de l'origine

    de l'homme estsimple et s'appuie

    sur la plus stricte or-thodoxie darwinienne.

    Puisque l'espce humaineet tout ce qui est humain est un

    rsultat de l'volution et de la slec-tion naturelle, puisque les mutations des

    gnes sont le moteur de l'volution, legnome humain doit conserver quel-ques traces des diff rences slec-tionnes au cours les vnements quiont conduit sparer l'espce humainede ses cousins hominids, chimpanzs,gorilles et orangs-outans. Ds lors qu'ildevient possible de comparer un un lesgnes humains ceux de ces grandssinges, il doit tre galement possibled'identifier les gnes qui dterminentles caractres typiquement humains etles distinguent de leurs singes cousins.Identifier la part d'humain dans ce

    gnome hrit d'un anctre primate estdevenu l'un des "Graal" de la biologiecontemporaine. Cette entreprise s'estlongtemps heurte la contradictionissue des calculs de M.C. King et A.C.Wilson, selon lesquels les squencesdes protines de l'homme et du chim-panz ne diffreraient que de 1 % enmoyenne2.Une premire solution, depuis long-temps propose pour rsoudre ce para-doxe, serait, qu'un petit nombre de gnesentirement nouveaux mergeraientdans le lignage de l'Homo sapiens, unecration en quelque sorte, confrant

    l'homme ses extraordinaires capacitscognitives et sociales. La dcouvertedans quelques espces comme la droso-phile, la souris ou l'homme de gneseffectivement "nouveaux", c'est--dire

    des gnes n'ayant aucun quivalent dansles autres espces, a raviv cette hypo-thse. Plusieurs mcanismes peuventconduire la formation de nognes.Par exemple, la transmission horizon-tale de fragments d'ADN ou d'ARNtransposables d'une espce l'autre, oula gnration de squences nouvellesdans les "pouponnires" du gnome(lieux particuliers du gnome o l'ADNest facilement et abondamment rem-ani) ont t associs, dans quelquescas bien arguments, l'mergence

    d'une nouvelle espce. Nanmoins, bienque ces nognes puissent s'exprimersous forme de protine ou de petit ARNrgulateur, les consquences de cetteexpression pour la physiologie des orga-nismes restent obscures.Un deuxime aspect de cette qute parlaquelle l'espce humaine cherche sedmarquer d'une animalit jugeembarrassante, est la recherche desgnes et des mutations ces gnes quicontribueraient construire les carac-tristiques physiologiques ou lescomportements spcifiquement hu-

    mains. Cette dmarche est illustre parl'identification du gne FoxP2, dontcertains auteurs voudraient faire le gnedu langage dans l'espce humaine. Desmutations de ce gne sont effectivementassocies un syndrome malformatifcongnital comprenant des troublessvres de l'articulation du langage2.FoxP2est-il pour autant "un gne dulangage"? Cette hypothse tellementsduisante a t conforte par la dcou-verte d'une volution rapide du gneFoxP2dans l'espce humaine, et d'unpolymorphisme du gne que l'analysephylogntique fait remonter 200000

    ans. Comme c'est prcisment la p-riode pendant laquelle l'homme mo-derne serait apparu, il tait facile de voiren FoxP2l'un des gnes-cls de l'ho-minisation. Ce raccourci cache pourtant

    une fort de problmes. Il est bien srpossible que des modifications de lafonction de FoxP2aient jou un rle danstoutes les modifications anatomiques,physiologiques et comportementales quiont conduit l'mergence du langage.Cependant, le gne FoxP2s'exprime trslargement dans le cerveau, et pas seule-ment dans les aires crbrales connuespour participer aux divers aspects dulangage2. De plus, si le nouveau-nhumain possde bien la capacit deparler, le langage doit tre appris, grce

    aux interactions de toutes natureschanges avec les parents et lespersonnes de l'environnement proche.Cet apprentissage ncessite la combi-naison de fonctions sensorielles,motrices et cognitives qui impliquentune grande partie du cerveau et de lasphre oro-faciale. La construction et lefonctionnement de ces structures nces-sitent l'action de nombreux gnes diff-rents. Enfin, bien d'autres gnes autresque FoxP2prsentent aussi des poly-morphismes apparus depuis quelquescentaines de milliers d'annes, sans

    pour autant qu'ils soient l'vidence desgnes de l'hominisation. Il n'y a pasaujourd'hui d'argument convaincantpour admettre que la nature humaine,pas plus que celle d'une souris, ou d'unemouche, soit dtermine par quelquesgnes spcifiques.Une troisime hypothse est explorepar les gnticiens de l'hominisation. Lamajorit des diffrences qui existententre les squences de gnes homo-logues prsents dans des espcesdistinctes est due l'accumulationprogressive de mutations gnralementneutres (sans consquence fonction-

    nelle), depuis que les espces issues del'espce ancestrale commune se sontspares les unes des autres. Il n'estpas besoin ici de nouveaux gnes pourcrer la nouveaut, puisque c'est la faon

    14

    gparPhilippe Vernier 1

    L'humanisation du

    nome

  • 7/31/2019 Les plantes sont faonnes par la lumire

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    Questions dactualit

    dont les gnes s'expriment qui font la

    diffrence. Les changements de lasquence des gnes peuvent affecter lesfonctions des protines qu'ils codent,mais aussi en modifier la quantit,augmenter ou rduire le temps pendantlequel ce gne s'exprime dans un tissu,modifier la nature et le nombre descellules o ce gne est actif. Les cons-quences de ces mutations et de ces diff-rences dans l'expression des gnes sontdes modifications dans la structure desorganes du corps et dans leur activit,en particulier dans le systme nerveux.En suivant ce raisonnement, W. Enard,

    S. Pbo et leurs collaborateurs de l'Ins-titut Max Planck de Leipzig, ont mesurles diffrences des taux d'expressiond'environ 12000 gnes (soit prs de lamoiti des gnes transcrits chez lesprimates) dans plusieurs organesprlevs chez des macaques, des chim-panzs, et des hommes. En dehors dela prouesse mthodologique, ce travaila confirm les donnes accumules parun sicle et demi d'observations etd'analyse palontologique, gntique,biochimique et psycho-physiologiques,c'est--dire que l'homme est phylog-ntiquement plus proche du chimpanz

    que du macaque. Cependant, les rsul-tats obtenus ont t plus loin en mon-trant, cette fois-ci sur 18000 gnes, quec'est dans le cerveau qu'existent les plusgrandes diffrences d'expression gni-

    que entre l'homme et les autres

    primates. Si le rapport entre l'expres-sion des gnes chez l'homme d'une partet le chimpanz et le macaque d'autrepart est affect d'un facteur 1 dans lesleucocytes, il est d'un facteur de 1,3 dansle foie, mais de 5,5 dans le cerveau,suprieur mme aux diffrences entrechimpanz et macaque2.Ces diffrences traduisent l'chelonmolculaire (le transcriptome), les parti-cularits embryologiques et anato-miques du cerveau humain, au rangdesquelles il faut compter un fort degrd'encphalisation, proportionnellement

    plus important que dans les autresespces d'hominids vivants ou fossiles.La taille des rgions antrieures ou decertains noyaux du cerveau est aussiparticulirement grande chez l'homme.Ces changements globaux de la taille ducerveau sont associs la longue duredu dveloppement crbral post-natal(notnie), et l'existence de migrationset de connexions neuronales spcifiques.Ces particularits anatomiques sous-tendent un ensemble de fonctions cogni-tives et de capacits d'adaptation cr-brales qui caractrisent l'espcehumaine. Le mode de vie et l'organisa-

    tion sociale des premiers hommes acontribu la slection des fonctionscrbrales qui permettent de se repr-senter le monde, de le mmoriser, d'in-frer, de prvoir, de comprendre et de

    parler comme des tres humains. Dans

    ce contexte, l'intrt des approchesgntiques et gnomiques appliques l'volution de l'homme et des popula-tions humaines est considrable. Il fautcependant considrer avec prudence ou vigilance- certaines interprtations,souvent rductrices, parfois idolo-giques. Nul ne doute aujourd'hui que legnome dtermine la construction del'embryon et dfinit, pour l'organismed'une espce donne, le "champ despossibles". En revanche, le long dve-loppement post-natal du cerveauhumain, sa plasticit, donne l'appren-

    tissage, l'ducation, l'exprience, aumilieu, une influence dterminante surl'organisation et le fonctionnement cr-bral. Ils forment une image du mondeet du soi qui orientent fortement lescomportements individuels. Bien plus,ces comportements faonnent un envi-ronnement matriel, un entouragesocial, une culture qui leur tour contri-buent construire d'autres personna-lits, ressort d'une autre volution, cultu-relle cette fois.Chacun, gnticien, physiologiste,embryologiste, psychologue, anthropo-logue, tend voir midi sa porte. Mais

    il est parfois ncessaire de faire le tourdu village pour chercher chez le voisinles lments de contradiction, les infor-mations qui clairent la lancinante ques-tion des origines de l'homme. Inlassa-

    Bibliographie: Brosius J.2003, The contributionof RNAs and retroposition to evolutionary novelties.Genetica. 118: 99-116.Enard W, Khaitovich P, Klose J, Zollner S, HeissigF, Giavalisco P, Nieselt-Struwe K, Muchmore E,Varki A, Ravid R, Doxiadis GM, Bontrop RE, PaaboS. 2002 Intra- and interspecific variation in primategene expression patterns. Science. 296: 340-343Ferland RJ, Cherry TJ, Preware PO, Morrisey EE,Walsh CA. 2003, Characterization of Foxp2and Foxp1

    mRNA and protein in the developing and maturebrain. J Comp Neurol. 460: 266-279.King, MC & Wilson AC, 1975, Evolution at two levels

    in humans and chimpanzees. Science, 188: 107-116Lai CS, Fisher SE, Hurst JA, Vargha-Khadem F,Monaco AP. 2001, A forkhead-domain gene ismutated in a severe speech and language disorder.Nature. 413: 519-523Nahon J.-L., 2003, Birth of 'human-specific' genesduring primate evolution. Genetica. 118: 193-208

    blement, il faut remettre l'homme, non

    pas au centre, mais sa place dans lanature, la fois semblable aux autresespces et tellement diffrent. L'illusionphysicaliste de pouvoir comprendrel'homme et la "nature" humaine partirde la seule tude des squences gno-miques ressemble assez l'histoire duGolem, cet homme dont la lgende ditqu'il a t construit partir d'une combi-naison des lettres de la Bible. GustavMeyrink prcisait qu'il n'tait pas pour-tant un homme comme les autres, et il

    tait peine anim d'une vie sourde et

    vgtative. On sait ce qu'il advint du

    Golem, "rachitique figure de boue, qu'au-jourd'hui encore on montre la syna-

    gogue de Prague"

    15

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    155000 lves en sections scienti-fiques,

    192000 lves en sections techno-

    logiques, 323000 lves en sections profes-

    sionnelles,

    auxquels on pourrait ajouter environ35000 jeunes en fin d'apprentissagede mme niveau. Bien sr, pour trecomplet, on peut aussi rappeler que,respectivement, 59 000 et 97 0009

    lycens effectuent leur anne determinale en sections littraires ou ensections conomiques et sociales.

    Aujourd'hui, c'est aux lves des

    sections technologiques et aux lvesdes sections professionnelles que jesouhaite donner la vedette aprsavoir rappel deux vidences dou-loureuses:

    - pour une trs grande majorit d'entreeux, c'est une situation d'checscolaire prcoce, plus ou moins graveet l'origine souvent trs mineure etrparable, qui est la cause principalede cette orientation vers le Tech-nologique ou le Professionnel;- une fois la rorientation dcide, pourune majorit d'entre eux, la spcialit

    technologique ou professionnelle choi-sie, l'exception des spcialits agro-alimentaires, n'est pas celle de leurpremier choix ni, assez souvent, cellede leur second choix.

    Beaucoup moins savent que, ct, lessections technologiques de nos lycesaccueillent 1800005 lycens en termi-

    nale, auxquels on doit raisonnablementajouter prs de 120006 lycens declasses quivalentes mais situes, elles,dans les tablissements des spcia-lits agroalimentaires placs sous latutelle du ministre de l'Agriculture.

    Trs peu, peut-tre, mesurent lenombre d'lves des lyces profes-sionnels o, toujours en flux, 2900007

    lycens sont lves de terminale deBEP ou de Bac professionnel auxquels,pour bien fixer les comparaisons, ilconvient de rajouter le flux des 330008

    lves de ces mmes classes termi-nales, pris en charge par les tablis-sements du ministre de l'Agriculture.

    Tous calculs effectus et pour nousrsumer simplement, on a donc enanne terminale:

    Bref, raison, sans doute, de beau-coup plus de 200000 lycens par an,le systme charg de les prparer la

    vie semble avoir choisi de briser unepart trs riche de leur personnalit etde leur motivation pour crer ensuiteles conditions favorables leur forma-tion: quel dfi contre nature! Quelhandicap majeur pour notre systmeducatif! Quel risque d'amplificationde l'chec initial pour nos jeunes!

    Un tel phnomne n'tant pas constatavec la mme ampleur dans les payscomparables au ntre, interrogeons-nous d'abord pour savoir si, en France,il en a toujours t ainsi.

    Les leons de l'Histoire sont toujoursde trs bonnes leons encore faut-il, pour les tirer, connatre l'Histoire!Dans ce but, rappelons l'organisationdes Enseignements techniques et pro-fessionnels franais de 1890 1965,c'est--dire durant une priode o ilsne firent l'objet d'aucune vritable poli-tique gnrale. Ils furent, en fait etpour l'essentiel, le fruit de la rflexionet de l'action de pdagogues pas-sionns et convaincus, et d'industrielsparticulirement attachs, en pleinemcanisation taylorienne, au rle de

    l'homme. Ils furent aussi le rsultat decollaborations, le plus souvent trspositives, entre le ministre en chargede l'instruction publique et d'autresministres dont les plus actifs, sur ce

    Le parti pris de cette note est de parlerlargement des enseignements quel'on appelle encore usuellement ensei-gnements techniques et professionnels,en se concentrant plus particulirementsur l'enseignement secondaire.

    Le sujet est d'importance. Rappelons,pour l'introduire, quelques chiffres es-sentiels3. Chacun sait assez bien queles lycens des enseignements scien-tifiques reprsentent un flux de 155000 4

    lves, environ, en classe terminale.

    Questions dactualit

    Enseignements scientifiques

    et enseignements technologiques:des mconnaissancesrciproques et

    trop dedivergences1

    1 Sance commune Acadmie des sciences etAcadmie des technologies qui sest tenue le2 dcembre 2003 lInstitut de France

    2 Professeur lENS de Cachan, Membre delAcadmie des technologies

    3 Tous les chiffres cits dans cette note sontextraits de Repres et Rfrences statistiques2003 sur les enseignements, la formation et larecherche (RERS) Ministre de la Jeunesse, delEducation et de la Recherche Direction delvaluation et de la prospective Bureau deldition - dition septembre 2003.

    4 In RERS, page 1015 In RERS, page 1056 In RERS, page 1237 In RERS, page 938 In RERS, page 1239 In RERS, page 101

    parYves Malier 2

  • 7/31/2019 Les plantes sont faonnes par la lumire

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    Questions dactualit

    excellemment recruts et prparsaux spcificits de l'Enseignementtechnique et professionnel, contri-buaient particulirement l'quilibrede ces formations.

    L'erreur profonde les scientifiquesdiraient plutt la bifurcation d'qui-

    libre vint brutalement, au milieu desannes soixante, quand les habilesconseillers de plusieurs ministres suc-cessifs voulurent rformer ce systme,sans, peut-tre, suffisamment d'ob-servation et d'analyse pralables. Lerformer car, dans le mme temps,arrivait la premire vague dmogra-phique des adolescents ns aprs laguerre. Bien sr, par ailleurs, la gran-de comptence de pdagogue de cesconseillers n'allait peut-tre pas jus-qu' leur donner la mesure du rle queces formations jouaient dans le dve-

    loppement de la vie industrielle et dela vie conomique du Pays. Plusacadmiquement, il apparaissait cesconseillers que les Enseignementstechniques et professionnels, appa-remment efficaces puisqu'on en parlaitpeu ou pas du tout, feraient un excel-lent et ncessaire exutoire pour l'En-seignement gnral, soudain con-front l'arrive d'un grand nombrede lycens.

    Ainsi, par exemple, sans que soitregard ni donc compris le rle d'en-tranement, de pilote et de formidable

    outil de promotion, pour tout le sys-tme, que jouaient localement, rgio-nalement et nationalement, les colesnationales professionnelles, il futdcid, sous le prtexte d'galit et desimplification que personne ne rcla-mait et qui n'allait tre que thorique,de ramener ces coles au rang de gros lyces techniques ordinaireset de supprimer les diffrents con-cours de recrutement et passe-relles qui y donnaient accs. Encoupant sa tte, on lanait ainsi tout lesystme de la formation technique et

    professionnelle dans l'errance mais,bien sr, quelles larges perspectivespour l'accueil des redoublants et desdifficultueux des lyces classiques setrouvaient alors immdiatement cres.

    Trs vite les rsultats furentdifiants et, bien sr, catastro-phiques!

    En effet, dans le mme temps o l'onproclamait que dsormais seraitrduite l'influence des facteurs sociauxqui orientaient vers les Enseignementstechniques et professionnels, on

    installait, de fait, des critres cultu-rels, dissimuls ou non, bien plusinjustes encore. La slection posi-tive caractristique du systme ant-rieur, slection positive qui avait

    prvalu pendant plus de 60 ans, seraitdsormais remplace par une slec-tion par l'chec, trs ngative et lais-sant beaucoup de nos jeunes dus,dsabuss, dmotivs et, ce qui estpeut-tre le plus grave cet ge, trssouvent profondment et viscrale-ment complexs et blesss.

    Aujourd'hui, ce systme perdure, mal-gr tous les discours et les trs sin-cres bonnes volonts dveloppesdepuis quarante ans! Ainsi, que dois-je dire aux trois jeunes rencontrs il ya peu, souhaitant faire par got pourla matire et attirance pour le mtier,un B.E.P. de menuiserie bnisterie secteur qui manque cruellement dejeunes et renvoys par les errementsde l'orientation scolaire et, bien sr,sans aucune explication, vers un B.E.P.de boucherie pour l'un et de chau-

    dronnerie pour les deux autres? Quicondamner si, dans trois mois ou dansdeux ans, ces mmes jeunes brisentles vitres de leur lyce professionnel,agressent leurs professeurs, affirmentne plus faire confiance la Socitet, plus grave encore, coutent dessirnes, toujours l'afft, les enga-geant vers un avenir funeste ou dange-reux? Chacun sait bien qu'un pro-blme d'ducation mal rsolu est leplus souvent l'origine vraie d'un pro-blme de socit grave.

    Par ailleurs, sur le plan de l'image, si

    importante aujourdhui, tout parentd'lve, o qu'il soit, peut spontan-ment citer plusieurs lyces rputspour la qualit de leur formationscientifique, d'autres lyces pour laqualit de leur formation littraire ;depuis la fermeture des Ecoles natio-nales professionnelles, personne nepeut plus le faire pour le technique;pire encore, quand on fait rfrenceparfois de gros lyces tech-niques, on s'exprime toujours, commeles conseillers des ministres de ladcennies 60, en terme de quantit

    (nombre d'lves, nombre de forma-tions) mais jamais, comme pour lesautres lyces, en terme de qualit etbien sr, jamais ou trs rarement enterme de rfrence positive aux mtiers prpars.

    partir de ces constats, constatschoisis parmi beaucoup d'autresaussi significatifs, apparat la nces-sit de changements assez profondsavec un retour des valeurs claire-ment identifies. Beaucoup d'erreursont t commises l'gard desEnseignements techniques et pro-

    fessionnels, du fait de confusionsprofondes entre les dimensionssociales, culturelles, psychologiques(et l'oubli, parfois tour de rle, decertaines d'entres elles). Beaucoup

    d'autres erreurs ont rsult d'unevolont, quasi maladive, de couler cesstructures de formation dans le moulegnral propre aux lyces clas-siques, parfois mme en dissimulantavec cynisme la paresse ou lafaiblesse de la rflexion derrire lepieux souci, si souvent mis en avant,

    de contribuer ainsi redorerl'image des sections techniques etprofessionnelles . Non adaptation la personnalit du lycen et sonvcu, efficacit parfois trs moyennede la professionnalisation, ambianceagressive et difficile, etc, ne sontalors, le plus souvent, que des prvi-sibles consquences de ce mauvaischoix initial.

    Aujourd'hui, il ne peut plus tre faitl'conomie d'une rflexion globaledont, on le voit bien, les rsultats

    seront longs gnraliser car il nesaurait tre question non plus d'unretour au pass alors que tant deparamtres ont chang. Face celong terme qui tient aussi la rigiditde tout le systme, il m'apparat, enparallle, qu'aucune action opportu-niste, qu'aucune exprimentation (la condition qu'elle soit value ob-jectivement avant d'tre tendue) nesont ngliger pour conduire aurveil des consciences, la librationdes comptences et des trs nom-breuses bonnes volonts qui existentchez une grande majorit de profes-

    seurs soucieux de parvenir mieuxduquer et mieux former.

    Les thmes de rflexion lis cesactions et ces exprimentations,dont le principe vient d'tre voqu,ne manquent pas. Parmi d'autres, onpeut citer, la nature des relations etdes changes avec les milieux socio-conomiques, les contenus culturelset les contenus professionnels desformations, les pdagogies adaptes la dcouverte de mtiers et nonpas seulement, comme c'est trop le

    cas aujourd'hui, la connaissance de techniques , la refonte de certainsde nos systmes d'orientation, l'en-seignement du got et de l'espritentrepreneurial, les modes d'valua-tion des acquis, la refonte des modesde recrutement et de formation desprofesseurs, le remodelage du pro-cessus d'valuation de leur carrire,etc.

    sujet, furent, souvent, les ministresen charge du commerce, de l'indus-trie, des travaux publics, de l'agricul-ture ou encore, de la dfense et de lasant.

    S'agissant de l'enseignement tech-nique au sein de l'ducation nationale,

    les centres d'apprentissage, les lycestechniques et les coles NationalesProfessionnelles (E.N.P.) ont long-temps reprsent trois niveaux clai-rement hirarchiss entre lesquelsexistaient de nombreuses passerellesdont l'accs, largement ouvert, segagnait au mrite. Ainsi, l'accs autroisime niveau, celui des E.N.P., sefaisait sur concours nationaux ouverts,de fait, aux enfants des familles mo-destes des coles primaires, puis des cours complmentaires pour unepart de l'effectif, l'autre part venant, via

    les passerelles prcdemment vo-ques, des centres d'apprentissage etdes lyces techniques.

    Au sein des douze E.N.P. rparties surle territoire national, une moiti deslves avait droit la voie d'excellence,permettant de prparer simultan-ment le brevet de technicien (diplmede rfrence des E.N.P.) et le bacca-laurat technique. Ensuite 80% de ces doubles diplms constituaient laplus large part des lves ingnieursdes coles d'Arts et Mtiers (dont onne soulignera jamais assez le rle

    d'ascenseur social rempli en cette lon-gue priode). Parmi les 20 % restant,beaucoup allaient vers les deux E.N.P.particulires (Reims et Lyon) o seprparaient le concours spcifiqueunique permettant l'accs la plupartdes autres Grandes coles clas-siques (Polytechnique, Mines, Ponts,Centrale,) et le concours propre l'cole Normale Suprieure de l'En-seignement Technique (devenuedepuis l'cole Normale Suprieure deCachan). S'agissant des passerelles,leur excellente efficacit tait la

    mesure du nombre important de titu-laires de C.A.P. ou de brevets de tech-nicien de l'poque qui sont aujourd'huidirecteurs de laboratoires de recher-che rputs, mdaills du CNRS, ou,bien sr et plus naturellement, direc-teurs gnraux de grands groupesindustriels ou encore fondateurs etdirigeants de PME innovantes.

    Dans tous ces tablissements tech-niques et professionnels, les lvestaient heureux et ne vivaient pasmal cette scolarisation pourtant part du systme gnral. Des critres

    quasi uniquement sociaux leur avaientrserv cette voie sans en faire enaucune faon des laisss pour com-pte de la voie classique. Par ailleurs,leurs professeurs, dans l'ensemble,

    17

  • 7/31/2019 Les plantes sont faonnes par la lumire

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    Technique et le Professionnel, avecleurs professeurs mritants et nonforms ce dfi supplmentaire, quiassurent l'essentiel ou en tous cas laplus lourde charge d'intgration desadolescents d'origine trangre. Aussi,pour moi, c'est en fait une demi-douzaine au moins de nos grands

    ministres et la plupart de leurs secr-tariats d'tat qui, de fait, ont rsolu-tion des problmes rels de l'Ensei-gnement technique et professionnel,toujours dclar prioritaire, depuis

    trois dcennies mais rarement rflchien tant que tel dans sa globalit etdonc, jamais srieusement rform.

    Bref, le chantier est vaste. Sans doutebien trop vaste pour le seul ministreen charge de l'ducation nationale carles problmes poss sont des pro-

    blmes trs transversaux qui inter-pellent tous les fondements de notreSocit. Il ne fait aucun doute que leMinistre qui aura le courage et la mo-destie d'admettre que ces problmes

    Questions dactualit

    Les enjeux sont videmment consid-rables. Ils touchent des axes essen-tiels de l'quilibre de notre pays : ledynamisme et l'envie d'oser de nosjeunes, la prparation l'emploi, laprennit de notre tissu de P.M.E.,mais aussi l'quilibre social de nosquartiers, la continuit du dialogue

    entre les gnrations, la capacit d'in-tgration de notre Socit. Observons,au passage, que lon n'ose jamais direque, en plus de toutes les autres mis-sions, s'agissant des jeunes, c'est le

    videmment ces rflexions peuventnous loigner beaucoup de l'image del'Enseignement technique et profes-sionnel considr d'abord par certainscomme l'outil le plus performant pourrehausser fortement les statistiquesdu nombre de bacheliers au sein d'uneclasse d'ge! Ce n'est assurment pas

    la priorit qui vient l'esprit quand onvisite srieusement un tablissementd'enseignement technologique et quel'on dialogue avec les lves et avecleurs professeurs les plus dvous!

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    Questions dactualit

    aux jeunes futurs professeurs. Lesmthodes d'enseignement qui ontdcoul de ces recherches trs finali-ses ont, durant des dcennies, contri-bu asseoir la qualit et l'efficacitde nos formations scientifiques ettechnologiques dans nos collges etlyces, gnraux et techniques, dans

    nos classes prparatoires, dans nosclasses de BTS et IUT et mme dansnos DEUG scientifiques. Qui aujour-d'hui, mme au sein de nos Acad-mies, alors que 8900010 tudiants sonten formation de matres, sait citerprcisment les IUFM o s'laborent,grce une recherche structure etapplique telle ou telle spcificitdisciplinaire, les mthodes pdago-giques les plus performantes pourenseigner telle science ou telle tech-nologie?

    En corollaire, je ne suis pas loin depenser que, peut-tre, autant que lerejet des Sciences, ce qui a le plusfrein la pntration, en ses dbuts,de la trs remarquable Main laPte de Georges Charpak, de PierreLna et d'Yves Quer est le fait quecette action drangeait en proposant,de fait, une voie de recherche pdago-gique trs finalise un milieu, celuide nos Instituts Universitaires de For-mation des Matres qui, l'exceptionde quelques excellents professeursmarginaux, n'avaient pas conduit,depuis de trs longues annes, des

    actions de recherche applique de cetype.

    Toujours de ce point de vue, l'indigenceactuelle de la recherche pdagogiquefinalise dans le secteur des forma-tions technologiques et profession-nelles est, pour moi, une cause essen-tielle, ct bien sr d'autres causes,notamment psychologiques, cultu-relles et sociales, des difficults, enFrance, de ces types d'enseignement.

    Dans ce dbat, il faudrait aussi ana-

    lyser et vous montrer combien estgravement sclros le mode de recru-tement des professeurs des disciplinestechnologiques, tellement sclrosque nous sommes le seul de tous lesgrands pays industrialiss s'inter-dire de fait, depuis 20 ans, de recruterlargement une part de ces ensei-gnants, comme nous le faisions par lepass, parmi les professionnels ayantacquis, sur le terrain, la connaissanced'un mtier, notamment aussi danstoutes ses dimensions humaines etsociales.

    Dans le mme temps, chacun peutobserver, dans les autres pays compa-

    rables au ntre et aux mme niveauxde formation, la richesse apporte parles croisements des origines du corpsenseignant, croisements qui sont lesmeilleurs garants de la qualit de larelation entre monde ducatif etmonde socio-conomique et qui vonttant contribuer, pour le jeune, un

    passage harmonieux entre sa viescolaire, sa vie professionnelle et savie sociale.

    Avant de conclure, j'aurais aussi sou-hait dire combien, mon point de vue,les dmarches pdagogiques condui-tes, avec succs, par d'autres minis-tres, en matire de formation, mri-teraient d'tre mieux analyses. Ainsi,pour ne prendre qu'un seul exemplemais relatif des effectifs consid-rables et des moyens qui ne sont passuprieurs ceux de l'ducation natio-

    nale, le ministre de l'Agriculturerussit, le plus souvent, ses formationsd'ouvriers qualifis, de techniciens etde techniciens suprieurs et cela partir d'un recrute-ment pourtant diffi-cile ou trs difficile. Ce ministre par-vient dvelopper des parcours indi-vidualiss panouissants bien loin duconcept du collge unique. Il en rsultedes pdagogies actives portes par desenseignants aux origines trs diversi-fies. Chez la quasi-totalit des lves,on observe un rapprentissage formi-dable du got du travail, de l'amour dumtier et de l'ambition de la russite

    qui fait trs souvent de ces coles,aujourd'hui, comme l'ont t les ENPet les coles d'Arts et Mtiers dans lepass, de vritables, mais bien isols,moteurs d'ascenseur social pour touteune catgorie de jeunes pourtant, apriori, moins favoriss.

    Il y a quelques semaines, notre minis-tre des Affaires Sociales faisait leconstat de l'absence de jeunes candi-dats prs de 400 00 emplois dou-vriers qualifis et de techniciens dontbeaucoup de ces emplois, prennes,

    taient pourtant convenablementrmunrs et porteurs de perspec-tives d'avenir notamment au sein dutissu national des PME. L'analyse dela plupart de ces emplois expliqueclairement les absences ou les insuf-fisances de candidatures constates:en effet, le systme ducatif n'a passu former les jeunes dans ces spcia-lits, en tout cas pas en nombre suffi-sant. Peut-tre plus grave, ce systmen'a pas su expliquer aux jeunes queces mtiers existaient et offraient debonnes perspectives d'panouisse-ment. Aussi, de la mme faon que la

    Main la Pte va incontestable-ment rhabiliter, ds l'cole lmen-taire, l'image de la Science, il esturgent de crer un autre puissant outilpour rhabiliter, au sein du systme

    ducatif, l'image des mtiers dansleurs dimensions traditionnelles, ac-tuelles et, bien sr, futures.

    En conclusion et en continuant dem'exprimer titre personnel, jevoudrais souligner un point qui me tient cur. Ainsi, je voudrais dire qu ct

    de lintrt commun de nos deuxAcadmies pour les plus jeunes, ceuxde l'cole lmentaire, et pour les plusbrillants, ceux de nos meilleuressections scientifiques, il serait sansdoute important que nos reprsentantsles plus convaincus s'associent pourmontrer aussi notre intrt pour lesplus abandonns du systme ducatifet pour leurs professeurs, le plussouvent trs mritants. Alors que, parailleurs, on dplore tous la stagnationdu nombre de nos jeunes scientifiques,laisser trier par le premier chec

    scolaire (souvent mineur et trs rattra-pable comme on la dj dit) et laissermettre lcart des formations scien-tifiques, tous les ans, plusieurs cen-taines de milliers de jeunes en lesculpabilisant, est un gchis psycholo-gique, social et conomique. Notre paysne peut continuer de feindre d'assumercette situation.

    En termes voisins, pourquoi laisserpenser tous les jeunes de Francegs de 15 ou 16 ans, comme cest trople cas aujourdhui, que louverture desportes du Technique et du Profes-

    sionnel, ne peut tre en soi un projetpersonnel gratifiant et ne peut rsulterque de la fermeture des portes de lEn-seignement scientifique? Cela traduitune conception de lducation et, plusgnralement, une comprhension denotre socit contemporaine errone,dpasse et trs lourde de cons-quences pour le devenir de nos jeunes.

    Bien sr, il n'appartient pas nosAcadmies de se substituer telle outelle instance. Par contre, fort de l'ex-prience de l'Acadmie des sciences

    sur l'cole lmentaire, il leur appar-tient peut tre de souligner et d'clairerquelques-unes des voies nouvelles derflexion comme celles qui ont t trsmodestement et trs brivement vo-ques aujourd'hui et comme beaucoupd'autres qui auraient pu l'tre ou quiauraient d l'tre

    ne trouveront pas leur solution dansles ides de ses seuls pdagogues,fera preuve de beaucoup de ralismecar il aura su tirer les leons de trenteannes de tentatives internes leplus souvent bien conduites mais peuprs toutes aussi infructueuses lesunes que les autres.

    Aura-t-il ensuite encore assez demodestie pour faire appel certainsde ses collgues ministres, auxacteurs socio-conomiques notam-ment aux plus mritants et aux plusbrillants de ceux issus des Enseigne-ments techniques et professionnelsqui n'ont jamais eu la parole sur lesrformes relatives aux cursus aux-quels ils doivent tant, aux organisa-tions professionnelles, et tous ceuxqui, en dehors de l'cole aussi, peuventavoir une rflexion affirme pour que

    s'labore enfin, via des phases decourt, de moyen et de long termes, unprojet issu de la rflexion de toutes lesforces vives du Pays?

    S'il en tait ainsi, ce Ministre ferait faire,sans doute au mme titre que celuiqui, jadis, dcida de l'instruction obli-gatoire, un srieux bond en avant auPays tout entier.

    Peut-tre, maintenant, me permet-trez-vous d'tre trs concret et, parexemple, d'analyser les consquencesde la large disparition de la recherche

    pdagogique finalise applique auxdisciplines scientifiques et technolo-giques. Cette recherche applique alongtemps t conduite, dans le pass,pour les Sciences, dans les colesNormales Suprieures notamment Saint-Cloud -, dans certains InstitutsPrparatoires l'EnseignementSecondaire (IPES) et, on l'oublie tropsouvent, dans beaucoup d'colesNormales d'instituteurs. Pour lesspciali ts technologiques, lemme travail tait conduit l'E.N.S.E.T. de Cachan, dans les six

    coles Normales Nationales d'Ap-prentissage et dans la vingtaine deCentres de Formation des ProfesseursTechniques. Les rsultats de cesrecherches trs appliques taient, leplus souvent, expriments sur desclasses pilotes ordinaires et, s'ilstaient valids, rapidement enseigns

    19

    10 In RERS page 169

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    sont encore propos des mthodesdapprentissage, inspires souvent pardes considrations dogmatiques et desides thoriques plus ou moinsfondes. Il s'avre actuellement trsprobable que toutes les mthodesimposant d'emble l'enfant dbutantune opration d'apprhension globale

    des mots (mthodes dites "globales"ou "semi-globales") sont totalement proscrire, seule une mthode dite"alphabtique" et de conversion gra-phmes-phonmes pouvant viter ou

    attnuer l'illettrisme chez des sujets risque, psychologiquement ou socio-culturellement. Au versant de la patho-logie, d'intressantes pistes de re-cherches se situent pour lheure auniveau neuropsychologique. On tendactuellement privilgier lide quecertaines dyslexies, caractre nette-

    ment pathologique, seraient partiel-lement au moins lies, tantt desdficits de lanalyse des signaux visuels(mauvaise perception de la successiondes lettres d'une phrase), tantt celle

    des signaux acoustiques (mauvaiseperception des transitoires rapides dela parole) ce qui compromettrait lacomprhension, par lenfant, de ce quillit et de la parole quil entend. Lima-gerie crbrale parat pour lheureconfirmer ces donnes nouvelles, quireconnaissent maintes dyslexies uneorigine neurologique, ventuellementgntique. Ces acquis rcents sontimportants, en ce qu'ils ouvrent peut-tre des perspectives nouvelles de

    rducation. Ce qui nexclut pas pourautant des cas limites o jouent sansdoute dautres facteurs qui sont, lesuns psychologiques, les autres envi-ronnementaux et sociologiques

    parPierre Buser 1

    Les enfants dyslexiques inquitentet sollicitent tout autant leurfamille que la socit entire. La tchede dpister leur dficit, puis dy rem-dier, doit tre une proccupationmajeure, la frontire de la pdagogieet d'une certaine pathologie. Lenfantdyslexique (il en existe diverses sortes)n'a pas toujours t au fil des anneslobjet de suffisamment d'attention.Des erreurs ont t commises et le

    20

    La vie des scances

    Quelques remarquessur les difficultsde la lecture

    chez lenfant

    10 Membre de lAcadmie des sciences, professeurmrite lUniversit Pierre et Marie Curie,Membre de lObservatoire national de la Lecture.Les opinions exprimes dans ce texte nenga-gent cependant que la seule responsabilit delauteur.

  • 7/31/2019 Les plantes sont faonnes par la lumire

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    La vie de l Acadmie

    21

    Un jury scientifique, compos de per-sonnalits reprsentatives de la com-munaut scientifique et prsid parMme Nicole Le Douarin, Secrtaireperptuelle de lAcadmie des scien-ces, procde la slection du laurat

    au vu des dossiers reus par appel candidatures.

    Le thme retenu pour 2004 est :

    Cellules souches, mdecinergnrative et neurosciences

    La Fondation a dcid douvrir large-ment les candidatures en sollicitantdes propositions de directeurs desprincipaux laboratoires publics et pri-vs des pays de lUnion Europenne etde la Suisse.

    Merci de relayer cette informationauprs des scientifiques avec lesquelsvous tes en contact et qui vous pa-raissent susceptibles de concourirpour ce Prix. Ils devront complter lafiche jointe, le formulaire de proposi-

    tion est aussi consultable en ligne ladresse suivante :www.institut-de-france.fr/actualits

    Les dossiers sont retourner, en troisexemplaires avant le 19 mars 2004 au :

    Secrtariat de la Fondation NRJ-Institutde FranceInstitut de France23, quai de Conti75006 PARISFax : 01 44 41 44 [email protected]

    Cre en 1999, la Fondation NRJde lInstitut de France se fixe pourobjet de concourir la recherchemdicale, notamment dans le domainedes neurosciences.

    Chaque anne, elle attribue, dans lecadre de son objet, un Prix de 100.000euros destin rcompenser et encou-rager des travaux scientifiques mis enuvre par une personne physique ou ungroupe de personnes, dans le cadredune institution publique ou prive.

    Prix scientifique 2004Appel candidatures

    peutiques mdicales ou chirurgicalescardio-vasculaires lexclusion desrecherches portant sur la cancrologie,loncologie, et les maladies mtabo-liques (le diabte et lobsit). Uneattention particulire sera porte cet-te anne aux travaux de pdiatrie,dpidmiologie ou des conomies desant.

    Le candidat doit tre titulaire dun

    doctorat en mdecine, en sciences ouen pharmacie et dun diplme dtudeapprofondie ou dun quivalent.

    Six bourses dun montant de 2290euros par mois pendant un an serontattribues au titre de 2004 dans lesconditions ci-aprs :Dpt des dossiers : Les dossiers en12 exemplaires doivent tre remis ouadresss au Service des Fondations,Institut de France, 23 quai de Conti,75270 Paris Cedex 06

    Date limite de dpt des dossiers :lundi 3 mai 2004

    Date de dcision dattribution : jeudi17 juin 2004

    Date de distribution des bourses :mercredi 1er septembre 2004

    Appel candidature disponible ladresse Internet :

    www.institut-de-france.fr/actualites/actua_prixetmecenat.htm#plefoulon

    C res en 2001, les Boursesde Recherche de la FondationLefoulon-Delalande ont pour but depromouvoir les activits dun cher-cheur post-doctorant travaillant plein temps dans le domaine cardio-vasculaire au sein dune structure derecherche franaise (les stages derecherche ltranger ne peuvent treretenus).

    Le sujet de recherche peut porter surle dveloppement, la physiologie, lespathologies, lpi