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Vienne Ton Règne Les plus beaux textes

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Vienne Ton Règne

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Vienne Ton Règne 3

Augustin dans le texteAux lendemains de sa conversion, Augustin (354-430) revint à

Thagaste, son pays natal, décidé à y vivre en moine, sans autre ambition quela recherche de Dieu. Son premier biographe, Possidius, nous résume ainsice « saint loisir » auquel il s’adonnait alors : « Ce que Dieu lui faisaitcomprendre et lui révélait dans sa méditation et sa prière lui servait à enseignerprésents et absents, les premiers par ses conversations, les seconds par seslivres. »

Nous n’avons plus le privilège d’entrer en conversation avec lui, nid’entendre sa voix. Il nous reste à lire ses nombreux écrits, marqués le plussouvent par les débats de l’époque dans lesquels il était engagé. Ce sont des« écrits d’occasion », parfois difficiles à comprendre faute de connaître lecontexte. De plus, ils sont volumineux et demandent un temps considérablepour être lus intégralement.

Nous avons choisi de proposer des extraits, en les situant brièvementdans leur contexte, si nécessaire, et en indiquant leur portée spirituelle. Cesont des textes courts, mais suggestifs. S’ils proviennent de différentespériodes de la vie d’Augustin, et portent la trace des occasions danslesquelles ils ont vu le jour, ils ne gardent pas moins une valeur permanente.C’est le principal critère qui a guidé cette sélection. Ces textes voudraientnous faire découvrir Augustin, mais aussi nous aider à faire notre proprechemin spirituel.

Le son de nos parolesfrappe les oreilles ;

le maître est à l’intérieur.Ne croyez pas qu’un homme

puisse apprendre quelque chosed’un autre homme.

Nous pouvons vous avertiren faisant du vacarme avec notre voix ;

s’il n’y a pas à l’intérieurquelqu’un pour vous instruire,

c’est en vain que nous faisons du bruit.Saint Augustin

Homélies sur la première épître

de saint Jean.

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Leur disposition obéit à un ordre à la fois chronologique et théma-tique. Pour certains, cet ordre s’imposait de lui-même. Ainsi, la suitechronologique : adhésion à la secte des manichéens, conversion, choix de lavie monastique. Ainsi encore la suite des trois thèmes étroitement liés :autorité de la foi, le Christ, l’Église. Viennent ensuite des thèmes d’ordre spir-ituel, moins étroitement unis entre eux, comme la recherche de Dieu, larègle de l’amour, l’amitié. Le tout culminant dans la célébration de la paix.

Ce qui importe dans ce parcours, c’est moins d’entendre la voixd’Augustin, à jamais éteinte, que d’écouter le Maître intérieur, hôtepermanent du cœur de l’homme. De toute manière, la voix ne peut émettreque des sons, mais c’est toujours le Verbe intérieur qui en révèle le sens. Lavoix peut avertir, la Vérité seule instruit.

Père Marcel Neusch,assomptionniste

354 :Naissance d’Augustin le 13 novembre à Thagaste (Souk-Ahras, en Algérie),de Patricius et de Monique.

366-369 :Études à Madaure, « cette ville où j’avais fait mon premier séjour hors dechez moi pour me former aux lettres » (Confessions II, 3, 5).

369 :Année d’oisiveté à Thagaste. « On me lâchait les rênes pour le jeu »(Id. II, 3, 8). Vol des poires.

370-373 :Poursuite des études à Carthage. « Je cherchais sur quoi porter mon amour,dans mon amour de l’amour. » (Id. III, 1, 1). Naissance de son fils Adéodat(371-372), lecture de l’Hortensius, adhésion à la secte des manichéens.

373 :Professeur à Thagaste. Mort d’un ami (Id. IV, 4, 7).

La vie d’Augustin :repères chronologiques

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374-383 :Professeur à Carthage. Rédaction d’un ouvrage sur la beauté(Id. IV, 15, 24).

383-384 :Séjour à Rome, où il espérait rencontrer des étudiants plus tranquilles,mais qui s’avèrent mauvais payeurs (Id. V, 8, 14).

384-387 :Professeur à Milan. Renvoi de sa concubine. Il écoute la prédicationd’Ambroise. Lecture des livres platoniciens, puis des lettres de saint Paul,conversion (août 386), retraite à Cassiciacum où il mène une vie « quasimonastique ». De ce séjour, on a les Dialogues et les Soliloques.

387 :Baptême dans la nuit du 24 au 25 avril 387, en même temps que son amiAlypius et que son fils Adéodat.

387-388 :Séjour à Rome. Mort de Monique à Ostie (387). À Rome, il enquête surla vie monastique. Rédige Les mœurs de l’Église catholique. Retour enAfrique.

388-390 :Retraite à Thagaste. Mort d’Adéodat.

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391 :Prêtre à Hippone (Hippo Regius), évêque « coadjuteur » de Valerius (395),et évêque titulaire en 396.

397 :Début de la rédaction des Confessions.

403 :Concile de Carthage. Augustin échappe à l’embuscade que lui tendent lesdonatistes.

407 :Commentaire de la première épître de saint Jean. « Aime, et fais ce que tuveux ! » Il rédige La première catéchèse (406-412 ?).

410 :Rome est envahie et pillée par les troupes d’Alaric (24 août). Parmi lesréfugiés romains en Afrique se trouve Pélage.

411 :Conférence entre catholiques et donatistes (1er-8 juin) qui s’achève enfaveur des catholiques. Un édit de 412 condamne les donatistes.

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413 :Début de la rédaction de La Cité de Dieu.

416 :Conciles de Carthage et de Milev, qui condamnent Célestin et Pélage.

418 :Concile de Carthage sur le péché originel et la nécessité du baptême des petitsenfants.

419 :Augustin met la dernière main au traité sur La Trinité. Nombreux écritscontre les pélagiens.

426 :Augustin organise sa propre succession en proposant comme candidat leprêtre Heraclius, mais qui ne sera consacré qu’après sa mort. CommenceLes Révisions.

430 :Augustin meurt le 28 août, alors que les Vandales assiègent la ville d’Hipponedepuis trois mois.

8 Vienne Ton Règne

©:B

énédictines

deVenière

-Diffusion

:Les

AteliersSaint-JosephBP5-36180PELLEVOISIN

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Bien tard je t’ai aimée,ô beauté si ancienne et si nouvelle,bien tard je t’ai aimée !Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehorset c’est là que je te cherchais,et sur la grâce de ces choses que tu as faites,pauvre disgracié, je me ruais !Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ;elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !

Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ;j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ;tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix.

Dans cette page des Confessions, l’une des plus célèbres, Augustin renvoieà son expérience de Dieu au jardin de Milan, un Dieu présent au cœur del’homme : « Toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plusélevé que les cimes de moi-même. » (III, 6, 11).

Bien tard je t’ai aimée, ô beauté ! Quand j’aurai adhéré à toi de tout moi-même,nulle part il n’y aura pour moi douleur et labeur,et vivante sera ma vie toute pleine de toi.Mais maintenant, puisque tu allèges celui que tu remplis,n’étant pas rempli de toi je suis un poids pour moi.Il y a lutte entre mes joies dignes de larmeset les tristesses dignes de joie ;et de quel côté se tient la victoire, je ne sais.Il y a lutte entre mes tristesses mauvaiseset les bonnes joies ;et de quel côté se tient la victoire, je ne sais.

Ah ! malheureux ! Seigneur, aie pitié de moi.Ah ! malheureux ! voici mes blessures, je ne les cache pas :tu es médecin, je suis malade ;tu es miséricorde, je suis misère.N’est-elle pas une épreuve, la vie humaine sur la terre ? […]Et mon espérance est tout entière uniquementdans la grandeur immense de ta miséricorde.Donne ce que tu commandes et commande ce que tu veux. […]Ô amour qui toujours brûles et jamais ne t’éteins,ô charité, mon Dieu, embrase-moi !

Confessions, X, 27, 38-29, 40BA 14, p. 209-213.

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Mon but est donc de te prouver,si je puis, la témérité impie des

manichéens, lorsqu’ils attaquentceux qui, dociles à l’autorité de lafoi catholique, commencent parcroire, pour se fortifier et se pré-parer à l’illumination divine, avantde pouvoir contempler cette véritéque la pensée seule aperçoit.Tu le sais, Honoratus : si noussommes tombés aux mains de ceshommes [les manichéens], c’estuniquement parce qu’ils pré-tendaient mettre de côté lacontrainte de l’autorité et, par lapure et simple raison, introduire

auprès de Dieu et délivrer de touteerreur ceux qui voudraient bien lesécouter.Quel motif me fit, pendant près deneuf ans, mépriser la religion quemes parents avaient implantée enmoi dès mon enfance et suivre ceshommes en disciple attentif, si cen’est de les entendre affirmer quenous étions dominés par unecrainte superstitieuse et que l’onnous imposait de croire avant deréfléchir, tandis qu’eux ne pres-saient personne de croire sansavoir au préalable démêlé et tiré auclair la vérité ?

En quête de sagesse, Augustin à l’âge de 19 ans, se laisse séduire par la sectedes manichéens qui lui promettent de tout expliquer par la raison, sansexiger la foi, comme les catholiques. Augustin se laisse séduire et se faitséducteur au point d’y entraîner plusieurs de ses amis.

Mépris pour la foi catholique

Qui n’aurait été séduit par cespromesses, surtout un jeunehomme à l’âme éprise du vrai etque des discussions avec quelquespersonnes cultivées avaient renduorgueilleux et beau parleur ? Telj’étais quand ils m’ont rencontré,plein de mépris, bien entendu, pource qui me semblait contes debonne femme, désireux de pos-séder, pour que je m’en abreuve, levrai sans voile ni fard qu’ils mepromettaient.

En revanche, quel motif me retenaitet m’empêchait de me fixer défini-tivement chez eux, si bien que j’enrestais à ce qu’ils appellent « ledegré des Auditeurs », sans renon-cer aux espoirs et aux affaires de cemonde ? Quoi, si ce n’est que je lesvoyais, eux aussi, plus habiles etabondants à réfuter autrui que

fermes et assurés à prouver leurspropres dires ?

Mais à quoi bon parler de moi, quidéjà étais chrétien et catholique ?[…] Toi, tu n’es pas encore chrétien,qui, sur mon conseil et malgré unevive aversion pour les chrétiens, asconsenti tout juste à reconnaîtrequ’ils méritaient de ta partaudience et examen, rappelle-toi,je t’en prie : à quoi t’es-tu laisséprendre, sinon à la promesse,pleine de suffisance, de rendre rai-son de tout ?

L’utilité de croire 1, 2BA 8 p. 211-213

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comprendre, dis-tu, pour croire » ;« Crois, ai-je dit, pour comprendre »,et le prophète répond : « Si vous necroyez pas, vous ne comprendrezpas. » (Is 7, 9) […]

Par conséquent, mes très chersfrères, cet homme que j’ai priscomme adversaire et avec lequelj’ai engagé une discussion qui a étéportée au tribunal du prophète, n’apas tout à fait tort de vouloircomprendre avant de croire. Moiqui vous parle, en ce moment, si jeparle, c’est pour amener aussi à lafoi ceux qui ne croient pas encore.Donc, en un sens, cet homme a ditvrai quand il a dit : « Je veuxcomprendre pour croire » ; et moiégalement je suis dans le vraiquand j’affirme avec le prophète :« Crois d’abord pour comprendre. »Nous disons vrai tous les deux :

donnons-nous donc la main ;comprends donc pour croire etcrois pour comprendre ; voici enpeu de mots comment nous pou-vons accepter l’une et l’autre cesdeux maximes : comprends maparole pour arriver à croire, et croisà la parole de Dieu pour arriver à lacomprendre.

Sermon 43 inLes Plus Beaux Sermons de saint Augustin,

réunis et traduits par Georges Humeau,t. I, p. 181-189. EA, 1986.

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Et maintenant, ravivez votreattention. Tout homme veut

comprendre ; personne qui n’ait cedésir. Mais tous nous ne voulonspas croire. On me dit : « Je veuxcomprendre pour croire. » Jeréponds : « Crois pour compren-dre. » ; voici donc une discussionqui s’élève entre nous et qui vaporter tout entière sur ce point :« Je veux comprendre avant decroire »,me dit l’adversaire ; et moije lui dis : « Crois d’abord et tucomprendras. » Pour trancher ledébat, choisissons un juge. Parmitous les hommes à qui je puissonger, je ne trouve pas de meilleur

juge que l’homme que Dieu lui-même a choisi pour interprète. Enpareille matière et dans un débatde ce genre, l’autorité des littéra-teurs n’a rien à faire ; ce n’est pasau poète de juger entre nous, c’estau prophète […].

Tudisais :« J’ai besoindecomprendrepour croire » ; et moi : « Croisd’abord pour comprendre. » Ladiscussion est engagée ; allons aujuge ; que le prophète prononceou plutôt que Dieu prononce parson prophète. Gardons tous deuxle silence. Il a entendu nosopinions contradictoires ; « Je veux

Alors que les manichéens prétendaient le dispenser de croire, Augustinconsidère l’adhésion préalable à l’autorité de la parole de Dieu comme lepassage obligé pour parvenir à la compréhension de Dieu et de l’homme.

Il faut croire pour comprendre

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Il y avait autre chose qui, dans cesamitiés, prenait davantage lecœur : causer et rire en commun,échanger de bons offices, lireensemble des livres bien écrits,être ensemble plaisants et ensem-ble sérieux, être parfois endésaccord sans animosité, commeon l’est avec soi-même, et utiliserce très rare désaccord pourassaisonner l’accord habituel,apprendre quelque chose les unsaux autres ou l’apprendre les unsdes autres, regretter les absentsavec peine, accueillir les arrivantsavec joie, et faire de ces manifesta-tions et d’autres de ce genre,jaillies du cœur de gens qui aimentet s’entraident, exprimées par levisage, par la langue, par les yeux,par mille gestes charmants, en fairecomme les aliments d’un foyer oùles âmes fondent ensemble, et deplusieurs n’en font qu’une.C’est cela que l’on chérit dans lesamis, et on le chérit à ce point

qu’en lui-même l’homme aconscience d’être coupable, s’iln’aime pas qui redouble d’amour,ou si, envers qui l’aime, il ne redou-ble pas d’amour, sans rien deman-der au corps de l’être aimé hormisdes marques d’affection. De là cedeuil, si l’un d’eux vient à mourir, etles ténèbres de la souffrance, et lecœur amolli par une douceur quis’est changée en amertume, et lavie perdue de ceux qui meurentdevenant la mort de ceux quivivent.

Heureux celui qui t’aime toi, et sonami en toi, et son ennemi à causede toi ! Celui-là seul en effet neperd aucun être cher, à qui toussont chers en Celui que l’on ne perdpas […].

Confessions IV, 6, 11-10, 15BA 13, p. 427-435.

Vienne Ton Règne 1716 Vienne Ton Règne

Quelqu’un a bien parlé en disantde son ami : c’est la moitié de

mon âme. Car j’ai éprouvé moi-même que mon âme et son âmen’avaient été qu’une âme en deuxcorps. Voilà pourquoi la vie m’étaiten horreur : je ne voulais pas vivre,diminué de moitié ; voilà pourquoiaussi peut-être je craignais demourir, pour que ne mourût pastout entier celui que j’avais beau-coup aimé. […]En vérité, pourquoi cette douleuravait-elle pénétré si facilementjusqu’au plus intime de moi, sinon

parce que j’avais répandumon âmesur le sable, en aimant un êtremortel comme s’il était immortel ?Oui, ce qui par-dessus tout meréconfortait et me faisait revivrec’étaient les consolations d’autresamis, avec qui j’aimais ce qu’aulieu de toi j’aimais ; c’était là uneénorme fiction et un mensongeprolongé, dont le frottementadultère corrompait notre espritque démangeait notre désir d’en-tendre. Mais cette fiction ne mour-rait pas pour moi, même si l’un demes amis venait à mourir.

Tout au long de sa vie, Augustin cultivera l’amitié en mesurant sa fragilité.Il écrira : « En toutes choses humaines, rien n’est amical pour l’homme,sans un homme qui soit son ami. Mais combien rarement s’en trouve-t-ilun sur l’esprit et les mœurs duquel on puisse compter avec une entièresécurité ? » (Lettre 130 à Proba)

Après la mort d’un ami

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comme juste, je l’admettais sanspeine.Mais je reprenais alors : « Qui m’afait ? N’est-ce pas mon Dieu, qui estnon seulement bon mais le bienmême ? D’où me vient donc devouloir le mal et de ne pas vouloirle bien ? Est-ce pour motiver unchâtiment que je subisse juste-ment ? Qui a mis en moi, et y aplanté, cette pépinière d’amer-tume, alors que j’étais fait toutentier par mon Dieu plein dedouceur ? Si le démon en estl’auteur, d’où vient le démon lui-même ? Et si, même lui, par unevolonté dévoyée, de bon ange s’estfait démon, d’où est venue en luiaussi la volonté mauvaise quidevait le faire démon, puisqu’ilavait été fait ange tout entier parun créateur très bon ? »Ces pensées m’accablaientderechef, et me suffoquaient.

Confessions VII, 3, 5.BA 13, pages 584-587.

Vienne Ton Règne 19

Je fixais mon attention pour saisirce que j’entendais [en écoutantAmbroise] : à savoir que le librearbitre de la volonté est la cause dumal que nous faisons, et ton justejugement celle de nos souffrances ;et cette cause, je n’étais pas capa-ble de la saisir clairement. Aussi,pour tirer hors de ce gouffre leregard de mon esprit, je faisais desefforts, mais j’y plongeais encore ;je multipliais les efforts, et j’yplongeais encore et encore.Une chose en effet me soulevaitvers ta lumière : j’avais conscience

d’avoir une volonté autant que devivre. Aussi, quand je voulais ou nevoulais pas quelque chose, cen’était pas un autre que moi quivoulait ou ne voulait pas, j’en étaisabsolument certain ; et là setrouvait la cause de mon péché,déjà je m’en rendais compte.Mais quand j’agissais malgré moi,je subissais plutôt que je n’agis-sais, je le voyais bien ; ce n’étaitpas là une faute, mais un châti-ment, je l’estimais ainsi ; et iln’était pas injuste que j’en fussefrappé, puisque je te concevais

Les manichéens disaient que le mal était une substance qui contaminait lanature humaine de l’extérieur et que l’homme n’y était pour rien. À l’écoutedes sermons d’Ambroise, Augustin réalise que le mal relève de laresponsabilité de l’homme. C’est là aussi une donnée immédiate de laconscience. Reste l’énigme du mal subi. Augustin ne parvient pas à leverl’ultime point d’interrogation.

L’énigme du mal

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Aussi, en toute hâte, je revins àl’endroit où Alypius était assis ;oui, c’était là que j’avais posé lelivre de l’Apôtre tout à l’heure, enme levant. Je le saisis, l’ouvris etlus en silence le premier chapitreoù se jetèrent mes yeux : « Non,pas de ripailles et de soûleries ;non, pas de coucheries et d’impu-dicités ; non, pas de disputes et dejalousies ; mais revêtez-vous duSeigneur Jésus Christ, et ne vousfaites pas les pourvoyeurs de lachair dans les convoitises »(Rm 13, 13). Je ne voulus pas en lireplus, ce n’était pas nécessaire. Àl’instant même, en effet, avec lesderniers mots de cette pensée, cefut comme une lumière de sécuritédéversée dans mon cœur, et toutesles ténèbres de l’hésitation se dis-sipèrent […].

Tu me convertis, en effet, si bien àtoi, que je ne recherchais plus niépouse ni rien de ce qu’on espèredans ce siècle ; j’étais debout sur larègle de la foi, comme tu le lui avaisrévélé [à Monique] tant d’annéesauparavant. Et tu convertis sondeuil en joie, une joie beaucoupplus abondante qu’elle ne l’avaitdésirée, beaucoup plus attachanteet plus chaste que celle qu’elleattendait de petits enfants nés dema chair.

Confessions VIII, 12, 28-30BA 14, p. 65-69.

Vienne Ton Règne 2120 Vienne Ton Règne

Cette dispute dans mon cœurn’était qu’une lutte de moi-même contre moi-même. Alypius,lui, rivé à mes côtés dans cette agi-tation sans précédent, attendait ensilence le dénouement […]. La soli-tude s’offrait à moi comme unendroit plus propice au travail deslarmes. Je me retirai assez loin ;ainsi même la présence d’Alypiusne pourrait pas m’être à charge. Telétait alors mon état. Il le comprit[…]. Et je pleurais dans la profondeamertume de mon cœur brisé.

Et voici que j’entends une voix,venant d’une maison voisine ; on

disait en chantant et l’on répétaitfréquemment avec une voix commecelle d’un garçon ou d’une fille, jene sais : « Prends, lis ! Prends,lis ! » À l’instant, j’ai changé devisage et, l’esprit tendu, je me suismis à rechercher si les enfantsutilisaient d’habitude, dans tel outel genre de jeu, une ritournellesemblable ; non, aucun souvenirne me revenait d’avoir entenducela quelque part. J’ai refoulél’assaut de mes larmes et me suislevé, ne voyant plus là qu’un ordredivin qui m’enjoignait d’ouvrir lelivre, et de lire ce que je trouveraisau premier chapitre venu […].

Gagné à la vérité catholique, Augustin hésite devant le choix qui s’impose,partagé entre deux volontés qui se disputent son cœur, « l’une anciennel’autre nouvelle, celle-là charnelle celle-ci spirituelle » (Confessions VIII,5, 10).

Prends, lis ! Prends, lis !

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gnons de pauvreté, qui ne pos-sèderaient rien comme moi et sedisposeraient à m’imiter : j’avaisvendu mon pauvre petit bien et j’enavais distribué le prix aux pauvres ;ainsi feraient ceux qui voudraientse joindre à moi, afin que nousvivions sous le régime de lacommunauté ; et ce qui nous seraitcommun, c’était un grand domainesurabondant, Dieu lui-même.

Je parvins à l’épiscopat ; et je visqu’il était nécessaire à l’évêqued’assurer l’hospitalité à ceux quiallaient et venaient ; si l’évêque nele faisait pas, il passerait pourinhospitalier. Mais si cette habi-tude avait été introduite dans lemonastère, cela aurait été incon-venant. Et j’ai voulu avoir danscette « maison de l’évêque » unmonastère de clercs.

Voilà comment nous vivons. Il n’estpermis à personne dans la commu-nauté d’avoir quelque chose enpropre […]. Ce n’est permis àpersonne ; si certains ont quelquechose, ils font ce qui n’est paspermis. Or j’ai bonne opinion demes frères ; et, leur faisanttoujours confiance, je me suisgardé d’enquêter à ce sujet ; parcequ’une telle enquête me paraissaitimpliquer une mauvaise opinion àleur égard. Je savais, en effet, et jesais que ceux qui décident de vivreavec moi connaissent notreengagement, connaissent notrenorme de vie.

Sermon 355, 2 (Traduction Goulven Madec)NBA 6 (1996), p. 17-20.

Vienne Ton Règne 2322 Vienne Ton Règne

Or, je craignais l’épiscopat à telpoint que, parce que ma

renommée commençait à prendrequelque importance parmi lesserviteurs de Dieu, je ne merendais pas là où je savais qu’il n’yavait pas d’évêque. Je me gardaisde cela et je suppliais Dieu tant queje pouvais de me laisser sain etsauf dans ma basse condition et dene pas m’exposer dans un posteélevé. Mais, comme je l’ai dit, leserviteur ne doit pas contredire sonmaître.

Je vins en cette ville [Hippone] pourvoir un ami que j’espérais pouvoir

gagner à Dieu et amener avec moiau monastère ; j’étais apparem-ment tranquille, puisque la villeavait un évêque. Je fus réquisition-né et fais prêtre et, par ce degré, jeparvins à l’épiscopat. Je n’apportairien, je ne vins à cette églisequ’avec les vêtements que jeportais alors. Et puisque je me dis-posais à vivre au monastère avecmes frères, le vénérable Valérius,d’heureuse mémoire, mis aucourant de mon projet et de madécision, me donna ce jardin où setrouve maintenant le monastère. Jecommençai à réunir des frèresdécidés à s’engager, mes compa-

Après sa conversion, Augustin fait le choix de la vie monastique, réunissantautour de lui des compagnons, décidés à vivre « unanimes à la maison,ayant une seule âme et un seul cœur tournés vers Dieu » (Règle).

Mes compagnons de pauvreté

Page 13: Les plus beaux textes

Vienne Ton Règne 25

Tout homme, quel qu’il soit, veutêtre heureux. Personne qui nedésire être heureux, et qui ne ledésire par-dessus tout. Je diraiplus, tout ce qu’on peut désirerd’ailleurs, c’est pour le rapporterau désir d’être heureux. Leshommes sont entraînés par despassions diverses, l’un désire unechose et l’autre en veut une autre ;il y a dans le genre humain bien desconditions différentes, et danscette multitude de conditions cha-cun choisit et adopte celle qui lui

plaît ; mais quel que soit l’état devie dont on fasse choix, il n’est per-sonne qui ne veuille être heureux.

La vie heureuse est donc le biencommun que tous ambitionnent ;mais quel moyen d’y arriver, quelchemin prendre pour y parvenir,c’est là que les hommes ne sontplus d’accord. Si donc nous cher-chons la vie heureuse sur terre, jene sais si nous pourrons la trouver,non que ce que nous cherchonssoit mauvais, mais parce que nous

Comment définir le bonheur ? Si les hommes désirent tous être heureux, ilssont divisés sur la nature du bonheur. Ni la profession des armes, ni celled’avocat ou de juge, ni celle d’agriculteur ou de marin, ni aucune autre n’estdésirable au point de s’identifier avec la vie heureuse. La vie n’est vraimentheureuse qu’autant qu’elle est éternelle. Le bonheur ne veut rien moins quel’éternité.

Tout homme veut être heureux !

24 Vienne Ton Règne

ne cherchons pas le bien là où il setrouve.

L’un dit : « Heureux ceux quisuivent la profession des armes » ;un autre soutient le contraire etdit : « Heureux ceux qui cultiventles champs. » « Vous voustrompez, dit celui-ci, heureux ceuxqui brillent au barreau par leur élo-quence, qui défendent les intérêtsde leurs concitoyens et dont laparole devient l’arbitre de la vie etde la mort des hommes. » « Non,répond celui-là, heureux bienplutôt ceux qui jugent et qui ontl’autorité pour écouter les débatset prononcer la sentence. » « Vousêtes dans l’erreur, dit un autre,heureux ceux qui traversent lesmers, ils apprennent à connaître dupays et réalisent des gains consid-érables ? » […] Comment se fait-il

donc que de toutes les conditionsde la vie, il n’en est pas une seulequi soit agréable à tous, tandis quetous sont unanimes pour aimer lavie heureuse ?

Sermon 306, 3 (éd. Vivès).

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humblement et que vous êtesorgueilleux ? Auriez-vous honte,par hasard, d’être corrigés ? C’estlà précisément le vice desorgueilleux. Il est honteux, certes,pour les savants de quitter l’écolede Platon et de se faire les disciplesdu Christ, qui, par son Esprit, apprità un pêcheur à dire avec sagesse :« Dans le principe était le Verbe etle Verbe était auprès de Dieu et leVerbe était Dieu. » Tel est le débutdu saint évangile que nousappelons selon Jean, dont un pla-tonicien disait, comme nousl’avons souvent entendu raconterpar le saint vieillard Simplicienélevé depuis au siège épiscopal deMilan, qu’il faudrait l’écrire enlettres d’or et le placer dans toutesles églises à l’endroit le plusapparent.Mais auprès des orgueilleux, Dieu,

le Docteur par excellence, a perdutout crédit, dès lors que « le Verbes’est fait chair et a habité parminous. » C’est peu pour ces mal-heureux d’être malades, il fautencore qu’ils se glorifient de leurmaladie et rougissent des remèdesqui pourraient les guérir. Unepareille conduite ne réussit pas àles relever, mais leur chute aggraveencore leur mal.

La Cité de Dieu X, 29BA 34, p. 529.

Vienne Ton Règne 2726 Vienne Ton Règne

Mais l’incarnation du Filsimmuable de Dieu par laquelle

nous sommes sauvés et qui nouspermet d’atteindre ce que nouscroyons ou ce que nouscomprenons si peu que ce soit,vous vous refusez à l’admettre.Ainsi découvrez-vous de quelquefaçonmais de loin, et avec des yeuxtroubles, la patrie où nous devonsdemeurer ; et pourtant, le cheminqu’il faut suivre, vous [lesphilosophes] ne le tenez pas […].

Oh ! si tu avais connu la grâce deDieu par Jésus Christ notre

Seigneur ! Si tu avais pu voir dansl’Incarnation où il a pris une âme etun corps d’homme, le plus beauchef-d’œuvre de la grâce ! Maisque faire ? C’est en vain, je le sais,que je parle à un mort [Porphyre],du moins pour ce qui te regarde[…]. Mais pour être à mêmed’acquiescer à cette vérité, vousaviez besoin de l’humilité, vertubien difficile à persuader à destêtes comme les vôtres […].

Pourquoi, au nom de ces opinions,refusez-vous d’être chrétiens,sinon parce que le Christ est venu

La christologie d’Augustin tient en cet axiome : « Le Christ Dieu est lapatrie vers laquelle nous allons, le Christ homme est la voie par laquelle nousallons. C’est à lui que nous allons, par lui que nous allons. » (Sermon 124,3, 3). Les platoniciens refusent l’Incarnation.

L’Incarnation, chef-d’œuvre de la grâce

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manifestation de l’Ancien. À causede cette occultation, les hommescharnels, qui comprennent defaçon charnelle, furent et sontencore sous le joug de la crainte duchâtiment ; grâce à cette manifes-tation, au contraire, les hommesspirituels, ceux qui autrefois frap-pèrent à la porte avec piété et sevirent ouvrir même les mystèrescachés, et ceux qui maintenantcherchent sans orgueil, pour éviterque ne leur soient fermés même lesmystères révélés, du fait qu’ilscomprennent de façon spirituelle,se trouvent libérés par le don de lacharité.

Et, parce que rien n’est plus opposéà la charité que l’envie, et que l’en-vie a pour père l’orgueil, le mêmeSeigneur Jésus Christ, Dieuhomme, est à la fois le signe de

l’amour divin à notre égard et-l’exemple de l’humilité humaineparmi nous, afin que notre forteenflure soit guérie par un antidoteplus fort encore ; car c’est unegrande misère qu’un hommeorgueilleux, mais c’est une miséri-corde plus grande qu’un Dieu hum-ble.

Propose-toi donc cet amour commefin à laquelle tu rapporteras tout ceque tu diras ; et, quoi que tu racon-tes, raconte-le de telle manière queton auditeur en entendant croie, encroyant espère, et en espérantaime.

La Première Catéchèse 4, 8BA 11/1 p. 69-73.

Vienne Ton Règne 2928 Vienne Ton Règne

Ainsi le Christ est-il venu avanttout pour que l’homme apprîtcombien Dieu l’aime, et qu’ill’apprît afin qu’il s’enflammâtd’amour pour celui qui le premierl’a aimé, et afin qu’il aimât sonprochain, suivant l’ordre et l’exem-ple de celui qui s’est fait le pro-chain de l’homme, au temps oùcelui-ci n’était pas son prochain,mais errait bien loin de lui ; et toutel’Écriture divine, qui a été écriteavant, l’a été pour prédire la venuedu Seigneur ; et tout ce qui, après,a été consigné par écrit et confirmépar l’autorité divine, raconte le

Christ et enseigne l’amour. Il estdonc manifeste qu’en ces deuxcommandements de l’amour deDieu et du prochain, sont résumés,non seulement toute la Loi et lesProphètes – seule Écriture saintequi existât au moment où leSeigneur exprima ces commande-ments –, mais aussi tous lesouvrages des Lettres divines quiont été écrits plus tard pour notresalut et confiés à la postérité.

C’est pourquoi il y a dans l’AncienTestament occultation du Nouveau,et dans le Nouveau Testament

Découragé par le peu d’intérêt que suscite sa catéchèse, un diacre deCarthage s’adresse à Augustin qui lui donne des conseils d’abord d’ordrepédagogique. Quant au contenu à transmettre, qu’il raconte le Christ etenseigne l’amour !

Toute l’Écriture raconte le Christ

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psaume mais une prophétie quel-conque, parle du Christ seulementcomme chef, et quelquefois passedu chef au corps ou à l’Église, sansqu’il paraisse avoir changé de per-sonne ; car la tête ne se sépare pasdu corps, mais il en est parlécomme d’un seul homme… Vous levoyez donc, il y a des paroles [dansle psaume] qui se disent du chef, etd’autres qui se disent du corps.(in Ps 90 2, 1).

Dieu ne pouvait faire aux hommesun don plus excellent que de leuraccorder pour chef son Verbe, parlequel il a créé toutes choses, et deles unir à lui comme ses membres,afin qu’il fût tout à la fois Fils deDieu et fils de l’homme, un seulDieu avec le Père, un seul hommeavec les hommes ; afin qu’enadressant nos prières à Dieu, nous

n’en séparions pas le Fils, et que lecorps du Fils, offrant ses prières, nesoit point séparé de son chef. Ainsinotre Seigneur Jésus Christ, uniqueSauveur de son corps mystique,prie pour nous, prie en nous, etreçoit nos prières. Il prie pour nouscomme notre prêtre, il prie en nouscomme notre chef, il reçoit nosprières comme notre Dieu.Reconnaissons donc, et que nousparlons en lui, et qu’il parle ennous. (in Ps 85, 1).

Discours sur les psaumesCerf, 2007.

Vienne Ton Règne 3130 Vienne Ton Règne

Il faut rapporter le tout au Christ, sinous voulons saisir le véritablesens ; ne nous écartons point de lapierre angulaire, de peur que notreintelligence ne tombe en ruine ;qu’en lui se consolide tout ce qui estmobile et chancelant, qu’en luis’affermisse tout ce qui est incertain.Quelque doute que fassent naîtredans notre esprit les saintesÉcritures, que l’homme ne s’éloignepas du Christ, et s’il le découvre dansses lectures, qu’il soit certain de lesavoir comprises, et qu’il ne se

persuade point qu’il les comprend,tant qu’il n’y rencontre pas le Christ,« qui est la fin de la loi pour justifierceux qui croiront en lui » (Rm 10, 4)(in Ps 96, 2).

Que votre charité soit attentive.C’est un point des plus importantsque nous ayons à étudier, nonseulement pour comprendre notrepsaume, mais pour en comprendrebeaucoup d’autres, si vous vousattachez à cette règle. Quelquefoisun psaume, et non seulement un

Dès sa conversion, Augustin s’enthousiasma pour le chant des psaumes.« Comme je prenais feu pour toi à leur contact » (Confessions IX, 4, 8).Ces psaumes, il les prie et les commente intégralement, selon un principequi vaut pour toute l’Écriture : « Le Nouveau Testament est caché dansl’Ancien, et l’Ancien dévoilé dans le Nouveau. »Le Christ est la clef secrète de leur compréhension.

Le Christ dans les psaumes

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res, s’écrie à ton adresse la tête, delà-haut, c’est en vain que tum’honores !C’est comme si quelqu’un voulait tebaiser au visage en même tempst’écrasait les pieds ! L’hommet’écraserait peut-être les pieds avecdes souliers cloutés, tout envoulant te prendre la tête entre lesmains et te donner un baiser. Aumilieu de ses compliments, net’écrierais-tu pas : « Que fais-tu,l’homme ? Tu m’écrases lespieds ! » Tu ne dirais pas : « Tum’écrases la tête ! » puisqu’il hono-rait ta tête. Mais la tête crierait plusfort pour défendre ses membresqu’on écrase, que pour elle-même,parce qu’on l’honorait de marquesd’affection.La tête ne crie-t-elle pas : « Je neveux pas de tes démonstrations depolitesse ! Cesse de m’écraser les

pieds ! » Alors, toi, dis-lui, si tupeux : « Comment ? Je t’ai écraséles pieds ? » Dis-lui, à la tête : « J’aivoulu te donner un baiser, j’ai voulut’embrasser. » « Mais, ne vois-tupas, insensé, que la tête que tuveux embrasser, en raison d’un cer-tain lien qui unit toutes les parties,communique avec ce que tuécrases ! Tu m’honores en haut ettu m’écrases en bas ! »

Homélies sur la première épître de saint Jean,X, 8, BA 76n p. 421-423.

Vienne Ton Règne 3332 Vienne Ton Règne

Courons donc, mes frères !Courons et aimons le Christ.

Quel Christ ? Jésus Christ. Qui est-il, celui-là ? Le Verbe de Dieu. Etcomment est-il venu vers desmalades ? Le Verbe s’est fait chairet a habité parmi nous […]. Soncorps, où gît-il ? Ses membres, oùsouffrent-ils ? Où dois-tu être pourte trouver sous la dépendance de latête ? […]. Voici ce que disent leChrist ou le psaume, c’est-à-direl’Esprit de Dieu : « Ton commande-ment est souverainement large ! »(Ps 118, 96). Et il y a quelqu’un pourtracer en Afrique les frontières de lacharité ! Étends la charité à travers

le monde entier, si tu veux aimer leChrist, car ses membres se trou-vent dans le monde entier.

Si tu n’aimes qu’une partie, tu esséparé ; si tu es séparé, tun’appartiens pas au corps ; si tun’appartiens pas au corps, tu n’espas sous la dépendance de la tête.Qu’importe que tu aies la foi, si tuoutrages en même temps ! Tuadores le Christ en sa tête et tul’outrages en son corps ! Mais luiaime son propre corps. Si, toi, tu t’esretranché du corps même, la tête,elle, ne s’est pas retranchée ducorps. C’est en vain que tu m’hono-

Dans le conflit avec les donatistes, qui ont fait schisme, ce qui est en jeu,c’est le salut. Car « la Tête et le Corps forment un même tout », si bien quese retrancher du Corps du Christ, c’est se séparer de la Tête. Conséquence :« Hors de l’Église catholique, on peut tout avoir, sauf le salut ! »

Aimer le Christ, Tête et Corps

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crainte des lois impériales […] Et ilen était de même pour beaucoupd’autres cités dont les nomsm’étaient énumérés. Ainsi la forcemême des choses m’obligea àreconnaître qu’en ce domaine aussipouvait bien se comprendre lavérité de cette phrase de l’Écriture :« Donne au sage l’occasion et ilsera plus sage encore. » (Pr 9, 9).

Combien, en effet, en connaissons-nous dont on peut affirmer qu’eneux se manifestait déjà le désird’être catholiques, bouleversésqu’ils étaient par l’évidenceaveuglante de la vérité, mais que lacrainte d’une violente réaction dela part des leurs poussait chaquejour à différer. Combien d’entrevous étaient retenus, non par lavérité, qui n’a jamais été votre fort,mais par la lourde chaîne d’unehabitude invétérée ! [...] Combienpensaient que le parti de Donatétait la véritable Église pour la

bonne raison que, s’y trouvant ensécurité, ils avaient d’autant moinsde vivacité, de goût et d’ardeur às’enquérir de la vérité catholique !Combien en trouvaient l’accèsinterdit par les rumeurs malveil-lantes qui prétendaient que nousplacions je ne sais quoi d’aberrantsur l’autel du Seigneur ! Et,considérant que, si l’on était chré-tien, peu importait que ce fut dansl’un ou l’autre parti, combienrestaient dans le parti de Donatsimplement parce qu’ils y étaientnés et que personne ne les forçait àpasser au catholicisme.

Lettre 93 à Vincentius,in André Mandouze, Saint Augustin.L’aventure de la raison et de la grâce.

Et. Aug., 1968, p. 371-373.

Vienne Ton Règne 3534 Vienne Ton Règne

Cette crainte, dit-il, qui te déplaît,a été [pour une foule de cités]l’occasion de devenir catholiquespar l’intermédiaire des lois promul-guées par les empereurs, depuisConstantin […] jusqu’aux empe-reurs actuels qui pensent êtretenus en toute justice de maintenircontre vous le jugement de celuique vos ancêtres ont choisi depréférence aux évêques. C’est doncces exemples, mis sous mes yeuxpar mes collègues, qui m’ont faitchanger de position. Primiti-vement, en effet, mon avis se rame-nait à ceci : personne ne devait être

contraint à l’unité du Christ ; c’estpar la parole qu’on devait agir, parla discussion qu’on devait combat-tre, par la raison qu’on devaitvaincre : je craignais qu’autrementnous n’eussions comme fauxcatholiques ceux que nous avionsconnus comme francs hérétiques.

Mais cette opinion, qui étaitmienne, devait céder, non devantdes mots, mais devant des exem-ples. Pour commencer, on m’oppo-sait ma propre cité qui, jadis toutentière acquise au parti de Donat,se convertit à l’unité catholique par

Dans son combat pour réduire le schisme donatiste, Augustin manifesteune nette préférence pour la discussion théologique, mais devant la violenceque le parti de Donat faisait régner, il s’est rallié à l’usage de la contrainte,non sans ressentir un certain malaise.

Convaincre ou contraindre

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possède la charité et tu aurasaccompli la Loi. Celui qui, en effet,aime l’autre, a accompli la Loi, ditl’Apôtre, et : la plénitude de la Loi,c’est la charité (Rm 13, 8-10). Voilà,je pense, cette perle dont lemarchand que nous décritl’Évangile était en quête : il trouvaune seule perle et vendit tous sesbiens pour l’acheter. Cette perle degrand prix, c’est la charité, sanslaquelle tous les biens que tu pos-sèdes ne te servent à rien ? Si tun’as qu’elle, elle te suffit.

Maintenant tu vois avec la foi ; aujour du jugement, tu verras face àface. Si, en effet, nous aimonslorsque nous ne voyons pas, avecquel empressement accueillerons-nous Dieu lorsque nous l’auronsvu ! Mais, où donc trouver à nous yexercer ? Dans l’amour de nos

frères. Tu peux me dire : « Je n’aipas vu Dieu. » Peux-tu me dire :« Je n’ai pas vu d’homme » ? Aimeton frère. Si, en effet, tu aimes tonfrère que tu vois, tu verras Dieu enmême temps parce que tu vois lacharité elle-même et que Dieuhabite en elle.

Homélies sur la première épîtrede saint Jean V, 7

BA 76, p. 227-229.

Vienne Ton Règne 3736 Vienne Ton Règne

Si [dans cette épître] Jean paraîtdire telle ou telle chose, il

revient toujours à la charité et veuty rapporter tout ce qu’il aura dit [..].

En tous les cas, maintenant lachose est claire d’après ce qu’ildit : tout homme qui n’est pas justene vient pas de Dieu, non plus, dit-il, que celui qui n’aime pas sonfrère (I Jn 3, 10). Ainsi c’est l’amourseul qui différencie les fils de Dieuet les fils du diable. Qu’ils sesignent tous du signe de la croix duChrist ; qu’ils répondent tous :« Amen » ; qu’ils chantent tous :

« Alléluia » ; qu’ils soient tous bap-tisés ; qu’ils entrent dans leséglises ; qu’ils s’entassent dansl’enceinte des basiliques : les filsde Dieu ne se distinguent des filsdu diable que par la charité. Ceuxqui ont la charité sont nés de Dieu ;ceux qui ne l’ont pas, ne sont pasnés de Dieu.

Il est grave, le jugement ainsiporté ; elle est grave la discrimina-tion ainsi opérée. Aie tout ce que tuveux ; si cela seul tu ne l’as pas,rien ne peut te servir à quoi que cesoit. Mais si tu n’as pas le reste,

Augustin se fait le chantre de l’amour, signe distinctif du chrétien. « Qu’ilvoit s’il a la charité et qu’alors il dise : “Je suis né de Dieu.” Mais s’il nel’a pas, il possède sans doute le caractère du sacrement qui lui a été imposé,il n’en est pas moins un déserteur » (V, 6).

La perle de l’amour

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fuirait ceux-là ? Si tu considères lerôle que joue chacune, la charitéfrappe et l’iniquité caresse.Voyez un point sur lequel nousattirons votre attention : lesactions humaines ne se distinguentles unes des autres qu’en les rap-portant à la racine de la charité. Caron peut accomplir beaucoup d’ac-tions qui ont bonne apparence,tout en ne provenant pas de laracine de la charité. Car les épinesont des fleurs elles aussi. Certaineschoses paraissent dures, pénibles,mais on les accomplit pour corriger,inspiré par la charité.

Ainsi voilà une fois pour toutes lecourt précepte qu’on te dicte :« Aime et fais ce que tu veux ! »[dilige et quod vis fac !] Si tu te tais,tu te tais par amour ; si tu cries, tucries par amour ; si tu corriges, tu

corriges par amour ; si tu épargnes,tu épargnes par amour. Qu’au-dedans se trouve la racine de lacharité. De cette racine rien ne peutsortir que de bon.

Homélies sur la première épîtrede saint Jean VII, 7-8BA 76, p. 303-305.

Vienne Ton Règne 3938 Vienne Ton Règne

Voici que le Père a livré le Christet que Judas l’a livré. Leurconduite n’apparaît-elle pascomme assez semblable ? Judasest un traître, le Père est-il doncaussi un traître ? « C’estimpensable ! », dis-tu […] Le Père alivré le Fils ; le Fils s’est livré ;Judas l’a livré. Voilà une seule etmême action, mais qu’est-ce quinous permet de [les] distinguer ?[…] C’est que le Père et le Fils ontagi par amour ; mais Judas, lui, aagi par trahison. Vous voyez qu’ilne faut pas considérer ce que faitun homme, mais l’esprit, l’intention

dans lesquels il agit […] Telle est laforce de la charité ! Voyez qu’elleseule peut faire la distinction ;voyez qu’elle seule différencie lesactions humaines entre elles […].

Nous avons parlé d’actions sem-blables ? Pour des actionsdifférentes, nous découvrons qu’unhomme est amené à sévir parcharité et à caresser par malice. Lepère frappe son enfant et le trafi-quant d’esclaves caresse sonesclave. Si on propose les deuxchoses, les coups et les caresses,qui ne choisirait celles-ci et ne

C’est dans cette parole, l’une des plus célèbres, que se résume la moraled’Augustin, à condition de bien l’entendre. Il s’agit de la « dilectio » : unamour désintéressé, dont Dieu nous a aimés et « d’où rien ne peut sortir quede bon ».

Aime et fais ce que tu veux !

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les chefs en dirigeant, les sujets enobéissant. L’une en ses maîtres,aime sa propre force ; l’autre dit àson Dieu : « Je t’aimerai, Seigneur,toi ma force » (Ps 17, 2).

Aussi, dans l’une les sages vivantselon l’homme ont recherché lesbiens du corps ou de l’âme ou lesdeux ; et ceux qui ont pu connaîtreDieu ne l’ont pas glorifié commeDieu ni ne lui ont rendu grâce, maisse sont égarés dans leurs vainsraisonnements et leur cœur insen-sé s’est obscurci ; s’étant flattésd’être sages [c’est-à-dire s’exaltantdans leur sagesse sous l’emprisede l’orgueil], ils sont devenus fous :ils ont substitué à la gloire du Dieuincorruptible, des images représen-tant l’homme corruptible, desoiseaux, des quadrupèdes et desserpents [car à l’adoration de telles

idoles, ils ont conduit les peuplesou les y ont suivi] ; et ils ontdécerné le culte et le service à lacréature plutôt qu’au Créateur quiest béni dans les siècles(Rm 1, 21-24).

Dans l’autre au contraire, il n’y aqu’une sagesse, la piété qui rendau vrai Dieu le culte qui lui est dû,et qui attend pour récompense enla société des saints, hommes etanges, que Dieu soit tout en tous(Rm 1, 25).

La Cité de Dieu, XIV, 28BA 35, p. 465-467.

Vienne Ton Règne 4140 Vienne Ton Règne

De fait, les deux cités sontmêlées et enchevêtrées l’une

dans l’autre en ce siècle, jusqu’aujour où le jugement dernier lesséparera. Je vais donc, dans lamesure où la grâce divine m’yaidera, exposer ce que j’estimedevoir dire sur leur origine, leurdéveloppement, la fin qui lesattend. Je servirai par là la gloire dela cité de Dieu qui, comparée ainsià l’autre, se détachera par opposi-tion avec un plus vif éclat (CD I, 35).

Deux amours ont fait deux cités :l’amour de soi jusqu’au mépris de

Dieu, la cité terrestre, l’amour deDieu jusqu’au mépris de soi, la citécéleste.L’une se glorifie en elle-même,l’autre dans le Seigneur. L’unedemande sa gloire aux hommes ;pour l’autre, Dieu témoin de saconscience est sa plus grandegloire. L’une dans sa gloire dressela tête ; l’autre dit à son Dieu : « Tues ma gloire et tu élèves ma tête. »(Ps 3, 4). L’une, dans ses chefs oudans les nations qu’elle subjugue,est dominée par la passion dedominer ; dans l’autre on se rendmutuellement service par charité,

À la suite de la chute de Rome, en 410, Augustin, obligé de défendre la foichrétienne, met en évidence les fondements spirituels respectifs des deux cités,la cité terrestre, périssable, et la cité de Dieu, la seule qui ait les promessesde la vie éternelle.

Deux amours ont fait deux cités

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une vérité immuable, une sub-stance indéfectible. Or, telle n’estpas notre âme […]Cherchant donc mon Dieu dans leschoses visibles et corporelles, et nele trouvant point, cherchant encoreen moi sa substance, comme s’ilétait demême nature quemoi, et nel’y trouvant pas non plus, je sensque mon Dieu est supérieur à monâme. Donc afin de l’atteindre : « J’aimédité ces choses et répandu monâme au-dessus de moi. » (Ps 41, 5).Quand mon esprit pourra-t-il attein-dre ce que l’on doit chercher dansles régions supérieures, s’il ne serépandait au-dessus de lui-même ?À demeurer en lui-même, il neverrait que lui ; et en se voyant, il neverrait point Dieu. Que mesinsulteurs me disent maintenant :« Où est ton Dieu ? », oui qu’ils ledisent : pour moi, tant que je neverrai point, tant que je suiséloigné, je me nourris nuit et jour demes larmes. Qu’ils me disent

encore : « Où est-il ton Dieu ? » ; jecherche mon Dieu dans tous lescorps, soit terrestres, soit célestes,et ne le trouve point ; je le cherchedans la substance de mon âme, etne le trouve point.

Et toutefois, j’ai résolu de cherchermon Dieu, et de comprendre par lescréatures visibles les beautés invis-ibles de Dieu ; et « j’ai répandumonâme au-dessus de moi » ; il ne mereste plus rien à atteindre, si cen’est mon Dieu ; c’est là, c’est au-dessus de mon âme qu’est lademeure de mon Dieu ; c’est là qu’ilhabite, c’est de là qu’il me regarde,de là qu’il m’a créé, de là qu’il medirige, de là qu’il me conseille, de làqu’il me stimule, de là qu’il m’ap-pelle, de là qu’il me redresse, de làqu’il me conduit, de là qu’il me faitaboutir.

Discours sur les psaumes : Ps 41, 7-8Cerf, 2007. I, p. 647-650.

Vienne Ton Règne 4342 Vienne Ton Règne

Àforce d’entendre chaque jour :« Où est ton Dieu ? » et de menourrir chaque jour de mes larmesj’ai médité jour et nuit cette parole :« Où est ton Dieu ? » et à mon tourj’ai cherchémonDieu, afin d’essayersi je ne pourrais point seulementcroire, mais encore voir quelquechose. Je vois en effet les œuvres deDieu, et non le Dieu qui les a faites[…] Je considérerai la terre ; mais laterre a été faite. J’y trouve sansdoute une beauté admirable ; maiselle a un auteur […] Tout cela estadmirable, tout cela digne d’éloges,tout cela nous ravit […] J’admire tout

cela, je le chante, mais j’ai toujourssoif de celui qui a fait tout cela.Je rentre donc en moi-même, et jeme demande ce que je suis, moi quiveux approfondir tout cela : je trou-ve que j’ai une âme et un corps ; uncorps que je dirige, une âme qui meconduit […]Mais Dieu est-il donc quelquechose de semblable à notre âme ?Dieu sans doute ne peut être vu quede l’esprit, mais non à la manière del’esprit. Car cette âme cherchequelque chose qui est Dieu, et donton ne puisse lui dire insolemment :« Où est ton Dieu ? » Elle cherche

Dans sa quête de Dieu, Augustin marque toujours trois degrés : il interroged’abord le monde extérieur, sensible, puis l’intériorité spirituelle (les « vastespalais de la mémoire »), d’où il s’élance vers ce qu’il y a au-dessus d’elle.Ce commentaire reflète l’expérience d’Ostie (Confessions IX, 10, 23).

Où est ton Dieu ?

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Le repos n’est pas où vous le cherchez.Cherchez ce que vous cherchez,mais cela n’est pas où vous cherchez !Vous cherchez la vie heureuse dans la région de la mort.Elle n’est pas là. Comment y aurait-il vie heureuseoù il n’y a même pas de vie ?Et il est descendu ici-bas, lui, notre vie,il a emporté notre mort,il l’a tuée de l’abondance de sa vie,il a tonné en criant que nous retournions d’ici vers lui,au lieu secret d’où il s’avança vers nous,d’abord dans le sein même d’une vierge,où l’épousa la créature humaine, chair mortelle,pour n’être pas toujours mortelle. […]

Il est parti loin de nos yeux afin que nous,nous revenions à notre cœur et l’y trouvions.Oui, il est reparti, et voilà qu’il est ici.Il n’a pas voulu être longtemps avec nous,et il ne nous a pas laissé, car, s’il est reparti,c’est vers un lieu d’où jamais il n’est parti […].

Confessions IV, 12, 18-19. BA 13, p. 439-441.

Vienne Ton Règne 4544 Vienne Ton Règne

Si te plaisent les corps, à Dieu fais-en louange,et sur leur Artisan retourne ton amour,pour qu’en ce qui te plaît tu ne déplaises pas.Si te plaisent les âmes, en Dieu qu’elles soient aimées,parce qu’elles aussi sont sujettes à changer,et que, fixées en lui, elles deviennent stables :autrement, elles s’en iraient et périraient.En lui donc qu’elles soient aimées !Emporte vers lui avec toi celles que tu peux et dis-leur :celui-ci, aimons-le : c’est lui qui fit ces choses, et il n’est pas loin.Car il ne les fit pas pour s’en aller ensuite, mais issues de lui, elles sont en lui.Et voici : où est-il ? où la vérité a-t-elle de la saveur ?Il est dans l’intimité du cœur, mais leur cœur s’est égaré loin de lui.Revenez, prévaricateurs, à votre cœuret attachez-vous à celui qui vous a faits.Soyez stables avec lui et vous serez stables,reposez-vous en lui et vous serez en repos […].

Au début des Confessions, Augustin écrit : « Notre cœur est sans repostant qu’il ne repose pas en toi ! » C’est dans le cœur de l’homme que le Christ,venu ici-bas, se donne à rencontrer.

Revenez à votre cœur !

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dans le cœur de l’homme, parceque c’est vers elle que le cœur del’homme doit monter (1 Co 2, 9).Nous serons d’autant plus capa-bles de la recevoir que notre foi enelle sera plus grande, notreespérance plus ferme, notre désirplus ardent. Un désir continuelformé dans la foi même, dansl’espérance et la charité, est doncune continuelle prière. Cependantnous prions aussi Dieu verbale-ment à certaines heures et à cer-tains temps fixés, pour nous avertirpar ces signes concrets, pour nousrévéler à nous-mêmes les progrèsque nous avons fait dans le désir etnous exciter à le rendre plus ardentencore […].

Cela étant il est bon et utile devaquer longuement à la prière,lorsque de bonnes actions et le

devoir d’état ne nous enempêchent pas, quoique dans cesoccupations mêmes il faille tou-jours prier avec ce désir que j’aimentionné. Car ce n’est pas,comme quelques-uns le pensent,prier longuement que de prier avecbeaucoup de paroles. Autre choseest un long discours, autre un sen-timent durable du cœur. DuSeigneur lui-même il est dit qu’ilpassa la nuit en prière et qu’il pro-longea sa prière (Lc 6, 12). N’a-t-ilpas voulu par là nous donner unexemple, priant dans le temps àl’heure opportune, exauçant avecle Père dans l’éternité.

Lettre 130 à Proba.La prière en Afrique chrétienne,

par A.G. Hamman et Martin Steiner. DDB,1982, p. 115 sv.

Vienne Ton Règne 47

C’est celui qui sait donner debonnes choses à ses fils quinous oblige à demander, àchercher, à frapper (Lc 11, 9-13).Pourquoi Dieu agit-il ainsi,puisqu’il connaît ce qui nous estnécessaire, avant même que nousle lui demandions ? Nous pour-rions-nous en inquiéter, si nous necomprenions pas que le Seigneurnotre Dieu n’a certes pas besoinque nous lui fassions connaîtrenotre volonté car il ne peutl’ignorer, mais qu’il veut par laprière exciter et enflammer nos

désirs, pour nous rendre capablesde recevoir ce qu’il nous prépare.Or ce qu’il nous prépare est chosefort grande, et nous sommes bienpetits et bien étroits pour lerecevoir. C’est pourquoi il est dit :« Dilatez-vous ; ne portez pas unmême joug avec les infidèles. »(2 Co 6, 13-14).

Oui, c’est chose bien grande, quel’œil n’a jamais vue parce qu’ellen’a pas de couleur, que l’hommen’a jamais entendue parce qu’ellen’a pas de son ; qui n’est pas venue

Destinée à Proba, riche dame romaine, la lettre 130 traite de la prière dedemande. S’il nous est demandé de prier, ce n’est pas pour informer Dieude nos désirs, qu’il ne saurait ignorer, mais pour former en nous le désir deDieu qui veut nous combler de ses dons. Il s’agit d’ajuster notre désir audon de Dieu.

La prière, une école du désir

46 Vienne Ton Règne

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terre. Un seul est votre maître, leChrist » (Mt 23, 8.10).

Qu’il vous parle donc lui-même àl’intérieur, puisqu’aucun homme nes’y trouve, car même si quelqu’unse trouve à ton côté, il n’y a person-ne dans ton cœur ? Que dis-je ! Queton cœur ne soit pas vide de toutePrésence ! Que le Christ soit danston cœur ! Que son onction soitdans ton cœur, afin que ce cœuraltéré ne soit pas dans la solitudeet privé des sources où il peut sedésaltérer.

Il est donc à l’intérieur, le maîtrequi enseigne ; c’est le Christ quienseigne ; c’est son inspirationqui enseigne. Là où il n’y a ni soninspiration ni son onction, nousfaisons retentir en vain nos parolesà l’extérieur. Telles sont cesparoles, frères, les paroles quenous faisons retentir à l’extérieur ;elles sont comme les soins du culti-

vateur pour un arbre. L’homme tra-vaille à l’extérieur : il donne del’eau et apporte tout son zèle à laculture. Quels que soient les soinsqu’il donne à l’extérieur, est-ce luiqui forme les fruits ? Est-ce lui quirevêt la nudité des branches avecl’ombre des feuilles ? Accomplit-ilquelque chose de tel à l’intérieur ?

Homélies sur la première épîtrede saint Jean III, 13BA 76, p.177-179.

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Car vous voyez là, mes frères, ungrand mystère. Le son de nosparoles frappe les oreilles ; lemaître est à l’intérieur. Ne croyezpas qu’un homme puisse appren-dre quelque chose d’un autrehomme. Nous pouvons vous avertiren faisant du vacarme avec notrevoix ; s’il n’y a pas à l’intérieurquelqu’un pour vous instruire, c’esten vain que nous faisons du bruit.

Alors, frères, vous voulez vraimentsavoir ? N’avez-vous pas tousentendu ce sermon ? Combien

sortiront d’ici sans avoir rienappris ?En ce qui me concerne, je me suisadressé à tous, mais ceux à quicette onction ne parle pas àl’intérieur, ceux que l’Esprit Saintn’instruit pas de l’intérieur, ilsreviennent chez eux sans avoir rienappris. L’enseignement de l’exté-rieur, c’est en quelque sorte uneaide ou des avertissements ; il a sachaire dans le ciel celui qui instruitles cœurs. C’est pourquoi il dit lui-même dans l’Évangile : « Ne vousfaites pas appeler maître sur la

À l’extérieur, Dieu avertit, c’est à l’intérieur qu’il instruit. Augustin écrità la jeune Florentine : « Tiens pour absolument certain que même quandtu pourras apprendre quelque chose par mon intermédiaire et d’une manièresalutaire, ton Maître véritable sera toujours le Maître intérieur de l’hommeintérieur. » (Lettre 266).

À l’écoute du Maître intérieur

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que misère devant ton regard, maisqui se réfugie dans ta miséricorde.Car ma pensée ne se tait point, lorsmême que ma bouche se tait. Si dumoins je ne pensais qu’à ce quit’agrée, je ne te demanderais pasde me délivrer de cette abondancede paroles.Mais nombreuses sont mes pen-sées, telles que tu les connais,pensées d’homme, car elles sontvaines. Donne-moi de n’y pasconsentir et, lors même que j’ytrouve quelque attrait, de lesdésavouer néanmoins et de ne pasm’y appesantir en une sorte desommeil. Qu’elles ne prennentjamais sur moi assez d’empire pourêtre à la source d’une part de mesactivités ; mais que mes jugementsdu moins soient à l’abri de ces pen-sées, ma conscience à l’abri, sousta sauvegarde […].

Quand nous t’aurons atteint,cesserons ces paroles que nousmultiplions sans t’atteindre : tudemeureras seul tout en tous(I Co 15, 28) : nous ne dirons sansfin qu’un seul mot, te louant d’unseul mouvement et ne faisant nousaussi qu’un seul tout en toi,Seigneur, Dieu seul et unique, DieuTrinité, tout ce que j’ai dit dans ceslivres et qui me vient de toi, que lestiens le reconnaissent ; et siquelque chose vient de moi, toi etles tiens, pardonnez-le moi. Amen.

La Trinité XV, 28, 51BA 16, p. 565-567.

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Dirigeant mes efforts toujoursd’après cette règle de foi,

autant que je l’ai pu, autant que tum’as donné de le pouvoir, je t’aicherché ; j’ai désiré voir par l’intel-ligence ce que je croyais ; j’ai beau-coup étudié et beaucoup peiné.Seigneur mon Dieu, mon uniqueespérance, exauce-moi de peurque, par lassitude, je ne veuilleplus te chercher, mais fais quetoujours je cherche ardemment taface (Ps 104, 4). Ô toi, donne-moi laforce de te chercher, toi qui m’asfait te trouver et qui m’as donnél’espoir de te trouver de plus en

plus. Devant toi est ma force et mafaiblesse : garde ma force, guérisma faiblesse. Devant toi est mascience et mon ignorance : là où tum’as ouvert, accueille-moi quandje veux entrer ; là où tu m’as fermé,ouvre-moi quand je viens frapper.Que ce soit de toi que je mesouvienne, toi que je comprenne,toi que j’aime ! Augmente en moices trois dons, jusqu’à ce que tum’aies reformé tout entier […].

Délivre-moi, Seigneur, de l’abon-dance de paroles dont je souffre àl’intérieur de mon âme, qui n’est

Au terme d’un patient exercice de l’esprit pour entrer dans l’intelligence dela foi au Dieu Trinité, Augustin a conscience d’être loin encore du face-à-face auquel son cœur aspire. Ce qui nous guette, c’est de renoncer à chercherpar lassitude.

Que toujours je te cherche !

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La paix du corps,c’est l’agencement harmonieux de ses parties.La paix de l’âme sans raison,c’est le repos bien réglé de ses appétits.La paix de l’âme raisonnable,c’est l’accord bien ordonné de la pensée et de l’action.La paix de l’âme et du corps,c’est la vie et la santé bien ordonnées de l’être animé.La paix de l’homme mortel avec Dieu,c’est l’obéissance bien ordonnée dans la foi sous la loi éternelle.La paix des hommes, c’est leur concorde bien ordonnée.La paix de la maison,c’est la concorde bien ordonnée de ses habitantsdans le commandement et l’obéissance.La paix de la cité, c’est la concorde bien ordonnée des citoyensdans le commandement et l’obéissance.La paix de la cité céleste, c’est la communauté parfaitement ordonnéeet parfaitement harmonieuse dans la jouissance de Dieuet dans la jouissance mutuelle en Dieu.La paix de toutes choses, c’est la tranquillité de l’ordre.L’ordre, c’est la disposition des êtres égaux et inégaux,désignant à chacun la place qui lui convient.

La Cité de Dieu XIX, 13, 1BA 37, p. 99-109.

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Quiconque observe quelque peules choses humaines et notre

commune nature le reconnaîtraavec moi : de même que tousdésirent la joie, il n’est personnequi n’aime la paix. Puisque mêmeceux-là qui veulent la guerre neveulent rien d’autre assurémentque la victoire, c’est donc à unepaix glorieuse qu’ils aspirent àparvenir en faisant la guerre.Qu’est-ce que vaincre, en effet,sinon abattre toute résistance ?Cette œuvre accomplie, ce sera lapaix. C’est donc en vue de la paixque se font les guerres, et cela

même par ceux qui s’appliquent àl’exercice des vertus guerrièresdans le commandement et lecombat. D’où il est clair que la paixest le but recherché par la guerre,car tout homme cherche la paixmême en faisant la guerre, et nulne cherche la guerre en faisant lapaix.

La Cité de Dieu XIX, 12.

Parmi les pages les plus célèbres de La Cité de Dieu, il y a ces dix définitionsde la paix : cinq pour la paix dans l’être individuel ; cinq pour l’aspectsocial. Une définition très générale couronne l’exposé : « La paix de touteschoses, c’est la tranquillité de l’ordre. »

La charte de la paix

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Hortensius

L’Hortensius, un livre (perdu) de Cicéron, figurait au programme du jeuneétudiant de Carthage, alors âgé de 19 ans, qui fut enthousiasmé à salecture. Il s’agissait d’une « exhortation à la philosophie » (ConfessionsIII, 4, 7). « Ce livre changea mes sentiments », écrit-il, mais il devait aussile laisser insatisfait. « Une seule chose venait briser l’élan d’une telleflamme : le nom du Christ n’était pas là. » Ce nom, il ira le chercher dansune secte, le manichéisme, avant de se convertir à la foi catholique.

Manichéens

Le manichéisme, c’est d’abord un homme, Mani, né en Perse, le 14 avril 216.Il prêche une doctrine dualiste, qui se répand dans tout l’empire romain, etmême au-delà. Persécuté, il subit un horrible martyre et meurt en 277.Augustin s’est laissé séduire et s’est fait séducteur (Id. IV, 1, 1). Ce qui l’aséduit, c’est la promesse d’une vérité rationnelle, qui dispensait de croire,notamment sur la question du mal. Les manichéens, qui identifiaient Maniavec le paraclet promis par Jésus, se prétendaient les « vrais chrétiens ». Ilsrejetaient l’Ancien Testament, œuvre d’un dieu mauvais, et ne gardaient duNouveau que ce qui s’accordait avec leur dualisme. Ils honoraient le Christcomme un prophète. Augustin mettra neuf ans à s’en détacher.

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Circoncellions

À l’origine, c’était un « prolétariat agricole », rassemblant des paysansendettés, en révolte contre les propriétaires romains, et qui s’étaient mishors la loi. Ils semaient partout la terreur, n’hésitant pas à massacrer leursadversaires. Selon Augustin, ce nom leur venait de ce qu’ils rôdaientautour des granges (cellae), soit pour les piller, soit pour les incendier. Lesdonatistes, dont ils étaient devenus le bras armé, recouraient volontiers àleurs services dans la lutte contre l’Église catholique.

Donatistes

Avec les donatistes, Augustin découvrait une vieille querelle de famille quidivisait l’Église en Afrique du Nord depuis la dernière grande persécution,celle de Dioclétien en 303. À l’origine de cette division, il y a le refusopposé par certains à la réintégration dans l’Église des « lapsi », ceux quiavaient trahi leur foi. Ils exigeaient de les soumettre à un nouveau baptême.Ces « re-baptiseurs », refusant de cohabiter avec les « lapsi », formèrent uneÉglise séparée, « l’Église des martyrs », que Donat, évêque dissident(313-347), organisa et implanta dans toute l’Afrique. Augustin, qui lesdésigne comme le « parti de Donat », s’employa à réduire ce schisme.

Glossaire augustinien

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grâce du Christ. « Pourquoi refusez-vous d’être chrétiens, sinon parce quele Christ est venu humblement, et que vous êtes orgueilleux ? » (Cité deDieu, X, 29). Augustin interpelle ainsi Porphyre, disciple de Plotin : « Oh !si tu avais connu la grâce de Dieu par Jésus Christ… »

Vandales

Population d’origine germanique, qui franchit le Rhin en 406, et s’établitdans le Sud de l’Espagne. À partir de 428, les Vandales gagnèrentl’Afrique du Nord, sous la conduite de leur chef, Genséric. Devant l’échecde la résistance militaire, Augustin devait plaider pour la résistancespirituelle en demandant aux responsables de l’Église de ne pas fuirdevant le danger : « Lorsque le danger est commun aux évêques, auxclercs et aux laïques, que ceux qui ont besoin de protection ne soient pasabandonnés par ceux qui peuvent les secourir. » (Lettre 228). Augustinmourra alors que la ville d’Hippone est assiégée depuis trois mois.

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Pélagiens

Originaire des Îles britanniques, où il naquit en 350, Pélage s’établit àRome où il connut le succès comme prédicateur. Arrivé en Afrique du Nordavec les réfugiés, lors de la chute de Rome (410), sa doctrine devint assezvite suspecte à Augustin. Là où Pélage faisait appel à la liberté del’homme, et donc à sa capacité à obtenir son salut, Augustin insiste sur lamisère de l’homme (péché originel) et donc sur la nécessité de la grâce deDieu. Face à Pélage, qui rend le Christ inutile, Augustin se fait le championde la grâce, en se référant principalement à saint Paul : « Qu’as-tu que tun’aies reçu. Et si tu l’as reçu, pourquoi t’en faire gloire comme si tu nel’avais pas reçu ? » (I Co 4,7). Pélage et ses disciples furent condamnéspar des conciles africains, ainsi que par Rome.

Platoniciens

C’est à Milan qu’Augustin découvrit la philosophie platonicienne. « Avertipar ces livres, je rentrai en moi-même. » (Confessions VII, 10, 16). Il enreçut une clarté nouvelle sur la question du mal, de l’âme et de Dieu. Maiss’ils ont découvert la patrie où aller, ces philosophes, « nos plus prochesvoisins », n’ont pas connu la voie qui y conduit, le Verbe fait chair. Ils pré-tendent réaliser leur salut par leurs propres moyens. Ils méprisent la

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Augustin n’a jamais écrit de traité de christologie ; mais le Christ estpartout présent dans sa vie et ses œuvres. Sa pensée sur le Christ, c’est savie spirituelle entière, son expérience personnelle et communautaire duChrist, la conversion et la liturgie. Et sa conversion est elle-même liturgique :il se fit baptiser ; ce n’était pas une formalité à l’époque.

Le christianisme pour lui n’est pas une religion du Livre ; il est lareligion du Christ, Verbe créateur et sauveur. Toute son activité pastoraleconcerne le mystère du Christ ; les controverses sont elles-mêmes desactions de pastorale requises par les divers antagonismes religieux dontsouffrait la chrétienté africaine ; et leurs enjeux sont, du reste,christologiques et liturgiques.

Augustin ne s’adresse pas particulièrement à quelque éliteintellectuelle ou spirituelle, mais à tout chrétien, au public, au peuple deDieu. Philosophes, théologiens et théologiennes, amis d’Augustin, je voussouhaite bonne lecture ; mais n’oubliez pas le bon peuple : c’est à luiqu’Augustin s’adressait ordinairement.

Lire, lire simplement, ce n’est pas simpliste.

Père Goulven Madec, assomptionniste.« Lire saint Augustin aujourd’hui en philosophie et en théologie »,

publié dans : Chez Augustin, Institut d’études augustiniennes,Paris, 1998, pp. 22-23.

Lire Augustin aujourd’hui Des vies de saint Augustin

� Lucien Jerphagnon, Saint Augustin, le pédagogue de Dieu, Gallimard, coll. “découvertes”, 2002� Peter Brown, La Vie de saint Augustin, Seuil, 2001� Serge Lancel, Saint Augustin, Fayard, 1999� Bernard Sesé, Petite Vie de saint Augustin, DDB, 1992

Des introductions à sa pensée

� Marcel Neusch, Initiation à saint Augustin, Un maître spirituel, Cerf, 1996� Goulven Madec, Introduction aux “Révisions” et à la lecture des œuvres de saint Augustin, IEA, 1996� Jean-Louis Chrétien, Saint Augustin et les actes de parole, PUF, 2002� Jean-François Petit, Saint Augustin et l’amitié, DDB, 2008

Les plus beaux textes de saint Augustin fait partie de la collection « Vienne ton règne ».Comité de rédaction : Noël Le Bousse, Marie-Bernard Kientz, Claude Maréchal, Hervé Stéphan,Benoît Gschwind, assomptionnistes. Texte : Père Marcel Neusch, assomptionniste.Maquette : Nicolas Crouzier, Benoît Gschwind. Secrétariat de rédaction : Patricia Richet.Livret réalisé en collaboration avec Prions en Église - Novembre 2009

Une revue� Itinéraires augustiniens(deux numéros par an)Orantes de l’Assomption78830 BONNELLES� 01 30 88 48 50

Un centre de recherche� Institut d’études augustiniennes3, rue de l’abbaye75006 PARIS� 01 43 54 80 25

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Saint Augustin (354-430)De la conversion personnelle à l’engagement ecclésial

Né à Thagaste le 13 novembre 354, Augustin est mort à Hippone, le 28 août430. Sa vie s’est déroulée, pour l’essentiel, en Numidie, lointaine provinceromaine d’Afrique du Nord. Ses Confessions sont le récit inégalé de son inlas-sable quête de vérité. Cette vérité, il l’a d’abord cherchée dans une secte,puis chez les philosophes, avant de revenir au Christ, « ce nom qu’il avaitdéjà bu avec le lait maternel ». C’est à Milan, en août 386, que se produisit lechoc décisif, lorsqu’il entendit, venant d’une maison voisine, une voix quichantait : « Prends, lis ! Prends, lis ! » Il tombe sur une page de saint Paul, quil’invite à se « revêtir du Christ ». Ayant reçu le baptême à Pâques 387, ilr e t o u r n aà Thagaste où il vécut en moine, avec des « compagnons de pauvreté », dansla recherche de Dieu. Devenu prêtre en 391, à l’appel des chrétiensd’Hippone, puis évêque titulaire de cette ville en 396, il fut mêlé à tous lesconflits de l’époque qui troublèrent l’Église catholique, dont il sera pendant40 ans la tête pensante, avec toujours la même passion de la vérité.