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Chapitre 7 LES SEPT PILIERS DU LEADERSHIP Le manager de caractère est un aventurier mû par une aspiration à s’accomplir, une vision élevée de son rôle, un esprit de service. La vie a forgé ce profil bien particulier de « rêveur éveillé ». Mais ce processus de construction de la personnalité se poursuit toute la vie. Dans un environnement professionnel sollicitant ces qualités, le mana- ger éprouve le besoin de prendre du recul et de s’entraîner à développer ces compétences non techniques. Il n’a aucune envie de retourner sur les bancs d’une salle de cours mais, avec ses pairs ou un coach, il est de plus en plus ouvert à ce travail d’introspection. Le manager a-t-il à déterminer pour lui-même quelles sont les attitu- des personnelles et compétences sociales à développer ? Son organisa- tion a tendance à décider pour lui. S’il est dirigeant, il sera enclin à décider pour les autres après une concertation plus ou moins appro- fondie. Chaque organisation définit ses compétences clés La plupart des entreprises ont identifié et listé ces dernières années leurs compétences managériales clés, en fonction de leur activité et de leur environnement. Ainsi Unilever s’est donné, il y a plusieurs années déjà, les moyens de développer une culture de la performance avec son programme Inte- grated Approach. Son modèle des competencies comporte onze apti- tudes personnelles à mettre en œuvre dans le cadre de son travail ; elles sont regroupées en cinq sous-ensembles : Éditions d’Organisation Alliance des consultants industriels francophones - http://www.acifr.org

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re 7LES SEPT PILIERS DU LEADERSHIP

Le manager de caractère est un aventurier mû par une aspiration às’accomplir, une vision élevée de son rôle, un esprit de service. Lavie a forgé ce profil bien particulier de « rêveur éveillé ». Mais ceprocessus de construction de la personnalité se poursuit toute la vie.Dans un environnement professionnel sollicitant ces qualités, le mana-ger éprouve le besoin de prendre du recul et de s’entraîner à développerces compétences non techniques. Il n’a aucune envie de retourner surles bancs d’une salle de cours mais, avec ses pairs ou un coach, il estde plus en plus ouvert à ce travail d’introspection.

Le manager a-t-il à déterminer pour lui-même quelles sont les attitu-des personnelles et compétences sociales à développer ? Son organisa-tion a tendance à décider pour lui. S’il est dirigeant, il sera enclin àdécider pour les autres après une concertation plus ou moins appro-fondie.

Chaque organisation définit ses compétences clés

La plupart des entreprises ont identifié et listé ces dernières années leurscompétences managériales clés, en fonction de leur activité et de leurenvironnement.

Ainsi Unilever s’est donné, il y a plusieurs années déjà, les moyens dedévelopper une culture de la performance avec son programme Inte-grated Approach. Son modèle des competencies comporte onze apti-tudes personnelles à mettre en œuvre dans le cadre de son travail ;elles sont regroupées en cinq sous-ensembles :

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• Atteindre ses objectifs grâce à son exigence personnelle :� Courage et conviction.� Esprit d’équipe.� Apprendre de ses expériences.

• Posséder les capacités intellectuelles nécessaires pour agir :� Clarté de jugement.� Créativité pratique.� Objectivité dans l’analyse.

• S’assurer que les actions sont tournées vers l’extérieur :� Orientation « client ».

• Agir avec détermination pour améliorer les performances :� Dynamisme entrepreneurial.

• Obtenir des résultats avec les autres :� Entraîner les autres.� Prise en compte des autres.� Persuasion.

Un plan de développement des performances (PDP) aide à identifierles aptitudes, savoir-faire et compétences clés, et apporte une aidepour les développer grâce à un plan d’action individuel.

En prenant la tête du Club Méditerranée, et en faisant passer en troisans ce leader mondial des loisirs du déficit au bénéfice, Philippe Bour-guignon a défini la « Club Med Attitude », à travers onze compétencesclés :

� Respecter l’individu, les cultures mais aussi l’environnement et lepatrimoine.

� Donner, être généreux, le cœur ouvert sur le monde, être dispo-nible, être à l’écoute.

� Offrir du rêve, de la bonne humeur, de l’enthousiasme.� Faciliter le contact et la rencontre.� Aider les GM et les GO à se découvrir, à se surpasser, en réalisant

les rêves les plus grands, les plus fous, y compris ceux dont ils nese sentiraient pas capables.

� Initier à de nouvelles « expériences » (sports, spectacles ou excur-sions).

� Créer des liens humains et chaleureux, une atmosphère conviviale.� Imaginer, sortir de l’ordinaire et des sentiers battus sans préjugé

ni tabou.� Faire découvrir à tous l’art de faire ensemble ou seul (sports ou

activité) et l’art de ne rien faire (méditer, contempler), mais aussil’art de travailler ensemble entre GO.

� Cré-activer en pratiquant l’ouverture, l’anticipation et l’innova-tion permanente, sans limite, tout en sachant improviser. Cré-activer c’est avoir les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.

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� Organiser, être professionnel en étant rigoureux dans l’accom-plissement de son métier, rigoureux collectivement dans la ges-tion du patrimoine commun ; être responsable, performant etautonome.

Expérientiel a accompagné la direction de la Formation dans un sémi-naire visant à faire vivre à l’équipe « Club Med Affaires » les valeurs dela « Club Med Attitude ». Puis, tout naturellement, cette même équipea décidé de faire bénéficier ses clients corporate de l’approche expé-rientielle en nous faisant entrer en 2002 dans son catalogue : « Joignezl’utile à l’agréable ! propose CMA. Profitez de votre manifestation pourrenforcer les liens entre les collaborateurs de votre entreprise, et explo-rez de nouvelles attitudes et comportements avec l’Outdoor Lear-ning. »

Orange, le département mobiles de France Télécom, privilégiequant à lui six valeurs :� Le dynamisme.� La modernité.� La simplicité.� La transparence.� La proximité.� La responsabilité.

Dans le secteur de la distribution, le groupe Manutan, leader européende la vente à distance aux entreprises et collectivités (B to B) d’équi-pement industriel et de bureau, a entrepris également la mutationstructurelle et culturelle de sa branche française, à l’initiative de sonPDG Rémi Rambaud. Après une longue concertation interne, à tousles niveaux, quatre valeurs ont été définies :

� Le courage.� La fiabilité.� L’esprit d’équipe.� La convivialité.

Expérientiel accompagne les consultants de Manutan France, HGC etReal Change, pour faire de cette organisation une entreprise de carac-tère. Après le séminaire « Eurostyles » d’HGC, qui a pour thème« mieux se connaître pour mieux connaître les Autres », et les entre-tiens individuels, notre séminaire Ropes Course (parcours de cordesdans les arbres) permet de travailler concrètement, en grandeur réelle,sur ces valeurs. L’un des managers de cette entreprise témoignera plusloin du rôle social d’un leader dans une telle organisation.

Thales, ex Thomson CSF, se veut une entreprise apprenante, et a définiun People Management System intitulé People 1st, parce que l’anglais

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est la première langue de ce groupe français devenu international.Thales a cinq valeurs clés :

� Focalisation sur les clients.� Développement des hommes.� Se comporter en entrepreneurs et innovateurs.� L’accomplissement à travers l’équipe.� Partager le savoir.

Dégustation à l’aveugle

À travers ces cinq exemples, nous voyons bien que si les valeurs choi-sies correspondent à leur métier et à leur environnement spécifiques,quelques dénominateurs communs se dégagent. En premier lieu, cesentreprises anticipent les changements structurels, et donc cultu-rels, dont dépend leur survie, ou tout au moins leurs effectifs.Ensuite, ces projets d’entreprise sont inspirés par une vision trans-versale de l’organisation. Enfin, ces entreprises reposent désormaissur l’humain, non pas seulement par humanisme, mais pour attein-dre la performance.

Il ne faut cependant pas être dupe d’un certain mimétisme, nous disaitGuy Rullaud. Il est certain que le mode de sélection des managers atoujours été la cooptation plus que le caractère. Le premier critère desélection est le mimétisme par rapport à la hiérarchie, estime encoreun formateur. Le dirigeant a tendance à choisir la personnalité la moinsdissonante, et plus on monte dans l’organigramme, plus les gens seressemblent. Le critère de personnalité disparaît. Les grands groupescompensent cette pente naturelle ; l’antidote est l’internationalisa-tion. Ces grandes entreprises se doivent d’avoir un comité de directioninternational, et cela introduit de la diversité et secoue le conformisme.Mais la dose, essentiellement anglo-saxonne en général, est tropforte, et elles retombent dans un autre conformisme.

Dans les industries de pointe, l’internationalisation a introduit unmanagement plus moderne. Dans le secteur de l’armement par exem-ple, on nous dit souvent : « Les gens étaient remarquables, mais lesrelations de travail étaient archaïques. La culture de nos clients mili-taires déteignait sur nous ; on s’appelait « chef ». C’est l’influence exté-rieure qui nous a changé. Les problèmes arrivent lorsque la cultured’une entreprise ne correspond plus à son environnement. Les entre-prises fonctionnaient encore au contrôle, à la segmentation des res-

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ponsabilités, à l’œcuménisme : 1 + 1 = 3. Les usines ont été moder-nisées, mais la culture bureaucratique est restée : la sécurité del’emploi, des produits sans cesse perfectionnés, sans tenir compte desdélais et des prix. Les budgets de l’État ont fortement diminué. Il afallu chercher des clients à l’extérieur. La culture a dû s’adapter à tra-vers un long processus d’interaction avec le nouvel environnement.Les dirigeants ont l’illusion de pouvoir imprimer une nouvelle culture,mais c’est davantage ce mécanisme d’interaction et d’adaptation quiopère. Parfois, un manager incarne cette évolution. »

Un autre formateur me raconte l’expérience suivante : « Un jour, j’aiproposé à un groupe de collègues de différentes entreprises de réaliserune dégustation à l’aveugle des ces « compétences clés » définies danschaque groupe depuis quelque temps. Nous avons mélangé ces listesde valeurs sans faire apparaître le nom des entreprises. Il était impos-sible de retrouver les entreprises à travers ces listes de visions-mis-sions-actions, sauf lorsque des termes professionnels indiquaient lemétier. Sous l’influence anglo-saxonne, nous sommes entrés dans laculture power-point : de beaux transparents colorés, mais peu de cesvaleurs profondes qui soudent une entreprise. Une entreprise a ten-dance à ne pas inclure dans son catéchisme ses valeurs de sous-bas-sement car elles génèrent des effets pervers. Par exemple, dans telleindustrie de pointe, le goût du travail bien fait, de l’excellence techni-que, est une valeur de sous-bassement, mais ce goût du beau produitincite à toujours l’améliorer, sans tenir compte des contraintescommerciales, alors on a tendance à l’occulter au lieu de travailler surses effets pervers pour la conserver. »

Ne soyons pas dupe de cette culture de supermarché mise en place parles fashion victims des tendances du prêt-à-porter managérial, très éloi-gnée de la qualité du management américain. Un consultant en entre-prise remarque justement : « Je ne retrouve pas dans les modèles demanagement mis en place dans nos entreprises les idées des Peter Druc-kers, Henry Mintzberg ou James March. Il y a une déperdition, unpeu comme les colons sensés apporter aux indigènes les valeurs de laculture chrétienne au temps des colonies, mais qui n’en apportaientqu’une version dégradée. On ne peut qu’admirer Peter Drucker qui, àl’âge de 90 ans, a la lucidité de remettre en cause les concepts qui ontfait sa gloire, mais qui ne sont plus adaptés à notre temps. Il en estvenu à critiquer le management par objectifs et ses effets pervers, alorsqu’en France on s’y mettait seulement. « Je ne peux pas t’aider, cen’est pas dans mes objectifs... » peut répondre un adepte de ce modèlerencontré dans le couloir et à qui vous demandez une aide. Aux États-

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Unis, on parle désormais de knowledge workers alors qu’en France l’onpratique encore le plus souvent le management de la carotte. »

Les entreprises familiales au management paternaliste auraient-elles un accès plus authentique à cette révolution du management ?Édouard Michelin raconte qu’il a du subir une mise à l’épreuve avantque son grand-père et que son père lui confient la direction de l’entre-prise familiale. Ils avaient des doutes sur ses capacités, lui qui hisseraMichelin au premier rang mondial. C’est dans la culture maison : onne recrute pas les gens sur le seul critère de la compétence technique,aisée à vérifier en quelques semaines, mais sur l’aptitude à adhérer àla culture Michelin, d’où une mise à l’épreuve de trois mois. SelonEdouard Michelin, cette culture fondée sur les vraies valeurs d’uneentreprise a été mise à mal depuis la fin des années 60 avec l’intro-duction de la propriété collective des parts (SICAV). La professionna-lisation de la gestion des portefeuilles a entraîné la disparition du liensocio-affectif avec l’entreprise. La vision des ratios a donné un mana-gement « humainement cruel ».

On avait atteint des limites dans la cruauté. Il n’est pas inutile d’iro-niser sur le système des valeurs clés afin de le rendre plus authentique,mais reconnaissons l’avantage que représente aussi bien pour l’épa-nouissement de chacun que pour le profit la focalisation actuelle surle facteur humain. Des valeurs profondes soudent une communautéqui en font leur nord magnétique. Il faut une immersion de six moispour l’intérioriser.

Après avoir stigmatisé les catéchismes d’entreprise, livrons-nous ànotre tour à ce petit jeu. L’essentiel est de faire vivre les valeurs sousjacentes d’une communauté et, pour le manager-leader, les princi-pes forgés et intériorisés au fil des années. Nous privilégierons l’inté-grité et l’humilité, les plus intimes de ces victoires intérieures.

Les sept compétences clés

Au niveau individuel, le manager de caractère peut s’inspirer de modè-les, de maîtres en leadership. Parmi ceux-là, nous avons évoqué lafigure de Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie, qui futl’un des chefs de la révolte arabe contre l’Empire ottoman entre 1916et 1918. Il intitule le récit de cette épopée moderne Les sept piliers de lasagesse. En vérité, au-delà de l’action héroïque, il s’agit du parcours

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initiatique d’un homme à la recherche de lui-même. La Sagesse sym-bolise la volonté de Dieu dans la Torah, la Bible et le Coran, mais aussicette quête existentielle, et la maison symbolise Sa création. Les septpiliers figurent le temps nécessaire à cette création, les six jours, etcelui du repos après l’achèvement de l’œuvre. Le manager-leader etl’entrepreneur, ces héros des temps modernes, ont besoin de tempspour se construire, construire leur caractère, réaliser une œuvre etla transmettre aux autres. Les sept piliers de ce parcours sont lescompétences humaines clés du leader. Leur développement représenteun préalable au développement des compétences sociales, que nousaborderons dans les chapitres suivants.

À l’épreuve de l’expérience de nos clients, nous reconnaissons nous-mêmes sept compétences clés du leader, dans son fonctionnement per-sonnel. Ce choix subjectif n’a rien d’un dogme mais peut provoquerla réflexion. Les sept compétences clés ont la caractéristique de repré-senter une chaîne. Chaque maillon se construit à partir de la construc-tion du précédent. Il est plus ardu de développer les dernières sansavoir au préalable travaillé sur les premières.

Les sept compétences intra-personnelles du manager, piliers de sonaccomplissement professionnel, sont 1 :

� La conscience de soi, qui conditionne la confiance en soi.

� La confiance en soi, qui donne le courage.

� Le courage, qui autorise l’engagement et l’éthique.

� La responsabilité, qui implique l’humilité.

� L’intégrité, qui permet de gérer les priorités.

� L’humilité, qui apporte la hauteur de vue.

� La hauteur de vue, qui rend la stratégie possible.

Plusieurs de ces compétences ont été largement abordées dans les cha-pitres précédents, trois méritent de l’être davantage ici, et d’abordl’intégrité, première qualité du manager leader. La plupart des mana-gers se croient intègres mais beaucoup ne savent pas clairement ce quecela signifie. Pour certains, être intègre, c’est ne pas mentir ; d’autresla confondent avec la discrétion ou avec une loyauté aveugle. Or, l’inté-

1. Au moment où ces lignes sont écrite, le magazine L’Entreprise de février 2002 consacreune partie de son dossier déjà cité « Être patron, ça s’apprend » aux « sept piliers du lea-dership », illustrées par de grandes figures de l’histoire.

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grité a chez les managers un sens plus élevé, pas très différent de cequ’on appelait jadis l’honneur. L’intégrité c’est agir suivant ses prin-cipes.

L’intégrité : à toi-même sois fidèle 2

Dans une organisation qui repose sur l’humain, la valeur « éthi-que », dévalorisée dans notre société, retrouve de l’importance. Dansle système de principes moraux que chacun d’entre nous se forge aufil de l’expérience et des réponses apportées aux problèmes de chaquejour et aux situations rencontrées, l’intégrité trouve une place centraledans les ouvrages de management les plus récents. Étymologiquement« virginité » (du latin integritas), cette qualité de caractère dépasse lanotion d’honnêteté. Pour définir ce qu’elle représente concrètementdans le management, Ross 3 raconte cette histoire vécue :

Un homme appelé Jacob succède à son père à la tête d’une entreprise.Il succède à un homme hautement respecté pour son intégrité. Lors-que Ross accepte de travailler avec lui en tant que consultant, commeil a accepté de travailler avec son père il y a très longtemps, il veutsavoir s’il a une conception de l’intégrité aussi profonde que celle deson père. Il l’apprend rapidement. Il est sollicité pour aider Jacob àréaliser une fusion avec une autre entreprise. Lors d’une réunion, unmembre de l’équipe de direction dit : « Je veux faire venir un hommequi connaît ces gens. Il nous dira vraiment ce qu’ils sont. » Ross voitbien ce qu’il est en train de faire. Il veut monter la majorité des par-ticipants contre ceux qui veulent fusionner. Ses contacts avec les four-nisseurs et les clients laissent penser au consultant que ce manager estle maillon faible de la direction, et que certains de ses principes éthi-ques sont discutables. Sa réaction immédiate est de lui dire : « Non !Nous ne laisserons pas cela se faire. On ne fera pas venir ici quelqu’unpour parler contre les autres. Nous ne voulons pas même connaîtrel’homme qui veut parler contre eux. Que se passera-t-il s’il est aigri etqu’il en veut à quelqu’un ? » Personne du comité de direction ne ditrien. L’un d’eux hoche la tête et un autre hausse les épaules. Pour lapremière fois Jacob prend la parole. C’est sa première réunion impor-tante. « Vous n’amènerez personne ici pour faire cela. » « Nous vou-

2. Shakespeare.3. Beyond world class.

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lions juste... » répondent deux participants. « Vous n’emmènerez pascet homme ici. Cette compagnie ne pratique pas ce genre de tacti-ques. » Tous restent silencieux. « Laissez-moi vous demander quelquechose », dit Jacob en regardant dans les yeux chacun des managers.« Si mon père était assis dans ce fauteuil, auriez-vous essayé de fairecela ? » Tous baissent les yeux. Personne ne prononce un mot. Enquelques minutes, le ton de la réunion change. Le manager calculateursort de la pièce pour annoncer au « témoin » qu’il n’est pas invité àintervenir. Après son retour autour de la table, il ne prononcera plusun mot. Une autre chose intéressante se produit. Chacun des membresdu comité favorables à cette « tactique » se tourne vers Jacob et dit,chacun à sa manière, « pardonnez-moi. Je ne pensais pas vous mettredans cette situation », ou « je n’ai pas vu ce qui se passait ».

Il était manifeste que plusieurs membres de l’équipe avaient complotépour annuler la fusion, probablement sous l’influence d’un seul d’entreeux. Lorsqu’ils quittent la réunion, ils ont changé. Grâce à l’exempledu leadership, ils ont compris l’intégrité, ils en ont vu la démonstrationsous leurs yeux. Après la réunion, Jacob reçoit un appel téléphoniquede chacun des chefs de département. Ce que lui dit l’un d’eux estreprésentatif du message des autres : « Cela a été une réunion qui m’aouvert les yeux. En laissant cela se faire, j’ai manqué d’intégrité. Je nel’aurait pas réalisé si vous aviez gardé le silence. »

Un manager-leader assume ses actions. Jacob n’a pas agi pour lesmembres de son équipe mais en raison de son propre sens de l’intégrité.Nous sommes dans un monde dans lequel le gris est plus fréquent quele blanc-et-noir. C’est dans ce contexte riche en nuances que le diri-geant doit décider ce qu’il faut faire. C’est alors qu’il agit avec inté-grité. Il sait soutenir ceux qui agissent ainsi, quel qu’en soit le coût.

Et si l’intégrité était d’abord de ne pas dire du mal des autres en leurabsence... ? L’un de mes amis est un « grand commis de l’État ». Unmagazine économique lui a consacré un jour sa couverture avec letitre « l’incorruptible de la République ». Il m’a raconté une scène inté-ressante lorsque, il y a quelques années, il avait à réunir dans sonbureau les ambassadeurs auprès d’une institution européenne. L’unde ces diplomates commençait à dénigrer l’ambassadeur d’un payssud-américain absent de la réunion. Cet ami est aussitôt intervenu :« Tant que je présiderai ce comité, je ne tolérerai pas que l’on dise dumal des absents. » L’intégrité commence comme cela. Ce haut fonc-tionnaire n’hésite jamais à intervenir lorsqu’on lui signale une injus-tice, ou qu’une personne à l’étranger est menacée de mort. Il oses’opposer à la nomination de personnages peu intègres à des postes

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clés. Il n’est pas pour autant naïf ou faible, bien au contraire. Soncourage, sa ruse et son sens politique lui ont valu d’être surnommépar ses collaborateurs « le cardinal ». Ils pensent probablement à Maza-rin, plus connu pour son cynisme que pour son intégrité. Ne conseil-lait-il pas aux jeunes politiciens : « Tu dois avoir des informations surtout le monde, ne confier tes propres secrets à personne, mais mettretoute ta persévérance à découvrir ceux des autres. Pour cela, espionnetout le monde, et de toutes les manières possibles. » 4

La colonne vertébrale du caractère

La maturité, c’est grandir émotionnellement et spirituellement. Ladimension spirituelle d’un manager est à la fois sa raison d’être et sonéthique. Si le caractère est la colonne vertébrale de l’homme, l’inté-grité serait la colonne vertébrale du caractère. Les idéologies entenaient lieu, mais elles se sont effondrées ; les dogmes sont par essencerigides, or tout bouge, il n’est donc pas étonnant que ce prêt-à-porterse soit lézardé. C’est parce que ces oiseaux de mauvaise augure se sontéloignés qu’a pu émerger un nouveau mode d’organisation accordantune plus grande place à la liberté, au courage, à la responsabilité, àl’intégrité 5. La désaffection gagne les syndicats, les partis politiques,et même le mariage « amour toujours ». Réconcilié avec lui même, pluslibre mais plus seul, l’homme cherche le fil d’Ariane qui lui permettrade sortir du labyrinthe de la complexité et du changement. Les piègesde la manipulation n’ont pas disparu : le culte de sa propre image, larecherche du pouvoir pour le pouvoir, la fuite dans les sensations.Nous avons enfin la capacité de mener une existence autonome, dechoisir des valeurs, d’inventer notre propre doctrine, mais nous hési-tons à quitter le cocon protecteur du confort de nos certitudes passées.À peine libérés des tabous et des carcans, nous nous inventons de nou-velles barrières, le stress et l’irrationalité. Productivité, compétitivité,rentabilité, performance, compétition, mondialisation, délocalisa-tion et dégraissage, la machine s’emballe. Le manager qui n’a paspris de l’avance dans sa jeunesse pour se forger un corps d’idées ade bonnes raisons de douter du sens de son engagement profession-nel et même de son identité. Néanmoins, le dirigeant peut agir surles événements, et le stress négatif des autres niveaux hiérarchiques

4. Bréviaire des politiciens, Éditions Arléa, 1997.5. Le retour du courage, Jean-Louis Servan Schreiber, Éditions Fayard, 1986.

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est chez lui un stress positif qui peut le pousser à prendre le temps des’occuper de lui. En se retirant sous sa tente, seul ou auprès d’uncoach, ou bien en s’isolant un temps avec ses pairs, il parcourt sapropre expérience et y puise les qualités morales pour corriger les ten-dances naturelles. Il cherche à structurer l’interaction personne-société dans son action quotidienne. Dans sa vie personnelle commedans son nouveau rôle social de leader, son action doit être guidée pardes principes éthiques. Exemple et entraîneur, ses collaborateurs etemployés attendent de lui cette force intérieure. Soyez un exemple,pas un critique. Soyez une partie de la solution, et non une partie duproblème.

Le XXIe siècle sera le siècle de l’éthique, prédisait Jacques Chirac. Lesociologue Michel Crozier ne dit pas autre chose quand il affirme quedans les entreprises ce ne sont pas les règles qu’il faut changer maisla nature même du jeu. Passer du mythe du chef au mythe de l’équipe,d’une organisation « dinosaure » à une organisation fondée sur la res-ponsabilisation, cela implique aussi un changement de système devaleurs, une nouvelle culture.

Des hommes honnêtes qui manquent d’intégrité

« C’est ainsi qu’on voit souvent des prédicateurs fustiger avec la plusgrande véhémence les vices qui les avilissent eux-mêmes », écrit le car-dinal Mazarin. Qui n’est pas confronté régulièrement à cette réalité ?Je me méfie toujours des gens qui prétendent repérer chez les autresun manque d’honnêteté ou de professionnalisme. Dans la plupart descas, je constate par la suite qu’ils manquent eux-mêmes d’honnêtetéou de professionnalisme. Je dresse l’oreille lorsque quelqu’un ponctueses phrases de « honnêtement », « franchement », « pour être hon-nête... ». Le phénomène est si connu en psychologie que l’on s’étonneque des gens s’exposent ainsi à la suspicion. « Ne donne pas l’impres-sion d’avoir l’expérience du vice, conseille Mazarin, et surtout neréprouve jamais avec trop de violence les vices des autres : on te soup-çonnerait des mêmes. »

Le droit à l’erreur fait partie de l’intégrité. Parfois, il est pratiqué decurieuse manière. Les dirigeants d’une entreprise ont cru avoir unebonne idée : lorsque que quelqu’un commet une erreur, elles estcommuniquée à tous à renfort de publicité. Les dirigeants pensentqu’ainsi l’expérience de celui qui a appris par un échec doit profiter

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aux autres. S’ils donnent à leurs employés la liberté de faire des erreurs,mais leur font en même temps courir un risque en la commettant,alors ils manquent d’intégrité. Ne pas donner les ressources néces-saires à un collaborateur qui s’engage réellement dans le cours d’uneaction, ou sous évaluer cette action, c’est manquer d’intégrité. « Unhomme honnête, qui ne ment pas, peut faillir. »

L’intégrité se heurte à certaines peurs du leader :

� La peur de l’échec. Je dois atteindre les qualités de leadership enaidant les autres à se développer ; en retour, les autres doiventm’autoriser à faire des erreurs, à avoir des opportunités de pro-grès, souvent à travers les échecs.

� La peur d’être hypocrite, de ne pas reconnaître ses échecs. Leleader doit avoir le courage de reconnaître ses faiblesses car il ale soutien des autres.

� La peur d’être transparent. En tant que modèle de comporte-ments, le leader accepte que les autres voient en lui ; cela le forceà s’ouvrir, ce qui le rend du même coup vulnérable. La trans-parence fait partie des risques du métier, mais c’est la bonnechose à faire.

Ross 6 raconte une anecdote : il s’apprête à entrer dans la salle deconférences où il va négocier avec les représentants d’un syndicat,lorsque deux membres de cet organisme lui demandent de le suivredans les sous-sols. Ils veulent l’associer à une stratégie visant à exclurel’un des leurs. Ross déclare que ce n’est pas fair, refuse d’entrer dansce jeu, et retourne à son hôtel sans participer à la réunion. Le soir, leprésident de l’union syndicale, descendu dans le même hôtel, s’avancevers lui et lui demande de les excuser... « Si vous voulez négocier avecnous, lui répond Ross, nous le ferons en étant loyal avec tous ceux quisont impliqués ; nous n’allons pas développer une entreprise encomplotant dans les sous-sols. » Le président du syndicat raconteraplus tard cette histoire, car il est fier de travailler avec une organisationde caractère, qui ne sacrifie pas ses principes pour un profit.

Denis Ranque, patron de Thales, recommande fortement à ses mana-gers d’agir de manière intègre : « Nous perdrons des contrats, maisceux qui seront gagnés le seront dans la droiture et la morale. » Cer-tains ironisent sur les concurrents qui n’ont pas les mêmes scrupules,

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sur l’actualité du secteur qui rend tout le monde vulnérable, mais cetterègle éthique vis à vis des clients est posée par le dirigeant avec unetelle force de conviction qu’elle peut entrer dans la nouvelle culturedu groupe. L’OCDE a édicté des règles éthiques qui interdisent notam-ment aux entreprises de corrompre les fonctionnaires et d’acheter leurinfluence. Mais certaines entreprises anglaises déclarent : « Ces règlesne nous concernent pas, nous les appliquons déjà... »

L’équité est une manifestation de l’intégrité, mais peu d’entreprisesla comprennent. Pour beaucoup, cela signifie simplement « éviter unconflit ». L’équité dépend de deux facteurs :

• le discernement, c’est-à-dire la capacité des leaders à voir lavérité ;

• la sagesse, c’est-à-dire la manière dont les leaders appliquent cettevérité.

Les leaders ont besoin de définir un modèle humaniste qui se diffusedans toute l’entreprise. L’humain devient alors un principe actif quipousse tout le monde à réaliser des idées que beaucoup pensaientimpossible dans la tyrannie du monde des affaires. C’est par exemplel’industriel Pierre-Georges Latécoère, fondateur de l’Aéropostale dansles années 30, qui déclarait à son équipe : « J’ai refait tous les calculs ;notre projet est impossible ; il ne nous reste qu’une chose à faire : leréaliser. » L’humanisme est difficile à enseigner. C’est une qualité quise démontre par l’expérience plus qu’elle ne s’explique. C’est unecomposante essentielle de la construction du caractère. « Le courageautorise l’engagement et l’intégrité » ; ce pilier du leadership se vérifie,car il faut de l’audace pour être humaniste et pour faire la différenceentre prendre soin des autres et les manipuler. Il faut encore plus decourage pour ne pas craindre d’être mal compris, surtout pendant lescrises. L’égoïsme des uns oblige les autres à l’héroïsme. Parfois desorganisations passent à côté de grands leaders car elles les voientcomme trop doux sous prétexte qu’ils prennent soin des autres. Cetteattention n’est pas une faiblesse, car elle devient réciproque. Lorsqu’unmanager crée un fond de solidarité pour venir en aide à la sœur d’unemployé, mère célibataire dont la maison vient d’être dévastée par unincendie, il bénéficiera de la même compassion lorsque sa femme etson fils auront un accident.

Cette vision humaniste du management anglo-américain paraît angé-lique ou hypocrite aux yeux des Français, peu habitués à aborder cesthèmes « philosophiques » dans le cadre professionnel. Il faudra biens’y faire si l’on veut être cohérent avec un management « centré surl’homme ». Ce n’est pas que du papier glacé ou du power-point...

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Dans nos séminaires, le manque d’intégrité se révèle quelquefois.

Le patron d’un magasin ne s’implique pas réellement avec son équipedans la réalisation des problèmes ; il préfère plaisanter en aparté avecle représentant de la direction de la compagnie, présent en qualité deco-animateur aux côté des formateurs d’Expérientiel. À tel point quel’animateur principal du séminaire lui demande : « Vous êtes où ? Êtes-vous le patron de cette équipe ? » Dans la vie de l’entreprise, il préfèreen effet être agréable à la direction, quitte à se démarquer de sonéquipe. Nous avons appris que cette attitude a provoqué par la suiteune crise dans ce magasin. Ayant reçu une directive de la direction dugroupe ne tenant pas compte de la réalité du terrain, il a préféré l’appli-quer et se mettre tout le monde à dos plutôt que d’expliquer à sahiérarchie en quoi cette mesure était irréaliste.

Nous voyons souvent des managers qui déclarent : « Je préfèrequelqu’un qui me rentre dedans au lieu de casser du sucre sur mondos dès que je prends une décision. » Dans la réalité il n’en est rien ;ces managers qui prétendent préférer la franchise ne savent pas donnerla parole et écouter ; les gens sont terrorisés. D’autres permettent à laparole d’être fluide et savent écouter les solutions des autres, mais aufinal c’est bien leur solution qu’ils imposent.

Précisons que la Formation expérientielle a sa propre intégrité, etqu’elle ne peut servir en aucune façon de sélection. Tout le monde ytrouve son défi, une occasion de progresser, sans jugement ou consé-quences pour sa carrière, dans une ambiance d’acceptation mutuelle.Il est préférable pour un leader de s’entraîner à la pratique de sesprincipes dans un contexte ouvert plutôt que dans les crises. La lit-térature de management n’est pas suffisante en cette matière ; c’estcomme manger un plat végétarien dans un restaurant chinois ; audébut on se sent l’estomac plein, mais après quelques heures on aencore faim !

L’humilité d’écouter les autres

L’humilité apporte de la hauteur de vue car elle met en question sespropres croyances et interprétations de la réalité, et permet de met-tre en perspective les événements immédiats. Il s’agit probablementdu plus grand défi du manager-leader français ; le relever conditionnebeaucoup d’autres attitudes de leadership.

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Notre élite manque d’humilité et son arrogance est légendaire. Notresystème de formation est coupable de produire encore ces pithécan-thropes voués à disparaître. Combien de dirigeants, Tartarins causeurset prétentieux, sont les premiers freins au changement lorsqu’ilsdécouragent, sanctionnent ou récupèrent les innovations des autres ?La nouvelle élite, ce sont les leaders-entrepreneurs, ces Astérix combat-tants, ces locomotives qui peinent à tracter tous ces wagons de ges-tionnaires bureaucrates.

Un formateur me raconte qu’il a eu le déclic de l’humilité lorsqu’il était,à 25 ans, affecté dans une mine de fer dans le Rif marocain. « J’étaisle seul étranger résidant sur place, dans une sorte de château avec undomestique ; j’étais conscient de mon métier. Ma première tâche étaitde former les ouvriers marocains à optimiser le trajet des camions entrela mine et l’usine de traitement du minerais ; les conducteurs n’arri-vaient pas à apprendre le tracé empruntant de nouvelles pistes. Trèspédagogiquement, je leur fis des dessins, mais ils se trompaient tou-jours. Je finis par faire fabriquer une maquette représentant la mine,la piste et l’usine, et je faisais parcourir le chemin à des camions minia-tures que j’avais achetés. Et cette fois, les conducteurs avaient compris.Je venais de réaliser que ces ouvriers du Rif ne pouvaient voir les troisdimensions sur un simple plan. Je n’avais pas imaginé cela ! »

L’humilité, c’est aussi comprendre avant d’être compris et ne pasimposer ses solutions aux autres. Combien de consultants en entre-prise plaquent des solutions toutes faites sur n’importe quelle réalité ?C’est comme si un ophtalmologiste donnait ses lunettes au client carelles lui ont rendu de grands services. L’humilité permet l’empathie,c’est-à-dire la capacité à ressentir ce que l’autre ressent. L’empathieelle-même est la première condition pour donner et recevoir du feed-back, exercice si nécessaire pour s’entraider, pratiquer un coachingauthentique, et donc pour progresser.

Nous le voyons bien dans nos séminaires, la plupart des gens parlentavant d’écouter, raisonnent avant de percevoir les émotions, jugentavant d’avoir compris. C’est l’avantage des mises en situations réellesdans la nature : elles font appel à des qualités si différentes que per-sonne ne peut s’attendre à être à l’aise ou mal à l’aise tout le long duséminaire ; personne ne peut prédire comment il se comportera dansl’heure qui suit ; c’est cela qui incite à l’humilité et à l’acceptation desautres, pas les grands discours. L’humilité ne se décrète pas. La vie desaffaires elle-même est si imprévisible qu’elle devrait susciter l’humilitédes managers. Lorsqu’une équipe observe les raisons de son échec dans

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un exercice expérientiel, c’est souvent le manque d’écoute, et doncd’humilité qui revient. C’est cette attitude que les participants veulenttravailler dans l’exercice suivant. Nous choisissons alors une tâche quine peut être réalisée qu’en écoutant les autres, en étant tolérant.L’humilité d’écouter est le premier pas vers la coopération et l’inter-dépendance, le stade ultime du développement professionnel.

Beaucoup donnent au mot « humilité » le sens d’une faiblesse ou del’incapacité de soutenir ce que l’on croit... propre à une personne quine fait pas de vagues ou qui laisse quelqu’un d’autre prendre des déci-sions. Au contraire, l’humilité est une force essentielle pour le mana-ger. C’est avoir une haute opinion d’une personne sans se dévalorisersoi-même ; pouvoir prendre en compte la situation des autres, lescomprendre, et rechercher le meilleur pour eux. Puisque la notion estmal comprise, il est préférable de demander si telle personne « prenden compte les besoins des autres, dans la plupart des situations ? »plutôt que de demander si elle est humble.

Dans nos séminaires, nous voyons aussi la fausse humilité : ne pasexprimer ses talents de peur d’être perçu par les autres comme pré-tentieux, ou ne pas chercher à influencer, de peur de paraître manquerde respect envers les autres, ou parler toujours à la troisième per-sonne : « on ressent..., on pense... ». C’est pour cette raison que le for-mateur Expérientiel propose comme règle du jeu dans nos séminairesde toujours dire « je ». La fausse humilité est un point de travail fré-quent chez nous, et donc l’occasion de victoires. Certains prennentconscience que l’humilité c’est d’abord admettre « je peux le faire ».

Dans les grandes écoles, on enseigne davantage la fierté que l’humilité.Mais les deux ne sont pas incompatibles. Selon Nathalie Mourlot dansson dossier « Être patron, ça s’apprend » (L’Entreprise, février 2002),le mélange de fierté et d’humilité est même l’une des qualités prin-cipales du dirigeant : « Le patron est un animal fier, parce qu’il anécessairement une passion pour ses produits, ses clients, son entre-prise. Fier également de sa mission de patron... Fier, le chef se doitaussi d’être humble. » « L’humilité est un atout fantastique. Elle per-met d’apprécier les succès sans se laisser aveugler, de rester conscientdes risques, de ne jamais perdre de vue qu’une entreprise est fragile »,remarque encore Mathieu Toulza-Dubonnet, PDG de MTD Finance.« On peut avoir des qualités de leader et être humble. Les meilleurspatrons sont ceux qui allient les deux », estime un consultant. «Ilssavent développer leur structure en la tournant vers la satisfaction du

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client, la faisant passer avant leur intérêt personnel. Et prendre lesmesures qui sont bonnes pour l’entreprise plutôt que pour leur ego. »

La figure symbolique de cette qualité est Gandhi : l’humilité dans laposture ne nuit pas à l’ambition du projet. Au contraire !

Le manager apprend sur lui-même et sait développer son intelli-gence intra-personnelle, et puis il apprend sur les autres et déve-loppe son intelligence interpersonnelle, la marque distinctive d’unleader.

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Alain Kerjean

Le manager leaderForgez votre caractère

à l’école de l’expérience

© Éditions d’Organisation, 2002ISBN : 2-7081-2776-4

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

Le caractère plus important que le CV ........................... 1Histoires courtes .............................................................. 1Les trois chocs moteurs de la transformation ................... 5De l’organisation « dinosaure » à l’organisation « banc depoissons » ........................................................................ 7Le défi de la responsabilisation ......................................... 8Le discours sur le caractère ............................................... 10Qu’est-ce que le caractère ? .............................................. 12Le caractère, ça se construit .............................................. 14Le développement professionnel ........................................ 17

CHAPITRE 1Du mythe du chef au mythe de l’équipe ........................ 21

Le leader comparé au manager ......................................... 23Avez-vous jamais eu l’impression d’être une licorne parmiles moutons ? ................................................................... 25Trop de wagons, pas assez de locomotives ....................... 27Des ressources nationales à mobiliser ............................... 29

CHAPITRE 2Le manager hors limites .................................................. 31

Jonathan, qui sommeille en chacun de nous .................... 31L’échelle de la maturité ..................................................... 33Le voyage du héros .......................................................... 35Noblesse oblige ................................................................. 37Redéfinir la réussite .......................................................... 39Critique de l’idéologie de la réalisation de soi .................... 42

CHAPITRE 3Jouer pour ne pas perdre ou jouer pour gagner ........... 45

Les quatre peurs fatales .................................................... 46Jouer pour ne pas perdre ................................................. 49

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Jouer pour gagner ........................................................... 51Le locus de contrôle .......................................................... 52

CHAPITRE 4La carte n’est pas le territoire ......................................... 55

Comment influencer les résultats ..................................... 58Mise à distance émotionnelle ............................................ 59La porte du changement s’ouvre de l’intérieur ................. 60La vérité redéfinie ............................................................. 62La vie n’est que résolution de problèmes .......................... 64L’entraînement commence avec un autre langage ............ 65

CHAPITRE 5Le management inductif .................................................. 67

La parabole de Zach et Ramos .......................................... 68La valeur de l’expérience ................................................... 72Une pédagogie nouvelle... qui a deux siècles ..................... 76Le déclin de l’Éducation nouvelle après la guerre .............. 80La Formation expérientielle des adultes ............................. 82L’Outdoor Education .......................................................... 84L’Experiential Learning et l’Outdoor Education en France .... 86Inductif, déductif : la ligne de partage .............................. 87

CHAPITRE 6Forger un caractère .......................................................... 91

La crise d’identité du dirigeant .......................................... 91Un gouvernail intérieur ................................................... 95« Papa bonheur » .............................................................. 98Quel style de leadership ai-je ? .......................................... 101Le coaching « gonflette » ou le coaching « développementdurable » ? ........................................................................ 104Le coaching d’un formateur Expérientiel .......................... 106

CHAPITRE 7Les sept piliers du leadership .......................................... 109

Chaque organisation définit ses compétences clés ............. 109Dégustation à l’aveugle .................................................... 112Les sept compétences clés ................................................. 114L’intégrité : à toi-même sois fidèle .................................... 116La colonne vertébrale du caractère .................................... 118Des hommes honnêtes qui manquent d’intégrité .............. 119L’humilité d’écouter les autres .......................................... 122

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CHAPITRE 8Le rôle social du manager ............................................... 127

De l’officier au manager ................................................... 127Les pièges à éviter ............................................................. 130« Ginette », école de la coresponsabilité ............................. 131Le manager sponsor de champions ................................... 135Raymond Domenech, découvreur des championsdu football ....................................................................... 138

CHAPITRE 9Le pacte relationnel .......................................................... 143

Comment Manutan est devenu « Manewtan » ................. 144Construire un pacte relationnel ........................................ 149Savoir renoncer au client sans caractère ........................... 151Le pacte relationnel avec les employés .............................. 154

CHAPITRE 10Le retour au réel ............................................................... 157

La plus modeste des grandes qualités ............................... 158Les dangers du réalisme sans les valeurs .......................... 160La meilleure école du réel, c’est le réel ............................... 161

CHAPITRE 11À l’école de l’expérience ................................................... 167

Définition de la Formation expérientielle .......................... 169Quels sont les principes de la Formation expérientielle ? ... 169Qu’est-ce que le cadre naturel apporte à cette formation ? 172En quoi les exercices en extérieur ont-ils un rapportavec la réalité du manager ? ............................................. 173Quels sont le profil et la formation des formateurs ? ........ 174Quelles sont les règles éthiques des intervenantsexpérientiels ? ................................................................... 175Y a-t-il un risque de manipulation ou de déstabilisation ? 177Y a-t-il des risques physiques ? ........................................ 177La Formation expérientielle est-elle pertinentepour des dirigeants ? ........................................................ 177Quel est le contenu d’un séminaire ? ................................ 179La Formation expérientielle peut-elle être proposée en salle ? 180Les études de cas, jeux de rôle ou ateliers théâtre ne relè-vent-ils pas eux aussi de la Formation expérientielle ? ...... 180Une préparation et un suivi sont-ils prévus ? ................... 181Qui est concerné par ce séminaire ? .................................. 181

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Sommaire VII

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Qu’apporte un séminaire expérientiel par rapport à unséminaire classique ? ........................................................ 182Existe-t-il en France d’autres organismes proposant la For-mation expérientielle ? ...................................................... 182Un tel séminaire ne sera-t-il pas perçu comme des vacancespour managers ? .............................................................. 183Quels résultats peut-on attendre de la Formationexpérientielle ? .................................................................. 183Une histoire vraie ............................................................. 186

CHAPITRE 12Le changement ou le déclin ............................................. 199

Le leader au centre d’un réseau ........................................ 199Des modèles, pas des normes ........................................... 200Pas de développement sans changement ........................... 202Le courage et la ténacité pour changer ............................. 203

QU’EST-CE QUE EXPÉRIENTIEL® ? ................................................. 205

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