3
Les sources de nanoparticules Sources of nanoparticles S. Lanone a , J. Boczkowski b, * a Inserm, université Paris-Est, Paris, France b Unité inserm 955, équipe 4, faculté de médecine de Créteil, université Paris 12, 8, rue du général Sarrail, 94000 Créteil, France Disponible sur Internet le 11 mars 2010 Résumé Une nanoparticule est définie comme étant une particule dont au moins une direction de l’espace a une dimension inférieure à 100 nm. La particularité d’une nanoparticule réside dans le fait que la majorité des atomes qui la constituent se trouve en surface. Cela confère à la nanoparticule une surface d’échanges (surface spécifique) très importante résultant dans des propriétés physiques et chimiques particulières. Ces propriétés peuvent entraîner des effets biologiques propres, qui restent encore largement incompris, si elles rentrent en contact avec le vivant. Les sources de nanoparticules sont diverses : il existe des nanoparticules naturelles (fumées des volcans, par exemple), produites par l’homme de manière non intentionnelle (particules issues de moteurs diesel ou particules contenues dans la fumée de soudage) ou produites par l’homme de manière intentionnelle en raison de leur nouvelles propriétés (nanoparticules manufacturées). Dans cet article, nous passons en revue ces différents types de nanoparticules. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Nanoparticules ; Nanotechnologies ; Diesel ; Fumées de soudage Abstract Nanoparticles are defined as particles with at least one spatial dimension of less than 100 nm. This characteristic of nanoparticles is related to the fact that the majority of its atoms are on its surface. This gives the nanoparticle a strong exchange surface (surface-specific) that leads to particular physical and chemical properties. These properties can lead to specific but poorly understood biological effects if they come in contact with living objects. There are a variety of sources of nanoparticles: natural nanoparticles (as produced by volcanic fumes), those produced unintentionally by humans (diesel exhaust particles or particles from welding fumes), and those produced intentionally for new properties (manufactured nanoparticles). In this article, we will discuss these different kinds of nanoparticles. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Nanoparticles; Nanotechnology; Sources; Diesel particles; Welding fumes 1. Introduction 1.1. Définition d’une nanoparticule Une nanoparticule est définie comme étant une particule dont au moins une direction de l’espace a une dimension inférieure à 100 nm. La particularité d’une nanoparticule réside dans le fait que la majorité des atomes qui la constitue se trouve en surface. Les nanoparticules présentent donc des surfaces d’échanges (surface spécifique) très importantes, de plusieurs centaines de mètres carrés par gramme de particule. Cette surface d’échange très importante confère aux nanoparticules des propriétés physiques et chimiques particulières qui peuvent entraîner des effets biologiques propres, qui restent encore largement incompris, si elles rentrent en contact avec le vivant. La réactivité de surface des nanoparticules, qui augmente alors que décroît la taille de la particule, laisse prévoir qu’elles auront une activité biologique plus importante, à masse comparable, que les particules plus grosses. Cela peut être favorable et être utilisé dans des approches thérapeutiques (transporteurs de Revue française d’allergologie 50 (2010) 211213 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Boczkowski). 1877-0320/$ see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reval.2010.01.039

Les sources de nanoparticules

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les sources de nanoparticules

Les sources de nanoparticules

Sources of nanoparticles

S. Lanone a, J. Boczkowski b,*a Inserm, université Paris-Est, Paris, France

b Unité inserm 955, équipe 4, faculté de médecine de Créteil, université Paris 12, 8, rue du général Sarrail, 94000 Créteil, France

Disponible sur Internet le 11 mars 2010

Résumé

Une nanoparticule est définie comme étant une particule dont au moins une direction de l’espace a une dimension inférieure à 100 nm. Laparticularité d’une nanoparticule réside dans le fait que la majorité des atomes qui la constituent se trouve en surface. Cela confère à lananoparticule une surface d’échanges (surface spécifique) très importante résultant dans des propriétés physiques et chimiques particulières. Cespropriétés peuvent entraîner des effets biologiques propres, qui restent encore largement incompris, si elles rentrent en contact avec le vivant. Lessources de nanoparticules sont diverses : il existe des nanoparticules naturelles (fumées des volcans, par exemple), produites par l’homme demanière non intentionnelle (particules issues de moteurs diesel ou particules contenues dans la fumée de soudage) ou produites par l’homme demanière intentionnelle en raison de leur nouvelles propriétés (nanoparticules manufacturées). Dans cet article, nous passons en revue ces différentstypes de nanoparticules.# 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Nanoparticules ; Nanotechnologies ; Diesel ; Fumées de soudage

Abstract

Nanoparticles are defined as particles with at least one spatial dimension of less than 100 nm. This characteristic of nanoparticles is related tothe fact that the majority of its atoms are on its surface. This gives the nanoparticle a strong exchange surface (surface-specific) that leads toparticular physical and chemical properties. These properties can lead to specific but poorly understood biological effects if they come in contactwith living objects. There are a variety of sources of nanoparticles: natural nanoparticles (as produced by volcanic fumes), those producedunintentionally by humans (diesel exhaust particles or particles from welding fumes), and those produced intentionally for new properties(manufactured nanoparticles). In this article, we will discuss these different kinds of nanoparticles.# 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Nanoparticles; Nanotechnology; Sources; Diesel particles; Welding fumes

Revue française d’allergologie 50 (2010) 211–213

1. Introduction

1.1. Définition d’une nanoparticule

Une nanoparticule est définie comme étant une particuledont au moins une direction de l’espace a une dimensioninférieure à 100 nm. La particularité d’une nanoparticule résidedans le fait que la majorité des atomes qui la constitue se trouve

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J. Boczkowski).

1877-0320/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservdoi:10.1016/j.reval.2010.01.039

en surface. Les nanoparticules présentent donc des surfacesd’échanges (surface spécifique) très importantes, de plusieurscentaines de mètres carrés par gramme de particule. Cettesurface d’échange très importante confère aux nanoparticulesdes propriétés physiques et chimiques particulières qui peuvententraîner des effets biologiques propres, qui restent encorelargement incompris, si elles rentrent en contact avec le vivant.La réactivité de surface des nanoparticules, qui augmente alorsque décroît la taille de la particule, laisse prévoir qu’elles aurontune activité biologique plus importante, à masse comparable,que les particules plus grosses. Cela peut être favorable et êtreutilisé dans des approches thérapeutiques (transporteurs de

és.

Page 2: Les sources de nanoparticules

S. Lanone, J. Boczkowski / Revue française d’allergologie 50 (2010) 211–213212

médicaments pour leur capacité à franchir les barrièresbiologiques). Cela peut être au contraire défavorable etengendrer une toxicité associée à leur capacité à générer unstress oxydant et à se disperser dans l’organisme [1].

2. Les différents types de nanoparticules

2.1. Les nanoparticules naturelles

Un grand nombre de nanoparticules d’origine naturelle sontprésentes dans l’environnement (poussières émises parcombustion ou par les volcans, produites par érosion). Parmielles, on note les imogolites et allophanes, nanoparticulesnaturelles qui se présentent sous la forme de tubes (imogolites)ou une forme décrite comme sphérique mais dont la structurereste imprécise (allophanes). Les imogolites et allophanes sontdes aluminosilicates structurés à courte distance résultant del’altération de verres et de cendres volcaniques.

2.2. Les nanoparticules produites par l’homme de façonnon intentionnelle (ou nanoparticules non manufacturéesd’origine anthropique).

Dans cette catégorie nous retrouvons les particules atmos-phériques « ultrafines » (PUF). L’exposition humaine à des PUFest devenue au cours des dernières années une questionimportante de santé publique, mise en lumière par l’analyse dela composition des particules atmosphériques et de leurs effetsbiologiques [2]. En milieu urbain, les PUF peuvent être forméesde plus de 80 % de suies fines (inférieur à 1 mm) et ultrafinesprovenant de la combustion des carburants fossiles [3]. Cesparticules, émises notamment par les véhicules Diesel, lesvéhicules à essence et les chauffages urbains, ont rapidementété suspectées être à l’origine de la morbidité et de la mortalitécardiorespiratoires observées dans les études épidémiologiquessur les effets à court terme de la pollution atmosphérique [4].Elles seraient principalement à l’origine de réponses inflam-matoires pouvant aggraver des pathologies pulmonaires tellesque l’asthme [5] et la BPCO. Elles auraient également un effetprothrombotique et pourraient être à l’origine d’athéroscléroseet de pathologies cardiovasculaires [6].

Mis à part les PUF, d’autres nanoparticules sont produitespar l’homme de façon non intentionnelle. Dans cette classe,nous retrouvons principalement les particules présentes dans lafumée de soudage. Le soudage est un procédé industriel utilisépour relier deux pièces métalliques entre elles, et quis’accompagne de l’émission dans l’air de « fumées desoudage », mélange complexe de très fines particulesmétalliques (de taille micro et nanométrique) et de gaz. Ils’agit d’une procédure très répandue ; dans la construction desponts métalliques par exemple, en France, le soudage est utilisédans 100 % des cas. Du fait de l’utilisation très importante dusoudage comme procédé d’assemblage préférentiel, le nombrede travailleurs exerçant le métier de soudeur va ens’accroissant : une hausse de 5 % du nombre de soudeursest prévue par le Bureau of Labor Statistics dans les dixprochaines années, du fait de l’utilisation croissante du soudage

dans les secteurs de la construction, et de l’industriemanufacturière (transformation des biens, réparation etl’installation d’équipements industriels) notamment.

Des données métrologiques montrent l’existence departicules primaires de taille nanométrique dans les aérosolsparticulaires émis par les différents procédés de soudageutilisés [7,8]. Dans certains types de fumées, les nanoparticulespeuvent ainsi représenter jusqu’à 11 % de la masse totale desparticules émises [7], et surtout jusqu’à 80 % du nombre totalde particules émises [8]. Compte tenu des connaissancesactuelles sur la toxicité potentielle des nanoparticules [9–11], ilest possible que les nanoparticules présentes dans les fumées desoudage aient un impact sanitaire important. Diverses altéra-tions pulmonaires sont d’ailleurs décrites chez les travailleursexerçant comme soudeurs, tant en termes fonctionnelsqu’histopathologiques [12]. Cependant, la physiopathologiede ces altérations et le rôle potentiel des nanoparticules restentpeu documentés.

2.3. Les nanoparticules produites par l’homme de façonintentionnelle (ou nanoparticules manufacturées)

Le développement récent des nanotechnologies, regroupe-ment de l’ensemble des techniques visant à concevoir,caractériser et produire des matériaux à l’échelle du nanomètre,a commencé à élargir les sources de nanoparticules avec laproduction accrue de nanomatériaux manufacturés, dont desnanoparticules manufacturées (NPM). En raison des propriétésnouvelles des matériaux ainsi produits, les nanotechnologiesconnaissent un essor particulièrement important depuis cesdernières années à l’échelle internationale, où l’on observe uninvestissement grandissant de la part de pays de plus en plusnombreux.

Des différences existent entre les PUF et NPM, les premièresayant généralement une assez large distribution de taille et unecomposition chimique complexe alors que les secondes ontsouvent une distribution étroite et une composition chimiquedéfinie.

Très schématiquement, il existe des NPM métalliques(dioxyde de titane et de zinc, par exemple) et des NPMcarbonées. Parmi celles-ci, les nanotubes de carbone occupentune pace importante. Les nanotubes de carbone, découverts en1991 par Sumio Iijima de la société NEC [13], possèdent despropriétés physiques (propriétés mécaniques – rigidité etflexibilité –, propriétés de conduction électrique et d’émissionde champ notamment) ou chimiques (nanocontainers) qui lesrendent particulièrement intéressants.

Le nanotube de carbone est constitué d’une partie quasicylindrique formée par un plan de graphène – composéd’atomes de carbone dont la disposition se présente sous formede réseau hexagonal en nid d’abeilles – enroulé sur lui-même etfermé à ses deux extrémités par deux demi fullerènes. Lalongueur d’un nanotube peut aller de quelques dizaines denanomètres à plusieurs micromètres tandis que son diamètre estde l’ordre du nanomètre. Il existe principalement deuxcatégories de nanotubes de carbone : les single-wall carbonnanotubes (SWCNT) composés d’un seul feuillet de graphène

Page 3: Les sources de nanoparticules

S. Lanone, J. Boczkowski / Revue française d’allergologie 50 (2010) 211–213 213

et les multi-wall carbon nanotubes (MWCNT) constitués deplusieurs feuillets emboîtés les uns dans les autres comme despoupées russes [14–16].

Outre des utilisations industrielles, l’emploi des nanotubesde carbone en médecine est une perspective intéressante. Ilspourraient servir par exemple pour le transport et la délivranced’agents médicamenteux à l’intérieur des cellules. Par exemple,Pantarotto et al. ont démontré que des SWCNT peuvent êtrefonctionnalisés avec des peptides biologiquement actifs, defaçon à pouvoir traverser les membranes biologiques et ainsidélivrer le peptide au niveau cytoplasmique ou nucléaire[17,18]. Cependant, les mêmes propriétés qui rendent lesnanotubes de carbone très attractifs posent des questions surleur potentielle toxicité, leurs effets secondaires à long termeou encore leur biodégradabilité [11,19,20]. Ces questionsconstituent un champ de recherche en plein développement.

3. Conclusion

Il existe différentes sources et différents types denanoparticules. Il est très important de bien les identifier etles connaître pour bien caractériser leurs effets biologiques.

Conflit d’intérêt

Aucun.

Références

[1] Oberdorster G, Maynard A, Donaldson K, Castranova V, Fitzpatrick J,Ausman K, et al. Principles for characterizing the potential human healtheffects from exposure to nanomaterials: elements of a screening strategy.Part Fibre Toxicol 2005;2:8.

[2] Peters A, Wichmann HE, Tuch T, Heinrich J, Heyder J. Respiratory effectsare associated with the number of ultrafine particles. Am J Respir CritCare Med 1997;155:1376–83.

[3] Baulig A, Poirault JJ, Ausset P, Schins R, Shi T, Baralle D, et al.Physicochemical characteristics and biological activities of seasonalatmospheric particulate matter sampling in two locations of Paris. EnvironSci Technol 2004;38:5985–92.

[4] Atkinson R, Anderson R, Sunyer J, Ayres J, Baccini M, Vonk J, et al. Acuteeffects of particulate air pollution on respiratory admissions Results fromAPHEA 2 project. Am J Respir Crit Care Med 2001;164:1860–6.

[5] Gong P, Cederbaum A, Nieto N. Increased expression of cytochrome P4502E1 induces heme oxygenase-1 through ERK MAPK pathway. J BiolChem 2003;278:29693–700.

[6] Seaton A, MacNee W, Donaldson K, Godden D. Particulate air pollutionand acute health effects. The Lancet 1995;345:176–8.

[7] Dasch J, D’Arcy J. Physical and chemical characterization of airborneparticles from welding operations in automotive plants. J Occup EnvironHyg 2008;5:444–54.

[8] Stephenson D, Seshadri G, Veranth JM. Workplace exposure to submicronparticle mass and number concentrations from manual arc welding ofcarbon steel. AIHA J (Fairfax Va) 2003;64:516–21.

[9] Borm PJ, Robbins D, Haubold S, Kuhlbusch T, Fissan H, Donaldson K,et al. The potential risks of nanomaterials: a review carried out forECETOC. Part Fibre Toxicol 2006;3:11.

[10] Lanone S, Boczkowski J. Biomedical applications and potential healthrisks of nanomaterials: molecular mechanisms. Curr Mol Med 2006;6:651–63.

[11] Warheit DB, Sayes CM, Reed KL, Swain KA. Health effects related tonanoparticle exposures: Environmental, health and safety considerationsfor assessing hazards and risks. Pharmacol Ther 2008;120:35–42.

[12] Antonini JM. Health effects of welding. Crit Rev Toxicol 2003;33:61–103.[13] Iijima S. Helical microtubules of grahitic carbon. Nature 1991;354:

56–8.[14] Nikolaev P. Gas-phase production of single-walled carbon nanotubes from

carbon monoxide: a review of the hipco process. J Nanosci Nanotechnol2004;4:307–16.

[15] Sinha N, Yeow JT. Carbon nanotubes for biomedical applications. IEEETrans Nanobiosci 2005;4:180–95.

[16] Vairavapandian D, Vichchulada P, Lay MD. Preparation and modificationof carbon nanotubes: review of recent advances and applications incatalysis and sensing. Anal Chim Acta 2008;626:119–29.

[17] Pantarotto D, Briand JP, Prato M, Bianco A. Translocation of bioactivepeptides across cell membranes by carbon nanotubes. Chem Commun(Camb) 2004;1:16–7.

[18] Pantarotto D, Partidos CD, Hoebeke J, Brown F, Kramer E, Briand JP,et al. Immunization with peptide-functionalized carbon nanotubes enhan-ces virus-specific neutralizing antibody responses. Chem Biol 2003;10:961–6.

[19] Stern ST, McNeil SE. Nanotechnology safety concerns revisited. ToxicolSci 2008;101:4–21.

[20] Stone V, Johnston H, Clift MJ. Air pollution, ultrafine and nanoparticletoxicology: cellular and molecular interactions. IEEE Trans Nanobiosci2007;6:331–40.