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Article original Les troubles du langage de l’enfant. Hypothèses étiologiques spécifiques, perspective intégrative Language impairments in children. Specific etiological hypotheses, integrative perspective M. Plaza a,b a Laboratoire cognition et développement, 71, avenue Édouard-Vaillant, 92774 Boulogne Billancourt cedex, France b Centre référent troubles du langage, Salpêtrière (Service du Professeur Mazet), 47, boulevard de l’Hôpital. 75651 Paris cedex 13, France Reçu le 29 mars 2004 ; accepté le 3 septembre 2004 Résumé Le langage se développe dans un environnement culturel, social et psychologique, il s’adapte à des contraintes biologiques et génétiques. Les troubles du langage de l’enfant font l’objet de différentes hypothèses étiologiques (génétiques, neurologiques, psychoaffectives, cognitives). Ces hypothèses (parfois antinomiques lorsqu’elles deviennent exclusives) devraient être articulées dans une perspective intégra- tive du développement du langage. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Language develops in a cultural, social and psychological frame, and responds to biological and genetic constraints. Language impairments in children are objects of various etiological hypotheses (genetic, neurological, affective, cognitive). These hypotheses (which are sometimes antagonistic when they become exclusive) should be articulated in an integrative perspective of language development. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Troubles du langage ; Développement ; Étiologie ; Perspective intégrative Keywords: Language impairment; Development; Etiology; Integrative perspective 1. Introduction Les troubles du langage oral et écrit ont été l’objet d’une nouvelle définition officielle en France en juillet 2000, lors- que Jean-Charles Ringard a publié un Rapport sur les trou- bles du langage à la demande des autorités politiques de l’époque [21]. Ce Rapport a été suivi d’un plan d’action en 2001 [25] et d’un rapport de l’IGAS en 2002 [22]. La publi- cation de ces Rapports successifs a été le signe d’une modi- fication des représentations des troubles du langage oral et écrit de l’enfant, et d’une redéfinition des champs de compé- tences de certaines disciplines. À cette occasion, des lignes de clivage déjà anciennes sont réapparues avec vigueur, entre une approche pédopsychiatri- que plutôt psychoaffective des troubles (privilégiant certains concepts psychanalytiques), et une approche neuropédiatri- que accordant, dans le contexte du développement exponen- tiel des neurosciences, un poids accru aux éléments d’ordre cérébral et génétique. À la « cause affective » des troubles du langage, longtemps privilégiée dans notre pays (c’est l’une de nos exceptions culturelles), s’est ainsi progressivement opposée la « cause organique ». Adresses e-mail : [email protected] (M. Plaza), [email protected] (M. Plaza). Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 52 (2004) 460–466 www.elsevier.com/locate/neuado 0222-9617/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2004.09.002

Les troubles du langage de l’enfant. Hypothèses étiologiques spécifiques, perspective intégrative

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Article original

Les troubles du langage de l’enfant. Hypothèses étiologiques spécifiques,perspective intégrative

Language impairments in children. Specific etiological hypotheses,integrative perspective

M. Plaza a,b

a Laboratoire cognition et développement, 71, avenue Édouard-Vaillant, 92774 Boulogne Billancourt cedex, Franceb Centre référent troubles du langage, Salpêtrière (Service du Professeur Mazet), 47, boulevard de l’Hôpital. 75651 Paris cedex 13, France

Reçu le 29 mars 2004 ; accepté le 3 septembre 2004

Résumé

Le langage se développe dans un environnement culturel, social et psychologique, il s’adapte à des contraintes biologiques et génétiques.Les troubles du langage de l’enfant font l’objet de différentes hypothèses étiologiques (génétiques, neurologiques, psychoaffectives,cognitives). Ces hypothèses (parfois antinomiques lorsqu’elles deviennent exclusives) devraient être articulées dans une perspective intégra-tive du développement du langage.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Language develops in a cultural, social and psychological frame, and responds to biological and genetic constraints. Language impairmentsin children are objects of various etiological hypotheses (genetic, neurological, affective, cognitive). These hypotheses (which are sometimesantagonistic when they become exclusive) should be articulated in an integrative perspective of language development.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Troubles du langage ; Développement ; Étiologie ; Perspective intégrative

Keywords: Language impairment; Development; Etiology; Integrative perspective

1. Introduction

Les troubles du langage oral et écrit ont été l’objet d’unenouvelle définition officielle en France en juillet 2000, lors-que Jean-Charles Ringard a publié un Rapport sur les trou-bles du langage à la demande des autorités politiques del’époque [21]. Ce Rapport a été suivi d’un plan d’action en2001 [25] et d’un rapport de l’IGAS en 2002 [22]. La publi-cation de ces Rapports successifs a été le signe d’une modi-fication des représentations des troubles du langage oral et

écrit de l’enfant, et d’une redéfinition des champs de compé-tences de certaines disciplines.

À cette occasion, des lignes de clivage déjà anciennes sontréapparues avec vigueur, entre une approche pédopsychiatri-que plutôt psychoaffective des troubles (privilégiant certainsconcepts psychanalytiques), et une approche neuropédiatri-que accordant, dans le contexte du développement exponen-tiel des neurosciences, un poids accru aux éléments d’ordrecérébral et génétique. À la « cause affective » des troubles dulangage, longtemps privilégiée dans notre pays (c’est l’unede nos exceptions culturelles), s’est ainsi progressivementopposée la « cause organique ».

Adresses e-mail : [email protected] (M. Plaza),[email protected] (M. Plaza).

Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 52 (2004) 460–466

www.elsevier.com/locate/neuado

0222-9617/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.neurenf.2004.09.002

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Si une nouvelle définition officielle des troubles du lan-gage a vu le jour en 2000, c’est parce que des mouvementsdivers s’étaient exprimés depuis quelques années dans lechamp social. L’approche psychoaffective était l’objet decritiques croissantes de la part des associations de parentsd’enfants souffrant de troubles du langage. Ces famillesavaient vécu de véritables « parcours du combattant » nonseulement dans des écoles qui ne savaient rien des troublesdu langage, mais également dans des structures de santémentale (notamment certains CMP et CMPP) qui avaientrépondu aux difficultés de l’enfant par des psychothérapiesexclusives, parfois culpabilisantes pour les parents. Une telleorientation thérapeutique avait abouti, dans un certain nom-bre de cas, à des situations dramatiques dont le rapport del’IGAS s’est fait l’écho. En effet, pour les enfants quin’avaient pas bénéficié d’un diagnostic différentiel reposantsur une évaluation précise des troubles, la prise en charge desdifficultés avait été au mieux incomplète et au pire délétère(la précocité de la prise en charge spécifique des problèmesde langage étant, comme l’ont montré la plupart des étudeslongitudinales, la condition d’une bonne évolution).

Du côté des professionnels et des chercheurs dans ledomaine de la santé mentale, l’approche psychoaffectiveexclusive était également l’objet d’interrogations et de criti-ques. Il semblait de plus en plus nécessaire à beaucoupd’entre nous de tenir compte des connaissances apportées,ces vingt dernières années, par les sciences cognitives, lalinguistique et les neurosciences. Il semblait indispensablede tenir compte de la richesse de l’expérience de l’enfant quine se réduit ni à ses gènes, ni à son cerveau, ni à ses fantasmesoriginaires, ni à son œdipe... mais qui articule ceci et cela.L’objectif en effet n’est pas de faire basculer le balancierthéorique et pratique du « tout affectif » au « tout organi-que », mais plutôt de construire une approche plus intégra-tive, mettant en perspective les différentes connaissances quenous avons sur les troubles du langage de l’enfant [19].

Une telle mise en perspective implique d’abord de recon-naître que les troubles du langage ont un mode d’organisationet une structure spécifiques, dont la compréhension requiertune connaissance du développement cognitif, affectif et lan-gagier de l’enfant et de ses divers modes de dysfonctionne-ment. Les troubles du langage ne sont pas l’ « équivalent »d’un trouble psychopathologique.

En second lieu, il est important de rappeler que si lesneurosciences et les nouvelles techniques d’imagerie céré-brale permettent d’observer (ou plutôt de reconstruire) lescorrélats cérébraux des activités cognitives et affectives,elles ne donnent pas pour autant l’explication des troubles dulangage. « Corrélation » ne signifie pas « causalité ».

Ces distinguos d’ordre théorique ont des implicationscliniques. L’évaluation et la prise en charge des enfantsprésentant des troubles du langage dépendent en effet trèsfortement des théories qui organisent et sous-tendent la re-présentation des troubles. À un extrême, une approche quiprivilégie l’abord psychoaffectif va tendre à considérer l’éva-luation psychométrique comme une « objectivation » sans

intérêt, et à proposer une prise en charge psychothérapeuti-que exclusive. À l’autre extrême, une approche qui définit letrouble comme résultant d’un dysfonctionnement cérébrald’origine génétique va tendre à considérer le domaine psy-choaffectif comme un artefact sans intérêt, et à mettre enplace des stratégies thérapeutiques purement « instrumenta-les » qui ne s’occupent guère de la façon dont l’enfant vit sontrouble et s’accommode de lui.

Entre ces deux extrêmes, une position nuancée et intégra-tive ne prétendra pas comprendre ou traiter les troubles dulangage dans leur exhaustivité, et sera consciente d’apporterun mode d’éclairage nécessairement partiel à une réalitécomplexe. C’est cette position que je vais ici tenter de tenir

2. Le développement du langage oral

Parler des troubles du langage de l’enfant implique deconnaître les modalités du développement du langage, tellesqu’elles ont été décrites notamment par la psychologie cogni-tive et la psycholinguistique. Il faut d’emblée rappeler que sile langage parlé ou articulé est une caractéristique généralede l’être humain (ce que clament les théories « universalis-tes »), chacune des innombrables langues parlées par l’huma-nité possède des caractéristiques qui lui sont propres, et quimodèlent pour partie l’expérience linguistique de l’enfant (ceque défendent les perspectives « inter-langues »).

À la naissance, le bébé est capable de parler toutes leslangues, mais il « se spécialise » rapidement dans sa languematernelle, en sélectionnant les traits et les contrastes quisont pertinents pour comprendre et parler cette langue. Lors-que vers sept ou huit mois il babille, il ne le fait pas auhasard : il produit des syllabes dont le contour prosodiquecorrespond à sa langue maternelle. Au moment où il produitses premiers mots, il privilégie, selon qu’il est français,américain, japonais ou suédois, un certain vocabulaire [7].Lorsqu’il s’agit pour lui de comprendre des phrases, il s’ap-puie sur des indices différents selon qu’il est anglais, françaisou espagnol [13].

Le langage se développe dans un contexte psychoaffectif.Dès la naissance, le bébé qui est sensible à la prosodie peutainsi percevoir (sans nécessairement les comprendre) cer-tains des affects qui accompagnent la parole de l’autre. Plusles adultes qui l’entourent lui parlent, plus les échangess’instaurent et se diversifient, plus il est amené à privilégier laparole et à développer ses compétences linguistiques [20,26].Alors qu’il avait d’abord noué des échanges d’ordre essen-tiellement physique avec son entourage (par le biais desmimiques, des gestes, des contacts, des cris...), il découvreavec la parole une nouvelle façon d’exprimer ses désirs,besoins, demandes, et de percevoir les désirs, besoins, etdemandes des autres. Il reçoit une impulsion majeure pourdévelopper les diverses composantes du langage, moyen parexcellence d’expression, de connaissance et de communica-tion.

Du point de vue formel, le langage a plusieurs composan-tes : la prosodie (mélodie de la parole s’exprimant par les

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accents, l’intonation...), la phonologie (organisation des élé-ments sonores et articulatoires de la langue, les plus petitesunités étant les phonèmes), le lexique (le répertoire de mots),la syntaxe (l’organisation des mots en phrases), la pragmati-que (les fonctions de communication). La sémantique (l’ac-cès au sens) est une composante transversale à ces différentsdomaines, qui requiert notamment une maîtrise de la signifi-cation des mots, et une connaissance des règles syntaxiqueset pragmatiques de leur combinaison.

Le langage a également deux versants : la réception, quipermet de comprendre le message, et la production, qui enpermet l’expression.

La production et la réception, ainsi que les composantesdu langage, se développent suivant des rythmes qui leur sonten partie spécifiques. Ainsi, le petit enfant comprend plus demots et de phrases qu’il ne peut en produire (le langageréceptif est beaucoup plus étendu que le langage productif).Il développe de façon très précoce la prosodie du langage,s’imprègne des caractéristiques phonologiques de sa langue,avant de pouvoir segmenter le continuum sonore de la paroleen mots. Dans un premier temps, il comprend et produitbeaucoup mieux les unités mots que les unités phrases.

Cependant, si les registres et composantes du langage ontun développement en grande partie asynchrone, ils ne sontpas pour autant cloisonnés : ils interagissent les uns avec lesautres. Certains auteurs parlent de véritables « passerellesd’accès », le développement d’un registre permettant l’émer-gence d’un autre [18]. On peut ainsi parler de passerelleprosodique–lexicale : le découpage initial des mots s’effec-tue grâce aux indices fournis par la prosodie. On peut égale-ment parler de passerelle sémantique-lexicale : la capacité decatégorisation, qui se développe à partir de l’âge de 18 mois,sous-tend la constitution du lexique (par exemple, un motdésignant une action est un bon candidat pour être un verbe).On peut parler d’une passerelle lexicale–syntaxique : l’ex-pansion du lexique permet le développement de la syntaxe(ainsi, la constitution d’une « masse critique » de motsouvrirait la voie à la combinatoire des mots). On peut enfinparler d’une passerelle sémantique-pragmatique : l’accès ausens permet de régir les modes de communication avecl’autre

3. Pathologies du langage

Chez l’enfant au développement perturbé, les différentsregistres se constituent non de façon asynchrone, mais sur unmode dysharmonique. Les passerelles d’accès sont fragilesou inexistantes. Contrairement à ce qui se passe au cours dudéveloppement normal, le dysfonctionnement d’un registrepeut entraîner, en cascade, le dysfonctionnement d’autresregistres.

Dans quelques cas (les plus rares), certaines composantespeuvent être atteintes de façon isolée. Ainsi, un trouble pho-nologique de production qui n’altère pas la réception peutn’affecter que de façon superficielle et non structurelle lelexique, la prosodie, la syntaxe, la sémantique, la pragmati-que.

Mais le plus souvent, lorsque la composante phonologi-que est atteinte en réception et en production, l’enfant vaavoir des difficultés à découper le continuum sonore de laparole, à segmenter les mots, et donc à les comprendre, à lesproduire, à les associer entre eux. Le développement dulexique et de la syntaxe, qui s’appuie pour partie sur cescompétences phonologiques initiales, risque donc d’êtrecompromis. De même, l’enfant qui a mal spécifié les carac-téristiques sémantiques et pragmatiques du langage va certespouvoir mettre en place certains aspects lexicaux et syntaxi-ques de la parole, mais il risque d’être en difficulté pourdévelopper une catégorisation sémantique fine et établir deséchanges langagiers adaptés avec les autres.

Les troubles du langage oral constituent une pathologiecomplexe, située à la frontière de plusieurs domaines. Onpeut différencier : les troubles du langage affectant des en-fants ayant de bonnes capacités intellectuelles, et ne présen-tant pas de pathologie neurologique, génétique et/ou psycho-pathologique, les troubles du langage s’inscrivant dans uncontexte de pathologie neurologique ou génétique, les trou-bles du langage s’inscrivant dans un contexte de perturbationpsychopathologique.

Ces distinctions ne sont pas toujours faciles à établir sur leplan clinique. Chez le jeune enfant notamment, le trouble dulangage s’accompagne très souvent de signes psychologi-ques (troubles de l’attention, immaturité, instabilité, inhibi-tion, angoisse, retrait ou agressivité) et de troubles moteurs.Il est donc nécessaire de connaître avec précision la nature(potentiellement bi-directionnelle) des liens entre les trou-bles du langage et les autres troubles. En effet, le trouble dulangage peut être l’une des composantes d’un trouble psy-chologique, comme le montre Laurent Danon-Boileau dansson ouvrage sur les enfants sans langage [5]. Mais il arriveaussi que le trouble psychologique soit non une composantemais bien une conséquence d’un trouble du langage (ce quel’on peut appeler une « psychopathologie secondaire »).

Des enfants souffrant de troubles extrêmement sévères dela parole et du langage d’origine neurologique ont parfois étédiagnostiqués à tort comme des enfants autistes ou psychoti-ques. C’est le cas de certains enfants ayant présenté unsyndrome de Landau-Kleffner, associant une aphasie acquise(avec parfois une agnosie auditive complète), des perturba-tions électroencéphalographiques et des troubles du compor-tement. Une petite fille que j’ai connue voici quelques annéesavait été ainsi envoyée en psychothérapie pour « décompen-sation psychotique » car elle présentait des troubles du lan-gage et du comportement. Durant les six mois que dureracette prise en charge, l’enfant acheva de perdre totalement lelangage en réception et en production. Après qu’un médecineut formulé le diagnostic de syndrome de Landau-Kleffner,la prise en charge conjuguée du dysfonctionnement cérébralet du trouble du langage permit à l’enfant de compenserd’une manière assez spectaculaire la plupart de ses difficul-tés. Les troubles du comportement de l’enfant étaient d’unedouble nature : ils étaient à la fois l’une des composantes dusyndrome (le dysfonctionnement cérébral produisant une

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forme d’instabilité et d’hyperactivité) et des éléments réac-tionnels aux difficultés existentielles de cette enfant, qui avaitprogressivement perdu ses capacités à parler et à comprendreles autres.

Dans la mesure où les troubles du langage constituent unepathologie complexe, le diagnostic différentiel est indispen-sable car il permet de définir avec rigueur les axes de prise encharge. Il s’appuie sur l’analyse de la fonctionnalité du lan-gage, sur la prise en compte des autres secteurs du dévelop-pement (cognition, psychomotricité, registre psychoaffectif)et sur l’évaluation de certains domaines sensoriels et neuro-logiques. Un tel diagnostic repose sur une approche pluridis-ciplinaire.

L’évaluation pluridisciplinaire requiert une consultationde pédopsychiatrie ou de neuropédiatrie, un bilan psycholo-gique et neuropsychologique (capacités intellectuelles, at-tention, fonctions exécutives, apprentissage et mémoire, trai-tement visuospatial, développement psychoaffectif), uneévaluation orthophonique (praxies buccofaciales, discrimi-nation phonémique, processus phonologiques, lexique etmorphosyntaxe, en réception et en production, constructiondu discours et modes conversationnels, langage écrit), unbilan psychomoteur, une évaluation scolaire et pédagogique.

Ce type d’évaluation permet, soit dans des situations detest (lorsque l’enfant est « testable »), soit dans des situationsd’observation fine, de tracer le profil cognitif et linguistiquede l’enfant et d’argumenter la prise en charge. En effet, laprise en charge ne sollicitera pas les mêmes secteurs etn’utilisera pas les mêmes médiations si l’enfant a un troubledu langage sans dysfonctionnements cognitifs majeurs, ou sile trouble du langage s’accompagne par exemple de troublesimportants de la production verbale (il sera alors nécessairede proposer un code de communication), de l’attention, de lamémoire et/ ou de difficultés sensori-motrices

4. Approches explicatives : mécanismes primaireset contexte causal

Les troubles du langage ont été l’objet de différentesthéories explicatives qui mettent l’accent sur certaines dé-faillances.

4.1. Les défaillances perceptives et temporelles

Les défaillances perceptives et temporelles concernent lesdifficultés de discrimination fine des séquences auditives,notamment linguistiques. Rappelons que l’enfant a des capa-cités précoces de discrimination phonétique générale, qui sespécialisent à 11 mois pour sa langue maternelle. Si lesinformations sur lesquelles il s’appuie sont mal spécifiées— c’est-à-dire s’il présente une défaillance du traitementséquentiel rapide de l’information —, il risque de se cons-truire des représentations incomplètes et distordues qui vontgénérer des difficultés de compréhension et/ou de productionau niveau lexical et syntaxique [23].

Cette théorie a donné lieu à une méthode thérapeutiquesous label commercial, « Fast ForWord », qui est actuelle-ment l’objet d’une validation expérimentale dans plusieurspays, auprès d’enfants souffrant de troubles du langage oralet écrit. Le principe de la méthode est d’exercer certainescapacités linguistiques de l’enfant en modifiant la compo-sante temporelle de la parole (par un ralentissement puis uneaccélération progressive). En exerçant de façon intensivel’enfant, on lui permettrait de normaliser ses compétenceslinguistiques et ses modes d’activation cérébrale [24].

4.2. Les défaillances morphosyntaxiques

Les défaillances morphosyntaxiques concernent le traite-ment des indices morphologiques et syntaxiques du langage(ordre des mots, temps, marques de l’accord, usage des motsfonctionnels). Cette difficulté peut affecter le niveau réceptifet/ou la production. Pour certains auteurs (qui défendent unethéorie structurale), cette difficulté relèverait d’un déficitprimaire dans la compétence grammaticale elle-même [8].Pour d’autres (qui défendent une « théorie de surface »), cettedifficulté relèverait d’une mauvaise qualité de l’input auditi-voverbal, et/ou d’une restriction des ressources cognitives(notamment de la mémoire auditivoverbale, qui joue un rôletrès important au début du développement du langage) [14].

4.3. Les défaillances intermodales

Les défaillances intermodales concernent la capacité del’enfant à lier dans une seule « enveloppe » le mot entendu, lemot articulé par l’autre (observation visuelle) et le mot qu’ilproduit lui-même (production articulatoire). Le traitementintermodal visuel et auditif est précoce : dès cinq mois, lebébé est sensible à l’incongruité entre le vu et l’entendu.Ainsi, il réagit lorsqu’on lui présente un visage qui articule« mi » alors que lui-même entend « ta » [15]. Cette réaction aété objectivée au plan comportemental : l’enfant fixe pluslongtemps le visage qui énonce la syllabe entendue. Elle a étéégalement mesurée au niveau cérébral : l’enregistrement depotentiels évoqués dans cette situation montre l’apparitiond’ondes négatives caractéristiques de l’incongruité.

Les hypothèses intermodales sont intéressantes car ellesréintroduisent la richesse de l’expérience sensorielle dansnotre réflexion. La Théorie motrice de la parole [16] poseque la perception de la parole met en jeu chez celui quientend les mêmes « gestes phonétiques » que celui qui parle.La parole de l’autre fait écho, dans nos sensations et dansnotre cerveau, à notre propre parole articulée (ce que mon-trent également les travaux d’imagerie cérébrale fonction-nelle). Nous comprenons ce que l’autre nous dit parce quenous reproduisons en nous-mêmes, sans nous en rendrecompte, les gestes qu’il articule lorsqu’il nous parle.

On peut supposer que si ces liens d’ordre intermodal entrele visuel, l’auditif et le proprioceptif s’établissent mal, l’en-fant risque de ne pas construire des représentations linguisti-ques suffisamment spécifiées. C’est une piste de recherchequ’il serait intéressant de développer.

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4.4. Le contexte génétique

Différentes études concernant l’incidence familiale destroubles du langage ont trouvé 23 à 41 % de difficultés delangage chez les parents d’enfants souffrant de troubles dulangage. Dans les études de jumeaux, notamment homozygo-tes, les facteurs génétiques sont impliqués dans 73 % dugroupe retard de langage, contre 25 % dans le groupe témoin[1]. Ces travaux génétiques permettent d’admettre, pour cer-tains troubles du langage, la notion d’une vulnérabilité géné-tique. Ils doivent cependant être pondérés ou relativisés dansla mesure où le génotype et le phénotype ne se superposentpas, et où les facteurs environnementaux exercent une in-fluence importante. Il est en particulier intéressant de noterque, avec un même profil génétique, une personne anglaisedéveloppera un trouble important de la lecture alors qu’unepersonne italienne aura une gêne fonctionnelle modérée [17].Cette différence est à mettre en lien avec le fait que lescorrespondances entre les graphèmes et les phonèmes de lalangue anglaise sont opaques (une lettre se prononce deplusieurs façons), alors que la langue italienne est beaucoupplus transparente à cet égard (la plupart des lettres ne seprononcent que d’une seule façon). L’hypothèse génétique,que beaucoup redoutent pour son caractère « stigmatisant »,peut être positive pour deux motifs. D’une part, en assurantun dépistage précoce, elle ouvre vers une prise en chargeintensive et adaptée, permettant à l’enfant de trouver desstratégies compensatoires, de développer au maximum tousses moyens de communication. D’autre part, l’hypothèsegénétique apporte à des parents souvent catastrophés et cul-pabilisés par la sévérité du trouble de l’enfant une certaineréassurance : « nous ne sommes pas (tout à fait) responsa-bles ».

4.5. Le contexte cérébral

Le développement des neurosciences, l’essor des nouvel-les techniques d’imagerie cérébrale, donnent aujourd’hui aucerveau un statut très particulier. Du fait de son caractèreencore énigmatique, le cerveau est un objet de fascinationauquel certains font acte « d’allégeance causale ». On sup-pose par exemple que les dyslexies sont directement liées àun dysfonctionnement cérébral. On procède de plus en plus àdes enregistrements d’imagerie cérébrale pour prouver lebien-fondé des méthodes de remédiation des troubles de lalecture. Bref, il existe aujourd’hui une « inflation du cer-veau » qui relève peut-être plus d’une croyance scientiste qued’une hypothèse scientifique. L’étude des corrélations entrele cerveau et la cognition, les émotions... en est encore auxbalbutiements. S’il est relativement facile de mettre en rela-tion chez un adulte une lésion temporale de l’hémisphèregauche et une perte des capacités de lecture, il est beaucoupplus difficile d’établir une telle corrélation anatomocliniquepour un cerveau en développement. Une caractéristique ex-traordinaire du cerveau est sa plasticité. On découvre tous lesjours que le cerveau, loin d’être une structure géographique

fixe avec ses régions et ses frontières, ses autoroutes et seschemins de traverse bien délimités, est un organe en perpé-tuel changement. Apprenez à jongler avec des balles pendanttrois mois, et acceptez que l’on étudie votre cerveau à l’IRMavant et après vos jeux de balle. On vous dira que, après troismois de jonglerie, votre cortex cérébral s’est modifié defaçon bilatérale. Arrêtez de vous entraîner pendant troismois, et l’on vous apprendra que votre cerveau a repris saforme initiale [10]. Le cerveau a la capacité de fonctionner enécho par rapport à notre expérience, dont il porte un temps latrace... y compris dans sa morphologie. Si l’expérience ne sepoursuit pas, si le sujet ne s’exerce plus, la trace morpholo-gique de l’activité se réduit, voire s’efface. C’est pourquoi lecerveau d’un adulte à qui l’on n’a jamais appris à lire estdifférent du cerveau d’un sujet lettré. Et c’est sans douteaussi pourquoi le cerveau d’un enfant dyslexique qui ne litpas bien (qui utilise des stratégies atypiques, déviantes, delecture) est différent de celui d’un enfant bon lecteur... et serapproche de la normale lorsqu’on a intensivement exercéune stratégie que l’enfant sous-utilisait ou n’utilisait pas.C’est cette plasticité qui permet à un sujet ayant subi deslésions cérébrales de reconquérir des capacités, de recons-truire une compétence, en utilisant de nouvelles connexionssynaptiques, voire d’autres régions de son cerveau. L’hémis-phère gauche est privilégié de façon très précoce pour letraitement du langage [9]. Cependant, s’il est lésé, l’hémis-phère droit peut prendre le relais et assurer des fonctionsauxquelles il n’est pas a priori dévolu. Alors que dire d’uncerveau en développement ? Le cerveau du bébé contient, à lanaissance, environ dix milliards de neurones. L’expérienceinterne et externe de l’enfant va créer, entre ces neurones, desconnexions synaptiques multiples. L’expérience modèle lecerveau de l’enfant, en déterminant non seulement les modesde fonctionnement mais également l’architecture. Il est doncextrêmement difficile de dire ce qui relève de la structure« basique », « initiale » d’un « pur » cerveau, et ce qui relèved’un cerveau immergé dès sa naissance (et même avant,lorsqu’on réfléchit à la densité de l’expérience sensoriellefœtale) dans le monde et vivant, à chaque moment, unemultitude d’expériences. Affirmer la plasticité cérébrale neconduit pas à nier l’existence de pathologies neurologiques,mais au contraire à les reconnaître dans leur spécificité. Carla plasticité du cerveau n’est pas totale. Certaines lésionscérébrales, certains dysfonctionnements épileptiques, peu-vent compromettre très sévèrement, et de façon persistante,le développement du langage. Leur effet délétère dépend deleur localisation, de l’âge auquel ils sont apparus (il existedes périodes sensibles, voire des âges critiques), de leurdurée. À ces dimensions proprement organiques, il faut arti-culer des éléments psychologiques et sociaux : la personna-lité de l’enfant, son histoire, les modes d’accompagnementde l’entourage, les types de traitement lui qui ont été propo-sés. Ces éléments expliquent probablement les différencesinter-individuelles que l’on constate, à dysfonctionnementcérébral semblable, entre les capacités préservées ou déve-loppées d’un enfant et les difficultés sévères et persistantes

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d’un autre. En ce qui concerne les troubles du langage, onpeut admettre l’hypothèse que des anomalies précoces etdiscrètes du développement cérébral (probablement au ni-veau fœtal) puissent avoir entraîné une vulnérabilité de cer-tains modules nécessaires à la mise en place du langage.L’enfant aurait développé le langage en utilisant des straté-gies atypiques, processus aboutissant au « marquage » fonc-tionnel et morphologique qui est observé dans les quelquesétudes d’imagerie cérébrale qui ont été réalisées chez desenfants dysphasiques. Cependant, les anomalies constatéesne sont pas propres aux troubles dysphasiques, reflétant pro-bablement plus les conséquences des difficultés de langage(troubles de la mémoire, de la communication...) que leurscauses. De même, l’imagerie cérébrale de certains enfantsautistes « savants », qui fait apparaître une hypertrophie decertaines zones dévolues à la mémoire à long terme, reflète-t-elle sans doute la sur-utilisation qu’ils font de certainescapacités au détriment d’autres, plutôt qu’elle ne fournit lacause de leurs difficultés

4.6. Le contexte des interactions précoces

La psychanalyse a développé diverses théories concernantla vie psychique du nouveau-né. La plupart de ces travaux ontmis l’accent sur l’impuissance et la dépendance structuralesdu nouveau-né humain. Le bébé serait d’abord plongé dansun état d’indifférenciation moi/monde que Tustin, Mahler,Spitz, ou Winnicott ont qualifié d’« autisme primaire nor-mal », de « stade autistique, de « stade de non-différencia-tion » ou de « stade de dépendance absolue ». Cependant, lamise en évidence des compétences perceptives complexes dunouveau-né engage à mettre en question le caractère absolude cette indifférenciation primaire. L’enfant établit d’embléedes relations avec les êtres humains, manifestant des préfé-rences visuelles (il est sensible aux visages, dont celui de samère), des préférences auditives (il est d’emblée sensible aulangage humain, à sa langue maternelle, à la voix de sa mère,aux paroles qui lui sont adressées) et des préférences gusta-tives et olfactives (il privilégie le lait maternel, les odeurs dela mère) [20]. Cette ouverture perceptive au monde lui per-met de développer des procédures d’attachement à l’autre deplus en plus spécifiées. Le pré-attachement peu différenciéque l’enfant développe jusqu’à la douzième semaine àl’égard des personnes qui l’entourent, se mue progressive-ment en un attachement de plus en plus privilégié aux per-sonnes familières [2–4]. Cependant, quoi qu’il en soit de sescompétences initiales, de son tempérament propre, l’enfantest au départ très dépendant des interactions avec l’autre, dela sensibilité de l’entourage à ses besoins, demandes et dé-sirs. L’attention que l’entourage prête aux signaux émis parl’enfant, l’interprétation qu’il en donne et les réponses qu’illeur apporte, ont une influence sur le type d’attachementdéveloppé par l’enfant (sécurisé ou anxieux) et sur ses modesde communication. L’altération durable des processus d’inte-raction peut entraîner chez l’enfant des réactions marquéesde détresse, de confusion, de désintérêt [6], compromettre les

processus d’individuation, et affecter partiellement ou totale-ment le développement cognitif et affectif. L’enfant peut êtredans l’impossibilité d’extraire des indices pertinents de cequ’il perçoit, ce qui peut aboutir à une atteinte de la commu-nication, voire à une altération des « instruments de parole »eux-mêmes. Si les adultes ont un rôle d’abord déterminantdans les interactions, l’enfant n’est pas pour autant un êtreinactif et passif. Très tôt, il est capable d’établir des échangesavec ses interlocuteurs. Il prend en compte le regard, lesgestes, la parole de l’autre et il y répond à sa façon : pointageou désignation, mimiques, jeux d’alternance, attention vi-suelle conjointe. Dès la fin de la première année, l’enfantinstaure une communication de type référentiel avec unepersonne à propos d’un objet ou d’un événement extérieur àla dyade, et c’est au cours de cette période qu’il va dire sespremiers mots. La compétence référentielle est donc forte-ment corrélée à l’acquisition du langage [11]. Lorsque l’onparle d’un trouble des interactions précoces, on a souventcoutume de prendre en compte les défaillances mentalesgraves de l’entourage, notamment de la mère, qui n’a pas puapporter à l’enfant l’étayage dont il avait besoin. Mais il nefaut pas oublier la part de l’enfant et le caractère bidirection-nel des relations enfant–adulte. L’adulte est certes tout- puis-sant face à un enfant dépendant et démuni, mais l’enfant estun sujet qui peut susciter ou décourager les interactions. Desmamans d’enfants autistes ont ainsi pu décrire des sentimentsd’intense fatigue et des moments d’endormissementlorsqu’elles nourrissaient un enfant passif qui ne nouaitaucun contact avec elles. En l’absence d’un feedback del’enfant, la maman s’endort...ce qui enferme un peu plusl’enfant dans sa léthargie

5. Conclusion

Toutes les hypothèses étiologiques apportent un éclairagesur tel ou tel aspect des troubles, et elles peuvent être opéran-tes pour répondre à certaines questions. Si aucune ne doit êtreexclue, aucune ne doit non plus devenir exclusive. En effet, lelangage se développe dans un environnement culturel, socialet psychologique, il s’adapte à des contraintes biologiques etgénétiques. L’ensemble de ces éléments constitue la trame del’expérience de l’enfant, dont les éclairages segmentaires nepeuvent rendre compte que de façon partielle. Il serait impor-tant que chacun de ces éclairages s’inscrive dans le cadred’une théorie intégrative du développement.

Ainsi, il serait passionnant de mettre en regard lesconnaissances apportées par les sciences cognitives sur lescompétences perceptives précoces du nourrisson, et lesconcepts développés par la psychanalyse sur l’autisme dunouveau-né et sa dépendance fusionnelle à l’égard de samère. De même, il serait éclairant d’articuler les recherchespsychosociologiques sur les types de maternage prodiguésaux enfants et les modalités de l’ « accordage affectif », selonle mot de Stern, qui s’instaure entre l’enfant et l’adulte quitient lieu de mère. Il serait également nécessaire de construire

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des concepts intermédiaires afin de rendre compte des che-minements parallèles, dissociés ou interdépendants du déve-loppement cognitif et du développement psychoaffectif,comme a commencé à le faire Golse [12]. Enfin, il seraitcapital d’analyser les interactions possibles et bi-directionnelles entre pathologies psychiques et troubles dulangage.

Dans cette perspective intégrative, il serait également né-cessaire d’articuler les pratiques cliniques et les recherchesscientifiques portant sur les troubles du langage. La recher-che expérimentale, prisonnière de ses paradigmes, développedes hypothèses et des procédures qui sont souvent peu inté-grables dans la pratique clinique. Elle méconnaît parfois lavariabilité des profils individuels, qu’elle écrase dans desmoyennes ou qu’elle rejette de ses échantillons. De façonquasiment opposée, la démarche clinique, dans son désir de« tout » prendre en compte, mélange les variables et neparvient pas à modéliser ses intuitions théoriques et à validerses méthodes. Cet hiatus nuit profondément à la rigueur de laclinique et à la nuance de la recherche.

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