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LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES-FRANÇAISES DANS LES PRATIQUES FAMILIALES DES FRANCO-ONTARIENS
Mémoire
JULIE PHILIPPE-SHILLINGTON
Maîtrise en ethnologie et patrimoine Maître ès arts (M.A.)
Québec, Canada
© Julie Philippe-Shillington, 2013
iii
RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-
Ontariens du Nord-Est de l’Ontario dans un ménage mixte francophone-anglophone, il faut
essentiellement pénétrer au cœur de leur vie quotidienne. Une telle étude ne peut être possible sans
considérer le contexte historique qui permet non seulement de connaître les sujets d’étude mais aussi
d’authentifier leur passé. C’est à la lumière des conjonctures du passé que le cadre temporel de ce travail
se fixe. Plus particulièrement, il gravite autour de la décennie des années 1960; période reconnue pour
ses réformes entraînées par la Révolution tranquille au Québec, et par effet d’entraînement, chez certains
de ses voisins. L’objet de l’étude veut entre autres appréhender le phénomène de la conciliation des
valeurs traditionnelles dans les pratiques coutumières plus particulièrement depuis les bouleversements de
cette période. Pour rendre compte de cela la démarche ethnologique est adoptée. Une enquête orale de
type ethnographique sur le terrain auprès de deux familles intergénérationnelles de trois couples permet
une importante collecte de données. Les récits de vie des informateurs des trois générations dévoilent de
façon exemplaire le visage traditionnel de l’Ontario français du Nord de la province en faisant
transparaitre sa vitalité quotidienne.
v
REMERCIEMENTS Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à plusieurs personnes qui furent importantes dans la réalisation
de ce projet de maîtrise.
Je remercie premièrement et très sincèrement Madame Jocelyne Mathieu d’avoir accepté d’être ma
directrice de recherche, même après avoir été informée de la distance et de la frontière provinciale qui
nous séparaient. Son appui constant me fut indispensable et ses conseils des plus précieux. Sa passion
pour l’ethnologie, son enthousiasme, sa disponibilité et son esprit positif furent grandement appréciés. Ce
fut tout un privilège de travailler avec elle.
Je remercie aussi Madame Martine Roberge de m’avoir offert un encadrement dès le début du programme
d’étude. Son appui dans les démarches de mon travail fut essentiel et très précieux. Pour ce, je lui suis
très reconnaissante.
Je remercie les informateurs qui m’accueillirent chaleureusement dans leurs foyers et qui me firent part de
leurs pratiques coutumières en me racontant leur vie et en me partageant leurs émotions. Sans eux, ce
travail n’aurait pas été possible.
Je tiens à remercier Monsieur Marcel Bénéteau, Madame Lucie Beaupré, Monsieur Jean-Pierre Pichette et
le père Germain Lemieux s.j., de m’avoir introduit à l’ethnologie et au folklore canadien-français. Leur
passion pour ces disciplines m’inspira grandement. Si j’ai choisi de continuer mes études au deuxième
cycle, c’est parce qu’ils ont su me transmettre leur passion.
Un énorme merci à ma chère famille. L’inlassable soutien de chaque membre, leurs gestes des plus
grands jusqu’aux plus petits tels que leurs sourires, me motivèrent à accomplir ce projet. Ils m’ont
encouragé dans mon audace de rivaliser avec le temps. Si j’ai pu réaliser ce travail c’est parce qu’ils
m’ont tous individuellement servi de modèle.
Il m’est aussi important de remercier mes ascendants de m’avoir fait connaître la culture traditionnelle
canadienne-française, de m’avoir montré ses pratiques et de m’avoir légué ses valeurs.
vii
TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ ....................................................................................................................................................... iii
REMERCIEMENTS .......................................................................................................................................... v
TABLE DES MATIÈRES .......................................................................................................................... vii
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX .................................................................................................... xi
INTRODUCTION .................................................................................................................................... 1
CHAPITRE I - LES FRANCO-ONTARIENS DANS LA FRANCOPHONIE CANADIENNE ............. 11
1.1 Contexte spatial : circonscription géographique ............................................................................... 12
1.2 Contexte temporel - conjonctures historiques, politiques, sociales et culturelles ............................. 13
1.2.1 Conjonctures précédant les années 1960 : La nation canadienne-française ............................... 14
1.2.2 Conjonctures des années 1960 : De Canadien-français à Franco-Ontarien .............................. 14
1.2.3 Conjonctures suivant l’avènement des années 1960 : le Franco-Ontarien ................................. 14
1.3 Bilan historiographique ..................................................................................................................... 15
1.3.1 Volet identitaire.......................................................................................................................... 15
1.3.2 Volet historique et idéologique .................................................................................................. 17
1.3.3 Volet minoritaire ....................................................................................................................... 21
1.3.4 Volet familial ............................................................................................................................. 22
1.4 Cadre théorique ................................................................................................................................. 24
1.4.1 La culture et les valeurs ............................................................................................................. 24
1.4.2 La tradition et la transmission .................................................................................................... 26
1.4.3 La famille et les ménages mixtes ............................................................................................... 27
1.4.4 Les pratiques et les coutumes ..................................................................................................... 28
1.4.5 Un modèle d’analyse .................................................................................................................. 29
1.5 Problématique ................................................................................................................................... 29
1.6 Méthodologie .................................................................................................................................... 31
1.6.1 Considérations théoriques .......................................................................................................... 32
1.6.1.1 Technique de cueillette : l’entrevue et la capacité d’empathie ........................................... 32
1.6.1.2 Techniques d’analyse : théorie du schéma culturel et de l’habitus ..................................... 33
1.6.2 Méthode d’enquête ..................................................................................................................... 34
1.6.3. Méthodes de traitement des données, d’analyse et d’interprétation .......................................... 40
1.7 Conclusion ........................................................................................................................................ 41
viii
CHAPITRE II – ENQUÊTE ETHNOLOGIQUE SUR LES PRATIQUES CULTURELLES (PORTRAIT
DES FAMILLES) ....................................................................................................................................... 43
2.1 Famille I (portrait de la famille) ........................................................................................................ 44
2.1.1 Pratiques coutumières de l’âge adulte ........................................................................................ 44
2.1.1.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 45
2.1.1.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 49
2.1.1.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 57
2.1.2 Pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle ............................................................... 64
2.1.2.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 65
2.1.2.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 65
2.1.2.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 67
2.1.3 Pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique ....................................................... 69
2.1.3.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 69
2.1.3.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 71
2.1.3.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 72
2.1.4 Pratiques coutumières : le cycle saisonnier (fêtes fixes et mobiles) .......................................... 73
2.1.4.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 74
2.1.4.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 76
2.1.4.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 81
2.2 Famille II (portrait de la famille) ...................................................................................................... 84
2.2.1 Pratiques coutumières de l’âge adulte ........................................................................................ 84
2.2.1.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 85
2.2.1.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 87
2.2.1.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 93
2.2.2 Pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle ............................................................... 99
2.2.2.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) ........................................ 100
2.2.2.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) ........ 101
2.2.2.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) .................... 103
2.2.3 Pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique ..................................................... 105
2.2.3.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) ........................................ 105
2.2.3.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) ........ 106
2.2.3.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) .................... 107
2.2.4 Pratiques coutumières : le cycle saisonnier (fêtes fixes et mobiles) ........................................ 109
ix
2.2.4.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) ........................................ 109
2.2.4.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) ........ 111
2.2.4.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ................... 115
2.3 Conclusion ...................................................................................................................................... 119
CHAPTIRE III – LES VALEURS TRADITIONNELLES ET TENDANCES CONTEMPORAINES . 121
3.1 La mémoire : une restitution des expériences relatives aux pratiques coutumières ........................ 122
3.2 Précisions sur les valeurs : composantes comportementales et sentimentale et émotionnelle ........ 122
3.3 Normes familiales et valeurs traditionnelles dans les pratiques selon les familles ......................... 126
3.3.1 Bilan des pratiques coutumières à l’âge adulte ........................................................................ 126
3.3.2 Bilan des pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle .............................................. 146
3.3.3 Bilan des pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique et le partage des tâches 149
3.3.4 Bilan des pratiques coutumières : le cycle saisonnier .............................................................. 151
3.4 Tendances contemporaines ............................................................................................................. 161
3.4.1 Les valeurs traditionnelles dans les pratiques franco-ontariennes ........................................... 161
3.4.2 Le maintien des pratiques et respect des normes ..................................................................... 164
3.4.3 Le métissage des pratiques ....................................................................................................... 164
3.4.4 L’érosion des pratiques ............................................................................................................ 165
3.4.5 Le remplacement et la modification des pratiques ................................................................... 166
3.4.6 De nouvelles pratiques ............................................................................................................. 166
3.5 Conclusion ...................................................................................................................................... 167
CONCLUSION ......................................................................................................................................... 169
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 175
ANNEXES ................................................................................................................................................ 187
ANNEXE 1 : Index des collections ...................................................................................................... 188
ANNEXE 2 : Questionnaire d’enquête ................................................................................................. 189
ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des données techniques d’enquête ................................................ 193
ANNEXE 4 : Fiche signalétique ........................................................................................................... 195
ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et orientations familiales ............................................................. 198
ANNEXE 6 : Tableau des familles ....................................................................................................... 218
xi
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX Figure 1 : Régions de l’Ontario
Office des affaires francophones, Ontario, http://www.ofa.gov.on.ca/fr/franco-carte.html, page consultée
le 31 mars 2012.
Tableau 1 : Objets de recherche folklorique
Jean-Pierre PICHETTE, Répertoire ethnologique de l’Ontario français : Guide bibliographique et
inventaire archivistique du folklore franco-ontarien, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1992,
p.39.
1
INTRODUCTION
« On ne naît pas Franco-Ontarien, on choisit de le devenir.1 »
Roger Bernard
Sans aucun doute, le fait francophone en Ontario est un sujet passionnant qui mérite d’être une étude
réfléchie et consciencieuse. Ma curiosité pour celui-ci commence le premier janvier de mes 14 ans : le
jour où j’ai commencé à devenir « Franco-Ontarienne » et non plus seulement une Francophone native de
l’Ontario.
C’était ainsi que ce Jour de l’An, alors que toute la famille se rendit chez mon arrière grand-père, que
celui-ci se mit à narrer son récit de vie relatant la fierté, les joies et aussi les difficultés liées au fait d’être
unilingue Francophone en Ontario. Les causeries firent l’objet de toute mon attention et ce, pour une
grande partie de l’après-midi. C’était la première fois que quelqu’un m’informait sur les rapports sociaux
existants entre les Francophones2 et les Anglophones en Ontario. J’avais jusque là ignoré ces maintes
tensions et méconnaissait leur pérennité. Après avoir partagé une abondance de souvenirs qu’il venait de
se remémorer, le vieil homme prit son violon et joua quelques mélodies du « bon vieux temps ». C’est
avec étonnement que je me suis mise à réfléchir à cette saga.
Le résultat de cet entretien fut alors pour moi, une véritable prise de conscience. Assis dans sa chaise
berçante, cet homme avait-il viscéralement fourni des images du passé en ayant perçu l’engouement
qu’éprouvaient les curieux spectateurs pour de tels récits ou bien venait-il de nous sermonner?
Consciemment ou inconsciemment, il avait bien su tisser des liens entre les membres des générations qui
étaient présentes. Toutefois, c’était à moi de faire une interprétation de son intention. Mais cette dernière
demeurera en quelque sorte une énigme.
Au fil des années, je fus appelée à entretenir quotidiennement des liens à l’extérieur de mon noyau
familial, à l’extérieur de ma petite ville natale où tout se déroulait habituellement en français. La réalité
s’est alors vite imposée et je me vis vite submergée dans une majorité anglophone. Et pourtant j’avais
souvent voyagé avec mes parents, visitant d’autres pays, goûtant à diverses cultures. Je savais que
presque partout, si l’on interpelait en anglais, on avait moins de difficulté à se faire comprendre. Mais à
présent, le scénario était différent. Sous l’influence de cet environnement, j’ai souvent restitué
mentalement les anecdotes de mon arrière grand-père le plus fidèlement que possible. Indéniablement,
ces dernières devinrent pour moi des préceptes servant à la fois d’ancrage et de repère. À leur tour, ces
préceptes se chargèrent de nouvelles significations.
J’acquiesçais alors consciemment de m’identifier en tant que Franco-Ontarienne bilingue. Pour
expliquer cette représentation, je me permets de procéder à une très brève décomposition de cette
appellation. D’une part, je considère la francophonie ontarienne comme mon groupe d’appartenance ;
c’est en elle que je puise mon identité. En d’autres mots, en étant membre de cette francophonie, je vis de
1 Fernan CARRIÈRE, « La métamorphose de la communauté franco-ontarienne, 1960-1985 », dans Cornelius J.
JAENEN (dir.), Les Franco-Ontariens, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, p.334. 2 Le mot « Francophone »désignant un individu issu d’un groupe linguistique et culturel sera employé avec une
lettre majuscule tout au long du texte.
2
façon dynamique sa culture et cette dernière sait me fournir maints repères qui se manifestent en
symboles, en pratiques, en gestes, en normes, en valeurs…. D’autre part, ma condition minoritaire
m’amène à considérer et intégrer la culture et la langue anglo-saxonne et ce, sur une base quotidienne. Il
ne s’agirait pourtant pas d’une permutation linguistique ou culturelle faute de cette situation minoritaire
que certains considéreraient comme étant marginale. Il existerait dans mon quotidien un genre
d’harmonie entre les deux langues et les deux cultures.
Je précise toutefois que cette harmonie est davantage une concordance plutôt qu’une symétrie. Entre
autres, j’affirme que ma culture fait preuve de vitalité : une vitalité qui retentit dans les communautés du
Nord de l’Ontario là où il y a une présence francophone même si cette dernière est minoritaire. En
revanche, cette vitalité m’offre des repères culturels assurant un transfert de pratiques qui se fait de façon
dynamique. Par exemple, dans ma communauté nord-ontarienne, plusieurs institutions favorisent
l’épanouissement culturel des Franco-Ontariens. D’ailleurs, les écoles deviennent de véritables lieux de
rassemblement. En organisant des activités communautaires, elles renforcent la cohésion sociale et ce, à
de multiples reprises dans un même cycle annuel.
Il faut aussi mentionner les organismes à buts non lucratifs, qui se donnent comme mandat de veiller à la
sauvegarde et à la diffusion du patrimoine en organisant des activités permettant à la communauté entière
de se rassembler. Dans ma communauté, tous sont invités à prendre part à ces dernières. Un bon exemple
serait Le Carnaval dont les activités se déroulent pendant plus d’une semaine à chaque année. Et grâce
aux médias, je dirais même que ces activités gagnent de plus en plus d’importance. Ce genre de
ralliement est la preuve que plusieurs citoyens ressentent une grande fierté d’appartenance à la
francophonie ontarienne. Parallèlement, puisqu’il y a plusieurs familles qui sont constituées de couples
mixtes (francophones-anglophones), on peut souvent compter sur la participation de plusieurs
Anglophones. Le maire de la ville, les députés politiques fédéraux et provinciaux s’adressent
habituellement à la foule en s’efforçant de transmettre un message en français, même si ce n’est pas leur
langue.
C’est donc avec fascination que je contemple la vitalité des Francophones dans le Nord de l’Ontario ainsi
que les relations que ces derniers entretiennent avec la majorité anglophone. Je suis dans le cas présent,
conviée à découvrir ce que le Franco-Ontarien fait de sa culture.
Sous ce prétexte, je me propose d’explorer le quotidien de la famille, plus précisément les pratiques
culturelles traditionnelles, dans la région du Nord de l’Ontario. Une attention particulière sera portée au
Franco-Ontarien pour voir ce qu’il a fait des legs canadiens-français qui lui furent transmis par les
générations précédentes.
Pour entreprendre une telle étude, je fais appel à la notion suivante qu’énonçait Cornelius Jaenen : « Nous
tenons comme fondamental le concept selon lequel aucune étude culturelle, sociologique, littéraire ou
politique, quelle qu’en soit l’ampleur, n’a de signification en dehors de son cadre historique3 ». Dans
cette introduction, il est ainsi de mise de faire un bref rappel historique pour authentifier la vitalité du
passé du Canadien-français devenu Franco-Ontarien en fournissant un cadre qui mettra en contexte sa
spécificité tout en tenant compte de l’aspect spatiotemporel qui lui permit de s’enraciner culturellement.
3 Cornelius J. JAENEN, « L’ancien régime au pays d’en haut 1611-1821 », dans Cornelius JAENEN (dir.), Les
Franco-Ontariens, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, p.4.
3
Pour cette synthèse, je puise dans l’historiographie franco-ontarienne. Je tiens à souligner que ce travail
s’attarde à la région Est du Nord de l’Ontario. C’est pourquoi je porte un regard un peu plus attentif sur
certains faits historiques qui eurent lieu dans cette région en me référant aux ouvrages de plusieurs
auteurs mais plus particulièrement à ceux de Gaétan Gervais et Michel Bock.
Quelques rappels chronologiques
L’origine de l’Ontario français remonte à l’arrivée des Français qui sont les premiers Européens à
pénétrer le Canada et ce, dès le début du XVIIe siècle. On raconte les exploits de Samuel de Champlain
qui a exploré la région de l’Outaouais. On louange aussi les efforts des truchements tels qu’Étienne
Brûlé, Nicolas Vignau, Jean Nicollet et Nicolas Marsolet, en professant que leurs parcours dans la région
s’étalant entre la Baie James et les Grands Lacs, permettent aux Français d’établir d’importantes relations
commerciales avec les Autochtones. Le commerce des fourrures est l’activité principale des premiers
Français et demeure pendant longtemps un important intérêt économique.4
À l’époque, la France envisage déjà depuis quelques temps la possibilité de faire de sa colonie la
Nouvelle-France, une colonie de peuplement. Jusque là, elle avait favorisé le commerce des fourrures car
celui-ci lui rapportait des sommes d’argent considérables.5 Voyant que la Nouvelle-Hollande et la
Virginie comptaient un nombre toujours croissant d’habitants6, certains hommes tels que Mgr de Laval,
se mettent à encourager le roi de France à développer la Nouvelle-France et à la peupler. 7 Ce qui est
suggéré est exécuté. Le Roi Louis XVI réorganise le gouvernement de la Nouvelle-France et à l’aide de
son ministre Jean-Baptiste Colbert, la colonie se met à se transformer. Sous cette nouvelle
administration, un intendant est chargé de la justice et des finances, un diocèse est érigé et de nombreux
forts sont construits dont l’un des plus importants étant situé à Cataracoui (Kingston) tout près du lac
Ontario.8 Quelques années plus tard, le Roi envoie dans cette colonie un Régiment (Régiment Carignan-
Salières) qui protègera les colons ainsi que les Filles du Roi qui ont comme mandat de fonder des
familles.
L’année 1713 est tumultueuse en ce qu’elle est marquée par le traité d’Utrecht qui met fin à la guerre
entre l’Angleterre et la France. En conséquence, cette dernière concède certains de ses territoires et
assiste par cette occasion, à la réduction considérable de ses délimitations territoriales. En revanche, elle
dirige son attention ailleurs et contemple le maintien de ses forts ainsi que la construction de nouveaux.9
Face à ce destin qui se dessine devant eux, les dirigeants de la Nouvelle-France considèrent
l’augmentation de la population dans la colonie anglaise comme une menace. Cette intimidation
encourage une prise de décision importante. On juge impératif d’intensifier le peuplement jusqu’à
promettre aux hommes désireux de s’établir dans les régions spécifiques, de faire vivre leur famille
pendant une année. C’est la naissance du peuplement francophone en Ontario. 10
Malheureusement, la
4Ibid., p.9-19.
5 Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, L’Ontario français des Pays-d’en-Haut à nos jours, Ottawa, CFORP, 2004,
p.32. 6 Des habitants anglophones.
7 Ibid., p.34.
8 Ibid., p.38.
9 Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, Un vaste et merveilleux pays, Histoire illustrée du nord de
l'Ontario. Thunder Bay et Sudbury, Université Lakehead et Université Laurentienne, Ministère des Affaires du
Nord de l'Ontario, 1985, p.32. 10
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.49.
4
guerre de Sept Ans qui oppose la France et la Grande-Bretagne et autres grandes puissances européennes,
oblige la France à capituler aux mains des Britanniques. En ruine, elle envisage la fin d’un long régime
et sa colonie, la Nouvelle-France, s’effondre.11
Exaspérés, plusieurs colons français retournent en France
en abandonnant dans la colonie isolée, quelques missionnaires, voyageurs et colons.12
En 1763, par le Traité de Paris, la France cède la Nouvelle-France à l’Angleterre. Vaincue par les
Anglais, abandonnée par la France, c’est la consternation. Mais si cette colonie française n’existe plus
politiquement, les quelques foyers de peuplement francophones dans les Pays-d’en-Haut subsistent
toujours.13
C’est alors sous le Régime britannique que l’identité canadienne-française dans cette région
put se définir et ce, par la naissance des premières institutions d’enseignement en français et par la mise
en place de paroisses catholiques.14
D’ailleurs, en 1767, la mission de l’Assomption devient une
paroisse. Ainsi, protégés par leur langue, leur religion et leurs institutions, les Canadiens-français
continuent à pratiquer quotidiennement leurs propres coutumes et traditions.15
Malgré tout, en 1774, l’Acte de Québec rétablit en quelque sorte les droits dont jouissait la population
francophone avant la Proclamation royale. Par exemple, au Québec, le droit civil français est restitué16
et
les habitants ont la permission de pratiquer la religion catholique17
. Par la même occasion, la province de
Québec se voit annexée à la région des Grands Lacs ainsi qu’à une partie du Labrador et l’Ohio.18
Mais
la conjoncture politique de l’époque prépare un nouveau projet de loi : l’Acte Constitutionnel.
L’Acte constitutionnel est proclamé en 1791 créant le Haut et le Bas-Canada19
qui sont unis sous l’Acte
de l’Union en 1841.20
Les clauses politiques ne sont pourtant pas favorables pour les Francophones.
Quelques groupes d’insurgés se forment et les rivalités entre Anglophones et Francophones continuent.
Mais si le XIXe siècle se livre à ces remous politiques, il fut aussi marqué par un important essor
démographique. D’ailleurs, la population de l’Europe se met à s’étendre en Amérique du Nord ainsi que
sur d’autres continents. C’est alors l’époque de grandes migrations. 21
À cette occasion l’Ontario est
colonisé, l’Est de la province étant une zone privilégiée. On s’installe dans les régions d’Ottawa,
Rockland, Renfrew, Alfred, Pembroke, Russel…22
À partir de 1840, les communautés religieuses se font de plus en plus présentes. Par exemple, les Jésuites
reviennent, alors qu’arrivent les Oblats, les Sœurs Grises de la Croix, les Frères des Écoles chrétiennes,
11
Ibid., p.50. 12
Jacques GRIMARD et Gaétan VALLIÈRES, Explorations et enracinements français en Ontario, 1610-1978,
Esquisses historiques et ressources documentaires, Toronto, Ministère de l'Éducation, 1981, p.149. 13
Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, op. cit., p.35. 14
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.91. 15
Nouvelle-France, Encyclopédie canadienne,
http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=f1ARTf0005701, page consultée le 23
janvier 2011. 16
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.60. 17
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, Le passage du « Canada français » à « l’Ontario français », Sudbury
(Ontario), Institut franco-ontarien et Éditions Prise de parole, Collection Ancorage, 2003, p.8. 18
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.60. 19
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.8. 20
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.88. 21
Ibid., p.76. 22
Ibid., p.77.
5
les Frères de Saint-Gabriel, les Basiliens, entre autres. À cette époque, l’Église est bien plus qu’une
institution religieuse! Étant au cœur des communautés francophones elle est aussi considérée comme une
institution sociale.23
Les paroisses offrent leur support et permettent la cohésion sociale ce qui est
grandement nécessaire pour la minorité francophone qui s’acharne à garder ses droits.
S’en suit, en 1867, la Confédération canadienne. L’union des colonies britanniques de l’Amérique du
Nord et la création d’un gouvernement central24
encouragent la mise sur pied d’un marché commun.
Celui-ci est assuré par la construction d’un chemin de fer traversant le nouveau Dominion. Ceci permet
entre autres à l’Ontario de s’industrialiser, de s’urbaniser voire de profiter d’une expansion économique.
Au fur et à mesure que les voies ferrées sont installées, de nouveaux territoires s’apprêtent à être
colonisés. Le tracé du Canadian Pacific Railway (CP) permet l’ouverture du Nord de l’Ontario et de
nouvelles découvertes tels les minéraux de Sudbury sont mis en valeur.25
Cette route vers le Nord
favorise aussi l’industrie forestière.26
Évidemment ce genre d’expansionnisme, à la fin du XIXe siècle, a
pour conséquence de disperser davantage la population francophone un peu partout en province. 27
Par
contre, les promoteurs de la colonisation désignent le Nord de l’Ontario comme endroit privilégié et le
signalent aux Canadiens-français.28
Malgré leur dissémination partout en Ontario, les Francophones
estiment tout de même qu’ils appartiennent à une collectivité appelée le « Canada français ». 29
Jusqu’au milieu du XXe
siècle, tous les Francophones de l’Amérique du Nord ont pu former une patrie.
Étant descendants des Canadiens-français ils ont le même passé historique, partagent les mêmes valeurs,
la même langue, les mêmes traditions et la même culture. Et donc dans cette nation existe une
homogénéité.30
Refusant de s’assimiler à la population anglophone, les Francophones mettent sur pied
des institutions qui favorisent leur cohésion. Les institutions confessionnelles jouent alors un grand rôle
en créant des établissements d’enseignement, des couvents… car « la paroisse occupe une place
importante dans la société canadienne-française. Là où le clergé est de langue française, elle devient
souvent un point d’appui à la survivance.31
» La paroisse fournit un encadrement aux Canadiens-français
et ce, non seulement au point de vue religieux mais aussi au point de vue social, économique et culturel.32
Sous cet encadrement, les Canadiens-français continuent de coloniser les régions de l’Ontario. Une étude
de la population de l’époque révèle que ces derniers se concentrent davantage dans les régions
23
Ibid.,, p.84. 24
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.9. 25
Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, op. cit., p.54. 26
Ibid., p.61. 27
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.99. 28
Gaétan VALLIÈRES, « L’Ontario, terre privilégiée de colonisation hors-Québec : une perception québécoise
(1850-1930) » dans Revue du Nouvel-Ontario, Les Franco-Ontariens dans leur regard et dans le regard des autres,
Ottawa, Institut franco-ontarien de Sudbury, No 6, 1984, p.31. 29
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p9. 30
André CLOUTIER, « Le défi d’une communauté en mutation » dans Revue du Nouvel-Ontario, Les Franco-
Ontariens dans leur regard et dans le regard des autres, Ottawa, Institut franco-ontarien de Sudbury, No 6, 1984,
p.98. 31
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.101. 32
Gaétan GERVAIS, « L’Ontario français dans toutes ses régions », dans La Société Charlevoix (dir.), Les
régionalismes de l’Ontario français. Actes de la table ronde de la Société Charlevoix, Toronto, Éditions du Gref,
collection Dont actes no 23, 2005, p.13.
6
périurbaines telles que le Nord-Est, l’Est et le Sud-Ouest,33
là où ils peuvent travailler dans les industries
agricoles, minières et forestières.
C’est aussi à cette époque, c’est-à-dire entre le début et le milieu du XXe siècle, que se font ressentir des
sentiments nationalistes et impérialistes. Canadiens-français et Canadiens-anglais s’opposent
mutuellement quant à ces idéologies. Les Canadiens-français y sont coincés. 34
Il leur faut d’ailleurs
beaucoup de persévérance afin de lutter pour leur survivance culturelle ; une lutte qui deviendra de plus
en plus acharnée. Toutefois, leur vitalité culturelle devient si bien visible que le gouvernement lance des
politiques assimilatrices afin de s’assurer une certaine uniformité nationale. On peut considérer la
Circulaire d’instruction numéro 17 (adoptée en 1912) 35
comme étant l’une d’elles.
Aussi appelée le Règlement 17, cette politique vise à limiter, voire même interdire, l’enseignement du
français dans la province de l’Ontario. Ce règlement provoqua plusieurs chamboulements chez les
Francophones de la province. 36
Depuis l’imposition de ce règlement, les Francophones se sentent
davantage victimes de leur sort. Ne voulant pas succomber à l’assimilation, les élites francophones
mettent sur pieds une multitude d’organismes afin d’assurer l’avenir de la francophonie en Ontario.37
Une fois leurs efforts consolidés, ils forment une résistance contre l’ « anglification38
». La province de
Québec vient au secours de l’Ontario français parce que selon elle, il n’existe pas de frontières au sein de
la nation canadienne-française.39
La naissance du journal Le Droit (191340
) et l’Association canadienne-française de l’Ontario (191041
)
réclament les droits des Francophones en méprisant le fameux Règlement qu’ils considèrent comme étant
une ineptie.42
Mais à la suite de la Seconde Guerre mondiale, à l’heure de l’urbanisation et de
l’industrialisation, l’encadrement qu’avait offert le clergé jusque là commença à être contesté. On
reproche que cet encadrement avait été trop conservateur.43
Les médias américains aussi entraînent des
mutations importantes. Jusque là, les Canadiens-français n’avaient été appelés que très rarement à parler
en anglais.44
Mais afin de ne pas être « réprimés » de la société ils ont été incités, malgré eux, à entretenir
des relations avec la majorité anglophone ainsi « chevauchant deux langues et deux cultures45
».
33
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.114. 34
Ibid., p.103. 35
Gilles J.L., LEVASSEUR, Le statut juridique du français en Ontario, Tome premier, La législation et la
jurisprudence provinciales, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, p.116. 36
Ibid., p.116. 37
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.139. 38
Ibid., p.143. 39
Ibid., p.139. 40
Radio Canada, http://archives.radio-canada.ca/arts_culture/medias/clips/12852/, page consultée le 18 novembre
2012. 41
Office des affaires francophones, http://www.ofa.gov.on.ca/fr/annonces-090430-docdinfo.html, page consultée le
18 novembre 2012. 42
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit. p.146. 43
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit, p.9. 44
André CLOUTIER « Le défi d’une communauté en mutation » dans Revue du Nouvel-Ontario, Les Franco-
Ontariens dans leur regard et dans le regard des autres, Ottawa, Institut franco-ontarien de Sudbury, No 6, 1984,
p.98. 45
Ibid., p.99.
7
Un éclatement se prépare pendant la décennie 1960 : celui du Canada français. Cette période est
surnommée « la Révolution tranquille ». Jusque là, les Francophones au Canada avaient souvent été
dépouillés de leur langue et de leur culture. Désormais, le taux d’assimilation était devenu très élevé
parmi cette population. C’est alors que le nationalisme canadien-français prit les voiles de plus en plus
bel mais cette fois-ci, au nom de la nation québécoise46
. Effritée en morceaux, ce qui reste de la nation
canadienne-française hors-Québec devint une « minorité francophone ». Et à cette minorité on
n’accordait point de chances de pérennité ni de subsistance car on qualifiait déjà cette population de
« dead ducks » et de « cadavres encore chauds47
». 48
C’est dans cette atmosphère de perturbations que l’Association canadienne-française de l’éducation en
Ontario (ACFÉO) tient son congrès au début de cette décennie, soit en 1962. 49
Quelques années plus
tard, elle contemple le dossier scolaire en soutenant la nécessité d’ouvrir des écoles secondaires
catholiques. Elle est l’un des organismes qui insiste à ce que les gouvernements fédéral et provincial
améliorent la situation de leurs citoyens francophones. 50
Au début de la décennie, le gouvernement de Pearson lance une « Commission royale» (aussi connue
comme la Commission Laurendeau-Dunton) qui doit enquêter sur le biculturalisme et le bilinguisme au
Canada.51
Dans son rapport, cette dernière émet que « le Canada traversait la crise majeure de son
histoire52
». Elle ajoute que celui-ci souhaitait des changements. 53
C’est ainsi qu’en 1969, la Loi sur les
langues officielles du Canada est adoptée au palier fédéral.54
Gaétan Gervais dira que c’est en 1969 que
« certaines injustices historiques commises contre toutes les minorités françaises du Canada55
»
commencèrent à être rectifiées. 56
Notamment, le gouvernement de l’Ontario permet aux conseils
scolaires d’ouvrir des écoles secondaires francophones, de créer des sections francophones ou bien
d’offrir certains cours dans les écoles secondaires anglophones. Mais les conseils scolaires ne sont pas
obligés d’agir. Bien que certains conseils prennent l’initiative d’ouvrir des écoles secondaires
francophones, d’autres refusent tout simplement. 57
D’ailleurs, en 1970, un conflit explose un peu partout
en Ontario. Par exemple, dans le Nord-Est de l’Ontario et plus précisément à Sturgeon Falls, le conseil
scolaire refuse d’offrir des cours en français aux Francophones de la région qui composent la majorité de
la population.58
La campagne « Opération anti-assimilation » est lancée dans le but d’obtenir une école
secondaire francophone.59
60
Le conseil reconnait par la suite les droits des Francophones et l’école
46
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.181. 47
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p. 108. 48
Ibid., 108. 49
Ibid., p. 110. 50
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit.,, p.183. 51
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p. 194. 52
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.183. 53
Ibid., p.183. 54
Gaétan GERVAIS « Le problème des institutions en Ontario français » dans Revue du Nouvel-Ontario, Minorité
culturelle et institutions : l’Ontario français, Ottawa, Institut franco-ontarien de Sudbury, No 8, 1986, p.9. 55
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p. 195. 56
Ibid., p.195. 57
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.185. 58
Brigitte BUREAU, Mêlez-vous de vos affaires, 20 ans de luttes franco-ontariennes, Vanier : Association
canadienne-française de l'Ontario, 1989, p.28. 59
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.203.
8
secondaire Franco-Cité est fondée en 197161
dans le vieil édifice de l’ancienne école anglophone.
L’école anglophone est quant à elle maintenue mais cette fois-ci, dans un tout nouvel édifice et sous un
nouveau nom « Northern Secondary School ». Tout ceci n’aurait été possible sans l’aide de l’Association
canadienne-française de l’Ontario.62
D’autre part, cette époque connait aussi, en Ontario français, une « explosion culturelle63
». D’ailleurs
les historiens Gaétan Gervais et Michel Bock admettent que les Francophones de l’Ontario auraient
ressenti le besoin de s’affirmer et de s’identifier davantage à partir des années 197064
répondant à des
transformations politiques.65
Le drapeau franco-ontarien est alors conceptualisé et ensuite déployé pour la
première fois en 1975 à l’Université de Sudbury. Conçu par Gaétan Gervais et un groupe d’étudiants, il
devient « un symbole de ralliement de toute la communauté66
» franco-ontarienne. On se met même à
parler d’une « culture franco-ontarienne67
».
Dans les années 1982, la Charte canadienne des droits et libertés est rapatriée et garantie le bilinguisme
au palier fédéral ainsi que le droit à une éducation dans la langue de la minorité à condition qu’il y ait une
demande suffisante. Le gouvernement offre des services en français à la fin de la décennie grâce à la Loi
sur les services en français. (Loi 8) La décennie suivante reconnaît le drapeau franco-ontarien comme
emblème officiel des Franco-Ontariens68
et puis les années 2010, 35 ans après le déploiement de ce
dernier, le gouvernement ontarien adopte un projet de loi qui veut que la Journée des Franco-Ontariens
soit célébrée le 25 septembre de chaque année69
.
En fin de compte, Gaétan Gervais affirme que l’identité franco-ontarienne est une « construction » qui
répond à l’éclatement du Canada français. « Parler uniquement de « l’identité franco-ontarienne » ce
serait donc implicitement affirmer que l’appartenance à la communauté franco-ontarienne compte plus,
dans la vie de ses membres, que toute autre appartenance70
» dit-il. Il avance aussi que c’est à partir de la
mémoire du passé qu’une communauté peut construire son identité. Effectivement, il existerait un lien
direct entre histoire et identité. Et de toute évidence, les faits et les événements historiques font
perpétuellement l’objet de maintes interprétations si bien que ces dernières se chargent au fil du temps de
différentes significations. C’est ainsi à partir de la découverte de nouveaux faits du passé que naissent de
nouvelles identités.71
60
Les gens de la région témoignent encore de ces discordes. Ils racontent jusqu’à quel point les relations entre
Francophones et Anglophones de la région étaient tendues. Et à l’opposé, dans la communauté, les rapports entre
Francophones et Anglophones étaient fortement déconseillés. 61
Ibid., p.203. 62
Ibid., p.188. 63
Ibid., p.197. 64
Ibid., p.197. 65
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit.,, p. 196. 66
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.191. 67
Ibid., p.199. 68
Michel Bock et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.236. 69
Radio-Canada, http://www.radio-canada.ca/regions/Ontario/2010/04/26/006-journee-franco-ontarien.shtml, page
consultée le 19 novembre 2012. 70
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.217. 71
Ibid., p.217.
9
Ce mémoire est divisé en trois chapitres. Le premier fait une mise en contexte de la francophonie
canadienne et celle du nord-est de l’Ontario, en traitant de sa problématique, de l’historiographie relative
au sujet, de son cadre théorique et de la méthodologie appliquée. Le deuxième rend compte de l’enquête
ethnologique sur les pratiques culturelles (portrait des familles) et fournit un aperçu de la dynamique de
transmission de ces pratiques. Le troisième chapitre expose l’analyse des données en signalant les
valeurs dites traditionnelles et les tendances contemporaines.
11
CHAPITRE I - LES FRANCO-ONTARIENS DANS LA FRANCOPHONIE
CANADIENNE
12
Chapitre 1
LES FRANCO-ONTARIENS DANS LA FRANCOPHONIE CANADIENNE
Le premier chapitre a pour objectif d’exposer les notions relatives à la conceptualisation du projet
d’étude. Dans un premier temps, les limites territoriales sont établies et la francophonie canadienne du
Nord-Est de l’Ontario est mise en contexte. En deuxième lieu, le bilan historiographique est présenté. Par
cette occasion, je fais état des recherches qui ont déjà été menées dans différents domaines et qui me
fournissent des balises importantes à utiliser dans un contexte ethnologique, alimentant à la fois mes
réflexions et justifiant l’originalité de mon projet. Ensuite il est question de faire état de la problématique
qui est à l’origine de mon questionnement. Finalement, la dernière partie précise le cadre
méthodologique en expliquant la nature scientifique des données de recherches.
1.1 Contexte spatial : circonscription géographique Pour cette étude ethnologique, il convient d’abord de mettre en contexte l’espace circonscrit qui m’a
permis en partie de définir l’objet de mon enquête. Une observation analytique de la circonscription
géographique choisie révèle des paradoxes intéressants. Pour bien comprendre, il faut se livrer à des
réflexions qui rendent compte des circonstances issues de l’ancrage des Canadiens-français en sol
ontarien. Tour à tour, les chercheurs ont tenté d’émettre des théories pour expliquer la réalité de ce
territoire franco-ontarien. Je soulève parmi les plus importantes contributions celles du politicien-poète
Stefan Psenak, du sociologue Roger Bernard et de la géographe Anne Gilbert.
D’une part, Psenak affirmait que « l'Ontario français n'existe pas. C'est-à-dire que, ne possédant pas de
frontières propres […] il ne peut être circonscrit et tracé sur une carte géographique.72
» Selon lui, le
territoire de l’Ontario français est un « concept abstrait » 73
. Bernard quant à lui constatait selon ses
études qu’ « [I]l y a PLUSIEURS Ontario français74
» parce que les statistiques démographiques
démontrent que les Francophones qui habitent cette province sont disséminés partout à l’intérieur des
limites provinciales. 75
D’une autre part, convergentes à ces hypothèses, sont celles de Gilbert qui avoue qu’ « il n’existe pas
[…] de véritable théorie quant à l’influence des lieux et des espaces sur la vitalité culturelle76
». De plus,
elle considère que « le territoire est une réalité fort complexe, qui réfère autant à des éléments matériels
que symboliques.77
» Ses analyses divulguent que le territoire est issu de l’imaginaire et chacun de ses
habitants s’approprie ses lieux. Comme elle le dit bien, « les réalités franco-ontariennes sont si […]
différentes selon les régions qu’on ne saurait faire référence à l’Ontario français sans relever les
caractères spécifiques de chacune d’elles.78
»
72
Stefan Psenak, Le pavillon des miroirs ou l’éclatement d’un territoire imaginaire », Érudit,
http://id.erudit.org/iderudit/41808ac, Liaison, n° 105, 2000, p. 10-13, page consultée le 11 avril 2011. 73
Ibid., page consultée le 11 avril 2011. 74
Ibid., page consultée le 11 avril 2011. 75
Ibid., page consultée le 11 avril 2011. 76
Anne GILBERT, Espaces franco-ontariens, Ottawa-Carleton, Le Nordir, 1999, p. 14. 77
Ibid., p. 156. 78
Ibid., p.47.
13
S’impose alors le choix d’une région pour ce travail. Une étude des caractéristiques régionales
ontariennes et des constats basés sur les statistiques de 2006 me
permet de retenir le Nord-Est de l’Ontario comme région d’étude en
raison de ses attributs particuliers. Tout d’abord, je tiens à signaler que
la province de l’Ontario constitue le plus grand bassin de
Francophones hors du Québec.79
Selon l’Office des affaires
francophones de l’Ontario, cette population est distribuée de façon
suivante : 22,5 % dans le Nord-Est, 1,4 % dans le Nord-Ouest, 41,5 %
dans l’Est, 28,7 % dans le Centre et 5,9 % dans le Sud-Ouest.80
Plus
précisément, ceci indique qu’environ deux-tiers de la population
francophone se concentre dans la région de l’Est et Nord-Est de la
province.81
Les statistiques indiquent aussi que la région du Nord-Est de la
province connait la plus grande proportion de Francophones par
rapport à la population régionale. D’ailleurs, 83,2% des Francophones de cette région sont nés en
Ontario, ce qui représente la plus grande proportion de gens nés dans cette province. 82
Notamment, le
nombre de familles qui sont constituées de conjoints francophones se chiffre à 42,6 %83
. De plus, 79,8 %
des Francophones témoignent qu’ils utilisent le français au travail.84
En définitive, il ne serait pas faux de
déduire que ce sont de tels constats qui formulent les particularités propres à l’affirmation identitaire
franco-ontarienne de cette région.
1.2 Contexte temporel - conjonctures historiques, politiques, sociales et
culturelles Si une étude spatiale m’a permis de définir l’objet de mon enquête, je signale que les conjonctures
historiques, politiques et culturelles jouent un rôle déterminant et influencent le contexte temporel de mon
enquête ethnologique.
79
Office des affaires francophones, Ontario, http://www.ofa.gov.on.ca/fr/franco.html, page consultée le 31 mars
2012. 80
Ibid., page consultée le 31 mars 2012. 81
La Fondation Trillium de l’Ontario et l’Office ces affaires francophones,
http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024296.html#table1, page consultée le 31 mars
2012. 82
La Fondation Trillium de l’Ontario et l’Office ces affaires francophones,
http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024298.html#chart3, page consultée le 31 mars
2012. 83
La Fondation Trillium de l’Ontario et l’Office ces affaires francophones,
http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024300.html, page consultée le 31 mars 2012. 84
La Fondation Trillium de l’Ontario et l’Office ces affaires francophones,
http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024441.html#chart8data, page consultée le 31
juillet 2012.
Figure 1 : Régions de l’Ontario (Office des
affaires francophones, Ontario,
http://www.ofa.gov.on.ca/fr/franco-
carte.html, page consultée le 31 mars 2012.
14
1.2.1 Conjonctures précédant les années 1960 : La nation canadienne-française
Il n’est pas inutile de rappeler que quelques temps après l’arrivée des premiers Français sur le continent
nord-américain, une nation francophone apparait.85
Même en étant dispersée, elle maintient au fil des
siècles un genre de synchronisme historique, politique, social et culturel. En ce sens, André Cloutier
affirme qu’à l’époque, le contexte des Canadiens-français de l’Ontario s’inscrivait dans le même que
celui des Canadiens-français du Québec parce que tous partageaient la même langue, la même culture, la
même religion, les mêmes valeurs et souvent les mêmes façons de faire. Ainsi, les Francophones de
l’Ontario s’identifiaient à la nation canadienne-française nord américaine en tant que communauté
ethnique et ce, pour la période de temps précédant les années 1960. 86
1.2.2 Conjonctures des années 1960 : De Canadien-français à Franco-Ontarien
Au Canada français, ce qui caractérise les années 1960 est sans aucun doute la Révolution tranquille.
« La plupart des historiens qui traitent du Canada français et de la francophonie canadienne acceptent la
thèse de la fin du Canada français, ou tout au moins de son éclatement, au cours des années 1960 87
»
admet Gratien Allaire. Ce serait un groupe de jeunes intellectuels qui auraient voulu redéfinir le
nationalisme traditionnel canadien-français afin de construire un état-nation moderne dans la province de
Québec. 88
Toutefois, la souveraineté réclamée par les Canadiens-français du Québec provoqua un
sentiment d’angoisse chez les Francophones des autres provinces. Qu’allait-il advenir de leur identité si
la plus grande masse des Francophones du Canada se détournait d’eux? Sitôt écrivains et politiciens
qualifièrent les Francophones hors Québec de « cadavres encore chauds89
» ou bien de « Dead ducks »90
,
croyant que leur assimilation à la population anglophone allait être inévitable.
1.2.3 Conjonctures suivant l’avènement des années 1960 : le Franco-Ontarien
Suite à la Révolution tranquille, l’Ontario français fait face à son destin.91
Les perturbations des
structures traditionnelles qui découleront subséquemment de la rupture du Canada français, exigeront à ce
que les Francophones de l’Ontario redéfinissent leur identité.92
Gaétan Gervais et Michel Bock parlent
d’un «grand virage ». Débutant en 1969, celui-ci aurait marqué le commencement d’une grande période
de changements93
. Il y aura premièrement les efforts déployés par l’Association canadienne-française de
l’Ontario (ACFO) qui se mettra à s’intéresser à tous les dossiers de l’Ontario français. Deuxièmement, il
y aura un genre d’explosion d’activités artistiques franco-ontariennes. Troisièmement, il y aura la
création d’écoles secondaires francophones un peu partout dans la province. Et quatrièmement, il y aura
85
Cornelius J. JAENEN, op. cit., p.39. 86
André CLOUTIER, op, cit. p .98. 87
Gratien ALLAIRE, Le triangle Canadien-Français au tournant des années 1960. le conseil de la vie Française en
Amérique, la société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et l'Ordre de Jacques-Cartier, Les Presses de l'Université
d'Ottawa, 2004, http://muse.jhu.edu/journals/francophonies_damerique/v017/17.1allaire01.html, page consultée le
09 janvier 2011. 88
Micheal Derek BEHIELS, Prelude to Québec’s quiet revolution: liberalism vs neo-nationalism 1945-1960,
McGill-Queen's University Press, 1985, p xi. 89
Yves FRENETTE « Les relations entre le Québec et les Francophones hors-Québec », dans Michel PLOURDE et
Pierre GEORGEAULT (dir.), Français au Québec, 400 ans d’histoire et de vie, Éditions Fides, 2000, p.400 90
Gaétan Gervais, Des gens de résolution, op. cit., p.196. 91
André CLOUTIER, op. cit., p .98. 92
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p. 108. 93
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.186.
15
l’adoption d’une loi portant sur les langues officielles qui, en 1969, reconnaîtra le français et l’anglais
dans les institutions fédérales nationales.94
Sans équivoque, en raison des différentes conjonctures du
XXe siècle, la condition d’être du Francophone de l’Ontario est intéressante.
1.3 Bilan historiographique Mon sujet, de nature ethnologique, porte sur l’Ontario français, terrain que plusieurs chercheurs ont déjà
étudié de divers points de vue disciplinaires. Dans le bilan que je présente, je fais ressortir les thématiques
qui ont retenu l’attention des chercheurs relativement à l’identité et la culture des Francophones
d’Amérique, ainsi que les débats sur ces questions.
Bien que les études dans ce domaine abondent, elles sont quand même tout à fait récentes. Il faut
mentionner à cet égard, que le processus d’identification par lequel les Francophones de la province de
l’Ontario se définissent, en est un qui peut être appréhendé à la suite de la Révolution tranquille (1960)
lors de la création d’une communauté dite québécoise.95
Les chercheurs Françoise Boudreau96
, Gaétan
Gervais97
, Roger Bernard98
notamment, font tous ce même constat quant à cette différenciation identitaire
québécoise et ontarienne.
1.3.1 Volet identitaire
La notion d’identité des Franco-Ontariens est une préoccupation évidente pour les chercheurs. L’identité
comme concept lui-même a été étudié depuis maintenant quelques temps. Dès 1972, Érik Érickson
affirme que l’acquisition de l’identité personnelle établit le développement psychologique de l’individu.99
René Zazzo affirme pour sa part, en 1980 que :
« Le sentiment d’identité découle de la participation de l’individu à une entité
collective comme la famille et la communauté par exemple parce que celles-ci
fournissent des valeurs et de la confiance qui sont indispensables à tout individu dans
la société 100
».
Les recherches recensées présentent deux types d’identité: l’identité personnelle et l’identité collective.
Françoise Boudreau en témoigne :
« L’identité personnelle comme membre d’un groupe ethnique s’apprend et,
comme l’identification avec ce groupe n’est pas toujours spontanée, elle se
choisit, s’accepte ou se refuse ; elle n’est pas toujours fixe ou statique, elle est
en mouvance, négociée au sein de toute une série de circonstances individuelles
et collectives.101
»
94
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.186-187. 95
Françoise BOUDREAU, op. cit., p.36. 96
Ibid., p.39. 97
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.195. 98
Françoise BOUDREAU, op. cit., p.38. (ici c’est curieux, puisque la référence devrait renvoyer à Roger Bernard) 99
Altay A. MANÇO, Processus identitaires et intégration: Approche psychosociale des jeunes issus de
l’immigration, Paris, L’Harmattan, 2006, p.131. 100
Ibid., p.131. 101
Françoise BOUDREAU op. cit., p.39.
16
Selon Louis-Jacques Dorais l’identité individuelle peut être définie comme « la façon dont l’être humain
construit son rapport personnel avec l’environnement 102
». Le mot « rapport » s’explique par une
identification personnelle lorsque les gens se rendent compte qu’il y a d’autres personnes qui font partie
de leur milieu. Il ajoute aussi que l’identité « n’est pas donnée une fois pour toute103
». Elle est
construite et elle reflète l’histoire personnelle individuelle.104
Ceci rejoint ce qui a déjà été évoqué au
début de l’introduction de ce travail: que l’ « on ne naît pas Franco-Ontarien mais qu’on le devient105
».
Quant au mot « environnement » de cette définition, selon les recherches de Dorais, il signifie les gens,
les paroles, les actes des gens, les représentations transmises par les actes et les paroles, entre autres.106
Par ailleurs, Dorais définit l’identité collective comme étant à la fois politique, ethnique, sociale,
culturelle, socioculturelle, ethnoculturelle... Celles qui reviennent le plus souvent selon Dorais sont
l’identité culturelle, ethnique et nationale. L’identité culturelle se définit comme « le processus grâce
auquel un groupe d’individus partagent une manière partiellement commune de comprendre l’univers,
d’agir sur lui, et de communiquer ses idées et ses modèles d’action, prend conscience du fait que d’autres
groupes et individus pensent, agissent et (ou) communiquent de façon plus ou moins différente de la
sienne107
». 108
L’identité ethnique se définit comme « la conscience qu’un groupe [...] a de sa position
économique, politique et culturelle par rapport aux autres groupes de même type faisant partie du même
état109
». Et l’identité nationale se définit comme « la conscience d’appartenir à un peuple qui, sous la
gouverne de l’État, a le droit et le devoir de contrôler un territoire bien délimité et de le défendre contre
les étrangers si besoin est.110
»
Ces énoncés sont applicables en contexte canadien-français et franco-ontarien. D’ailleurs, les
sociologues auraient été les premiers à étudier l’identité franco-ontarienne spécifiquement.111
Notamment, on dit que la sociologie « cherche à comprendre ce qui se passe dans une situation donnée et
à l’interpréter en termes d’action 112
» Par exemple, Linda Cardinal, à la suite des analyses portant sur
l’identité franco-ontarienne de Danielle Juteau, constatait :
« Ce moment constitue une première, puisque jusqu’alors la sociologie s’est surtout
penchée sur le développement de la nation canadienne-française, du peuple acadien et
du Québec et a pratiquement ignoré les Francophones hors Québec, ceux de l’Ontario
et de l’Ouest surtout, sinon pour évaluer leur disparition numérique. 113
»
102
Louis-Jacques DORAIS, « La construction de l’identité », dans Denise DESHAIES et Diane VINCENT (dir.),
Discours et constructions identitaires, Les Presses de l’Université Laval, 2004,
http://www.erudit.org/livre/cefan/2004-1/000660co.pdf, p.1-11, page consultée le 4 janvier 2013. 103
Ibid., p.3. 104
Ibid., p.3. 105
Fernan CARRIÈRE, op. cit., p.334. 106
Louis-Jacques DORAIS, op. cit., p.4. 107
Ibid., p.5. 108
Ibid., p.5. 109
Ibid., p.8. 110
Ibid., p. 9. 111
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.207. 112
Liliane VOYER, Sociologie : Construction du monde , construction d’une discipline, De Boek, 1998, p.11. 113
Françoise BOUDREAU, « La francophonie ontarienne au passé, au présent et au futur : bilan sociologique »,
dans Jacques COTNAM, Yves FRENETTE et Agnès WHITFIELD, (dir.) La francophonie ontarienne, bilan et
perspectives de recherche, Ottawa, Nordir, 1995, p.36.
17
Les historiens ont eux aussi fait de l’identité franco-ontarienne leur objet d’étude. L’ensemble très
significatif des ouvrages de Gaétan Gervais, spécialiste de l’Ontario français et professeur d’histoire à
l’Université Laurentienne de Sudbury pendant plusieurs années, fournit aux chercheurs dans le domaine
de la francophonie canadienne et ontarienne, des renseignements indispensables. Par exemple, l’une de
ses publications récentes, Des gens de résolution (Prise de parole 2003), explore les façons par lesquelles
les Franco-Ontariens ont vécu la fin du Canada français.114
De ces recherches se dégagent un certain consensus quant à l’identité franco-ontarienne. Normand
Frenette en présente une synthèse. Il signale que l’identité franco-ontarienne est constituée de quatre
éléments. Entreraient en ligne de compte l’élément objectif (lieu géographique), l’élément subjectif (le
sentiment d’appartenance), l’élément linguistique (la langue) et l’élément sélectif (vouloir ou non, faire
partie d’un groupe)115
. Françoise Boudreau commente que ces éléments correspondent entre autres à la
« ligne de pensée contemporaine sur l’identité et le processus d’identification 116
».
Conséquemment, les débats entourant la question identitaire reposent sur les difficultés à établir des
critères d’analyse pour définir l’identité franco-ontarienne ainsi que la place que les Franco-Ontariens
occupent au sein de la francophonie canadienne. Compte tenu de ce qui vient d’être dit s’ajoutent les
complexités liées à l’évaluation de l’existence ou de l’absence de l’homogénéité de l’identité franco-
ontarienne. Qui est le Franco-Ontarien? Est-ce un Francophone né en Ontario pratiquant les traditions de
ses ancêtres Canadiens- français? Si oui, qu’en est-il du Francophone né ailleurs dans le monde et
maintenant résidant de l’Ontario? Est-ce un Franco-Ontarien lui aussi? Incontestablement, le défi à
relever est celui portant sur la définition de l’identité et l’homogénéité franco-ontarienne.
1.3.2 Volet historique et idéologique
La notion de culture franco-ontarienne a aussi retenu l’attention des chercheurs. Les historiens117
, à l’aide
de repères historiques qui servent de points d’ancrage à leurs recherches, s’acharnent à comprendre les
mutations entraînées par les événements historiques pour découvrir et reconnaître la spécificité ainsi que
la culture franco-ontarienne. Par exemple, les rappels chronologiques historiques (voir p.3-9) démontrent
que le Canada français éclate pendant la décennie des années 1960118
, que jusque là, les Canadiens-
français avaient formé une patrie commune119
et puis ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’on se met à
parler d’une culture franco-ontarienne.120
Ces recherches historiques trouvent qu’il y existe une culture
franco-ontarienne issue de la culture canadienne-française.
Le Tableau d’avancement : petite ethnographie interprétative d’un certain Canada français de Gilles
Paquet expose que « l’expérience du Canada français ne peut être utilement réduite au seul mythe de la
114
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., 230p. 115
Ibid. p.39. 116
Ibid., p.39. 117
Voir les chercheurs et leurs recherches aux pages 3 à 9 de ce projet. (il aurait été utile de les répéter dans le texte) 118
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.181. 119
André CLOUTIER, op. cit., p.98. 120
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.199.
18
Révolution tranquille121
». Les recherches de cet auteur indiquent que ce que nous connaissons de cette
expérience n’est qu’un assemblage d’information. Pour l’instant, cet assemblage est néanmoins
indispensable en ce qu’il sert à déloger certains fondements sociaux, individuels, culturels et idéologiques
par exemple, ainsi qu’à réaliser des représentations plus complexes relatifs à ceux-ci.122
D’autre part, l’évolution des recherches offre une définition contemporaine de ce que l’on entend par
culture et démontre comment celle-ci est applicable au Canada français. Selon Gilles Paquet :
« La culture se définit comme « un ensemble d’habitus – des formes typiques de
comportement social transmissibles par apprentissage ou imitation – qui médiatisent
les relations (entre acteurs et entre acteurs et environnement) et aident à coordonner
leurs actions. Le Canada français peut donc être défini comme un ensemble de
pratiques empiriques (privés, publics et civils) – sorte de « procès institué » […] –
c'est-à-dire comme la cristallisation de ses habitus en manières de voir, manières
d’être, règles, normes, croyances, coutumes, patterns de réaction, etc., plus ou mois
caractérisés123
».
Paquet parle aussi de « culture de base » qui se dit être une culture basée sur « les représentations et les
reconstructions des élites124
» que l’histoire a captée.125
(La « culture seconde » quant à elle est assujettie
aux idéologies et n’a pas à se fixer dans le réel.126
) Cette théorie va de pair avec celle des chercheurs
Charles Péguy et André Burelle qui reconnaissent « les besoins communautaires et territoriaux » de
l’humain. Selon eux, l’humain, se livre à un ancrage dans des « patries charnelles » qui sont « la famille,
le quartier, le village, la nation ». 127
Il s’agirait d’un style culturel particulier qui a su se développer au
Canada français. 128
Parallèlement, Diane Farmer atteste aussi de la nécessité de puiser dans l’histoire (qui permet d’entrevoir
la culture de base selon Gilles Paquet) pour entrevoir l’identité culturelle des Francophones. Elle retrace
plus particulièrement l’idéologie traditionnelle conservatrice cléricale du Canada français à l’époque du
milieu du XIXe siècle pour expliquer la culture franco-ontarienne. Cette idéologie, au Canada français,
servait de point d’ancrage et d’elle se dégageaient les fondements culturels d’où découlaient les
valeurs.129
« Les Canadiens-français sont tout d’abord un peuple fondateur, porteur d’une histoire
et d’une culture devenue minoritaire. Ils ont le devoir de préserver leur héritage
ancestral et de le transmettre de façon intacte à la génération suivante ; la religion
catholique et la langue française, de même qu’un grand nombre de coutumes et de
traditions constituent cet héritage. Le passé constitue le temps privilégié. On idéalise
la société canadienne-française de la deuxième moitié du XIXe siècle, une société
121
Gilles PAQUET, Le Tableau d’avancement : petite ethnographie interprétative d’un certain Canada français,
Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2008, préface p.i. 122
Ibid, 234p. 123
Ibid, p.2. 124
Ibid, p. 3. 125
Ibid, p. 3 126
Gilles PAQUET, op. cit., p.5. 127
André BURELLE, Le droit à la différence à l’heure de la globalisation : Le cas du Québec et du Canada,
Montréal, Les Éditions Fides, 1996 , p.12. 128
Gilles PAQUET, op. cit.,p.6. 129
Diane FARMER, Artisans de la modernité : les centres culturels en Ontario français, Ottawa, Les Presses de
l’Université d’Ottawa, Collection Amérique française, 1996, p.37.
19
traditionnelle, immuable, voire figée dans le temps. Les fondements de cette culture
reposent sur deux ensembles de valeurs : l’un positif et l’autre négatif. Le premier
renvoie bien sûr à la langue française, à la religion catholique, à l’histoire nationale
ainsi qu’à la ruralité, la famille et une culture spiritualiste. Le second ensemble de
valeurs s’exprime par la négation et se traduit par le rejet de l’impérialisme anglais, de
l’industrialisation, de l’urbanisation et des moyens de communication de masse –
livres, revues et autres. On rejette donc tout ce qui pourrait susciter un changement et
altérer cet héritage. La justification que l’on apporte à la nécessité de préserver cette
culture réside dans la croyance en la qualité et la supériorité de celle-ci. 130
»
Cette citation offre un regard renforcé dans les études sur la culture traditionnelle des Franco-Ontariens.
Les recherches folkloriques permettent précisément de constater l’existence culturelle franco-ontarienne.
D’ailleurs, la culture traditionnelle canadienne-française considérée maintenant comme franco-
ontarienne, « se distingue de la culture anglo-saxonne131
. » C’est en fait ce que stipule Jean-Pierre
Pichette dans Ethnologies francophones de l’Amérique et d’ailleurs. Il ajoute aussi que «l’évolution des
recherches sur les traditions de l’Ontario français peuvent être envisagées sous l’angle d’un passage
menant du folklore à l’ethnologie132
». Entre autres, en Ontario français, de nombreuses enquêtes
ethnographiques ayant comme objet de recherche les multiples aspects encore vivants du folklore franco-
ontarien tels que les chansons, la musique, les contes et légendes, les coutumes et les jeux, ont donné lieu
à une riche compilation qui fait justement preuve de la culture des Franco-Ontariens. Celle-ci est le fruit
des cueillettes de nombreux praticiens dont la contribution doit être soulignée soit Marius Barbeau133
,
Édouard-Zothique Massicotte, François-Joseph Brassard,134
Marie-Rose Turcot135
, Joseph-Ménard
Carrière, Lionel Bourassa, Germain Lemieux, 136
Jean-Pierre Pichette et Marcel Bénéteau entre autres.
Jean-Pierre Pichette publiait dans son « Répertoire ethnologique de l’Ontario français » (1992) le tableau
suivant traduisant la compilation jusque là inventoriée et donc, l’évolution des recherches folkloriques et
ethnologiques en Ontario français datant depuis les années 1980.
130
Ibid., p.37. 131
Jean-Pierre PICHETTE, « Nouvelles perspectives de recherche en Ontario-français » dans Anne-Marie
DESDOUITS et Laurier TURGEON (dir.), Ethnologies francophones de l'Amérique et d'ailleurs, Sainte-Foy,
Presses de l’Université Laval, 1997, p.63. 132
Ibid., p.61. 133
Jean-Pierre PICHETTE, Répertoire ethnologique de l’Ontario français : Guide bibliographique et inventaire
archivistique du folklore franco-ontarien , Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1992, p.25. 134
Ibid., p.25. 135
Ibid.,p.33. 136
Ibid.,p.34.
20
Tableau 1 : Objets de recherche folklorique 137
(voir ANNEXE 1 : Index des collections pour nom des organismes)
Centre
Ch
anso
n
Mu
siqu
e
Co
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toir
es
Lég
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Cu
ltu
re
mat
érie
lle
Méd
ecin
e
po
pu
lair
e
autr
es
Total
par
centre
ACFO (27) (27)
AFUL 192 7 9 13 2 29 150 6 3 411
BMM 237 237
CAF (276) (24) (6) (16) (322)
CCÉCT 712 163 76 4 31 50 2 32 1 71 30 1172
CCFC 7 1 2 1 28 39
CFOF 3335 562 120 13 4030
CRCCF 593 24 6 47 18 688
CRÉFO 58 (58) (58)
DFUS 2188 37 566 508 206 2502 1168 338 78 18 196 28 434 8267
IFO 282 215 4 501
OFFA 14 14
Privés (3) (26) (29)
Total
par
genre
7264 231 1219 646 237 2556 1199 678 261 294 207 99 526 15417
Dans ce Répertoire, Pichette, affirme que plusieurs folkloristes ayant effectué des recherches en Ontario
français, n’ont pas déposé leurs corpus de données dans les archives.138
De plus, il ajoute que les
collectes qui furent déposées dans les archives demeurent inconnues par les ethnologues et aussi par les
Franco-Ontariens139
. Leur « rayonnement est forcément limité140
» déclare-t-il. Les défis à surmonter
dans le domaine ethnologique en Ontario français selon Pichette, découlent d’une perception d’où la
croyance générale populaire aurait comme conviction que le folklore est l’étude d’un passé éteint. Les
objectifs sont alors de faire valoir le fait que le folklore est en fait bien vivant, de diversifier les objets de
recherche de ce domaine, de soutenir les intérêts pour de telles recherches et de continuer à ajouter au
corpus déjà accumulé. 141
L’évolution des recherches démontre alors un consensus quant à ce qui doit être envisagé par rapport à la
culture. Comment la culture traditionnelle en milieu minoritaire peut-elle survivre? La culture
traditionnelle a-t-elle encore une place dans le monde contemporain? Comment favoriser la transmission
de la culture traditionnelle? Par quels mécanismes la culture traditionnelle est-elle transmise? Quelles
sont les institutions qui favorisent la transmission de la culture traditionnelle? Comment encourager les
recherches sur la culture populaire?
137
Ibid., p.39. 138
Ibid., p.1. 139
Ibid., p.2. 140
Loc, cit. 141
Ibid., p.41.
21
1.3.3 Volet minoritaire
Tout comme les études portant sur le fait identitaire, celles sur le fait minoritaire franco-ontarien sont
aussi récentes. Dans son livre Des gens de résolution, Gaétan Gervais affirme que :
«L’Ontario français a cessé d’être la partie ontarienne du Canada français pour
devenir la partie française de l’Ontario. Cette mutation, engendrée directement par la
disparition de l’identité canadienne-française dans les années soixante, s’exprime,
depuis un quart de siècle, par l’ontarianisation de la minorité franco-ontarienne et par
le changement de son leadership.142
»
Les interprétations contemporaines traduisent le fait minoritaire de la francophonie provinciale ontarienne
comme étant tout à fait particulière. D’ailleurs le fait minoritaire demeure l’une des préoccupations les
plus importantes pour plusieurs Franco-Ontariens.
Les recherches quant aux mesures politiques prises par le gouvernement fédéral et provincial pour aider
la cause des minorités au Canada et en Ontario sont assez nombreuses. On démontre par exemple les
avantages amenés par la loi fédérale des langues officielles de 1969, la Charte canadienne des droits et
libertés de la personne de 1982 (et l’article 23 qui garantit les droits scolaires) et la loi ontarienne des
services en français de 1986.143
De plus, la recherche universitaire portant sur la francophonie en situation minoritaire connait un grand
essor depuis 1982144
. Par exemple, l’Université de Sudbury et l’Université Laurentienne, toutes deux
situées à Sudbury (Nord-Est de la province), se sont jointes à l’Association des universités de la
francophonie canadienne (AUFC) qui a comme mandat de «promouvoir la concertation et la
collaboration entre les chercheurs dont les travaux portent sur les problématiques des communautés
francophones en situation minoritaire […] 145
». Le portail internet de l’AUFC se dit être «un outil de
communication, de diffusion et de documentation pour les chercheurs, les centres, chaires et réseaux de
recherche, les éditeurs et les presses universitaires, les étudiants ainsi que les revues savantes, et ce, au
pays et à l'échelle internationale. »
En consultant le répertoire de Centres, chaires et instituts, il est possible de témoigner de ces recherches
comme par exemple, celles qui se penchent sur la société et sur la culture des Francophones au sens large
(Centre de recherche en civilisation canadienne-française146
), sur les pratiques langagières et éducatives
(Centre de recherches en éducation franco-ontarienne147
), sur le processus d’inclusion et d’exclusion à
l’école et du mandat de celle-ci auprès des jeunes et des familles en milieu francophone minoritaire
142
Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.202. 143
Ibid., p.203. 144
Portail de la recherche sur la francophonie canadienne,
http://www.francophoniecanadienne.ca/main+fr+00_200+association_universites_francophonie_canadienne.html,
page consultée le 27 décembre 2012. 145
Ibid., page consultée le 27 décembre 2012. 146
Centre de recherche en civilisation canadienne-française, http://www.crccf.uottawa.ca/, page consultée le 27
décembre 2012. 147
Centre de recherches en éducation franco-ontarienne, http://crefo.oise.utoronto.ca/ACCUEIL/, page consultée le
27 décembre.
22
(Chaire de recherche éducation et francophonies148
) entre autres. Il est aussi possible de témoigner des
efforts déployés par les Francophones pour promouvoir et mettre en valeur la francophonie (Centre des
francophonies des Amériques149
).
Les chercheurs, qu’ils s’adonnent à travailler les statistiques pour comprendre les fluctuations
démographiques des Franco-Ontariens ou bien qu’ils mènent des activités de recherches sur les pratiques
et les processus utilisés, ont en général comme but de diffuser, ou de mettre en valeur leurs ressources
afin de faire connaître la situation actuelle et même d’entrevoir le destin des Franco-Ontariens. Les
grandes questions posées par les chercheurs qui s’intéressent au fait minoritaire des Franco-Ontariens
peuvent être regroupées de façon suivante : Qu’en est-il de l’assimilation des Franco-Ontariens en milieu
minoritaire? Comment s’assurer de l’avenir de la minorité francophone en Ontario si les statistiques
démographiques démontrent un vieillissement et une baisse de la population?
1.3.4 Volet familial
La famille est au cœur de cette recherche. Pour faire état des recherches, il faut premièrement signaler
qu’un nombre important d’ouvrages ont été faits sur cette institution. Même si les auteurs émettent
plusieurs théories à son égard, tous ne divergent pas autant au point de vue de son rôle primordial. Par
exemple, Martine Segalen avoue que la famille « désigne à la fois individus et relations 150
». Dans
l’ensemble, ses recherches se penchent sur les rôles de la famille et des individus qui la composent, sur
les facteurs de l’évolution des rôles, sur la répartition des rôles, sur la transmission du patrimoine, entre
autres.
Les recherches de Pierre Louis Lapointe auprès de sociologues comme Nicole Gagnon151
,
d’anthropologues tels que Marc-Adélard Tremblay152
et d’historiens comme Louise Dechêne153
, offrent
une bonne explication de ce qu’est la famille traditionnelle canadienne-française. En considérant le
caractère social de celle-ci, il établit qu’elle est patrilinéaire et patriarcale, voulant dire que le patrimoine
et le nom de la famille sont transmis de père en fils. D’autre part, Lapointe précise que le réseau de la
parenté et les traditions sont matrilatérales.154
Il élabore un schéma qui identifie les caractéristiques
familiales suivantes qui émanent du Régime français et subsistent jusqu’au XXe siècle : le père de la
famille est le chef officiel de celle-ci, ce qui découle du religieux, du sens moral, entre autres, relève de la
mère, le rôle des conjoints est défini selon la tradition.155
(Il est à noter que je considère les
caractéristiques qui me sont d’intérêt pour ce projet.)
148
Chaire de recherche éducation et francophonies, http://www.education.uottawa.ca/cref/index.html, page
consultée le 27 décembre 2012. 149
Centre des francophonies d’Amérique,
http://www.francophoniedesameriques.com/fr/centre/presentation_du_centre.html, page consultée le 27 décembre
2012. 150
Martine SEGALEN, Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin, 1981, p.10. 151
Pierre Louis LAPOINTE, Les Québécois de la bonne entente : un siècle de relations ethniques et religieuses
dans la région de Buckingham, 1850-1950, Sillery, Les Éditions Septentrion, 1998, p.52 152
Ibid., p.52. 153
Ibid., p.53. 154
Ibid., p.52. 155
Ibid., p.53.
23
Également, Lapointe particularise d’autres aspects de la famille traditionnelle canadienne-française. « La
famille traditionnelle est une entité valorisée en tant que source de bonheur de la personne156
». Il déduit
que les liens familiaux s’expriment par la «simplicité et la générosité »157
ce qui fait de la sociabilité
l’une des valeurs importantes. 158
Parmi d’autres valeurs se trouvent la soumission à l’autorité ainsi que
l’ordre, le sens du devoir et la loyauté.159
Ce seraient de tels traits et valeurs qui font de la famille
traditionnelle canadienne-française une unité unique en son genre.160
Pour tout dire, l’auteur apporte une
conclusion servant à décrire le Canadien-français :
« C’est un être qui a baigné dans un univers familial balisé de sécurité affective, de
chaleur humaine, de solidarité, d’entraide et de conformité à une éthique dont les
normes visent avant tout le maintien du climat d’harmonie, de civilité, d’amabilité et
de grégarité associés à la famille canadienne-française161
».
Philippe Garigue, dans La vie familiale des Canadiens-français, indique lui aussi que la famille fait
l’objet d’analyses depuis plusieurs années et que les informations sur celle-ci remontent aux XVIIe et
XVIIIe siècles grâce aux récits des voyageurs-ethnologues. Selon lui, les monographies ethnographiques
accumulées depuis cette époque forment un riche corpus de données et permettent d’étudier et d’analyser
les mutations des aspects familiaux.162
Dans sa propre analyse, après avoir considéré des études
antérieures, Garigue envisage analyser les rapports de la famille canadienne française. À partir de cette
étape, les rôles des membres, leurs significations et les valeurs familiales y découlant sont analysés.
« L’analyse de la famille ne saurait être complète sans l’examen des « valeurs »
familiales, puisque celles-ci sont des phénomènes intrinsèques au comportement
familial. De plus, à travers les « valeurs », il est possible de rejoindre le problème de
la spécificité historique dans laquelle se situe la vie familiale des individus. [...] Dans
la mesure où une société possède des traditions culturelles, ces dernières reçoivent
leur légitimité du mécanisme même de la socialisation familiale. Non seulement la
famille est l’organisme catalyseur assurant la continuité dans le temps de la tradition,
mais les parents agissent comme les instruments mêmes de l’institutionnalisation des
« valeurs » entre les générations163
».
Marissa Zavalloni et Jane Méjias sont aussi auteures d’œuvres qui montrent une évolution dans les
recherches auprès de la famille. Par exemple, Zavalloni dans son livre l’Émergence d’une culture au
féminin, présente divers articles portant sur l’évolution du rôle de la femme dans la famille, des attitudes
professionnelles, de l’autonomie féminine et aussi de ses fonctions au foyer.164
L’étude, publiée en 1987,
permet d’entrevoir les fameuses mutations des rôles dans la famille. Un autre exemple de recherches est
celle de Méjias qui, dans Sexe et société, établit non seulement ce qu’est le mythe social du rôle de
156
Ibid., p.54 157
Ibid., p.54. 158
Ibid., p.55. 159
Ibid., p.58. 160
Ibid., p.54 161
Ibid., p.57. 162
Philippe GARIGUE, La vie familiale des Canadiens -français, Montréal, Les Presses de l’Université de
Montréal, 1970, p.5. 163
Ibid., p.12-13. 164
Marissa ZAVALLONI, L’Émergence d’une culture au féminin, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1987, 178 p.
24
chaque sexe en mettant en relief l’idéal masculin mais reconnaît aussi que ce sont généralement
davantage les femmes qui sont appelées à orchestrer leur vie professionnelle et leur vie familiale.165
Les interprétations contemporaines résident donc dans les liens entretenus entre les membres de la
famille, dans le rôle de la famille en tant qu’organisme qui sert à la continuité et à la transmission des
traditions voire du patrimoine, dans les aspects qui caractérisent la famille traditionnelle canadienne-
française comme par exemple son caractère social, ainsi que dans la nouvelle distribution des rôles dans
le couple dans la société contemporaine. Les recherches contemporaines cherchent à savoir comment et
de quelles façons la famille traditionnelle canadienne-française a muté et comment se fait maintenant la
distribution des rôles de ses membres. « Que deviennent les statuts respectifs des couples?166
». Certains
aspects des rôles puisent-ils dans la tradition? Si oui, lesquels et pourquoi?
1.4 Cadre théorique Le cadre théorique dans lequel je m’inscris s’appuie sur la notion centrale de culture familiale en milieu
franco-ontarien, plus spécialement au regard des mariages mixtes, au regard des coutumes et pratiques et
de leur transmission.
Je retiens alors les mots suivants comme mots clés : culture, valeurs, tradition, transmission, famille,
ménage mixte, pratique et coutume. Bien que j’emprunte les définitions de ces termes de différentes
disciplines connexes à l’ethnologie, l’orientation ethnologique est renforcée par l’approche
méthodologique, soit le travail de terrain.
1.4.1 La culture et les valeurs
Bien que soit déjà présentée une définition de ce qu’est la culture en général, il est de mise d’en préciser
le sens ethnologique. Jean Du Berger, dans la Grille des pratiques culturelles, offre la définition
suivante : « Une culture est un ensemble de pratiques dynamiques et de leurs représentations. Pour rendre
compte des genres de vie contemporains et des modèles qui leur donnent forme, il faut observer les
pratiques culturelles et les acteurs sociaux ; quant aux pratiques passées, le recours aux récits de vie et
aux récits de pratiques permettra de les reconstituer167
».
Un retour sur Paquet (voir 1.3.2 volet historique et idéologique) qui a fait plusieurs recherches en
sciences sociales, me permet de comprendre ce qu’on entend par « culture » dans un sens plus global:
« La culture se définit comme « un ensemble d’habitus – des formes typiques de
comportement social transmissibles par apprentissage ou imitation – qui médiatisent
les relations (entre acteurs et entre acteurs et environnement) et aident à coordonner
leurs actions. Le Canada français peut donc être défini comme un ensemble de
pratiques empiriques (privés, publics et civils) – sorte de « procès institué » […] –
c'est-à-dire comme la cristallisation de ses habitus en manières de voir, manières
d’être, règles, normes, croyances, coutumes, patterns de réaction, etc., plus ou mois
caractérisés168
».
165
Jane MÉJIAS, Sexe et société, France, Éditions Bréal, 2005, p. 128. 166
Martine SEGALEN, op. cit, p.255. 167
Jean DU BERGER, Grille des pratiques culturelles, Septentrion, Québec, 1997, p.23. 168
Gilles PAQUET, op. cit., p.2.
25
Je suis alors en mesure d’observer les points de convergence de ces deux définitions. D’une part on parle
en ethnologie, d’un ensemble de pratiques dynamiques et de leurs représentations. D’une autre part, en
sciences sociales, on parle d’un ensemble d’habitus comprenant les comportements transmissibles. Pour
comprendre et connaître cette culture, l’ethnologie nous indique d’observer les pratiques culturelles
tandis que les autres disciplines fournissent des points de repères tels que les règles, croyances, les
coutumes, entre autres. L’ethnologie se penchera sur le fait de connaître la culture en observant
directement ou indirectement, les actions, les comportements, les coutumes, les savoir-faire, les pratiques
culturelles. Les autres disciplines s’engageront dans la même perspective en situant l’acteur dans
différentes sphères soit le privé, le public et le civil. Il faut pourtant noter que l’ethnologie signale que
pour étudier le passé culturel il y a lieu d’avoir recours aux récits de vie par exemple ou aux récits de
pratiques. La définition de Paquet semble pourtant s’adresser au contexte contemporain seulement.
Quant aux valeurs, le dictionnaire culturel en langue française indique:
« I.1 Ce en quoi une personne est digne d’estime (au regard des qualités dans le
domaine moral, intellectuel, professionnel) - mérite.
II. 1 Caractère mesurable (d’un objet) en tant que susceptible d’être échangé,
d’être désiré. – prix.
III.3 Qualité de ce qui produit l’effet souhaité. – efficacité, utilité.
III.4 Caractère de ce qui satisfait à une fin déterminée – intérêt, sens.
III. 5 Philos. A. La valeur. Caractère de ce qui est estimé subjectivement et posé
comme estimable objectivement. B. Ce qui est vrai, bien, selon un jugement
personnel, plus ou moins en accord avec celui de la société de l’époque ; ce
jugement (- jugement de valeur, ci-dessus)169
»
Pour mon travail, ce sont les précisions philosophiques (III. 5) de cette définition qui retiennent
mon attention. Les définitions suivantes précisent le contexte de mon étude.
De plus, le Dictionnaire culturel en langue française offre une définition de l’échelle des valeurs :
« Valeurs classées relativement les unes aux autres, de la plus haute à la plus faible,
dans la conscience d’un individu, et qui sert de référence dans ses jugements, sa
conduite. 170
»
Selon Line Ross et Hélène Tardif, une valeur est « une manière d’être ou d’agir qu’une personne ou une
collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les conduites
auxquels elle est attribuée171
»
169
Le dictionnaire culturel en langue française, sous la direction d'Alain Rey, Paris, Le Robert, 2005, p.1724-1725. 170
Ibid., p.1725. 171
Line ROSS, et Hélène TARDIF, Le téléromans québécois, 1960-1971 : une analyse de contenu, Laboratoire de
recherches sociologiques- Université Laval, 1975, p.6.
26
1.4.2 La tradition et la transmission
La tradition existe par le fait de transmettre. Elle est « un héritage du passé dont le présent a le recours et
non pas une simple survivance172
».173
Les qualités du passé ou du « savoir ancien […] sont toujours
valables parce qu’elles ont été mises à l’épreuve par les générations précédentes174
».
En traitant des traditions Jocelyne Mathieu indique que :
« la tradition se définit par une dynamique intrinsèque, c’est-à-dire par un processus
de transmission du savoir, du savoir-faire, et du savoir-être, par la parole et par le
geste au sein d’une collectivité d’appartenance ; elle se construit donc de faits
collectifs plutôt que d’habitudes individuelles particulières. La tradition implique un
cheminement, une évolution au sens d’une adaptation aux nécessités de la vie dans des
contextes de changements. Répétitions, imitations et conformisme s’avèrent son lot,
sous peine de condamner à l’exclusion de leur groupe et à la marginalité les individus
trop différents. Ne se limitant pas aux aspects locaux mais comportant aussi des
aspects universels, les traditions se modifient au fil du temps et se déplacent dans
l’espace, donnant lieu à des transferts culturels qui en nourrissent la dynamique.175
»
Mark Phillips dans Questions of Tradition affirme que le terme tradition en lui-même est tellement large
que l’on a été obligé de s’apprêter à spécialiser son vocabulaire et ses orientations. On parle alors de
« discourse, canonicity, memory, diaspora, hybridity, history of concepts176
». Ce sont en fait ces mots de
vocabulaire qui fournissent des pistes de recherche sur ce que sont les traditions. 177
De plus, Xavier
Costa dans son article Sociability and the Transmission of Festive Traditions, admet que :
« the understanding of tradition can no longer be based on the prejudice that it is a sort
of residual category, merely representing continuous and unthinking repetition in
contradistinction to modernity characterised by reasoning, reflexivity and originality.
Tradition [...] is always interwoven with the present, integrating many features of it
into its own developing framework, some of them being typically modern. Moreover,
the properties and forms of transmission are more flexible and malleable than they
have been thought to be. Tradition also has its own form of reflexivity which is not
characterised by the criteria of modern rationality, science and technology. However,
the reflexivity of tradition may incorporate many aspects of modern and contemporary
reflexivity as a secondary feature which helps to update the tradition itself178
.»
172
Sylvie MESURE et Patrick SAVIDAN, (dir.) Le dictionnaire des sciences humaines, Les Presses universitaires
de France, 2006, p.1172. 173
Ibid., p.1172. 174
Mariana NET, « La chanson : un moyen privilégié de maintenir la tradition », dans Muguras
CONSTANTINESCU, Ion Horia BIRLEANU et Alain MONTANDON, Poétique de la tradition, France, Les
Presses de l’Université Blaise Pascal, 2006, p.151. 175
Jocelyne MATHIEU, «les recherches ethnologiques au Québec : à propos du concept de tradition », dans Anne-
Marie DESDOUITS et Laurier TURGEON (dir.), Ethnologie francophone d’Amérique et d’ailleurs, Sainte-Foy,
Presses de l’Université Laval, 1997, p.38. 176
Mark PHILLIPS et Gordon J. SCHOCHET, Questions of Tradition, University of Toronto Press Incorporated,
2004, p.4. 177
Ibid., p.4 178
Xavier COSTA « Sociability and the Transmission of Festive Traditions » dans Torsten LARBIG et Sigfried
VIEDENHOFER (dir.), Tradition and Tradition Theories : An International Discussion, LIT Verlag, 2006, p.29.
27
Parce que les traditions occupent une place centrale dans ce projet, il est important non seulement de
connaître la définition de ce qu’est une tradition d’après les chercheurs mais aussi de connaître de quelles
façons les informateurs la conçoivent. L’élaboration d’un questionnaire prenant les traditions comme
point d’ancrage a favorisé la collecte de témoignages enrichis d’exemples par les informateurs
interrogés; l’analyse de ces exemples a permis de cerner le sens donné à tradition dans la communauté
étudiée.179
On a déjà vu que la tradition est l’acte de transmettre. 180
Anne Muxel, dans son ouvrage Individu et
mémoire familiale indique que l’une des fonctions de la mémoire est le désir de transmettre. Ceci étant
dit, la mémoire et la transmission seraient intimement liées. Selon Muxel, la transmission se fait comme
suit : D’une part, la mémoire remémore des traditions et des souvenirs se rattachant aux générations
familiales. Muxel reprend selon Halbwachs que la mémoire est un « courant de pensée continu […]
puisqu’elle ne retient du passé que ce qui est encore vivant ou capable de vivre dans la conscience du
groupe qui l’entretient181
». De plus, cette mémoire familiale se donne comme mission la socialisation.
C’est grâce à elle que l’identité peut se construire parce qu’elle fournit perpétuellement des modèles et
des exemples. Aussi, elle rappelle la mémoire collective.182
1.4.3 La famille et les ménages mixtes
Selon Ressources humaines et développement des compétences Canada, la structure familiale des
Canadiens se diversifie. La famille dite traditionnelle se compose de deux parents et leurs enfants. De
plus, sa composition change, en étant moins nombreuse et le nombre d’enfants à la maison diminuant.
Ressources humaines et développement des compétences Canada soulève aussi que le pourcentage de
femmes sur le marché du travail a augmenté, ce qui a une grande influence sur la vie familiale. 183
Je rappelle aussi les études de Philippe Garigue portant sur la vie familiale des Canadiens-français. (voir
volet familial : 1.3.4). Garigue indique que les Canadiens-français « utilisent le mot « famille » pour
désigner l’ensemble des rapports entre les personnes normalement désignées par des noms particuliers :
père, mère, frère, sœur, fils, fille, tante, oncle, cousin, grand-mère, grand-père, etc.184
» Il parlera aussi de
différences sémantiques du mot « famille » et de l’équilibre qui lui est accordée par la définition des
rôles de ses membres ». Selon ses recherches, la distribution des rôles et des responsabilités est l’une des
caractéristiques principales de la vie familiale des Canadiens-français. Son étude, faite en 1970, montre
que les hommes et les femmes répondent à ses questions unanimement en matière de distribution des
rôles et des responsabilités selon les sexes dans la famille.185
179
Le questionnaire d’enquête figure à l’annexe 2. Dans le contexte de tradition, je demande premièrement à mes
informateurs de m’indiquer quelle sorte de mariage ils ont fait. Pour ensuite connaître ce qu’ils entendent par
tradition, je leur demande un peu plus loin dans l’entrevue s’ils diraient que leur mariage était traditionnel en me
fournissant des exemples. À partir de leurs réponses aux deux questions, je suis en mesure de voir ce qu’ils
considèrent comme étant traditionnel. Ceci pourra grandement m’aider lors de l’analyse. 180
Sylvie MESURE et Patrick SAVIDAN, op. cit. p.1172. 181
Anne MUXEL, Individu et mémoire familiale, Paris, Nathan, 2002, p.14-15. 182
Ibid., p.15. 183
Ressources humaines et développement des compétences Canada, Canadiens en Contexte ménage et famille,
http://www4.rhdcc.gc.ca/[email protected]?iid=37, page consultée le 27 octobre 2010. 184
Philippe GARIGUE, op. cit., p.29. 185
Ibid, p.33.
28
Les études de Marc Montoussé et Gilles Renouard expliquent que la famille a comme fonction la
transmission des valeurs ainsi que la socialisation. Selon leurs recherches (dans Annick Percheron, « La
transmission des valeurs » dans La famille, l’état des savoirs 1992), ils soulèvent que la famille transmet
les valeurs liées à la profession et au travail, aux comportements domestiques, à la transmission des
croyances religieuses, entre autres. 186
Dans ce travail de recherche, il faut rendre compte de la réalité des ménages mixtes, francophone-
anglophone, comme constituante de la culture franco-ontarienne. Sachant qu’il existe une culture franco-
ontarienne, il est possible de conclure que le Franco-Ontarien qui entre en ménage avec un autre individu
qui ne l’est pas, est considéré comme étant en couple mixte en raison du mélange de culture, voire
d’ethnicité. Dans le cas de cette recherche, je me penche sur les ménages mixtes francophones-
anglophones.
D’après les études de Diane Farmer, l’exogamie affecte la transmission de l’identité linguistique et
culturelle. Ses études statistiques (de 1991) auprès des Franco-Ontariens indiquent que 45.7% des
mariages franco-ontariens sont endogames. Dans les mariages mixtes, plus de femmes francophones
(28.6%) se marient à des hommes anglophones que d’hommes francophones (25.7%) se marient à des
femmes francophones. 187
Ceci indique alors que davantage de femmes que d’hommes sortent de leur
noyau culturel et linguistique.
1.4.4 Les pratiques et les coutumes
Selon Jean Du Berger en observant les pratiques culturelles, on peut découvrir les « genres de vie188
». La
culture peut être examinée à partir des actions, des comportements et des conduites des individus dans
des performances qui font partie des pratiques culturelles. Chaque pratique culturelle (ou action,
comportement et conduite) trouve sa place dans la Grille des pratiques culturelles sous au moins l’un des
trois champs suivants soit le champ coutumier, le champ pragmatique et le champ symbolique. 189
Il faut aussi retenir la définition d’Arnold Van Gennep qui décrit les coutumes comme suit : « Les
coutumes sont des manières de vivre conformément à des règles non-écrites ou écrites, admises par le
consentement général, de bas en haut, spontanément et sans coercition étatiste ou gouvernementale 190
».
Jean-Claude Dupont et Jacques Mathieu ajouteront à cette définition que les coutumes « s’inscrivent
aussi dans un rythme hebdomadaire ponctué pour les chrétiens par le repos dominical ainsi que dans un
immuable cycle saisonnier. Elles donnent naissance à une multitude de croyances prenant appui sur
l’histoire, […] sur l’environnement, […] ou s’inspirant directement des souches françaises de la
tradition191
». Ils précisent aussi que les coutumes sont transmises de génération en génération et dictent
186
Marc MONTOUSSÉ et Gilles RENOUARD, 100 fiches pour comprendre la sociologie, Paris, Éditions Bréal,
2006, p.179. 187
Diane Farmer, op. cit, p.57. 188
Jean DU BERGER, op. cit.,p.23. 189
Ibid., p,23. 190
Jean-Claude DUPONT et Jacques MATHIEU, (dir.) Héritage de la francophonie canadienne, Les presses de
l’Université Laval, 1986, p.13. 191
Ibid., p.13.
29
les comportements des individus. Elles définissent la façon dont fonctionnent les collectivités et
s’accrochent dans la mémoire collective. 192
1.4.5 Un modèle d’analyse
Pour exposer le modèle d’analyse utilisé dans ce projet, il est de mise de présenter les outils qui me
permettent d’analyser les concepts du phénomène étudié. Notamment, la Grille de Jean Du Berger m’est
indispensable. De cette Grille, j’emprunte non seulement le système de classification mais aussi la
logique et la connaissance scientifique privilégiées par son auteur. Entre autres, cette Grille influence la
façon d’orienter ma collecte de données ainsi que la façon de procéder à la description et à l’analyse
ethnographique de mon travail.
La Grille des pratiques culturelles expose trois champs soit le champ pragmatique, le champ symbolique
– expressif et le champ coutumier. Le premier regroupe les pratiques coutumières reliées au temps, les
pratiques coutumières des groupes, les pratiques coutumières régulatrices, économiques, politiques ainsi
que les modes de présentation des appartenances. Le champ pragmatique regroupe les pratiques de corps,
les pratiques alimentaires, vestimentaires et techniques. Le champ symbolique et expressif comprend les
pratiques ludiques, esthétiques, langagières, ethno-scientifiques et éthiques. 193
Pour ce travail, je retiens
davantage le champ coutumier. J’y reviendrai un peu plus loin. (voir 1.6.2 méthode d’enquête)
D’une autre part, La vie familiale des Canadiens-français de Philippe Garigue me sert aussi d’outil.
L’ouvrage est le résultat d’enquêtes scientifiques de type sociologique. On y retrouve des données sur le
rôle des membres de la famille, la structure du groupe familial, ainsi que sur les valeurs familiales.194
L’ouvrage en question me permet d’avoir une bonne conception de ce qu’était la sphère familiale
canadienne-française dans les années 1960-1970 bien que les renseignements se limitent au Québec. Il
me permet aussi de comprendre comment le passé historique de cette nation a eu un impact sur la
structure et le fonctionnement de celle-ci et de témoigner des facteurs de changements ou de continuité
des valeurs. 195
1.5 Problématique Bien que toute la recherche déjà établie conditionne l'objet et le sujet de mon étude tout en révélant
plusieurs problématiques, je ressors les pistes principales qui émergent de celles-ci. Les situations
problématiques sont les suivantes :
Pour le volet identitaire, considérant qu’il y existe plusieurs Ontario-français196
, on cherche à savoir
comment définir l’identité et l’homogénéité franco-ontarienne de façon globale.
Pour le volet minoritaire, on cherche à savoir comment assurer l’avenir de la francophonie en Ontario
alors que la population francophone vieillit et que les statistiques démographiques sont en baisse.
192
Ibid., p.13. 193
Jean DU BERGER, op. cit., 406p. 194
Philippe GARIGUE, op. cit., 142p. 195
Ibid., p.142. 196
Stefan Psenak, op. cit., page consultée le 11 avril 2011.
30
Pour le volet historique et idéologique, on cherche à savoir si la culture traditionnelle a encore une place
dans le monde contemporain, et comment celle-ci peut survivre en milieu minoritaire. On se questionne
aussi sur les mécanismes de transmission de la culture ainsi que sur les institutions qui favorisent la
transmission de celle-ci.
Pour le volet familial, on cherche à savoir comment la famille traditionnelle canadienne-française a
changé.
Cela étant, la problématique de mon mémoire s’est imposée et va de pair avec une affirmation
particulière qui a retenu mon attention au cours de mes lectures. Il s’agit de celle de Fernan Carrière qui
souligne que les Franco-Ontariens tentent depuis la Révolution tranquille, de « concilier avec leurs
valeurs traditionnelles 197
». Ma problématique reprend en quelque sorte ce qu’il affirme mais puisqu’il ne
donne aucune définition ni explication de ce qu’il entend par « valeurs traditionnelles », j’entreprends la
tâche de les repérer à travers les pratiques culturelles familiales. Plus précisément, je cherche à savoir par
quelles pratiques culturelles propres à sa région le Franco-Ontarien tente, depuis les bouleversements de
1960, de concilier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans un ménage mixte francophone-
anglophone. Par « concilier », il faut entendre la façon de trouver un rapprochement. Il s’agirait de
connaître la ou les façon(s) qui permettent au Franco-Ontarien de se rapprocher des valeurs
traditionnelles canadiennes-françaises.
Plusieurs questions animent ma réflexion quant à cette problématique. Le passé définit-il les pratiques
culturelles contemporaines? Quelles formes prennent les pratiques culturelles contemporaines en Ontario
français? Quels sont les facteurs qui seraient responsables du maintien de la culture et des comportements
sociaux? Qu’est-ce que le Franco-Ontarien dans sa relation conjugale mixte doit concéder? Qu’est-ce qui
en émane? Comment ces valeurs sont-elles transmises de génération en génération?
Pour mener à bien ma recherche, et afin de repérer la dynamique culturelle des Francophones du Nord-
Est de l’Ontario, il est important d’orienter celle-ci dans un cadre opératoire en considérant certains
éléments essentiels qui servent à conduire l'idée directrice derrière la question centrale qui s'impose, soit
la problématique. C’est ainsi que j’énonce les hypothèses, les unités d’analyse, les variables et leurs
indicateurs.
De la problématique et des questions qui animent ma réflexion, je dégage les hypothèses provisoires
suivantes : Le Nord-Est de l’Ontario français jouit d’une homogénéité culturelle où les valeurs
traditionnelles sont bien ancrées. L’épanouissement de la culture du Franco-Ontarien dans cette région
lui permet toujours de développer son sentiment d’appartenance et son identité. Le Franco-Ontarien du
Nord-Est de l’Ontario se verrait confronté à des réalités qui le poussent à régler son quotidien mais en
préservant ses pratiques culturelles.
Je considère principalement trois variables qui ont un poids considérable sur les pratiques culturelles.
L’une d’elles repose sur le découpage territorial qui donne lieu à plusieurs Ontario français198
car chaque
région de l’Ontario peut présenter différentes caractéristiques ou différents aspects. Une autre variable
197
Fernan CARRIÈRE, op. cit., p 313. 198
Stefan Psenak, op. cit., page consultée le 11 avril 2011.
31
réside dans l’espace dans lequel le Franco-Ontarien vit son quotidien. Anne Gilbert considère que « le
territoire franco-ontarien est de plus en plus ouvert aux espaces de la majorité 199
». Plusieurs Franco-
Ontariens feraient la navette entre espace francophone et espace anglophone changeant de caractère
culturel par exemple dans leur espace de travail, dans leur espace du loisir, dans leur espace familial. 200
Il reste alors à savoir ce qui en est de la culture canadienne-française en Ontario vu que les Francophones
sont dispersés et immergés dans la majorité anglophone. Une troisième variable est le rapport au
processus de socialisation et son rapport avec les valeurs. Pour ce faire, je fais appel aux recherches de
Ronald Inglehart et Christian Welzel qui affirment que l’ensemble des caractères des individus201
tend à
se cristalliser au moment où ils atteignent l’âge adulte et que peu de changements se produiront une fois
cet âge atteint. Cette notion remonterait jusqu’à Platon, et Freud lui-même l’aurait constaté, suivi des
recherches plus contemporaines. «Early socialization tends to carry greater weight than later
socialization. A large body of evidence indicates that people’s basic values are largely fixed by the time
they reach adulthood and change relatively little thereafter202
» constateront Inglehart et Welzel.
Pourtant, leurs recherches montrent que les valeurs ne sont pas nécessairement toutes absorbées lors des
années de formation (jeunesse et adolescence). Ce seraient les valeurs rattachées aux expériences de
première main vécues lors de la jeunesse et de l’adolescence auxquelles les individus auraient tendance à
adhérer. Les valeurs non-consistantes aux expériences de premières mains seraient rejetées. 203
Il convient aussi d’examiner la contribution de mon travail. Ma volonté de mener des enquêtes auprès
des Franco-Ontariens s’exprime à travers celle des nombreux Francophones de la province qui désirent
connaître et reconnaître leur spécificité culturelle. De plus, je réponds à l’appel de Jean-Pierre Pichette
qui incite tout chercheur à collaborer dans la réalisation d’un projet commun visant à « produire une
somme de connaissances dans le domaine de la culture traditionnelle […] des Franco-Ontariens […]204
».
J’estime que la portée de mon travail permettra de renouveler l’apport de connaissances du passé,
d’offrir des renseignements quant à l’espace que prend le Franco-Ontarien dans ses activités quotidiennes
et de constater sa vitalité en fournissant des données sur les pratiques coutumières, sur les valeurs
traditionnelles ainsi que sur la vie culturelle familiale en mariage mixte.
1.6 Méthodologie
Afin de connaître les valeurs traditionnelles canadiennes-française dans un ménage mixte francophone-
anglophone au point de vue ethnologique, il faut aller explorer le quotidien familial. Cette situation
particulière me porte à réfléchir sur la méthodologie à emprunter pour cette exploration.
199
Anne GILBERT, op. cit., p.163. 200
Ibid., p.163. 201
On entend par caractère l’essence originale d’une personne, ses comportements, ses tendances… 202
Ronald INGLEHART et Christian WELZEL, Modernization, Cultural Change, and Democracy : The Human
Development Sequence, New York, Cambridge University Press, 2005, p.98-99. 203
Ibid., p.98-99. 204
Jean-Pierre Pichette, « L’ethnologie, Bilan et perspectives de recherches en Ontario français » dans Jacques
COTNAM, Yves FRENETTE et Angès WHITFIELD, (dir.) La Francophonie ontarienne, Ottawa, Nordir, 1995,
p.265.
32
1.6.1 Considérations théoriques
Depuis quelques décennies, la méthode qualitative a gagné en importance dans le domaine des sciences
sociales.205
L’une des caractéristiques principales de la recherche qualitative est entre autres le contact
avec le terrain. Dans les années 1920, l’école de Chicago avait établi des théories et des systèmes qui
pouvaient favoriser le contact avec les individus. 206
Jean Poupart, Lionel-Henri Groulx, Jean-Pierre Deslauriers, Anne Laperrière, Robert Mayer et Alvaro P.
Pires sont d’accord pour dire que la recherche qualitative se caractérise :
« par une souplesse d’ajustement pendant son déroulement, par sa capacité de
s’occuper d’objets complexes, comme les institutions sociales, […], les objets cachés,
difficiles à saisir ou perdus dans le passé, […] par sa capacité d’englober, de décrire
en profondeur plusieurs aspects importants de la vie sociale relevant de la culture et de
l’expérience vécue étant donné, justement, sa capacité de permettre au chercheur de
rendre compte […] du point de vue de l’intérieur, enfin, par son ouverture au monde
empirique, qui s’exprime souvent par une valorisation de l’exploration inductive de
terrain d’observation.207
»
De plus, d’autres chercheurs tel qu’Alex Mucchielli expliquent que la méthode qualitative « recherche,
explicite et analyse les phénomènes208
», qu’ils soient visibles ou non comme le sont les représentations,
les croyances…209
Mucchielli ajoute cependant que, les phénomènes dits cachés, « par essence, ne sont
pas mesurables, ils ont les caractéristiques des faits humains 210
». L’étude de tels phénomènes doit alors
être réalisée avec des techniques relatives à la cueillette de données et à leur analyse.
1.6.1.1 Technique de cueillette : l’entrevue et la capacité d’empathie211
Comme sujet de recherche privilégié par la recherche qualitative, il y a l’étude du quotidien.212
En
privilégiant l’enquête sur le terrain auprès d’informateurs, je dois manier l’instrument de recueil de
données tel que l’indique Alex Mucchielli. La technique considérée pour la cueillette est l’entrevue.
Cette technique doit, selon lui, être « un prolongement » du chercheur parce que celui-ci est « partie
prenante de l’instrument213
». Ainsi, cette technique requiert un professionnalisme214
ainsi qu’un
205
Jean POUPART, Lionel-Henri GROULX et Al., La recherche qualitative : enjeux épistémologiques et
méthodologiques, Montréal, Chenelière Éducation, Gaétan Morin éditeur, 1997, p.XXXIX. 206
Jean-Pierre DESLAURIERS et Michèle KÉRISIT, « Le devis de la recherche qualitative » dans Jean
POUPART, Lionel-Henri GROULX et Al., La recherche qualitative : enjeux épistémologiques et méthodologiques,
Montréal, Chenelière Éducation, Gaétan Morin éditeur, 1997, p. 106. 207
Alvaro P. PIRES, « De quelques enjeux épistémologiques d’une méthodologie générale pour les sciences
sociales » dans Jean POUPART, Lionel-Henri GROULX et Al., La recherche qualitative : enjeux épistémologiques
et méthodologiques, Montréal, Chenelière Éducation, Gaétan Morin éditeur, 1997, p.52. 208
Alex MUCCHIELLI, Les méthodes qualitatives, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, p.3 209
Ibid., p.3. 210
Ibid., p.3. 211
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36. 212
Jean-Pierre DESLAURIERS et Michèle KÉRISIT, op. cit., p.88. 213
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.21. 214
Ibid., p.21.
33
recours aux facultés intellectuelles. Poupart indique que les entretiens sont l’un des meilleurs moyens
qu’un chercheur peut utiliser afin de « saisir le sens que les acteurs donnent à leur conduite 215
».
Par ailleurs, la capacité d’empathie est en fait selon Mucchielli une qualité que doit posséder le
chercheur.216
Il indique que « l’empathie est la sympathie intellectuelle par laquelle nous sommes
capables de comprendre le vécu de quelqu’un d’autre sans pour autant l’éprouver de façon réelle dans
notre propre affectivité217
». D’autre part, Max Scheler, en 1913, a aussi montré que le sentiment
instinctif affectif est basé sur la capacité de l’humain à comprendre. 218
Dans la même chaîne d’idées,
dans les années 1950, Carl Rogers décrit ce qu’est l’empathie en affirmant que :
« la capacité de s’immerger dans le monde subjectif d’autrui, de participer à son
expérience dans toute la mesure où la communication verbale et non verbale le
permet…., de capter la signification personnelle des paroles de l’autre bien plus que
de répondre à leur contenu intellectuel … il s’agit […] d’une sensibilité sociale…,
d’une réceptivité aux réactions d’autrui[…] tout en demeurant émotionnellement
indépendant.219
» Ceci dit, lors d’un travail de recherche où a lieu un entretien par
exemple, il faut être en mesure d’être capable d’analyser immédiatement le sentiment
qu’éprouve l’informateur.220
1.6.1.2 Techniques d’analyse : théorie du schéma culturel221 et de l’habitus
Les considérations doivent aussi se pencher sur les techniques d’analyse propres à la recherche
qualitative. L’une de ces techniques a comme fondement la théorie du « schéma culturel222
» qui
s’explique comme suit. Lors d’analyses qualitatives, le chercheur a souvent comme objectif de trouver
des « formes sous-jacentes » aux faits sociaux ou bien aux comportements des individus. De telles
analyses impliquent fondamentalement que l’on saisisse les répétitions et les constantes qui se
manifestent « par-dessous le foisonnement des contenus223
». Pour expliquer cette façon de faire,
j’évoque la théorie de la notion du schéma culturel élaboré par R. Benedict en 1934 que Mucchielli
reprend.224
« Les expressions culturelles d’une société (les coutumes, les institutions….) peuvent
être considérées comme des mises en forme d’orientations culturelles. Les expressions
culturelles se modèlent sur des sortes de patrons. […] Chaque orientation générale
(qui s’explique par un genre de visée générale culturelle) sélectionne […] des
éléments qui deviendront les objets de la culture. Une orientation générale peut se
formuler à l’aide de valeurs. C’est cet ensemble de valeurs qui donne le pattern
culturel de la culture.225
»
215
Jean POURART, op. cit. p.175. 216
Mucchielli catégorise la capacité d’empathie avec les techniques de cueillette. )Alex MUCCHIELLI, op.
cit., p. 36). 217
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36 218
Ibid., p.36. 219
Ibid., p. 37. 220
Ibid., p.47. Reprenant la citation de C. ROGERS et G.M. KINGET, psychothérapie et relations humaines, 1963,
3E édition 1966, Ed. Université de Louvain, 1, p.105-108.
221 Ibid., p.50.
222 Ibid., p.50.
223 Ibid., p. 49.
224 Ibid., p.49-50
225 Ibid., p. 50.
34
Comme l’expliquent Benedict et Mucchielli, le patron est ainsi sous-jacent aux activités culturelles.226
Puisqu’il s’agit de dégager les valeurs à partir des pratiques culturelles, je dois aussi considérer les
techniques basées sur les théories de « l’habitus et des ethnométhodes227
» prônée par A. Cicourel228
par
exemple. Il a tantôt été question d’habitus. (voir l’habitus : 1.4.1 La culture et les valeurs) L’habitus a
aussi des patrons qui sont sous-jacents aux activités culturelles. Les patrons sont pourtant décrits ici
comme étant des phénomènes découlant du cognitif et permettent de rendre compte des phénomènes
sociaux. De plus, l’habitus découle des pratiques collectives ou individuelles et des expériences
antérieures. Ainsi, les chercheurs expliquent que l’habitus engendre les valeurs et les actions.229
L’habitus comme phénomène de comportement est alors important pour ce travail.
1.6.2 Méthode d’enquête
Ayant établi l’objet et le sujet de recherche (les valeurs traditionnelles des Canadiens-Français dans les
pratiques culturelles des Franco-Ontariens dans un ménage mixte francophone-anglophone), il convient
d’exposer comment les méthodes qualitatives qui viennent d’être expliquées sont appliquées.
Pour faire suite aux considérations théoriques, afin de découvrir la spécificité franco-ontarienne, la
méthode d’enquête privilégiée pour ce travail est l’enquête sur le terrain par l’intermédiaire d’entrevues.
En fait, les entretiens permettent de « saisir le sens que les acteurs donnent à leur conduite230
». 231
Je considère que mon enquête qui se conduit auprès de deux familles constitue un bassin d’informateurs
significatif pour cette recherche. Pour repérer le facteur intergénérationnel en lien avec les conjonctures
temporelles dont il était question plus haut (voir 1.2 : contexte temporel – conjoncture historique,
politique, sociale et culturelle), chacune des familles doit être composée de trois couples
intergénérationnels. Ce découpage permet de mettre en lumière la façon dont les informateurs participent
chacun à leur manière, à l’édification de leur culture dans leur contexte familial respectif ainsi que de
saisir, de génération en génération, les répétitions et les constantes que stipule la théorie du schéma
culturel232
. Cela permet alors d’entrevoir ce qui en est des pratiques culturelles familiales et des valeurs
traditionnelles.
Il importe aussi de préciser les critères de sélection qui permettent de sélectionner et de recruter les
informateurs. Parce que ma recherche vise à explorer par quelles pratiques culturelles propres à sa région
le Franco-Ontarien tente, depuis les bouleversements de 1960, de concilier les valeurs traditionnelles dans
un ménage mixte francophone-anglophone, j’établis six critères qui doivent impérativement entrer en
226
Ibid., p.49-50 227
Ibid., p.56. 228
Ibid., p.56. 229
Ibid., p. 57. 230
Jean POUPART, « L’entretien de type qualitatif : considérations épistémologiques théoriques et
méthodologiques » op. cit. p.175 231
Il est question d’entretiens un peu plus loin dans ce contexte méthodologique et de leur légitimité relativement
aux sources primaires d’information. 232
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.49
35
ligne de compte lors du recrutement. Les critères sont les suivants : critère culturel-linguistique, critère
spatial, critère familial et matrimonial, critère intergénérationnel et critère temporel.
Les informateurs doivent présenter les caractéristiques de la population canadienne-française et franco-
ontarienne du Nord-Est de l’Ontario énoncées précédemment à l’exception des Anglophones dans un
mariage mixte. Tous les informateurs, dans la mesure du possible, doivent être nés dans cette région
géographique et y avoir résidé pour la grande majorité de leur vie. Afin de pouvoir explorer la « vie
quotidienne familiale », les informateurs doivent également appartenir à une famille nucléaire. Ma
recherche s’attarde alors à étudier la famille composée d’un père, d’une mère ayant eu des enfants. Mon
étude veut aussi cibler l’intergénérationnel. Les informateurs doivent tous provenir de la même lignée
familiale et ce, sur au moins trois générations.
Quant au critère matrimonial, il se joint au critère temporel et intergénérationnel en ce qu’il cible les
informateurs par rapport à leur entrée en mariage. Pour respecter les exigences de ma problématique, je
recrute des couples de personnes mariées dans les années 1950 (groupe A), des couples de personnes
mariées dans les années 1970 (groupe B) dont l’un des individus est l’enfant du couple du groupe A, et
des couples de personnes mariées dans les années 1990-2000 (groupe C) dont l’un des individus est
l’enfant du couple du groupe B et le petit enfant du couple du groupe A. Le diagramme sert à rendre
compte visuellement des critères de sélection.233
Afin d’étudier la conciliation234
des valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques
familiales franco-ontariennes dans un couple mixte, il faut nécessairement que j’établisse quels sont les
individus qui sont considérés Canadiens-français parmi ceux qui sont considérés Franco-Ontariens.
233
Graphique créé à partir de Smart Art, Microsoft Office Word 2007. 234
Par conciliation j’entends l’accord de la pratique des coutumes familiales de l’un ou de l’autre des individus dans
un couple.
Groupe A
couple francophone marié pendant les années 1950
Groupe B
couple francophone marié pendant les années 1970 dont l'un des membres est l'enfant du couple du groupe A
Groupe C
couple mixte (francophone-anglophone) marié pendant les années 1990-2000 dont l'un des membres est l'enfant du
couple du groupe B et le petit enfant du couple du groupe A
Famille intergénérationnelle
36
Ainsi, je me réfère à mes analyses contextuelles historiques qui présentent les identités dont il est
question. Le diagramme suivant illustre ces identités. 235
Je précise alors que les individus des couples du groupe A doivent être des époux francophones et
catholiques et doivent avoir habité au Canada français, préférablement dans le Nord-Est de l’Ontario pour
la grande majorité de leur vie. Parce que cette génération constitue forcément le fondement de ma
recherche, les informations qu’elle me fournit me permettent d’établir les caractéristiques culturelles de
référence selon le champ coutumier de la Grille des pratiques culturelles de Jean Du Berger. En d’autres
mots, les données découlant des entrevues auprès de ces personnes engendrent nécessairement des
retombées importantes et indispensables à mon analyse. Notamment, elles entrent en ligne de compte
avec les théories du schéma culturel et de l’habitus236
en ce qu’elles permettront dans l’analyse de saisir
s’il y a répétition et les constantes237
dans les pratiques ainsi que reconnaître les phénomènes cognitifs et
sociaux desquels découlent les pratiques et les expériences antérieures engendrant valeurs et actions.238
Pour cette génération, (groupe A) je favorise l’entretien collectif auprès des deux personnes du couple
ensemble parce qu’il y a selon moi, un plus grand échange d’information que si chaque entrevue était
faite de façon individuelle.
235
Graphique créé à partir de Smart Art, Microsoft Office Word 2007 236
La théorie du schéma culturel veut faire l’étude des formes sous-jacentes des pratiques par exemple et de saisir la
répétition et les constantes parmi celles-ci. La théorie de l’habitus prône l’étude des phénomènes découlant du
cognitif. On peut, grâce à l’application de cette théorie, reconnaître les phénomènes sociaux, les pratiques et les
expériences antérieures. L’habitus permet d’entrevoir les valeurs et les actions. Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.50 237
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.49-50 238
Ibid., p.49-50.
Informateurs du groupe A
• Canadiens-français
• issus de la nation canadienne-française dont l'éclatement survint dans les années 1960.
Informateurs du groupe B
• de Canadiens-français à Franco-Ontarien
• issus de la nation canadienne-française et témoignent de l'apparition de l'identité minoritaire franco-ontarienne
Informateurs du groupe C
• Franco-Ontarien marié à un Anglophone
• assistent à la construction identitaire franco-ontarienne
Spécificité identitaire et culturelle des informateurs au
moment de leur mise en ménage jusqu’à l’entrée
scolaire de leur premier enfant.
37
Quant aux deux générations subséquentes à celle du groupe A, c'est-à-dire celles du groupe B et C, elles
sont sélectionnées comme suit : elles doivent être francophones, catholiques et doivent avoir elles aussi
habité la région du Nord-Est de l’Ontario. Pourtant, pour rejoindre ma problématique, il est impératif
que l’un des conjoints du groupe C ne soit pas Francophone mais bien Anglophone. J’étudie pour ces
deux autres générations (groupes B et C) les mêmes aspects du champ coutumier sélectionnés par mon
étude de la décennie précédente (groupe A – génération de référence). Je peux donc pour ces générations
aussi, entrevoir les pratiques habituelles et routinières de la vie culturelle. Il est à noter qu’il n’y a pas
d’enquête auprès des enfants. Ce sont les parents qui fournissent les renseignements à leur sujet. Les
entrevues auprès des couples des groupes B et C sont faites individuellement. De cette façon, je peux
connaître davantage par quelles pratiques culturelles les générations tentent de concilier les valeurs
traditionnelles et pourquoi on leur accorde de l’importance. D’un autre côté, j’étudie aussi les raisons
pour lesquelles le conjoint anglophone partage les pratiques culturelles et valeurs traditionnelles de la
culture francophone.
Avant de commencer l’enquête, il est important de bien concevoir un questionnaire d’entrevue qui servira
à constituer le corpus de données. Ce questionnaire se base sur les catégories du champ coutumier de la
Grille des pratiques culturelles de Jean Du Berger. Il est alors indispensable de souligner l’importance
de la Grille des pratiques culturelles de Jean Du Berger en tant qu’outil pour ce travail. Je dois préciser
dans ce volet méthodologique, le rôle fondamental de ma démarche systématique. Ceci expose d’ailleurs
les prémices de mon enquête. Au verso du livre dans lequel est exposée cette grille il est cité :
« La grille des pratiques culturelles peut faciliter la rédaction de questionnaires pour
orienter la collecte des récits de vie et des récits de pratique. Elle fournit aussi un
cadre de référence d’inventaires, de collecte et de mise en valeur des différents
patrimoines239
. »
En effet, c’est à partir de cette grille que j’ai élaboré mon questionnaire d’enquête. (voir ANNEXE 2 :
Questionnaire d’enquête pour consulter celui-ci) Pour ce qui est de l’utilisation de sa formule, je précise
ici le procédé entrepris pour son application.
La Grille est ainsi divisée en trois champs. Du Berger explique à sa façon que ces derniers ne sont pas
cloisonnés. Selon lui, le champ coutumier englobe inévitablement les champs pragmatique et
symbolique-expressif. 240
Il m’est alors évident que le champ coutumier est celui que je dois privilégier
pour réaliser efficacement mon travail. Parce que ce champ présente un inventaire exhaustif de pratiques,
j’ai ciblé une catégorie de pratiques particulière soit celle reliée au temps comprenant le cycle de la vie
individuelle et au temps du cycle annuel. Cette catégorie, me permet d’étudier les pratiques
traditionnelles canadiennes-françaises et franco-ontariennes au sens large et d’analyser d’une façon très
subtile les comportements coutumiers découlant. C’est donc à partir du classement des pratiques reliées
au temps de Du Berger que je procède à un découpage des thématiques de manière à organiser mon
questionnaire reflétant les séquences du cycle de la vie.
239
Jean DU BERGER, op. cit., 406p. 240
Ibid., p.29.
38
En ce qui a trait à la cueillette des données elle-même, je choisis de me rendre au domicile des
informateurs pour procéder aux entrevues241
qui se font de façon directe, c’est à dire par contact
personnel. En étant « de première main 242
», j’estime que ce genre de contact est efficace. De plus, en
m’ouvrant leur porte, ces individus m’introduisent dans leur vie privée, intime et quotidienne. Le fait que
les entrevues se déroulent dans un environnement familier stimule sans aucun doute leur mémoire.
D’ailleurs, Anne Muxel dit que « les lieux contiennent les expériences du passé. Ils résonnent des bruits
de la vie de famille. [...] Lorsqu’un de ces lieux existe encore, et que l’on y retourne, que l’on peut
encore le traverser et le contempler, alors vient jusqu’à soi la conscience du temps révolu et de la distance
parcourue.243
»
Lors de la cueillette de données il est important d’être en mesure de pouvoir « capter la signification
personnelle des paroles244
» de l’interviewé, d’être réceptif à ses réactions et d’être « capable d’analyser
immédiatement 245
» les sentiments des informateurs.246
Pour ce faire, je suis à l’écoute de l’intonation de
la voix des informateurs (que je note en lettres majuscules lors de la transcription des entrevues),
j’observe l’extériorisation des émotions (que je note aussi lors de la transcription), le langage corporel
comme par exemple les expressions faciales, qui me fournissent des indices des sentiments éprouvés par
les informateurs. Ceci me permet par exemple, de noter ce qui est considéré comme étant important pour
les informateurs, c’est-à-dire les pratiques qu’ils tentent de faire valoir.
Types de sources
Les sources primaires pour ce travail sont les sources orales c’est-à-dire les entretiens auprès des
informateurs. L’entretien sert à « recueillir de l’information247
» en ce que :
« l’interviewé est vu comme un informateur clé susceptible précisément d’informer
non seulement sur ses propres pratiques et ses propres façons de penser, mais aussi,
dans la mesure où il est considéré comme représentatif de son groupe ou d’une
fraction de son groupe, sur les diverses composantes de la société et sur ses divers
milieux d’appartenance. [...] l’informateur est vu comme un témoin privilégié, un
observateur, en quelque sorte, de la société sur la foi de qui un autre observateur, le
chercheur, peut tenter de voir et de reconstituer la réalité.248
»
Le type d’entretien privilégié est l’entretien semi-dirigé. Pour expliquer son efficacité dans le contexte de
ce travail de recherche, je me permets de parler de l’entretien non-directif qui, selon Michel Alexis
Montane, en reprenant ce que Guy Michelat évoquait, « s’applique à l’étude des idéologies ou lorsque
l’on veut rendre compte des systèmes de valeurs, de normes, de représentations, de symboles propres à
241
Entretiens : technique de cueillette. 242
Matthew B. MILES, A. Michael HUBERMAN, Analyse des données qualitatives, De Boeck Supérieur, 2003
p.483. 243
Anne MUXEL, op. cit. p. 43. 244
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.47. Reprenant la citation de C. ROGERS et G.M. KINGET, psychothérapie et
relations humaines, 1963, 3E édition 1966, Ed. Université de Louvain, 1, p.105-108.
245 Ibid., p.47.
246 Ibid., p.47.
247 Jean POUPART, « L’entretien de type qualitatif : considérations épistémologiques, théoriques et
méthodologiques », op. cit. p.181. 248
Ibid., p.181.
39
une culture ou à une sous-culture249
». Montane ajoute que l’entretien non-directif est très soutenu par
l’ethnologie voulant atteindre l’aspect affectif des informations fournies par les informateurs. Pourtant,
d’après les recherches de Montane, plusieurs auteurs critiqueront cette approche dite non-directive.
Montane soulignera : « dans les travaux récents, l’entretien est souvent dit semi-directif, fondé
notamment sur un guide d’entretien « non-directif ». [...] si l’on s’écarte de l’entretien non directif c’est
parce qu’il correspond à la conception d’un acteur social qui ne s’explique pas ce qu’il fait, voire ce qu’il
pense.250
»
Ceci étant dit, et d’après les nouvelles recherches, mes entretiens seraient semi-dirigés dans le sens que je
me sers d’un guide d’entretien qui prend la forme d’un questionnaire. D’autre part, mes entretiens
seraient aussi non-directifs dans la mesure où je suis à rendre compte des valeurs dans les pratiques
culturelles. De plus, mes questions sont ouvertes, ce qui laisse la liberté aux informateurs de me faire
part des maintes pratiques entourant un thème spécifique. Pour donner un exemple, « Le jour de votre
mariage, avez-vous pratiqué certaines coutumes? 251
» Les avantages de l’entretien non-directif mettent
en évidence le fait que les informateurs sont libres de fournir des renseignements qu’ils jugent comme
étant pertinents252
mais se situant quand même à l’intérieur d’une limite imposée par la question. 253
Il faut par la suite la collaboration des individus interviewés. L’utilité de l’enquête est indiquée dans
l’annonce de recrutement : « Ensemble, nous pourrons approfondir nos connaissances dans le domaine de
la culture traditionnelle en Ontario français. » D’après moi, une telle affirmation évocatrice est
susceptible d’encourager la participation. Plusieurs personnes répondent à l’appel mais pourtant, les
familles ne rejoignent pas tous les critères ou caractéristiques établis pour l’étude254
. Par exemple, dans
plusieurs des cas, la génération A est inexistante ou bien la génération C est composée de deux
Francophones. Les deux premières familles à répondre aux critères sont celles convoquées aux
entretiens.255
Chacun des informateurs doit signer les formulaires de consentement à la participation et au
dépôt du matériel et des données dans les Archives de folklore et d’ethnologie de l’Université Laval et de
l’Université de Sudbury. Ceux-ci sont obligatoires et leurs règles sont prescrites par le Comité d’éthique
de l’Université Laval qui a approuvé le projet de recherche.
Les individus qui répondent à l’annonce me fournissent les numéros de téléphone des membres de leur
famille afin que je puisse fixer un rendez-vous pour les entrevues. Les rencontres ont lieu pendant la
soirée, pour la famille 1 et pendant la journée pour la famille 2 en raison des disponibilités de chaque
informateur.
249
Michel Alexis MONTANE « Parole de leaders : l’entretien semi-directif de recherche est-il adaptable à de
nouvelles situations d’enquête » dans Philippe BLANCHARD et Thomas RIBÉMONT, (dir.) Méthodes et outils des
sciences sociales : innovation et renouvellement, Éditions l’Harmattan, 2002,p. 20. Reprenant une citation de Guy
MICHELAT, « Sur l’utilisation de l’entretien non-directif en sociologie », revue française de sociologie, XVI, 1975. 250
Michel Alexis MONTANE, op. cit., p.21. 251
Voir Annexe 2 : Questionnaire d’enquête. 252
Ce genre d’entretien laisse les informateurs témoigner de leurs récits de vie et d’aborder divers aspects dans une
même pratique. Il se peut alors que certains informateurs, plus que les autres d’une même famille, choisissent de
mentionner certains aspects relatifs à une pratique particulière. 253
Jean POUPART, op. cit., p.183. 254
Voir 1.6.2 Méthode d’enquête pour critères de sélection. 255
L’une des informatrices de la génération A est maintenant veuve.
40
En ce qui a trait à la consignation de l’information, Daniel Bertaux indique qu’il y a deux façons
d’enregistrer les entretiens soit à l’aide d’un magnétophone ou bien la prise de notes. Selon lui, il est
préférable d’utiliser les deux moyens d’enregistrement de façon simultanée. 256
Ainsi, avec la permission
des informateurs, les entretiens sont enregistrés sous format audio. Ce moyen aide grandement lors de la
transcription des entretiens, qui est nécessaire à l’analyse. De plus, en suivant les conseils de Bertaux, il
est question de prise de notes. Et pour m’assurer que les informateurs aient toute mon attention, j’évite
d’écrire pendant leur témoignage, privilégiant plutôt le journal d’enquête surtout après l’entrevue. 257
Source manuscrite
Stéphane Beaud et Florence Weber considèrent le journal d’enquête comme étant l’arme de
l’ethnographe258
. Mon journal d’enquête, un simple cahier de feuilles lignées reliées d’une spirale de
métal, me suit non seulement aux entrevues mais il est avec moi partout et presqu’en tout temps. Toute
pensée, analyse, notion, découverte, chose à faire, y est notée. Je reviens souvent sur celles-ci en notant
mes réflexions et mon cheminement. Comme le diront Beaud et Weber, le journal de terrain change
véritablement « une expérience sociale ordinaire en expérience ethnographique259
». 260
1.6.3. Méthodes de traitement des données, d’analyse et d’interprétation
Après avoir défini la problématique, élaboré le plan méthodologique, préparé l’enquête, je constitue le
corpus de la recherche et je l’analyse en tenant compte de tout le matériel recueilli. C’est en transcrivant
le contenu des conversations enregistrées ainsi que les notes de repère et les points d’intérêt relevant de la
capacité d’empathie261
notés dans le journal d’enquête, que j’utilise les informations recueillies de façon à
me donner un outil clair d’analyse. Ce dernier doit être aussi complet que possible.
Comme les questions de mon enquête sont orientées par la Grille de Du Berger, la transcription des
informations est ordonnée à l’intérieur de fiches signalétiques qui suivent les catégories cette Grille se
trouvant soit sous les pratiques reliées au temps ou les pratiques du cycle annuel. (voir ANNEXE 4 :
Fiche signalétique) Le produit de la transcription présente dix tableaux détaillés soit un pour chaque
entrevue auprès des onze informateurs262
. Le langage familier des informateurs a été respecté ainsi que la
syntaxe. L’utilisation de mots anglophones est aussi respectée dans les entrevues auprès des informateurs
francophones. Les réponses des informateurs anglophones sont transcrites en anglais afin d’éviter les
interprétations. (voir ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des données techniques d’enquête)
À cette étape du projet de recherche, je considère les informations comme étant brutes. Pour être en
mesure de les analyser et d’en ressortir des patrons relatifs au schéma culturel et à l’habitus prônés
256
Daniel BERTAUX, L’enquête et ses méthodes ; le récit de vie, François DE SINGLY (dir) Paris, Armand Colin,
2010, p. 66. 257
Le relevé des données enregistrées compose l’annexe 3. 258
Stéphane BEAUD et Florence WEBER, Guide de l’enquête de terrain, Paris, Éditions la découverte, 2003, p.94. 259
Ibid., p.97. 260
Voir aussi type de source : source audio pour l’utilité du journal d’enquête (prise de note) lors des entrevues. 261
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36. 262
L’entrevue auprès de la génération A se fait en groupe. Donc une entrevue pour les générations A pour un total
de deux entrevues en raison des deux familles à l’étude. Ensuite, les entrevues sont faites auprès de quatre
informateurs de la génération B et quatre autres entrevues auprès de la génération C. Donc il y a dix tableaux
d’information auprès de onze informateurs.
41
Benedict, Mucchielli263
et Cicourel264
par exemple, il est impératif de faire part des résultats de la
technique de cueillette soit les entretiens et de ceux relatifs à la capacité d’empathie265
. Le chapitre 2
présente les données des informateurs en plus des résultats relatifs à la capacité d’empathie266
. 267
Afin de dégager le schéma culturel et l’habitus268
que présentent les pratiques culturelles, j’ai créé un
tableau à partir des données et des résultats de cueillette relative à l’empathie. (voir ANNEXE 5 :
Tableau des pratiques et orientations familiales) L’axe vertical correspond aux pratiques culturelles
de la Grille de Du Berger. Il y a par exemple dans les pratiques coutumières de la vie adulte les
fréquentations, le trousseau, les fiançailles, entre autres. L’axe horizontal présente les pratiques que j’ai
saisies à partir des répétitions et des constantes qui se présentent dans les entrevues. Parmi elles se
trouvent les pratiques relatives aux rites de passage, à l’appartenance religieuse, au quotidien, à la
sociabilité ainsi que les expressions affectives. (voir ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et
orientations familiales)
Une étude attentive des informations recueillies auprès du groupe A (génération de référence) me
permet d’analyser, d’organiser et de me familiariser avec toutes les pratiques. Je peux ensuite orienter
mon travail d’analyse. Je procède à la décomposition et la catégorisation des pratiques culturelles selon
les groupes à l’étude (groupe B et C) et ce, sous les catégories de pratiques de l’axe horizontal du tableau.
Les catégories de pratiques qui figurent à l’axe horizontal du tableau (tableau des pratiques et orientations
familiales) sont en fait ce que je considère comme étant des orientations culturelles familiales basées sur
des normes. Et comme Benedict le dira, les orientations peuvent « se former à l’aide de valeurs.269
» De
là sont dégagées les valeurs traditionnelles à partir des données des informateurs. En dégageant celles-ci,
je suis en mesure de pouvoir connaître comment se fait leur conciliation dans un ménage mixte
francophone-anglophone.
1.7 Conclusion
La vitalité culturelle de la communauté francophone en Ontario se manifeste de façon quotidienne.
Même si le Franco-Ontarien est en situation minoritaire, l’épanouissement de sa culture favorise le
développement de son sens d’appartenance et de son identité. Les valeurs qui lui sont propres servent à
tisser des liens et même renforcer la cohésion sociale. Ma recherche vise à mieux comprendre cette
réalité et à mettre en contexte les pratiques culturelles qui font partie d’un ensemble complexe reposant
sur des aspects propres à un individu, à un groupe et même à toute une collectivité. En favorisant la
technique de cueillette privilégiée par la recherche qualitative soit l’entretien et en adoptant une
disposition d’empathie, je suis en mesure de pouvoir saisir le sens que les informateurs donnent aux
pratiques culturelles. En favorisant la technique d’analyse basée sur la théorie du schéma culturel et de
263
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.50. 264
Ibid, p.56. 265
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36. 266
Ibid., p.36. 267
Lors des entrevues, j’ai noté : la signification des paroles des informateurs, l’intonation de leur voix,
l’extériorisation de leur émotions, leur langage corporel, entre autres pour dégager ce qu’ils considèrent comme
étant important. Voir 1.6.2 Méthodes d’enquête 268
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.50. 269
Ibid., p.50.
42
l’habitus270
, je peux repérer les orientations familiales qui sont formées à l’aide des valeurs. Ainsi, les
valeurs culturelles traditionnelles canadiennes-française peuvent être dégagées et je peux entrevoir
comment se fait la conciliation de celles-ci dans un ménage mixte francophone-anglophone.
270
Ibid., p.50.
43
CHAPITRE II – ENQUÊTE ETHNOLOGIQUE SUR LES PRATIQUES
CULTURELLES (PORTRAIT DES FAMILLES)
44
Chapitre 2
Ce chapitre présente les données des enquêtes auprès des informateurs. Il s’agit d’un portrait individuel
de chacune des familles. (voir aussi ANNEXE 6 : Tableau des familles) Le chapitre est alors divisé en
deux temps sous les rubriques suivantes : Famille 1 et Famille 2. De plus, chacune des rubriques est
redivisée en sous-catégories suivant l’ordre établi par la Grille des pratiques de Du Berger soit : les
pratiques coutumières de l’âge adulte, les pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle, les
pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique, les pratiques coutumières : le cycle saisonnier
(fêtes fixes et mobiles). Ces sous-catégories présentent les informations des trois générations de chacune
des familles selon les générations soit : les enquêtes auprès des Canadiens-français (première génération),
les enquêtes auprès des Canadiens-français / Franco-Ontariens (deuxième génération) et les enquêtes
auprès des Franco-Ontariens et leurs conjoints (troisième génération).
2.1 Famille I (portrait de la famille)
La première famille dont tous les membres des trois générations répondent aux critères de sélection et qui
acceptent de me rencontrer en entrevue, en est une dont les prédécesseurs arrivent dans la région du Nord
de l’Ontario à l’époque de sa colonisation soit au début du XXe siècle. Ceux-ci avaient quitté la province
de Québec dans l’espoir de pouvoir s’approprier des terres cultivables et de continuer le travail
d’agriculteur qui leur avait été inculqué. Une fois arrivés, ils défrichent les terres et se construisent des
demeures pour se consacrer aux travaux de l’agriculture.
Jeanne et Gérard sont les informateurs de la génération A. Tous deux Canadiens-français et mariés
pendant la décennie des années 1950, ils vécurent dans un petit village du Nord de l’Ontario toute leur vie
et y pratiquèrent l’agriculture, la production laitière et l’élevage. Leur entrevue fut d’une durée de plus
de deux heures. Isabelle et André sont les informateurs de la génération B. Ils se sont mariés pendant les
années 1970 et vécurent à cette époque même les changements apportés par la Révolution tranquille qui
entraînèrent en Ontario français une crise d’identité. Ce sont eux qui virent se construire l’identité
franco-ontarienne. Isabelle est la fille de Jeanne et de Gérard. Les informateurs de la troisième
génération, la génération C, sont Émilie et Brian qui se sont mariés au tournant du millénaire. Émilie est
Franco-Ontarienne bilingue et Brian quant à lui est Anglophone. Les études de celui-ci lui permirent de
se mériter un certificat de bilinguisme. Pour cette raison, j’ai pu lui poser mes questions d’entrevue en
français alors qu’il me répondait en anglais. Nous nous sommes entendus pour procéder de cette façon.
Je fournis ses réponses telles quelles, sans les avoir traduites en français pour respecter la signification de
ses paroles et leurs nuances. Émilie est la fille d’Isabelle et d’André, et petite fille de Jeanne et de Gérard.
Chacune de ces entrevues est d’une durée variant entre quarante-cinq minutes à une heure et demie. (voir
aussi ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des données d’enquête pour durée des entrevues)
2.1.1 Pratiques coutumières de l’âge adulte
Comme le mentionne Jean Du Berger, « les pratiques coutumières règlent les comportements en fonction
de ce qui est normal, correct, acceptable, dans un groupe271
». Il rappelle aussi que :
271
Jean DU BERGER, Op. cit., p.31.
45
« Les pratiques coutumières reliées au temps comprennent le temps du cycle de la vie
individuelle, les âges de la vie, et le temps du cycle annuel rythmé par l’alternance
d’un temps imposé, le travail, et d’un temps donné, la fête.272
»
C’est en étudiant les pratiques coutumières que j’ai constaté qu’il serait plus facile de questionner les
informateurs en suivant la chronologie du cycle de la vie pour dégager les valeurs traditionnelles dans les
pratiques familiales. Les pratiques coutumières de l’âge adulte permettent de recueillir les aspects de la
culture qui sont qualifiés de traditionnels parce qu’ils sont transmis et répétés selon des habitudes et des
conventions acceptées de tous. En ce qui a trait aux pratiques dites de l’âge adulte, je m’intéresse
particulièrement aux pratiques en lien avec la rencontre des futurs conjoints, leurs fréquentations et leur
mariage, depuis la préparation jusqu’aux noces, leur mise en ménage et leur rôle de parents.
2.1.1.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)
Gérard explique qu’il a rencontré Jeanne273
« au bout de la terre, en allant chercher les vaches ». Tous
deux racontent que les terres agricoles appartenant à leurs pères partageaient la même limite territoriale.
« C’était vraiment beau, c’était le coup de foudre et puis on s’est marié » ajoute Gérard en regardant son
épouse qui lui échange un sourire. Les fréquentations furent d’une durée d’environ un an. Suivirent les
discussions de mariage entre amoureux qui convinrent que le temps était venu de se fiancer et d’entamer
ensemble une autre étape de leur vie. Et c’est par une déclaration officielle que le couple s’engagea à
faire le premier pas vers leur vie de couple, vers le mariage. Ainsi, pour préparer le terrain, Jeanne eut un
entretien avec sa mère et lui annonça qu’elle souhaitait épouser Gérard. À son tour, Gérard se rendit chez
Jeanne pour faire une demande officielle auprès de son père afin d’obtenir la permission de l’épouser.
Cette demande officielle ainsi que la déclaration des fiançailles se firent dans le salon des parents de la
future-fiancée car cette pièce était habituellement réservée pour les événements spéciaux. Gérard relate
que c’était « la coutume » de demander la main de la bien-aimée au père de celle-ci. « Si tu ne
demandais pas la main, il n’y en avait pas de mariage! »
Pour officialiser les fiançailles, il était d’usage d’acheter une bague d’engagement qui symbolisait l’union
du couple. Jeanne et Gérard se rendirent chez un bijoutier et puis choisirent la bague selon leur budget.
« Elle coûta soixante-deux dollars. La bague et le jonc venaient ensemble dans une p’tite boîte » dit
Gérard.
Après les fiançailles, les préparatifs du mariage commencèrent. Mais depuis son adolescence, Jeanne
préparait un trousseau. Son père avait confectionné simultanément et de ses propres mains, deux grands
coffres de bois dont l’un d’eux pour elle et l’autre pour sa sœur aînée. À l’intérieur, les deux filles y
ajoutaient divers items qui allaient leur servir lors de leur entrée en ménage. Elles y plaçaient des
serviettes, des linges à vaisselle, des débarbouillettes, des lavettes, des couvertures de laine et du savon.
Jeanne indique que sa mère achetait du savon de corps de marque Camay à toutes les semaines. Ainsi, à
chaque deux semaines, Jeanne recevait ce produit alors que les semaines à l’intervalle c’était au tour de
sa sœur. Il était aussi question d’y placer des robes neuves, des tabliers ainsi que des jupons fabriqués à
la main. C’était entre autres l’habit quotidien de Jeanne ; jupon, robe, tablier. Selon Gérard, le corps
272
Ibid., p.30. 273
Au début des années 1950.
46
devait obligatoirement être dissimulé sous au moins trois épaisseurs de vêtements par pudeur. D’autre
part, pour préparer le mariage comme tel, il fut premièrement question d’acheter l’habit et la robe de
noces. Pourtant, le village natal des fiancés ne possédait pas de boutiques spécialisées dans la vente de
tels vêtements. Les fiancés devaient alors se rendre dans une autre ville pour en trouver. À l’époque,274
le voyage de plus d’une heure par automobile ne se faisait pas fréquemment et le fait de l’entreprendre
nécessitait forcément une occasion extraordinaire. Gérard demanda ainsi à ses parents d’emprunter leur
voiture pour aller faire l’achat de son habit. Accompagné de Jeanne, il en trouva un à son goût et qui était
aussi à la dernière mode. Par exemple, la ceinture avait l’initiale de son prénom et les souliers se
laçaient sur le côté. En ce qui a trait à la robe de Jeanne, il n’était surtout pas question que Gérard la voit.
Ce furent les parents de Jeanne qui l’amenèrent magasiner. « Les préparations n’étaient pas comme elles
le sont aujourd’hui » dit Jeanne. « C’était short and sweet » réplique Gérard.
Chacun des fiancés avait pourtant son rôle à jouer dans la préparation du mariage. Jeanne explique que
c’était elle qui devait s’occuper de faire les fleurs. « Il fallait faire le cœur. » Il s’agissait de faire un gros
cœur de carton et de le décorer de fleurs qui étaient faites avec des mouchoirs. Le pourtour du cœur était
décoré de fleurs blanches. À l’intérieur du cœur, des fleurs (encore de mouchoirs) traçaient les initiales
des prénoms des fiancés. L’initiale de la fiancée était rose et celle du fiancé était bleue. Ce cœur était
accroché à l’arrière de l’auto. C’était une coutume de l’époque de faire ainsi. Jeanne devait aussi
s’occuper de choisir les membres du cortège nuptial. Elle choisit l’une de ses sœurs ainsi que la sœur de
Gérard. De plus, Jeanne devait s’occuper du menu. « Les repas de mariage étaient préparés par
des madames275
. Les parents de Gérard avaient fait le dîner et mes parents avaient fait le souper » dit
Jeanne. Le menu de ces repas consistait en patates, boulettes, dinde, salades, desserts. Quand au gâteau
de mariage, il avait été fait par une cousine276
. Gérard, admet que son rôle dans la planification du
déroulement du mariage était bien simple. « Il fallait suivre les directives de l’Église ». Ainsi, selon lui, il
ne restait qu’à déterminer quelques détails mineurs tels que le choix des garçons d’honneur. Et ce fut
assez simple. Il demanda aux filles d’honneur de choisir leur compagnon pour la journée : les garçons
d’honneur.
D’autre part, Jeanne et Gérard ajoutent qu’une autre de leurs responsabilités dans les préparatifs du
mariage était de trouver l’automobile qui allait les transporter d’un endroit à l’autre après la cérémonie de
mariage. « L’auto était très importante ; on cherchait la plus belle automobile possible » L’auto choisie
appartenait à l’oncle de Gérard. Elle était rose et noire et son style dépassait les attentes des futurs-
mariés. Selon la tradition, celui à qui appartenait l’auto se mettait à leur disposition pour conduire les
mariés tout au long de la journée du mariage. Les fiancés étaient tellement reconnaissants que Jeanne fit
la demande auprès de la tante de Gérard, épouse de celui à qui appartenait l’auto, de bien vouloir lui
mettre son voile avant la célébration du mariage. C’était une tâche très importante et de ce fait, elle
représentait tout un honneur d’aider la mariée à mettre son voile. « Le voile était aussi important que la
robe » dit Gérard. Ainsi, grâce à ces préparatifs, le jour du mariage venu, Jeanne se fit conduire à l’église
274
Dans les années 1950. 275
Ces dames étaient celles des familles des conjoints ou bien des voisines. 276
Les gens du village qui se mariaient avaient recours aux expertises de celle-ci.
47
dans cette voiture rose et noire alors que Gérard s’y rendit dans une autre277
. Ce fut après la cérémonie du
mariage que les nouveaux-mariés purent jouir d’une promenade ensemble dans cette voiture.
Les fiançailles avaient eu lieu deux ou trois mois avant le mariage. Il n’y eut aucune célébration
prénuptiale ayant trait à l’enterrement de la vie de célibataire. Entretemps, le grand jour approchait vite.
Une journée avant le mariage, le curé avait des entretiens avec le futur-marié et la future-mariée,
séparément puis ensemble. « C’était comme une confession » dit Jeanne. Mais cette rencontre n’avait
pas seulement que ce seul but. Entre autres, le curé indiquait exactement comment devait se dérouler la
cérémonie nuptiale selon la foi chrétienne menant au sacrement de l’Alliance. « Il disait c’est comme ça
que ton mariage va se dérouler » ajoute Gérard. « Ce n’est pas nous qui décidait du déroulement de la
cérémonie c’est lui278
qui décidait puis si tu ne faisais pas ça, ça ne marchait pas » souligne-t-il. « Et puis
dans c’te temps là, on devait publier des bans279
» rétorque Jeanne. Le curé informait les mariés des faits
sur la vie de mariage, le partage… « Si le curé s’apercevait qu’on se chicanait, il aurait pu annuler le
mariage. Le curé, c’est lui qui décidait tout jusqu’à la dernière minute! Le mariage t’oublieras ça jamais.
Tu en as vécu un, t’en vivras pas d’autres, non, c’est pour toute ta vie ça! » admet Gérard.
La cérémonie du mariage fut célébrée à dix heures le matin. Jeanne entra dans l’église accompagnée de
son père. La coutume voulait que la mère de la mariée y soit déjà assise280
. En ce qui a trait à la
cérémonie, « il n’y avait rien de spécial281
» dit Gérard. Jeanne ajoute que pendant cette cérémonie, il
était question de souligner les engagements de dévotion chrétienne. Parce qu’elle était Enfant de
Marie282
, la présidente de l’organisme en question (des Enfants de Marie) était présente à la cérémonie et
tenait dans ses mains un crucifix. La mariée devait s’agenouiller devant une statue de la Sainte-Vierge
alors que la présidente faisait la lecture de paroles. La mariée devait y prêter serment283
.
Après la cérémonie de mariage, les nouveaux mariés se rendirent chez un photographe où quelques
photos furent prises à l’extérieur. Les familles se réunirent pour le dîner et dans une ambiance de
réjouissance, la danse ne tarda pas à commencer. Les invités prirent une pause, le temps de souper, et
277
Par tradition, les fiancés ne peuvent pas se voir avant la cérémonie de mariage. Il est alors de mise de se rendre à
l’église dans une voiture différente. 278
En parlant du curé. 279
Les bans devaient être publiés à trois reprises avant la cérémonie du mariage. Le but était d’annoncer à tous les
intentions de mariage. Quiconque s’objectait à ce mariage devait communiquer avec le curé. 280
Selon Jeanne, le deuxième banc du devant de l’église était habituellement réservé à la mère de la mariée et aux
autres membres de la famille. 281
Gérard dit que leur cérémonie était la même que toutes les autres auxquelles il avait déjà assisté. Il n’y avait rien
hors de la norme. 282
Selon la description de Jeanne, être un Enfant de Marie désigne que l’individu fait partie d’une organisation
d’ordre religieux (catholique) pour les jeunes filles. La Sainte-Vierge est leur patronne. Cette organisation dicte la
conduite des jeunes filles comme par exemple, ne pas consommer de l’alcool, ne pas « trainer les rues ». « Si une
fille faisait partie des Enfants de Marie, ça voulait dire qu’elle avait été éduquée un peu plus » (aspect
comportement social et aspect religieux) explique Gérard. 283
Ce serment, selon Jeanne était en lien non seulement avec la religion mais aussi avec le nouveau rôle d’épouse.
Une fois mariées, les femmes devenaient « Dames de Sainte-Anne ». Toute femme devait faire des vœux lors de
son initiation à l’ordre. Le curé s’assurait aussi de rappeler à chaque mois le devoir de la femme, épouse et mère de
famille. La Ligue du Sacré-Cœur était un ordre religieux (catholique) pour les hommes ou garçons. A tous les mois,
il y avait une réunion après la messe. Le curé sermonnait les hommes en s’assurant qu’ils connaissaient bien leur
rôle dans la famille, dans la société… expliquent Jeanne et Gérard.
48
puis la danse continua à nouveau. « Les pères fournissaient la boisson284
» souligne Gérard. Les gens ne
payaient pas pour l’alcool, ils apportaient un cadeau pour les mariés « De l’argent ils ne donnaient pas
ça… c’était toujours un cadeau. Des fois ce n’était pas grand-chose mais… il fallait qu’ils apportent un
cadeau» dit Gérard. Il y avait de la musique. « C’était des gens qui venaient jouer de la musique Country.
C’était Ti-Jos au violon. Pendant le jour c’était de la parenté qui jouait de la musique » se remémore
Gérard. « Le soir c’était des gars qui venaient jouer » ajoute Jeanne. « C’était la grosse fête » répète
Gérard. « Le gâteau était vrai et il était sur la table d’honneur. Il n’est pas dans le coin comme on le fait
aujourd’hui » dit Jeanne. « En haut, il y avait les p’tits bonhommes » rappelle Gérard. « Le marié et la
mariée » indique Jeanne. « C’était impressionnant. Ça je m’en souviens bien. Au milieu de la veillée,
vers onze heures (vingt-trois heures) c’est nous qui le tranchait. On prenait une assiette puis on passait
tout ça » explique Gérard.
Un autre divertissement de la soirée avait cependant une facette plus économique. « On avait passé le
soulier nous autres285
» explique Jeanne. Le couple m’informe que ce genre de quête leur permit de louer
un hébergement où ils passèrent leur première nuit de couple ensemble. Pendant cette réception et plus
tard dans la soirée, il était aussi de coutume que les mariés ouvrent les cadeaux de leurs invités. Parmi les
cadeaux reçus, Jeanne et Gérard énumèrent ceux-ci : assiettes pour gâteaux, vaisselle, couvertures,
lampes, assiettes pour desserts… « Toutes sortes d’affaires que t’avais besoin pour partir le ménage » dit
Gérard. Jeanne quant à elle manifeste un attachement particulier pour l’un de ces items. « Moi j’ai eu
une chaise berceuse de mon grand-père. Il l’avait acheté chez Dupuis Frères286
» dit-elle. « Chez Dupuis
Frères parce que c’était francophone. Les catalogues de Sears et Eaton’s étaient en anglais puis t’avais
bien d’la misère à avoir ça en français. Dupuis Frères c’était strictement francophone » ajoute Gérard.
« On était au moins certain le lendemain matin qu’on avait une chaise pour s’asseoir » dit Jeanne en riant.
Ainsi, selon Jeanne et Gérard, rien n’aurait fait l’objet de compromis lors de la planification de leur
mariage. «Ça faisait notre affaire. Son caractère ça marchait, puis le mien pareil … on va continuer de
même » dit Gérard. C’est ainsi que fut marquée l’entrée en ménage.
Le couple m’informe aussi qu’ils ne cohabitèrent pas ensemble avant le mariage. « Après qu’on était
marié on est allé rester dans le village, avant ça on était à la campagne287
» dit Jeanne. « On avait loué un
appartement dans le village, une chambre puis une p’tite cuisine. On payait vingt-cinq piastres par mois.
On avait choisi de rester là parce que c’était proche de mon ouvrage, je n’avais pas de char288
. On n’avait
presque rien! » dit Gérard. Jeanne renchérit en admettant qu’ « il ne fallait pas que ça soit trop grand
parce qu’on n’avait pas gros de ménage. Mon père m’avait donné un set 289
de chambre. On n’avait pas
284
Boisson : boisson alcoolisée telle que la bière et le vin selon Gérard. 285
Passer le soulier : selon Jeanne, il était coutume que la mariée enlève un de ses souliers pour le faire passer
autour de la salle. Les gens y déposaient un don monétaire. 286
Dupuis Frères était un magasin situé à Montréal qui se dota d’un comptoir postal permettant aux
consommateurs l’achat de produits par catalogue. Cette compagnie familiale connut de grands succès. Et selon les
recherches, tout porte à croire que c’est son esprit nationaliste canadien-français qui s’imprégnait dans les valeurs
familiales et religieuses qui lui permit de devenir un genre d’organisme rassembleur. Dupuis Frères Limitée,
http://experience.hec.ca/dupuis_et_freres/le-magasin-du-peuple/nationalisme/, page consultée le 17 mai 2012.
Marguerite Sauriol, Avant le cybercommerce, Profil historique des entreprises Dupuis Frères,
http://www.civilization.ca/cmc/exhibitions/cpm/catalog/cat2402f.shtml, page consultée le 17 mai 2012. 287
Avant le mariage, Jeanne et Gérard habitaient dans la campagne avec leurs familles. 288
Char : automobile 289
Set : ensemble de chambre à coucher.
49
de fridge290
parce qu’on avait déménagé en hiver. On mettait le lait entre les châssis puis les rôtis de lard
aussi puis ça se conservait. Mais là l’été on s’était acheté un fridge » indique Jeanne.
Jeanne et Gérard eurent six enfants sur une période de treize ans291
. Quant à leur éducation, tous deux
admettent partager la même vision. « C’était l’école française, c’était la seule école » dit Gérard. Leurs
enfants reçurent une éducation religieuse. « Nous autres c’était les Sœurs qui enseignaient. Ce n’était pas
un problème d’enseigner la religion » ajoute-t-il. Il me parle aussi du milieu scolaire de ses enfants et
donc de la crise scolaire des années 1970. « Moi je ne tolérais pas ça, j’ai dit non292
. C’est là qu’on s’est
battu puis qu’on a eu une école secondaire française293
» avoue Gérard. Et quant aux émotions face à ces
changements, il avoue sans hésiter qu’il en était fier. Mais l’éducation de leurs enfants ne s’arrêtait pas
là. Jeanne et Gérard insistaient sur l’acquisition de bons principes moraux. C’est avec assurance qu’ils
témoignent des valeurs transmises à leurs enfants. Dans un premiers temps, Gérard souligne encore
l’importance de la langue française et de la religion catholique. Il renchérit sur les bienfaits qu’apportent
les travaux agricoles aux valeurs familiales. « Nous autres on a resté sur une ferme et puis vois-tu le
matin il y en avait toujours une294
qui se levait puis qui venait à l’étable puis l’autre295
, elle restait dans la
maison pour prendre soin des bébés. Elles avaient leurs tâches » explique Jeanne. « Nos enfants, il
fallait tous qu’ils aient la base agricole » précise Gérard. «C’était la routine puis le travail » déclare
Jeanne. « Les professeurs savaient tout de suite qui venait de la campagne, qui venait de la ville! Quand
il y avait quelque chose à faire, ceux qui faisaient toute l’ouvrage comme placer les chaises, c’était ceux
qui habitaient sur les fermes… puis il y en avait beaucoup! Ils savaient quoi faire. Moi c’était bien
important » explique Gérard.
2.1.1.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)
Isabelle et André racontent, chacun à leur manière, la façon dont ils se sont rencontrés.296
Bien que le
contexte fut le même, les souvenirs de l’un et de l’autre sont un peu différents, puisque chacun d’eux fait
appel à sa mémoire individuelle, étant interviewé individuellement. Ainsi, Isabelle raconte qu’elle
rencontra André à l’école alors qu’ils fréquentaient le secondaire. Après s’être croisés à quelques
reprises dans le corridor, André, lui demanda si elle voulait dîner avec lui à la cafétéria de l’école. Et
débutèrent les fréquentations plus régulières. Par exemple, ils allèrent boire une boisson gazeuse au
magasin du coin ensemble et graduellement firent des sorties au cinéma alors que la relation devint de
plus en plus sérieuse. Les fins de semaine ils sortaient ensemble durant la journée. Lorsqu’André eut fini
ses études secondaires, il se dirigea sur le marché du travail en s’assurant toujours de planifier ses pauses
du dîner en même temps que celles d’Isabelle qui, étant quelques années plus jeune, fréquentait toujours
cette institution. Isabelle souligne qu’André était très courtois. Il payait toujours pour elle lors de leurs
sorties et démontrait beaucoup de gentillesse. Elle précise que la durée des fréquentations fut de deux ans
avant les fiançailles.
290
Fridge : réfrigérateur 291
Entre le milieu des années 1950 et la fin des années 1960. 292
Dire non au fait que ses enfants devaient aller à une école secondaire anglophone. 293
Le chapitre 1 fournit des informations importantes au sujet de cette crise scolaire. 294
Leur fille aînée 295
Leur fille cadette 296
Début des années 1970.
50
Ce qu’elle retient le plus des fréquentations sont les qualités personnelles de cet homme. Elle témoigne
par exemple de sa gentillesse, de sa serviabilité en affirmant qu’il était toujours là pour elle en l’aidant
dans ses tâches scolaires … et aussi celles à la ferme. De nouveau, Isabelle sourit en remémorant les
souvenirs qui lui sont chers et admet : « C’était toujours le fun. André planifiait et préparait tout le temps
toutes les fins de semaine. On allait jouer aux quilles, on allait aux vues, on sortait avec des amis, cinéma
en plein-air …»
André témoigne de cette rencontre et des fréquentations à sa façon. Il indique qu’il avait rencontré
Isabelle à l’école.297
C’est en m’informant d’une situation de conflits linguistiques dans la communauté 298
qu’il témoigne de son choix de fréquenter une certaine institution plus qu’une autre. Ce choix
providentiel lui a permis de rencontrer Isabelle. Ce fut ainsi selon lui, la meilleure décision qu’il aurait pu
prendre, en reconnaissant les événements qui en découlèrent. André témoigne aussi de ses efforts pour
faire la cour à Isabelle. Il révèle qu’il avait aperçu Isabelle à quelques reprises faire les emplettes avec
ses parents à l’épicerie où il avait un emploi à temps partiel après l’école et durant les fins de semaine. Il
avance aussi qu’il avait offert un café à un de ses collègues de travail afin qu’il puisse « sortir les
emplettes299
» pour les déposer dans le véhicule familial d’Isabelle. À cette occasion, il avait la chance de
voir Isabelle et de rencontrer sa famille. Il l’invita éventuellement à prendre un café. Après quelques
conversations au magasin et à l’école, les parents d’Isabelle lui permirent de rencontrer André à des
restaurants pendant qu’ils faisaient leurs emplettes. «C’est comme ça qu’on s’est rencontré! » Tout
comme Isabelle, André retient de leurs fréquentations des moments d’agrément. « On avait du plaisir, on
avait des amis puis on sortait ensemble. » Il explique que ses amis garçons avaient rencontré les amies
filles d’Isabelle et que les couples sortaient souvent ensemble.
Quant à la demande en mariage, elle se fit, tel que déjà mentionné, après deux ans de fréquentations alors
qu’Isabelle ne s’y attendait pas. C’était une surprise. « Je me suis dit c’est vraiment le gars pour moi» me
révèle-t-elle en se remémorant ce moment. Elle indique aussi qu’il était question, selon l’étiquette et les
valeurs de l’époque, qu’André fasse une demande officielle de mariage auprès de son père. « Mon père
m’avait averti que si on devait se marier il fallait dire à notre chum300
qu’il fallait demander la main» dit-
elle. Avant qu’André ne lui offre une bague de fiançailles301
, elle en parla à son père. Elle révèle aussi
qu’elle annonça à sa mère les plans de mariage en déclarant à celle-ci « bien là on va se fiancer là puis il
faudrait qu’André demande ma main à Papa mais je ne sais pas quand est-ce que je vais lui dire! » Sa
mère lui suggéra d’attendre au moment opportun qui allait être lorsque tous les autres enfants de la
famille allaient être au lit. Isabelle raconte le déroulement de la demande. « Fait que là c’te soir là, je
l’sais pas mais ma mère doit avoir arrangé quelque chose, je suis certaine qu’elle doit en avoir parlé à
mon père mais en tous les cas, il s’est couché un peu plus tard que les autres soirs mais là, j’avais peur
297
Début des années 1970. 298
André fréquentait le secondaire lorsque la fameuse crise des écoles secondaires éclata en Ontario au début des
années 1970. Il explique qu’il avait reçu une éducation primaire en français mais que son éducation au palier
secondaire devait se poursuivre en anglais en raison de l’absence d’institutions secondaires francophones dans sa
communauté à l’époque. Ayant presque complété ses études, la communauté francophone de la région réussit à
obtenir son école secondaire francophone. Et en raison de ses racines francophones, André choisit de fréquenter
cette institution et y obtint son diplôme. 299
André indique que c'était un service que les épiceries offraient où les employés allaient aider les gens à charger
leur voiture. 300
Chum: prétendant 301
Cette bague n’avait pas encore été choisie.
51
mais je n’avais pas peur, je ne savais pas comment m’y prendre pour aller lui annoncer ça. » Elle
attendit, alors que lui aussi attendit et puis, voyant que sa fille ne lui chuchota mot, il alla se coucher.
Elle prit son courage, et puis alla le voir en l’avisant qu’André allait lui demander sa main en mariage.
« Là j’ai eu un p’tit chapitre302
mais c’était un bon p’tit chapitre parce que ce qu’il m’a
dit je m’en ai servi toute ma vie. C’était quelque chose de bien puis je suis contente
d’avoir eu cette p’tite talk303
là. Je me rappelle encore il304
m’avait dit la vie de
mariage n’est pas toujours un bouquet de rose. Il va y avoir des fleurs qui vont faner
dans ton bouquet puis à c’est à toi de prendre soin de tes roses. André est allé parler
à mon père305
, mais il est allé tout seul. »
Isabelle indique qu’elle ignore encore à ce jour, comment André a fait la demande officielle à son père.
Elle souligne quand même que son père était bien heureux qu’une demande officielle lui ait été faite et
qu’il accepta volontiers de donner la main de sa fille en mariage à André.
Mais si Isabelle ignore ce fait, j’ai pu en connaitre les détails puisqu’André m’en a fait part. Il raconte
premièrement qu’il n’a pas suivi de protocole lorsqu’il demanda à Isabelle de l’épouser.
« J’étais trop paquet de nerfs pour suivre un protocole. Je n’ai pas été par quatre
chemins, j’ai été direct pas mal. Pas de tralalas, c’était direct Voudrais-tu
m’épouser? Je savais que, je la connaissais assez bien pour savoir que si elle disait
oui c’était pour la vie que ce n’était pas pour juste un p’tit montant de temps! Là elle
m’a annoncé la belle Isabelle que la coutume c’était de demander sa main en mariage
à son père. Ouffff! Là ce n’était pas la même histoire! Moi ça ne faisait pas longtemps
que j’étais dans le portrait! Ça fait que, ils tiraient306
les vaches puis le soir après
souper, je lui avais demandé à Isabelle qu’est-ce qui serait le meilleur temps. Elle a
dit : Tu viens souper le dimanche puis on va te laisser le temps puis tu lui
demanderas. Je ne sais pas s’il s’en doutait ou quoi parce que le soir en s’en allant à
l’étable je lui ai dit mes intentions puis il faut croire qu’il ne me trouvait pas trop
malcommode. »
André ajoute que Gérard, le père d’Isabelle, lui offrit quelques conseils et lui accorda la main de sa fille
en mariage. Sitôt la demande officielle faite, les préparatifs du mariage commencèrent.
Isabelle m’informe qu’elle aussi avait un trousseau. D’ailleurs, son grand-père qui était aussi son parrain,
lui avait fait pour sa fête un coffre dans lequel elle avait placé tous ses objets pour l’entrée en ménage.
Isabelle ajoute qu’elle appelait ce genre de coffre « un coffre en cèdre » parce que l’intérieur était de
cèdre alors que l’extérieur était fait d’une autre sorte de bois. Ce geste symbolique suscite des sentiments
ce qui se voit très clairement dans son expression faciale. Son sourire me permet de constater qu’elle
chérit ce souvenir. Elle m’informe aussi que son trousseau consistait en items tels que : vaisselle, barres
de savon, serviettes de lin, débarbouillettes. Elle précise que ces dernières provenaient de boîtes de savon
que sa mère, Jeanne, achetait et collectionna pendant plus de deux ans. Il y avait aussi des couvertures de
302
Chapitre : discussion pour faire la morale. 303
Talk : discussion 304
En parlant de son père Gérard. 305
Il a fait la demande quelques jours plus tard. 306
Tiraient : trayaient
52
laine et des courtepointes dans le trousseau. Elle explique aussi que sa mère commandait des boîtes de
tissus qui arrivaient sur le train. Avec ces morceaux de tissus, sa mère, ses sœurs et elle-même
fabriquaient des « couvre-lits ». De plus, sa grand-mère maternelle, pour sa fête, lui offrait toujours des
cadeaux qu’elle ajoutait à son trousseau. Aujourd’hui Isabelle a encore une couverture de laine que cette
dernière lui avait donnée. Mais sa grand-mère n’attendait pas seulement les anniversaires pour offrir de
telles surprises. Parfois, en allant la visiter elle lui donnait des items en lui indiquant de les ajouter à son
trousseau. « C’était des choses serviables307
et puis ça m’a duré longtemps » précise Isabelle.
Son époux André indique qu’il n’avait pas de trousseau comme on l’entend. Il considère quand même
que des préparatifs avaient été faits pour son entrée en ménage.
« Mes parents m’avaient acheté un ensemble de chambre à coucher et puis c’était à
peu près la seule chose. Mais on s’était acheté du ménage moi puis Isabelle. On a
choisi ça à nous deux. Moi ma principale affaire c’était une télévision en couleur dans
le temps. C’est ça que moi j’ai choisi mais après ça disons le reste des meubles, le
réfrigérateur puis le poêle308
puis ces choses là, c’est tout Isabelle qui a choisi ça ».
Isabelle explique en quoi consistaient les préparatifs. « Des gros tralalas il n’y en avait pas. C’était bien
simple! » Les fiancés, accompagnés de leurs parents, se rencontrèrent pour discuter du menu du souper
traditionnel qui allait être servi après la cérémonie du mariage. Elle avance aussi que les décisions quant
aux préparatifs étaient faites de façon collective, son fiancé et elle.
« On a choisi pas mal tout ensemble. Les deux ensemble on a choisi qui allait
conduire les mariés de l’église parce qu’on s’est marié catholique. Ça c’était bien
important que ça soit catholique : les deux on était catholique. Mon oncle travaillait
dans un garage, puis dans le garage lui, il pouvait avoir n’importe quelle voiture ça
fait que j’avais une belle voiture neuve ! Ils appelaient ça un Grand Marquis! C’était
quelque chose dans c’temps là! Elle était bleue et blanche. C’était notre couleur
préférée le bleu. Ça fait que la voiture était bleue. C’était ça qui était le cadeau de
noce de cet oncle là : louer cette voiture là pour le temps309
».
Elle souligne pourtant que les détails de la préparation du mariage lui étaient laissés alors qu’André avait
comme rôle de s’occuper de réserver la salle et de se procurer de la boisson alcoolisée pour servir aux
invités lors de la réception. « C’est lui qui s’occupait de ça» souligne-t-elle. Elle me fait aussi part de la
composante religieuse relative aux préparatifs du mariage. « Il fallait aller voir le prêtre pour se marier.
On est parti tous les deux puis on est allé voir le prêtre pour se marier à l’église ». Le prêtre questionna
les futurs mariés individuellement ce qui dura, selon Isabelle, au moins une heure pour chaque conjoint.
« Après il nous a parlé les deux en même temps de ce qui en était de la vie de mariage ». Tous deux
devaient aussi se confesser, selon la tradition religieuse. Par la suite, selon Isabelle, il fut question de
faire publier les bans.
307
Serviables : utiles. Exemple : linges à vaisselle entre autres. 308
Poêle : cuisinière 309
Pour délimiter le temps, il faut préciser que la voiture dont il est question amenait la mariée à l’église et par la
suite, le couple nouvellement marié à la salle de réception. Une procession de voitures toutes décorées suivait celle-
ci en klaxonnant chemin faisant entre l’église et la salle de réception.
53
André se souvient à des détails près la préparation du mariage. « Là il y avait le curé. C’était certain
qu’on allait se marier dans son village natal à elle.310
» Isabelle et André rencontrèrent alors ce curé qui
les amena à réfléchir sur le mariage et la vie de couple. « C’était intéressant puis c’était dans nos plans
de vivre une vie religieuse ensemble » atteste André. De plus, André apporte d’autres précisions
intéressantes. Il indique qu’il aurait aimé pouvoir se marier au mois de mai mais la famille d’Isabelle, en
étant des agriculteurs, avait besoin de son aide pour « faire les foins ». Ce ne serait qu’après cette corvée
que le mariage pouvait avoir lieu. Il avoue aussi que la famille d’Isabelle, faute de temps en raison de ce
genre de besogne, ne pouvait s’occuper des préparatifs de mariage avant les foins. « C’est tout son côté
de sa famille qui s’est occupé du plus gros parce que mes parents à moi étaient assez âgés. Quand même,
financièrement ils étaient là pour nous aider » insiste André. Et à l’intérieur de toute la planification,
André estima que son rôle était d’écouter les précieux conseils de ceux qui avaient déjà vécu l’expérience
des préparatifs de mariage. « Je suivais ce que le monde me disait parce que moi c’était la première fois
puis la dernière fois que je me mariais là! » déclare-t-il.
Mes entrevues se poursuivent et je demande aux informateurs, individuellement et séparément, s’il avait
été question de célébrations telles que l’enterrement de vie de célibataire. Tous deux m’informent que
leur célibat, tout comme la fin de celui-ci, n’a pas fait l’objet de célébrations officielles. « Non dans
c’temps là311
, il y en avait qui en avait bien moi j’en ai pas eu. J’étais l’aînée puis mon mari était enfant
unique… ça fait qu’il y en avait pas de ça » déclare Isabelle. André soutient le même propos. Il ajoute
pourtant que leur groupe d’amis s’était rassemblé, comme il le faisait régulièrement, en ayant en tête
l’occasion qui se préparait et qui approchait, mais rien de plus.
Isabelle m’informe aussi du choix de la bague de fiançailles et des joncs de mariage.
« On a parti tous les deux ensemble puis André voulait que je choisisse celle que je
voulais. Il était de bon cœur ça fait qu’il n’y avait pas de prix pour la bague. Mais
comme de raison, je n’ai pas choisi la plus chère! Je savais ce que je voulais. C’était
un jonc puis la bague de fiançailles. Puis les diamants : j’aimais les diamants. Puis son
jonc à lui était la même chose. Seulement que moi j’avais des diamants puis lui, il
n’avait pas de diamants.»
Isabelle expose aussi le symbolisme derrière ces anneaux. « Le jonc c’est un cercle puis ça ne se défera
jamais pour moi ça là, c’est un cercle – il n’y aura jamais de fin. J’ai marié cet homme là pour la vie, pour
la vie! » répète-t-elle.
André raconte son histoire à sa façon et précise qu’il amena Isabelle au plus grand centre urbain du Nord
Ontario à l’époque. Tiens Isabelle, choisis celle que tu aimes, prends la bague que tu veux m’explique-t-
il. « Elle en a choisi une à son goût. Je voulais qu’Isabelle ait quelque chose à son goût.» André n’avait
pas dit à ses parents ses intentions. Il est arrivé à la résidence familiale avec son jonc qu’il ne portait pas,
ne sachant pas comment ses parents allaient réagir. Ils lui témoignèrent leur chaleureuse approbation et
lui offrirent leurs félicitations. Et dans ces bijoux, il y voyait un symbolisme. « Je voyais le symbole
qu’on allait partager notre vie ensemble puis qu’on était pour devenir un couple » relate-t-il.
310
La tradition voulait que le mariage soit célébré dans la paroisse de la conjointe. 311
Dans les années 1970.
54
Arriva finalement la cérémonie du mariage tant attendue. Isabelle me fait part du déroulement de la
journée. « On s’est marié à trois heures (quinze heures) de l’après-midi puis il y avait un souper312
.
André a payé la musique » dit- elle. «Ce n’était pas rien de gros puis le lendemain il n’y avait pas rien
non plus. « J’avais une robe blanche, bien simple, un voile, puis un bouquet de fleurs. » En lui
demandant si, dans la préparation et dans la célébration du mariage elle avait été obligée de faire certains
compromis, elle m’assure qu’il n’en avait pas été le cas. Et en l’interrogeant sur ses souvenirs quant à la
cérémonie de mariage, les détails se mettent à abonder alors qu’Isabelle réitère l’un de ses plus beaux
moments de sa vie. Ses meilleurs souvenirs, elles les énumèrent un à un :
« Quand le prêtre te fait promettre les choses qu’il faut que tu promettes ; fidélité puis
tout ça ces choses là que tu promets à cet homme là. Il y a rien qui peut vous séparer
ça c’est juste la mort. Je suis très consciente de ça puis pour moi c’était bien
important! Pour moi la religion c’était vraiment important. Je savais que je promettais
ça à Dieu puis c’était une promesse que je faisais. »
« J’étais contente la première danse. La première danse c’était la danse qu’on aimait
tous les deux. Ça j’aimais ça. Le plus beau moment c’était la danse de tous les deux
ensembles. J’aurais aimé qu’elle dure longtemps, longtemps, longtemps. »
Quant aux pratiques traditionnelles, elle relève la fameuse formulette anglophone : « Something old,
something new, something borrowed, something new ».
Une autre des pratiques traditionnelles qu’elle soulève se rattache davantage à l’étiquette : « Pour
communier, moi j’avais des gants et puis on m’avait dit qu’il fallait que j’enlève mes gants pour
communier. Puis ça c’était important. » Finalement, la dernière tradition dont elle fait état est une
croyance qui se veut magico-religieuse.
« Le chapelet sur la corde à linge ça c’était bien important. Ils disaient que si tu
accrochais ton chapelet tu étais pour avoir une belle journée ensoleillée. Fait que le
matin de bonne heure, il fallait que tu mettes ton chapelet sur la corde avant que le
soleil se lève. J’étais bien de bonne heure c’te matin là!» avoue-t-elle.
Ces traditions, disait-elle, étaient importantes parce que ses prédécesseurs avaient emprunté les mêmes
pratiques. Elle affirme et constate que de toute évidence, son mariage fut traditionnel en raison de la
dynamique de transmission observable lors de l’événement. Pour justifier ce qu’elle affirme ainsi, elle
relate les pratiques empruntées de ses parents et autres membres de la famille qui lui servirent de guide
dans sa planification. Elle explique le sens de traditionnel en soulignant quelques faits : elle s’était rendue
à l’église avec ses parents vêtue de sa belle robe blanche; le fait que sa mère entra dans l’église parmi
tous les autres invités alors que son père et elle, bras dessus dessous, entrèrent à la suite du cortège
nuptial; le fait que son fiancé l’attendait accompagné du curé tout juste devant le jubé; le fait que son père
donna sa main au curé et que celui-ci la prit et la déposa sur celle d’André; et enfin, le fait que les chants
religieux accompagnaient la cérémonie. De plus, le fait que le mariage soit célébré dans une église
catholique fut l’un des aspects traditionnels les plus importants. Ainsi, les traditions catholiques du
mariage lui tenaient à cœur. « C’était important pour moi que ça soit à l’église. Puis c’était dans MON313
312
Les coûts du souper avaient été défrayés par les parents des deux familles. 313
Lettres majuscules. Intonation de la voix voulant marquer une importance.
55
église où j’avais grandi, où j’avais fait toutes mes autres étapes314
pour moi c’était important d’aller me
marier DANS MON315
église ».
André aussi soutient l’importance d’avoir célébré son mariage dans une église catholique. « On était du
monde qui allait à la messe aussi dans le temps.316
Les dimanches dans c’temps là les magasins, les
ouvrages, tout arrêtait pour aller à la messe. De nos jours tout est ouvert le dimanche. » Et selon André,
aucun compromis n’avait à être fait pour combiner les valeurs des deux familles qui maintenant
s’unissaient dans le mariage. En lui demandant ce qu’il retient le plus de cette cérémonie, il répond :
« C’était de voir la mariée dans sa belle robe blanche. C’est ça qui était de plus beau !» Il soutient aussi
que son mariage en était un qui fut traditionnel parce qu’il a été vécu selon les conventions issues du rite
catholique. Comme coutumes traditionnelles il indique que « le mariage était catholique avec tout ce qui
se passe dans l’église. » Ainsi, il s’agirait de coutumes, rites et rituels religieux. Il précise aussi
l’importance des traditions religieuses en admettant :
« On a fait des vœux sincères. On se mariait dans notre paroisse avec nos membres de
famille. Aujourd’hui tu vois des mariages ça se fait en Jamaïque puis partout dans les
pays chauds. C’est quand même beau, je n’ai pas de problèmes avec ça mais ce n’est
pas ton curé de paroisse qui te marie nécessairement. Tu sais c’est ça que nous autres
on avait en valeur ! »
En lui demandant quels furent les plus beaux souvenirs de cette célébration, André précise qu’ils sont sur
le plan des émotions, des sentiments vécus cette journée là.
« Mon plus beau souvenir c’était d’entreprendre ma vie avec Isabelle! On était ami,
on était proche, pas de p’tites gribouilles quant on sortait, pas de chicanes, pas eu de
choc, ça fait que j’étais content de me marier avec elle et d’entreprendre ma vie. »
La noce elle-même fut décrite par Isabelle de la façon suivante : « Pendant la soirée, autour de onze
heures (vingt-trois heures), il y avait un lunch. Ma mère en a fait 317
, sa mère318
en a fait, et puis mes
tantes… ce n’était pas acheté. » Le couple avait pourtant acheté un gâteau aux fruits, l’avait coupé et
emballé dans de petites boîtes. Les boîtes furent déposées dans un panier près de la porte d’entrée et
chaque invité en prenait un. Le gâteau aux fruits était important pour Isabelle. Lorsqu’elle allait à
d’autres mariages, il y avait aussi ces mêmes petits gâteaux. Selon la croyance, les filles non-mariées
n’avaient qu’à déposer la petite boîte de gâteau sous leur oreiller et l’on disait qu’elles allaient « rêver à
leur prince charmant ». Isabelle voulait aussi permettre aux filles de pouvoir rêver. Elle savait que les
filles qui étaient à son mariage voulaient avoir ce morceau de gâteau et ce dernier était important pour
elles aussi. En ce qui a trait aux invités, Isabelle indique que « c’était de la parenté proche » tels que la
famille immédiate, évidemment, ses grands-parents, ses oncles et ses tantes du côté maternel et paternel,
ainsi que leurs enfants. « Ce n’était pas beaucoup de monde, ce n’était pas un gros mariage. » Son plus
beau souvenir de la journée elle le décrit de la façon suivante :
« Dans l’église c’était beau, c’était vraiment beau! Tout le monde était heureux! Moi
j’étais heureuse, je sentais qu’André était heureux tout le monde autour de nous, tout
314
Ces étapes seraient le sacrement du baptême, le sacrement de la réconciliation, le sacrement de l’eucharistie et la
confirmation. 315
Lettres majuscules. Intonation de la voix voulant marquer une importance. 316
En général, il y avait beaucoup plus de pratiquants à l’époque. 317
Avait fait de la nourriture. 318
La mère d’André.
56
le monde était heureux. On est sorti de l’église, c’était beau, c’était comme une joie tu
sais? Une grosse joie! Puis pour la soirée tous ceux qu’on aimait étaient là. Les amis,
les frères les sœurs, les tantes, les oncles, tout le monde était content. Moi c’était
quelque chose que je voulais.»
En ce qui a trait à ses invités pour la noce, André m’informe que sa parenté était limitée. Il invita alors
ses amis ainsi que ses collègues et exprime « ça m’a fait plaisir d’avoir eux autres parce que ça faisait du
monde un peu sur mon côté à cause que je n’avais pas tellement de parenté ». Quant à la réception, il
déclare qu’elle était belle. « C’était le fun, on a bien aimé ça. Tout s’est bien passé. » Il ajoute aussi qu’il
était question, lors de la réception, de quelques coutumes. « La jarretière durant la soirée319
. Des p’tites
choses qui sont le fun qu’on se souvient pour la vie ». « Je sais que j’avais été obligé de cacher ma
voiture parce que les gars, ils planifiaient d’accrocher des cannes à l’arrière pour que ça mène le diable ça
et puis on a réussi de la cacher320
». Il décrit l’importance de ces coutumes à sa façon, comme suit :
« C’était important parce que dans notre groupe à nous autres on était les premiers à
se marier puis à faire ça l’affaire avec la jarretière. On trouvait ça tellement drôle
quand on a vu les autres qui suivent après nous-autres puis on allait à leur mariage.
On ne se voyait pas faire mais c’était drôle de voir les autres, comment est-ce qu’ils
entreprenaient ça ».
Tous deux indiquent qu’ils partirent en lune de miel dans le sud de l’Ontario, à l’endroit célèbre où sont
les Chutes du Niagara.
L’entrée en ménage nécessita une certaine adaptation de la part d’Isabelle. Elle quittait la vie agricole et
ses travaux pour aller habiter la ville bien que celle-ci fut très petite. Elle raconte :
« André était très, très proche de ses parents. Ça fait qu’on n’avait pas le choix, notre
appartement était dans la même maison que ses parents. Il y avait juste une porte qui
nous séparait. Puis le ménage321
, André l’avait tout acheté avant le mariage. C’était
tout du ménage neuf. Il m’avait laissé choisir. Même je pense deux mois avant le
mariage tout était dans l’appartement puis tout était bien placé ».
Isabelle quant à elle avait acheté de la vaisselle avant le mariage pour l’appartement. Bien que tout soit
bien aménagé, le couple choisit de ne pas cohabiter ensemble avant le mariage.
André confirme ce qu’Isabelle explique : « Notre appartement était prêt à déménager dedans, tout était
installé, tout était prêt. C’était un bloc appartement que mon père avait puis on est demeuré dedans pour
les premières années, ça venait sans loyer ».
319
La coutume veut que la mariée porte une jarretière autour de la cuisse. Pendant la soirée, au son de la musique,
l’époux doit retirer la jarretière de la conjointe dans un jeu coquin. Par la suite, on demande à tous les hommes
célibataires de la salle de se réunir pour une compétition. Le but est d’attraper la jarretière que l’époux lance dans
les airs. On dit que le vainqueur sera le prochain à se marier, ce qui est tout un honneur. 320
Par tradition, on décore la voiture des mariés en accrochant, à l’aide de cordes assez longues, des cannettes de
boissons gazeuses ainsi que des boîtes de conserve, dans le but de faire un vacarme qui attire l’attention de tous les
passants, annonçant que le couple vient de se marier. 321
Ménage : meubles et appareils.
57
C’est dans ce foyer, qu’Isabelle et André élevèrent deux de leurs enfants.322
En ce qui a trait à l’éducation
des enfants, Isabelle affirme que c’était elle en grande partie qui en était responsable. Elle ajoute aussi
que c’était important de montrer à ses enfants qu’il fallait prier à tous les soirs avant d’aller se coucher.
«Dans ce temps là ils disaient Si tu tombes endormi sur ta prière, tes vœux vont être exhaussés ».
Pendant la prière il s’agissait de remercier le « Bon Dieu » de la belle journée. Elle se souvient de voir
son grand-père prier.
« Il avait la coutume de tourner une chaise, de se mettre à genoux par terre et de
reposer ses coudes sur le siège de la chaise et mettait son front dans les barreaux de la
chaise. Puis là il récitait un chapelet à haute voix et il commençait la moitié du Notre
Père puis le reste de la famille continuait la prière. Puis c’était très sérieux ».
Elle souligne à quelques reprises l’importance de montrer la religion à ses trois enfants. De plus, elle
ajoute qu’il était important de souper ensemble à tous les soirs. C’est à ces occasions que les enfants
pouvaient partager les événements de la journée ce qui, selon elle, permettait de passer du temps en
famille à tous les jours. Les valeurs qu’elle tenait à leur enseigner était le respect envers les adultes,
l’honnêteté, le travail en précisant qu’il était important d’être bien travaillant, et indiquait aussi que les
parents devaient servir de modèle à leurs enfants… « mais le respect … c’est le respect !» répète-t-elle
en précisant son importance. Ce sont selon elle les mêmes valeurs qui lui ont été transmises sauf qu’il y
avait, elle en a bien conscience, un « changement d’époque323
» indique-t-elle.
André déclare qu’il partage une vision identique à celle de sa femme quant à l’éducation de ses enfants.
« Absolument! Elles ont une bonne éducation. On a été chanceux on a eu trois filles puis on en est très
fiers jusqu’à aujourd’hui! » Il déclare aussi qu’Isabelle et lui orientèrent leurs filles du mieux qu’ils le
purent de façon à ce qu’elles choisissent de continuer leurs études postsecondaires afin de décrocher de
bons emplois payants. Mais pour généraliser sur l’éducation, André explique « On a suivi la routine.
Elles allaient à l’école catholique première des choses, très important. Elles allaient à l’école française,
une autre chose qui était très importante pour nous autres. » En ce qui a trait aux valeurs familiales
enseignées dans le foyer, André déclare « pour moi les valeurs les plus importantes c’est la famille. Elles
ont des enfants elles aussi et puis je pense qu’elles comprennent ce qu’on veut dire ». Sans aucun doute,
André est très attaché à sa famille étant devenu orphelin quelques années seulement après son mariage.
« Je sais que mes parents étaient du monde religieux et tout, et demandaient rien que pour mon bien. » Ce
sont, selon lui, les valeurs qui lui furent transmises.
2.1.1.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)
Émilie, fille d’Isabelle et d’André, petite fille de Jeanne et Gérard, et son conjoint Brian m’informent
qu’ils se rencontrèrent d’une façon assez particulière. « When I was twenty324
, my brother was dating
her sister and we used to always joke around asking if she had a cute younger sister. I guess she was
seventeen and I was twenty and the cute younger sister was at my house» raconte Brian. We dated for
two years before we got engaged and then we were engaged for two years before we were married ». 325
322
Entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. 323
Isabelle associe le changement d’époque au changement de génération. Ainsi, les valeurs aurait été les mêmes
tandis que la génération aurait été différente. 324
1996 325
Rencontre en 1996, fréquentations en 2000, fiançailles en 2002 et mariage en 2004.
58
De leurs fréquentations, Émilie retient un comportement conforme à l’esprit de chevalerie chez son
« prince charmant ». « Brian était toujours poli, il ouvrait la porte des autos, il me laissait toujours passer
en avant, il laissait la porte des magasins ouvertes …» Émilie dit que cette courtoisie est encore bien
présente chez son époux. Brian quant à lui, m’informe que durant une grande partie de leurs
fréquentations, la relation en fut une de distance parce que tous deux poursuivaient leurs études
postsecondaires à des établissements loin l’un de l’autre.
C’est après deux ans de fréquentations que Brian fit une demande officielle en mariage à Émilie. « Il
s’est mis à genoux. C’était par surprise! Il s’est mis à genoux pour me demander en mariage » en
m’indiquant aussi qu’aucun protocole n’avait été suivi. « On en avait déjà discuté qu’on voulait se
marier puis avoir des enfants. On avait les mêmes buts » avoue Émilie. Brian témoigne aussi qu’il avait
été question de discussions de projets et de rêves d’avenir. Émilie pensait qu’il allait faire la demande
officielle à Noël, à la Saint-Valentin, à sa fête… En fait, il lui fit la demande à un moment où elle s’en
attendait le moins : une simple journée ordinaire. « She was expecting it every other way. So I was
looking for a surprise. I wish I had asked her father, I don’t know how traditional he was. And he has
always been supportive but I regret a little bit that I didn’t ask him. » Quant au choix de la bague, Émilie
m’informe que c’est Brian qui l’avait sélectionnée. « I picked it with a general idea of things that she
thought were pretty. She never pointed that one out or anything». Le couple accorde une grande valeur à
cette bague, porteuse de symboles. «Dans la bague on voit le passé, présent et futur avec le nombre de
diamants puis la façon qu’elle est positionnée » déclare Émilie. « Engagement is obviously to get
married. You love somebody you don’t want to spend your time with anybody else. The ring symbolises
that marriage is around the corner and she is the only one» m’explique Brian.
Émilie parle aussi de la façon qu’elle confectionna un trousseau. Elle me confie que celui-ci n’était pas
pour le mariage mais bien pour son appartement, lorsqu’elle partirait pour ses études. C’est en fait un
gros coffre en pin blanc fabriqué par son parrain, un charpentier, qu’elle remplit de toutes sortes de
choses. Sa mère lui avait fait part de tous les items qu’elle aurait besoin dans son appartement pour être
en mesure de se faire à manger et d’effectuer toute tâche ménagère. De plus elle recevait aussi souvent, à
sa fête, ou à Noël, des items tels que des casseroles, des serviettes, de la vaisselle, des ustensiles, des
bols… pour ajouter à ce trousseau. « C’est juste des choses qui m’appartenaient puis je voulais les
apporter » me dit-elle. Brian, son conjoint, me dit qu’il n’avait pas de trousseau.
La préparation du mariage se fit de façon très similaire aux deux autres générations précédentes. À la
différence des deux autres générations, Émilie m’informe d’une nouvelle pratique. « On a dû prendre des
cours de préparation au mariage à cause de différentes religions326
. » Et dans les préparatifs, chacun avait
son rôle. « C’est la mariée qui a préparé tout puis organisé tout pour le mariage. Brian faisait ses
commentaires, puis ses traditions selon sa religion, coutumes et traditions selon sa religion327
» Émilie
précise que Brian et elle choisirent de respecter les traditions religieuses de chacun dans leur mariage. Le
ministre rappela certains passages de l’évangile et bénit le couple. Le couple ainsi que le prêtre et le
ministre s’assurèrent qu’il y ait un équilibre entre les deux religions lors de la cérémonie. Ainsi, le
mariage se fit dans une église catholique et est alors reconnu par les deux religions soit catholique et
326
Émilie est catholique et Brian est protestant. 327
Par exemple, lors d’un mariage protestant, il n’y a habituellement pas de communion.
59
protestante.328
De plus, le couple choisit des textes bibliques représentant les valeurs qui sont les plus
importantes comme par exemple le passage des Corinthiens « Love is perfect, Love is kind... » D’autre
part, il fut question, lors de la préparation du mariage, d’un genre de célébration qu’Émilie considère
comme étant un peu comme un shower de filles. « C’était une petite célébration, une p’tite rencontre.
Entre mère, fille, tantes, grand-mère. » Elle reçut quelques cadeaux tels que des verres de cristal, des
chandelles, des certificats-cadeaux chez une esthéticienne… Émilie ne considère pourtant pas que cette
célébration soit d’une grande importance ni obligatoire. « C’est une p’tite célébration mais c’est pas
quelque chose qui doit être fait. C’est une gentillesse. »
Brian m’offre son point de vue sur la préparation de son mariage. « Lots of trips of coming back on a
regular basis for the better part of nine months329
.» Il témoigne, tout comme l’a fait Émilie, que celle-ci
fut responsable de la majorité des tâches relatives à la préparation du mariage.
« She had planned her wedding since she was a little girl so she was very much
involved in it. Émilie did the bulk of the work. I had to make sure the ring showed up
with my best man. I guess I had a bit of a role too because it was a dual wedding so
we had my parent’s protestant English minister involved as well as the French
catholic side. So there was a lot of liaising between the two families. »
Brian me fait aussi part d’une pratique intéressante.
«There was an amusement party with family members and a few close friends. I don’t
think it changed anything. I don’t want to call it a formality but it was important to
people involved so it was a chance for all the family to get together. It makes it
important.»
Alors qu’il y eut un genre de shower de filles pour Émilie, une rencontre entre les deux familles des
futurs-époux, Brian indique aussi qu’il fut question d’une petite célébration mélangeant les traditions
d’un enterrement de vie de garçon à celle d’un stag330
. Par exemple, il y avait des prix à gagner, le futur-
marié n’a pas été déguisé ou décoré, la nuit ne s’est pas passée en circulant partout dans la ville.
Plusieurs hommes plus âgés y participèrent tels que des amis de son père. La soirée était considérée
comme étant calme mais les hommes s’amusèrent tout de même en partageant des histoires.
« I remember that during the daytime we played paintball which is not something I
normally do but it was fun with a group of friends. And then we went to dinner and
then we rented a loft of a British pub and the shooters came out. My night ended way
earlier than most stags probably. For me it was a formality of getting together with
friends and having a fun time. It wasn’t the beginning of the end or anything like that
like you hear people say. It was traditional I guess. »
Émilie et Brian m’informent aussi au sujet de leur mariage. Ils considèrent tous deux leur mariage
comme traditionnel, en se référant notamment à l’habilement de la mariée et au dicton populaire qui s’y
rattache. Ils soulignent également la place et le rôle du père de la mariée et certaines pratiques usuelles
dans les circonstances : « C’est la robe blanche, quelque chose de bleu, quelque chose de neuf… , le
328
Le mariage mixte entre catholique et protestant dans une église catholique est possible seulement si le prêtre de
la paroisse le permet. Il faut faire demande d’une dispense et le couple doit promettre en signant un contrat, de faire
baptiser et d’élever leurs enfants selon la foi catholique. 329
Brian travaillait dans une autre ville, à plusieurs heures de distance. 330
Célébration où il est question de recueillir des fonds pour défrayer les coûts du mariage.
60
voile, se faire marcher jusqu’en avant avec Papa, la danse avec Papa, la danse avec la maman et son fils
(le marié), lancer le bouquet, lancer la jarretière, le gâteau » avance Émilie. Elle ajoute le souper, en
parlant de son déroulement habituel et de son menu. En effet, il y avait une table d’honneur à laquelle
étaient assis les membres qui formaient le cortège nuptial. On y servit du poulet, du bœuf, des patates
pilées, des légumes, du sucre à la crème, et une variété de tartes.331
Elle continue de me fournir des
exemples de pratiques traditionnelles telles que la première danse des mariés, le fait que le mariage s’est
célébré dans l’église332
et donc dans la paroisse et la ville natale d’Émilie et aussi le fait que des photos
furent prises sur le perron de l’église avec toute la famille, la parenté et les invités. Il y avait huit
personnes dans le cortège nuptial soit une dame d’honneur333
, deux filles d’honneur334
, un homme
d’honneur335
et deux garçons d’honneur336
, une bouquetière et un page337
. Une limousine avait conduit
Émilie à l’église accompagnée de la dame d’honneur, des filles d’honneur et de la bouquetière. Cette
limousine attendait les mariés à la fin de la cérémonie du mariage. Le couple se dirigea à un endroit
choisi, tout près d’un plan d’eau, pour prendre des photos de mariage. Les conjoints se rendirent par la
suite à une salle louée pour la réception. Émilie raconte aussi que les futurs-époux, leurs parents ainsi que
les membres du cortège participèrent à la pratique de la cérémonie la veille du mariage. Tous deux
retournèrent coucher chez leurs parents, même s’ils cohabitaient ensemble. Ils respectèrent la tradition de
se quitter après la pratique de la cérémonie pour se voir à l’église seulement le lendemain pour la journée
du mariage. Son époux n’avait pas vu la robe non plus. Pour Émilie, le mariage signifie que « ça fait
juste partie de l’histoire de princesse, l’histoire de mariage. » En lui demandant de me partager son plus
beau souvenir elle m’avoue que la journée toute entière l’était.
Le témoignage de Brian va dans le même sens. Il explique que si son mariage ne fut pas exactement
comme ceux auxquels il avait déjà assisté, les coutumes et les traditions religieuses et culturelles étaient
bel et bien présentes. « It was in English AND338
French and catholic and protestant in a catholic church
which I’m sure even ten years before it would have been rare.» Il ajoute qu’au mariage de ses parents,
lorsque son père qui était catholique épousa sa mère qui était protestante, plusieurs membres de la famille
catholique refusèrent d’assister au mariage.
« We both picked to do a bilingual wedding and in fact we did our vows in the
opposite language. I did mine in French because I understand it as well, and my wife
did her vows to me in English. We went with traditional vows and traditional
passages, like biblical where you get a handful to pick. We didn’t create our own
vows, which is nice too but we didn’t do that. We wanted it to be quite traditional. I
kind of always wanted a traditional wedding. I didn’t want something you always see
on TV that was freaky or anything. Yes, it’s important to me that my wedding was
traditional. »
331
Il y avait un gâteau de noces artificiel. C’était une décoration seulement. 332
Dans cette église, Émilie avait célébré tous ses autres sacrements tels que le baptême, l’eucharistie, le pardon et
la confirmation. 333
Émilie indique que la dame d’honneur avait un statut privilégié. Elle avait choisi l’une de ses sœurs. C’est celle-
ci qui devait aider la mariée toute la journée. 334
L’une d’elles était une de ses sœurs et l’autre était sa belle-sœur. 335
L’homme d’honneur était le meilleur ami du marié. C’est aussi un statut privilégié. 336
L’un deux était le frère du marié et l’autre était un de ses bons amis. 337
La bouquetière était la nièce du marié et le page était le cousin du marié. Tous deux étaient âgés de moins de 10
ans indique Émilie. 338
Intonation de la voix.
61
Quant au plus beau souvenir de son mariage, Brian admet : « I cherish family being there for it, I cherish
the memory of first turning and seeing how my wife looked, everybody was in a good mood and there
was no arguing – it was just a nice day! »
Émilie me fournit des renseignements encore plus précis quant à la cérémonie du mariage elle-même.
« C’était un mariage dans une église catholique française. Il y avait un ministre pour la religion
protestante. Puis la cérémonie était française et anglaise. » Pendant la cérémonie, au lieu d’allumer la
chandelle d’unité339
le couple versa simultanément chacun un genre de verre rempli de sable dans un
grand contenant de vitre. Elle souligne que ce sable fut gardé en souvenir. Ceci symbolise leur union.
Parce que le mariage fut catholique-français et protestant-anglais, Émilie indique qu’il fut question de
faire quelques compromis.
« Il fallait inclure les coutumes de SA340
religion, puis inclure les coutumes de MA341
religion. Par exemple, la façon qu’eux autres… eux autres vont pas faire de
communion pendant la cérémonie de mariage alors il fallait décider si nous autres on
voulait en avoir une, des choses comme ça ».
Le prêtre et le ministre devaient s’assurer que les religions, soit catholique et protestante, soient
représentées de façon égale. «C’est le reflet de la vie de mariage: vie dans l’équilibre et la fraternité
quant aux pratiques et aux coutumes » souligne Émilie. Cette cérémonie de mariage fut importante pour
elle. « C’est ma journée de princesse, c’est ma journée de changement de vie, de laisser aller l’enfance,
se préparer à être plus mature, à avoir des enfants, à être moins attaché aux parents ». Lorsqu’elle était
petite, elle rêvait souvent à son mariage… et à son prince charmant. Elle se souvient aussi de petits jeux
qui dévoilaient le nom de son futur-époux342
. De plus Émilie expose les valeurs qu’elle retrouve dans
cette cérémonie officielle : autonomie, sécurité, réussite. « Être plus indépendante. Des valeurs de
prendre soin de moi-même ».
Brian, quant à lui, ne considère pas que les ententes entre les traditions linguistiques et religieuses sont
des compromis. «I don’t know about compromise. It was quick for a dual ceremony. There wasn’t the
traditional communion ceremony that made it take a long time. » Il prend aussi l’occasion de parler des
invités. « Lots of family members, quite a good amount of friends. It wasn’t a giant wedding but there
was probably one hundred and forty at dinner and one hundred and sixty after that; people that were
important to us and that were involved in our lives at that time.» De plus, il révèle ce qu’il retient le plus
de cette cérémonie de mariage. « I remember all of it. The biggest part is being there ahead of time and
not being stressed at all, not being nervous at all. And then when I was up at the front I finally got to turn
and see her for the first time in her dress – I felt like I lost my breath for a minute. I remember all of it! It
was a memorable day. »
339
Allumer la chandelle d’unité est un geste symbolique. Les conjoints allument chacun une petite chandelle.
Ensemble, à l’aide de celles-ci, ils en allument une plus grosse, représentant l’unité du mariage. 340
Intonation de la voix. 341
Intonation de la voix. 342
Il fallait par exemple tourner la « queue » d’une pomme en récitant l’alphabet à chaque tour. Lorsque la
« queue » s’enlève, on arrête de réciter l’alphabet… et cette lettre est entre autres la première lettre du nom du futur-
époux explique Émilie.
62
Je demande par la suite à Émilie de me parler de la réception. Je remarque au fur et à mesure les
similarités et les différences entre la sienne et celles de sa mère et de sa grand-mère.
« C’était une belle réception. C’était ce que nous autres on voulait avec valeurs et
traditions. Comme robe blanche, bague, voile, bouquet, toute la planification qu’on
avait fait. En tant que coutumes bien j’avais le voile, puis j’avais la jarretière, j’avais
mon quelque chose de bleu… something old, something new something borrowed,
something blue, la robe était nouvelle, en-dessous de la robe ça avait été emprunté
pour la faire plus gonflée343
, puis la jarretière il y avait quelque chose de bleu. »
Émilie avait aussi des boucles d’oreilles qui étaient bleues. « C’était un cadeau qui a été fait par mon
mari. Le bleu c’était juste par adon344
mais il voulait que je les porte cette journée là ». Et la pratique
des traditions, Émilie y accordait une certaine importance.
« C’est juste des choses qu’ils faisaient avant puis que moi je voulais suivre. Je
voulais que mon père et ma mère marchent avec moi jusqu’en avant ensemble ; qu’on
a changé parce que normalement c’est juste le père qui marche avec leur fille345
. C’est
quelque chose qu’on doit suivre. »
Elle m’explique aussi que la coutume de la jarretière s’est déroulée au son d’une chanson rythmée.
L’époux d’Émilie a tourné son dos à la foule d’hommes célibataires et lança la jarretière. C’est le cousin
d’Émilie qui l’attrapa. La même sorte de tradition se déroula mais cette fois-ci pour les filles. Émilie
lança un bouquet qu’elle avait confectionnée elle-même avant le mariage.346
Elle ne se souvient plus qui
avait attrapé le bouquet. Parmi les invités, me révèle-t-elle, y étaient la famille, la parenté et les amis
proches. Après la soirée, le couple se rendit à un hôtel et quitta le lendemain pour leur lune de miel à
Cuba.
Brian affirme avoir gardé de très beaux souvenirs de son mariage. Il souligne :
« I had a great time. It went by so fast I don’t feel like I had enough time. I did my
best even though we had to almost part, divide and conquer to make sure all of the
guests were spoken too and given the equal time because I felt like they came for us
so I should try and spend time with each of them. We actually did have to split a little
bit to try and get that accomplished and between visiting with everybody and having
fun and everyone having a great time it was over in a flash. »
Il mentionne les mêmes traditions que son épouse en rappelant celles de la jarretière et celle du bouquet
de fleurs pour les célibataires.
« The wedding itself was quite traditional. Her dad gave her away and we had lots of
speeches at our wedding from family and best man and maid of honor and all that. I
think for the most part it was mostly traditional. We didn’t really go out of our way to
do anything experimental. It was pretty traditional so I guess we felt it was important
to go that way. »
343
Il s’agissait d’une crinoline. 344
Vernaculaire : par coïncidence. 345
En parlant de son entrée dans l’église jusqu’au prêtre, près du jubé. 346
C’était une balle de styromousse dans laquelle elle avait inséré des fleurs artificielles m’informe-t-elle.
63
L’entrée en ménage pour Émilie fut très différente de celles de sa mère et de sa grand-mère. « J’avais
toutes mes choses parce qu’on avait été au collège alors lui347
il avait ses choses puis moi j’avais mes
choses. On avait tout pour un appartement » De plus, le couple avait cohabité ensemble avant le mariage
pour une durée d’environ neuf mois avant la célébration nuptiale. « Ce n’était pas facile au début parce
qu’on était habitués à nos propres choses, à faire nos propres petites choses puis là il fallait qu’on fasse ça
plus à deux. Mais ça bien parti. On a divisé nos tâches. On restait à la ville à cause de l’emploi. C’était
proche de son emploi puis de mon emploi ». Et en ce qui a trait à l’entrée en ménage, Brian quant à lui
m’informe sur la première demeure du couple. « It was a two bedroom apartment not in the nicest
building but it was close to both of our work. It was good because it had two bathrooms. It was our first
place together so we liked it enough plus it was close to both of our work. »
Enfin, dans cette même catégorie de pratiques selon la grille de Du Berger, se retrouve l’éducation des
enfants. Émilie et Brian ont deux jeunes enfants. Émilie témoigne que :
« C’est presque toujours la maman qui prend soin des enfants. Mais quand je travaille
le papa est aussi capable de faire mes tâches. Les valeurs et les coutumes, que je leur
transmets c’est plutôt comme, c’est plus facile de parler de coutume parce que je
pense que les valeurs changent, sont appelées à changer surtout dans un mariage à
différentes langues et différentes coutumes comme en religion parce qu’on met les
deux ensemble. Moi je pense que… je retourne encore aux coutumes, pour lui, pour
mon mari, il a des coutumes que nous on ne fait pas nécessairement qui ont peut-être
une grande valeur pour lui et qu’il aimerait que nos enfants pratiquent. Par exemple,
la Saint-Patrick, moi je fais rien mais lui il veut qu’on célèbre ça. Il veut qu’ils
apprennent la p’tite histoire pour qu’ils apprennent la Saint-Patrick. Moi je ne la
connais pas moi-même là. »
Elle fournit aussi quelques informations quant à d’autres fêtes :
« Bien la Sainte-Catherine c’est quelque chose que moi je célèbre mais que lui il ne
célèbre pas. Je fais de la tire avec mes enfants. À l’école je vais encourager les p’tites
fêtes comme celle des Franco-Ontariens… habiller mes enfants en vert et blanc. Mais
ensemble ce n’est pas nécessairement que c’est MA348
coutume puis mes valeurs c’est
juste quelque chose qu’on va décider de faire ensemble pour mettre les deux coutumes
puis les valeurs ensemble pour former notre PROPRE349
coutume puis nos valeurs.
Par exemple on a décidé de faire un Noël comme mon Noël quand j’étais jeune,
Pâques comme mon Pâques I guess que c’est parce que c’est plus important que ça
soit fêté comme ça pour moi que pour lui. Malgré que cette année on a ouvert les
cadeaux le matin de Noël comme dans sa famille parce qu’on était chez mes parents la
veille comme j’ai toujours fait. »
Quant à l’aspect religieux des fêtes traditionnelles, Émilie dit : « On n’a pas vraiment fait
aucune affaire de religion avec nos enfants. Pour avoir apporté continuellement nos enfants à
une église catholique OU350
protestante, on n’a pas fait ça encore. On ne peut pas vraiment
parler de valeurs religieuses. »
347
En parlant de Brian. 348
Intonation de la voix. 349
Intonation de la voix. 350
Intonation de la voix.
64
Elle m’informe aussi de la ressemblance de certaines coutumes familiales célébrées par sa
famille et celle de son époux :
« Pour les coutumes elles sont pas mal proches les coutumes sauf pour peut-être dans
le temps de Noël. Eux autres351
dans leur maison, ils célèbrent Noël le jour de Noël
tandis que nous autres352
on célèbre plutôt le 24, le soir avant. Le réveillon, je ne
pense pas qu’ils sont aussi forts sur le réveillon que nous autres en tant que
famille. Moi je veux transmettre mes traditions. C’est des souvenirs d’enfance que je
veux qu’ils353
passent à travers. C’est des choses que moi j’aimais! ».
Quant au milieu scolaire, Émilie, comme déjà mentionné, a fréquenté des écoles catholiques et
francophones. Elle choisit d’envoyer ses enfants à une école francophone parce qu’elle est Francophone.
Elle croit tout de même qu’il est fort probable que ses enfants feront leurs études postsecondaires en
anglais.
« Pour l’éducation, je pense que lui354
préférerait que ses enfants fréquentent une
école anglaise parce que la langue principale du travail va être l’anglais. On les
envoie quand même à une école francophone, c’est juste parce qu’on pense que ça va
être plus facile pour nos enfants d’apprendre le français, dans un milieu français que
plus tard à essayer de se débrouiller pour apprendre le français. Parce que mes enfants
sont bilingues, j’espère juste qu’ils n’aient pas de difficultés à l’école à apprendre et
communiquer juste en français. C’est un positif pour eux d’être bilingues. »
Brian me parle des valeurs qu’il tente de transmettre à ses enfants. «I try to show them the love of
family and those values are the same on her side of the family. I don’t think there is a difference in our
values. Our families are a bit different but I think in the value system I don’t think there is a difference.»
Selon lui, la famille est une des valeurs les plus importantes. Quant à l’éducation scolaire, Brian indique
«I went to English public school but I’m all about them having French education in a French separate
school board. We have no difference of opinion on that. If they can’t handle complete French we can try
French immersion! We are both in complete agreement on how we want our kids educated.»
2.1.2 Pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle
Pour recueillir un corpus de données assez considérable quant aux valeurs traditionnelles, j’explore aussi
la vie individuelle des informateurs. Les aspects de cette catégorie permettent à ceux-ci de continuer leur
récit de vie et donc le récit de leurs pratiques. J’examine les plus grands moments de leur vie, soit la
naissance de leurs enfants à partir de la grossesse jusqu’au baptême. Car on le sait bien, la naissance d’un
enfant donne lieu à de multiples manifestations de tendresse355
. Ces moments qui se basent souvent sur
des rites, sont ponctués d’actions symboliques.
351
En parlant de la famille de Brian. 352
En se référant à sa famille ; ses parents. 353
En se référant à ses enfants. 354
En parlant de son époux. 355
Ernest HAVEMANN, La régulation des naissances, Time-Life international, Life international, Nederland,
1967, p. 3.
65
2.1.2.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)
Jeanne et Gérard m’informent qu’ils eurent six enfants.356
En leur demandant ce qui guida leur choix
d’avoir des enfants, Gérard m’indique que « ça mettait de la gaieté dans la maison – on n’était plus seul.
C’était une tradition. Si tu n’avais pas d’enfants il fallait que tu aies un problème soit de fécondité,
quelqu’un qui n’avait pas d’enfants, il y a un problème». En ce qui a trait aux grossesses et aux
préparatifs à l’accueil d’un nouvel enfant, Jeanne indique qu’il n’y avait pas de shower de naissance à
l’époque. « On faisait leur trousseau357
nous-mêmes » indique-t-elle. Elle raconte qu’une fois le premier-
né arrivé, elle se rendit chez sa mère pour deux semaines. C’était celle-ci qui avait la responsabilité des
relevailles. « Après ça, quand j’étais assez forte je suis retournée chez-nous » explique Jeanne. « Moi
j’étais habituée, je savais pas mal qu’est-ce que c’était des enfants puis j’avais élevé ma p’tite sœur. Je
n’avais pas besoin de prendre les conseils d’un autre » ajoute-telle. Je demande aussi à Jeanne et Gérard
s’ils ont fait baptiser leurs enfants et les raisons derrière leur choix. Ils me répondent ensemble et sans
hésiter « parce qu’on est catholique! » « Il fallait que tu baptises ça au plus vite parce que s’il arrivait
quelque chose, le bébé s’en allait dans les limbes » ajoute Gérard. Ils racontent aussi que c’est Gérard,
accompagné de ses beaux-parents qui se rendirent à l’église pour faire baptiser leur premier enfant. Ils
ajoutent que les infirmières qui étaient présentes lors de l’accouchement étaient des religieuses. Jeanne
indiqua à son mari qu’une fois à l’église, elle souhaitait que sa fille porte le nom officiel d’une de ces
religieuses en son honneur. Le choix du parrain et de la marraine pour le premier-né était facilité en
raison du sexe du bébé me dévoilent-ils. Si c’était une fille, c’était les parents de la mère de l’enfant qui
allaient être choisis comme parrain et marraine et le même principe s’appliquait pour un bébé garçon,
mais cette fois-ci du côté paternel. « C’était ça qui était la routine » explique Jeanne. « Il n’était pas
question de prendre les frères et les sœurs des parents de l’enfant c’était les parents en premier puis après
ça les frères puis les sœurs » ajoute Gérard. Et pour le deuxième enfant, il fallait prendre comme parrain
et marraine les parents qui n’avaient pas été désignés pour le premier enfant. Ensuite, les parrains et
marraines étaient choisis de chaque côté de la famille à tour de rôle. « Nous autres les Catholiques
Français c’était ça » précise Gérard.
2.1.2.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)
Isabelle raconte ce qui en était des préparatifs de la naissance de leur premier enfant. 358
Je lui demande
premièrement s’il avait été question de shower de naissance. « En ce temps là, c’était très rare ceux qui
en avaient » me répond-t-elle. Elle explique que c’était le couple qui achetait tout. Elle déclare aussi
qu’elle attache beaucoup de sentiments à un jouet; une balle avec des oiseaux à l’intérieur qui avait été
acheté pour leur premier enfant. Elle le garde ainsi en souvenir. Le berceau avait été passé de génération
en génération. C’était celui que sa grand-mère avait utilisé. Tous les bébés de celle-ci y dormirent. Il fut
offert à sa mère, avant sa naissance et elle l’utilisa aussi pour ses trois enfants avant de le passer à l’une
de ses sœurs. Et en lui demandant pourquoi André et elle avaient choisi d’avoir des enfants, elle
m’explique que c’était une décision qu’ils avaient prise ensemble. Une fois le bébé né, elle ne ressentit
pas le besoin d’aide et il n’y eut pas de relevailles. Elle accepta quand même les conseils et acquiesce
qu’il y en avait peut-être trop. « C’était des conseils de ma grand-mère359
, ça il y en avait » avoue-t-elle.
356
Entre 1957 et 1970. 357
Le trousseau de naissance consistait en couvertures, vêtements, jouets, entre autres. 358
Vers le milieu des années 1970. 359
De ma grand-mère : dicton vernaculaire qui voudrait décrire ce qui est invraisemblable.
66
Elle donne quand même des exemples des conseils qu’elle avait suivis. Par exemple, elle attachait une
petite médaille religieuse et bénie à la camisole du bébé. « C’était un signe pour protéger le bébé contre
les maladies, c’était un signe de religion. Moi j’en avais eu quand j’étais petite puis j’ai continué à en
mettre des médailles » dit-elle en racontant que ses enfants portèrent des médailles jusqu’à ce qu’ils
soient en âge scolaire360
. Une de ses filles porta même la médaille avec une chaîne pour une période plus
longue, jusqu’à l’adolescence. Cette dernière est née un Samedi Saint et une religieuse lui avait offert
cette médaille.
Isabelle explique aussi l’importance du baptême. « C’était bien, bien, bien important pour moi de faire
baptiser le nouveau-né puis le plus de bonne heure que je pouvais.361
. Ce n’était pas discuté. C’était
certain que l’enfant se faisait baptiser ». Elle avait aussi reconnu, selon la religion catholique, qu’il était
de mise que ses filles portent le nom de Marie. Elle relate qu’elle aussi porte ce prénom (nom du milieu
qu’elle dira) et que la majorité des filles de l’époque avaient été baptisées selon cette même tradition. En
tant que parrain et marraine, le même principe que celui que ses parents suivirent fut appliqué. Ainsi,
puisque son premier enfant fut une fille, ses parents furent désignés comme parrain et marraine. Et les
cadeaux qui étaient offerts lors du baptême étaient strictement religieux. Parmi ces objets de piété, il y
avait des crucifix, des petits anges… Isabelle explique aussi que le baptême était aussi le tout premier
sacrement religieux qui montrait que l’enfant faisait partie de la communauté chrétienne et catholique.
Les baptêmes de leurs filles se célébrèrent dans la paroisse à laquelle André appartenait depuis
longtemps, devenue la paroisse adoptive d’Isabelle.
André m’informe que l’arrivée de leur premier enfant fut plus d’un an après le mariage.362
« La grosse
affaire avec ça c’est quand le bébé est né. C’est que moi j’avais eu ma fête puis j’ai passé la nuit à
l’hôpital à attendre que le bébé vienne au monde parce que ça aurait tombé exactement la même date que
moi vingt-deux ans plus tard! » Il m’indique aussi la raison pour laquelle ils avaient choisi d’avoir des
enfants.
« C’était mutuel notre affaire d’enfant ! Moi étant enfant unique je n’étais pas familier
trop trop avec ça des bébés mais Isabelle était une plus vieille de famille puis elle s’y
connaissait. Elle a changé son p’tit frère de couches puis même ses sœurs souvent ça
fait qu’elle était habituée à ça puis je savais que si on avait un bébé qu’il était pour
être entre de bonnes mains! »
Avant d’avoir des enfants, André admet avoir réfléchi à la situation et aux considérations qui devaient
être prises. « Oui c’est sûr qu’on s’est dit écoute là ça va être une personne qui va falloir qu’on élève et
puis faire certain d’être capable de lui donner toutes les nécessités pour la vie pour ne pas avoir quelqu’un
dans la misère. On voulait que le bébé soit bien pris soin! » Quant aux relevailles André explique que
« la nouvelle maman s’est débrouillée par elle-même. Il y avait ma mère qui restait pas loin puis elle
dodichait363
le bébé mais pour aider là elle était trop vieille pauvre elle. Isabelle s’est débrouillée très, très
bien. » Quant aux conseils qu’ils reçoivent à la naissance de leur première petite fille, André témoigne
360
Soit environ quatre ans. 361
À l’époque, (celle d’Isabelle et celle de ses parents selon les informations de ces informateurs) on disait que
l’enfant non-baptisé irait dans les limbes s’il mourrait sans être baptisé. On s’empressait ainsi de se rendre à l’église
et de faire baptiser l’enfant pour éviter que son âme erre dans l’éternité des limbes. 362
Milieu des années 1970. 363
Dodicher : Expression vernaculaire voulant dire dorloter.
67
« qu’il en venait de partout, c’est juste qu’on écoutait ce que nous autres on voulait faire pour déterminer
comment qu’on était pour élever notre enfant puis je pense qu’on a bien réussi. » En continuant mon
enquête, je demande à André de me parler du baptême de ses enfants. « Les enfants ont tous été baptisés
puis tous à la même place aussi ! Le baptême puis toutes les autres choses364
qui viennent avec ça ». De
plus, André affirme que la décision de faire baptiser leurs enfants était unanime et reposait sur le motif
qu’ils étaient catholiques.
« On s’était fait baptiser puis on a passé par là puis on voulait que nos enfants soient
comme nous autres. Le baptême était important c’était dans notre religion. On était
des croyants. La religion catholique c’était comme ça que ça se passait puis on ne
voulait pas être différents. Les parrains et marraines c’était sur le côté d’Isabelle parce
que je n’avais pas de frères, pas de sœurs ça fait que c’était tout sur son côté. C’est de
très bons parrains et marraines.»
2.1.2.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)
Émilie donne naissance à son premier enfant après avoir acheté une maison sachant que son emploi et
celle de son époux étaient stables. 365
« On voulait être bien établi, on venait juste d’acheter notre première maison pour
avoir plus de place. On ne voulait pas élever un enfant dans un appartement. On avait
une p’tite place, puis on en voulait une plus grande place. On voulait s’assurer qu’il
ait au moins une p’tite cour pour aller jouer. On voulait un environnement tranquille
alors pas en plein milieu de la grande ville. On a toujours voulu avoir des enfants » me
fait remarquer Émilie.
« J’ai eu mon bébé avant le shower de naissance366
alors tous les cadeaux ont été
envoyés. Je savais qu’il y avait un shower de planifié. C’était une gentillesse. Ce n’est
pas quelque chose de très important. Ce n’est pas sur quelque chose que je me fiais.
C’était pour l’arrivée du p’tit bébé, ce n’était pas pour moi. En tant que cadeaux, il y
avait du linge, des p’tites choses comme des p’tites plaques, des p’tits coffres, un
parc … »
Sa mère lui avait organisé le shower un mois avant la naissance de son enfant. Émilie devait se déplacer
dans sa ville natale où le shower devait avoir lieu. Les femmes de sa famille immédiate, celles de la
parenté des deux côtés de la famille ainsi que ses amies étaient invitées. « J’ai une valeur sentimentale
envers un toutou qui a été donné quand mon bébé était à l’hôpital, à la naissance, puis ce toutou là, c’est
le favori de mon enfant puis c’est devenu mon favori ».
Je demande aussi à Brian la même question que j’avais posé aux autres informateurs quant au choix
d’avoir des enfants. Celui-ci semble pourtant un peu surpris de ma question.
« It’s a simple but hard question at the same time. You want something but how do
you necessarily explain why you want something. More than just selfish reasons of
wanting to love a child and having him love you back I guess. Continue with our
family. The baby was born just a couple of months before our fourth year
anniversary » révèle Brian.
364
En parlant des autres sacrements tels que l’eucharistie, le pardon, la confirmation et le mariage. 365
Vers la fin des années 2000. 366
En raison de la naissance prématurée (2 mois) du bébé.
68
Et tout comme sa conjointe, il m’informe des considérations prises avant la grossesse ainsi que des
préparatifs pour la naissance.
« We switched a bedroom into a baby’s room and planned ahead with stuff like that.
We were pretty organized, had things all set up and talked about setting things up
financially with our jobs and even vehicle size. Lots of people provided gifts as if
there had been a shower. We got lots of baby clothes and lots of things to prepare for
the kids. I guess she sort of did have a slight baby shower with people from her work
because she got together at one of her friend’s houses with a dozen of them or so from
where she worked and they gave her a big basket of receiving blankets, clothes,
pyjamas... From other people we got like stuff like a diaper genie and all kinds of
things like that to be prepared. Some people made – a lady, a friend of my mom’s she
made homemade receiving blankets, despite her being very sick with cancer so she
was still able to do that. »
Et en ce qui a trait à la valeur sentimentale accordée à un cadeau, Brian affirme : «I feel bad ! None stand
out as more sentimental than others. Everyone came with – they all had the same intent behind them».
Parce qu’Émilie et Brian demeurèrent, pendant quelques années, dans une ville éloignée de leurs familles,
les relevailles nécessitèrent que certaines personnes se déplacent pour quelque temps. Émilie m’informe
que sa mère et sa belle-mère parcoururent la distance, chacune à leur tour et puis pour une durée
d’environ une semaine chacune pour l’aider à se relever de son accouchement. Brian avait aussi pris
quelques semaines de congé pour être à ses côtés et pour prendre soin du nouveau-né. Elle témoigne
qu’elle n’avait pas eu beaucoup de conseils « parce qu’elles367
savent que tout a changé depuis qu’elles
ont eu des bébés! » Elle avait tout de même entendu dire que si le bébé ne dormait pas la nuit et qu’il
dormait le jour au lieu, de le tourner en lui faisant faire des genres de culbutes afin qu’il se réoriente avec
le temps. « Everybody gives advice about parenting» indique Brian en riant. «And they all want to say
I’ll just give you one piece of advice. It’s mostly like gadgets of feeding or things like that where people
say This works best for us so it should work best for you. »
Et parce qu’Émilie et Brian croient chacun dans leur propre religion, il est intéressant de connaître ce
qu’ils font des différents dogmes lorsqu’il est question de transmettre les pratiques religieuses à leurs
enfants. Émilie m’informe que ses enfants se sont fait baptiser dans une église catholique française.
Selon elle, les motifs derrière cette décision résideraient dans la tradition. « Ça n’a pas nécessairement de
valeur c’est juste quelque chose qu’on fait normalement en tant que catholique français. » Elle souligne
aussi que cette décision était unanime. « Ça signifie plus ou moins que le parrain et puis la marraine vont
lui aider avec les p’tites choses de religion. On a choisi la même église où on s’est marié. On voulait
garder la même religion avec la même langue. » Le prêtre a célébré certaines parties du baptême en
anglais afin que la famille de son époux et les autres familles anglophones qui assistaient au baptême des
autres enfants puissent comprendre. Elle croit aussi que le prêtre a fait de la sorte parce qu’il s’agit bel et
bien d’accueillir l’enfant dans la famille des Chrétiens, et son époux, même s’il ne pratique pas la même
religion qu’elle, est tout de même un Chrétien lui aussi. Ils choisirent en tant que parrain et marraine pour
leur premier enfant l’une des sœurs d’Émilie et le frère de Brian « parce qu’on savait qu’on pouvait se
fier à eux. Ces personnes ont déjà des enfants et sont bien établis. »
367
En parlant de sa mère et de sa belle-mère.
69
Brian révèle aussi que la décision fut unanime quant au baptême de leurs enfants.
« It was important to her and so I didn’t fight it. Without sounding rude, it was for my
wife and her family. We are trying to keep even, even though I’m technically
bilingual I’m more English, so we try to keep as much French as we can. It’s also the
Church she368
was baptized in».
Et pour le choix du parrain et de la marraine pour leur premier enfant, Brian explique qu’ils demandèrent
à un couple de leur famille « We are relatively close to them and we wanted traditionally close people ».
2.1.3 Pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique
La vie domestique, c’est la sphère du privé. Et cette sphère, a été considérablement modifiée au milieu
du XXe siècle en raison de l’entrée massive de la femme sur le marché du travail. Toujours est-il que
règle générale et indépendamment de l’époque, tout couple doit nécessairement s’ordonner de façon à
créer sa propre structure fonctionnelle à l’intérieur de son foyer. Les activités quotidiennes et les tâches
diverses qui font alors partie de la vie domestique sont divisées et réparties entre les conjoints. Les
données fournies par les informateurs sont divisées en deux volets. Le premier expose les tâches et
activités domestiques et quotidiennes ainsi que leur partage entre les conjoints avant l’arrivée des enfants
alors que le second se penche sur celles-ci après l’arrivée des enfants.
2.1.3.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)
Pour parler de la vie domestique, Jeanne et Gérard m’informent sans hésiter, de l’importance primordiale
d’avoir un crucifix dans leur foyer. « Si le curé allait te voir puis t’avais pas de crucifix dans la maison
c’était… il fallait que tu fasses ta prière le soir » dit Gérard. En devenant Enfant de Marie369
, Jeanne
avait reçu un crucifix. « Moi, il y en a tout le temps un (crucifix), lui370
c’est celui de mon père puis je le
garde» dit Jeanne. «Ça c’était Canadien-français… puis c’est de valeur astheure ils les ôtent. Nous autres
on ne l’enlèvera pas parce qu’on a été élevé comme ça! Il me semble que si on ne l’a pas, il nous manque
quelque chose. Non on ne peut pas changer » dit Gérard.
Jeanne et Gérard parleront de leur vie domestique en général après leur entrée en ménage371
, ce qui me
fournira un aperçu du rythme qui marquait la routine des tâches.372
Il s’agit alors d’informations qui
expliquent en quoi consistait la normalité373
du foyer. « Il y avait un boucher juste en avant. Si tu voulais
manger de la saucisse tu t’en allais là à quatre heures (seize heures) puis si tu n’en avais pas pour le
lendemain tu retournais. On gardait presque rien dans le fridge » dit Gérard en témoignant que le père de
Jeanne faisait la même chose. « Il allait chercher d’la saucisse, du boloney374
, puis des biscuits village
après la messe » témoigne Gérard. « Il fallait que ça soit bon pour toute la semaine » renchérit Jeanne. Le
pain faisait partie du menu quotidien et était fait à la maison. Gérard apportait du lait à chaque jour parce
368
En se référant à Émilie. 369
À partir du début des années 1940. 370
En montrant le crucifix accroché à un mur de la cuisine. 371
À partir du milieu des années 1950. 372
Dans les années 1950-60. 373
Au sens de la vie quotidienne. 374
Boloney : sorte de saucisson de Bologne.
70
qu’il était laitier375
. « C’était rien que du thé chez-nous qu’on buvait » dit Jeanne. « Le café c’était un
luxe le soir si on voulait veiller» dit Gérard. «On buvait aussi un œuf dans le lait avec du sucre brun,
c’était le déjeuner. On se faisait des toasts376
sur le poêle puis on se faisait des chips377
sur le poêle378
. On
tranchait les patates puis on les faisait brûler sur les ronds puis on mangeait ça avec du beurre… Ah
oui! » affirme Gérard. « C’était un poêle à bois » spécifie Jeanne. « Puis on se faisait des crêpes » dit
Gérard. « Ah! Ça c’était bon » témoigne Jeanne.
« On faisait des crêpes puis on se faisait un rouleau, on mettait de la jam379
ou bien du
sucre brun puis on tranchait ça. C’était en 1950 avant que je connaisse un poêle
électrique380
. On n’avait pas de lumière, quand on était jeune, c’était des fanals381
puis des lampes. Au village il y avait un peu d’électricité. Ça dépendait comment
qu’ils avaient de l’argent pour brocher382
» précise Gérard.
Jeanne et Gérard m’informent aussi au sujet de leurs tâches et activités domestiques et quotidiennes ainsi
que le partage de celles-ci qu’ils avaient établi entre eux avant d’avoir des enfants. « Il fallait entretenir la
maison, faire le manger, puis quand il383
arrivait, il arrivait à midi juste, puis là on faisait son lunch 384
parce qu’à une heure (treize heures) il repartait faire son ouvrage» affirme Jeanne. « Je rentrais le bois
mais hors du foyer, je ne faisais pas grand’chose. Je ne travaillais pas à nulle part. Je faisais le train385
dans la maison, et j’allais voir ma sœur » explique-t-elle. « On avait fait un p’tit jardin! Notre jardin était
proche de la « track386
. On demandait la propriété387
au CP 388
parce qu’il y avait des sections de voie
ferrée pour ça. Ils n’utilisaient pas ça! Ça fait qu’il y avait un grand terrain! Toutes les personnes étaient
de même. Ils faisaient tous leur jardin, toute la gang389
du village » ajoute Gérard. Ainsi, Jeanne avait
comme tâche de s’occuper du jardin. Le couple avait toujours des légumes frais pour leurs repas.
« Moi je cerclais le jardin, mais moi je travaillais six jours par semaine! Les heures
étaient épouvantables! C’était un travail de longues heures pour salaire
minimum! Puis encore, pas question d’avoir un char390
! L’homme lui, il n’avait pas
de choix, il fallait qu’il travaille pour amener à manger. Dans c’temps là des jobs pour
les femmes il y en avait pas à moins qu’elle fasse du ménage une fois de temps en
temps» avance Gérard.
375
Au début de leur vie de couple, soit à partir du milieu des années 1950. 376
Toasts : pain grillé 377
Chips : croustilles 378
Poêle : cuisinière. Dans l’entrevue, il est question d’un poêle à bois dans les premiers temps puis, plus tard, d’une
cuisinière électrique. 379
Jam : confiture 380
L’électrification 381
Fanals : Fanaux 382
Brocher : conduire un circuit électrique. 383
Son époux, Gérard. 384
Lunch : Dîner 385
“Faire le train” : Expression vernaculaire : s’acquitter des tâches ménagères. 386
Track : voie ferrée 387
Voulant dire demander la permission d’utiliser une partie du terrain appartenant au CP. 388
Canadian Pacific Railway 389
Gang : groupe 390
Char : voiture
71
À l’arrivée du premier enfant, les tâches augmentèrent pour Jeanne.391
«Avec un enfant c’était plus
d’ouvrage. Les couches étaient de coton, on achetait de la flanelette392
à la verge là! » explique-t-elle.
Elle raconte aussi que les nouvelles tâches ne furent pas partagées avec son conjoint en raison de l’emploi
de celui-ci. « Jamais que je ne m’aurais réveillé pendant la nuit pour prendre soin du bébé tellement que
j’étais épuisé 393
» admet Gérard. Pourtant, leurs tâches changèrent à nouveau une fois qu’ils firent l’achat
d’une ferme.394
Étant habitués aux corvées, ils s’y firent rapidement. Jeanne se chargea de toutes les
tâches domestiques y compris le soin des enfants et se rendait aussi à l’étable deux fois par jour et à tous
les jours pour traire les vaches. Ce fut aussi elle qui prit soin du poulailler et du jardin potager. Gérard
quant à lui, assuma tout le travail qui avait à faire avec l’élevage du bétail, la production agricole et la
production laitière. Leur journée de travail commençait au lever du soleil et se terminait parfois très tard
dans la soirée, dépendant des saisons. De plus, il travaillait dans les mines. La vie domestique entretenait
des liens directs avec les travaux relatifs à l’élevage et à l’agriculture qui étaient à leur tour, déterminés
par le cycle agricole395
. Chacun devait contribuer en se voyant confié des tâches diverses telles que la
garde des enfants, la cuisson des repas, la fente du bois, la traite des vaches, le jardinage – potager…
enfin toutes les tâches nécessaires menant à une autosuffisance. Cette même routine dicta la vie familiale
et ce, pendant plusieurs décennies. Arrivés dans la cinquantaine396
, Jeanne et Gérard léguèrent leur terre
à leur fils ainé.
2.1.3.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)
Après le mariage397
, Isabelle se chargea de faire le lavage, le ménage, le repassage, les repas, bref toutes
les tâches domestiques à l’intérieur du foyer. Elle n’était pas sur le marché du travail. Elle m’informe
aussi que ses autres responsabilités consistaient à balancer le budget, s’occuper des dépenses tel que
l’achat des vêtements pour elle et son conjoint… En lui demandant pourquoi les responsabilités avaient
été distribuées de cette façon, elle m’explique :
« parce que j’avais rien d’autre à faire. Pour moi, j’avais été élevé comme ça parce
que ma mère faisait tout, puis je continuais. C’était comme une tradition qu’on
continue. Les dimanches on allait à la messe tous les deux. La majorité du temps il398
avait les samedis et les dimanches off 399
. Il travaillait la semaine puis le dimanche on
allait à la messe ».
Quant aux responsabilités de son époux, Isabelle explique que c’est « parce qu’il avait son emploi avant
le mariage, ce que lui faisait c’était notre gagne-pain. »
À la naissance de leur premier enfant, 400
Isabelle a beaucoup plus de tâches à accomplir. Tout comme sa
mère, elle indique que les couches de flanelle occupaient beaucoup de son temps. Il fallait les laver, les
391
Vers le milieu des années 1950. 392
Flanelette : flanelle 393
Il était épuisé de la longue et difficile journée de travail ; un travail très physique. 394
Dans les années 1960. 395
Tels que les labours, les semences, les récoltes. 396
Dans les années 1980. 397
Dans le milieu des années 1970. 398
André 399
Off : en congé 400
Vers le milieu des années 1970.
72
faire sécher, « c’était beaucoup d’ouvrage ». C’est aussi elle qui se levait la nuit pour prendre soin des
bébés. Elle indique qu’elle continua d’accomplir les mêmes tâches ménagères. André continua d’aller
travailler. Isabelle me raconte que maintenant que les enfants ne sont plus à la maison, André fait
beaucoup de tâches domestiques parce qu’Isabelle a un emploi. Les tâches sont donc divisées.
André témoigne aussi de quelques détails pertinents relativement aux activités domestiques. Puisque son
père possédait une série de blocs appartements, il avait comme tâche depuis son adolescence de l’aider
dans leur entretien. En plus de son emploi à temps plein, cette tâche le gardait bien occupé. Pour décrire
sa responsabilité face à sa nouvelle famille, il indique « C’était bien simple. C’était de gagner notre vie
puis rapporter de l’argent à la maison. Essayer d’être le meilleur mari que je pouvais. » Quant aux
responsabilités de son épouse, il mentionne que «Isabelle c’était une femme qui est très, très propre. La
saleté c’est pas chum401
avec elle ok? Un p’tit torchon, une p’tite guenille, époussette ici, époussette là…
l’appartement était immaculé. » Et pour m’expliquer pourquoi les tâches avaient été déléguées de cette
façon il explique que «c’était pas tellement attribué». Selon ses explications, André raconte qu’Isabelle
aimait garder tout propre. Quant à sa responsabilité en tant que gagne-pain, il explique que « c’était de
même que c’était dans c’temps là».
À la naissance du premier enfant, André indique « j’essayais de faire ma p’tite part quand je pouvais.
J’étais toujours là quand elles402
avaient un p’tit rhume ou quelque chose. Berce puis berce… » Il
indique que lorsque ses filles étaient petites, il les berçait chaque soir avant qu’elles ne s’endorment.
« Isabelle c’était comme un docteur, garde-malade, elle était là pour tout! » André indique que leurs
tâches étaient attribuées presque de la même façon qu’avant la naissance des enfants.
2.1.3.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)
Dès l’entrée en ménage,403
qui fut quelques mois avant le mariage, Émilie se chargea de faire le ménage,
les emplettes, les épiceries et la cuisine. « Il404
prenait soin de certaines parties du ménage comme le
lavage. C’est lui qui prenait soin des autos. C’était divisé mais c’était lui qui s’occupait de l’extérieur
comme par exemple tondre le gazon, pelleter la neige, sortir les vidanges, laver les autos, et accomplir les
tâches qui nécessitent une force physique.» Une fois que le couple eut acheté une maison405
, Émilie se
chargea de l’esthétique à l’extérieur comme par exemple peinturer le perron, planter des fleurs… C’est
aussi elle qui se chargea de faire les épiceries et les emplettes. « Je ne pense pas qu’il y a vraiment une
responsabilité en spécifique. C’est juste quelque chose, il y a des choses que je suis plus confortable à
faire ou bien que je fais mieux que lui. Ce n’est pas juste des tâches d’homme ou de femme! C’est qu’est-
ce qu’on peut faire quand on peut le faire ; qui peut le faire en premier!»
Selon Émilie, l’arrivée de l’enfant406
ne change pas son rôle ni ses tâches. « Il y a juste plus
d’organisation. Mais on fait la même chose, c’est juste qu’on inclut l’enfant. » À cause de l’emploi
d’Émilie et de Brian, il n’y a pas de routine fixe. C’est parfois Brian qui se chargera de faire les repas, et
401
Chum : ami 402
ses filles. 403
Début des années 2000. 404
En se référant à Brian. 405
Vers le milieu des années 2000. 406
Vers la fin des années 2000.
73
c’est parfois Émilie qui devra déblayer la neige. Pourtant, pour toute tâche qui ne nécessite pas
d’attention immédiate (comme couper le gazon, planter des fleurs…) le couple garde ses fonctions
respectives dont il était question plus haut.
Brian fournit lui aussi des renseignements intéressants quant au partage des tâches.
« She407
never had an assigned role but she always felt like she had to do MOST of
the chores but she mostly did the laundry and the cleaning. My chores are to cut the
lawn, mostly, taking out the garbage, helping with laundry. I guess the manual stuff.
In an apartment there was no cutting the lawn. And then we had a house. It was my
job to put in like new flooring and little construction jobs so I had to kind of learn that
stuff on the fly. I have never asked her to do anything. She pressures herself more to
do things and do them right away. I can wait a little bit on jobs and say I’ll do laundry
in 2 days when I have more and for her it will be no, she is doing it now so. »
Brian indique pourtant que certaines des responsabilités ou tâches lui furent assignées. « She has actually
told me that I was supposed to do garbage, and maintenance and yard work and stuff like that» admet-il
en riant. Il avance quand même que les tâches ont été divisées de cette façon « probably just traditional
and familiar. Most people come from egocentric or ethnocentric environment where you are familiar with
certain things and do things a certain way and that’s what you know. I can only assume from that. I have
no problem doing laundry or dishes or any of that stuff. »
Brian déclare aussi que l’arrivée des enfants408
changea quelque peu le rôle et les tâches de chacun des
conjoints.
« It changed the timing of everything – trying to get everything done for the kids and
for ourselves. I don’t know if it’s any different. I think we have the same roles when it
comes to parenting. We’re both full-time employed with jobs and shift work and
there’s a lots of balancing schedules. I think we both care and care for them the same
way. There is somebody else to take care of – look after things. It’s not just our
clothes. We are cleaning their clothes. »
2.1.4 Pratiques coutumières : le cycle saisonnier (fêtes fixes et mobiles)
Pour les Canadiens-français et les Franco-Ontariens, le foisonnement des fêtes et des pratiques
coutumières propres à leur culture s’étale à différents moments de l’année dans un cycle répétitif. Et
pour bien repérer les façons de transmettre les valeurs traditionnelles dans les pratiques, c’est-à-dire dans
le contexte des traditions festives du cycle saisonnier, j’ai ciblé le temps de l’année le plus célébré et le
plus ritualisé, soit le temps des Fêtes. Le Réseau de diffusion des archives du Québec409
stipule que le
temps des Fêtes est une période festive qui commence avec les célébrations entourant Noël et qui se
termine avec la Fête des Rois. Les traditions les plus dominantes sont le sapin de Noël, le réveillon et les
cadeaux. Il semblerait aussi que ces pratiques aient évolué en raison de la commercialisation. Noël serait
devenu une fête de paix, d’amour et de réjouissances familiales. 410
J’ai aussi voulu connaître les autres
407
En se référant à Émilie. 408
Vers la fin des années 2000. 409
Réseau de diffusion des archives du Québec, http://www.rdaq.qc.ca/accueil/, page consultée le 25 mai 2012. 410
Réseau de diffusion des archives du Québec,
http://rdaq.banq.qc.ca/expositions_virtuelles/coutumes_culture/decembre/temps_fetes/a_propos.html, page
consultée le 25 mai 2012.
74
fêtes les plus importantes pour ces familles en leur posant des questions plus générales et génériques
c’est-à-dire applicables à toute fête.
2.1.4.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)
Le temps des Fêtes selon Jeanne et Gérard :
« C’était une grosse tâche… il faut préparer tout ça. On faisait des tourtières, des
boulettes, on faisait des desserts… on en avait beaucoup! Il fallait préparer la maison,
il fallait tout laver la maison. Les lumières, il n’y en avait pas tant que ça dehors. On
mettait des décorations dans les vitres, des glaçons » explique Jeanne411
.
Selon eux, parmi les traditions les plus importantes il y avait la Messe de minuit ainsi que le réveillon de
Noël. « Toute la famille ensemble ça c’était bien important ! Puis c’est encore important pour moi»
rétorque Gérard. « Se rencontrer! » fait remarquer Jeanne pour ajouter à ce propos. « C’est bien important
de se tenir ensemble la famille » dit-il. Jeanne est bien en accord et ajoute « Si on ne se rencontrerait pas
à Noël, quand est-ce qu’on se rencontrerait? » « Je ne pense pas que ça tombe ça Noël. Mais c’est bien
différent, totalement différent. Ce que nous on fait à Noël, comme c’est là, c’était un party tout le temps.
Ça dansait puis ça sautait » témoigne Gérard. « Puis c’était dans les maisons! » précise Jeanne. Voulant
en connaître davantage sur le menu du temps des Fêtes de l’époque412
, je m’informe. Jeanne et Gérard
m’indiquent qu’il s’agissait de tourtières, de dindes surtout m’indiquent-ils, de jambons, de tartes au
sucre… Je leur demande ensuite comment s’est fait la conciliation, la médiation et les accommodements
consentis dans le couple quant à la célébration du temps des Fêtes après le mariage413
. Ils me répondent
qu’il avait été établi que le dîner de Noël se faisait chez la famille de Jeanne alors que le souper de Noël
se faisait chez la famille de Gérard. Et tel qu’indiqué un peu plus haut, le temps des Fêtes subit des
transformations. Les informateurs expriment leur déception face à ces changements. « C’est pu pareil »
dit Gérard. « Non, c’est pu pareil. On dirait que le monde est trop gâté. On dirait qu’il y a pu rien de
drôle 414
» ajoute Jeanne. « Ils ont perdu le monopole des valeurs. Ils ont une autre vision totale » avance
Gérard en parlant des gens d’aujourd’hui. « Nous autres ça commençait à l’école. On faisait un vrai
arbre dans la classe. On allait couper ça dans le bois. La maîtresse, elle pensait qu’elle nous avait écartés
dans le bois. On faisait l’arbre avant que l’école finisse415
» se remémore Gérard. De nos jours, Jeanne et
Gérard m’indiquent que le souper de Noël est servi dans une grande salle parce que la famille est trop
grosse pour qu’il soit servi dans une maison. Ils fournissent aussi quelques renseignements au sujet du
Jour de l’An. « Déjà les rassemblements c’était au Jour de l’An » précise Gérard. « La veille du Jour de
l’An ça courait la guignolée! Ils allaient d’une place à l’autre puis ça continuait à une autre place »
explique Jeanne. Certaines années, la guignolée durait presque toute la nuit explique-t-elle. Elle se
souvient qu’une année, la famille et les voisins arrivèrent chez-elle à quatre ou cinq heures. « Ils
arrivaient avec leurs violons … et chantaient. Mon père se dépêchait d’allumer le poêle416
» témoigne-t-
elle. « Astheure mon vieux tu fais ça puis ils te mettent dehors » indique Gérard.
411
Ici, les informateurs se réfèrent à leur jeunesse, soit à la période s’étalant des années 1930 aux années 1950 (1950
étant la décennie pendant laquelle ils se marièrent.) 412
À l’époque de leur jeunesse, s’étalant entre les années 1930 aux années 1950. 413
À partir d’environ le milieu des années 1950. 414
En parlant des célébrations d’aujourd’hui. 415
Dans les années 1940, début des années 1950. 416
Entre les années 1930 et 1950.
75
Quant à la fête de Noël elle-même, Jeanne et Gérard en ont beaucoup à dire. « Ce qui était de plus beau
c’est qu’ils417
allaient chercher un arbre dans le bois pour le temps des Fêtes. C’était donc beau ! »
exprime Jeanne. Et cette tradition, ils la pratiquèrent lorsqu’ils étaient jeunes et continuèrent de la
pratiquer avec leurs propres enfants. Je veux aussi connaître s’ils avaient eux-mêmes changé les façons
de célébrer alors que continue mon entrevue. «C’était pas mal pareil mais c’était un peu différent. Les
coutumes changeaient » souligne Gérard. Jeanne me raconte que lorsqu’ils étaient jeunes, « On418
a cru
longtemps au Père Noël, on était heureux! Mon père prenait le traîneau le matin puis il allait r’virer au
chemin … on voyait les traces! Ah! Le Père Noël est venu » raconte Jeanne en souriant. Elle ajoute que
sa mère prenait toujours un peu plus de temps à rejoindre le reste de la famille qui se préparait pour aller
à la Messe de minuit. C’est qu’elle mettait les cadeaux sous l’arbre. « On arrivait de la Messe… Oh !!!!
Le Père Noël est venu! Il me semblait que ça sentait Noël … on était donc heureux» raconte Jeanne.
« Astheure c’est pas de même, les enfants vont choisir leurs cadeaux puis ensuite les parents les mettent
sous l’arbre. C’est ça qui change » déclare Gérard.
« Ce n’est pas drôle… c’était bien plus heureux dans c’temps là » explique Jeanne.
Les cadeaux étaient petits. On disait aux enfants que c’est parce que le Père Noël était
pauvre cette année là. Ou bien le Père Noël avait laissé trop de cadeaux à d’autres
places puis son sac était vide lorsqu’il était arrivé chez-eux. On ne demandait jamais
rien à Noël. On ne disait pas Maman, je veux avoir ça … le Père Noël c’est lui qui
choisissait » explique Jeanne.
En leur demandant quels aspects ils considéraient traditionnels, ils me répondent : « C’était la Messe de
minuit, mais astheure elle n’est pas à minuit, elle est à 6 heures du soir (18 heures) ou bien 7 heures (19
heures) » précise Gérard. « Nous autres la messe de minuit on allait là en cutteur419
… c’était des
chevaux ! 420
» explique Jeanne. « Les traditions sont tombées. Noël c’est encore Noël mais c’est
totalement différent » déclare Gérard. « Puis astheure on fait l’arbre de Noël bien proche un mois avant.
Puis dans notre temps nous autres on faisait ça la dernière semaine parce que c’est un arbre que tu vas
chercher dehors. Ca avait l’air de Noël » sourit Jeanne. « Moi, dit Gérard, il y a une autre affaire. Un
arbre synthétique ce n’était pas Noël. C’était le fun parce qu’on allait couper ça avec les jeunes421
»
précise Gérard. « Puis ça sentait bon itou dans la maison » ajoute Jeanne. « Ça sentait Noël, ça sentait le
sapin. C’est des affaires que tu n’oublies pas ! Aujourd’hui c’est pu ça. C’est la révolution de
l’abondance. Des arbres de Noël synthétiques, moi je dis qu’ils ont passé au côté de la track422
avec ça.
C’est le marketing. Eux autres423
pour vendre aux magasins ils vont faire n’importe quoi » souligne
Gérard. Selon lui, le bon côté de la track c’était d’avoir un vrai sapin de Noël dans la maison et non un
sapin « fabriqué dans un autre pays ». Selon lui, l’arbre artificiel n’est pas une tradition canadienne-
française. « Ils mettent les sapins aujourd’hui en novembre, puis quand t’es rendu à Noël c’est pu
Noël! » « Ça c’était un gros fun424
de partir avec une hache. On partait et puis ça c’était drôle. Il 425
allait
417
Son père et son frère et parfois tous les enfants accompagnés de leur père. 418
On : en parlant de ses sœurs, frères et elle-même. 419
Cutter : traîneau. Dans sa jeunesse. 420
Dans les années 1930-1950. 421
Ici, en parlant de « jeunes », Gérard se réfère à ses propres enfants. Ainsi, c’était une période qui s’étalait entre
le milieu des années 1950 (naissance de leur premier enfant) à au moins jusque dans les années 1970 (année de
naissance de leur dernier enfant). 422
Vernaculaire : signifiant passé à côté de la voie à suivre 423
En parlant des manufacturiers par exemple. 424
Fun : plaisir
76
chercher l’arbre puis il traînait ça là! Ah!!! Aye!!!! Noël s’en vient ! On se posait la question, qu’est-ce
qu’on va avoir à Noël? » raconte Jeanne. « Sais-tu qu’est-ce qu’il y a astheure? Ils ont tout!! T’as pu rien
à mettre en dessous de l’arbre. Bien souvent t’as juste envie de leur donner 20$ ou 50$ puis dire Va te
l’acheter ton cadeau tu vas être bien plus content » atteste Gérard.
Pour parler des autres fêtes importantes, Jeanne et Gérard, sans hésiter, m’informent au sujet des
pratiques reliées au cycle de Pâques. « On faisait aux enfants des petits paniers de Pâques avec de la
tapisserie. Puis là on mettait des p’tits œufs dedans puis une p’tite poule en chocolat au milieu puis ils
étaient tous heureux avec ça426
» dit Jeanne. « Puis des fois on essayait d’aller chercher de l’eau de
Pâques. Il fallait y aller avant que le soleil se lève. Il fallait prendre l’eau qui coulait » m’explique
Gérard. « Puis là ils en faisaient goûter à tous les enfants pour pas être malade pendant l’année. Bien
assez qu’ils en amenaient aux animaux dans l’étable. Puis là on leur en donnait un p’tit peu » témoigne
Jeanne. Ils m’informent aussi que l’eau devait être bue la journée même. Elle n’était pas conservée. La
seule conservation d’eau de Pâque était celle de l’église. Les gens allaient en chercher à l’église et puis la
préservaient bien en s’assurant d’en sauvegarder toute l’année. Si un enfant était malade on lui en
donnait un peu à boire. S’il y avait des orages pendant l’été, on en aspergeait dans la maison. Gérard me
raconte que sa grand-mère en aspergeait dans la maison lors d’orages en y trempant une branche de sapin.
Les rameaux sont aussi importants. « Moi je suis un gars qui fait des cocottes avec les rameaux» dit
Gérard en parlant de lui-même. « Le Vendredi saint c’était maigre et jeûne. Il y en avait qui passaient la
journée sans manger » souligne Gérard. Aussi, ils expliquent qu’il fallait sans faute aller à la messe le
Jeudi Saint, le Vendredi Saint et le Samedi Saint et à Pâques. De plus, la Semaine Sainte, il était
strictement interdit de manger de la viande. Ils m’informent que le jour de Pâques, donnait lieu à des
réjouissances. Il était donc à nouveau permis de manger de la viande et il était coutume de servir du
jambon lors des repas. Entre autres, les familles et la parenté se réunissaient.
2.1.4.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)
Pour la période de l’Avent, Isabelle m’informe que « les femmes commencent à préparer la mangeaille
pour une journée! Parce que c’est tout fait à la maison, il n’y a pas d’achetage427
de manger, c’est tout
fait maison alors ça prend un mois. Quand j’étais petite428
, je ne sais pas comment ma grand-mère faisait
ça mais il y avait du manger, du manger, j’ai jamais vu ça. Je pense que je ne le reverrai jamais à nulle
part d’autre. Puis elle le faisait presque toute seule429
. Tandis que aujourd’hui, une fait quelque chose,
l’autre fait une affaire, l’autre une autre affaire… alors on goûte, oui c’est encore les mêmes choses de
Noël mais on goûte qu’est-ce que l’autre a fait. »
Isabelle explique ensuite ce que signifie le temps des Fêtes pour elle. « Moi les Fêtes c’est beau ça. Il y a
la religion encore là-dedans. Moi c’est plutôt beaucoup du monde, rencontrer du monde. Toute la parenté
qui est avec nous autres, les voisins qui se donnent la main. Surtout Noël, c’est quelque chose. Quand
j’étais petite430
c’était très, très, très beau Noël. On n’achetait pas des choses quand j’étais petite, on les
425
En parlant de son père 426
Dans les années 1950-70. 427
Achetage : vernaculaire le fait d’acheter 428
Dans les années 1950-1960. 429
Se référant aux années 1950-1970. 430
Dans les années 1950 jusqu’à environ la fin des années 1960.
77
faisait les guirlandes pour mettre dans le sapin puis c’était un VRAI431
sapin. On allait toute la famille le
chercher dans le bois puis d’une année à l’autre c’était toujours un des enfants différents qui choisissait le
sapin. Mais pour mes enfants, j’ai toujours eu un sapin artificiel. On demeurait en ville puis pour aller
chercher un sapin dans le bois ça prenait un camion. » Isabelle ajoute aussi que lorsqu’elle était petite sa
famille confectionnait des guirlandes en forme de chaîne à l’aide de papier d’aluminium. Elle en a fait
avec ses enfants pour leur montrer ce qu’elle faisait dans sa jeunesse. Sa grand-mère maternelle faisait
des chevreuils ou rennes avec du sel et de la colle. Elle se souvient d’avoir assisté, dans sa jeunesse, à
plusieurs après-midis de bricolage. Elle mentionne aussi que les rassemblements du temps des Fêtes se
déroulaient chez ses grands-parents tant du côté maternel que paternel alors que toute la famille et la
parenté se réunissait. Il y avait toujours beaucoup de musique. Elle se souvient qu’à ces rassemblements,
ses oncles et tantes lançaient des dix sous par terre et pour se le mériter, les enfants devaient faire une
danse. Les soirées étaient habituellement très dynamiques. Le répertoire familial de chansons à répondre
était assez vaste et chacun s’amusait à chanter, ou bien à jouer de la guitare, du violon, de la musique à
bouche ou de l’accordéon. Mais avec le temps, le répertoire diminua pour presque disparaitre. Lorsque
ses grands-mères furent trop vieilles pour recevoir432
, les soirées se déroulèrent chez ses parents parce que
leur maison était très grande. « Mais c’était de l’ouvrage!! » affirme-t-elle. « Maintenant, parce que la
famille est tellement grande, il faut louer une salle. C’est encore la dinde, le ragoût. Mes enfants vivent
ça aujourd’hui puis mes p’tits enfants aussi. Il y a encore de la musique mais au lieu des chansons à
répondre, on a des jeux. Mais quand j’étais plus jeune c’était plus vivant parce que c’était des grands-
oncles qui chantaient ». Elle affirme qu’elle est contente que ses petits enfants puissent aussi connaître
ces gros rassemblements qui regroupent maintenant plus d’une soixantaine de personnes. « Mes petits
enfants voient leur arrière grand-mère, c’est un temps de l’année qu’on se rencontre encore! » Selon elle,
le rôle des femmes dans la préparation des festivités était de faire les repas. « C’était toujours les femmes
au poêle comme on dit ». Elle indique que son grand-père faisait du vin de pissenlit qui était servi
pendant le temps des Fêtes. Elle précise finalement que sa famille du côté maternel pratiquait les mêmes
traditions que celle du côté paternel. « C’était les mêmes coutumes, les mêmes affaires, on était des
catholiques.»
Le jour de Noël, Isabelle indique que ses enfants allaient déposer l’Enfant Jésus dans la crèche433
. La
crèche était sous l’arbre, dès que le sapin artificiel était assemblé, mais le petit Jésus y était
symboliquement seulement le 25 décembre. Monter une crèche était une tradition importante pour les
parents d’Isabelle et elle a voulu la transmettre à ses enfants indique-t-elle. « Noël c’est toujours quelque
chose de spécial pour moi mais il y a eu des changements parce que moi quand j’étais petite là mes
grand-mères recevaient. » Sa grand-mère maternelle leur tricotait des mitaines, des bas de laine, foulards,
chapeaux. Il y avait toujours des cadeaux mais tous les petits enfants avaient le même cadeau.
« Ça c’était un beau cadeau. On ne choisissait pas là, aujourd’hui les enfants
choisissent Je veux avoir ça pour Noël », il n’y en avait pas de ça. Mes enfants eux-
autres Noël c’était un peu différent de moi parce que je leur disais bien ok qu’est-ce
que tu aimerais recevoir à Noël? Ils demandaient des choses mais c’était des choses
qui coutaient des fortunes là. Puis chez-moi dans ma famille on avait une limite de un
cadeau. Mes grand-mères me donnaient un cadeau. Ça nous faisait trois cadeaux puis
on était bien contents de ça. Ceux qui avaient des parrains puis des marraines qui
431
Intonation de la voix. 432
Vers la fin des années 1960, début des années 1970. 433
Dans les années 1980, 1990.
78
n’étaient pas les grand-pères puis les grand-mères eux autres ils recevaient un cadeau
de plus. Mes enfants ils choisissaient dans le catalogue. Mais moi aussi j’avais une
limite. Je leur disais Ok pas plus de trois cadeaux là. »
Elle explique aussi que lorsqu’elle était petite toute la famille allait à la messe la veille de Noël ; une
tradition qu’elle continua avec ses enfants. Pourtant, elle modifia un peu la coutume et choisit de
permettre à ses enfants d’ouvrir leurs cadeaux avant la messe. Quand elle était petite par contre, les
cadeaux étaient déballés après minuit. Elle choisit de faire ainsi parce que la veille de Noël, elle allait
visiter ses parents avec ses enfants. Lorsqu’elle était petite, la messe était à minuit. Les petits qui étaient
trop jeunes pour aller à la messe se faisaient garder par leur grand-mère. Lorsque ses propres enfants
étaient petits, la messe était autour de vingt heures.
Selon elle les aspects traditionnels relatifs à la fête de Noël sont le sapin, les repas, la dinde, les ragouts
de pattes de cochon, les tourtières :
« C’était le gros festin puis il y en avait du manger, c’était quelque chose! Tandis que
moi avec mes enfants, ma mère en faisait encore des rôtis puis d’la dinde, ça
continuait ces affaires là. C’était la messe encore, puis c’était toujours de remercier le
p’tit Jésus quand j’étais petite. Noël c’était la grosse affaire».
Je la questionne ensuite sur ce qui est essentiel pendant cette fête.
« Moi je dirais que c’était, tout le monde était content, tout le monde était heureux.
Tu rencontrais n’importe qui et tout le monde était heureux. Le sapin est l’essentiel.
Les cadeaux t’as pas besoin d’en avoir en abondance, un cadeau ça suffit. On dirait
que tout était apprécié. Ce que tu avais c’était apprécié434
. Pour mes enfants eux
autres c’était le Père Noël. 435
Un Noël pas de sapin ça ne se fait pas ».
Elle ajoute : « La pratique qui me tient le plus, plus à cœur c’est le repas de famille avec toute la parenté.
Ça pour moi c’est bien important de voir tout ça ensemble. J’ai besoin de ça. J’ai besoin de voir tout c’te
monde là ensemble. À Noël on dirait que tout le monde essaie de se rencontrer.436
» Et pour indiquer les
valeurs principales véhiculées, elle énumère : la messe, les cadeaux, la rencontre, les repas.
Isabelle me fait part d’une autre tradition familiale. Lorsqu’elle était petite, sa mère lui achetait des
vêtements spécialement pour le jour de Noël.
« Déjà elle les faisait. Puis c’était toujours à Noël qu’on avait une robe rouge en
velours. Et puis ça c’était à chaque année. Mais le ruban qu’elle rajoutait était
différent. Des fois il était blanc, des fois il était rouge-vin, rouge clair. Elle mettait une
p’tite dentelle. Des fois elle était d’un côté à l’autre de la taille. Elle était blanche la
p’tite dentelle puis ils passaient un ruban rouge là dedans. Des fois la p’tite dentelle
était seulement après le collet puis les manches. Pour mes enfants j’ai fait la même
chose. J’achetais une robe ou un morceau de vêtement neuf pour Noël Tu vas porter
ça à Noël. On allait voir la famille puis c’était un habit neuf puis même encore
434
Elle se réfère, pour cette dernière affirmation, à sa jeunesse. 435
Isabelle faisait venir un Père Noël chez-elle pour ses enfants la veille de Noël. Lorsqu’elle était jeune, elle ne
voyait pas le Père Noël «Il était dans le ciel» déclare-t-elle. 436
Isabelle indique que pour les autres fêtes du calendrier tel que Pâques, la famille ne se rassemble pas tout
ensemble pour un repas. Il y a des visites qui se déroulent habituellement pendant l’après-midi du jour de Pâques
mais pas de repas.
79
aujourd’hui je m’achète quelque chose de neuf pour Noël. Puis déjà c’était beaucoup,
beaucoup le rouge. Le rouge vif là ils portaient ça à Noël parce que le rouge est une
couleur de Noël. »
En ce qui a trait au jour de l’An, Isabelle souligne « c’est une fête très importante. Lors des fêtes
importantes il faut se rencontrer. Ça fait partie de la religion. Il faut se rencontrer et entretenir les liens
avec tout le monde qu’on aime ».
Les autres fêtes qui ont de l’importance pour elle sont la Saint-Valentin, Pâques, la fête des mères et
l’Halloween.
« Chez nous la Saint-Valentin on ne fêtait pas ça. À l’école on envoyait des p’tits
Valentins mais dans la maison on ne fêtait pas la Valentin437
. Avec mes enfants
j’aimais fêter la Valentin. Ils avaient chacun leur chocolat spécial. Chaque fête a sa
signification. La Saint-Valentin c’est plutôt une fête d’amoureux mais dans le foyer il
y a de l’amour puis on se doit de montrer ceci aux enfants. Les symboles importants
de cette fête sont le chocolat pour te dire je t’aime. Mais il ne faut pas attendre cette
journée pour exprimer ces sentiments. »
Pour la fête de Pâques, elle mentionne :
« Pâques est important. Parce qu’encore on se rencontre. Moi je reçois mes enfants.
J’aime à faire la p’tite chasse aux cocos avec mes p’tits enfants parce qu’avec mes
enfants je la faisais puis c’est des beaux souvenirs puis encore là il y a de la religion
encore là. Le vendredi il n’y a pas question qu’on mange de viande mais quand j’étais
plus petite, c’était la semaine au complet! A Pâques c’était le gros festin incluant les
chocolats. Les valeurs principales, c’est qu’avant, c’était un temps de rencontre.
Aujourd’hui c’est un temps pour arrêter sur chaque fête parce qu’il y en a une presque
à chaque mois puis moi je trouve que c’est important que l’enfant connaisse qu’est-ce
que c’est. Moi pour moi toutes ces choses là c’est important d’arrêter là-
dessus. Comme la fête des mères, oui on allait voir toutes les grand-mères, c’était la
fête à ma mère puis les grand-mères. Nous autres ça toujours été des temps dans ma
famille qu’on se rencontrait. Puis c’était important de montrer ça à mes enfants puis à
mes p’tits enfants que c’est des journées que tu arrêtes. Ce n’est pas pour rien qu’il y a
des fêtes c’est pour que tu arrêtes puis que tu réalises ça. »
Pour l’Halloween :
« Dans ma famille on demeurait sur une ferme il y en avait pas de Halloween. J’ai
jamais été courir Halloween. On avait des p’tits bonbons, ça s’appelait des Kiss
c’était comme de la tire enveloppée. Puis c’était ça qui était notre p’tit Halloween.
Mais il n’y avait pas de costumes. Dans le village les enfants courraient l’halloween
mais nous autres on demeurait en campagne puis à l’heure que ça se passait on avait
les vaches à traire. 438
» « Mes enfants c’était bien important qu’ils courent
l’Halloween ».
André réfléchit et apporte certaines explications quant à la signification et au déroulement du temps des
Fêtes. «Si on parle de Noël quant à moi c’est la plus belle fête, la naissance de Jésus. Il y a des p’tites
choses qui se passent dans le temps des Fêtes comme les rencontres de famille, puis les enfants sont
437
En se référant à sa jeunesse. 438
En se référant à sa jeunesse.
80
heureux. » Il indique pourtant que la façon qu’il célèbre le temps des Fêtes depuis qu’il est marié439
n’est
pas du tout la même que dans sa jeunesse440
.
« Mes parents c’était du monde âgé puis il n’y avait pas grand’ visite. On ne sortait
pas puis c’était du monde qui aimait beaucoup, beaucoup recevoir mais le jour de
Noël tel quel le monde était avec leur propre p’tite famille mais dans le temps des
Fêtes là ils venaient pas mal à la maison. C’était soit le samedi ou le dimanche ou
d’autres journées mais dans cette semaine là mes parents aimaient beaucoup recevoir.
C’était ça qui était leur fun.441
»
Selon lui, dans la préparation des festivités, les femmes « se préoccupent que tout se déroule bien. Les
bonhommes sont assis pas mal malgré que les plus jeunes, les garçons, s’occupent pas mal de leurs
enfants eux autres aussi. Ils ont grand à courir ! C’est toujours agréable.442
» Quant à l’apport des
pratiques familiales, il m’informe « Je pense que c’est plus du côté d’Isabelle ». Pour en savoir
davantage, je continue mon questionnement en lui demandant si selon lui, les pratiques avaient été
réinventées. Il déclare : « Pas tellement réinventées mais on les a suivies toujours les pratiques ; les
pratiques des cadeaux la veille de Noël, puis il fallait réveillonner. C’est plus de les suivre que de les
réinventer. » Les traditions propres à la fête de Noël selon lui sont « les cadeaux sous l’arbre, le sapin,
les décorations, manger, manger, manger. Ce qui est essentiel c’est d’avoir la famille proche autour ». Il
m’informe aussi qu’aucune pratique n’a été ajoutée.
« Non parce que d’année en année ça se déroule toujours de la même manière. La
seule affaire qui est de différent c’est le décor puis les choses. On aime ça décorer en
dedans puis en dehors. » Aussi, ses beaux-parents font maintenant une réception dans
une salle. « Isabelle a tout son p’tit groupe à elle443
puis ses frères et ses sœurs ont leur
p’tit groupe à eux autres aussi. C’est beaucoup de monde! Les principales valeurs je
dirais que les valeurs encore ça tombe sur la religion, la messe de minuit puis la messe
de Noël puis les quêtes qui se font pour les enfants un peu moins avantagés ».
André parle aussi des menus du temps des Fêtes. « Les menus sont variés pendant le temps des Fêtes.
Isabelle est forte sur le dessert puis la dinde, beaucoup de dinde. Isabelle est un peu comme sa mère il ne
manque pas grand’ chose: des boules de beurre de peanut 444
puis des p’tits cones445
sucrés puis toutes
sortes de bonnes choses ; des tourtières! ». André témoigne aussi de l’importance d’être en famille
pendant le temps des Fêtes. « On est chanceux pour ça. Parce que je sais qu’une fois que tu es marié
c’est dur être à deux places en même temps mais on vient à bout de s’arranger pour avoir tout le monde
c’est très important. » En dernier lieu, André me fait part des traditions qui lui sont les plus chères.
« Pour moi c’est de donner des cadeaux aux enfants puis aux petits enfants. C’est de voir le sourire dans
leur visage puis c’est ça qui est important. »
439
À partir du milieu des années 1970. 440
Entre les années 1950 et le milieu des années 1970. 441
Fun : agrément 442
Ses beaux-parents doivent louer une salle parce que la famille est très grande maintenant ; trois générations.
C’est la raison pourquoi il déclare « ils ont grand à courir » Les enfants peuvent jouer dans cette grande salle. 443
En parlant de sa famille. 444
Peanut : arachide 445
Cones : cornets
81
Et à son tour, je lui demande quelles autres fêtes sont importantes. Il m’indique que la Saint-Valentin et
puis Pâques le sont. « La Saint-Valentin c’est le fun. La grand-mère446
aime ça faire des p’tites affaires,
puis des p’tits valentins pour les p’tits enfants. Isabelle aime ça que les p’tits enfants là pratiquent ça
c’t’affaire de Saint-Valentin là ». Selon lui, la tradition principale est que toute la famille immédiate se
rassemble. Il souligne aussi l’importance de la religion qui est à la base de cette fête.
« Pâques c’est une autre affaire. C’est l’affaire des cocos puis des p’tits enfants, les poules de chocolat
puis la chasse aux œufs puis toutes ces choses là qui sont des traditions qui datent de longtemps. » Encore
une fois, selon André, la tradition principale est que toute la famille immédiate se réunit pour prendre part
aux activités et à la célébration de cette fête. Il souligne aussi les valeurs traditionnelles qui se rattachent
à cette fête. « La religion ; Vendredi Saint, on ne mange pas de viande le Vendredi Saint, puis on mange
du poisson, puis ces choses là. C’est des traditions qui datent de longtemps!»
2.1.4.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)
Déjà dans l’entrevue Émilie m’a fait part de quelques traditions du temps de Fêtes. Elle avait aussi dit
que c’était important pour elle que ses enfants connaissent ces traditions parce que ces dernières avaient
créé des souvenirs tendres de son enfance. Ainsi, pour donner une courte description de ce que signifie
pour elle le temps des Fêtes, elle formule deux mots qui en disent beaucoup : « rencontres familiales ». Et
pour donner une description du déroulement de cette période de festivités, elle décrit comment cela se
passait : « Normalement, on se rencontre tous le vingt-quatre chez mes parents pour Noël. Ensuite, le
vingt-cinq on passe du temps avec la famille de mon mari puis après on se rend chez mes grands-parents.
À cause du travail, il y a certains réveillons qu’on n’a pas pu célébrer. » Depuis qu’elle est toute petite
jusqu’à encore aujourd’hui, le déroulement est le même.447
Ce qui est donc traditionnel selon elle « c’est
toujours d’ouvrir les cadeaux après la messe de vingt heures le vingt-quatre décembre. On a toujours un
p’tit lunch après avoir ouvert les cadeaux. » Et pour elle, comme pour les autres informateurs, ce qui est
essentiel pendant le temps des Fêtes est « d’être tout en famille, tout ensemble! »Toujours est-il que les
pratiques qui lui sont les plus chères sont rattachées au menu et au Père Noël.
« Le menu comme les tourtières, les patates pilées, la sauce, les tourtières, les tartes,
les desserts, les pets de sœurs448
. On peut aussi parler du Père Noël qui descend la
cheminée le vingt-trois ou le vingt-quatre.449
Pour les valeurs suffit qu’on ne restait
pas dans le coin avant, on essayait fort pour avoir le vingt-quatre puis le vingt-cinq en
congé pour passer du temps avec notre famille. Ça fonctionnait souvent mais ça ne
sera pas toujours le cas à cause de nos emplois. Alors ce qui me tient à cœur c’est
d’avoir du temps, dans les vacances de Noël, pour faire notre Noël, même si ce n’est
pas le vingt-quatre, vingt-cinq. Pourvu qu’on soit en famille pendant le temps des
Fêtes. »
Émilie témoigne aussi du rôle des femmes et des hommes dans la préparation des festivités. « Les
femmes font la cuisson puis le nettoyage, puis les hommes c’est de boire de la bière! » dit-elle en riant.
446
En parlant d’Isabelle. 447
À partir de la fin des années 1970 jusqu’à aujourd’hui. 448
Pètes de sœurs : dessert traditionnel. 449
Lorsqu’elle était jeune, Émilie ouvrait ses cadeaux le 24 en soirée. Ainsi, le Père Noël passait chez-elle le 23
pendant la nuit.
82
Pour la fête de Noël, Émilie souligne encore qu’elle souhaite pratiquer les mêmes coutumes et traditions
qu’elle aimait lorsqu’elle était petite comme par exemple écrire une lettre au Père Noël, laisser des
biscuits et du lait pour le Père Noël le soir où il descendra la cheminée, laisser des carottes pour les
rennes. Elle me raconte aussi qu’au Jour de l’An, la famille immédiate se rassemble habituellement pour
le Jour de l’An. Émilie se souvient d’aller à la messe, de souhaiter la Bonne et Heureuse année aux
voisins et de visiter la parenté le 1er janvier. Il était de coutume de se serrer la main, et de s’embrasser sur
chaque joue. Elle souligne que si elle avait pu avoir congé le vingt-quatre vingt-cinq décembre, elle
devait habituellement travailler le premier janvier. Elle essaie quand même de continuer ces traditions. Je
lui demande ensuite de parler des autres fêtes qui sont, selon elle, importantes. Elle me parle brièvement
de la Saint-Valentin, de Pâques, d’Halloween et de quelques-unes qu’elle célèbre davantage à cause de
son époux.
« La Saint-Valentin c’est juste quelque chose de traditionnel comme chocolat de cœur. On décore un peu
la maison ».
« J’ai toujours aimé Pâques et Saint-Valentin ». « On fait une chasse aux œufs de chocolat. Puis on
visite la famille. Nous on faisait ça quand on était jeune puis eux autres450
aussi » Elle essaie toujours de
garder ces traditions. On se rassemble pas nécessairement mais assez souvent oui, surtout pour Pâques. »
Émilie encourage aussi ses enfants à « courir l’Halloween ». Elle décore un peu sa maison tant à
l’intérieur qu’à l’extérieur.
« La famille de mon mari est originaire de l’Écosse et de l’Irlande ça fait que j’essaie de toujours célébrer
la Saint-Patrick puis montrer à mes enfants les p’tites coutumes puis les p’tites traditions qu’eux autres451
font. Juste à cause de la famille. On sert un menu avec du vert, on décore avec des trèfles ». Le père de
son époux avait comme tradition de faire un mélange pour crêpes le soir avant la Saint-Patrick. Le jour
même, par surprise, le mélange était devenu vert. C’était la magie des lutins.
Il est aussi question de célébrer l’action de Grâces. Elle assiste aux repas chez sa mère et chez sa belle-
mère. Elle déclare que le menu est différent, bien que la dinde et les patates soient toujours servies.
« Chez ma belle-mère, il y a du Yorkshire pudding452
, des canneberges, turnip casserole453
, zucchini
casserole454
. » Ça c’est des choses que nous autres on ne mangeait pas nécessairement à l’action de
Grâces.
Brian explique à sa façon, comment se déroule le temps des Fêtes qui, pour lui, signifie de revoir
certaines personnes, visiter la famille, d’être en congé pour quelques journées. Il répète pourtant qu’il est
très important de rencontrer tout le monde, famille, parenté, amis, pendant le temps des Fêtes. « We try
450
En se référant à la famille de Brian. 451
En se référant à la famille de Brian. 452
Fait de pâte et est habituellement un accompagnement au plat principal lors de festivités. Il est souvent servi
avec de la dinde, des patates et de la sauce. 453
Navet coupé en morceau ou râpé cuit dans un mélange sucré et servi en tant qu’accompagnement au plat
principal lors de festivités. 454
Gratin de courgettes servi en tant qu’accompagnement au plat principal lors de festivités.
83
to balance it out. Christmas eve is – in her family was traditionally – French catholic where we had a nice
big dinner and things there so we’re at her family’s house and then Christmas morning we are at my
family’s house where we are trying to blend in my old traditions – we are trying to make a pretty good
fifty-fifty on both sides of the family in the amount of time divided up. » Brian explique aussi qu’il essaie
de transmettre à ses enfants les pratiques qui lui étaient les plus chères. « I think we have it as close as
we can get it. We both liked how things were for us so we are trying to ». Il se souvient qu’il était excité
de voir ce que le Père Noël lui avait apporté. Il pratique ainsi les traditions qui se rattachent au Père
Noël.
« Right now the kids are little so we are trying to incorporate when Santa comes and
when the gifts are seen and Christmas family dinner and church has almost fallen out
of the equation. Before we had kids we tried to do church as well. It is essential,
during the Holidays to see our family members. I don’t care about gifts or anything
like that for me anymore but to see family and smile on our kids’ faces. It’s all about
family. We are both every involved in our families and feel that our families are the
most important thing out there. So for me it’s that ».
Le menu est très varié pendant les Fêtes selon Brian. «There is always turkey, there is ham, there is
potatoes, there is always what we refer to as goodies you know baked goods ; lots of that day in and day
out. ». En commentant sur le rôle des femmes dans la préparation des festivités, il précise :
« Ah! A lot of it is traditional! Actually for the longest time the baked goods or the
goodies they were always by the moms and stuff like that but I know my Dad, over
the last few years since he’s been retired has done a lot himself to help out. It’s
probably sexist but I don’t think we455
do as much work other than preparing gifts and
stuff like that not by intent or anything like that. »
Je continue de poser mes questions à Brian mais cette fois-ci, je lui demande de me parler de la fête de
Noël elle-même. « Almost all of the family members are seen over Christmas time. If you are basing it
by numbers, it’s my wife’s family just because she has a larger family in the area». Avec leurs enfants,
Émilie et Brian essaient d’incorporer leurs pratiques familiales. «The way we did things when we were
kids, our Christmas morning was at my house whereas her Christmas Eve was her house. We are trying
to bring stuff like that together; trying to make it equal. »
Le dernier bloc de questions d’entrevue porte sur les autres fêtes du cycle calendaire. Brian me témoigne
que plusieurs fêtes et pratiques sont importantes pour lui. Il y a la Saint-Valentin, Pâques, Halloween,
l’action de Grâces, la Saint-Patrick et des anniversaires de naissance, de mariage…
Pour ce qui est de la Saint-Valentin, Brian indique : « There’s decorations and she gets a few chocolates
and some hearts and little treats. » En ce qui a trait à Pâques, il explique « It’s a little more ceremonial.
We get up and everybody’s got little Easter baskets and an Easter egg hunt and tiny little gifts». À
Halloween, Brian dit qu’il est question de décorer à l’intérieur et à l’extérieur de la maison, d’acheter des
bonbons pour accueillir les enfants qui courent l’Halloween. Il participe à ces coutumes en achetant des
costumes pour ses enfants et en les accompagnant le 31 octobre dans leur quête pour des bonbons. Quant
aux fêtes de l’action de Grâces, de la Saint-Patrick et de la Saint-Valentin, il déclare que la grande
majorité sont des fêtes célébrées en famille.
455
En se référant aux hommes.
84
«Most of them are based on our traditions I guess right? Like our French toasts even
or, my Mom, my family, always had things decorated so I assume my wife’s family
did to because it’s my wife that looks after all the decorating. I think it all comes from
past experiences. The green French toasts that was actually from my family. Green
food is pretty common especially green beer on St-Patrick’s day but because when we
were kids we had green French toasts on St-Patrick’s day so I tried that. »
La famille de Brian a comme tradition de porter un morceau de vêtement ou un accessoire vert le jour de
la Saint-Patrick. Il est aussi de coutume de pincer les personnes qui ne portent pas de vert. Ils portent
aussi des colliers verts conçus spécialement pour l’occasion. Brian affirme aussi qu’en tant que jeune
adulte456
, il était impératif de se rendre à un pub irlandais pour prendre une bière verte. « Also, our own
personal anniversary and birthdays are important. We try to make a big deal for our kids. It was always
fairly important in our families. Each one we do something for. »
2.2 Famille II (portrait de la famille)
La seconde famille qui répond à mon annonce de recrutement en est une qui tire ses origines de la
province de Québec. Thérèse, l’informatrice de la génération A quitta sa famille et le Québec à l’âge de
quinze ans pour trouver un emploi en Ontario457
. C’était le même périple que sa sœur aînée avait
entrepris quelques années auparavant. Thérèse déménagea alors avec sa sœur. L’endroit où les sœurs
s’étaient installées était dans une ville du Nord-Est de l’Ontario qui était à l’époque, dans les années
1940-1950, en plein essor démographique et économique et où une grande population francophone était
déjà installée. Thérèse affirme qu’elle n’eut pas de difficulté à vivre le changement parce qu’elle se
sentait chez-elle parmi d’autres Canadiens-français qui menaient une vie très similaire à ce qu’elle avait
vécue au Québec. Jacques, son époux, avait habité les banlieues de cette même grande ville. Sa famille
en était une d’agriculteurs bien que lui ne suivit pas la tradition ancestrale. Parce que Thérèse est veuve,
elle est la seule informatrice pour cette génération. D’autre part, les informateurs de la génération B sont
Christine et Alain. Alain est le fils de Thérèse et Jacques. Ces conjoints proviennent tous deux de la
même ville du Nord-Est de l’Ontario et se sont mariés durant les années 1970. Ils vécurent les
changements apportés par la Révolution tranquille et l’éclatement de la nation canadienne-française. Les
informateurs de la génération C sont Valérie et Scott. Valérie est la fille de Christine et Alain, petite-fille
de Thérèse et Jacques. Elle est Franco-Ontarienne et catholique alors que Scott est Anglophone de
descendance irlandaise. Ce couple est aussi originaire d’une ville du Nord-Est de l’Ontario et habite
toujours cette région. Ils se sont mariés au tournant du millénaire et ont aussi des enfants. L’entrevue
auprès de Scott s’est faite en anglais.
2.2.1 Pratiques coutumières de l’âge adulte
Pour rappel, les pratiques coutumières de l’âge adulte, tel que déjà mentionné, regroupent les aspects de
la culture traditionnelle relatifs à la rencontre et aux fréquentations, aux étapes du mariage tels que la
demande en mariage, les fiançailles, la préparation du mariage – de la cérémonie aux noces, l’entrée en
ménage du jeune couple, leur installation, la vie matrimoniale, la vie parentale et l’éducation des enfants.
456
Dans les années 1990. 457
Environ à la fin des années 1940, début des années 1950.
85
2.2.1.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)
Thérèse parle de la façon dont elle a rencontré son conjoint. 458
« Je l’ai rencontré, j’étais amie avec sa
sœur et puis je l’ai rencontré à travers d’elle ». Elle me donne aussi un bref aperçu de leurs
fréquentations qui furent d’une durée d’un an et demi avant le mariage459
. « Bien c’est dur à dire il y a
toutes sortes de choses. Ça fait pas mal longtemps de ça. Bien je m’en rappelle. On allait voir des films,
puis on allait au parc l’été, on allait se baigner, toutes sortes de choses de même. » Jacques décida de
demander Thérèse en mariage. « Je pense que c’était à Noël, le Noël avant qu’on se marie! Il avait
demandé à mes parents quand on avait été en vacances. Bien mes parents étaient encore dans la province
de Québec dans c’temps là! Il ne s’est pas mis à genoux. Il m’avait donné une bague. Je pense c’est
parce que c’était traditionnel dans le temps ». Cette bague, c’est Jacques qui l’avait choisie. Thérèse y
voyait un symbole, celui de s’engager. Après les fiançailles commença la préparation du mariage.
Je demande à Thérèse si on avait organisé un enterrement de vie de célibataire pour elle ou pour son
conjoint, ou bien si on avait fait un shower de filles ou de couple. « Non . Je pense que ce n’était pas
vraiment la mode dans le temps ! » me répond-elle. À l’époque,460
il était alors impératif de se préparer
soi-même à l’entrée en ménage. Thérèse, comme bien d’autres, avait confectionné un trousseau qui allait
contribuer au bon fonctionnement de son nouveau foyer. Elle raconte que sa mère et ses sœurs l’aidèrent
à préparer son trousseau.
« C’était des choses fabriquées et achetées, moitié moitié. Il y avait un peu de toutes
sortes de choses que t’as besoin dans la maison, des draps, des couvertes, et puis des
linges à vaisselle, des serviettes, de la vaisselle, un peu de vaisselle, pour commencer
là! Des casseroles aussi. C’était toutes sortes de choses. Ma mère faisait des
couvertes, elle faisait toutes sortes de choses. Des catalognes qu’ils appelaient ça »
La préparation du mariage lui-même se fit en douceur. Le couple choisit par exemple les membres du
cortège nuptial.
« C’était pas mal ensemble qu’on a choisi. C’était famille avec des amis. Dans
c’temps là la mode des filles d’honneur c’était des robes de différentes couleurs.
C’était drôle j’avais quatre filles d’honneur bien il y avait quatre différentes couleurs
les filles d’honneur. Le choix des couleurs, je pense que c’était pas mal ensemble
qu’on461
avait choisi. Dans c’temps là il n’y avait pas de dame d’honneur, c’était
plutôt juste des filles d’honneur. »
Thérèse m’informe que le rôle de la future-mariée était de s’occuper du linge. « Être bien habillée,
acheter les robes, aller voir la robe de mariée puis tout ça ». Le rôle du futur-marié quant à lui c’était de
« s’occuper de ses garçons d’honneur ». Parce que les conjoints étaient catholiques et francophones, ils
se rendirent à l’église pour faire part au curé de leur paroisse de leur intention de mariage. « On avait été
voir le prêtre pour discuter avec lui pour arranger les temps puis ces affaires là. » Thérèse affirme que
son mariage était nécessairement traditionnel parce que : « Bien c’est important quand on est jeune
d’avoir un mariage traditionnel. C’était pas mal ce qui était dans le temps462
! C’était différent
d’aujourd’hui parce qu’on pouvait se marier le dimanche après-midi » Le plus beau souvenir de son
458
Entre le début et le milieu des années 1950. 459
Vers le milieu des années 1950. 460
Vers le milieu des années 1950. 461
En se référant aux filles d’honneur et à elle-même. 462
Vers le milieu des années 1950.
86
mariage serait selon elle «la cérémonie elle-même puis ensuite avoir les proches parents avec toi parce
que mes parents demeuraient pas là dans le temps, ils demeuraient en dehors. Il fallait qu’ils viennent,
qu’ils fassent un voyage pour venir assister au mariage. Vraiment ça c’est un bon souvenir ».
Tel que déjà mentionné, la cérémonie du mariage fut célébrée le dimanche après-midi, ce qui était la
norme à l’époque selon Thérèse. « Oui, on s’avait marié à trois heures puis on avait eu un repas à la
maison même puis ensuite on avait eu une danse à la salle ». Elle me fait part aussi que son conjoint et
elle n’avaient pas à faire de compromis dans la préparation et la façon de célébrer le mariage. Elle précise
que le mariage eut lieu dans la paroisse de Jacques et que sa famille, qui habitait la province de Québec,
entreprit le voyage pour y assister. Quant aux coutumes qui avaient été pratiquées cette journée là, elle
déclare qu’elle est surprise qu’elle puisse se souvenir d’autant de détails.
« Bien le chapelet sur la corde à linge pour qu’il fasse beau le lendemain, oui ça je me
rappelle de ça. C’était des coutumes qui étaient bien à la mode dans le temps. On
avait un gâteau puis on avait coupé ça. Il y a quelqu’un qui nous avait amené à l’église
la mariée puis les filles d’honneur. Je ne peux pas dire au juste qui c’était parce que je
ne me rappelle pas. On devrait écrire ça quand on est jeune ehhh? Je ne me rappelle
pas de ça ! Je sais que quelqu’un nous avait amené à l’église. Ma mère était présente
au mariage et était assise à une place spéciale dans l’église».
Thérèse m’informe aussi que c’est son père qui l’accompagna dans l’église et qui l’a conduite jusqu’à
l’endroit où l’attendaient Jacques et le prêtre. « C’était beau. C’était de la façon que les gens célébraient
le mariage dans le temps463
» me dit-elle. Les valeurs qu’elle associe à cette cérémonie et au mariage sont
l’union, la famille, la promesse, les vœux et la fidélité.
Après la cérémonie du mariage, il y eut un souper.
« C’était dans une maison privée, chez les parents à Jacques. Je me rappelle, il y avait
des décorations, des guirlandes, des cloches. Après le souper, il y avait «une danse
dans une salle. Il y avait une band464
. C’était la musique du temps, du Country.
Peut-être des danses carrées aussi dans c’temps là! Si je me rappelle bien on aurait dû
avoir des danses carrées il y a toujours quelqu’un dans la salle qui peut caller465
là …
ah oui oui, oui ! Les invités bien c’est la proche famille et puis les amis, c’est pas mal
toute pour le mariage lui-même! Puis le souper il y en avait à peu près une
cinquantaine. Le soir à la danse il y avait plus de monde que ça. »
Selon Thérèse, les coutumes du mariage regroupaient le souper en famille, la danse et la musique. Elle
souligne l’importance de suivre les traditions.
En ce qui a trait à l’entrée en ménage, Thérèse dit que Jacques et elle ne cohabitèrent pas ensemble avant
le mariage. Ils avaient choisi d’habiter en ville « parce que c’était proche de tout le monde qu’on
connaissait comme la famille puis des amis. C’était dans un appartement d’une chambre puis c’était sur
le deuxième plancher. Mon doux je ne sais pas si le frigidaire puis le poêle étaient fournis je pense que
oui ». Le couple s’acheta par la suite une maison en ville où ils élevèrent leurs enfants466
. « Les soins qui
463
Vers le milieu des années 1950. 464
Band : groupe qui joue de la musique. 465
Caller : personne qui sait appeler les mouvements et les pas de danses carrées. 466
Quelques années après leur mariage, soit entre le milieu des années 1950 et la fin des années 1950.
87
étaient apportés à ces derniers provenaient tous de la mère » affirme Thérèse en riant très fort. Jacques
quant à lui « il apportait les jeunes dans le hockey puis ça, il a participé avec ça, les gars, pas bien, bien
les filles. » raconte-t-elle. Les valeurs qu’elle et Jacques transmirent à leurs enfants furent les mêmes,
selon elle, qui leur furent transmises. « C’est d’être sincère, puis d’être poli, respecter l’autre personne
puis pas avoir peur de parler à ta mère s’il y a quelque chose qui ne va pas.» De plus, elle m’informe
qu’elle donna naissance à plusieurs enfants et qu’elle put observer un genre de changement de génération.
« Mes deux dernières c’est comme si elles étaient dans une autre génération. Tu sais
quand ils grandissaient mes trois plus vieux on dirait qu’ils étaient plus de MA467
génération tandis que les deux plus jeunes on dirait que c’était plutôt de la génération
d’aujourd’hui. Surtout quand elles vieillissent un peu puis qu’elles sont rendues
femmes là. C’était un peu différent les affaires d’école mais à la maison c’était pas
mal pareil. »
Thérèse ne peut pas penser à des exemples plus concrets mais elle tente tout de même de faire un
parallèle en admettant que « c’était plus moderne avec la mode d’aujourd’hui».
2.2.1.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)
Christine, femme d’Alain, me parle de leur rencontre et de leurs fréquentations468
. « Mon partenaire
c’était un blind date469
. C’était dans notre ville natale parce qu’on vient de là tous les deux. C’était au
mois de novembre. On a été au show470
. Les fréquentations furent d’une durée d’un an et demi à peu près
avant les fiançailles. » Christine retient des fréquentations une sorte de simplicité à laquelle elle rattache
un confort.
« Je trouve que c’était moins compliqué qu’aujourd’hui. On sortait beaucoup. On ne
sortait pas tous les soirs. C’était plus aller au Show puis des choses de même; visiter
des amis. Ce n’était pas tout le temps dans les bars comme aujourd’hui c’est ça qu’ils
font. Nous autres dans c’temps là ce n’était pas toujours de même. On ne restait pas
ensemble471
, puis je trouve qu’il n’y a rien de mal là-dedans mais nous autres, ce
n’était pas pour nous autres. C’était plus simple. »
Alain, époux de Christine me fournit lui aussi des renseignements relativement à leur rencontre et à leurs
fréquentations472
. « C’était le vingt-trois novembre! » me dit-il en riant.
« C’était qu’est-ce qu’on appelle un blind date. On a été au cinéma. C’était à travers
de nos amis. J’avais un ami, puis elle473
avait une amie. Eux autres étaient ensemble,
c’était comme ça. Ils étaient mariés dans le temps. C’était un an et deux mois après ça
qu’on s’est fiancé. Ah! C’était bien bon, c’était bien aimable. On fréquentait les pubs,
on allait au cinéma, on avait des parties. Oui, ça allait bien! »
467
Intonation de la voix. 468
Entre le début et le milieu des années 1970. 469
Rendez-vous surprise organisé par un ami par exemple. 470
Au cinéma. 471
Pas de cohabitation. 472
Vers le milieu des années 1970. 473
En parlant de Christine.
88
Alain m’informe aussi que Christine et lui furent fiancés pendant six mois après quoi, ils se marièrent474
.
Christine explique que la demande en mariage se fit deux mois avant les fiançailles officielles.
« Alain m’a demandé en mariage au mois d’octobre puis on s’est fiancé après Noël.
On s’en allait en char puis il a arrêté puis il me l’a demandé475
. Vraiment j’étais
surprise qu’il a arrêté le char puis qu’il m’a demandé ça! Il n’a pas suivi de protocole
non. On était juste assis dans le char. On a été voir pour les bagues puis on a choisi
nos bagues. J’avais dit à ma mère que je me fiançais à Noël puis je me suis fiancée la
veille de Noël. »
Alain n’a pas demandé la main de Christine en mariage à son père. Bien que le choix des styles de
bagues de mariage soit infini, Christine en préférait une plus que les autres. « Oui, moi j’ai tout le temps
dit que je voulais avoir une solitaire. Puis c’est ça qu’on a été voir. Je ne regardais à rien d’autre que des
solitaires.» En tant que symbole elle y voit le bonheur. « Tout le monde était content pour nous autres. »
Pour elle, les fiançailles signifiaient que le couple était prêt pour une autre étape dans sa vie.
Alain témoigne lui aussi du même déroulement des événements. « Ça été fait à Noël puis c’était un
réveillon chez la mère de Christine oui, oui. C’était la place à le faire! Ça s’est fait en avant de la parenté.
On savait déjà qu’on était pour se fiancer. Entre nous autres on le savait. Eux autres ils le savaient pas.»
Alain m’informe aussi que c’est Christine qui choisit sa bague. Pour lui, les fiançailles symbolisaient
l’amour.
Pour l’entrée en ménage que le mariage allait nécessairement entraîner, Christine s’était préparée un
trousseau. Elle fit ainsi pour suivre la tradition plutôt que par nécessité. « Oui j’avais commencé un p’tit
trousseau. C’était toutes des affaires personnelles de femme. Je n’avais pas tant de choses que ça dedans
par exemple. Ma mère avait dit attend à ton shower.» Et pour préparer la cérémonie de mariage,
Christine raconte qu’elle a presque tout fait elle-même. « Ma mère a venu plusieurs fois avec moi pour
m’aider par exemple mais j’étais bien proche avec ma sœur. Elle était bien bonne pour ça elle. » Alain,
son conjoint n’avait alors pas de rôle spécifique à jouer dans la planification du mariage. D’autre part,
parce que le mariage fut célébré dans une église catholique, il était impératif que le couple fasse des
arrangements avec le curé de leur paroisse.
« On a pris le cours de mariage. Dans c’temps là c’était obligatoire. Je trouve que ça
vraiment bien été. Ce n’était pas une noce fancy, fancy476
par exemple parce que mes
parents n’avaient pas d’argent pour ça puis ses parents non plus. Notre cadeau c’était
qu’ils payaient le souper puis le vin. C’était ça qui était notre cadeau de nos parents
des deux familles. Ça c’était notre cadeau, on ne s’attendait pas à rien d’autre parce
que c’était eux autres qui payaient pour ça. Je trouve que ça bien été! » me confie-t-
elle.
De plus, tel que déjà mentionné, Christine reçut avant son mariage un shower de fille que sa mère et sa
sœur organisèrent.
474
Vers le milieu des années 1970. 475
Il lui demanda de l’épouser. 476
Fancy : de fantaisie ou de luxe
89
« Il y avait bien du monde puis c’était un really good turnout477
. Il y avait un gros
lunch, il y avait du bingo, il y avait … ah! mon Dieu!, il faut que j’y pense… le
monde jasait beaucoup. Il y avait bien du monde, bien du monde à mon shower.
Même du monde sur le bord à Alain que je ne connaissais pas beaucoup. Ça me
gênait. Bien ça c’est bien passé. It was a success so 478
… dans notre famille on
organise toutes479
des « showers». C’est le temps de se rencontrer. »
Comme cadeaux, Christine admet « J’ai tout eu je pense qu’est-ce que je pourrais penser. Je pense que
j’ai tout eu. C’était toutes des choses de maison. » Quant à l’enterrement de vie de fille, « Non, il y en
avait pas de ça 480
» m’indique-t-elle.
Alain me confirme que la préparation du mariage telle que la cérémonie s’est bien déroulée. « J’ai été
louer mon tux481
, j’ai choisi les, on a choisi le best man là, organisé une soirée avec les boys, c’est à peu
près ça! » me précise-t-il en riant.
« Christine, elle a fait des invitations. On a décidé qui inviter. Sa robe, il fallait
qu’elle choisisse sa robe! Il fallait aller à l’église pour aller voir le prêtre pour qu’on
peut avoir une date. Ensuite le prêtre nous a demandé, je ne sais pas si on a fait part à
un groupe? Il me semble il fallait qu’on soit à l’église pour une réunion avec d’autres
couples qui se mariaient. Je me rappelle de ça. On a choisi une date puis on s’est
marié cette date là! »
En ce qui a trait à l’enterrement de vie de garçon, Alain explique qu’une telle célébration ne fut pas
organisée. « On a juste eu une soirée puis on a sorti. Ce n’était pas rien de super comme il y a
aujourd’hui. C’était juste une soirée avec les gars. » Il ne peut me fournir des renseignements au sujet de
cette sortie parce qu’il ne s’en souvient plus. Il avoue « moi j’ai de la misère avec la mémoire, j’ai de la
misère à me rappeler » et cela le peine482
.
En ordre chronologique des événements, je demande aux informateurs de me raconter les détails de la
journée du mariage. Voici ce que me révèle Christine.
«Bien dans c’temps là ça avait commencé, il n’y avait plus de stag and doe483
. Ils
avaient éliminé ça le stag and doe puis tu faisais un stag and doe wedding484
. So c’est
ça qu’on a fait. Tu ne vendais pas des cartes à n’importe qui que tu ne voulais pas là.
Les invités pour le souper eux autres n’en achetaient pas de cartes. Juste ceux qui
venaient le soir qui achetaient des cartes. Notre mariage était bien traditionnel.
Comme par exemple, nous autres on croyait que la grand-mère fallait qu’elle soit à la
maison pendant que la mariée s’habillait. Aujourd’hui ils ne font pas ça. On recevait
477
Really good turnout : un excellent taux de participation. 478
It was a success so : c’était un succès alors... 479
Christine m’informe que ses sœurs organisent des showers de mariage pour leurs filles comme leur mère avait
fait pour elles. 480
Vers le milieu des années 1970. 481
Tux: tuxedo : habit 482
Il l’affirmera. 483
Selon les explications, le « stag and doe » est une soirée dansante organisée en l’honneur des futurs-mariés ou
des mariés en vue de prélever des fonds pour aider ceux-ci à défrayer les coûts associés au mariage. Les dons sont
habituellement obtenus par la vente des billets donnant accès à la danse. 484
Selon les explications de Christine, la tradition du stag and doe aurait été annexée à la réception du mariage. Il
s’agissait de mettre en vente des cartes qui étaient réellement des billets permettant à ceux qui en faisaient l’achat,
d’assister à la réception du mariage. Cette pratique offrait au couple un support financier.
90
de la visite à la maison nous autres avant que je parte. Ils faisaient un toast485
à la
mariée. Je me rappelle j’avais descendu en bas. Il y avait mon père, ma grand-mère,
les sœurs à ma mère. Ils s’étaient tous vidé un verre de vin. Aussi, on avait
Something old something new486
qui a toujours existé que moi je sais. Puis moi c’est
ma grand-mère qui est venue à la maison pendant que je m’habillais puis tout ça, puis
c’est elle qui m’a mis ma garter belt487
. Je suis donc contente. Je ne sais pas c’était à
qui l’idée. Ce n’était pas la mienne. Mais elle a dit je vais mettre ta garter belt. J’ai
levé ma robe puis tu vois ma grand-mère qui est entrain de me mettre ça. Aye, tu sais
c’est priceless488
ça là! Et puis moi j’avais deux filles dans le cortège, ma sœur était la
dame d’honneur puis la sœur à Alain, elle était la fille d’honneur. J’avais une
bouquetière, la p’tite sœur à Alain. Elle aussi elle est arrivée bien tard dans cette
famille là et puis j’avais mon p’tit cousin puis c’était le ring bearer489
. Puis la mode
c’était des parapluies. À la place d’avoir des chapeaux c’était des parapluies. C’était
nouveau dans le temps, ça avait sorti. C’était tout fait dans le même matériel que la
robe. Il était bien décoré avec des fleurs. Mon plus beau souvenir, quand même qu’il
faisait chaud, tu pouvais voir que le monde avait chaud… tout le monde dansait. Ah!
Oui! Tout le monde dansait !» me dit-elle en souriant.
Je lui demande aussi ce que ça signifiait pour elle que son mariage fut traditionnel. Elle me répond que
les choses se firent par coutume en répétant qu’elle et son conjoint suivirent les coutumes tout
simplement.
Alain me fait aussi part de mariage490
:
« C’était bien important d’avoir un mariage traditionnel. Bien c’est qu’est-ce que nous
autres on a été expliqué par nos parents. C’est comme, c’est une tradition, c’est
comme ça qu’on fait ça. On a été à d’autres mariages, on a vu ça alors on suit la
pratique. Il me semble aussi que c’est à cause que nos grands-parents étaient là. Tu
sais d’habitude une coutume c’est si un garçon le plus vieux il se marie pas, c’est le
plus jeune, bien l’autre il danse sur ses bas. Ça c’est une coutume, bien on n’avait pas
besoin de faire ça. »
Il continue de me fournir quelques autres détails sur son mariage.
« Ah! c’était pas mal un, c’est un gros mariage! L’église, c’était pas mal plein! Il y
avait pas mal de monde! Je dirais qu’il y avait au dessus de cent personnes là. Bien
cent vingt-cinq. Puis c’était pas mal oui… Mon souvenir le plus beau ça serait la
danse, la danse à la salle, mais AUSSI491
notre mariage à l’église là? Avec le prêtre là?
On voulait avoir notre curé préféré qu’on avait quand on était plus jeune mais je pense
que c’était un autre prêtre qui nous a mariés. Si ça aurait été notre curé, ça aurait été
meilleur! Ça aurait été mieux pour moi parce que je connaissais c’te curé là. »
« On était dans un heat wave492
le jour de la cérémonie du mariage » indique Christine.
485
Toast : le fait de boire à la santé de… 486
Something old something new : formulette traditionnelle anglophone. 487
Garter belt : vernaculaire quant au sens. Elle se réfère à la jarretière. 488
Priceless : précieux 489
Ring bearer : page, porteur des anneaux nuptiaux. 490
Vers le milieu des années 1970. 491
Intonation de la voix. 492
Heat wave : canicule
91
« On était au mois d’août puis ça faisait trois semaines que ça lâchait pas. Mais là
c’était terrible. Il faisait assez CHAUD493
, que ce n’était même pas confortable. Mon
père je me rappelle quand il m’a marché dans l’église494
il m’a dit Christine, je suis
trempe. Même le maquillage n’était pas beau à cause de ça. Il faisait assez chaud!
Humide au coton495
! Je me rappelle le matin il faisait soleil. Ma sœur avait dit Oh my
God496
il fait soleil! Je me disais il fait soleil mais my God il va faire chaud! C’est vrai
c’était de même. Terriblement trop chaud pour des noces. Je me rappelle même
d’avoir dit si c’était à recommencer je ne me marierais jamais dans l’été. »
Elle explique aussi qu’entre Alain et elle, il n’y avait pas de compromis à faire. « Bien qu’est-ce que je
disais lui il disait que c’était correct alors ce n’était pas bien bien, compliqué! On avait eu des
rassemblées497
avec le prêtre.»
Et pour Christine, la valeur la plus importante relativement à la cérémonie de mariage selon elle c’était
que toute la famille soit présente. C’était pour Alain et elle une autre étape dans leur vie. Tout le monde
était heureux pour eux. Christine accorde une grande importance au bonheur et l’identifie aussi comme
étant une valeur.
Alain déclare qu’il n’avait pas été obligé de compromettre quoi que ce soit en ce qui a trait au
déroulement de la cérémonie de mariage. Il raconte que les invités :
« c’était la parenté. C’était plutôt la famille proche, ensuite les amis, ensuite les amis
des amis. C’était comme ça que c’était. Pour le souper c’était la famille immédiate.
On avait de la parenté de la province de Québec parce que ma mère vient de la
province de Québec, alors ses frères et ses sœurs. On avait un bon groupe de
monde! »
Alain avait déjà expliqué que son mariage avait pour lui un caractère traditionnel. Je lui demande alors
de fournir des exemples qui démontreraient que la cérémonie du mariage l’était aussi. Il m’explique que
la cérémonie était « standard » voulant dire qu’elle suivait la norme. Les critères de référence sont ceux
qui s’appliquent à un mariage dans une église : la robe blanche, le cortège nuptial, la publication des
bans, la cérémonie habituelle célébrée dans une église (communion, lectures, psaumes, évangile, échange
des consentements, échange des alliances et bénédiction…) entre autres. Ce qu’il retient le plus de la
cérémonie et ce qui est le plus significatif « c’est quand on a fait notre promesse.»
« La réception a bien été. Il y avait bien du monde. Tous nos amis étaient là. Tout le monde était
content » dit Christine. Durant la soirée il y avait la tradition du lancer de la jarretière et du bouquet.
Christine dansa aussi une valse avec son père. Selon elle, ces genres de traditions firent en sorte que la
réception se déroula de la même façon que toutes les autres réceptions de mariage.
« La réception nous autres on avait eu un stag and doe. Il y avait cinq cent personnes
là. On avait un orchestre. Ils498
étaient pas mal bons. On a refusé du monde à la
493
Intonation de la voix 494
Il faut remarquer ici la tradition : à l’entrée de l’église, le père de Christine l’accompagne et la conduit jusqu’à
son futur-époux qui se tient debout à côté du prêtre. Christine indique que sa mère était déjà dans l’église et avait
pris la place réservée pour elle, soit dans l’un des premiers bancs, côté gauche de l’église. 495
Humide au coton : expression signifiant à l’extrême. 496
My God: mon Dieu. 497
Rassemblées : réunions
92
porte! Nous autres la coutume c’est que le couple qui se marie danse les premiers.
Puis là, après la première danse, tu fais une deuxième danse, puis là ce qui arrive, les
parents du couple qui se marie se lèvent puis eux autres ils dansent. On a fait ça.
Avant la réception on fait un souper. Ce qui arrive bien, il y a une tradition, bien si on
cogne les assiettes le monde s’embrasse là? C’est pour les mariés surtout » explique
Alain.
Il m’informe aussi qu’il a dansé la valse avec sa mère tout comme la mariée dansa avec son père. Selon
lui, « c’est bien important » de pratiquer de telles coutumes.
L’entrée en ménage se fit en douceur. 499
Christine et Alain avaient trouvé un petit appartement en ville.
« On a choisi l’appartement avant le mariage. Moi j’ai vécu là un peu avant, une
semaine ou deux avant qu’on se marie. C’était sur le deuxième plancher. C’était un
bloc d’appartements qui était appartenu pas un homme italien. On était dans un
quartier qui était pas mal anglais alors c’était un peu différent. Nous autres on a vécu
dans le quartier francophone500
de notre ville pour le temps de notre jeunesse puis de
notre adolescence. L’appartement était dans une différente région de la ville mais pas
très loin » explique Alain.
Le cycle de la vie adulte selon Jean Du Berger inclut aussi l’éducation des enfants. Christine m’informe
alors à ce sujet. « Les valeurs que j’ai transmis à mes enfants : sois heureuse, soyez heureux toujours
bien! » me dit-elle en riant. « Choisis de faire quelque chose, stick with it and like it and be happy501
! »
souligne Christine en reconfirmant que le fait d’être heureux est une valeur importante.
« Moi je dis que mon mari avait les mêmes idées que moi. On veut les502
avoir
heureux tu sais? Il y en a des enfants, ils disent qu’ils sont prêts puis ils ne sont pas
prêts! Ils n’aiment pas ci, puis ils n’aiment pas ça, puis ils ne sont pas contents dans
leur carrière, puis sont pas contents ici. Stick to it puis si t’aime ça bien just go503
tu
sais? »
Christine ajoute aussi qu’elle a voulu encourager ses enfants à se motiver, à se fixer de bons objectifs et à
les rejoindre. Cette croyance ne lui a pas été transmise.
«Mes parents bien eux autres, si tu ne veux pas aller plus loin que ça bien c’est
correct. On n’était pas poussés. Ces parents à lui504
étaient plus, sa mère elle était
bonne elle. Elle voulait qu’ils aillent au collège, elle voulait ça pour ses jeunes. Elle
était plus, on pourrait dire pas sévère, ce n’est pas le mot pour ça, elle était plus
ouverte pour dire OUI505
tu devrais aller au collège. Elle était pour ça comme tu
sais?»
498
Les membres de l’orchestre. 499
Vers le milieu des années 1970. 500
Cette ville a un très grand quartier francophone. Il aurait accueilli plusieurs Canadiens-français après l’arrivée du
chemin de fer et fut constitué de plusieurs paroisses. Il est caractérisé par une architecture ancienne et demeure
symbolique pour les Francophones de la région. 501
Stick with it and like it and be happy : en parlant d’un choix voulant dire :affirmer et soutenir un choix, aimer ce
choix et être heureux de ce choix. 502
En parlant de ses enfants. 503
Just go : Il suffit d’y aller. 504
En parlant d’Alain. 505
Intonation de la voix.
93
Alain quant à lui me dit que la valeur la plus importante que lui et sa femme voulurent transmettre à leurs
enfants était l’amour. Cette valeur avait bien été présente dans sa vie et ses parents s’assurèrent de la lui
transmettre. Il me fit aussi part du milieu scolaire de ses enfants en m’indiquant que ceux-ci
fréquentèrent des écoles catholiques et francophones à partir du niveau primaire jusqu’au postsecondaire.
2.2.1.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)
Valérie, fille de Christine et Alain, petite fille de Thérèse, parle de la façon qu’elle rencontra son futur-
époux ainsi que de leurs fréquentations.506
« J’ai rencontré Scott à travers le chum de ma meilleure amie,
parce qu’il507
était un bon ami du chum à ma meilleure amie. Puis on était des amis pour à peu près deux
ans avant qu’on a commencé à se fréquenter. C’était pendant que nous étions à l’université.» Valérie
raconte aussi qu’elle ne fréquentait pas la même université que Scott. Elle avait choisi d’en fréquenter
une qui était dans sa ville natale alors que Scott avait choisi d’étudier au loin. Pourtant, Scott venait
visiter sa famille puisque celle-ci habitait la même ville que Valérie. Le couple se rencontrait donc
souvent. Ces fréquentations furent d’une durée d’un peu plus de quatre ans avant le mariage508
. « Après
deux ans et demi de fréquentations j’ai déménagé avec lui dans l’appartement qui était attaché à la
maison de mes beaux-parents et on a resté ensemble pour deux ans avant le mariage. On s’est fiancé un
an après et puis ensuite on s’est marié une année après. »
Scott me fait part des mêmes détails au sujet de la rencontre et des fréquentations. « We met through
friends. We had mutual friends. We got engaged three years around that, three or four years after we
met.» Ce que Scott retient de leurs fréquentations c’est que Valérie et lui étaient vraiment compatibles.
«We had a lot of fun together. »
Valérie me fournit ensuite des informations quant à la demande en mariage.
« Alors on restait ensemble, ça faisait à peu près trois ans et demi et puis c’est drôle
parce que quand, ça c’est important que je dise ça, parce que quand j’ai déménagé
avec mon mari, bien Scott, mon chum dans c’temps là, c’était une entente QUE ON509
était pour se fiancer bientôt parce que je ne voulais pas juste vivre avec quelqu’un
pour vivre avec quelqu’un. Et puis on était rendu assez sérieux pour avoir ces
discussions là donc, puis lui était bien correct avec ça et puis il m’a demandé en
mariage à peu près un an et quelque après ça. La demande s’est faite dans notre
appartement. Il m’a préparé un souper et puis on a regardé un film et puis c’était drôle
parce que dans le film c’était The Inlaws avec Ryan Reynolds et puis après que le
film était fini j’avais dit When are we going to get married? Puis il a sorti la bague
de sa poche » me raconte-t-elle en souriant.
«Mon mari n’a pas demandé à mon père pour sa permission parce que mon mari ne
croit PAS510
la dedans. Mon mari dit que c’est une vieille tradition venant de la
DOT511
puis il dit non, ce n’est pas nécessaire. Il n’a pas demandé. La bague, moi,
506
Vers la fin des années 1990. 507
En parlant de Scott. 508
Le mariage fut au début des années 2000. 509
Intonation de la voix. 510
Intonation de la voix. 511
Intonation de la voix.
94
j’en avais choisi entre trois ou quatre et puis c’est lui qui a choisi elle qu’il m’a
donné.»
Valérie admet que ce qui guida le choix de la bague fut la situation financière. Et selon elle, cette bague
symbolise un engagement pour la vie.
Scott me raconte le déroulement des événements aux détails près. « It was at my apartment. I proposed to
her in there. I don’t agree with the whole idea of asking someone’s parents. I thought it was more proper
to ask Valérie rather than talk to her parents prior to that. So I actually didn’t tell anyone about it. » Les
fiançailles furent ainsi une surprise! Mais si Valérie ignorait quand allait se faire la demande officielle de
mariage, elle savait quand même que les fiançailles étaient imminentes. « We had started to talk about
getting engaged. We had looked at rings prior to that so it was the two of us that had been looking at rings
together» avoue Scott. « It was custom made, just to do something original, something that we both
liked.» Scott n’y voit pas de symboles. Il affirme pourtant qu’il comprend que la bague veut représenter
l’union.
Valérie me fait part qu’elle n’avait pas préparé de trousseau pour sa mise en ménage. D’autre part, le
mariage nécessita quant à lui, beaucoup de préparatifs.
« Alors on avait aussi discuté lorsque j’ai déménagé avec mon mari, qu’on était pour
se marier dans une église catholique. Je voulais me marier à l’église où TOUS512
les
membres de ma famille se sont mariés dans cette église là et puis mon prêtre que
j’avais à une autre paroisse était rendu là. Puis c’était un prêtre que j’avais beaucoup
aimé quand j’étais petite513
. Alors on l’a rencontré deux fois. Il nous a demandé de
nous inscrire à une fin de semaine marriage camp514
que mon mari aime dire. Et puis
on a fait ça et puis c’est bien allé. C’était vraiment, vraiment intéressant parce que ce
n’était pas religieux comme mon mari le croyait. Il y avait quand même une séance le
dimanche, mais à part de ça on parlait d’argent, la fidélité, des choses de même. Et
puis c’est ça. Lorsqu’on l’a annoncé à mes parents et puis à ses parents, les parents
nous aidèrent financièrement. Ma mère m’aida à faire toutes les décisions, peut-être
un p’tit peu trop. Oui, c’était ça! Mon rôle bien c’est vraiment moi qui a fait tous les
appels. J’étais plutôt en charge. Scott lui, a fait quelques décisions mais il s’inquiétait
plutôt du budget, de l’argent. À part de ça, lui il aurait aimé même qu’on se marie au
Cuba. Et puis moi je ne voulais pas ça. Donc on a décidé de rester en ville alors il m’a
laissé faire toutes les décisions vraiment. Aussi, j’ai eu un shower de fille515
organisé
par ma mère et puis mes tantes et puis mes cousines. Parce que dans ma famille, ça
c’est la tradition que c’est la mère et puis, ses sœurs et leurs filles, les cousines, qui
organisent les showers. Elles sont très proches. Donc pour chacune de mes cousines,
ce sont elles qui ont fait le shower avec l’aide des autres cousines. Alors c’était mon
tour. Alors c’était ma mère qui l’a vraiment organisé mais avec l’aide de mes deux
tantes et mes deux cousines. Le shower c’était pas mal identique au shower de mes
deux cousines! Parce que c’est comme ça que ça va dans ma famille. C’était très bien.
Il y avait au-delà de cinquante personnes. Vraiment j’ai été choyée; le montant de
cadeaux, le montant d’argent c’était, c’était incroyable. Les gens étaient vraiment
heureux pour moi puis Scott puis ils voulaient qu’on commence une vie ensemble
avec tout ce qu’on avait de besoin puis même encore plus puis c’était vraiment
512
Intonation de la voix. 513
C’est en fait le même prêtre de qui son père m’avait parlé. 514
Marriage camp : terminologie inventée par Scott signifiant camp d’entrainement au mariage. 515
Au début des années 2000.
95
beau! Ce que je retiens du shower de fille vraiment c’est comment, les membres de
ma famille, les membres de ma belle famille, les amis, MÊME LES AMIS DE MA
MÈRE, DE MA COUSINE516
, tout ça, comment les gens étaient généreux, vraiment,
vraiment généreux. Et puis aussi comment les membres de ma famille surtout ont mis
de leur temps et de LEUR517
propre argent pour assurer une réussite pour le shower. »
Valérie m’indique aussi qu’un genre de bachelorette518
fut organisé pour elle, par le même groupe de
femmes.
« Donc le bachelorette c’était ma cousine qui était aussi ma femme d’honneur à mes
noces et puis c’était chez elle. C’était une surprise complète, comme je n’avais aucune
idée. Et puis c’était encore une fois juste des femmes. Pas aussi gros que le shower de
fille, on était peut-être une dizaine. Elle avait loué un hot tub519
et puis on a bu, on a
mangé, on a jasé, on a dansé. On a eu bien du fun! Il s’agissait d’une petite soirée de
détente pour les femmes. Pour les cadeaux pour le shower puis le bachelorette, j’avais
été demandé de faire un registry520
donc j’en avais fait un à Sears et puis j’ai reçu
TOUT521
ce qu’il y avait sur mon registry. Donc même comme un aspirateur, j’avais
tout, tout, tout, mes lampes, ma vaisselle, tout, tout, tout. Et puis je me souviens
j’avais fait au-delà de onze cent dollars à mon shower et puis le bachelorette j’avais
aussi reçu des cadeaux. C’était plutôt des cadeaux des jokes522
. Alors c’est très
important de se réunir. Dans la famille de ma mère, c’est une grande famille.
Honnêtement, je peux dire que je suis allée à peut-être une trentaine de showers
comme si je combine mes amis, la famille de ma mère parce qu’elle est tellement
grande, ensuite la famille de ma belle-mère, de mes beaux-parents alors je trouve que
c’est important parce que souvent c’est le SEUL TEMPS523
que tu vas voir ces
personnes là parce qu’on parle de grandes-tantes, deuxièmes et troisièmes cousines
que je ne verrai PAS524
à Noël alors oui je trouve que c’est important. La signification
du shower et du bachelorette c’est tradition, tradition! Je dirais aussi c’est pour aider
la personne ou le couple. C’est un rassemblement. »
Je pose aussi les mêmes questions à Scott afin d’en connaître davantage au sujet de la préparation du
mariage. Il m’explique qu’il avait habité seul avant sa cohabitation avec Valérie. Ainsi, il avait accumulé
beaucoup d’items nécessaires au quotidien. Ce genre de trousseau n’avait pas été organisé en guise de
préparation à la mise en ménage. Entre autres, il avait été nécessaire parce que Scott avait choisi d’aller
aux études au loin et avait besoin d’items et de fournitures pour sa demeure. D’autre part, je questionne
Scott par rapport à la préparation du mariage lui-même.
« Well we had to do all the regular things for preparing for the wedding. The only
difference was that at the time we were preparing for the wedding, I was also finishing
my master’s degree. So Valérie did most of the preparation for the wedding. But we
did a lot of the bookings and stuff like that together and we talked about
photographers and going to look at the halls and all those things. A lot of the detail
516
Intonation de la voix. 517
Intonation de la voix. 518
Bachelorette : Rassemblement organisé en l’honneur de la future-mariée réunissant un groupe de femmes.
Enterrement de vie de fille. 519
Hot tub : bain à remous. 520
Registry : liste de cadeaux 521
Intonation de la voix. 522
Jokes : blagues. 523
Intonation de la voix. 524
Intonation de la voix.
96
work Valérie did, even looking at particulars around the hall, how the hall would be
decorated and things like that. I can’t remember, I don’t think I had a specific role to
play. I had a stag. It was a surprise stag. It was organized by my dad and my, at the
time, sister’s boyfriend so my brother-in-law now. And just friends and family and
stuff like that. It was only men. The difference between a bachelor party and a stag is
that a bachelor party you are going out just before the wedding. A stag is organized
like a month before and stuff like that. »
Il m’indique aussi qu’il y avait eu des jeux lors de la réception et une salle municipale avait été louée à
cet effet. Selon Scott, une telle célébration signifiait que le mariage approchait. Les hommes y
participèrent pour s’amuser ensemble.
En poursuivant mon entrevue avec Valérie, je lui demande si elle considère son mariage comme
traditionnel. Elle me répond :
« Oui et non. Oui la cérémonie était certainement traditionnelle. Non parce qu’on n’a
pas eu un souper. Malgré que ce n’était pas les premières noces comme ça dans ma
famille mais ce n’est pas traditionnel. Habituellement les gens ont un souper. On est
allé à des noces où il y avait un souper puis on a trouvé ça ennuyant. À cause qu’il y
avait tellement de gens à nos noces, je ne voulais pas que ça soit ennuyant pour tout le
monde. Donc on a décidé de le faire de cette façon là. Aussi ma cousine qui est
comme, on est tellement proche on est comme des sœurs, elle a fait ses noces comme
ça puis je l’ai beaucoup aimé. Et puis c’est pour ça qu’on a décidé de faire la même
chose. Les plus beaux souvenirs moi je dirais la cérémonie pour moi. La cérémonie
était très spéciale. Quand je suis allé faire faire mes cheveux avec mes filles
d’honneur, ça c’était le fun. Avec les mères aussi. On riait beaucoup. Quand j’ai dansé
avec mes amis finalement tard pendant la soirée, quand on a pris nos photos… On
était proche d’une autre chapelle et puis il y avait un gazebo. Et puis on avait
beaucoup de fun. »
Scott me témoigne aussi de l’ensemble des pratiques de son mariage.
« We had an evening wedding, it was in the summer and it was a Friday night. Well
when we first talked about getting married I talked about going away to a resort
wedding and things like that but we decided not to do that. We wanted to have our
family and all that around but the wedding was probably bigger than what we initially
anticipated for. We had a lot more family.»
Selon Scott, les pratiques basées sur la tradition qui furent transmises de génération en génération dans sa
famille étaient les suivantes: «We had a best man, bride’s maids, the whole bridal party, our parents were
involved in the whole process, it was in church, tuxedos, a white dress, things like that – like all». Mais
Scott prit une attitude un peu passive envers les pratiques traditionnelles. «I was indifferent either way.
Traditional or not it didn’t bother me. It was Valérie’s choice and supported it».
Valérie me raconte comment s’est déroulée la cérémonie de mariage.
« Nous autres on s’est marié un vendredi soir au lieu d’un samedi525
et puis on s’est
marié en soirée. Alors on s’est marié à dix-huit heures à l’église. Ensuite on s’est
rendu à notre salle puis on a servi des hors-d’œuvre et puis on avait une grande,
525
Au début des années 2000.
97
grande table. C’était une table avec des desserts, des fromages, des craquelins, des
fruits, des légumes, des trempettes tout ça c’était ah! c’était super beau. Et puis on
avait un disc jockey qui a joué des jeux avec nos invités pendant que nous autres on
prenait nos photos et puis c’était très bien décoré. Et puis lorsqu’on est arrivé
évidemment il y avait des discours, TRÈS PEU526
de discours parce que je n’aime pas
des discours. On n’a même pas laissé nos parents avoir des discours. Et puis ensuite
on avait la danse. C’était notre choix. Les seuls compromis que j’ai eu c’est avec ma
mère! » me dit elle en riant.
Elle m’explique que ces compromis avaient rapport avec la liste d’invités.
« Ça c’était un gros stress. Ma mère, la fin de semaine qu’on s’est fiancé, ma mère
avait cent quatre-vingt personnes sur sa liste d’invités ok? Et puis c’était une grosse
chicane pour lui demander d’enlever, puis enlever, enlever…. Parce que notre salle
elle tenait plus de trois cent personnes puis on avait encore le côté de mes beaux-
parents en plus on avait nos amis. Ma mère voulait inviter tous les membres de sa
famille même ceux, parce que son père est décédé quand j’avais deux ans, même ceux
que je n’avais jamais rencontré de ma vie sur le côté de son père. Je crois que ma
mère c’était plutôt pour la politesse, le respect, mais on a eu des arguments par rapport
à ça mais finalement elle a coupé. Puis encore de ces jours, ça fait plusieurs années
puis elle va dire Tu sais là un tel et une telle n’était même pas à ton mariage là!!!
Puis je suis comme Je ne les connais pas ! »
Alors finalement, sur la liste d’invités il y avait les membres de la famille immédiate, la famille proche et
la famille éloignée, comme le dit Valérie, ainsi que les amis. De cette cérémonie de mariage, elle garde
de très beaux souvenirs.
« Ah! la cérémonie. La cérémonie était super belle. J’ai braillé527
en marchant, j’ai
braillé, braillé, braillé ça faisait pas de sens comment je braillais! Je ne sais pas
pourquoi mais je pense c’est à cause que mon père braillait. Mon père est très, très
émotif. Puis quand je suis arrivée en haut sur les escaliers, quand j’ai monté les
escaliers, le prêtre quand j’étais en face de Scott le prêtre à dit Oh! ok! We have one
who’s hyperventilating and the other one is cool like a cucumber m’explique-t-elle en
riant. C’était drôle puis à un point j’ai même sorti le handkerchief528
de sa poche pour
m’essuyer puis je l’ai remis dans sa poche puis toute l’église a commencé à rire.
C’était vraiment beau. C’était vraiment, vraiment beau. Il y avait beaucoup de
moments où on a ri. J’ai même remarqué mes filles d’honneur rire et les hommes
riaient à un moment donné puis il y avait beaucoup de choses qui se passaient.»
En lui demandant de ressortir quelques valeurs qu’elle rattache à cette cérémonie, Valérie me souligne
« C’était vraiment spécial. C’était vraiment, vraiment beau ».
Pour décrire la cérémonie du mariage, Scott avance premièrement que c’est Valérie qui souhaitait que le
mariage soit célébré dans une église catholique. Selon lui, il aurait préféré se marier dans un pays chaud.
Il voit alors cette décision comme étant un compromis. Il souligne aussi qu’un très grand nombre
d’invités étaient présents à son mariage. Il me fait aussi part de ce qu’il retient le plus. « It was, at the
526
Intonation de la voix. 527
Brailler : pleurer 528
Handkerchief : mouchoir
98
time I thought it was a really well organized wedding. Valérie did a really good job. She looked very
beautiful. It really worked out the way we planned. » Selon lui, l’importance et les valeurs qu’il rattache à
cette cérémonie se basent sur l’engagement. « Before we had talked about getting married I was
indifferent to the idea of getting married but I think looking back at the idea of the commitment to each
other is important. »
Valérie m’informe de ce qu’elle retient de la réception :
« La réception - je dois dire à cause qu’on a décidé de ne pas faire un souper, et puis il
y avait tellement de personnes, que je ne connaissais pas, que mon mari ne connaissait
pas sur les deux côtés à cause que ma mère puis mon beau-père ont invité tellement de
gens - c’était un meet529
and greet530
. Et puis ça c’est un de mes regrets. Peut-être que
j’aurais dû faire un souper de cette façon j’aurais pu faire le meet and greet pendant le
souper parce que je n’ai pas vraiment dansé avant onze heures le soir. C’était un p’tit
peu décevant. C’était des amis de Scott qui sont venus nous dire Il est onze heures
puis on vous a vu toute la soirée en train de parler à des gens, allez danser! Donc je
me souviens plutôt d’avoir rencontré que aujourd’hui je pourrais même pas te dire qui
et puis je n’ai pas vraiment profité de ma soirée. »
Je lui demande ensuite de décrire les coutumes pendant la réception.
« Laisse-moi penser. Bien j’ai évidemment porté sous ma robe quelque chose de bleu,
quelque chose de vieux, quelque chose d’emprunté. Ce que j’ai emprunté c’était mon
tiara531
, ça ce n’était pas sous la robe mais je pense à la jarretière sous la robe. Je n’ai
pas couché dans mon appartement, j’ai couché chez mes parents. De cette façon je
n’ai pas vu Scott avant la cérémonie. Ce sont mes deux parents qui m’ont marché dans
l’allée à l’église, pas juste mon père. Mon mari c’était ses deux parents à lui. On a
allumé la chandelle532
lors de la cérémonie, je ne sais pas si ça c’est une tradition mais
nous l’avons fait. Ensuite à la réception évidemment il y avait la première danse. Il
n’y avait pas de danse avec moi et mon père et mon mari et puis sa mère tout
simplement parce qu’il était déjà assez tard. Mon beau-frère qui est plus vieux que
mon mari ne voulait pas danser sur ses bas donc nous n’avons pas fait ça. Plus eux
autres sont Anglophones donc ils avaient jamais vraiment entendu parler de ça. On
n’avait pas officiellement coupé le gâteau. »
La pratique de ces coutumes est très importante pour Valérie. « Bien moi comme j’ai dit je voulais me
marier dans l’église où étaient mariés tous les membres de ma famille. Puis ensuite comme quelque chose
d’emprunté, quelque chose de bleu puis quelque chose de nouveau puis tout ça c’est juste pour le fun. »
Scott me décrit que la réception fut très agitée.
« The reception was a whirlwind. We had a lot of family there and so we spent a lot of
time talking to our family. A lot, a lot yep, that was de biggest thing about it. We
spent a lot of time talking with our family. There was a lot of Valérie’s family I
didn’t know that well, I met for the first time. Some we hadn’t seen in a long time. »
529
Meet : rencontre 530
Greet: accueil 531
Tiara: couronne 532
Chandelle d’unité
99
Il mentionne aussi une autre coutume. « There was the church. Valérie is religious so we had it in a
catholic church and it was a bilingual wedding. » D’autre part, il m’explique l’importance de ces
coutumes. «That didn’t matter to me. Valérie is religious, that was important to her. »
Quant à l’entrée en ménage, Valérie et Scott ont déjà mentionné qu’ils cohabitèrent ensemble avant le
mariage. Pourtant, Valérie me fournit d’autres détails quant à leur demeure, à leur foyer.
« C’était en campagne, dix minutes de la ville. C’est la maison de mes beaux-parents
et puis ils ont un appartement d’attaché après la maison parce que la grand-mère vivait
là avant qu’elle est décédée. C’était une coïncidence mais je dois dire que mon mari
et moi on croyait fortement dans la cohabitation avant le mariage. Si on n’avait pas cet
appartement là je crois fortement qu’on aurait vécu dans un autre appartement. Dans
un bloc ou quelque chose de même ».
Scott m’informe de la raison pour laquelle lui et Valérie décidèrent de cohabiter ensemble. « I was living
in an apartment by myself at the time and Valérie was over all the time and it just became much more
logical probably. That’s where our relationship was at, at the time. »
À cet âge de la vie adulte533
Valérie et Scott avaient déjà acquis beaucoup de savoirs et certains d’entre
eux leur avaient été transmis depuis un très jeune âge. Et c’est en demandant à Valérie quelles valeurs
elle souhaitait transmettre à ses enfants que j’ai aussi appris que ces mêmes valeurs lui firent transmises
par ses parents. Il s’agit de la politesse, du respect du partage entre autres. Elle m’explique que celles-ci
sont tellement importantes qu’elle commença à les enseigner à ses enfants depuis qu’ils étaient très petits.
« Ils doivent dire merci, s’il-vous-plaît… »
Scott avance le même principe.
« I think that to be good people is the first thing you want to teach them, we try to
instill the older one about the younger sibling, and loving their family and luckily it’s
very easy with them but everything comes down to the very basic; core values is how
they act and how they treat others. You need to treat others with respect! »
Et parce qu’il s’agit d’un couple mixte francophone-anglophone, il est intéressant d’étudier quelle langue
est enseignée aux enfants et quel milieu scolaire ils fréquentent. Ainsi, les enfants de Valérie de Scott
iront tous à une école catholique francophone pour plusieurs raisons. Valérie travaille dans une école
catholique francophone. Elle parle à ses enfants en français tandis que Scott leur parle en anglais. Les
enfants communiquent avec les parents dans leur langue respective. La décision d’envoyer les enfants à
une école catholique française fut unanime. Valérie est la personne responsable de s’occuper de
l’éducation scolaire de ses enfants. Scott participe aussi mais puisque Valérie est une enseignante le
couple a décidé qu’il en serait ainsi. Scott est fier que ses enfants soient bilingues et affirme qu’il
supporte le fait que ses enfants fréquentent une école francophone.
2.2.2 Pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle
Cette rubrique me permet d’examiner l’un des plus grands moments de la vie individuelle des
informateurs, soit la naissance de leurs enfants à partir de la grossesse jusqu’au baptême.
533
Vers la fin de la vingtaine, dans les années 2000.
100
2.2.2.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)
Le premier enfant de Thérèse et Jacques est né à peu près dix mois après le mariage. Thérèse était dans la
vingtaine534
.
« Dans c’temps là ce n’est pas qu’on choisissait tellement d’avoir des enfants, c’est
qu’on en avait! » m’avance-t-elle en riant. Elle m’explique aussi qu’il n’y avait pas
vraiment de considérations à prendre avant d’avoir des enfants. « Dans le temps la
madame, la mère, était à la maison alors tu savais que tu vas être là pour en prendre
soin. Les Garderies and all this stuff535
, on n’avait pas ça dans c’temps là. J’ai eu un
shower pour mon premier bébé. J’ai eu des très beaux cadeaux. Ça je me rappelle de
ça! C’était important d’avoir un shower de bébé, c’était commun. Pour cadeau, on
avait n’importe quoi dans le temps que tu pouvais acheter pour un bébé. Comme
aujourd’hui c’est différent là il y a beaucoup d’autres choses mais dans c’temps là, on
a eu des belles choses. Il y avait des sets de tricots, des p’tits sweaters536
avec des
p’tites pantoufles puis un p’tit chapeau. Ah oui! J’avais eu ça. C’était très beau. »
Thérèse m’avoue aussi qu’elle accordait une valeur sentimentale à l’un de ces cadeaux.
« J’avais eu un, dans c’temps là ils vendaient des p’tits couvre-pieds puis des p’tits
oreillers pour un carrosse, puis j’avais eu un beau set537
de même puis j’ai toujours
vraiment aimé ça c’te set là. Je ne me rappelle même pas qui me l’avait donné mais
j’avais eu beaucoup de choses. »
Je demande aussi à Thérèse qui fut en charge des relevailles après la naissance de ses enfants. Elle donne
l’exemple de l’expérience vécue à la naissance de son premier enfant.
«Une madame qui était venue, c’était la cousine de mon mari, puis elle était restée
avec moi pour une couple de semaines. C’est parce que elle, elle faisait ça puis moi je
n’étais pas trop forte là dans le temps puis ça aidait. Je n’ai pas vraiment eu de
conseils. Je ne me souviens pas de ça. J’ai appris ça toute seule ».
D’autre part, Thérèse m’informe qu’elle fit baptiser tous ses enfants.
« On était catholique tous les deux puis il n’y a pas de questions là tu fais baptiser puis
c’est tout. La décision était unanime oui, ah oui! C’était important parce que c’est
notre religion puis ils nous ont enseigné ça, de mes parents puis des parents avant! Il
faut que tu fasses baptiser ton enfant. Il avait deux semaines mon plus vieux quand je
l’ai fait baptiser! C’était dans notre paroisse le baptême dans une église catholique
française ah oui ah oui! C’est important de participer dans ta paroisse avec les
premières communions puis les confirmations puis tout ça. Le parrain et la marraine
c’était mes beaux parents pour mon premier enfant. Dans c’temps là c’était la mode!
Le monde prenait quelqu’un de proche, c’était les grands-parents. »
Elle déclare aussi qu’indépendamment du sexe du bébé, le choix du parrain et de la marraine aurait été le
même.
534
Vers le milieu des années 1950. 535
And all this stuff : et toutes ces choses. 536
Sweaters : chandails 537
Set : ensemble
101
2.2.2.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)
Christine m’informe qu’elle donna naissance à son premier enfant538
un peu plus de deux ans après son
mariage avec Alain. «Ah! bien! On était encore jeune comme couple. On aurait pu attendre un peu plus
longtemps» avoue Alain.
«Nous autres on a décidé que c’était le temps, ça faisait au dessus de deux ans qu’on
était mariés. Ça pas pris de temps j’ai tombé enceinte tout de suite. Ça c’était un autre
stage qui était différent là. Moi je voulais tout le temps être un p’tit peu secure539
. J’ai
tout le temps pensé de même. Il fallait tout le temps que j’aie un p’tit peu d’argent de
serré. C’était obligatoire quand même que si ça aurait été vingt piastres. Il fallait que
je serre un peu d’argent sur nos payes là tu sais? Ça a resté avec moi. Encore je suis
un peu de même. C’était à peu près tout par exemple. D’abord qu’on serrait de
l’argent pour s’acheter une maison. J’ai eu un shower de naissance. J’étais bien
grosse. J’avais engraissé de soixante quelques livres alors je n’étais pas trop
impressed540
que le amount of weight541
là! Mais le shower était beau! Vraiment là! Il
y avait bien du monde! C’était important d’avoir un shower et puis j’ai bien aimé le
faire pour Valérie aussi. En cadeau, Oh! Mon Dieu! J’ai eu tout ce que j’avais
besoin. »
Christine explique aussi qu’il y avait certains cadeaux auxquels elle accordait une valeur sentimentale.
« Il y a du monde qui m’ont fait des beaux p’tits sets542
de laine. Je les ai donc aimés.
Je faisais certain que Valérie les mettait ces sets de laine là. J’avais habillé un de ses
bébés avec, plus tard là! C’était un bébé qui s’assoyait dans une chaise-haute. Elle ne
jouait pas tellement avec. Elle s’appelait Denise sa catin. Bien ce n’était pas une catin
c’était assez gros. Ça avait l’air d’un bébé vraiment. Je l’avais toute habillée puis
j’avais mis son p’tit set de laine puis j’aimais ça le voir dessus la catin mais après, plus
tard, après qu’elle jouait plus avec ça là puis elle regardait plus ça, je l’ai lavé puis je
l’ai serré. Ces p’tits sets de laine là m’avaient dit bien de quoi ».
Pour Alain, le fait d’avoir des enfants est significatif. D’ailleurs, le choix s’est fait avant le mariage.
« Avoir des enfants c’est pour continuer la famille, pour continuer la tradition de
famille parce qu’on voulait avoir quelqu’un pour aimer! Les considérations c’était
qu’on voulait attendre un peu de temps. Tu sais on ne voulait pas l’avoir tout de
SUITE543
. Puis là on a pensé à un enfant. On voulait tout de bien en avoir deux mais
avec qu’est-ce qui avait arrivé avec l’ouvrage puis ma perte de l’ouvrage il fallait
qu’on attende plusieurs années avant d’en avoir un deuxième. Christine a eu un
shower de bébé. On544
a été juste à la fin de la soirée, pour manger. […] Je me
rappelle de ça! Je ne me rappelle pas de tous les cadeaux. Tout d’bien545
un crib546
. »
538
Vers la fin des années 1970. 539
Secure : voulant dire avoir une sécurité financière. 540
Impressed: impressionnée 541
Amount of weight : prise de poids 542
Sets : ensembles. 543
Intonation de la voix. Tout de suite signifiant tout de suite après le mariage. 544
En parlant des hommes. 545
Tout d’bien : vernaculaire : peut-être 546
Crib : couchette
102
Il n’accorde pas de valeur sentimentale aux cadeaux en affirmant « pas moi, tout d’bien Christine mais
pas moi ».
La responsabilité des relevailles après l’accouchement de Christine revint à sa sœur.
« Ah! bien j’avais eu une césarienne so547
ma sœur était venue parce que où je restais,
je restais dans un haut puis il fallait aller laver en bas, so ma sœur est venue dans cette
semaine là, tout d’bien trois ou quatre fois qu’elle est venue. Après ça moi-même. Ma
mère me donnait des conseils. A un moment donné je l’appelais pour tout! » me
raconte Christine.
Alain explique que Christine n’avait pas eu besoin de beaucoup d’aide après son accouchement. Il me
parle davantage au sujet des conseils que certains offraient après la naissance du bébé. « Oh! Oui! On
avait eu quelques conseils de nos parents! Je pense ça avait d’affaire à coucher le bébé. Il faut que tu
couches le bébé d’une certaine manière pour pas qu’il s’étouffe. Des affaires de même. Je me rappelle de
ça mais c’est la seule affaire que je me rappelle ».
Les enfants de Christine et Alain furent baptisés. Les motifs de cette décision résidèrent sur « la
coutume » atteste Christine. La décision fut unanime et elle fut très importante. « On avait été élevé dans
la religion catholique so548
je ne voulais pas que mes enfants soient différents que nous autres. Moi je
crois dans ma religion so… » De plus, elle me dit que les baptêmes de ses enfants furent célébrés dans la
même église où le couple s’est marié. Pourtant, c’était par coïncidence parce que le choix de l’église pour
le baptême n’avait pas d’importance selon Christine. Elle raconte aussi qu’elle et Alain choisirent les
parents de celui-ci comme parrain et marraine pour leur premier enfant. «Ah! J’étais proche de ma belle-
mère puis je ne sais pas! On a juste choisi! »
En posant les mêmes questions à Alain, j’obtiens presque les mêmes réponses quant aux faits, mais
différentes réponses aux questions qui nécessitent une réflexion personnelle. En demandant à Alain quels
étaient les motifs derrière le choix de faire baptiser ses enfants, il me répond sans hésitation « parce qu’on
est catholique!» Il affirme aussi que la décision du baptême pour ses enfants était unanime et surtout, que
le baptême était très important. « Suivre la religion et les pratiques enseignées par ses parents c’est
important! » Alain reconnaît tout de même le fait que ses enfants ont reçu le sacrement du baptême dans
la même église qu’il reçut le sacrement du mariage. Le choix du parrain et de la marraine pour son
premier enfant en était un qui nécessitait une certaine réflexion parce qu’il y avait seulement que deux
critères de sélection. Il fallait que ceux-ci soient des membres de leurs familles et il fallait que ces
membres soient un couple. « C’est pas comme différentes personnes de différents couples. C’est le
même couple. »
547
So: alors
103
2.2.2.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)
Le premier enfant de Valérie et Scott arriva trois ans après le mariage549
alors qu’ils approchaient la
trentaine. Valérie me fait part du choix et des considérations prises avant d’avoir des enfants.
«Ok! C’est drôle parce que lorsqu’on a décidé de cohabiter on avait eu plusieurs
discussions. Puis une discussion c’était bien ok, on est assez sérieux, on va se fiancer
bientôt. Moi je voulais me marier dans une église catholique francophone et puis on a
tombé sur le sujet des enfants. AUPARAVANT550
, quand j’étais plus jeune, dans mes
vingtaines, vingt et un, vingt-deux, je ne voulais pas d’enfants. Et puis lorsqu’on a
décidé de cohabiter, mon mari qui a toujours adoré les enfants, il a dit il faut qu’on ait
des enfants. Si on n’a pas d’enfants, il n’y a pas de point à cette relation. Puis j’ai dit
ok, on va commencer avec un. Et puis il a dit non, je veux au moins deux enfants. Et
puis finalement quand j’ai eu vingt-cinq, vingt-six, vingt-sept, j’ai commencé à avoir
le goût d’avoir des enfants. Comme finalement on dirait que j’ai eu un côté un p’tit
peu plus maternel. J’ai toujours dit que je voudrais avoir un enfant juste avant trente
ans. Ça sonne banal mais lorsque j’avais vingt-neuf on était pas mal bien établi dans
notre maison. On avait deux bons emplois, on était les deux en santé alors on a pensé
que c’était le bon moment et puis on a tombé enceinte ! J’ai eu un shower de bébé
encore une fois organisé par ma mère puis avec l’aide de mes tantes et cousines. En
cadeau, j’ai reçu tout! » me dit-elle en riant.
« Encore une fois j’ai été demandé de faire un registry à Sears, j’ai TOUT551
eu. Et
j’ai eu huit cent dollars en argent je me souviens. La seule chose que je n’ai pas eu
c’était mon travel system552
– le carosse avec le carseat puis tout ça. Donc je l’ai
acheté avec l’argent que j’ai eu. Mais à part de ça j’ai TOUT, TOUT, TOUT553
eu.
Encore une fois c’était un gros shower. Cette fois-ci c’était un dimanche après-midi.
Toujours à la même salle. Tous mes showers ont eu lieu dans la même salle. Oui, j’ai
tout eu. Il y a plusieurs cadeaux auxquels j’accorde une valeur sentimentale, surtout
des vêtements. J’ai pas mal une bonne mémoire puis je me souviens qui m’a acheté
quoi et puis comme des pyjamas, des onesies554
s, des sleepers555
, il y en a que je vais
garder toujours parce que je me souviens qui les a achetés. Aussi des couvertures.
Aussi des knick knacks556
, des belles choses, encore là je me souviens qui m’a acheté
quoi. Même que moi j’aime toujours écrire des noms en arrière de ces choses là pour
plus tard, afin que mes enfants puissent savoir qui leur a acheté quoi. »
Scott admet qu’il a toujours voulu avoir des enfants.
« I always wanted a family so that was something that’s been important to me for a
long time. Before we had kids we probably had more fun to ourselves times. We kind
of wanted that. When we moved557
, we just both started our careers and wanted to
enjoy our money a little bit for ourselves, put some money aside for a house and
things like that but that’s what it was.»
549
Vers la fin des années 2000. 550
Intonation de la voix. 551
Intonation de la voix. 552
Travel system: combine de voyage (poussette et siège d’auto) 553
Intonation de la voix. 554
Onesies: camisoles un morceau. 555
Sleepers : pyjamas. 556
Knick knacks : bibelots 557
Déménagement dans une autre ville du Nord de l’Ontario.
104
Scott explique aussi que le shower de naissance était important pour Valérie. Il m’affirme que parce que
c’est important pour elle, ça devient important pour lui. Ça lui tient à cœur. Je lui demande s’il accorde
une valeur sentimentale à l’un des cadeaux reçus au shower.
« The finest one, one of my cousins he has older children, so my nephew, I call him
my nephew, he was probably ten or eleven at the time, he went shopping with his
mom and he bought me actually a set of beer steins because he thought that it wasn’t
fair that I wasn’t given any presents. »
Alors pour Scott, c’est un beau souvenir et il fait aussi la remarque que quelqu’un a pensé à lui faire
plaisir, en lui offrant un cadeau à lui aussi. Il ne s’en attendait pas. En plus le cadeau vient d’un cousin
qu’il considère comme un neveu.
« Pour la responsabilité des relevailles, alors bien évidemment mon mari et puis ma mère est venue pour
quelques jours. Ma belle-mère est venue pour quelques jours. Mon mari était en congé pour deux
semaines. » Valérie révèle aussi que ses parents nettoyèrent sa maison pendant qu’elle était à l’hôpital.
Elle constate que l’événement de la naissance c’était comme un commencement. Sa maison était toute
propre et son foyer accueillait un nouveau membre. Elle reformule quelques conseils qui lui avaient été
donnés. « De dormir lorsque le bébé dort. C’était probablement le conseil que j’ai entendu le plus.
Évidemment j’ai eu d’autres conseils comme moi je couchais mon bébé sur son ventre mais évidemment
on couche les bébés sur leur dos. C’était des choses qu’ils faisaient dans LEUR558
temps donc moi je ne
voulais pas l’appliquer pour moi.»
Scott souligne avoir aidé beaucoup à Valérie après l’accouchement. Je lui demande aussi s’il se souvient
des conseils qui lui étaient donnés. « Most of it is learning through your experience I think so. I don’t
remember any particular KEY559
advice that we were given. It was just us learning. We went through it. »
Je continue mon entrevue en questionnant Valérie au sujet du baptême de ses enfants. Elle m’informe
que son premier né fut baptisé alors qu’il avait dix semaines. Les motifs résidaient sur la tradition.
« Encore une fois c’est la tradition puis moi je suis une personne très spirituelle. Est-
ce que je vais dire que je suis une personne qui pratique ma religion? Non, mais je
suis très spirituelle. Et puis pour moi c’était important. Puis c’était aussi très important
pour ma famille et la famille à Scott. La famille à Scott est irlandaise anglophone donc
les Irlandais sont catholiques et c’est important. Pas important pour mon mari mais il
savait que c’était important pour moi. Si la décision du baptême était unanime, oui je
dirais. »
J’ai aussi voulu savoir si le baptême avait eu lieu dans une église catholique francophone. En effet, le
baptême fut célébré dans une église catholique francophone et Valérie m’explique pourquoi. « Parce que
moi je suis catholique française, toute ma famille l’est. Mon mari est catholique anglophone mais on a
fait un baptême bilingue.» Elle continue de me fournir d’autres détails tels que le choix du parrain et de
la marraine.
« Pour mon premier enfant, on a choisi comme marraine la tante à mon mari. Elle est
très religieuse et puis elle n’a pas d’enfant, elle n’a pas de mari. Elle n’a jamais été
mariée. Elle adore les enfants et puis on savait qu’elle était très, très, très, religieuse.
558
Intonation de la voix. 559
Intonation de la voix.
105
Elle adorait les enfants puis elle n’était pas mère elle-même. Je voulais, ON560
voulait, parce que Scott est très proche avec elle aussi, on voulait que ça soit elle. Je
sais qu’elle est déjà marraine pour des nièces, neveux mais pas pour quelqu’un d’une
autre génération. Ensuite le parrain c’est mon frère. Je suis très proche avec mon
frère. Il était jeune, il avait vingt deux ans je crois »
Scott aussi m’informe que ses enfants reçurent le sacrement du baptême dans une église catholique
francophone. « Valérie is catholic so that was important to her. My family is also Irish catholic so it was
important. But yeah, that was the reason». La décision de faire baptiser les enfants fut faite par Valérie.
Scott appuya la décision. Le même contexte s’applique au choix de l’église. Valérie souhaitait que les
baptêmes se déroulent dans une église catholique francophone et Scott, encore une fois, n’avait pas
d’objections. Les cérémonies furent bilingues. Quant au choix du parrain et de la marraine, Scott insiste
lui aussi sur le fait qu’il entretenait des liens étroits avec sa tante et ce, depuis qu’il était très jeune. Il
m’informe aussi que le couple souhaitait avoir comme parrain et marraine une personne de chaque côté
de la famille. Parce que la tante de Scott n’était pas mariée et que le frère de Valérie ne l’était pas non
plus ce furent les deux qui furent choisis.
2.2.3 Pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique
Pour rappel, il est question dans cette section de l’étude d’informations relatives aux activités
quotidiennes et aux tâches diverses qui font alors partie de la vie domestique. Les données sont divisées
en deux volets, soit le partage des tâches avant l’arrivée des enfants et le partage des tâches après
l’arrivée de ceux-ci.
2.2.3.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)
Thérèse parle de la vie matrimoniale et du partage des tâches dans le couple avant l’arrivée des enfants
ainsi qu’après. « Ah! Dans c’temps là la femme elle faisait tout !» me dit-elle en riant. «Il fallait faire
les repas, faire le ménage. Dans c’temps là les femmes ne travaillaient pas après que tu étais mariée. Tu
restais à la maison puis tu prenais soin de ton logis. C’était ça vraiment qui était l’affaire! Ramasser la
malle561
et puis payer les bills562
… On était secrétaires! » avance Thérèse en riant. « L’homme c’était de
payer le loyer! » me dit-elle toujours en riant. « Hors du foyer il fallait aller ramasser la grocery563
, et puis
s’occuper de ça, puis aller faire les commissions, acheter le linge qu’on avait besoin…Hors du foyer
l’homme il devait aller travailler je suppose, cinq jours par semaine! » Je demande à Thérèse de décrire
les responsabilités de la femme. Je lui demande ensuite de m’expliquer pourquoi un tel rôle était attribué
à la femme.
« C’est parce que dans c’temps là c’est comme ça que c’était. Aujourd’hui c’est divisé
mais dans c’temps là ce n’était pas comme ça! La femme travaillait pas so elle faisait
l’ouvrage à la maison. Une chance! Parce qu’elle n’aurait pas eu rien à faire! Ou
qu’elle aurait pu aller travailler mais dans c’temps là ce n’était pas la question! C’est
pour ça que les hommes avaient tous des jobs. Aujourd’hui les femmes travaillent ça
fait que l’homme puis la femme travaillent tous les deux so il y a moins de job pour
560
Intonation de la voix. 561
Malle : colis. Vernaculaire: courrier 562
Bills: factures 563
Grocery: faire les épiceries.
106
les hommes parce que toutes les femmes travaillent MAIS564
le coût de la vie
aujourd’hui ce n’est pas pareil non plus. Il faut que le monde travaille pour arriver à
avoir des belles choses! Dans c’temps là aussi c’est assez drôle c’était tellement
différent dans c’temps là! Bien ça fait pas mal longtemps je suis vieille moi là! » me
confie-t-elle en riant. 565
Et pour Thérèse, l’arrivée des enfants ne changea pas son rôle, ni ses tâches.566
« Il n’y avait pas
vraiment de changements. Ça l’a additionné! Il y avait plus de choses à s’occuper.» Elle me souligne
aussi que son conjoint et elle avaient une vision presqu’identique quant à la façon d’élever et d’éduquer
leurs enfants.
2.2.3.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)
Christine parle du rôle des femmes et démontre une grande admiration et beaucoup de compassion pour
celles-ci. « Ah mon Dieu ces pauvres femmes! » Elle explique que les familles étaient tellement grandes,
les femmes étaient continuellement enceintes. Par exemple, elle mentionne que sa mère et sa grand-mère
étaient enceintes en même temps. Pour parler de son rôle et de ses responsabilités au foyer avant d’avoir
des enfants, elle dit que c’est elle qui préparait tous les repas.
« Je n’avais pas d’enfant so567
… Alain ça toujours été un bon vacuum guy568
. Ça
toujours été ça puis encore! Je le faisais des fois. Mais il le savait que c’est lui qui fait
ça. Hors du foyer, ma responsabilité c’était de travailler. J’ai été travailler
ailleurs569
. On allait faire la grocery ensemble nous autres. J’aimais juste nous autres
partir puis aller faire ça. Hors du foyer, Alain s’occupait de travailler et il s’occupait
des véhicules.» 570
Pour décrire les responsabilités des conjoints, Christine affirme : «Moi je ne trouvais pas que c’était bien
dur avant qu’on ait les petits. On faisait n’importe quoi571
». Mon entrevue avec Christine se poursuit et
je lui demande si l’arrivée des enfants avait changé son rôle et ses tâches. « Oui, un enfant ça change la
maison. Je veux dire ça fait ça certain! On l’amenait partout572
. Dans c’temps là573
on ne faisait pas bien,
bien garder nos enfants. On amenait le bébé, on l’avait partout. » Christine explique que le trio était
toujours ensemble. Elle restait à la maison avec Valérie pendant qu’Alain allait travailler. Elle préparait
les repas et prenait soin de leur fille. Alain s’en occupait aussi beaucoup lorsqu’il revenait du travail. Elle
m’informe aussi que son conjoint et elle partageaient une vision identique quant à l’éducation de leurs
enfants. «On a tout le temps voulu que nos enfants soient instruits. Nous deux on prenait même des plans
d’education fund574
. On a commencé ça quand on était bien jeunes. » Et en ce qui a trait aux soins des
564
Intonation de la voix. 565
Dans les années 1950. 566
Entre le milieu et la fin des années 1950. 567
En voulant dire qu’elle n’avait pas à s’occuper d’enfants. Elle avait donc beaucoup de temps à s’affairer à
d’autres choses tels que les repas. 568
Vacuum guy : homme qui passe l’aspirateur. 569
En voulant dire autre que le foyer. 570
Dans les années 1970. 571
En voulant dire que les conjoints n’avaient pas de rôles vraiment spécifiques. Les tâches étaient accomplies
selon les habiletés, les habitudes ou les préférences. 572
En parlant de Valérie. 573
Vers la fin des années 1970. 574
Plans épargne éducation.
107
enfants, Christine admet : « Bien je peux dire que la maman en faisait pas mal! Alain amenait Valérie
souvent au parc. Souvent, souvent qu’il allait prendre une marche au parc. Après que j’ai eu mon
deuxième enfant, je me sentais plus pressée là puis j’avais dit ok bien là je ne ferai plus les groceries puis
toi tu vas y aller Alain. Il avait dit oui puis il amenait tout le temps Valérie avec lui. Il allait faire la
grocery puis il arrêtait manger au McDonald’s. Puis Valérie it was a good thing for her because575
elle
allait avec son père faire la grocery.
Alain décrit lui aussi comment se faisait le partage des tâches.
« Elle était à la maison, puis elle faisait, elle nettoyait, elle prenait soin de tous les
meubles comme le nettoyage, le lavage, la vaisselle. Ça j’en faisais un peu je pense.
Mais en fait de nettoyage moi je ne faisais pas grand-chose quand on s’est marié.
Mais ça a changé avec le temps là. Moi j’avais dit qu’elle n’avait pas besoin de
travailler alors de là, elle se trouvait des amis là puis elle était occupée avec ses amis.
Elle ne travaillait pas. Qu’est-ce qui est arrivé on a déménagé dans une autre ville576
.
Moi j’ai changé d’emploi. Ensuite là on s’est trouvé un autre appartement. Ensuite
Valérie était au monde par c’temps là. Ensuite de là, j’ai revenu à ma ville natale. Là
j’ai ressenti que j’étais pour me faire layoffer577
à cause des coupures budgétaires.
Alors j’en ai parlé à Christine et puis Christine a retourné à l’ouvrage, à plein temps je
pense. Puis on faisait garder Valérie. Parce que moi j’ai perdu mon emploi pour à peu
près 6 mois. Elle est plutôt travaillante. Elle remporte l’argent à la maison. Je pourrais
dire qu’elle était meilleure à faire de quoi avec l’argent. Elle me garde sur mes pieds
là. Elle était plutôt, elle avait bien de la sagesse dans quoi faire puis comment faire.
Elle a travaillé pour remplir les gaps578
, pour remplir les trous qu’on a. Elle travaillait
pour ça. Si ça ne serait pas d’elle aujourd’hui tu sais…? »
Ému, il ne peut continuer sa phrase. Il m’indique qu’il fut surpris par sa capacité à se rappeler de
plusieurs souvenirs qui étaient pour lui chargés d’émotions. L’arrivée d’un enfant changera aussi les
tâches domestiques d’Alain. « Oui, ah oui! Il fallait que j’aide! Il fallait que je fasse plus de choses dans
la cuisine. Il fallait que je me lève durant la nuit pour l’enfant. Ah oui! Les responsabilités ont changé! »
Lorsque Christine retourna au travail, Alain prenait soin de Valérie. « Ah! Je trouvais que je l’amenais
dehors. Je ne sais pas, je changeais les couches, je lui montrais à faire des affaires, à parler, à écrire, à
faire des affaires de même, je lui contais des histoires, je la couchais. Et puis Christine, elle lui donnait à
manger, elle faisait les repas, semblable à ce que moi je faisais ».
2.2.3.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)
Dès l’entrée en ménage, qui fut quelques années avant le mariage, Valérie se chargea d’effectuer
certaines tâches.579
« Je dirais nettoyer les chambres de bain, faire l’époussetage, faire le lavage, c’est
toujours moi qui fait le lavage, nettoyer après le souper parce que je ne fais pas la
bouffe. C’est mon mari qui fait le souper. Passer le balai. Je passe toujours le balai
575
C’était une bonne chose pour elle parce que… 576
Une ville dans le Nord-Est de l’Ontario. 577
Layoff : mise à pied. 578
Gaps : lacunes 579
Dans les années 2000.
108
presqu’à tous les jours après le souper. Ranger, ranger, tout simplement ranger les
choses qui trainent. »
De plus, Valérie expose aussi les tâches qu’effectuait habituellement Scott avant l’arrivée des enfants.
« Ok alors passer l’aspirateur, faire les soupers, parfois m’aider à faire d’autres p’tites choses, ranger ses
propres choses.» Les conjoints avaient aussi divisé les tâches à accomplir à l’extérieur du foyer.
« C’est toujours moi qui a géré l’argent. J’ai toujours géré l’argent. C’est pas mal moi
qui fais toutes les commissions sauf pour les épiceries. Les épiceries on le faisait
ensemble ou souvent c’était seulement lui580
ou parfois c’était moi mais toutes les
autres commissions c’était pas mal moi. Lui c’était toujours la cour, évidemment,
aussi pelleter la neige, les épiceries. »
Et cette division des tâches avait été faite selon les habiletés et les préférences de chaque conjoint.
« Moi je déteste faire le souper donc c’est pour ça que c’est lui puis ça ne le dérange
absolument pas. Moi je suis un petit peu plus propre que lui et puis ça me tanne si
c’est sale donc c’est pour ça que je nettoie plus que lui. Le lavage c’est moi parce que
je ne veux pas qu’il lave mes choses à moi parce que moi j’accroche beaucoup de
choses. J’ai peur que les choses vont rapetisser ou quelque chose de même et puis
pourquoi faire comme pourquoi diviser le lavage. C’est plus facile si une personne fait
tout le lavage. Puis les choses dehors comme tondre la pelouse puis pelleter la neige,
lui il est plus fort physiquement donc c’est ça ».
Je demande à Valérie ce qui en était de cette division des tâches après l’arrivée des enfants.581
« Pour mon premier enfant, c’était pas mal cinquante-cinquante. 582
. Mon mari est très,
très, très hands on583
. Donc il change des couches autant que moi, il donne des bains
autant que moi. Avec les bouteilles mon mari en donnait autant que moi. Évidemment
lorsque mon mari travaillait pendant la semaine c’était moi qui se réveillait mais en fin
de semaine lui aussi se réveillait. C’était cinquante-cinquante. Mon mari
premièrement il adore les enfants puis il veut jouer un rôle actif. Donc jamais est-ce
qu’il se sentait forcé, il voulait toujours le faire584
. Et je crois que aujourd’hui surtout
lorsque la femme travaille lorsque j’ai finalement retourné travailler, ça devrait être
cinquante-cinquante parce que les deux on travaille. »
Scott m’avoue aussi que les tâches furent divisées en raison des préférences.
«Our division of labour is probably, I think the biggest thing that one of us did more
than the other is that she probably does more laundry and things like that but a little
more cleaning maybe than I do. And then I’ll do the majority of the cooking. It’s sort
of divided up like that. I’ll do all the meal preparation and cooking and she’ll do the
cleaning afterwards. So as far as the cleaning of the house goes we have different tasks
we each do and things like that. Outside the house, that’s less divided I think. I
probably do more. Back THEN585
, the apartment was attached to my parent’s house, it
was an in-law suite so I had been doing most of the yard maintenance at my parent’s
place. At that time previously as well me and my Dad did a lot of landscaping. As for
580
En se référant à Scott. 581
Vers la fin des années 2000. 582
Voulant dire les tâches étaient divisées de façon égale. 583
Manuel 584
En parlant des tâches domestiques. 585
Avant l’arrivée des enfants.
109
the groceries probably even the bills, probably Valérie. Certain things, I enjoy cooking
more than she does. I’m a better cook than she is. I love to try different things and
stuff like that so that’s why I cook. And cleaning, the dishes it’s usually if one of us
cooks the other one does the dishes. As far as bills Valérie is much more concerned
about stuff like that so. After you have babies yes, a lot of things that are different.
You have to clean up after them, diapers, feedings, and then just around the house too!
If one of us is worn down the other one has to pick up the slack! I don’t know that my
role as a man but as a father definitely. I am responsible for two little ones now and
they are, along with Valérie, my top priorities. As far as taking care of the kids it’s
pretty – with the two of them now, probably I have the older one more and Valérie has
the baby more».
2.2.4 Pratiques coutumières : le cycle saisonnier (fêtes fixes et mobiles)
Cette dernière rubrique veut se pencher sur les pratiques relatives aux fêtes. Il est alors question de
repérer des données sur le Temps des Fêtes ainsi que sur d’autres fêtes qui sont importantes pour les
informateurs.
2.2.4.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)
Thérèse se réjouit de pouvoir parler du temps des Fêtes et des célébrations. Elle a la parole plus facile et
fournit plusieurs détails qui se rattachent aux pratiques traditionnelles. « Ah bien là! » dit-elle en riant.
« Il y avait tellement de préparation pour le temps des Fêtes! Les cadeaux, décorer ta
maison, aller à la messe de minuit, avoir tous tes enfants avec du linge neuf ou propre,
qu’est-ce que tu pouvais payer pour dans le temps là, le réveillon. Le réveillon c’était
important aussi! 586
Je me rappelle on allait à la messe de minuit puis on arrivait puis
ma mère, on avait tous des cadeaux en dessous de l’arbre de Noël puis on avait
toujours un gros réveillon.587
C’était pas mal du même genre mais aujourd’hui c’est
bien moderne! Mais dans c’temps là c’était le fun! » explique Thérèse en riant.
« Il y a tellement de choses différentes aujourd’hui. Mettons que tu parles des petits-
enfants là. Il y a tellement de choix puis il y a tellement d’affaires pour les enfants!
Dans notre temps nous autres il y en avait pas tant que ça! On avait toujours quand
même tous des cadeaux mais aujourd’hui ils en ont cinquante cadeaux les jeunes. Tu
sais ce n’est pas pareil puis c’est toute exagéré. Le monde dépense beaucoup d’argent
maintenant pour le temps des Fêtes nous autres, bien tant qu’à ça tout était moins cher.
Les gages588
étaient moins hautes. Aujourd’hui ils ont plus d’argent puis ils sont
capables d’acheter toutes sortes de choses pour les enfants. Ce n’est pas pareil! On
avait tous une couple de cadeaux chaque. Je me rappelle d’avoir eu deux poupées une
année! 589
Ça je me rappellerai toujours de ça! C’était tous des beaux cadeaux. »
Elle ajoute aussi qu’elle a toujours fêté le temps des fêtes de façon traditionnelle. Selon Thérèse, ce qui
est essentiel «c’est d’être ensemble, surtout, avec nos enfants. Tu sais c’est important. S’ils ne sont pas
là il n’y en aura pas de Noël là! Il va y en avoir un mais tu vas être tout seul quand même! » Elle soutient
586
Entre les années 1950 et 1970. 587
Entre les années 1930 et 1950. 588
Gages : salaires 589
Sa mère commanda une poupée dans le catalogue et en avait reçu deux. Ces deux poupées ont été données à
Thérèse pour Noël. La date exacte n’a pas été mentionnée.
110
qu’elle n’a rien changé au déroulement des festivités sauf pour certains petits détails, qu’elle croit peut-
être vouloir établir comme tradition.
« Il y a une chose que j’ai fait deux ans passées, je ne sais pas si je t’ai conté ça, non
ça va faire quatre ans. Quand j’ai préparé les cadeaux pour les petits-enfants cette
année là, je leur ai acheté chacun cadeau et puis à la place de mettre leur nom sur leur
cadeau, j’ai mis une photo de quand ils étaient des bébés, quand ils étaient jeunes.
C’était drôle quand on a ouvert les cadeaux. On a eu bien du plaisir avec ça. C’était
bien le fun ! »
En cce qui a trait à la nourriture du temps des fêtes, elle avoue préférer « faire des tourtières ».
« Il y avait aussi la dinde, on fait beaucoup à manger comme des dindes, des
tourtières, des tartes, des patates, de la sauce, ça c’est bien le fun puis après ça chanter
des cantiques! Le rôle des femmes c’était de préparer toutes les décorations puis les
repas. Bien des fois les enfants ils amenaient des décorations faites à l’école, oui
c’était le fun ça. Des fois chaque année on prenait notre tour pour faire un repas. Là
dans c’temps là beaucoup de personnes venaient, surtout quand mes enfants étaient
petits là! Les autres ils avaient des enfants de cet âge là dans c’temps là.590
Le rôle des
hommes c’était de décorer l’extérieur avec des lumières. On essayait autant que
possible de se réunir toute la famille, et puis des deux591
côtés ».
Thérèse et Jacques n’apportèrent pas de changements aux pratiques traditionnelles qu’ils connurent dans
leur jeunesse. « C’était pas mal les mêmes, c’était qu’est-ce que nous autres on avait quand on était plus
jeunes aussi. Les pratiques ça va de génération en génération, ça ne CHANGE592
pas tellement là. So
c’était plutôt ça. » Qunad je lui demande de parler des valeurs associées à la période du temps des Fêtes,
elle répond : « c’est pas mal tout inclus déjà de ce qu’on a parlé ».
«À Noël, il y avait l’arbre de Noël, la crèche de Jésus, les couronnes, toutes sortes
d’affaires de même. Quand on faisait la crèche, en même temps que l’arbre de Noël, le
p’tit Jésus était là, on n’attendait pas à la veille de Noël. On laissait ça à l’église! Les
cadeaux étaient ouverts après la messe. Après ça il y avait un réveillon. C’est comme
ça que c’était quand moi j’étais jeune à la maison. Les cadeaux étaient ouverts très
tard le soir, aux petites heures du matin. Bien c’était Noël! 593
La guignolée, on ne
faisait pas ça tellement. Il y en avait qui faisaient ça dans mon temps.594
C’est une
pratique qui existait avant moi. 595
»
Il était aussi coutume selon Thérèse, de faire la guignolée le jour même de Noël. C’était pour souhaiter
un joyeux Noël à la famille, aux proches voisins. « Nous autres on restait en campagne puis il y avait de
la neige, c’était plutôt en cutteur596
ou en grosse snow machine597
, dans une sleigh598
. C’était le fun ça.
Oui on a fait de ça. Pas toutes les années» déclare Thérèse.
590
Entre les années 1950 et 1970. 591
Rassemblements avec les membres de la famille de Thérèse et rassemblements avec les membres de la famille de
Jacques. 592
Intonation de la voix. 593
Entre les années 1930 et 1970. 594
Entre les années 1930 et les années 1950. 595
Avant les années 1930. 596
Cutter : petit traineau tiré par un cheval. 597
Snow machine : motoneige.
111
Thérèse ne mentionne pas les pratiques du Jour de l’An. Elle énumère pourtant d’autres fêtes du cycle
calendaire telles que Pâques, le mois de Marie et la Saint-Jean-Baptiste.
« Pâques c’était pas mal fêté dans c’temps là. Il y avait des soupers de famille.599
»
« Le mois de mai à l’école c’était le mois de Marie puis ça c’était pas mal. On faisait
toutes sortes de choses. On allait à l’école pour faire des prières le soir. C’était des
traditions dans c’temps là. Il y avait toujours quelque chose de spécial qui se passait à
l’école durant le mois de mai, le mois de Marie. On allait prier, chanter, juste les
enfants d’école.600
»
«Nous autres on fêtait la St-Jean-Baptiste. Le monde ne travaillait pas, il fêtait. Je ne
me rappelle pas au juste qu’est-ce qu’on faisait. Il y avait toujours quelque chose qui
se passait comme dans la paroisse comme c’était comme un festival de quelque sorte.
Oui, puis ça on allait à ça. Il n’y avait pas vraiment de procession dans le temps c’était
plutôt juste de la musique puis toute sorte de choses. Ça c’était dans la province de
Québec que ça marchait de même!601
»
Elle explique que ses enfants ne connurent pas de telles célébrations en Ontario.
2.2.4.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)
Christine raconte comment elle célèbre le temps des Fêtes en commençant par expliquer sa signification.
« Bien là mes Fêtes sont bien différentes ! J’ai plus de mère, j’ai plus de père! So,
j’essaie de faire du bon avec qu’est-ce que j’ai par exemple. Ma belle-mère est
toujours incluse où est-ce qu’on va. C’est différent. Quand moi j’étais petite on allait
sur la TERRE602
sur le bord à ma mère là. Il y avait ma grand-mère. Elle faisait des
réveillons. C’était des GROS603
réveillons. Mais quand elle est devenue trop malade
puis ils se sont en venus en ville, des années après604
, bien là ma mère elle avait sa
famille là! Nos Noëls étaient encore pas mal gros mais à la maison à ma mère. Eux
autres605
étaient une famille de DOUZE606
! SO on avait beaucoup de fun encore. Après
ça avait arrêté parce que il y avait tellement d’enfants ils ont dit on va louer une p’tite
salle au jour de l’An. On a fait ça je pense pour dix-sept ans. Valérie se rappelle bien
de ça. Elle a tombé dans les teenage years607
puis ça lui disait pas trop trop. Mon fils
lui il adorait ça. On avait bien du fun… bien du fun. Mémère chantait des chansons à
répondre puis pauvre Scott il est rentré dans ces années là puis il trouvait ça un p’tit
peu …. I never saw that608
comme tu sais? Ma grand-mère elle donnait ses cadeaux
598
Sleigh : traineau. 599
Entre les années 1930 et 1970. 600
Entre les années 1930 et 1950. 601
Entre les années 1930 et 1950. 602
Intonation de la voix. 603
Intonation de la voix. 604
Entre les années 1950 et 1960. 605
En se référant à la famille de sa mère. 606
Intonation de la voix. 607
Teenage years : adolescence. 608
I never saw that : je n’ai jamais vu ça.
112
puis c’était des cadeaux d’argent. Elle avait des paquets d’enveloppes, ce n’était pas
des gros cadeaux là! Tout le monde avait un p’tit cadeau puis elle les annonçait au
micro. Mais pour elle c’était une grosse affaire ça! C’était drôle! Ça se passait au jour
de l’An parce que c’est le seul temps que ma grand-mère pouvait voir tout le monde!
À Noël il y avait un groupe ici, puis un groupe là. Elle ne les voyait pas tous! Bien
moi j’arrêtais dans le temps de Noël tout d’bien pendant une heure là. Elle ne nous
voyait pas tous. Puis au jour de l’An bien, elle nous voyait! Mémère elle aimait bien le
jour de l’An oui! 609
Eux autres610
ils avaient des grosses maisons sur des terres! Ma
mère a dit qu’elle a été bien souvent chez sa mémère elle! Elle a dit il y avait assez de
monde là! Ce n’était pas juste de la famille, c’était les voisins tu sais?! Ce qui est
essentiel bien moi je trouve que les veilles de Noël faut que ça soit la veille de
Noël.611
»
Christine déclare que cette année, les plans sont d’aller chez sa fille Valérie, qui habite dans une autre
ville que la sienne. C’est différent parce que c’est la première fois que ça va se passer de cette façon.
« Ça va être un gros change pour moi là! Je vais le faire. Je suis contente de le faire
mais moi j’aime bien la veille de Noël chez-nous parce que là ma sœur arrête, mon
frère arrête. Puis on s’en va chez Valérie puis ça va être juste nous autres! Je veux le
faire parce que Scott et Valérie, ils ont des enfants astheure. L’année passée SES612
parents sont allés. So cette année c’est nous autres qui va y aller. So ça va être un
CHANGE613
cette année là pour moi. Je sais Mom comment faire ta veille de Noël614
mais on n’est pas chez-nous dans notre région! Je comprends que Valérie veut que ses
enfants ouvrent leurs cadeaux dans leur maison. Ça je comprends et on a tous passé
ça. Puis aussi, j’ai jamais fait un souper juste ma own615
famille. Une année j’aimerais
ça. Comme quand je fais un souper je vais inviter mes sœurs. Un souper de Noël je
veux dire là? Mettons une année ma sœur elle va faire la veille bien si quelqu’un va
faire la veille, une autre personne va faire le souper! J’ai jamais fait un souper de Noël
juste nous autres. Ce n’est jamais arrivé. Une année j’aimerais essayer ça. »
« Mes pratiques les plus chères sont les festivités de la veille de Noël, les visites de la
famille, le souper de Noël, réveillon, la nourriture. Les valeurs véhiculées ah bien
pour les jeunes c’est les cadeaux, pour nous autres c’est de voir le monde heureux et
être ensemble! Le menu a tout le temps resté pas mal traditionnel, puis c’est le
jambon, puis c’est le stuffing616
puis c’est ça là. Je faisais bien du dessert puis ça fait
plusieurs années j’en fais un peu. Le sucre à la crème je le fais, parce qu’il faut avoir
ça, les cigarettes à la jam617
il faut que je les fais parce que ça c’est dans le temps de
Noël. Puis le restant bien c’est un tray618
que je commande astheure. J’avais jamais
fait ça déjà. Je commande d’avance, il est assez bon!!! Puis c’est pas de mal de tête
puis j’ai dit ohhh my God il619
est aussi bon! Il est assez bien décoré!!
609
Entre les années 1960 et 1990. 610
En parlant de ses grands-parents et ses arrières grands-parents. 611
Voulant dire qu’il faut y avoir des célébrations la veille de Noël. 612
En se référant aux parents de Scott. 613
Intonation de la voix. 614
Christine m’explique ce que Valérie lui dit. 615
Own : propre 616
Stuffing : farce 617
Jam : confiture. 618
Tray : plateau. 619
En parlant du dessert.
113
Pour le menu de cette période de festivités, Christine indique : « Il y a des peanut butter balls et puis
différents carrés. Des fois ils vont mettre des galettes là-dedans. Moi je dis mets pas de galettes. Je fais
mes propres galettes. Tous des carrés puis ah c’est bon!!
En parlant du rôle des femmes, Christine indique que c’est :
« faire à manger puis c’est shopper620
pour les cadeaux mais tant qu’à ça Alain est pas
mal rendu bon à shopper là, décider, on décide tout le temps des affaires comme on va
dépenser à peu près ça. Ça marche jamais je ne sais pas pourquoi qu’on se bâdre621
de
ça! La femme fait la nourriture, les desserts, prépare les gros repas. Elle s’assure de
coordonner où seront les repas et les festivités entre les familles. Alain est bien bon
pour mettre l’arbre de Noël puis mettre les lumières dedans. Moi je le décore. Il est en
charge des plus gros décors et des lumières à l’extérieur. »
Elle décrit comment se déroule le jour de l’An :
« Le jour de l’An c’était bien… ça a modéré depuis que mémère est partie là
mais… ce qui est important c’est les repas, la visite ! La visite c’est bien, bien
important. Ça c’est mes sœurs, c’est les sœurs à Alain, c’est la mère à Alain, on avait
toujours ma mère mais ma mère est partie. On était tout le temps… même son père,
quand même qu’il était malade on allait le chercher puis on l’amenait à la maison.
Oui! On aimait bien ces fêtes là mais on a été dans un certain temps que ma mère était
bien malade puis le père d’Alain était bien malade. On allait chercher ma mère, elle
était malade puis on allait chercher mon beau-père qui était malade, puis on avait une
pleine maison de monde! Ça ne marchait plus » me dit-elle en baissant la tête et en
expirant fort. « Le père d’Alain n’était plus capable de monter les escaliers. So il
fallait que ça change là. La maladie était arrivée là tu sais? »
Christine m’explique aussi qu’il ne fut pas compliqué de fusionner ses pratiques familiales relatives au
temps des Fêtes à celles d’Alain après leur mariage. « Mes parents puis les parents à Alain c’était pas mal
la même chose. Ils croyaient dans la même chose. So c’était pas bien compliqué.»
Je demande ensuite à Christine de me parler des autres fêtes qui sont importantes pour elle. Parmi celles-
ci elle mentionne Pâques et l’action de Grâces.
« J’aime bien Pâques, j’aime bien Pâques. Puis on a fait ça une couple de fois - on a sorti pour
souper.622
»
« J’aime bien l’action de Grâces. C’est dur l’action de Grâces parce que c’est le temps
de la chasse. Mon mari chasse, c’est un chasseur. C’est pas arrivé souvent que j’ai fait
un Thanksgiving623
souper pour ma famille la journée du Thanksgiving. Il fallait tout le
temps que ça soit une semaine avant le temps. C’est important il faut en avoir un.»
Alain parle des pratiques du temps des Fêtes à sa façon. Le temps des Fêtes c’est : « un temps de
réjouissance! Un temps de famille, des cadeaux, partager le manger, des choses de même! » Il explique
620
Shopper : magasiner 621
Bâdre : to bother : s’inquiéter de faire quelque chose. 622
Au restaurant. 623
Thanksgiving : action de Grâces
114
aussi que lorsqu’il était plus jeune624
, sa famille célébrait le réveillon et déballait les cadeaux lors du
réveillon. Les cadeaux les plus personnels étaient ouverts le jour de Noël, dans l’intimité de la famille
immédiate. « Ce qui est traditionnel du temps des Fêtes c’est la messe de minuit, l’ouverture de cadeau.
C’est à peu près ça. » Alain m’explique aussi que ce qui est essentiel « c’est l’amour de famille.» Je lui
demande quelles sont les pratiques qui lui sont les plus chères. Il admet que les pratiques sont des
souvenirs. « Les souvenirs d’être ensemble, c’est pas d’être séparé, c’est d’être ensemble.» Il témoigne
aussi des valeurs qui y sont véhiculées « partager notre temps avec nos enfants ». Ainsi, ces valeurs
seraient le partage et la famille. D’autre part, il raconte aussi plusieurs autres détails relatifs aux
pratiques.
« Le menu c’est tout le temps une tourtière. Il y a tout le temps de la dinde, il y a des
tourtières, il y a du sucré! Quand on se rassemble, bien là astheure c’est changé un
peu parce qu’on est plus vieux puis nos familles sont séparées par la distance là. Dans
le temps oui on essayait tous, on allait sur son bord ou sur mon bord la veille puis on
allait sur son bord la journée après! C’est ça qu’on faisait! Alors la veille on était sur
un bord de la famille puis le souper on était sur l’autre bord de la famille. La seule
affaire qui était différente entre mes pratiques et celles de Christine c’est que SA625
famille se rencontrait le premier de l’année à une salle puis leur grand-mère donnait
des cadeaux et ensuite il y avait un souper de famille. Sur son bord, sur son bord à
elle, ça c’était différent. C’était un gros party. C’était gros. Tu sais on parle de cent
personnes. Ils louaient toute une salle. Alors ça se faisait. Ça se faisait pas sur mon
bord ça s’est fait sur mon bord je pense deux fois, c’est tout. Avant, toute la famille se
réunissait. Maintenant plus astheure à cause de ce qui est arrivé avec la mortalité, la
séparation de mariage, c’est pas pantoute pareil. On a juste la famille immédiate, ce
n’est pas toute la famille.»
Je demande aussi à Alain de parler des autres fêtes qui sont importantes pour lui. Il mentionne Pâques,
les anniversaires de naissance et l’action de Grâces. « Pâques est important. Parce que je suis à
l’entour626
. Les traditions c’est les œufs de Pâques puis des affaires de même. Quand les jeunes étaient
petits on faisait une p’tite trail627
pour les œufs puis on cachait des cadeaux.628
Puis là astheure qu’ils sont
plus vieux on fait juste leur donner une carte avec de l’argent. But nos p’tits enfants on essaie et on leur
donne des chocolats. Les valeurs véhiculées c’est d’être ensemble. » Toute la famille immédiate se réunit
pour célébrer Pâques.
« Nos fêtes individuelles sont importantes. Bien nos fêtes comme tradition c’est tout le temps un gâteau
de fête, des cartes, de l’argent, des cadeaux »
« L’action de Grâces. Nos traditions c’est plutôt des cadeaux pour l’un et l’autre. Christine puis moi on se
fait chacun un p’tit cadeau. »
Alain admet que les valeurs véhiculées pendant ces fêtes « c’est d’être ensemble ».
624
Entre les années 1950 et 1970. 625
Intonation de la voix 626
Alain quitte pendant l’action de Grâces pour aller à la chasse. 627
Trail : piste 628
Entre les années 1970 et 1990.
115
2.2.4.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)
Pour Valérie, le temps des Fêtes signifie aussi un temps de rassemblement. Elle me fait part de la façon
que se déroulent habituellement les festivités du temps des Fêtes.
« Évidemment à cause que nous avons des enfants maintenant, tout a changé. Avant
nous étions toujours chez nos parents. On allait toujours chez ma mère OU629
chez
une de mes tantes sur le côté de mon père parce que la veille de Noël c’est pour le côté
de mon père donc on allait toujours là un p’tit peu puis ensuite vers 22h30 – 23 heures
on allait chez mes beaux-parents. On faisait la rotation chaque année parce qu’on
voulait que ça soit équitable pour tout le monde. On faisait l’ouverture des cadeaux
puis un déjeuner le matin de Noël. »
Chez la famille de la mère de Valérie, le souper de Noël est « partagé ». C’est-à-dire qu’il a lieu dans
différents foyers à chaque année630
. Valérie dit aussi qu’elle allait souper chez ses beaux-parents parfois.
Elle souligne « c’était jamais identique d’année en année ». Pourtant, les traditions étaient quand même
suivies. Selon elle, ce qui est traditionnel dans ces festivités c’est :
«la nourriture, le type de nourriture, c’est toujours la même chose d’année après
année, les bas de Noël le matin, le rassemblement évidemment c’est traditionnel. On
fait ça à toutes les années. C’est important, ça fait partie des Fêtes! Les chants aussi
sont importants. Sur le côté de mon père donc avec ma grand-mère c’est la guitare.
C’est toujours les mêmes chansons année après année. Ce n’est pas des chansons de
Noël, c’est juste les mêmes chansons. Juste des chansons qu’ils connaissent. Ce qui est
essentiel pour moi c’est le rassemblement. On a fait des ajouts aux Fêtes. Là
maintenant surtout que mes enfants sont assez vieux, ils comprennent les Fêtes et on
met une clé sur notre porte. C’est une clé spéciale pour le Père Noël. On laisse des
carottes dehors pour les rennes. On laisse évidemment du lait et des biscuits ET631
d’autres carottes dans la maison pour les rennes. C’est une de mes pratiques les plus
chères. On vient juste de commencer celle que je viens de décrire l’année passée et
puis je pense que ça va être spécial parce que c’est tellement beau à voir. Le
rassemblement. DONNER632
des cadeaux. J’ADORE633
donner. Vraiment là et puis
j’essaie de donner des cadeaux vraiment spéciaux et puis quelque chose de spécial!
Les valeurs véhiculées c’est le le partage634
, ÉCOUTER635
, parce que t’es avec des
membres de ta famille que t’as peut-être pas vu depuis longtemps donc c’est vraiment
d’écouter qu’est-ce qu’ils ont à dire, qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce qui est nouveau
dans leur vie. Participer activement aux discussions. Le menu c’est toujours la
lasagne, chicken fried rice636
, des boulettes, salades, la dinde refroidie, le jambon, les
desserts évidemment, pain et fromage. C’est toujours comme un gros buffet. Le rôle
des femmes c’est de préparer toute la bouffe et puis habituellement c’est genre potluck
parce que non seulement est-ce que c’est la famille immédiate mais c’est aussi les
629
Intonation de la voix. 630
Une année le souper est servi chez la mère de Valérie, la prochaine année chez l’une des sœurs de sa mère,
ensuite chez l’autre sœur… 631
Intonation de la voix. 632
Intonation de la voix. 633
Intonation de la voix. 634
Valérie évoque cette valeur sans même avoir à y penser. 635
Intonation de la voix. 636
Chicken fried rice : riz frit au poulet
116
premières tantes puis les premières cousines. Le rôle de la femme c’est de faire la
table, de nettoyer, de faire la vaisselle, de tout nettoyer. Le rôle de l’homme vraiment
c’est de demander aux gens s’ils ont besoin de quelque chose à boire, de sortir les
chaises, d’aller chercher les choses si les femmes en ont besoin, nettoyer après que les
cadeaux sont ouverts637
. »
Valérie m’informe aussi que les Fêtes occasionnent plusieurs rassemblements. Même si ses Fêtes sont
traditionnelles, elle ajoute que Scott et elle ont modifié une pratique traditionnelle. Entre autres, ce n’est
pas Valérie qui prépare les festins du temps des Fêtes comme les femmes de sa famille le font. D’ailleurs,
elle a déjà mentionné à plusieurs reprises qu’elle n’aime pas faire la cuisine. C’est donc Scott son époux
qui en a pris la charge. Donc c’est un grand changement dans les traditions familiales.
Les Noëls de Valérie ressemblent beaucoup à ceux de sa jeunesse.
« La veille, peu importe si chez ma mère, chez mes tantes, ma grand-mère sur le côté
de mon père, il y avait toujours un repas chaud vers onze heures le soir, toujours,
toujours. La guitare sortait toujours. C’était mon père, et ma grand-mère et maintenant
ma tante qui jouait la guitare. On ouvrait les cadeaux la veille parce qu’on ne voyait
pas cette famille là le lendemain. Puis c’est pas mal la même chose maintenant que
quand j’étais petite. Avec ma famille immédiate et avec la famille immédiate de mon
mari c’était la même chose pour eux. On ouvrait toujours les cadeaux de nos parents
le matin même. C’est la même chose maintenant et puis il y avait toujours un gros
souper. Donc oui. Sauf qu’il y a une chose. Je ne vais plus à la messe la veille comme
j’allais avec ma famille parce que on a tellement de choses à faire puis mon mari ne
croit pas, il n’est pas un pratiquant puis il ne trouve pas que c’est nécessaire puis moi
ça ne me dérange pas qu’on n’y va pas parce qu’on a tellement de choses à faire. Donc
je ne fais plus la messe. Mes parents le font encore mais pas moi. »
Je demande à Valérie quelles autres fêtes sont importantes pour elle. Elle m’énumère Pâques et l’action
de Grâces en me donnant quelques détails.
« Pâques est important. Il y a toujours un souper sur les deux côtés de la famille. »
Deux années passées, le repas de Pâques était chez Valérie et Scott. Il y avait plus de
trente personnes. Valérie me fait aussi part de quelques traditions. « Quand j’étais
petite c’était toujours, ce n’est pas une chasse aux trésors mais je ramassais des œufs
et des trails d’œufs. Et puis à la fin, bien dans la trail il y avait des objets, des
chocolats, des p’tits jouets cachés et puis on638
fait ça avec mes enfants. Donc ça c’est
une tradition qu’on va garder. Mon mari lui c’était un p’tit peu différent. Lui chez eux
je crois que les choses étaient cachées puis ils devaient les trouver. Tandis que chez
nous on avait notre trail et puis on les ramassait au fur et à mesure. Et puis le souper
évidemment ça c’est traditionnel639
, le rassemblement. On allait à la messe quand
j’étais petite mais je ne vais pas à la messe pour Pâques ça fait longtemps. Donc ce
n’est plus une tradition pour moi. Les valeurs qui se rattachent à cette fête sont le
partage par exemple ».
637
Valérie cite un exemple : à un souper de famille, un des hommes était dans la cuisine et faisait la vaisselle. Sa
belle-mère lui dit de sortir de la cuisine parce que ce n’est pas la place des hommes lors des rassemblements. 638
En parlant de Scott et elle-même. C’est alors une tradition qu’elle continue. 639
Dans le contexte de rassemblement de famille.
117
« Pour l’action de Grâces on se rassemble sur les deux côtés de la famille. L’action de
Grâces c’est pas mal simple. C’est tout simplement un rassemblement et un souper.
C’est rendu chez ma cousine, à toutes les années, parce qu’elle demeure sur le lac
donc on fait un feu et ça c’est rendu pas mal traditionnel. A chaque année on fait un
feu puis on est dehors. »
Scott raconte à son tour comment se passe le temps des Fêtes. Il n’est pas inutile de rappeler que Scott
n’est pas d’origine canadienne-française. Étant de descendance irlandaise, il est intéressant de connaître
comment il célébrait et continue de célébrer les fêtes traditionnelles culturelles.
Le temps des Fêtes est rempli de significations pour Scott.
« It’s family time. Especially living in another city by ourselves we cherish the time
we have just the four of us, obviously. But the biggest thing I think for us is that we’re
together as a family and that we have a lot of our time, we spend time with our more
peripheral family, but for us a lot of it is to spend time with our immediate family and
being home together. As far as for the ideas of Christmas we have all the same type
of traditional aspects of the holidays. For Christmas we have a Christmas tree and we
like decorating the house. Christmas morning we open the presents and things like
that. That is all alike. It’s pretty much traditional yeah I guess so. I think our biggest
priority is probably, to best describe us, our base priority is around our family and
being together and things like that so our priorities have followed tradition. Having
quality time together. The essential aspect is doing things that are fun for the kids,
trying to be around family, being together, see our extended family too so that the kids
can see their aunts and uncles, and cousins and grandparents and having good quality
time with family and the quality time with just the four of us here too. We haven’t
added any new tradition to the Holidays. We sort of just have been defining. Our roles
with our families are a bit different now. The kids are getting older and we want to
have Christmas at our house in the morning and things like that so the whole idea of
Santa and stuff like that, Santa comes to their house, they understand that so our
biggest priority is that we celebrate our holidays at home together. As for the menu, it
depends. On holidays Valérie does a bit more cooking so she’ll do some larger dishes
but it’s just things like that – ham and turkey, vegetables, pie, whatever it is desserts
and things like that. The men and women don’t have specific roles to play. Like if we
have family events, I do most of the cooking, there are no defined roles in our family
which is different from our parent’s family. Our families were role oriented. When we
get together with our families, our dads don’t cook! Valérie and all the women will do
the dishes after supper ».
Scott précise que cette dernière affirmation reflète les rôles joués par les hommes et les femmes lorsqu’il
y a des grands rassemblements de famille. Les femmes sont habituellement dans la cuisine alors que les
hommes jasent. Pourtant, quelques hommes, les plus jeunes tels que Scott vont faire la vaisselle après les
grands repas. Je demande aussi à Scott de me préciser si les rassemblements sont plus fréquents sur un
côté de la famille plus que l’autre.
« We’ve have actually, we really work at trying to keep it a fair division so that we do,
like for example last year we started something new, with the kids getting older,
having Christmas at our house so we invite one set of grandparents up here for
Christmas morning and then the next day we go to the other set of grandparents for
Christmas dinner. We really strike a balance as far as family goes. The traditions come
118
from both of us and from what we decide together, what we like and we enjoy doing
and things that the kids will both enjoy. I think the biggest thing for us is looking at
what obviously the kids are going to enjoy and what Valérie and I want to do and we
put our interests of our family as our priorities. So I guess we can say that we
reinvented tradition because obviously we come from different families too so we
have taken things that we like from one family or things that we liked from the other
and sort of do those things. For example, for Christmas we try to divide time between
families. Boxing day is a big tradition in my family. We get together; family comes
from out of town. Valérie’s family is more oriented towards Christmas Eve. »
Scott est aussi interrogé sur les autres fêtes qui sont importantes pour lui. Il me nomme la Saint-Valentin,
Pâques, action de Grâces, Saint-Patrick et anniversaires divers.
La fête de la Saint-Valentin est célébrée avec famille immédiate. Scott et Valérie offrent des chocolats à
leurs enfants et s’en échangent entre eux. Les conjoints préparent aussi un souper à l’occasion.
À Pâques, Scott et Valérie organisent une chasse aux œufs pour leurs enfants. Il y a des repas en famille
et le jambon est habituellement au menu. Il est aussi question de se réunir avec la parenté.
Pour l’action de Grâces, il y a toujours un gros souper qui est organisé. Au menu il y a du jambon et de
la dinde.
Scott me parle aussi longuement de la Saint-Patrick.
« The big ones are, obviously my family is Irish so St-Patrick’s day’s a really big
holiday. That’s actually the joke in my family. My dad has said that I come home
twice a year; for Christmas and St-Patrick’s day. So St-Patrick’s day is always a big
deal with us. That day is usually spent with my family. It’s always ON640
St-Patrick’s
day, going out to an Irish band show and things like that. »
C’était la tradition de faire ainsi avant d’avoir des enfants641
. Valérie y participait aussi. Scott souligne
que c’est très important pour sa famille. Même la parenté qui demeure au loin trouve le temps de voyager
pour se réunir. C’est l’occasion de se revoir. Les retrouvailles avec la parenté se font ainsi deux fois par
année selon Scott ; à Noël et à la St-Patrick. Je demande à Scott s’il a l’intention de préserver les
traditions propres à la St-Patrick avec ses enfants il répond : « For sure ». Ce qu’il fait connaître à ses
enfants : «My kids have shamrocks, they call those Irish. They will tell you that they are Irish and they
know that grandpa is Irish and everything and they identify St-Patrick’s day already». Ainsi, pour Scott, il
y a une composante identitaire qu’il a déjà fait connaître à ses enfants.
Pour les anniversaires de mariage, Scott dit qu’avant l’arrivée des enfants, Valérie et lui allaient au
restaurant ensemble. Il dit aussi qu’ils aiment célébrer les anniversaires avec les membres de leur famille
(parents, frères, sœurs…). Ainsi tous se réunissent.
Valérie et Scott organisent de grosses fêtes pour les anniversaires de naissance de leurs enfants. « For us
we keep it low key. Our oldest is really into presents and gifts and so it’s a big deal.» Les parents de
640
Intonation de la voix. 641
Le premier enfant est arrivé à la fin des années 2000.
119
Valérie et Scott tentent de se rendre à ces fêtes mais ce sont davantage des fêtes célébrées avec les petits
amis.
2.3 Conclusion Le volume de ce corpus de données me permet de constater que les pratiques coutumières sont porteuses
de maintes valeurs et occupent une grande place au sein de la culture des Franco-Ontariens. Et, bien que
les réalités contemporaines soient différentes pour les conjoints de la génération C, certaines pratiques
sont conservées, adaptées et actualisées. Encore à l’état brut, les données fournies par les informateurs
me permettent déjà d’entrevoir que les pratiques culturelles canadiennes-françaises sont intégrées de
façon quotidienne à travers les coutumes et les mœurs des Franco-Ontariens. Manifestement, les traces
des générations passées sont suivies par « volonté, bienveillance et sens moral 642
»ou par besoin de
continuation. Néanmoins, on ne reprend pas les mêmes pratiques pour simple obligation mais bien pour
faire plaisir aux générations précédentes, jusqu’à un certain point. Il s’agirait d’une incitation collective
discrète.
642
DU BERGER, Jean, « Prolégomènes à une ethnologie urbaine », dans Laurier Turgeon, Jocelyn Létourneau et
Khadiyatoulah Fall (dir.), Les espaces de l’identité, Québec, Les presses de l’université Laval, Québec, 1997,
p.207.
121
CHAPTIRE III – LES VALEURS TRADITIONNELLES ET TENDANCES
CONTEMPORAINES
122
Chapitre 3
Ce chapitre expose l’analyse des données en signalant les valeurs traditionnelles et les tendances
contemporaines. À titre de rappel, je cherche à savoir par quelles pratiques culturelles propres à sa région
le Franco-Ontarien tente, depuis les bouleversements de 1960, de concilier les valeurs traditionnelles dans
un ménage mixte francophone-anglophone. Les questions qui animent ma recherche sont les suivantes :
Le passé définit-il les pratiques culturelles contemporaines? Quelles formes prennent les pratiques
culturelles contemporaines issues du Canada français? Quels sont les facteurs qui seraient responsables
du maintien de la culture et des comportements sociaux? Qu’est-ce que le Franco-Ontarien dans sa
relation conjugale mixte doit concéder et pourquoi? Quelles valeurs en émanent? Comment ces valeurs
sont-elles transmises de génération en génération? Pour tenter de répondre à ces questions, il convient de
comparer les pratiques culturelles de chacune des familles et ce, d’un couple à l’autre et d’une génération
à l’autre. De cette façon, je pourrai évaluer s’il y a un maintien, un métissage, une érosion ou un
remplacement des pratiques dans chacune des familles et par la même occasion, je pourrai déterminer si
les pratiques reproduites ou non, transformées ou non, revêtent la même importance et la même
signification aux yeux des participants.
Pour faciliter la lecture, j’utilise la codification suivante qui permet de situer rapidement la provenance de
l’information. Les codes (F1 ou F2) servent à identifier la famille et les codes GA, GB et GC sont
utilisés pour les générations A, B ou C. Je conserve les prénoms pour identifier les informateurs comme
suit : Jeanne (F1GA), Gérard (F1GA), Isabelle (F1GB), André (F1GB), Émilie (F1GC), Brian (F1GC),
Thérèse (F2GA), Jacques (F2GA), Christine (F2GB), Alain (F2GB), Valérie (F2GC) et Scott (F2GC).
3.1 La mémoire : une restitution des expériences relatives aux pratiques
coutumières Pour comparer les pratiques culturelles par lesquelles les informateurs tentent de concilier les valeurs
traditionnelles dans un ménage mixte, je dois inévitablement faire appel à leur mémoire. C’est en
restituant les expériences relatives aux pratiques coutumières que les informateurs sont conviés à se
remémorer leur passé, à en sentir les odeurs, à goûter les saveurs des mets, à entendre la musique, les
chants, les mélodies… à réanimer des sentiments. Devant de telles évocations, les émotions ressurgissent
spontanément chez les informateurs alors que chacun d’eux s’anime. Pour la plupart, cette animation se
fait par une intonation ou un tremblement de la voix. Chez d’autres, j’aperçois à quelques reprises des
larmes rouler sur leurs joues pour être essuyées rapidement de la main. L’intonation de leur voix est un
bon indicateur de l’importance des faits relatifs aux pratiques et donc de dégager les valeurs qui
découlent de celles-ci.
3.2 Précisions sur les valeurs : composantes comportementales et
sentimentale et émotionnelle Jean Rémy, Liliane Voyé et Émilie Gervais affirment que « les valeurs expriment les objectifs poursuivis
par le groupe. Elles apparaissent comme des évidences partagées par tous, auxquelles chacun est
123
affectivement lié.643
» Ils diront aussi que les normes « fixent les moyens d’actualiser les valeurs. Elles
s’élaborent de manière de plus en plus réfléchie, sur base de critères d’efficacité; elles sont constamment
réajustées.644
». Rémy, Voyé et Gervais constatent que le fait que les individus réajustent les normes
serait un indice qu’ils sont moins attachés à celles-ci (comparativement aux valeurs) parce qu’elles sont
issues de la rationalité. Ce qui serait considéré comme étant inefficace serait rejeté facilement. Selon
ces chercheurs, « la présence ou l’absence de cette possibilité de remise en question systématique permet
de distinguer normes et valeurs». Plus précisément, ils admettent que la valeur aurait une implication
affective. 645
De plus, parce que les normes « fixent les moyens d’actualiser les valeurs646
», il faut nécessairement
selon Rémy, Voyer et Gervais, parler de légitimation. «La légitimation est un ensemble de contenus
mentaux, objets de croyance […] fondant au plan du raisonnable les critères d’orientation et
d’organisation de l’action647
». Selon eux, la légitimation constitue aussi « un ensemble de
représentations qui apparaissent à une société comme évidentes et qui lui servent à proposer au plan du
raisonnable, du majestueux, du poétique, les choses à faire dans la vie quotidienne648
». La légitimation
« authentifie alors les valeurs qui rendront le groupe capable de motiver ses actions collectives et
soucieux d’expliquer et de justifier sa situation historique649
». Alors d’après ce qui vient d’être dit, les
valeurs sont des évaluations morales basées sur des actions qui sont des pratiques culturelles. Compte
tenu de ces explications, le procédé qui me permet de dégager les valeurs à partir des pratiques
coutumières est le suivant.
Les données recueillies sur le terrain permettent de percevoir qu’il y a fondamentalement deux
composantes qui sont véhiculées parmi les pratiques. L’une d’elles se décrirait comme étant
comportementale tandis que l’autre serait une composante émotionnelle et sentimentale.
La composante comportementale se fonde sur le principe de l’empirisme c’est-à-dire qu’elle s’appuie sur
l’expérience, sur le vécu. En d’autres mots, je remarque que les pratiques coutumières communes
fondent ou construisent une certaine normalité, une forme de convention à laquelle il faut se conformer.
Par exemple, Alain (F2GB) affirmait que la cérémonie de son mariage avec Christine (F2GB) était
« standard » voulant dire qu’elle suivait la norme. Selon lui, les critères de référence de cette
standardisation sont ceux qui s’appliquent à un mariage dit traditionnel catholique tels que la robe
blanche, le cortège nuptial, la publication des bans, la communion, l’échange des consentements,
l’échange des alliances et bénédiction... En m’indiquant que son mariage était traditionnel, j’entrevois
aussi cette normalité.
« C’était bien important d’avoir un mariage traditionnel. Bien c’est qu’est-ce que nous
autres on a été expliqué par nos parents. C’est comme, c’est une tradition, c’est
643
Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, Produire ou reproduire : une sociologie de la vie quotidienne,
tome 1 : conflits et transactions sociales, Belgique, De Boeck-Wesmael, 1988, p.72. 644
Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, op. cit., p. 73. 645
Ibid., p.73. 646
Ibid., p.73. 647
Ibid., p.73. 648
Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, op. cit., P.74. 649
Ibid., p.74.
124
comme ça qu’on fait ça. On a été à d’autres mariages, on a vu ça alors on suit la
pratique. Il me semble aussi que c’est à cause que nos grands-parents étaient là. »
L’adhésion aux normes du groupe et aux conventions sociales qui peut se faire de façon plus ou moins
consciente, est un exemple que les pratiques sont bel et bien exécutées. Parce que l’individu choisit de
maintenir ou de mettre en usage certaines pratiques coutumières, c’est que forcément il accorde à celles-
ci un certain degré d’importance jusqu’à les juger comme étant nécessaires ou essentielles. Les pratiques
qui sont dignes d’un tel respect se voient octroyées plusieurs mérites et par le fait même, s’agencent dans
le grand système des valeurs. Par exemple, la pratique coutumière qui est considérée comme étant
essentielle pour l’ensemble des informateurs est le rassemblement familial que donne lieu la majorité des
fêtes et des rites de passages. Par exemple, lors de la période du temps des Fêtes les informateurs
indiquent : « Ce qui est essentiel c’est d’avoir la famille proche autour » (André, F1GB) «C’est d’être
ensemble, surtout, avec nos enfants. Tu sais c’est important. S’ils ne sont pas là il n’y en aura pas de
Noël là! (Thérèse F2GA).
La composante émotionnelle et sentimentale, exprime l’état d’âme d’un individu. Cela dit, les
informateurs ont à un moment donné ou à un autre, fait appel au processus cognitif (manipulation de
données pour avoir une représentation mentale650
) pour pouvoir dégager les émotions qu’ils ressentent
afin de les hiérarchiser dans un système de valeurs. Toujours en me référant aux données fournies par les
informateurs, je considère que les émotions et les sentiments sont des forces puissantes découlant
d’occasions particulières telles que les pratiques coutumières. Ces forces affectives encouragent une
action ou une réaction qui se traduit par une motivation. C’est-à-dire que lorsqu’il s’agit de pratiques
coutumières, cette motivation a toujours comme objectif de venir confluer avec les mêmes émotions ou
sentiments éprouvés lors d’une occasion déjà vécue, pour faire revivre le moment. Cette motivation vient
aussi encourager l’individu à intensifier à volonté la composante émotionnelle et sentimentale des
valeurs. Par exemple, Émilie (F1GC) m’indique qu’en ce qui a trait à la fête de Noël, elle souhaite vivre
avec ses enfants les mêmes coutumes et traditions qu’elle aimait lorsqu’elle était petite. Valérie (F2GC)
exprime sa volonté d’intensifier une pratique qu’elle considère comme étant très chère. À l’occasion de
Noël, elle a acheté une clé spéciale que ses enfants laissent près de la porte à l’extérieur afin que le Père
Noël puisse entrer dans la maison et déposer des cadeaux sous l’arbre. De plus, elle indique qu’il est
question de laisser des biscuits et du lait pour le Père Noël ainsi que des carottes pour les rennes. « On
vient juste de commencer celle que je viens de décrire l’année passée et puis je pense que ça va être
spécial parce que c’est tellement beau à voir. »
Ainsi, les comportements, les émotions et les sentiments s’agencent dans une symbiose parfaite lorsqu’il
s’agit des valeurs inhérentes aux pratiques coutumières. Le diagramme suivant montre cette symbiose
décrite par les informateurs. Il s’agit d’un véritable rouage par lequel les valeurs sont véhiculées dans les
pratiques coutumières. 651
650
Patrick LEMAIRE, Psychologie cognitive, Belgique, Éditions de Boeck Université, 2005 p.42. 651
Graphique créé à partir de Smart Art, Microsoft Office Word 2007.
125
D’autre part, pour apporter des précisions sur les valeurs, il faut examiner les principes suivants.
Considérant que la capacité d’empathie652
me permet de comprendre ce que les informateurs tentent de
faire valoir lors de leur entrevue, les valeurs peuvent être appréhendées dans les données non seulement
de façon explicite mais de façon implicite aussi. Notamment, c’est par la compréhension des pratiques
culturelles et le sens que les informateurs leur accordent, que je peux appréhender les valeurs à travers
leurs récits de façon implicite. En d’autres mots, lors de l’entrevue, les informateurs expliquent en
détails, sous forme de récits, la mise en œuvre des valeurs à travers leurs pratiques coutumières. Par
exemple, lorsqu’Alain (F2GB) devient ému lorsqu’il me parle des efforts entrepris par sa femme pour
veiller au bien des membres du foyer, c’est qu’il me fait part de la mise en œuvre des valeurs relatives à
la famille, à l’amour et à l’entraide entre époux. Aussi, c’est de façon explicite et formelle que d’autres
valeurs ressortent des pratiques culturelles parce que les informateurs les dégagent eux-mêmes. Ces
valeurs sont alors considérées comme étant absolues pour ce travail.
Il n’est alors pas inutile de rappeler que les valeurs sont des évaluations morales basées sur des actions.653
Dans le contexte de ce travail, après avoir bien analysé le corpus de données, je constate que les actions
sont les pratiques culturelles qui s’effectuent sur la base des normes familiales et sociales.
652
Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36. 653
Déductions suites aux lectures : Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, Produire ou reproduire : une
sociologie de la vie quotidienne, tome 1 : conflits et transactions sociales, Belgique, De Boeck-Wesmael, 1988 p.72-
74.
Pratiques coutumières
valeurs
à composante comportementale
• pratiques coutumières obligatoires pour respecter la normatlité et la conformité
valeurs à composante
sentimentale-émotionnelle
• motivation et volonté de l'intensification du degré affectif rattaché aux pratiques coutumières
126
3.3 Normes familiales et valeurs traditionnelles dans les pratiques selon
les familles
Pour comprendre ce qui en est de ces normes familiales et sociales, et parce que les valeurs se basent sur
des émotions et des actions, il est impératif de dégager le fil conducteur des pratiques à partir de la
génération A. Ceci permettra entre autres de reconnaître le schéma culturel et l’habitus654
(voir 1.6
méthodologie) à travers les générations B et C. Afin de rendre compte avec le plus d’exactitude des
valeurs traditionnelles dans les pratiques coutumières selon les familles, sachant que les informateurs
expliquent la mise en œuvre des valeurs à travers les pratiques, je place les informations pertinentes
fournies lors des entrevues dans le tableau des pratiques et des orientations familiales créé à partir de la
Grille de Du Berger. Les expressions affectives sont aussi notées dans une catégorie à part. (pour une
explication de cette classification voir 1.6.3 méthodes de traitement de données, d’analyse et
d’interprétation et voir ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et orientations familiales pour suivre la
classification)
3.3.1 Bilan des pratiques coutumières à l’âge adulte
Par cette étape de l’analyse, les pratiques culturelles telles que la rencontre et les fréquentations, les
étapes du mariage (la demande en mariage, la préparation du mariage, les fiançailles, le mariage, la
cérémonie du mariage, les noces), l’installation du couple dans sa résidence, l’éducation des enfants, les
rôles des parents sont ici rassemblées pour permettre d’examiner les orientations familiales et les valeurs.
Un regard est aussi porté sur les expressions affectives découlant des pratiques.
Les fréquentations
Les informatrices de la génération A, Jeanne (F1GA) et Thérèse (F2GA), fréquentèrent leur futur-époux
pour une durée d’un an et demi chacune. Cet intervalle de temps comprend la première rencontre jusqu’à
la cérémonie du mariage. Pour expliquer cette promptitude au mariage, j’ai recours aux renseignements
de Jeanne (F1GA) qui admet que l’Église fournira aux jeunes femmes de l’époque un encadrement visant
à les informer de leur rôle en tant que femme et en tant que mère de famille655
. Il était alors de leur
devoir de trouver un bon parti, de l’épouser et de fonder une famille.
Au Canada français, en 1959, un évêque prescrivait que :
«Dans des circonstances ordinaires, un jeune homme et une jeune femme qui
veulent vraiment se donner la peine de se connaître ont assez d’une année pour
arriver à une connaissance suffisante. Dans les cas exceptionnels il se peut que l’on
atteigne le but désiré seulement après deux ans, mais il ne faudra pas prolonger au-
delà le temps des fréquentations.656
»
Cette citation vient appuyer le témoignage de Jeanne (F1GA). Puisque de tels sermons semblent avoir
été pratique courante, j’admets alors que traditionnellement, du moins à l’époque de la génération A de
654
Alex MUCCHIELLI p.50. 655
Pour rappel, Jeanne m’avait fait part qu’à l’époque (dans sa jeunesse – dans les années 1930-40-50), les filles
devaient adhérer à un organisme religieux appelé les Enfants de Marie et qu’une fois mariées, elles devenaient des
Dames de Sainte-Anne. 656
Martine TREMBLAY, Le mariage dans la vallée du Haut-Richelieu au XXe siècle: ritualité et distinction
sociale, Les presses de l’Université Laval, 2001, p.74.
127
mon étude, les conjoints ne devaient pas étirer leurs fréquentations. Ceci pourrait entre autres venir
expliquer la raison pour laquelle les informateurs de la génération A657
étaient âgés d’à peine une
vingtaine d’années lorsqu’ils se marièrent.
Pourtant, selon les deux familles à l’étude, les générations suivantes auraient connu un allongement des
fréquentations. Les informateurs de la génération B658
des deux familles se fréquentèrent pour une durée
d’environ deux ans. Les quelques mois de plus de fréquentations ne sont pas assez significatifs pour
admettre que la génération B ne fut pas influencée par la même pratique culturelle (relative aux
fréquentations) que leurs parents. Toutefois, la génération C659
des deux familles connut le plus grand
écart entre les fréquentations et le mariage. Les fréquentations d’Émilie (F1GC) et de Brian (F1GC)
furent d’une durée de presque trois ans avant le mariage et celles de Valérie (F2GC) et de Scott (F2GC)
d’un peu plus de quatre ans. Pour expliquer ce phénomène, il faut considérer les changements de contexte
dont la distance entre les fiancés. Les études au loin et le travail à l’extérieur sont des raisons évoquées
par les informateurs des deux familles pour justifier cet écart.
Pour décrire les fréquentations, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) ne fournissent aucun détail. Ils
déclarent que c’était le coup de foudre tout simplement. Thérèse (F2GA), quant à elle, me donne des
exemples du genre de sorties faites par le couple lors des fréquentations. Il était question d’aller au
cinéma, d’aller au parc, d’aller se baigner… Les fréquentations se faisaient dans des endroits publics.
La génération suivante, c’est-à-dire la génération B, fournit un meilleur aperçu des fréquentations
lesquelles néanmoins avaient aussi majoritairement lieu dans des endroits publics comme au restaurant,
au cinéma…. André (F1GB) précise également que les sorties se firent souvent avec d’autres couples.
Isabelle (F1GB) témoigne des qualités qu’elle voyait en André (F1GB) lors des fréquentations en
mentionnant la courtoisie ainsi que la gentillesse. Et tout comme Isabelle (F1GB), André (F1GB) retient
de leurs fréquentations des moments d’agrément, certainement des sensations d’aisance. Christine
(F2GB) et Alain (F2GB) m’indiquent que lors de leurs fréquentations, ils faisaient le même genre de
sorties qu’Isabelle (F1GB) et André (F1GB) et que Thérèse (F2GA) et Jacques (F2GA). Je note aussi
que Christine rattache des émotions particulières à ses fréquentations. En m’expliquant que les
fréquentations étaient simples, elle souligne qu’elle éprouvait une sensation de confort et de bien-être.
De ses fréquentations avec Brian (F1GC), Émilie (F1GC) retient un comportement chevaleresque et
courtois chez son « prince charmant ». Émilie (F1GC) dit que cette courtoisie est encore bien présente
chez son époux. Brian (F1GC), quant à lui, m’informe que pendant presque toute la période de leurs
fréquentations, la relation en fut une de distance parce que tous deux poursuivaient leurs études
postsecondaires dans différentes villes. Le couple avait aussi cohabité ensemble pendant les
fréquentations. Quant à Valérie (F2GC) et Scott (F2GCM), ils se fréquentèrent dans les mêmes
circonstances qu’Émilie (F1GC) et Brian (F2GC) c’est-à-dire que leur relation en fut une de distance en
raison des études postsecondaires, et le couple avait cohabité quelques temps ensemble avant de se
marier.
657
Couples mariés pendant les années 1950. 658
Couples mariés pendant les années 1970. 659
Couples mariés pendant les années 2000.
128
Au sujet de la génération C, leurs fréquentations auraient été très improbables voire interdites,
inacceptables et insensées s’ils s’étaient connus quelques décennies auparavant. Émilie (F1GC) en
fréquentant Brian (F1GC) un Anglophone protestant et Valérie (F2GC) en fréquentant et Scott (F2GC)
un Anglophone catholique, seraient sorties de la frontière culturelle et même religieuse qui délimitait
jusque là leur noyau familial. Pour expliquer ce genre d’écart de la norme, il faut se rappeler quelques
faits historiques.
Tel que déjà mentionné dans l’introduction de ce projet, plusieurs événements donnèrent lieu à des
tensions entre Francophones et Anglophones au Canada. Par exemple, dans les années 1830 Lord
Durham avait affirmé « Deux nations en guerre au sein d’un même État660
». Et d’après les faits
historiques, ces tensions n’auraient pas été seulement qu’au niveau politique mais elles l’auraient aussi
été au niveau social et culturel. En raison de leur statut minoritaire qui n’avait cessé de diminuer depuis la
Conquête, et afin de ne pas tous succomber à l’assimilation, les Francophones eurent inévitablement
recours à des tactiques telles que la concertation alors que les élites encourageaient avec ferveur les
efforts de consolidation pour assurer la survie culturelle661
.
De plus, au Canada français, du moins jusqu’au milieu du XXe siècle environ, les alliances entre
Catholiques et Protestants étaient fortement déconseillées voire interdites. Si je m’arrête pour amener des
précisions sur ce fait, c’est qu’Émilie (F1GC) est catholique tandis que son époux Brian (F1GC) est
protestant. J’ai trouvé un exemple frappant de cette dissuasion dans un numéro de L’Action catholique
datant de 1936. Ce journal, parmi une pile d’autres, fut découvert par un de mes amis entre les murs
d’une maison en rénovation. Quelques recherches me suffirent pour me rendre compte que ce quotidien
fut publié entre 1915 et 1962662
. Je tiens aussi à signaler que le fait de trouver un tel journal dans la
région du Nord-Est de l’Ontario raffermit les convictions de l’existence d’une nation canadienne-
française, débordant des limites territoriales de la province du Québec. En feuilletant ce journal, une
certaine correspondance attira mon attention. Le samedi 25 janvier 1936, dans la section Le foyer
Pourquoi...? Comment... une jeune femme consultait MAUBERTE :
« Une catholique peut-elle se marier à un protestant dans une église catholique
sans que celui-ci abdique sa religion? Je suis fréquentée par un protestant dont
je suis éprise et il est question de mariage pour le mois prochain. L’Église me
permettra-t-elle ce mariage? C’est ce qui me trouble. Si non, ce serait
regrettable, car alors je me marierai devant un ministre protestant ; je l’aime et
malgré ses défauts, il représente le type de mari que j’avais rêvé. Qu’en pensez-
vous, Mauberte? I WILL SAY : YES. 663
»
Et MAUBERTE lui offrait sa franche opinion :
« L’église condamne les mariages entre catholiques et protestants à cause des
graves inconvénients qu’ils comportent pour l’un et l’autre des conjoints ; du
660
Micheal Derek BEHEILS, Relations francophones-anglophones, L’Encyclopédie canadienne,
http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/relations-francophonesanglophones, page consultée le 11 juin
2012. 661
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, Op. cit, p.143. 662
Bibliothèque et archives nationales du Québec, http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/357283, page consultée
le 11 juin 2012. 663
Anonyme, (le samedi 25 janvier 1936). Le foyer. Pourquoi...? Comment... L’Action catholique, p.14.
129
danger de perdre la foi pour celui qui est catholique, et des difficultés qui
surgiront inévitablement dans l’éducation des enfants, si le bon Dieu leur en
donne. Pour manifester toute la peine qu’Elle éprouve de ces unions entre
personnes qui professent des croyances différentes, l’Église leur administre le
sacrement de mariage en dehors du temple religieux, (les mariages entre
catholiques et protestants ont lieu soit au presbytère, soit à domicile) sans la
célébration de la messe et sans la moindre cérémonie. Comme ca doit être triste
pour une catholique cette apparente froideur de notre Mère, la Ste Église,
d’ordinaire si prompte à se réjouir avec ses enfants aux heures les plus
solennelles comme les plus radieuses de leur vie! Souvenez-vous aussi que le
mariage contracté devant un ministre protestant est une banale formalité, qu’il
ne compose pas la validité du sacrement. Une catholique instruite de ces choses,
qui, de plein gré, contracte mariage devant un ministre protestant n’est pas
mariée du tout et donc, vit en permanence dans le péché mortel. Ce sont des
choses bien dures, mais rigoureusement vraies que je vous dis là mon amie.
Vous voyez qu’il faut longuement réfléchir avant de prendre une telle décision.
Pour consentir à épouser un protestant si bon, si loyal, si honnête qu’il soit, il
faut se sentir le courage de lutter toute sa vie, sans défaillance, pour conserver
intactes sa foi et sa religion, pour les transmettre telles à ses enfants et au
surplus, avoir la volonté sincère et ferme de travailler sans relâche, par la prière,
par la parole et par l’exemple à la conversion de celui qu’on a librement accepté
comme compagnon de notre voyage terrestre, si on ne veut pas risquer d’être
séparés l’un de l’autre durant toute l’éternité. Est-ce que vous ne trouvez pas
que c’est court, un mois, pour penser toutes ces conditions et apporter au
problème extrêmement compliqué une solution favorable? Je prie pour
vous.664
»
Par ailleurs, les deux couples de la troisième génération connurent la cohabitation ce qui, quelques
décennies auparavant, aurait été fortement déconseillé. Selon les recherches de Martine Tremblay, « la
cohabitation n’aurait pas connu une progression uniforme665
». Elle admet aussi qu’aux États-Unis, à
partir des années 1980, la cohabitation aurait été une manifestation de la contre-culture tandis que
désormais, elle se serait intégrée aux rituels de fréquentations.666
Le trousseau : une tradition importante de la sphère féminine
Lorsque l’on parle de trousseau, dans la région du Nord-Est de l’Ontario du moins, on reconnait
immédiatement une tradition qui veut que les jeunes filles se préparent à la mise en ménage en
rassemblant plusieurs items qui leur serviraient dans leur nouveau foyer.
D’ailleurs, les informateurs de la famille 1 me font part que cette pratique demeure presqu’inchangée,
d’une génération à l’autre. Pour appuyer cette affirmation qui témoigne du maintien de cette pratique sur
les trois générations à l’étude, je dois premièrement traiter de la pratique de la fabrication du coffre lui-
même. Les trois informatrices, Jeanne (F1GA), Isabelle (F1GB) et Émilie (F1GC) m’informent que leur
coffre avait été fabriqué à la main. D’ailleurs, le père de Jeanne (F1GA) en aurait fabriqué un pour elle,
sa fille, et un pour sa petite-fille Isabelle (F1GB), pour qui il était parrain. Quant à Émilie (F1GC), son
664
MAUBERTE, (le samedi 25 janvier 1936). Le foyer. Pourquoi...? Comment... L’Action catholique, p.14. 665
Martine TREMBLAY, op. cit., p.71. 666
Ibid., p.71.
130
oncle, un charpentier qui était aussi son parrain, lui en avait fabriqué un. Le fait que le parrain soit celui
qui en avait fait le don est certainement important à préciser. Ce symbolisme fort voudrait démontrer
que ce dernier est une figure importante dans la vie de sa filleule. On voit aussi l’importance que le coffre
soit fait à la main. Il représente le travail, le labeur et aussi la tradition ; la fabrication de meubles en bois
étant traditionnelle. Fabriqué par les mains d’un proche, quelqu’un pour qui on a une grande estime, ce
coffre se mérite une place importante dans le foyer.
Le fait d’agencer les items et les biens nécessaires au fonctionnement du foyer nécessitait l’aide de
femmes d’expérience. Les informatrices m’informent que leur mère, les aidèrent à assembler tous les
items nécessaires à leur foyer. Isabelle (F1GB) indique aussi que sa grand-mère lui offrit une couverture
cousue à la main et que presque quarante ans après son mariage, elle la possède encore. Pourtant, si
Jeanne (F1GA) et Isabelle (F1GB) préparèrent un trousseau dans le but de s’organiser pour leur mise en
ménage après la cérémonie de mariage, ce ne fut pas tout à fait le cas pour Émilie (F1GC). Le but de la
confection de trousseau était de lui servir lorsqu’elle allait partir pour ses études postsecondaires.
Toutefois, le même genre d’items s’y retrouvait : vaisselle, couvertures…Cette pratique ne semble pas
avoir lieu du côté masculin même si André (F1GB) indique que ses parents lui offrirent un ensemble de
chambre à coucher juste un peu avant la mise en ménage et qu’il s’était acheté, impérativement, une
télévision en couleur et d’autres meubles pour équiper son appartement. Parce que cette pratique s’est
perpétuée, il faut nécessairement considérer qu’elle est importante parce qu’elle tient une place reconnue
dans le processus de mise en ménage. Il semble pourtant qu’elle demeure l’affaire des femmes.
La famille 2 semble perdre cette pratique au fil des générations. Thérèse (F2GA), matriarche de la
famille, se rappelle avoir confectionné un trousseau, tout comme l’ont fait les informatrices de la famille
1. Pourtant, elle ne pratiqua pas cette coutume avec son fils Alain (F2GB). Sa bru, Christine (F2GB) en
avait préparé un elle aussi. Celle-ci me dit qu’elle ne s’était pas préoccupée à le garnir parce que sa mère
lui avait indiqué d’attendre au shower de mariage avant de se procurer les items qui lui manquaient pour
le bon fonctionnement de son foyer. Sa fille Valérie (F2GC) n’avait pas préparé pas de trousseau du tout.
D’ailleurs, elle indique que tout ce dont elle avait besoin au fonctionnement de son foyer lui avait été
offert lors d’un shower de mariage. La pratique coutumière de la confection du trousseau ne se perpétua
alors pas chez ces informatrices. Elle aurait cédé sa place à une autre pratique coutumière qui aurait
pourtant le même objectif, soit le shower.
Par l’agencement des items nécessaires au fonctionnement du foyer, que ce soit pour la mise en ménage
ou bien pour un appartement lors du départ de la résidence familiale pour les études, j’atteste que les
informatrices valorisent le rôle de la femme au sein du foyer. Par cette pratique, elles consolident leurs
liens et s’assurent d’instaurer une tradition importante propre à la sphère féminine.
Les fiançailles : beaucoup plus qu’une déclaration officielle
C’est par les fiançailles qu’un couple déclare son intention officielle de mariage. Selon les informateurs,
l’acte lui-même semble symboliser une étape charnière dans leur vie. Ils admettent à leur façon qu’ils
reconnurent à l’époque que leur statut allait changer et qu’ils s’engageaient officiellement et de plein gré
à entreprendre leur vie à deux. Pourtant, si les informateurs font cette remarque, ce n’est pas tout à fait
le cas. Les fiançailles seraient davantage un rite de marge et c’est le mariage qui donnerait le changement
au statut.
131
Les pratiques entourant la demande en mariage sont fort intéressantes. Les informateurs de la génération
A de la famille 1 m’indiquent que selon la tradition, il était impératif qu’un jeune homme fasse connaître
ses intentions de mariage au père de sa bien-aimée en faisant une demande officielle. Le fait que Gérard
(F1GA) s’y souscrive témoigne certes de sa bienveillance et de son respect envers l’autorité paternelle.
Cette pratique se perpétua à la génération suivante. Ce fut pourtant Isabelle (F1GB) qui avait indiqué à
André (F1GBM) qu’il devait faire la demande de sa main en mariage à son père. En accordant au
prétendant la main de sa fille, le père de famille s’assurait de fournir des conseils et d’offrir quelques
leçons de vie tout en faisant part de ses conseils aux futurs-époux. Pour sa part, Brian (F1GC) aurait
choisi de ne pas suivre cette pratique. En faisant un retour sur ses actions, il avoue son regret de ne pas
s’être soumis à cette pratique. Ceci n’est pourtant pas une indication que Brian rejette l’autorité
paternelle. Tout au contraire, il affirme : « I wish I had asked her father, I don’t know how traditional he
was. And he has always been supportive but I regret a little bit that I didn’t ask him». Il faut aussi
admettre qu’au moment de leurs fiançailles, Brian (F1GC) et Émilie (F1GC) étaient beaucoup plus âgés
que leurs prédécesseurs et n’habitaient plus le foyer, ce qui joua certes un rôle dans le choix de ne pas
faire la demande officielle au père de famille.
Thérèse (F2GA) me fait part de cette même pratique : la demande de sa main en mariage. Elle indique
que Jacques (F2GA), son futur-époux, avait fait la demande à son père lors d’une visite. Pourtant, son
fils Alain (F2GB) avait opté pour l’effet surprise lorsqu’il demanda Christine en mariage (F2GB). Le
couple avait discuté au préalable de son intention de se marier. C’est à Noël, alors que toute la famille de
Christine (F2GB) fut réunie, qu’Alain (F2GB) décida de faire la demande officielle. Il ne demanda pas la
main en mariage au père de sa conjointe. La demande se fit quand même dans un genre de contexte
classique, soit en famille, lors d’une fête familiale. Valérie (F2GC), indique que Scott (F2GC) ne fit pas
la demande de mariage à son père parce qu’il n’y voyait pas la nécessité. Elle m’explique qu’il ne croyait
pas dans cette pratique parce qu’elle est trop ancestrale, remontant selon lui aux vieilles pratiques de la
dot.
Règle générale, les couples m’informent qu’il fut question de discussions de plans de mariage entre
conjoints. La pratique coutumière veut que ce soit les hommes qui demandent officiellement à leur
conjointe d’accepter de les épouser. Et c’est ce que les informateurs firent. Tous précisent que la
demande se fit dans l’intimité, sauf pour Alain (F2GB), qui choisit de la faire à Noël lors d’un
rassemblement de famille. Émilie (F1GC) est pourtant la seule à témoigner de la pratique populaire
voulant que l’homme s’agenouille pour offrir la bague de fiançailles à sa conjointe en déclarant son
amour pour elle et en lui demandant officiellement de bien vouloir l’épouser. Ce n’est pourtant pas une
indication que les autres hommes ne s’agenouillèrent pas pour la demande. Sans aucun doute,
l’événement comme tel est bien gravé dans la mémoire des informateurs qui sont tous ravis d’en parler et
de se remémorer les détails.
Le choix de la bague : un anneau très symbolique
Selon mon enquête, il ne semble pas y avoir de pratique coutumière d’établie ni par famille, ni par
génération quant au choix de la bague. Par exemple Thérèse (F1GA) et Gérard (F1GA) choisirent la
bague ensemble. André (F1GB) laissa Isabelle (F1GB) choisir et Émilie (F1GC) laissa Brian (F1GC)
choisir. Jacques (F2GA) choisit celle pour Thérèse (F2GA), Alain (F2GB) savait ce que Christine
132
(F2GB) voulait alors il la choisit selon ses goûts, et Valérie (F2GC) avait laissé Scott (F2GC) choisir
entre trois ou quatre bagues qu’elle aimait. D’autre part, je retiens aussi qu’Isabelle (F1GB) et Émilie
(F1GC) semblent accorder une signification symbolique profonde à ce que représente la bague de
fiançailles. Isabelle (F1GB) explique que la bague est un cercle qui ne se défait jamais, signifiant qu’en
acceptant d’épouser André(F1GB) c’était un choix qu’elle faisait pour la vie. Pour Émilie (F1GC), le
facteur temps est aussi important. Elle indique que sa bague a trois montures de diamants symbolisant le
passé, le présent et le futur de sa vie de couple avec Brian (F1GC). Par cet anneau, les couples avaient
une preuve matérielle de la maturation de leur projet de mariage. Il fut l’expression même de leurs
sentiments ainsi qu’un rappel constant de leur engagement. Cette pratique demeure ainsi très vivace.
Planification d’un mariage traditionnel: un appel aux experts
Les couples qui constituent mon bassin d’informateurs indiquent qu’une fois les fiançailles officielles, la
planification du mariage débute. Chacun d’eux considère que son mariage fut traditionnel. Les
informations qu’ils fournissent permettent de constater que pour préparer ce genre de mariage, ils durent
nécessairement faire appel à l’expertise de leurs prédécesseurs pour savoir comment s’y prendre. Les
parents s’impliquèrent tout naturellement dans ce rite de passage.
Par exemple, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) eurent recours à l’aide de leurs parents pour planifier le
souper traditionnel c’est-à-dire selon le menu habituel (patates, viande, desserts). Et ce furent les
mamans, les tantes et les voisines qui collaborèrent et contribuèrent à préparer plusieurs mets
traditionnels tel que la dinde, les patates pilées, les tartes… Isabelle (F1GB) et André (F1GB)
mentionnent que les mères, tantes et voisines préparèrent le « petit lunch » qui consistait en sandwichs et
breuvages et furent servis tard dans la soirée, alors que la réception tirait à sa fin. De plus, André (F1GB)
précise que les parents d’Isabelle (F1GB) furent plus impliqués dans la planification et la préparation que
les siens. Il explique que ses parents étaient déjà très âgés et n’avaient pas l’énergie pour organiser le
mariage. Ils épaulèrent les futurs-mariés du mieux qu’ils le purent dans la prise de décisions et dans la
planification du mariage en offrant un support moral et financier. Il est un peu plus difficile, au fil de
l’entrevue, d’entrevoir le rôle des parents d’Émilie (F1GC) dans la préparation de son mariage mais
quelques indices me suffisent pour remarquer qu’ils furent bel et bien présents tout au long du processus
et l’appuyèrent. Émilie (F1GC) dit qu’un shower entre dames avait été organisé en son honneur avant la
célébration du mariage et qu’elle avait séjourné chez ses parents les quelques jours avant le mariage,
même si elle cohabitait avec Brian (F1GC).
Thérèse (F2GA) précise que le souper ainsi que la réception prirent place à la résidence des parents de
Jacques (F2GA). Christine (F2GB) témoigne aussi que sa mère fut présente dans la préparation au
mariage. D’ailleurs, elle lui organisa un shower de filles en s’assurant qu’elle soit prête pour son entrée
en mariage. Puisque Christine (F2GB) et sa fille Valérie (F2GC) me témoignent souvent de
rassemblements entre femmes pour différentes occasions comme le shower de filles par exemple, je peux
assurément constater la présence des parents. Et finalement, Valérie (F2GC) dit : « Ma mère m’aida à
faire toutes les décisions, peut-être un p’tit peu trop ».
À cet effet, il semble que les pratiques de la préparation du mariage laissèrent des empreintes dans le
temps et que chaque génération choisit de s’y conformer.
133
Shower de mariage et enterrement de vie de célibataire
Selon les informateurs de la génération A et certains de la génération B, la gamme de célébrations
prénuptiales ne fit pas partie de leur répertoire de pratiques coutumières. Elles le furent pour la
génération C.
Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) affirment qu’aucune célébration prénuptiale ne fut organisée pour
célébrer la fin de leur célibat. Isabelle (F1GB) et André (F1GB) déclarent la même chose. Émilie (F1GC)
précise que sa mère avait organisé une petite soirée entre femmes des deux familles (la sienne et celle du
futur-marié) où elle reçut quelques cadeaux telles que des chandelles… Émilie n’accorde pas une grande
importance à cette célébration. Dans son témoignage, Brian (F1GC) me fait part d’une pratique
intéressante en ce qui concerne les célébrations prénuptiales. Après les fiançailles, une petite fête était
organisée en l’honneur des nouveaux-fiancés. Notamment, Brian (F1GC) dit que ce fut l’occasion pour
les deux familles (la sienne et celle de la future-mariée) de se rencontrer. Pour cette raison, ce
rassemblement sera significatif pour lui.
La famille 2 fait part des pratiques relatives aux célébrations prénuptiales. Thérèse (F2GA) explique que
des célébrations comme l’enterrement de vie de fille ou de garçon n’étaient pas « à la mode » à l’époque
c’est-à-dire dans les années 1950-60. Elle ne mentionne pas qu’un shower de mariage lui fut organisé
non plus. Ainsi, de telles pratiques n’étaient peut-être pas répandues dans cette région en particulier à
l’époque. Pourtant, la génération suivante, la (B), fait part de certaines de ces pratiques. Christine
(F2GB) m’informe qu’un shower de mariage lui avait été organisé. Entre autres, j’ai déjà mentionné que
sa mère lui avait conseillé d’attendre à son shower avant de se confectionner un trousseau. Christine
(F2GB) m’informe alors que les cadeaux qui lui furent offerts lors de ce shower étaient tous des articles
ménagers. Selon cette pratique, les femmes des deux familles (la sienne et celle du futur-marié) se
réunirent, jasèrent et dégustèrent un repas ensemble. Selon Christine (F2GB), le shower de mariage est
une tradition familiale bien importante « dans notre famille, on le fait tous ». Il est alors tout naturel que
Valérie (F2GC), la fille de Christine (F2GB), fut fêtée à l’occasion de son mariage, comme la tradition
familiale le veut. Pourtant, ce qui est intéressant à remarquer est le fait que Christine (F2GB) avait
organisé non seulement un shower de mariage pour sa fille mais un genre d’enterrement de vie de
célibataire aussi. C’est alors Valérie (F2GC) qui me fournit les détails de ces pratiques dont l’une est
nouvelle dans la famille. Tout comme Christine (F2GB), Valérie (F2GC) affirme que ce fut sa mère, ses
tantes et ses cousines qui organisèrent les célébrations prénuptiales. Elle ajoute aussi qu’elle a participé à
un nombre incroyable de showers tant que cette pratique est importante dans sa famille. Elle le confirme
en me le répétant et je peux déceler cette importance par l’intonation de sa voix. « C’est important parce
que c’est le SEUL TEMPS que tu vas voir ces personnes là … que je ne verrai PAS à Noël… » Et
comme sa mère, Valérie n’avait pas confectionné de trousseau. Pourtant, elle reçut lors de son shower,
tous les articles ménagers nécessaires au bon fonctionnement du foyer ainsi que plusieurs dons en argent.
Elle souligne aussi que les femmes qui assistèrent au shower furent très généreuses, ce qu’elle apprécie
grandement en exprimant son estime pour ces femmes qui lui accordèrent de leur temps et qui lui
offrirent « LEUR propre argent ». Quant à l’enterrement de vie de fille, une dizaine de femmes se
réunirent chez une cousine. Il faut retenir que Valérie (F2GC) explique que l’importance de cette
pratique provient en partie de la tradition et a comme but de se réunir entre femmes, encore une fois. La
cohésion sociale entre femmes est alors bien importante dans cette famille.
134
D’après ces informations, je constate que plusieurs pratiques précédant le mariage semblent désormais
s’y rattacher et sont de plus en plus courantes. D’ailleurs, le nombre de célébrations augmente à la
génération C.
Les pratiques religieuses du mariage traditionnel : un scénario très réglé
On a certes pu percevoir au chapitre 2 que les pratiques coutumières des deux familles d’informateurs
sont imprégnées de traditions religieuses. Même si les informateurs de la génération C m’informent lors
de leur entrevue qu’ils n’assistent pas aux messes régulièrement, ils demeurent attachés aux pratiques
religieuses qui entourent ce grand rite de passage qu’est le mariage. Cette affirmation se consolidera de
plus en plus en étudiant et analysant ces pratiques rapportées par tous les informateurs comme étant
traditionnelles.
En définitive, le compte à rebours jusqu’au jour J engendre une frénésie chez les fiancés. Cette frénésie
se fit peut-être ressentir davantage pour les générations B et C que pour la génération A. Je me permets
d’affirmer cela parce qu’il semble que pour les couples de la génération A, la religion était omniprésente
dans tout aspect de la préparation du mariage. D’ailleurs, elle dictait le déroulement du mariage au
complet ne permettant pas aux fiancés d’apporter des pratiques novatrices, ni de personnaliser la
cérémonie éludant alors la frénésie. La génération A se serait donc moulée parfaitement aux conventions
et aux pratiques religieuses. Je rappelle que jusqu’à la fin des années 1950, période pendant laquelle la
génération A contracta le mariage, la paroisse était au centre de la vie culturelle des Canadiens-
français.667
La décennie suivante subit un ébranlement des structures traditionnelles en raison des
maintes contestations 668
et plusieurs délaissèrent la religion catholique. Le IIe concile œcuménique du
Vatican vint encourager l’Église à s’ouvrir à la modernité669
, entraînant une certaine flexibilité dans les
pratiques religieuses, comme on pourra en témoigner ici lorsqu’on évoquera les pratiques relatives au
mariage des couples de la génération B et C. Alors sans pour autant reprendre tous les détails des
informations offertes par les informateurs au chapitre précédent, il est de mise de dégager les
particularités pour entrevoir et reconnaître les récurrences.
Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) achetèrent tous deux leurs vêtements pour la journée ; une robe
blanche pour elle et un habit à la dernière mode pour lui. C’est en m’informant que les fiancés devaient
se rendre dans une autre ville pour trouver ce genre de tenue et que le voyage d’une distance assez
considérable pour l’époque devenait une occasion extraordinaire, dont je me rends compte de
l’importance qui était accordée à cette journée. Le couple avait aussi choisi les membres de leur cortège
nuptial. Le couple s’était aussi chargé de trouver une automobile qui devait servir à transporter les
mariés d’un endroit à un autre la journée du mariage. On m’avoue même que « L’auto était très
importante ; on cherchait la plus belle automobile possible ». Parce que le mariage fut célébré dans la
paroisse du village, une paroisse catholique francophone, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) durent
rencontrer le prêtre qui dicta la façon dont allait se dérouler la cérémonie. Et surtout, c’est lui qui
667
Gaétan GERVAIS, « L’Ontario français dans toutes ses régions », dans La Société Charlevoix (dir.), Les
régionalismes de l’Ontario français. Actes de la table ronde de la Société Charlevoix, op. cit., p.13. 668
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit, p.198. 669
Normand PROVENCHER, La foi, une étrangère dans le monde moderne?, Montréal, Les Éditions Fides, 1998,
p.16.
135
approuvait l’union. Gérard (F1GA) m’informe que si le curé s’apercevait que l’union n’était pas
raisonnable, il pouvait décider de s’opposer et de ne pas marier les fiancés. « Le curé, c’est lui qui
décidait tout jusqu’à la dernière minute! » Celui-ci était bien présent dans la vie de ses paroissiens. Il
faisait des recommandations, avis, exhortations… et mandatait tous d’agir selon la foi de Dieu, en toute
circonstance. Il fut donc question de publier des bans. Le couple acquiesce que « les préparations
n’étaient pas comme elles le sont aujourd’hui ».
Le jour du mariage venu, le couple s’était rendu à l’église. Le cortège nuptial ouvrit l’entrée dans l’église
et le père de Jeanne (F1GA) la conduit jusqu’à l’autel. Il était important de reconfirmer les engagements
de dévotion chrétienne et d’affirmer sa participation aux associations dévotes telles que la Ligue du
Sacré-Cœur, les Enfants de Marie et les Dames de Sainte-Anne. Gérard (F1GA) peut résumer en deux
phrases ce qui qualifiait le mariage à l’époque « C’était short and sweet. Il fallait suivre les directives de
l’Église ». Tous deux admettent que la cérémonie n’avait rien de spécial, c’est-à-dire qu’elle ne déviait
pas de la norme.
Les informateurs de la génération B, il faut le mentionner à nouveau, se marièrent après la Révolution
tranquille et le Concile œcuménique soit dans les années 1970. Ceci leur permit entre autres de changer
quelques aspects du déroulement habituel et dans une juste mesure, de personnaliser leur mariage. Les
informateurs choisirent-ils de conserver intactes les coutumes ou bien d’adapter leur mariage à la mode
de l’époque? Selon le couple de la génération B de cette famille, il semble davantage que les coutumes et
pratiques religieuses de la cérémonie du mariage furent préservées alors que l’on a pris plus de liberté
pour les moments entourant la noce par exemple. Ainsi, pour admettre que les préparatifs et la cérémonie
du mariage d’Isabelle (F1GB) et d’André (F1GB) furent comme celui de la génération précédente, je
reprends ce qu’Isabelle (F1GB) affirme lorsqu’elle mentionne que son mariage fut « bien simple ». Par
cette affirmation, et dans son contexte, Isabelle (F1GB) insinue qu’elle ne s’était pas soumise aux
extravagances possibles amorcées après la Révolution tranquille pour personnaliser certains moments du
mariage religieux.
André (F1GB) et Isabelle (F1GB) rencontrèrent le curé ensemble pour planifier la cérémonie de mariage.
Celui-ci questionna les futurs-mariés et leur fournit des conseils quant à la vie matrimoniale, tout comme
l’avait fait le curé de la génération A. Le couple eut aussi à publier les bans. D’autre part, il était
question de se procurer la robe de mariage, l’habit, les fleurs, de planifier le repas et son menu, de choisir
les membres du cortège nuptial, de réserver une salle pour la réception, d’envoyer les invitations, de
trouver une automobile de luxe qui allait conduire les mariés un peu partout le jour du mariage et
d’accrocher un chapelet sur la corde à linge pour s’assurer d’avoir une journée de mariage ensoleillée…
C’est par les pratiques suivantes que ce couple justifie que son mariage fut célébré de façon
traditionnelle, puisant alors à sa connaissance dans le répertoire de pratiques traditionnelles familiales :
Isabelle (F1GB) s’était rendue à l’église avec ses parents vêtue de sa belle robe blanche, un voile, des
gants et un bouquet de fleurs, son père l’avait conduit dans l’église bras dessus dessous, elle avait choisi
les membres de son cortège nuptial, des chants religieux accompagnaient la cérémonie, il y avait un
souper suivi d’une danse… et surtout le fait que le mariage fut célébré dans une église catholique :
l’église catholique de sa paroisse natale. D’ailleurs, je peux reconnaitre l’importance qu’Isabelle (F1GB)
accordait à cette pratique par l’intonation de sa voix. Elle mentionne à quelques reprises MON église.
136
André admet aussi l’importance et la valeur de cette pratique en particulier. La majorité des pratiques qui
viennent d’être énumérées avaient été léguées par la génération précédente. Isabelle (F1GB) insistait à
les pratiquer à son tour : « Quand le prêtre te fait promettre les choses qu’il faut que tu promettes ;
fidélité puis tout ça ces choses là que tu promets à cet homme là. Il y a rien qui peut vous séparer ça c’est
juste la mort. Je suis très consciente de ça puis pour moi c’était bien important! Pour moi la religion
c’était vraiment important » me raconte Émilie.
Je remarque aussi qu’André (F1GB) garde beaucoup de souvenirs de cette journée à laquelle il accorde
une grande valeur. D’ailleurs, il atteste lui-même que plusieurs sentiments et émotions sont rattachés à
ses souvenirs. « Mon plus beau souvenir c’était d’entreprendre ma vie avec Isabelle! » m’avoue-t-il.
« Moi c’était la première fois puis la dernière fois que je me mariais ». D’où l’importance de leur union,
justement.
Il m’apparaît néanmoins important de souligner une croyance populaire comme gage de réussite du
mariage. Il s’agit de celle se basant sur le dicton : « Something old, something new, something
borrowed, something blue. » C’est Isabelle (F1GB) qui m’en fera part, et je remarque que cette pratique
ne fut pas mentionnée par sa mère, Jeanne (F1GA). Je suppose alors que cette pratique ne fut peut-être
pas assez importante pour être digne de mention ou bien, le couple ne la pratiqua pas tout simplement.
C’est peut-être aussi parce que cette pratique serait plus récente et n’existait pas avant les années 1970.
La dernière génération de cette famille est celle qui organisa une cérémonie de mariage non seulement
francophone et anglophone mais aussi catholique et protestante. Je dois premièrement clarifier la raison
pour laquelle le couple choisit de faire ainsi. Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) expriment chacun à leur
tour que celle-ci 670
avait depuis qu’elle était petite, planifié le mariage de ses rêves. D’ailleurs, Émilie
(F1GC) parle souvent lors de l’entrevue de « prince charmant » et de « journée de princesse ». Je
constate que parce qu’Émilie (F1GC) avait planifié son mariage depuis qu’elle était petite, elle avait déjà
nécessairement une très bonne idée de la façon que se déroulait un mariage. Elle voulait que son mariage
soit parfait, en y ajoutant un aspect féerique, chéri par des souvenirs d’enfance. Elle aurait voulu que son
mariage soit à la hauteur de ses rêves en reproduisant ce qui lui était familier. Et puisque Brian (F1GC)
comprit que le mariage était aux yeux de sa fiancée, une journée digne d’un conte de fée, il la laissa tout
organiser. « She had planned her wedding since she was a little girl so she was very much involved in
it » m’informe Brian. À son tour, Émilie (F1GC) comprit que Brian (F1GC) devait être représenté dans
cette union, que la célébration de mariage devait être bilingue et que les traditions religieuses protestantes
devaient être incluses jusqu’à rencontrer les traditions catholiques à mi-chemin. Je tiens alors à citer de
nouveau Émilie afin de reconnaître l’importance de la célébration de mariage mixte pour ce couple:
« Il fallait inclure les coutumes de SA religion, puis inclure les coutumes de MA
religion. Par exemple, la façon qu’eux autres… eux autres vont pas faire de
communion pendant la cérémonie de mariage alors il fallait décider si nous autres on
voulait en avoir une, des choses comme ça. C’est le reflet de la vie de mariage; vie
dans l’équilibre et la fraternité quant aux pratiques et aux coutumes ».
670
En parlant d’Émilie
137
Et parce que j’entends une intonation dans la voix d’Émilie (F1GC) lorsqu’elle parle de la confession
respective des membres du couple, (MA religion, SA religion) je n’aurais pas tort d’affirmer que chacun
des conjoints choisit de demeurer fidèle à celle qu’il pratique.
Particularités d’un mariage mixte
Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) m’expliquent de façon juste et précise en quoi leur mariage avait un
caractère traditionnel. Ils mentionnent la robe blanche, quelque chose de bleu, quelque chose de neuf…,
le voile, la première danse des mariés, la valse du père avec sa fille, la valse de la mère avec son fils, le
lancer du bouquet, le lancer de la jarretière, le gâteau, le souper et son menu (poulet, du bœuf, des patates
pilées, des légumes, du sucre à la crème, et une variété de tartes), la table d’honneur à laquelle était assis
les membres qui formaient le cortège nuptial, la célébration du mariage dans une église catholique, la
célébration du mariage dans la paroisse de la conjointe, les photos prises sur le perron de l’église avec
toute la famille, la parenté et les invités, la limousine qui transportait les mariés un peu partout durant la
journée, la réception, la pratique de la cérémonie la veille du mariage… Émilie (F1GC) soulève aussi la
pratique qui veut que les futurs-mariés se quittent la veille du mariage pour se voir seulement que le
lendemain, dans l’église. Elle admet que ce genre de traditions était important et elle voulait les
pratiquer. « C’est juste des choses qu’ils faisaient avant puis que moi je voulais suivre. »
Ce couple me fait part de certains ajouts, adaptations et modifications aux pratiques. Par exemple, ce fut
le père et ainsi que la mère d’Émilie (F1GC) qui l’accompagnèrent jusqu’à l’autel lors de son entrée dans
l’église. Symboliquement, ce fut alors ses deux parents qui l’offrirent en mariage à Brian (F1GC). Émilie
(F1GC) reconnait pendant l’entrevue que cette pratique est novatrice. Pourtant, je dois ajouter que cette
nouvelle pratique n’est pas du jamais vu dans le Nord de l’Ontario puisque j’ai pu observer plusieurs
mariages où les parents de la mariée menèrent celle-ci à l’autel. Une autre nouvelle pratique qui mérite
une mention est celle par laquelle les mariés manifestent symboliquement leur union de façon tangible.
Émilie (F1GC) explique qu’elle et Brian (F1GC) versèrent simultanément du sable dans un grand vase.
Elle garde celui-ci encore en souvenir. De plus, Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) avaient insisté sur le
fait de pouvoir choisir des textes bibliques qui représentaient leurs valeurs comme par exemple le passage
des Corinthiens « Love is patient, love is kind …» D’autre part, Brian (F1GC) admet que puisque sa
conjointe et lui sont de différentes confessions religieuses et de différentes langues, il était impératif de
trouver un point de rencontre tout en gardant l’aspect traditionnel du mariage. Chacun des époux
reconnut les pratiques religieuses de son conjoint. Émilie (F1GC) proclama ses vœux en anglais alors
que Brian (F1GC) les proclama en français. De plus, dans leur choix du déroulement de la cérémonie du
mariage, le couple choisit de ne pas procéder à l’Eucharistie. Selon la religion protestante, il n’y a
habituellement pas de communion lors d’une cérémonie de mariage.
Passons maintenant aux particularités des pratiques religieuses du mariage traditionnel de la famille 2
pour entrevoir et reconnaître les récurrences. Thérèse (F2GA) m’indique elle-même que son mariage fut
traditionnel. Puisqu’elle mentionne le nom de l’église dans laquelle la cérémonie de mariage eut lieu, je
constate que ce fut un mariage religieux et francophone. Les mêmes conventions s’appliquent dans le cas
de cette famille définissant le modèle traditionnel suivi.
Pourtant, Thérèse (F1GA) n’expose pas beaucoup de détails quant à la préparation et à la cérémonie du
mariage. Le peu de détails est sûrement dû aux fluctuations de la mémoire, alors que déjà plus d’un
138
demi-siècle s’est écoulé depuis la cérémonie du mariage. Aussi, la cérémonie religieuse n’est peut-être
pas ce qu’elle a préféré. Une autre raison est liée à l’encadrement religieux; le mariage ne se prêtait pas à
des pratiques novatrices personnalisées à volonté. C’était le curé qui ordonnait la façon que devait se
pratiquer la cérémonie du mariage et les futurs-époux n’eurent alors par beaucoup de préparatifs à faire.
Thérèse (F2GA) me fait part du rôle de chaque conjoint dans la préparation de ce mariage. Elle indique
que le cortège nuptial fut choisi par les deux époux. Quant au rôle de la future-mariée, c’était de choisir
sa robe ainsi que celles des filles d’honneur. Le futur-marié quant à lui était en charge des garçons
d’honneur. Ce qui est tout de même intéressant est le fait que Thérèse (F2GA) mentionne que la mode à
l’époque était que chaque fille d’honneur porte une robe de style différent et de couleur différente.
Comme Thérèse (F2GA) tient à me faire part de ce détail, j’en déduis qu’elle y accorde une importance.
Je pourrais certainement croire que ce fut l’un des aspects, sinon le seul, de son mariage qu’elle a pu
personnaliser selon ses préférences personnelles.
Quant à la cérémonie de mariage elle-même, Thérèse (F2GA) m’indique qu’elle eut lieu un dimanche en
après-midi. C’est une affirmation qui m’a surprise croyant que les mariages religieux en Ontario français
avaient été célébrés, depuis longtemps, le samedi. Thérèse (F2GA) admet elle-même que c’est une
pratique assez différente de ce que l’on connait. Dans ce fameux scénario type, j’ajoute aussi les
pratiques suivantes que Thérèse (F2GA) mentionne. Par exemple, elle accrocha le chapelet sur la corde à
linge pour s’assurer qu’il fasse beau temps le jour du mariage, une pratique qui était très répandue à
l’époque selon elle, le cortège nuptial féminin se fit conduire à l’église, une fois à l’église son père la
conduit jusqu’à l’autel, entre autres. De plus, je tiens à ajouter que Thérèse (F2GA) exprime que de telles
informations auraient dû avoir été écrites. Elle veut certainement dire que si elle avait fait ainsi, plusieurs
détails auraient pu être préservés et n’auraient pas succombés à l’oubli. Il est important de retenir que
Thérèse (F2GA) admet « c’est bien important quand on est jeune d’avoir un mariage traditionnel ». Du
côté émotionnel, Thérèse (F2GA) mentionne qu’elle était bien contente que sa famille puisse partager ce
moment de bonheur avec elle. De plus, elle apprécie le fait que ses parents, qui habitaient la province du
Québec, firent le trajet pour assister à cette journée. Elle en garde alors de très bons souvenirs.
Alain (F2GB) et Christine (F2GB) me font part des préparatifs de mariage ainsi que de la cérémonie qui
suit bien le scénario que j’ai dégagé à partir des pratiques nuptiales de Thérèse (F2GA), la mère d’Alain
(F2GB). Voyons ce que Christine (F2GB) et Alain (F2GB) ont fait de ce scénario en dégageant les
pratiques principales. Dès que je demande aux conjoints de me parler des préparatifs, tous deux
m’informent premièrement qu’il fut question de consulter le prêtre. Ainsi, je conclus que le mariage était
religieux. En me faisant part du nom de l’église dans laquelle la cérémonie se déroula, j’ai constaté qu’il
s’agissait de la même paroisse où les parents d’Alain (F2GB) se marièrent. Il fut aussi question de suivre
des cours de préparation au mariage où les valeurs de l’institution furent enseignées ainsi que de faire
publier les bans. Le rôle d’Alain (F2GB) dans la préparation de l’événement fut de s’occuper de son
habit et de choisir les garçons d’honneur. Il rit lorsque je lui demande de me faire part de son rôle
m’avouant que son rôle « c’était à peu près ça ». D’ailleurs Christine (F2GB) m’avoue qu’elle avait
planifié presque tout elle-même, alors que sa mère et sa sœur l’appuyaient. Alain (F2GB) et Christine
(F2GB) ne me fournissent pas plus de détails mais je déduis pourtant, selon d’autres informations qu’ils
me donnent, que Christine (F2GB) avait préparé le menu du souper, les invitations, l’achat ou la
fabrication d’une jarretière et d’un bouquet qui allaient être lancés aux célibataires, ainsi que la fameuse
139
croyance « something old, something new… », entre autres. Je tiens à noter encore une fois que cette
croyance n’a pas été mentionnée à la génération A de cette famille.
Pour la cérémonie du mariage même, Christine (F2GB) m’avoue qu’aucun compromis n’avait à être fait
« qu’est-ce que je lui disais lui il disait que c’était correcte so ce n’était pas bien, bien compliqué ». En
tant que coutumes, Alain (F2GB) dit que toutes celles qui ont trait à une cérémonie de mariage dit
traditionnel furent pratiquées tels que la lecture des psaumes, l’évangile, l’échange des consentements,
l’échange des alliances… Son plus beau souvenir est la promesse qu’il a faite cette journée là. Je
conclus alors qu’il accorde une importance à cette promesse. Christine (F2GB) quant à elle me dit que le
fait que la famille y fut présente était très important pour elle. Elle m’explique longuement que sa grand-
mère lui mit une jarretière avant de quitter pour la cérémonie et qu’elle garde de ce geste un souvenir
précieux. Je considère ainsi que Christine (F2GB) accorde un grand respect à ses prédécesseurs, plus
précisément sa grand-mère, ce qui se fera voir d’ailleurs à quelques reprises lors de l’entrevue. Elle dit
aussi que tous les invités étaient heureux pour les nouveaux mariés. Elle reconnait alors cette valeur. Et
finalement, elle dit que le mariage était une autre étape. Ainsi, elle a aussi reconnu le changement de
statut que lui apportait cette cérémonie.
Particularités d’un mariage mixte
La troisième génération de cette famille a fait un mariage francophone-anglophone. Il est à noter que
Scott voulait se marier dans un pays chaud. Pourtant, en réfléchissant au déroulement d’un tel mariage,
Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) réaliseront qu’ils préférèrent être entourés de leurs familles au lieu que
d’être dans un pays chaud. Pour de ce qui est des préparatifs, Valérie (F2GC) me témoigne qu’elle
voulait se marier dans son église, une église catholique et francophone parce que TOUS les membres de
sa famille s’y étaient mariés. L’intonation de sa voix me fait part qu’elle accorde une importance à cette
tradition familiale. Le couple assista à des cours de préparation au mariage et apprécia les valeurs qui
leur furent enseignées telles que la fidélité. Valérie (F2GC) affirme aussi, comme le fit sa mère, que ce
fut elle qui fut en charge de presque tous les préparatifs du mariage. Elle m’explique que c’est parce
qu’elle ne voulait pas se marier dans un pays chaud que Scott (F2GC) la laissa préparer tout mais Scott
(F2GC) admettra que c’était plutôt en raison de sa thèse de maîtrise, qu’il terminera d’ailleurs quelques
jours avant la cérémonie de mariage. Ainsi, le rôle de Valérie (F2GC) était de tout préparer et celui de
Scott (F2GC) était de s’occuper du budget. Parce que Valérie (F2GC) ne me fournit pas de détails quant
aux préparatifs, je déduis à l’aide des autres informations qu’elle me fournit, qu’elle envoya des
invitations, réserva la salle de réception, prépara le menu de la soirée, réserva le DJ, et aussi, suivit la
croyance « something old, something new… » comme sa mère l’avait fait. De plus, la soirée avant la
cérémonie de mariage, Valérie (F2GC) coucha chez ses parents, même si elle cohabitait déjà avec Scott
(F2GC), afin de suivre une tradition ; celle voulant que les époux ne se voient pas avant la journée du
mariage.
Pour la cérémonie de mariage même, Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) affirment que la cérémonie de leur
mariage était traditionnelle. Il y avait un cortège nuptial, la cérémonie se déroula dans une église, les
hommes avaient des habits et la mariée avait sa robe blanche, entre autres. Pourtant, le mariage lui-même
fut partiellement traditionnel parce que le souper ne fut pas servi. Or, ce n’était pas une pratique
familiale nouvelle parce que quelques membres de la famille de Valérie (F2GC) firent la même chose.
Scott (F2GC) était indifférent quant à la façon que le mariage fut célébré, traditionnel ou pas. « It was
140
Valérie’s (F2GC) choice and I supported it». En faisant un retour sur la cérémonie de mariage, il constate
que celle-ci est en réalité très importante pour lui parce qu’elle lui permit formellement de faire une
promesse et de s’engager. Valérie (F2GC) m’informe aussi que pendant la cérémonie, elle et Scott
(F2GC) allumèrent une chandelle d’unité. Valérie (F2GC) garde de très beaux souvenirs de la cérémonie
religieuse en affirmant que « la cérémonie était très spéciale ».
Bien que les pratiques prénuptiales et nuptiales soient à la fois abondantes et complexes, l’examen du
corpus de données me permet de témoigner de l’homogénéité culturelle. En d’autres mots, le scénario de
ces pratiques ne varie pas beaucoup d’une génération à l’autre et semble d’ailleurs être presque le même
pour les deux familles. Ceci s’explique par le fait que chaque couple choisit de célébrer son mariage dans
la tradition religieuse catholique et que, ce faisant, les conjoints furent appelés à suivre les rituels et les
règles prescrites. Ces pratiques laissèrent sans conteste des empreintes dans le temps et dans l’espace
parce que chaque génération choisit de s’y conformer. Il est vrai que, les deux familles d’informateurs
sont imprégnées des traditions religieuses en ce qui concerne le mariage. Quant aux pratiques qui tendent
à être plus personnalisées, il faut leur accorder aussi une importance parce qu’elles révèlent une sorte de
dynamisme culturel.
La réception du mariage : les traditions d’un temps fort
Le mariage étant alors contracté, une fête était habituellement donnée pour l’occasion. C’est le temps de
célébrer, de fraterniser, de faire prolonger l’émerveillement de la journée un peu plus longtemps. Les
noces sont le temps fort du mariage. D’après les informations fournies par les couples, je remarque que
la réception fut constituée aussi de plusieurs pratiques. C’est à la lumière des informations de la
génération A que je peux présenter le portrait de la réception type selon les familles.
Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) prirent des photos de mariage après à la cérémonie, dînèrent dans
l’ambiance des festivités, entourés de la famille immédiate, de la parenté et des amis. Il y eut un souper et
de la boisson alcoolisée est servie. On jouait du violon en après-midi tandis qu’en soirée un groupe
professionnel de musiciens faisaient de la musique. Il y avait aussi la cérémonie associée au gâteau de
mariage où les mariés le coupaient et en servaient une portion à tous leurs invités. Des cadeaux étaient
offerts mais il ne s’agissait jamais de dons en argent. Cependant, le soulier de la mariée était passé afin
que les invités puissent y déposer quelques sous. Jeanne (F1GA) affirme avoir apprécié l’un des cadeaux
de mariage en particulier qui lui avait été offert. Il s’agissait d’une chaise berçante offerte par son grand-
père qui l’avait achetée chez Dupuis Frères, un magasin avec un comptoir postal qui s’était donné
comme mandat de promouvoir les valeurs familiales et religieuses de la population canadienne-française.
«Dupuis Frères c’était strictement francophone. » « On était au moins certain le lendemain matin qu’on
avait une chaise pour s’asseoir » me disent les informateurs. C’est une révélation qui mérite une
attention particulière. Notamment, la chaise berçante est une particularité qui représente le foyer
traditionnel. Que des émotions soient en partie rattachées à la valeur de la chaise elle-même n’est pas
surprenant. D’autre part, le fait même que les Canadiens-français du Nord de l’Ontario choisirent de
faire l’achat de divers produits auprès de Dupuis Frères, une compagnie qui était située loin par rapport à
eux, témoigne de l’attachement qu’ils accordaient à celle-ci et de la référence que le magasin représentait
au plan de l’appartenance identitaire. Il faut aussi convenir que Dupuis Frères avait bel et bien réussi à
consolider la nation canadienne-française. Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) expliquent longuement
l’importance que ce magasin (ou cette institution si l’on veut) avait eu dans la vie des Canadiens-français.
141
La réception de mariage d’Isabelle (F1GB) et d’André (F1GB) se pratiqua de façon très similaire à la
génération précédente. Ce fut le souper traditionnel, la boisson alcoolisée, la musique, la danse des
nouveaux mariés. Il était important pour eux d’être entourés de leurs familles, de ressentir le bonheur.
« Tout le monde était content. Moi c’était quelque chose que je voulais» exprime Isabelle (F1GB). André
(F1GB) admet : « Ça m’a fait plaisir d’avoir eux autres671
parce que ça faisait du monde un peu sur mon
côté à cause que je n’avais pas tellement de parenté » d’où l’importance de souligner une occasion si
spéciale et de partager un moment de bonheur avec des individus qui leurs sont chers. D’autre part,
quelques pratiques apparaissent qui ne furent pas mentionnées par la génération A. Il y a premièrement
la pratique relative aux dragées. Elle mérite une attention parce qu’elle est significative pour Isabelle
(F1GB) et parce que je n’avais jamais entendu parler de ce genre de variante. Isabelle (F1GB)
m’explique qu’elle avait acheté un gâteau aux fruits qu’elle avait coupé en morceau pour ensuite les
déposer dans de petites boîtes qu’elle offrait aux filles célibataires présentes à son mariage. Ce fut une
pratique importante non seulement pour la mariée mais aussi pour les invitées qui rêvaient elles aussi
d’avoir un mariage aussi féerique que celui d’Isabelle (F1GB). André (F1GB) me fait part de la pratique
de la jarretière et du décor de l’automobile des nouveaux-mariés. « Des p’tites choses qui sont le fun
qu’on se souvient pour la vie» dira-t-il en témoignant de l’importance de ces pratiques. Finalement,
chacun d’eux mentionne qu’ils partirent en lune de miel, une pratique mémorable qui marque une autre
étape du rite de passage du mariage.
La troisième génération de cette famille me fait part de pratiques ressemblant fortement à la génération
précédente. Émilie (F1GC) affirme que la réception fut traditionnelle. Avec les informations d’Émilie
(F1GC) et de Brian (F1GC), je conclus que la réception commença avec un souper. Émilie (F1GC)
mentionne qu’ils pratiquèrent la tradition de la jarretière en exposant en même temps une autre pratique
que les deux générations précédentes ne mentionnèrent pas : le lancer du bouquet. Cette pratique avait les
mêmes intentions que celle de la jarretière mais était prévue pour les filles célibataires. Je prends
l’occasion de mentionner que c’est la deuxième pratique novatrice qu’Émilie (F1GC) mentionne où le
rôle des femmes est mis en valeur; la première pratique mentionnée étant celle où la mère d’Émilie
(F1GC) l’accompagna, ainsi que son père, jusqu’à l’autel dans l’église. D’autre part, le couple indique
qu’ils célébrèrent leur mariage avec leurs invités. Brian (F1GC) indique que selon lui, il était important
de parler à chacun d’eux afin de les remercier de célébrer avec eux. « I cherish family being there for
it672
». D’autre part, Émilie (F1GC) aurait de toute évidence longuement réfléchi à ce que lui apportait le
mariage. Elle avait compris que le mariage se faisait en une série d’étapes qui lui permettaient d’accéder
à un nouveau statut. D’ailleurs, elle le dit elle-même : «C’est ma journée de changement de vie, de
laisser aller l’enfance, se préparer à être plus mature, à avoir des enfants, à être moins attachée aux
parents.» Et elle en dégage même les valeurs telles que « l’autonomie, la sécurité et la réussite. Être plus
indépendante. Des valeurs de prendre soin de moi-même.» Tout comme Isabelle (F1GB) et André
(F1GC), Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) partirent en lune de miel.
Thérèse (F2GA), la deuxième famille à l’étude, décrit la réception de son mariage en peu de mots mais je
peux quand même y entrevoir l’aspect traditionnel qui était véhiculé. Les nouveaux-mariés et les deux
familles s’étaient réunis au domicile des parents de Jacques (F2GC). La maison était décorée de cloches
671
Il s’agit des invités au mariage ; famille et collègues de travail. 672
En parlant du mariage.
142
qui symbolisaient le mariage. On jouait de la musique country et puis on dansait des danses carrées « il y
a toujours quelqu’un dans la salle qui peut caller » me dit-elle.
La seconde génération de cette famille fait part d’une nouvelle pratique. Cette dernière avait une facette
économique. Entre autres, Christine (F2GB) et Alain (F2GB) organisèrent un stag and doe wedding.
Ceci permettait à tous ceux qui connaissaient les mariés, d’acheter un billet d’entrée et de célébrer leur
joie avec eux. Ainsi, à leur mariage, plus de cinq cent personnes étaient présentes à la réception. Alain
(F2GB) se remémore les traditions qui lui sont chères. Il mentionne la première danse des nouveaux-
mariés, la danse des parents du couple, les invités qui cognent sur les assiettes demandant aux nouveaux-
mariés de s’embrasser, entre autres. Il mentionne aussi qu’un souper était servi et un groupe musical
jouait de la musique Rock and Roll durant la soirée. Christine (F2GB) retient de la cérémonie que ses
amis y étaient et que tout le monde était content. Durant la soirée, Alain (F2GB) lança la jarretière aux
hommes célibataires alors que Christine (F2GB) lança un bouquet de fleurs aux filles célibataires. De
plus, elle ouvrit la danse avec son père.
La réception de mariage de Scott (F2GC) et Valérie (F2GC) fut encore plus différente. Valérie (F2GC)
avait choisi de ne pas servir un souper parce qu’elle croyait que les discours habituels qui ont lieu
pendant ce repas étaient ennuyants. Alors, au lieu du repas traditionnel qui fut servi au mariage de ses
parents et de ses grands-parents, Valérie (F2GB) choisit de servir des hors d’œuvres ainsi qu’une variété
des déserts, fromages et crudités. Elle regrette pourtant de ne pas avoir suivi la tradition du souper
traditionnel. Selon elle le temps a avancé trop vite et les mariés ne purent ouvrir la danse des nouveaux-
mariés qu’à vingt-trois heures. Valérie (F2GB) me dit aussi que son beau-frère a refusé de danser sur ses
bas. Elle laissa cette tradition de côté constatant que les Anglophones n’étaient pas familiers avec celle-ci.
Tout comme les autres fêtes, la réception du mariage venait rompre avec le quotidien. Son essence
insistait sur des pratiques conviviales alors que les familles et amis se livraient à des émotions et
sentiments que les nouveaux-mariés purent ressentir et apprécier en y déterminant la valeur.
L’entrée en ménage : le début de la vie à deux
Comme mentionné, chacune des informatrices s’était préparée pour son entrée en ménage. L’acquisition
de biens s’était faite de façon différente. Les couples de la génération A et B attendirent après le mariage
pour entrer en ménage. C’était ce qui devait se faire à leur époque, dans le respect des conventions
sociales. Les couples de la génération C quant à eux entrèrent en ménage avant le mariage et
bénéficièrent quand même d’un shower de mariage. Le fait qu’ils reçurent des cadeaux pour la mise en
ménage indique que la coutume était encore bien ancrée dans les mœurs même si les couples possédaient
déjà tout ce dont ils avaient besoin.
Je constate par les informations fournies que Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) menèrent une vie de
pionniers. Une fois mariés, ils se trouvèrent un appartement dans lequel il y avait un poêle à bois. Ils le
meublèrent avec le peu de meubles qu’ils possédaient. Ils décrivent qu’ils venaient à peine de connaître
l’électricité et que ce fut quelque temps avant qu’ils se procurèrent d’un réfrigérateur. Je peux déduire à
partir des données qu’ils me fournissent au sujet de la vie domestique, que Jeanne (F1GA) et Gérard
(F1GA) retrouvaient dans leur demeure le confort, le bien-être, le bonheur, la joie…
143
Pour André(F1GB), un enfant unique, la famille était très importante. Il choisit alors d’habiter dans le
bloc appartement de ses parents. Il s’assurait aussi de leur donner un coup de main avec les propriétés
qu’ils possédaient s’étant rendu compte qu’ils se faisaient de plus en plus âgés et que physiquement, ils
étaient devenus incapables d’accomplir certaines tâches. Dans leur appartement, tout était neuf. André
(F1GB) avait laissé Isabelle (F1GB) choisir tous les meubles. Elle y apporta évidemment son trousseau.
Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) cohabitèrent ensemble avant le mariage tel que déjà mentionné. De plus,
ils avaient aussi quitté le foyer familial quelques années avant leur cohabitation pour aller étudier.
Lorsqu’ils décidèrent de déménager ensemble, ils se retrouvèrent avec un surplus de meubles et d’items
divers que chacun d’eux avait accumulé. Ils durent aussi s’ajuster aux habitudes de l’un et l’autre; une
tâche qui ne s’avéra pas si facile.
Pour leur entrée en ménage, Thérèse (F2GA) et Jacques (F2GA) louèrent un petit appartement en ville et
purent jouir des appareils électroménagers qui étaient fournis et inclus dans le prix du loyer.
Christine (F2GB) et Alain (F2GB) louèrent aussi un appartement. Dans leur jeunesse, tous deux avaient
habité le même quartier de la ville : un quartier francophone. Alain (F2GB) m’indique que leur
appartement était dans un quartier anglophone « alors c’était un peu différent ». Christine y apporta son
petit trousseau ainsi que tous les cadeaux qu’elle avait reçus lors de son shower de mariage.
Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) cohabitèrent ensemble avant le mariage, tel que déjà mentionné.
L’appartement qu’ils choisirent était attaché à la maison des parents de Scott (F2GC). Celui-ci put
continuer d’aider à son père pour l’entretien et l’aménagement paysager. Même si le couple cohabita
ensemble avant le mariage, un shower fut organisé et le couple put jouir d’un surplus d’items pour ajouter
à ce qui avait déjà été accumulé.
Je ne peux m’empêcher de mentionner que deux des informateurs choisirent de demeurer dans un
appartement attaché à la résidence de leurs parents. Tous deux m’informèrent qu’ils continuèrent d’aider
leurs parents dans diverses tâches. L’importance que les informateurs accordent à leur famille, à leurs
parents, serait certainement à soulever.
L’éducation des enfants : valeurs familiales et importance du milieu scolaire
Les parents ont comme rôle fondamental d’éduquer leurs enfants. Mon étude démontre que les
Canadiens-français et les Franco-Ontariens ont recours à des principes éducatifs semblables. Voyons ce
que je peux dégager des pratiques relatives à l’éducation ainsi que les valeurs qui leur sont associées.
Lorsque je demande à Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) de me parler de l’éducation de leurs enfants,
Gérard (F1GA) me répond : « C’était l’école française, c’était la seule école. » Le ton de cette affirmation
mérite une explication. On pourrait croire que Gérard (F1GA) avoue qu’il n’y avait qu’une école
francophone dans la région où la famille habitait. En étudiant les statistiques sur la population
francophone de la région du Nord-Est de la province ce ne serait pas surprenant qu’il en ait été ainsi.
Pourtant, ce que Gérard (F1GA) veut dire c’est qu’aucune autre option que l’école française n’aurait pu
être envisagée. Il ajoute aussi que les éducatrices étaient des religieuses. Ainsi, en allant à l’école, les
enfants de Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) recevaient un enseignement qui tenait compte de leurs plus
144
grandes valeurs : la langue française et la religion catholique. De surcroît, ils m’informent de la crise des
écoles secondaires des années 1970. D’ailleurs, Gérard (F1GA) s’opposait grandement au fait que ses
enfants devaient fréquenter une institution anglophone une fois au palier secondaire. Grâce à un effort
collectif, une école secondaire francophone fut fondée et Gérard (F1GA) en était fier. D’autre part, le
couple explique qu’il éduqua ses enfants en les responsabilisant par l’attribution de tâches diverses.
« Nos enfants, il fallait qu’ils aient la base agricole. » De plus, le fait qu’on précise que les enfants
devaient aussi s’occuper de temps à autre de leurs frères et sœurs plus jeunes témoigne qu’ils devaient
aussi s’adonner aux tâches ménagères. Il est à noter que Jeanne (F1GA) a déjà expliqué que ce fut elle
qui éleva la plus jeune de ses sœurs. Je déduis ainsi que c’est une pratique coutumière familiale rurale
puisque les tâches relatives à l’agriculture et à l’élevage du bétail semblaient très exigeantes.
Relativement à ce qui vient d’être dit, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) affirment qu’il est très important
d’enseigner à leurs enfants de toujours travailler vigoureusement, efficacement et intelligemment. Pour
eux, le travail est donc une valeur.
Isabelle (F1GB) et André (F1GB) disent qu’ils « suivirent la routine » en ce qui a trait à l’éducation des
enfants. « Les filles allaient à l’école catholique première des choses, très important. » « Elles allaient à
l’école française; une autre chose qui était très importante » disent-ils. Donc parce que les informateurs
avouent l’importance de l’école catholique francophone, ils y accordent évidemment une importance.
Aussi, il faut souligner qu’Isabelle (F1GB) et André (F1GB) m’informent qu’ils vécurent la crise
scolaire des années 1970673
. Ils observèrent de près les disputes entre le gouvernement et les
Francophones. Sous leurs yeux les communautés francophones des quatre coins de la province
consolidèrent leurs efforts pour l’obtention des écoles secondaires francophones. Et finalement, ils
assistèrent à l’ouverture d’une école secondaire catholique francophone. Puisqu’ils vécurent ces tensions
et ces changements eux-mêmes et qu’ils témoignèrent de la fierté d’être Francophone, il n’est pas
surprenant que ce couple choisisse d’envoyer leurs filles à cette même école. D’autre part, Isabelle
(F1GB) m’informe de l’importance d’enseigner à ses filles à prier le soir avant d’aller au lit. Enseigner la
religion à ses filles était d’ordre primordial pour elle. Le couple me fait aussi part des valeurs qu’il avait
voulu enseigner à ses filles telles que l’institution de la famille elle-même, le temps passé en famille, le
respect, le respect envers les adultes, l’honnêteté, le travail, entre autres. Isabelle (F1GB) me fait part que
ces valeurs étaient les mêmes qui lui furent transmises par ses parents. Je dois noter particulièrement la
valeur accordée au travail que Jeanne et Gérard précisèrent lors de leur entrevue. De plus, pour Isabelle
(F1GB) et André (F1GB), il était important d’encourager leurs filles à étudier.
Émile (F1GC) quant à elle me fait part de renseignements très intéressants à propos de la conciliation des
pratiques coutumières.
« C’est plus facile de parler de coutume parce que je pense que les valeurs changent
surtout dans un mariage à différentes langues et différentes coutumes comme en
religion. Pour lui, pour mon mari, il a des coutumes que nous on ne fait pas
nécessairement qui ont peut-être une grande valeur pour lui qu’il aimerait que notre
enfant pratique. Mais ensemble ce n’est pas nécessairement que c’est MA coutume
puis mes valeurs, c’est juste quelque chose qu’on va décider de faire ensemble pour
673
En 1968, une loi fut adoptée accordant le droit aux Franco-Ontariens d’ouvrir des écoles secondaires françaises.
Parce que certains conseils scolaires hésitèrent de construire ou d’ouvrir de telles écoles, des luttes éclatèrent un peu
partout en Ontario au début des années 1970. Les Franco-Ontariens firent entendre leur cause et purent obtenir ce
qu’ils réclamaient. (Fernan CARRIÈRE, op. cit., p.318.)
145
mettre les deux nos coutumes puis les valeurs ensemble pour former notre PROPRE
coutume puis nos valeurs ».
Elle ajoute aussi qu’elle veut transmettre ses traditions parce que ce sont des souvenirs d’enfance. Ainsi,
la conciliation des pratiques se fait par préférence et selon ces informations, le choix découle de
réflexions et de discussions entre les membres du couple. Il est à remarquer qu’Émilie (F1GC) indique
bien que la conciliation n’est pas un mélange de différents aspects des coutumes pour finalement faire
une nouvelle coutume. Il s’agirait davantage d’un agencement des pratiques selon les valeurs
importantes des conjoints. Alors, si une certaine coutume est importante pour l’un des conjoints en raison
de sa valeur, le couple peut choisir de pratiquer cette coutume. En mentionnant « notre PROPRE
coutume », il s’agirait alors de diverses coutumes culturelles pratiquées pour la même occasion. D’autre
part, Émilie (F1GC) dit aussi qu’il lui est impossible de parler de valeurs religieuses parce que le couple
ne pratique par une confession en particulier avec ses enfants. Finalement, selon Brian (F1GC), les
valeurs que le couple tente de transmettre à ses enfants sont l’amour pour la famille. Une autre chose qui
est intéressante et qui mérite une attention particulière est le fait qu’il ne croit pas que les valeurs
transmises à sa femme, par ses parents soient différentes que celles qu’il a connues lorsqu’il était plus
jeune. Ainsi, les valeurs mentionnées sont peut-être davantage des valeurs sociales que des valeurs
culturelles. Quant au milieu scolaire, le couple choisit d’envoyer ses enfants à une école catholique
francophone principalement parce qu’Émilie en avait fréquenté une et parce que Brian avait fréquenté
une école d’immersion française. Émilie indique aussi que le fait d’être bilingue est un avantage. Je
déduis alors que ce choix repose sur les valeurs d’une tradition familiale ainsi que sur un avantage social
pour leurs enfants.
Pour ce qui en est de la deuxième famille, Thérèse (F2GA) admet qu’en ce qui a trait à l’éducation,
c’était la mère qui était en charge de tout. Cette affirmation montre de manière évidente le rôle de la
femme. D’autre part, les valeurs qu’elle et son conjoint tentèrent de transmettre à leurs enfants furent la
sincérité, la politesse, le respect et de ne pas hésiter à se confier à elle. Et pour me parler du milieu
scolaire, Thérèse fait la remarque que le système scolaire avait changé depuis que ses enfants aînés y
étaient passés et que les plus jeunes en avaient connu un différent. Elle tente de faire un parallèle en
mentionnant que le système scolaire s’était mis à jour. Pourtant, elle indique que même si le système
avait changé et que les principes étaient différents, ceux qui avaient trait au foyer étaient demeurés les
mêmes.
Christine (F2GB) et Alain (F2GB) quant à eux tentèrent de transmettre à leurs enfants l’amour, l’amour
pour la famille et le bonheur. D’ailleurs, ces valeurs sont véhiculées un peu partout pendant l’entrevue.
On a certainement pu le constater avec les rassemblements familiaux tels que le shower de mariage,
l’enterrement de vie de célibataire, le mariage et puis on le reverra encore lors des pratiques relatives au
temps des Fêtes, entre autres. Christine (F2GB) précise aussi qu’elle avait toujours encouragé ses
enfants à se fixer des buts, à les rejoindre, à les respecter et à les aimer. La détermination, le sens de
l’accomplissement et l’épanouissement sont alors des valeurs importantes pour elle. Quant au milieu
scolaire, leurs enfants fréquentèrent des écoles catholiques francophones du primaire jusqu’au
postsecondaire. Je tiens aussi à mentionner que les universités francophones en Ontario n’abondent pas.
146
Pour ce qui est de l’éducation des enfants de Valérie (F2GC) et de Scott (F2GC), le couple fournit des
exemples des valeurs qu’ils tentent de leur inculquer. Parmi elles se retrouvent la politesse, le respect, le
partage, les règles de courtoisie, l’amour pour la famille, entre autres. Ce sont des valeurs qui reviennent,
il faut le remarquer. D’autre part, au sujet du milieu scolaire, Valérie (F2GC) indique que le couple avait
choisi d’envoyer ses enfants à une école catholique francophone et que le choix était unanime. Mais
puisque Scott (F2GC) est Anglophone et ne comprend pas très bien le français, on pourrait croire que
c’est une décision surprenante. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que le couple a décidé que Valérie
(F2GC) allait être le parent en charge de s’occuper de l’éducation scolaire des enfants. La raison repose
sur le fait qu’elle-même occupe un emploi dans le système scolaire. Donc encore une fois, je tiens à
souligner l’importance de l’identité francophone.
Les parents se sont tous donnés comme mandat d’inculquer de bonnes valeurs à leurs enfants. D’après
les données relatives à l’éducation des enfants et d’après le nombre de valeurs identifiées par les
informateurs, le cercle familial est l’un des lieux les plus propices à l’apprentissage des valeurs. Mais les
enfants n’apprennent pas seulement les valeurs à la maison. Ils en apprennent aussi à l’école. D’ailleurs
par commodité, les informateurs ont tous opté pour envoyer leurs enfants dans des écoles catholiques et
francophones sachant que les valeurs enseignées au foyer seraient perpétuées sur le plan culturel,
religieux et linguistique.
3.3.2 Bilan des pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle
La grossesse, la naissance et le baptême se retrouvent parmi les grands moments de la vie quotidienne
profane et religieuse. Ils s’accompagnent de pratiques guidées par des symboles, des valeurs et des
sentiments. Parce que les six couples d’informateurs sont tous des parents, ils ont pu fournir des détails
importants quant à ces événements et aux pratiques coutumières en découlant.
L’accueil du nouveau né et les relevailles
Pourquoi choisit-on d’avoir des enfants? Selon les psychologues tels qu’Erik Erikson, il est très
important pour chaque individu d’atteindre des buts qui leur apporteront de la satisfaction..674
Ainsi,
pour plusieurs, le fait d’avoir des enfants leur permet d’éprouver ce sentiment d’accomplissement.
Toujours est-il que la naissance d’un enfant se retrouve parmi les grands moments de la vie. Les parents
du nouveau-né ainsi que les personnes qui les entourent accordent de multiples significations et valeurs
évoquant subséquemment plusieurs sentiments quant à ce phénomène tout à fait naturel.
Pour Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA), le choix d’avoir des enfants semblait en partie reposer sur les
valeurs de l’époque telles que la moralité, la foi, le sens du devoir et du travail… Par exemple Gérard
(F1GAM) affirme : « Si tu n’avais pas d’enfants, il fallait que tu aies un problème soit de fécondité…. »
D’autre part, leur choix fut guidé simultanément par le respect de la tradition ainsi que par la gaieté que
les enfants apportaient au foyer familial. Durant la grossesse, le couple avait comme tâche de préparer le
trousseau pour le nouveau-né. Jeanne (F1GA) dit qu’il n’y avait pas de showers de naissance à cette
époque. Elle dit aussi que suite à la naissance du bébé, l’année suivant le mariage, elle se rendit chez sa
674
Collin BAIN, Jill COLYER, Dennis DESRIVIÈRES, Sean DOLAN, Transitions, Changements et défis sociaux,
Les Éditions de la Chenelière, Montréal, 2002, p. 214.
147
mère pour les relevailles. C’était plutôt pour reprendre des forces que d’apprendre comment prendre soin
d’un nouveau né parce que Jeanne (F1GA) dit aussi que ce fut elle qui eut la charge d’élever sa petite
sœur.
Isabelle (F1GB) et André (F1GB) avaient tous deux décidés d’avoir des enfants. Ils considéraient qu’il
fallait qu’ils soient en mesure de leur donner « toutes les nécessités pour la vie ». Pour les showers de
naissance, Isabelle dit : «dans ce temps là, c’était très rare ceux qui en avaient. » D’autre part, André
(F1GB) ressentait une grande fierté à la naissance de son premier-né. Il raconte qu’il passa la nuit de sa
fête à l’hôpital en attendant sa naissance. Isabelle (F1GB) n’eut pas recours à de l’aide supplémentaire
suite à la naissance du bébé qui fut un peu plus d’un an après le mariage. Ainsi, je ne peux pas dire qu’il y
eut des relevailles. André (F1GB) dit tout de même que sa mère, qui habitait juste à côté, était là pour
« dodicher » le bébé. Aussi, lors de l’entrevue, Isabelle (F1GB) fait part d’une pratique qui était bien
importante pour elle, celle de la médaille. Entre autres, elle avait accroché une médaille religieuse à la
camisole de ses filles afin qu’elles soient protégées contre les maladies. Elle indique aussi que sa mère lui
en avait fait porter une lorsqu’elle était petite.
Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) ont toujours voulu des enfants. Le couple avait tout de même considéré
qu’il devait être bien établi et posséder une maison avant de donner naissance. Ce fut une période
préparatoire d’environ quatre ans. Pendant la grossesse, un shower de naissance fut organisé par Isabelle
(F1GB), la mère d’Émilie (F1GC). « C’était une gentillesse. Ce n’est pas quelque chose de très
important.» La mère et la belle-mère d’Émilie (F1GC) l’aidèrent avec les relevailles.
Thérèse (F2GA) m’explique qu’elle et Jacques (F2GA) voulaient avoir des enfants en précisant : « Dans
c’temps là ce n’est pas qu’on choisissait tellement, c’est qu’on en avait! » Ainsi, le premier né arriva dix
mois après le mariage. Un shower de naissance fut organisé et Thérèse (F2GA) admet que c’était à
l’époque, une pratique assez commune.675
Après la naissance de l’enfant, une cousine l’aida pour les
relevailles.
Christine (F2GB) et Alain (F2GB), avant le mariage, avaient pris la décision d’avoir des enfants. Le
couple m’informe qu’il souhaitait continuer la famille et continuer la tradition familiale. Leur premier
enfant est né deux ans après le mariage. Christine (F2GB) avoue qu’elle voulait avoir un peu de sécurité
financière avant d’avoir des enfants. Un shower de naissance fut organisé et plusieurs femmes y
assistèrent. Les hommes furent invités pour le repas à la fin du shower. Après la naissance du bébé, la
sœur de Christine (F2GB) était allée chez-elle pour les relevailles.
Valérie (F2GC), au début de la vingtaine, ne voulait pas avoir d’enfants. Elle changea d’idée vers le
milieu de la vingtaine; Scott (F2GC) lui ayant dit qu’il n’y aurait pas de mariage s’ils n’allaient pas avoir
d’enfants. Il avait toujours voulu avoir des enfants et ceci était très important pour lui. Aussi, le couple
voulait être bien établi et avoir de bons emplois stables avant l’arrivée des enfants. Le premier enfant est
arrivé trois ans après le mariage. Un shower de naissance fut organisé par Christine (F2GB) la mère de
Valérie (F2GC) avec l’aide de ses sœurs et ses nièces. Valérie (F2GC) m’avoue qu’elle avait fait une
675
Il est à remarquer que Jeanne, qui a donné naissance à son premier enfant à la même époque que Thérèse (vers le
milieu des années 1950) indique qu’il n’y avait pas de shower de naissances à l’époque. En constatant cette
différence dans les réponses, je conclus que c’est en raison de leur différent milieu d’appartenance.
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liste de cadeaux et qu’elle avait reçu TOUT ce qui était sur sa liste. L’intonation de sa voix montre
comment elle appréciait la générosité des invitées. Après la naissance du bébé, Scott (F2GC), Christine
(F2GB) et la mère de Valérie (F2GB) l’avaient aidé pour les relevailles. De plus, les parents de Valérie
(F2GB), Christine (F2GN) et Alain (F2GB), avaient préparé la maison en faisant un très grand ménage
pour l’arrivée du nouveau-né. Tout était propre, tout était frais. C’était comme un nouveau
commencement.
Donc on voit bien que la génération A suivit les normes et les valeurs de l’époque et n’eut pas à
considérer certains facteurs avant d’avoir des enfants parce qu’il était presqu’inconcevable de ne pas en
avoir. Les couples de la génération B avouent qu’ils voulaient une stabilité financière avant d’avoir des
enfants. Le shower de naissance semble être une pratique nouvelle dans la famille 1 tandis que dans la
famille 2, il fut organisé à chaque génération. Ce sont habituellement les mères des conjoints qui ont la
charge des relevailles.
Le Baptême
En devenant chrétien, l’enfant peut grandir religieusement. Par le baptême, les parents souhaitent suivre
la tradition familiale en élevant leur enfant avec les valeurs et principes moraux religieux. Le baptême
peut alors être considéré comme une pratique religieuse et culturelle. Je tiens à souligner que cette
tradition s’est perpétuée à travers les trois générations.
Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) m’informent qu’il était impératif de faire baptiser le bébé dès que
possible. Selon la croyance de l’époque « si quelque chose arrivait, le bébé s’en allait dans les limbes. »
On peut donc percevoir l’importance accordée à la religion et au discours du clergé. Ainsi, ce fut Gérard
(F1GA) qui amena le nouveau-né à l’église pour le faire baptiser, accompagné de ses parents et des
parents de Jeanne (F1GA). Par tradition, si le nouveau-né était une fille, il était de mise de choisir les
parents de la mère comme parrain et marraine, ce que firent Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA). « Nous
autres les Catholiques français c’était ça. » De plus, Jeanne avait demandé à ce que le bébé porte le nom
de la religieuse qui l’aida lors de son accouchement.
Pour ce qui est du baptême, Isabelle (F1GB) dit qu’il était très important pour elle que le bébé soit baptisé
le plus vite possible. Selon André (F1GB), la décision de faire baptiser ses enfants repose « sur le motif
qu’on était des catholiques puis qu’on s’était fait baptiser puis on a passé par là puis on voulait que nos
enfants soient comme nous autres.» Le baptême eut lieu dans une église catholique française. C’était
l’occasion d’accueillir l’enfant dans la communauté chrétienne. Le baptême, selon Isabelle (F1GB)
n’était alors pas discutable. D’autre part, les filles d’Isabelle (F1GB) et d’André (F1GB) devaient porter
le nom de Marie tout comme la majorité des filles de l’époque. Pour le choix du parrain et de la
marraine, le principe décrit par Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) fut appliqué. Ainsi, le parrain et la
marraine de leur fille ainée furent ses grands-parents maternels. Des cadeaux religieux furent offerts au
bébé à l’occasion de son baptême.
Quelques mois après la naissance, le bébé d’Émilie (F1GB) et de Scott (F1GB) fut baptisé dans une
église catholique et francophone, la même où le couple s’était marié. « C’était juste une tradition qui n’a
pas nécessairement de valeur, c’est juste quelque chose qu’on fait normalement en tant que catholique
français » m’explique Émilie (F1GC). Brian (F1GC) admet que c’était une tradition qui était importante
149
pour Émilie (F1GC) en tant que catholique et francophone. Émilie (F1GC) indique que le couple avait
choisi de garder la même religion avec la même langue (elle veut dire anglophone protestant et
francophone catholique). Le prêtre célébra certaines parties du baptême en anglais afin que la famille de
Brian (F1GC) puisse comprendre. Pour le parrain et la marraine, ils choisirent un membre de leur famille
avec qui chacun d’eux était proche soit la sœur d’Émilie (F1GC) et le frère de Brian(F1GB).
Le bébé de Thérèse (F2GA) et Jacques (F2GA) fut baptisé à deux semaines : « On était catholique tous
les deux puis il n’y a pas de questions là, tu fais baptiser puis c’est tout. »
Les enfants de Christine (F2GB) et d’Alain (F2GB) furent baptisés dans une église catholique parce
c’était important pour eux de suivre la religion et les pratiques enseignées. Ils étaient de confession
catholique et ne voulaient pas que leurs enfants soient différents d’eux en choisissant autrement. Le
parrain et la marraine devaient être un couple. « J’étais très proche de ma belle-mère… on a juste
choisi ». Ainsi, ce furent les parents d’Alain qui furent choisi pour le premier enfant.
Les enfants de Valérie (F2GC) et de Scott (F2GC) se firent baptiser dans une église catholique parce que
tous les deux sont de cette même confession. « C’est la tradition puis moi je suis une personne très
spirituelle » me dit Valérie (F2GC). C’était aussi important pour la famille de Scott (F2GC). L’église
dans laquelle fut célébré le baptême était francophone. « Moi je suis catholique française, toute ma
famille l’est. Mon mari est catholique anglophone mais on a fait un baptême bilingue » explique Valérie
(F2GB). En tant que parrain et marraine, Scott (F2GC) avait choisi sa tante et Valérie (F2GC) avait
choisi son frère. C’était un choix unanime et Valérie m’en fera part.
Les deux premières générations de la famille 1 firent baptiser leurs bébés dès que possible en raison des
croyances religieuses. Pour elles, il semblerait que le baptême fut évocateur, transformant en ce qu’il
octroyait au bébé une sorte de liberté à accéder lui aussi au paradis. Seule la génération C attendit
quelques mois avant le baptême. La deuxième famille ne me mentionne pas cette hâte pour le baptême.
Ainsi, il se peut que cette pratique soit familiale. Pourtant, je suis portée à croire qu’elle aurait été
religieuse et culturelle et qu’elle aurait été à l’époque en voie de mutation. Ainsi, certaines familles
pratiquèrent cette coutume plus longtemps que d’autres. De plus, les deux premières générations de la
première famille choisirent le parrain et la marraine selon le sexe du bébé. Cette pratique fut révolue à la
génération C et ne fut pas mentionnée par la famille 2. J’affirme alors que la famille 1 s’adonna à des
pratiques traditionnelles familiales pour une période plus prolongée que la famille 2.
3.3.3 Bilan des pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique et le partage
des tâches
Dès la mise en ménage, les conjoints d’un couple règlent leur vie domestique en partageant les tâches.
On sait que la femme et l’homme ont joué pendant longtemps un rôle traditionnel. Par exemple, la femme
était au foyer tandis que l’homme se rendait au travail pour exercer sa profession. Pourtant, dès l’entrée
des femmes sur le marché du travail, il fut inévitable que les tâches domestiques soient redistribuées
sinon, qu’elles soient modifiées. C’est entre autres ce que les informateurs me transmettent.
150
Avant d’avoir des enfants, Jeanne (F1GA) s’occupait d’entretenir la maison, de faire le ménage, de
rentrer le bois, d’entretenir le jardin, de faire les repas… Elle ne travaillait pas à l’extérieur. Gérard
travaillait de longues heures à l’extérieur. D’ailleurs, un des aspects de leur quotidien qui leur apportait
des moments d’allégresse était les petits délices gustatifs qu’ils se préparaient. Par exemple, Jeanne
(F1GA) et Gérard (F1GA) me disent que le pain était fait à la maison. Ils se préparaient des crêpes, les
garnissaient de sucre brun ou de confiture et les roulaient, faisaient frire des patates sur le poêle à bois
pour en faire des croustilles. Ils s’étaient fait un petit jardin sur un morceau de terre emprunté au CP.
Aussi, ils allaient chez le boucher au besoin et Gérard étant laitier, apportait le lait. Un peu plus tard, ils
s’achetèrent une terre et y pratiquèrent tous les travaux relatifs à l’élevage et à l’agriculture. Je dois aussi
souligner, pour les pratiques de la vie domestique, le fait que Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) parlent
encore de religion. Ils mentionnent que le crucifix était très important dans le foyer et vont jusqu’à dire
que le fait d’en avoir un accroché dans la maison « c’était Canadien-français ». « Il me semble que si on
ne l’a pas, il nous manque quelque chose ». Après l’arrivée des enfants, Jeanne (F1GA) avoue que ses
tâches au foyer furent les mêmes, mais cette fois-ci en plus grande quantité. Son rôle était non seulement
de s’occuper du foyer mais aussi des enfants.
Après le mariage, Isabelle (F1GB) se chargea de faire le lavage, le ménage, le repassage, les repas…
parce qu’elle « n’avait rien d’autre à faire » dira-t-elle. Elle dit aussi que c’est de la façon qu’elle fut
élevée parce que sa mère « faisait tout ». Elle ne faisait que continuer ce qui lui avait été montré. Isabelle
(F1GB) fit son entrée sur le marché du travail une fois que tous ses enfants étaient en âge d’aller à
l’école. Pourtant, après l’arrivée des enfants, les tâches d’Isabelle (F1GB) s’accumulèrent. Elle continua
d’effectuer les mêmes tâches domestiques qu’auparavant tandis qu’André (F1GB) continua à travailler
hors du foyer pour rapporter de l’argent. Je dois aussi ajouter qu’André (F1GB) affirme avoir joué un
grand rôle dans la vie de ses enfants, en s’occupant d’eux lorsqu’il ne sera pas au travail. Il dit que sa
femme Isabelle (F1GB) fut pour leurs enfants « un docteur, une garde-malade… » De nos jours,
Isabelle (F1GB) et André (F1GB) m’indiquent que les tâches domestiques sont partagées parce
qu’Isabelle (F1GB) a un emploi hors du foyer.
Quant à Émilie (F1GC) et Brian (F1GC), puisque tous deux étaient sur le marché du travail lors de leur
entrée en ménage, les tâches domestiques durent être divisées et partagées différemment de ce que
connurent les générations précédentes. Émilie (F1GC) admet que la cohabitation nécessitera un certain
ajustement parce que Brian (F1GC) et elle (Émilie F1GC) étaient habitués à leur propre routine. Tout de
même, les tâches principales d’Émilie (F1GC) étaient le ménage et la cuisson et une partie du lavage,
l’autre partie étant laissée à Brian (F1GC). Brian (F1GC) s’occupe principalement de l’extérieur comme
tondre le gazon, pelleter la neige bref, accomplir les tâches qui nécessitent une certaine force physique.
Émilie (F1GC) précise finalement : « Je ne pense pas qu’il y a vraiment une responsabilité en spécifique.
C’est juste quelque chose, il y a des choses que je suis plus confortable à faire ou bien que je fais mieux
que lui. Ce n’est pas juste des tâches d’homme ou de femme! C’est qu’est-ce qu’on peut faire quand on
peut le faire ; qui peut le faire en premier!» Brian (F1GC) affirme presque la même chose en admettant
que les rôles sont probablement traditionnels et que chaque conjoint accomplit les tâches qui lui sont
familières. Avec l’arrivée des enfants, le partage des tâches est le même sauf qu’il y a maintenant un
besoin « d’organisation » selon Émilie (F1GC). Brian (F1GC) admet la même chose.
151
Quant aux rôles, Thérèse (F2GA) admet : « Dans c’temps là la femme elle faisait tout !» Elle précise que
parce qu’une fois mariées, les femmes devaient rester au foyer et prendre soin du logis. « Dans c’temps là
c’était comme ça ». Les tâches de l’homme, et donc de Jacques (F2GAM) étaient de payer le loyer et de
rapporter de l’argent. Après l’arrivée des enfants, il y avait plus de tâches à faire. Le partage des tâches
n’avait pas changé.
Pour Christine (F2GB) et Alain (F2GB), le partage des tâches était le suivant : Christine (F2GB)
nettoyait, faisait le lavage la vaisselle, les repas. Alain admet qu’à son entrée en ménage, il ne faisait pas
beaucoup de tâches ménagères mais qu’au fil du temps, les choses changèrent et il s’y prêta. Alain
(F2GB) indiqua à Christine (F2GB) à l’époque qu’elle n’avait pas à travailler hors du foyer. Vint par la
suite leur premier enfant. Alain (F2GB) souligne que son rôle et ses tâches changèrent soudainement en
raison de coupures budgétaires. Il (Alain F2GB) fut mis à pied temporairement et Christine (F2GB)
décida de se trouver un emploi. Ainsi, il resta à la maison pour prendre soin de son enfant jusqu’à ce
qu’il retourne au travail. Il entreprit d’effectuer les tâches ménagères à son tour. Lors de l’entrevue,
Alain (F2GB) parle de la sagesse de son épouse, mère de ses enfants et est ému devant ses affirmations.
Le fait de se remémorer de tels souvenirs suscite chez lui une prise de conscience. Il venait de
m’indiquer certains des moments de sa vie qu’il considérait comme étant parmi les plus chers; des
moments de bonheur qu’il croyait effacés de sa mémoire. Il est surpris par sa capacité à se rappeler
plusieurs souvenirs qui étaient alors pour lui chargés d’émotions.
Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) étaient tous deux sur le marché du travail lors de la mise en ménage
alors les tâches étaient divisées. Valérie (F2GC) s’occupait de nettoyer les salles de bain, faire
l’époussetage et le lavage… Parce qu’elle n’a jamais aimé cuire, la tâche de faire les repas a été attribuée
à Scott (F2GC) qui avoue aimer cuisiner. En plus, Scott (F2GC) avait comme rôle d’effectuer les tâches
qui nécessitaient une force physique comme pelleter la neige et tondre la pelouse par exemple. Avec
l’arrivée des enfants, les tâches sont maintenant divisées « cinquante-cinquante» comme le dit Valérie
(F2GC). Elle donne deux raisons pour expliquer cette division des tâches. Premièrement, elle dit que
Scott (F2GC) adore les enfants et veut jouer un rôle actif dans leur vie. Deuxièmement, elle dit qu’il
devrait nécessairement avoir un partage des tâches parce que Scott (F2GC) et elles ont tous deux un
emploi à temps plein.
Ainsi, il semblerait que les rôles traditionnels soient endossés par commodité, sans remise en question.
Les deux premières générations de chaque famille montrent bien l’adhésion à ces rôles traditionnels
même si pour l’une d’elles, soit la deuxième génération de la famille 2, la femme soit entrée sur le
marché du travail alors que l’homme était au foyer en attendant que l’économie se rééquilibre. Pour la
génération C des deux familles, les femmes sont sur le marché du travail. Les rôles traditionnels ne sont
plus aussi structurés et codifiés qu’il l’était pour les deux générations précédentes. Pourtant, on peut tout
de même entrevoir que certaines pratiques associées au rôle traditionnel sont maintenues.
3.3.4 Bilan des pratiques coutumières : le cycle saisonnier
J’avais mentionné au chapitre 2 que pour repérer les valeurs traditionnelles dans les pratiques
coutumières j’avais choisi de recueillir des données ayant trait à l’un des temps de l’année les plus
ritualisés en raison du nombre et de la concentration de pratiques sur une période circonscrite dans
152
l’année, soit celui du temps des Fêtes. La quantité substantielle d’informations que me fournirent les
informateurs est bel et bien la preuve que le temps des Fêtes est fortement réglé par des pratiques
auxquelles sont associées certaines valeurs.
Le temps des Fêtes : de l’essence à l’essentiel
Le temps des Fêtes était un temps de renouveau pour Jeanne (F1GA). La maison était lavée au complet
pour la rafraîchir. L’odeur des tourtières, boulettes, jambons, tartes au sucre et autres desserts inondait le
foyer qui se préparait à être aménagé pour ensuite être décoré. Le fait de tout préparer pour cette période
de festivités : « C’était une grosse tâche », mais qui en valait certes la peine. Les pratiques les plus
importantes pour ce couple était, et est encore, la Messe de minuit à Noël, le repas de Noël, le sapin ainsi
que les rassemblements de famille. Je souhaite aussi préciser que Jeanne (F1GA) réfléchit à ces propos
en avouant : « Si on ne se rencontrerait pas à Noël, quand est-ce qu’on se rencontrerait? » Alors, Noël est
un temps de famille pour eux. Les Fêtes se passaient dans les maisons. C’était un temps de
réjouissance, de bonheur, de rires et de joies. Le couple témoigne aussi que les rassemblements étaient
jadis au Jour de l’An et que la veille, les gens faisaient des guignolées qui se déroulaient jusqu’aux petites
heures du matin alors que certains jouaient du violon et d’autres chantaient. Les portes étaient toujours
ouvertes aux « guignoleux » et ces derniers étaient accueillis chaleureusement. « Astheure mon vieux tu
fais ça puis ils te mettent dehors!» me font comprendre les informateurs. Je perçois qu’ils ressentent une
certaine nostalgie des Noëls d’antan. Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) disent que désormais le temps
des Fêtes n’est plus le même. « On dirait que le monde est trop gâté. On dirait qu’il n’y a pu rien de
drôle. » « Ils ont perdu le monopole des valeurs. Ils ont une autre vision totale ». Il est très évident que
ce couple valorise les pratiques du temps des Fêtes de sa jeunesse.
Isabelle (F1GB) et André (F1GB) me font part que le temps des Fêtes est une période de l’année remplie
de significations. Premièrement, il y a l’aspect religieux dont l’importance est de célébrer la naissance de
l’Enfant Jésus. Le temps des Fêtes c’était aussi le temps de rassemblements, où l’on recevait et
accueillait la parenté. D’ailleurs, il semble même que les foyers des parents d’Isabelle (F1GB) et
d’André (F1GB) servaient souvent de lieux de rassemblements. C’était le temps de sortir les violons, les
guitares, les accordéons, de chanter des chansons à répondre, de danser tard dans la soirée. Les gens
étaient heureux et les enfants aussi en découvrant ce qui avait été laissé sous le sapin. Dans la
préparation des festivités et par tradition, « les femmes étaient au poêle» et s’afféraient à la cuisine qui
était, selon Isabelle beaucoup d’ouvrage. Les hommes, quant à eux, s’égayaient en profitant de
l’occasion pour contempler le bonheur de leurs familles. Ce qui est important pour Isabelle est le fait que
ses enfants et ses petits enfants connaissent ces traditions familiales même si elles se sont modifiées un
peu (par exemple le sapin est artificiel, le lieu de rassemblement est dans une salle et les chansons à
répondre chantées par les grand-mères ont été remplacées par des jeux). Elle se réjouit du fait qu’ils ont
l’occasion de rencontrer toute la famille et la parenté. André, quant à lui, jouit grandement de ces
célébrations parce qu’il est entouré de ceux qu’il aime.
Pour Émilie (F1GC) et Brian (F1GC), le temps des Fêtes a tout autant de significations. Ce qui est
essentiel pour eux est de se retrouver en famille pendant cette période de l’année. D’ailleurs, en raison de
leurs emplois, il est un peu difficile de faire synchroniser leurs horaires, mais ils se réjouiront lorsqu’ils
auront un peu de temps pour fêter ensemble et avec leur famille, même s’il s’agit de quelques heures. Ce
qui est aussi important pour Émilie (F1GC) est le fait que le déroulement de cette période demeure le
153
même aujourd’hui, après toutes ces années. Elle souligne par exemple les repas traditionnels, l’ouverture
des cadeaux qui se déroule toujours le 24 décembre, la visite du Père Noël qui apporte des cadeaux, les
femmes qui font la cuisine et le nettoyage et les hommes qui en profitent pour prendre quelques bières
ensemble. Le fait que Brian (F1GC) admet qu’il accorde au temps des Fêtes la même signification
qu’Émilie (F1GC) et que ce qu’il considère comme étant essentiel pour cette période de l’année est tout à
fait semblable, témoigne que le fondement ou bien le thème général des pratiques est commun à toutes
les cultures. De plus, le temps des Fêtes s’applique à la Chrétienté au complet. Ainsi, la composante
religieuse de cette période est inévitablement la même pour ces deux conjoints. Or, j’admets aussi d’après
les informations fournies par ce couple que par la force des choses, chaque culture, en parlant de la
culture canadienne-française et la culture anglo-saxonne, s’est dotée de son propre cachet de pratiques, de
symboles et de valeurs distincts.
Thérèse (F2GAF) mentionne elle aussi que le temps des Fêtes signifiait que les gens devaient s’apprêter
aux préparatifs pour la grande fête de Noël. Il était question d’acheter les cadeaux, décorer les maisons,
aller à la messe de minuit, préparer le réveillon, entre autres. Le rôle des femmes était de préparer les
décorations et les repas et le rôle des hommes était de décorer à l’extérieur. Elle mentionne elle aussi que
le réveillon était une célébration très importante. Il s’agissait d’aller à la messe de minuit, puis du
dépouillement des cadeaux suivi des autres festivités. Ce qui est intéressant c’est qu’elle déclare que le
déroulement du temps des Fêtes qu’elle connut dans sa jeunesse est à peu près le même aujourd’hui.
« Les pratiques ça va de génération en génération, ça ne CHANGE pas tellement. » Le fait qu’elle élève
la voix un peu lorsqu’elle parle indique qu’elle souhaite souligner le fait qu’elle n’a pas remarqué que des
changements ont eu lieu dans les pratiques familiales. Pourtant, elle remarquera quand même que, de nos
jours, la modernité a laissé sa marque sur cette période de festivité. L’exemple qu’elle fournit est celui
qui a rapport avec les étrennes en admettant que « le monde dépense beaucoup trop d’argent maintenant
pour le temps des Fêtes ». L’essentiel pour elle est de se retrouver en famille : « surtout avec nos enfants.
S’ils ne sont pas là il n’y en aura pas de Noël ». Cette dernière affirmation montre jusqu’à quel point il est
important de se retrouver en famille à Noël.
Pour Christine (F2GB) et Alain (F2GB), le temps des Fêtes signifie un temps de réjouissances, un temps
de famille, un temps de partage… Ce qui est essentiel est le temps passé en famille et de ressentir l’amour
qui les unit. Pourtant, Christine (F2GB) affirme que le temps des Fêtes n’est plus le même depuis le
décès de sa mère et de son père. Lorsqu’elle était petite, sa mère l’amenait chez sa grand-mère pour Noël
et le réveillon. Elle dit que ces célébrations étaient GROSSES. L’intonation de la voix souligne
l’ampleur de celles-ci. Au fil des années, les festivités avaient encore autant d’opulence mais se
déroulèrent au jour de l’An parce que la famille devenait plus grande et il devenait presqu’impossible de
rassembler tout le monde de la même famille le 24 et le 25 décembre. Le premier janvier libérait plus de
membres de la famille qui purent ainsi se rassembler. Parce que celle-ci grandissait de plus en plus, il leur
fallu louer une salle. Une importance a toujours été rattachée à la veille de Noël et à ses rassemblements.
Pour cette raison, depuis quelques temps Christine (F2GB) et Alain (F2GB) accueillent leur famille chez-
eux. Pourtant, le fait qu’on demande à Christine (F2GB) de changer cette pratique familiale fait monter
en elle une certaine nostalgie perceptible dans sa voix. Elle dit « ça va être un CHANGE pour moi …
mais on n’est pas chez-nous dans notre région». Elle est tout de même très heureuse de célébrer avec sa
famille mais est bien consciente que ce qu’elle avait connu comme pratique est maintenant appelé à être
modifié quelque peu alors que sa fille assume la responsabilité de prendre la relève. Pour Alain (F1GB),
154
ces pratiques sont chargées de souvenirs bien présents dans son esprit et dans son âme et rappellent des
émotions. Ces dernières en évoquent d’autres lors de l’entrevue. Notamment, il le dit, le plus important
est de « partager notre temps avec nos enfants ».
Pour Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) le temps des Fêtes est un temps de rassemblement et ceux-ci sont
essentiels. Je tiens à préciser avant de dégager les pratiques et les valeurs que Scott (F2GC) a avoué que
sa famille et la famille de Valérie (F2GC) ont toutes les deux les mêmes traditions en ce qui concerne les
Fêtes. Ainsi, il n’y eut pas d’écarts trop marqués lorsque les conjoints participèrent aux pratiques
culturelles de l’une ou de l’autre famille. Valérie (F2GC) indique que dans sa famille, même si les
soupers de Noël avaient lieu dans différents foyers dans sa jeunesse, les pratiques demeuraient les mêmes
telles que la nourriture, les bas de Noël le matin, les rassemblements, les chants « évidemment c’est
traditionnel. On fait ça à toutes les années. C’est important, ça fait partie des Fêtes! » Elle indique aussi
qu’elle ADORE DONNER. D’ailleurs, elle le dit elle-même, elle essaie toujours de trouver un cadeau
spécial pour chacun d’eux. Donc sans aucun doute, la valeur véhiculée à travers ce geste est le partage.
De plus, Valérie (F2GC) explique que lorsqu’elle est en famille il est important d’ÉCOUTER et de
« participer activement aux discussions ». Voilà qu’elle affirme qu’en démontrant un intérêt dans ce que
ceux qui l’entourent ont à dire, elle leur fait part de tout son respect. D’autre part, elle soulève que
pendant le temps des Fêtes, le rôle de la femme est de faire la cuisine pour les repas de famille, ainsi que
les tâches relatives. Le rôle de l’homme sera d’aider aux femmes si le besoin se présente, de nettoyer
après l’ouverture des cadeaux… Pourtant, puisqu’elle n’aime pas faire la cuisine, c’est Scott (F1GC) qui
s’occupe des plats traditionnels du temps des Fêtes. Valérie (F2GC) fait tout de même un effort pour
préparer certains mets traditionnels pour cette occasion spéciale. C’est alors, comme déjà mentionné, un
grand changement dans les traditions familiales relatives aux rôles des sexes. Toutefois, en ce qui a trait
aux autres pratiques du temps des Fêtes, Scott (F2GC) admet que le couple n’ajouta et ne modifia pas les
pratiques traditionnelles.
Le temps des Fêtes est un temps traditionnel où les pratiques sont très importantes. C’est évidemment un
temps de famille, d’amour, de partage, d’écoute. Certains des informateurs indiquent que le temps des
Fêtes est soumis à des changements. Pourtant, de toute évidence, les informateurs me font part qu’ils
conservent l’essence des pratiques traditionnelles relatives à cette période festive. Dans chacune de leur
mémoire sont bien ancrés des souvenirs d’enfance, de véritables valeurs qui entrainent en retour la
pratique de coutumes qui deviennent « essentielles ». De plus, on me dit aussi que les pratiques
culturelles canadiennes-françaises et anglo-saxonnes du temps des Fêtes sont très similaires. Les couples
en mariage mixte n’eurent donc pas à choisir parmi les coutumes à pratiquer avec leurs enfants. Dans
quelques décennies, ils fouilleront aussi dans leurs souvenirs et caractériseront le temps des Fêtes comme
étant ceux du bon vieux temps.
Noël : son fondement, son essence et ses souvenirs d’enfance
Au fil des années, plusieurs coutumes se sont greffées à la fête de Noël. Au chapitre 2, les coutumes
décrites par les informateurs sont dans leur fondement et dans leur essence les mêmes. Les familles ou
bien même les générations définissent à leur façon certains aspects coutumiers en mettant un accent plus
prononcé sur ceux qui leur apportent le plus de sens et qui sont porteurs de plus de valeurs.
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Les pratiques coutumières qui sont à dégager de l’entrevue de Jeanne (F1GA) et de Gérard (F1GA) sont
les suivantes. Il était premièrement impératif d’aller chercher un sapin dans la forêt. Plusieurs émotions
sont rattachées à cette pratique. Ce qui est aussi important de retenir c’est que le sapin faisait appel au
sens de l’odorat. Noël avait alors une senteur. Également, le Père Noël était présent dans les croyances.
On me précise aussi que ce n’était pas les enfants qui choisissaient les cadeaux mais bien le Père Noël.
Les cadeaux étaient alors une vraie surprise. Le fait d’assister à la messe de minuit était important et plus
spécifiquement, on s’y rendait en traîneau tiré par des chevaux. Mais on me dit que: « les traditions sont
tombées. Noël c’est encore Noël mais c’est totalement différent ». Il est bien vrai qu’on ne se rend plus
à l’église en traîneau mais il y a pendant les Fêtes, dans quelques régions du Nord-Est de l’Ontario, des
gens qui ont des entreprises et qui fournissent des tours de traîneaux tirés par des chevaux pour des prix
très modiques. Ces entreprises sont présentes à plusieurs rassemblements telles que les parades, les
défilés et permettent à tous de renouer un peu avec les traditions.
Une autre affirmation676
qu’il faut examiner davantage est la suivante : « Aujourd’hui … c’est la
révolution de l’abondance. Des arbres de Noël synthétique, moi je dis qu’ils ont passé au côté de la
track677
avec ça. C’est le marketing. Eux autres pour vendre aux magasins ils vont faire n’importe quoi. »
Tel que mentionné, ces informateurs rattachent à la pratique du sapin de Noël qui est cueilli dans la forêt
une très grande importance. Le fait que l’on puisse reconstituer un sapin de façon synthétique leur est
tout à fait absurde. Pourtant, leur fille Isabelle (F1GB) explique qu’elle fut obligée de laisser cette
pratique parce qu’elle ne demeurait pas sur une « terre678
» où les arbres sont abondants, et elle n’avait
pas de camion pour transporter cet arbre. Ainsi, un sapin artificiel était beaucoup plus pratique pour elle.
Je tiens aussi à indiquer qu’encore une fois, dans la majorité des villes du Nord-Est de l’Ontario, pendant
le temps des Fêtes, il est possible d’acheter des sapins naturels de toutes les grandeurs, de toutes les
sortes, à divers endroits. Il demeure ainsi que la tradition des sapins de Noël se perpétue. La dernière des
affirmations que je tiens à examiner en est une qui envisage la facette économique et commerciale de la
fête de Noël. D’ailleurs, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) expliquent que les étrennes n’abondaient pas
comme aujourd’hui, mais que les enfants se réjouissaient de recevoir une orange, un bonbon, une paire de
bas de laine… Les informateurs disent : « Sais-tu qu’est-ce qu’il y a astheure? Ils ont tout!! T’as pu rien
à mettre en dessous de l’arbre. Bien souvent t’as juste envie de leur donner 20 dollars ou 50 dollars puis
dire Va te l’acheter ton cadeau tu vas être bien plus content. » Oui, c’est peut-être la révolution de
l’abondance. Il s’agit certes de réflexions basées sur la consommation toujours plus grande qui s’est
mêlée au temps des Fêtes et qui se traduit par une surenchère de cadeaux. Isabelle (F1GB), leur fille,
m’en fait part en indiquant qu’elle demanda à ses enfants de faire une liste de jouets qu’ils aimeraient
recevoir. Aujourd’hui, il est coutume même d’envoyer des lettres au Père Noël en lui demandant de bien
vouloir apporter certains items tout en promettant de rester bien sage. En effet, Noël est commercialisé et
à chaque année sortent les bilans des dépenses encourues dans le temps de Fêtes. Malgré ces
changements, la tradition de Noël semble se perpétuer d’une génération à l’autre.
Quant à Isabelle (F1GB) et André (F1GB), ils exposent à leur tour quelques pratiques coutumières que je
dois dégager pour rejoindre ma question de recherche. Par exemple, ils disent que Noël c’est la plus belle
676
Faite lors de l’entrevue de Jeanne et Gérard. 677
Vernaculaire : signifiant passé à côté de la voie à suivre 678
Voulant dire à la campagne où l’on pratique l’agriculture.
156
fête. Dans leur jeunesse, les décorations étaient fabriquées à la main et la plupart d’entre elles ornaient
un sapin naturel. Isabelle (F1GB) fournit plusieurs détails quant à la quête de l’arbre parfait pour décorer
la maison et l’intonation de sa voix me fait savoir qu’elle accordait à cette pratique une grande
importance. Il était aussi coutume de monter une crèche sous le sapin de Noël artificiel et d’y déposer
l’Enfant Jésus symboliquement le 25 décembre. La crèche était une pratique familiale tellement
importante chez Isabelle (F1GB) dans sa jeunesse qu’elle choisit de continuer de la pratiquer avec ses
enfants. Également, parmi les autres pratiques (qui sont les mêmes aujourd’hui que celles de sa
jeunesse) il y a les cadeaux, le sapin qui sera essentiel, les décorations, les nouveaux vêtements pour
porter le jour de Noël et évidemment la gastronomie qui consiste en mets traditionnels tels que la dinde,
les patates et les desserts et des tourtières. André (F1GB) indique d’ailleurs qu’Isabelle (F1GB) suivit les
traditions culinaires de sa mère. On peut alors affirmer que les recettes traditionnelles se sont transmises.
Et puis, si l’on remarque bien, pendant l’entrevue, Isabelle (F1GB) fournit un parallèle entre les coutumes
pratiquées dans sa jeunesse et celles de sa vie adulte. Je prends alors le temps d’étudier ces changements
qu’elle indique puisque la génération A mentionne que le temps des Fêtes et Noël a changé beaucoup.
Parmi ces changements, le premier a trait aux tâches effectuées par ses grands-mères. « Noël c’est
toujours quelque chose de spécial pour moi mais il y a eu des changements parce que moi quand j’étais
petite là mes grand-mères recevaient. » Sans pour autant me fournir des raisons pour cette affirmation, je
postule que les grand-mères, dans leur vieil âge, se retrouvèrent incapables d’accomplir toutes les tâches
associées aux préparatifs pour ces festivités et inévitablement, le flambeau fut passé à la génération
suivante. Donc l’endroit des célébrations changea, et peut-être l’atmosphère aussi. Le deuxième
changement qu’elle soulève en est un qui a trait aux étrennes. Par exemple, elle m’informe que sa grand-
mère maternelle tricotait des mitaines, des bas de laine, des foulards et des chapeaux pour tous ses petits
enfants. Chaque enfant s’en réjouissait sans aucun doute sachant que ces ensembles avaient été conçus
spécialement pour eux par quelqu’un qui leur était cher. « Ça c’était un beau cadeau. » « Mes enfants ils
choisissaient dans le catalogue » me dit Isabelle (F1GB). Le troisième changement est celui qui a trait au
moment d’ouvrir les cadeaux. André (F1GB) et elle choisirent de permettre à leurs enfants d’ouvrir leurs
cadeaux avant la messe. Quand elle était petite par contre, les cadeaux étaient déballés après minuit. Ce
qui est pourtant ironique c’est qu’André m’indiquera qu’il n’y eut pas vraiment de changements dans le
déroulement des festivités de Noël. « Non parce que d’année en année ça se déroule toujours de la même
manière. » Il faut alors croire qu’André (F1GB) considère les fondements des pratiques lorsqu’il admet
qu’il n’y eut pas de changements alors qu’Isabelle (F1GB) considère les pratiques elles-mêmes.
Finalement, ils indiquent que ce qui est essentiel est le fait que toute la famille se réunisse pour cette
occasion. Les traditions qui leur sont les plus chères sont de donner des cadeaux aux enfants et aux petits
enfants et de voir tout le monde heureux. Et les valeurs qui seront véhiculées sont tous les aspects
religieux comme la messe, les cadeaux, la rencontre, les repas et les dons recueillis pour les plus démunis.
Je dois dire qu’en me faisant part de telles informations, je me rends compte que lorsque ces
informateurs m’avouent que Noël était la plus belle des fêtes, ils ne me parlaient pas nécessairement de
décorations mais bien des valeurs associées à cette fête.
Il est intéressant encore une fois d’étudier les pratiques canadiennes-françaises dans un couple mixte.
Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) indiquent qu’ils aiment tous les deux transmettre les pratiques qui leurs
étaient chers lorsqu’ils étaient jeunes. Par exemple, Émilie (F1GC) écrit des lettres au Père Noël avec ses
enfants, elle laisse des biscuits et du lait pour celui-ci la nuit de Noël ainsi que des carottes pour les
rennes. Brian (F1GC) dit que, lorsqu’il était jeune, l’ouverture des cadeaux se passait le matin même de
157
Noël. Il continue ainsi d’amener ses enfants chez ses parents le 25 décembre au matin pour continuer la
tradition. Il faut aussi mentionner qu’Émilie me fait part que le couple doit discuter de traditions
familiales. Par exemple, dans la famille à Brian (F2GC), le Père Noël n’emballe pas les cadeaux. Il y a
alors des piles distinctes de cadeaux emballés et non emballés. Dans la famille d’Émilie, tous les cadeaux
sont emballés. Parce que ce sont des détails qui sont importants, le couple doit décider de la pratique à
suivre. Quant aux valeurs les plus importantes, on me dit qu’il s’agit d’être avec la famille et la parenté
et de ressentir le bonheur des enfants. On m’indique aussi que les coutumes familiales d’Émile (F2GC)
sont davantage pratiquées pendant le temps des Fêtes parce que la parenté de Brian (F1GC) demeure au
loin. Ainsi, pour ce couple les pratiques canadiennes-françaises relatives à cette fête sont pratiquées avec
une plus grande fréquence.
Thérèse (F2GA) est l’une des informatrices qui me fournit beaucoup de détails sur les pratiques relatives
à la fête de Noël lorsque je lui ai demandé de me parler du temps des Fêtes. Ceci est donc une indication
qu’en effet, elle accorde une très grande importance à cette fête. Les pratiques principales dont elle me
fait part sont les suivantes : l’arbre de Noël, la crèche, les couronnes, les cadeaux à ouvrir après la messe
de minuit, le réveillon. Elle me dit aussi que les pratiques les plus chères de sa jeunesse sont la
préparation des tourtières et les cantiques de Noël qu’elle chantait. Aussi, dans sa jeunesse, sa famille
avait comme coutume de circuler en traîneau pour aller souhaiter un joyeux Noël à la famille ainsi qu’aux
voisins. C’était l’occasion de manifester les vœux de bonheur et de joie et de partager de moments
d’allégresse. Néanmoins, tout comme la génération A de la famille 1, elle explique longuement
qu’aujourd’hui les enfants reçoivent beaucoup trop de cadeaux à Noël. « Tu sais ce n’est pas pareil puis
c’est tout exagéré », « le monde dépense beaucoup trop d’argent maintenant pour le temps des Fêtes ».
C’est à travers de ce que les informateurs me révèlent, que je comprends le message qu’ils tentent de me
transmettre : la vertu principale de Noël devrait demeurer la générosité. Ainsi, la pratique des étrennes ne
devrait pas être dictée par l’abondance. L’essentiel pour elle est de se retrouver en famille : « surtout avec
nos enfants. S’ils ne sont pas là il n’y en aura pas de Noël ». Cette dernière affirmation montre jusqu’à
quel point il est important de se retrouver en famille à Noël. Pour parler d’autres changements, Thérèse
(F2GA) m’indique qu’elle s’était amusée, il y a quelques années, à coller des photos de bébé sur les
cadeaux qu’elle offrait à ses petits-enfants au lieu d’écrire leur nom dessus. Elle garde de bons souvenirs
de cette activité.
Christine (F2GB) et Alain (F2GB) m’informent que les pratiques qui leur sont les plus chères sont les
visites de la famille, le réveillon, les festivités de la veille de Noël, les repas traditionnels avec le jambon,
les tourtières, la farce, le sucre à la crème et autres desserts…. C’est le rôle des femmes de préparer toute
cette nourriture. Le rôle de l’homme demeure dans la décoration extérieure et intérieure comme
assembler le sapin de Noël par exemple. Ces informateurs me disent que ce qui est important pour eux
sont les rassemblements et les repas en famille. Ils attachent une très grande valeur à ces pratiques et
indiquent aussi que le fait de voir les gens heureux était aussi une valeur. Je remarque, à travers leurs
récits, que cette famille tient bien à cœur le fait d’être ensemble pour cet événement bien spécial. En
effet, on me raconte que même si leur « maison était pleine de monde » ils s’excusèrent pour un bref
moment, le temps d’aller chercher leurs parents qui étaient malades et de les ramener avec eux afin qu’ils
puissent eux aussi passer un beau Noël. Les émotions de Christine (F2GB) sont perceptibles lorsqu’elle
me fera part de telles informations. « Ça ne marchait plus … La maladie était arrivée là tu sais? » Je dois
aussi souligner que Christine (F2GB) et Alain (F2GB) m’indiquent à quelques reprises que la façon de
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célébrer Noël et les Fêtes changea grandement en raison du départ de leurs parents. Christine (F2GB) et
Alain (F2GB) m’informent aussi qu’ils n’eurent pas vraiment à fusionner ensemble les pratiques
familiales relatives au temps des Fêtes parce qu’elles étaient déjà les mêmes.
Les coutumes relatives à la fête de Noël que Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) pratiquent sont les
suivantes. La veille de Noël se déroule habituellement chez la famille de Valérie (F2GC) avec
l’ouverture des cadeaux provenant de la parenté, des chansons chantées par son père et sa tante, ainsi
qu’un repas chaud tard en soirée. « Puis c’est pas mal la même chose maintenant que quand j’étais
petite. » Valérie (F2GC) me fournit ainsi la preuve que les pratiques coutumières se perpétuent. Aussi,
elle m’indique que Scott (F2GC) et elle avaient comme tradition dans leur jeunesse, d’ouvrir les cadeaux
de la famille immédiate le matin de Noël. « C’est la même chose maintenant ». De plus, le jour de Noël,
il y a habituellement un gros souper. Une pratique qui est pourtant délaissée est celle de la messe de
Noël. Valérie (F2GC) indique qu’avec des enfants, en visitant tous les foyers et en s’assurant d’être à
temps pour toutes les festivités il lui est difficile d’aller à la messe. Quant au « raffinage » des pratiques
dont il était question un peu plus haut, lors de l’entrevue de Scott (F2GC) alors qu’il m’avouait que le
couple définissait certaines pratiques, je suis en mesure de fournir un exemple. Entre autres, il m’est
expliqué que les enfants de Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) déposent une clé spéciale à l’extérieur pour
le Père Noël afin qu’il puisse livrer les cadeaux. Du lait, des biscuits et des carottes sont aussi laissés
pour le bon vieil homme et les rennes. « C’est une de mes pratiques les plus chères. On vient juste de
commencer celle que je viens de décrire l’année passée et puis je pense que ça va être spécial parce que
c’est tellement beau à voir. » Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) s’attachent à ces pratiques parce qu’ils
savent qu’ils sont en train de créer de beaux souvenirs pour leurs enfants. Ils revivent d’une façon leurs
joies d’enfance soit par exemple par la croyance au Père Noël. Par ailleurs, je dois aussi mettre en
évidence le fait que Scott (F2GC) et Valérie (F2GC) m’informent qu’ils essaient de diviser de façon
égale, le temps passé dans les deux familles. Ainsi, les enfants sont initiés à autant de pratiques
culturelles canadiennes-françaises qu’anglo-saxonnes. « We really strike a balance as far as family goes.
The traditions come from both of us ... » Je ne peux pourtant pas ignorer le fait que ce couple m’informe
qu’ensemble, il discute des traditions qu’il souhaite pratiquer avec leurs enfants en s’assurant que les
intérêts de chaque membre soient respectés par-dessus tout.
On l’a bien vu, Noël est une fête traditionnelle pendant laquelle se pratique une variété de coutumes. Elle
revêt des aspects religieux et profanes. Des pratiques essentielles aux valeurs traditionnelles, des mythes
aux étrennes, fort dans son essence et dans ses valeurs, Noël reste bien ancré dans la mémoire de tous.
C’est bel et bien un temps de l’année où les adultes retrouvent leurs joies d’enfance et où les familles sont
appelées à rétablir et à revivre les pratiques traditionnelles leur assurant ainsi une survivance.
Autres célébrations du cycle annuel : des moments privilégiés
Il est intéressant d’étudier comment les informateurs réintègrent les fondements des pratiques relatives
aux fêtes du cycle calendaire qui leur ont été léguées. Le foisonnement des fêtes qui font partie du
patrimoine canadien français et franco-ontarien s’étale à différents moments dans un cycle répétitif.
Selon le chapitre 2, il est possible de constater que ces fêtes engendrent des moments privilégiés dans la
vie des informateurs en consolidant les liens qui les unissent à leurs familles tout en mettant en évidence
la solidarité.
159
En ce qui a trait aux autres fêtes et pratiques du cycle calendaire, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA)
mentionnent tout ce qui est relatif à Pâques. Ils allaient chercher des rameaux pour en faire des cocottes
qu’ils accrochaient autour de leur crucifix, ils allaient à l’église le Jeudi, Vendredi et Samedi Saint, ils
jeûnaient pendant ces jours là, ils ne mangeaient pas de viande pendant la Semaine Sainte, ils
conservaient de l’eau miraculeuse puisée avant le lever du soleil le jour de Pâques, ils allaient à la messe
le jour de Pâques et puis par la suite, ils se réjouissaient en dégustant un repas en famille où l’on servait
habituellement du jambon. Ces pratiques, sauf pour celle de l’eau miraculeuse, demeureront les mêmes
depuis leurs jeunesse jusqu’à aujourd’hui. Lorsque leurs enfants étaient jeunes, des petits paniers de
Pâques étaient confectionnés et l’on y déposait des œufs et une poule en chocolat. Cette fête était
essentiellement religieuse et le demeure encore pour eux.
Isabelle (F1GB) et André (F1GB) mentionnent les fêtes et pratiques suivantes : la Saint-Valentin, Pâques,
la fête des mères et Halloween. J’aperçois alors que Pâques est une fête bien importante dans la famille
d’Isabelle. Elle suivit la majorité des pratiques traditionnelles de ses parents. Pourtant, la viande était
permise pendant la semaine Sainte, mais elle continuait d’être évitée le Vendredi Saint. Dans la cuisine
était accroché un crucifix entouré d’une cocotte de rameau mais elle ne mentionne aucune pratique par
rapport à ceci, ni André (F1GB). Il y avait aussi une « chasse aux cocos ». La valeur principale de cette
fête réside dans les pratiques religieuses et le temps de rencontre. Isabelle (F1GB) mentionne aussi que
c’est important de s’arrêter sur ce genre de fête de les mettre en valeur et de transmettre les pratiques aux
générations futures. La fête de la Saint-Valentin est aussi importante et ils prennent cette occasion de
montrer à leurs enfants comment ils les aiment en leur donnant des chocolats. « Les symboles
importants de cette fête sont le chocolat pour te dire je t’aime. Mais il ne faut pas attendre cette journée
pour exprimer ces sentiments. » La fête des mères aussi occasionne des rencontres familiales. Ainsi, la
grande majorité des fêtes entraîneraient la cohésion sociale, l’appréciation pour les membres de la famille
et, le cas échéant, la mise en valeur de leur rôle. Aussi, il faut le remarquer, ce sont des fêtes qui sont
marquées par la religion. La seule fête mentionnée par Isabelle (F1GB) qui n’entraîne pas les aspects que
je viens de mentionner (cohésion sociale, appréciation pour les membres de la famille…) est
l’Halloween. Lorsqu’Isabelle était jeune, elle ne célébrait pas cet événement. Pourtant, elle et André
(F1GB) participaient à ses pratiques (comme se costumer) avec leurs enfants pour lesquels c’était bien
important.
Émilie (F1GC), leur fille, mentionne aussi la Saint-Valentin, Pâques et Halloween. Si ces fêtes sont
importantes par leur pratique pour elle, c’est en partie en raison de sa mère Isabelle qui s’était assurée que
ses enfants en connaissent la valeur. Pour la Saint-Valentin, Émilie (F1GC) décore sa maison et offre des
chocolats en forme de cœur. Pour Pâques, elle organise une chasse aux œufs de chocolat et elle se rend
chez sa famille. « Nous on faisait ça quand on était jeune puis eux autres aussi » en expliquant que Brian
(F1GC) et sa famille pratiquaient les mêmes coutumes. En ce qui a trait à l’Halloween, l’intérieur et
l’extérieur de la maison est décoré, les enfants se costument et passent de porte en porte pour recueillir
des bonbons. Parce que Brian (F1GC) est d’origine Écossaise et Irlandaise, de nouvelles coutumes sont
ajoutées au répertoire traditionnel d’Émilie. La Saint-Patrick est célébrée et les traditions qui en
découlent sont enseignées aux enfants telles que porter du linge vert, pincer les personnes qui ne sont pas
vêtues de vert. Il est aussi question de décorer la maison. Selon une tradition familiale, le pain doré aura
une teinture verte en raison de la magie des petits lutins joueurs de tour. En ce qui a trait à l’action de
Grâces, Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) célèbraient tous deux cette fête dans leur jeunesse mais Émilie
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(F1GC) remarque des différences majeures dans le menu du repas traditionnel. Brian (F1GC) quant à lui
me fait part des célébrations relatives aux anniversaires de naissance et de mariage, entraînant tous des
rassemblements familiaux renforçant ainsi la cohésion sociale.
Thérèse (F2GA), énumère les fêtes suivantes dont les deux premières sont encore célébrée : Pâques, le
mois de Marie et la Saint-Jean-Baptiste. Je tiens encore à mentionner que Thérèse (F2GA) est originaire
de la province de Québec. Lorsqu’elle était jeune, Pâques donnait lieu à des soupers de famille. Pendant
le mois de mai les enfants se rendaient à l’école en soirée pour chanter et prier. C’était traditionnel de
faire ainsi. Quant à la Saint-Jean-Baptiste, il y avait des festivals dans les paroisses. «Ça c’était dans la
province de Québec que ça marchait de même!» Ses enfants, nés en Ontario, ne fêtaient pas la Saint-
Jean-Baptiste. Parce que cette fête était davantage une pratique sociale que familiale, c’est peut-être la
raison pour laquelle ses enfants ne la fêtèrent pas.
Christine (F2GB) et Alain (F2GB) me parlent de Pâques, l’action de Grâces et les anniversaires de
naissance. À Pâques, il était et est encore toujours question de se réunir pour un souper en famille.
Lorsque leurs enfants étaient plus jeunes, il était coutume d’organiser une chasse aux œufs de chocolat.
Maintenant, des cadeaux en argent leur sont offerts. Pour la fête de l’action de Grâces, Christine (F2GB)
et Alain (F2GB) s’échangent des cadeaux et organisent un souper familial. Parce qu’Alain (F2GB) est un
chasseur et que la chasse est ouverte à ce moment de l’année, le souper a lieu une semaine avant la date
de cette fête. De plus, ils ont comme coutume de célébrer les anniversaires de naissance en famille où un
gâteau est servi et des cadeaux sont offerts. Comme je peux le constater, la majorité des fêtes célébrées
sont religieuses et chacune d’entre elles favorise la cohésion sociale.
Les pratiques coutumières ayant rapport aux fêtes que Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) mentionnent et
qui doivent être soulevés pour mon analyse sont les suivantes : Pâques, Saint-Valentin, l’action de Grâces
et la Saint-Patrick. Comme tous les autres couples, ils confirment que la fête de Pâques se prête à des
soupers traditionnels en famille. Ils me font part de la pratique de la chasse aux œufs qu’ils continuent
encore aujourd’hui avec leurs enfants. Lorsque Valérie (F2GC) était plus jeune, il était question d’aller à
la messe. C’est pourtant une tradition qu’elle ne pratique plus depuis quelques années. Quant à l’action
de Grâces, il y a aussi un rassemblement familial et un souper où la dinde et le jambon sont au menu.
Une tradition familiale veut que toute la famille et la parenté se rende chez une cousine. En ce qui a trait
à la Saint-Valentin, Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) continuent de suivre les coutumes en offrant des
chocolats à leurs enfants et en échangeant entre eux. Il est aussi question de célébrer les anniversaires de
naissance et de mariage. D’autre part, Scott (F2GC) me fait part qu’il tient à continuer de célébrer la
Saint-Patrick avec ses enfants parce que cette fête est de grande importance dans sa famille qui est de
descendance irlandaise. « St-Patrick’s day is always a big deal with us. » La parenté se réunit pour fêter
ensemble. Scott (F2GC) affirme que c’est à Noël et à la Saint-Patrick que tous se revoient. Je constate
alors que la Saint-Patrick est d’une grande importance. Il s’assure que ses enfants reconnaissent les
symboles irlandais tels que les trèfles. De plus, il a enseigné à ses enfants, dès un très bas âge, qu’ils sont
de descendance irlandaise.
La fête qui revient à toutes les générations et dans les deux familles est Pâques, une fête religieuse. On
mentionne aussi la Saint-Valentin, l’Halloween, l’action de Grâces entre autres. De toute évidence, la
nature de celles-ci entraîne pour la plupart des rassemblements renforçant la cohésion sociale. S’ajoutent
161
au répertoire familial de fêtes des couples mixtes des deux familles à l’étude, la Saint-Patrick ; une fête
célébrant les racines identitaires des conjoints anglophones.
3.4 Tendances contemporaines
Selon les méthodes d’analyse et d’interprétation précisées au premier chapitre679
, c’est sous la forme d’un
inventaire que j’ai dégagé les pratiques familiales principales pour observer si celles-ci étaient
maintenues, ou non à travers les trois générations. Les réflexions qui en suivirent me permirent de
dégager les valeurs traditionnelles. (voir ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et orientations
familiales)
La conciliation des valeurs traditionnelles canadiennes-françaises par les couples mixtes s’avère comme
étant un véritable « projet familial ». Car il faut le dire, ces couples se trouvent dans l’embarras du choix
quant aux coutumes à pratiquer en famille, chaque conjoint ayant son propre répertoire de pratiques
coutumières. Ainsi, les couples mixtes sont appelés à se doter de pratiques issues des deux cultures et à
en disposer de manière à former leur propre répertoire. C’est en fait cette dynamique qui est mon point
d’intérêt car elle exige les acteurs sociaux, les informateurs, d’arriver soit à un consensus quant aux choix
des pratiques ou bien trouver un point de convergence. Indéniablement, leur projet familial doit
répondre à leurs ambitions, à leurs désirs, à leurs intentions, voire à leurs valeurs. C’est bien là, selon mes
données, ce qui soutient les pratiques coutumières. Et c’est pourquoi il faut parler de tendances
contemporaines.
À cette dernière étape de l’analyse, les tendances contemporaines émergent de façon assez nette. Ce sont
celles-ci qui assurent le maintien, entrainent le métissage, provoquent l’érosion ou le remplacement et la
modification des pratiques coutumières ou bien en créent de toutes nouvelles.
3.4.1 Les valeurs traditionnelles dans les pratiques franco-ontariennes
L’exploration des valeurs traditionnelles est à la base de cette étude. Incontestablement, les valeurs
traditionnelles canadiennes-françaises sont présentes dans la vie quotidienne non seulement des Franco-
Ontariens mais aussi des conjoints anglophones des deux couples en ménage mixte. Je stipule alors que
les valeurs traditionnelles sont en effet des tendances contemporaines parce que les informateurs de la
génération C sont enclins à reconnaître celles-ci, d’après les modèles fournis par les générations
antérieures, en tant que « manière d’être et d’agir étant idéales, désirables et estimables 680
». Mes
considérations se basent sur les quatre constats suivants.
Premièrement, on voit que les pratiques coutumières se perpétuent dans le temps. En effet, pour les deux
familles à l’étude, la grande majorité des pratiques coutumières inventoriées à partir de la génération A
sont présentes dans le quotidien des couples en ménage mixte, quelle que soit la forme que prennent leurs
rituels. Il s’agit alors de normes familiales. Chez les informateurs, la manifestation de ces pratiques est
un signe d’authentification non seulement de leur efficacité et de leur puissance mais aussi de leur
importance.
679
Par exemple la transcription des données dans des fiches signalétiques qui suivent les catégories de la Grille de
Du Berger pour ressortir les patrons relatifs au schéma culturel et à l’habitus (Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.50.). 680
Line ROSS, et Hélène TARDIF, op. cit., p.6.
162
Deuxièmement, à ces pratiques coutumières se rattachent des valeurs religieuses. Les générations A et B
des deux familles démontrent explicitement et implicitement un attachement à la religion. Les données
révèlent entre autres que la religion était au cœur de la vie quotidienne de ces informateurs. Par exemple,
la foi catholique et ses valeurs étaient transmises simultanément par l’intermédiaire de la paroisse, de la
famille et de l’école. De plus, les pratiques religieuses rayonnent à travers les fêtes traditionnelles.
D’ailleurs, à chacune de ces fêtes, les familles participeront à des temps de prière comme à la
participation aux messes notamment. La comparaison des données me permet d’affirmer que les couples
de la génération C accordent de l’importance autant aux cérémonies religieuses qu’entrainent les grands
rites de passage qu’aux fêtes calendaires et ce, même si la religion catholique elle-même ne fait plus une
partie intégrante de leur quotidien.
Troisièmement, l’importance de la famille se dégage de façon implicite et explicite dans presque toutes
les pratiques coutumières et elle y est toujours valorisée. D’après mon tableau des pratiques, je constate
que la famille est un réseau qui a comme mandat de façonner la sphère culturelle de ses membres. Cette
affirmation rejoint les théories de l’habitus et du schéma culturel. (pour explication de l’habitus et du
schéma culturel681
voir 1.6 méthodologie) À travers différentes pratiques coutumières, les parents ont
pour mission de transmettre les valeurs familiales qu’ils ont reçues de leurs parents. Famille et parenté se
rassemblent à différentes occasions pour renforcir et valoriser les liens qui les unissent. Je peux donc dire
que ces valeurs s’appliquent à la solidarité et à la fraternité. Philippe Garigue dira même que « non
seulement la famille est l’organisme catalyseur assurant la continuité dans le temps de la tradition, mais
les parents agissent comme les instruments mêmes de l’institutionnalisation des valeurs entre les
générations.682
» Ceci justifie alors mon postulat.
D’autre part, il faut indiquer que les valeurs familiales des deux familles sont héritées du monde rural.
Lors des entrevues, on m’informe du travail agricole, des grands rassemblements sur les terres pendant le
temps des Fêtes nécessitant de grands préparatifs, entre autres. Pour la génération A et B des deux
familles, le terroir demeure dans leur mémoire un lieu de confort. C’est pourquoi ils y accordent une
grande signification. Les Franco-Ontariens de la génération C ont aussi vécu de telles expériences et
tentent à leur tour de véhiculer les mêmes valeurs en répétant les pratiques de leur enfance. Selon les
données, un effort considérable est déployé pour conserver les mêmes pratiques relatives au temps des
Fêtes.
Une autre tendance qui prévaut un peu partout dans le tableau et ce, autant pour la famille 1 que pour la
famille 2, est celle du rôle de la femme. D’ailleurs, il est valorisé lors de la confection d’un trousseau, lors
des célébrations prénuptiales (shower de fille – shower de mariage – shower de bébé), lors des relevailles,
entre autres. Du même coup, il faut dire que la troisième génération voit un nombre beaucoup plus élevé
de célébrations vouées au rôle de la femme que les deux autres générations précédentes, bien que ce soit
souvent les femmes de la génération précédente, soit la génération B, qui soient les hôtes de telles
festivités. Autrement dit, la transmission des pratiques, et par conséquent des valeurs qui leur sont
associées, relève en grande partie des femmes.
681
Alex MUCCHIELLI, op., cit., p.50. 682
Philippe Garigue, op. cit. p. 12.
163
Quatrièmement, les informateurs me font part que certaines pratiques relatives à la sociabilité font aussi
partie des tendances contemporaines. Les trois générations des deux familles maintiennent par exemple le
fait que le mariage entraine un changement de statut. Par tradition, la génération C a comme objectif
d’entreprendre le même parcours de transition que ses prédécesseurs. D’autre part, plusieurs pratiques
coutumières telles que les grands rites de passage ainsi que les fêtes du cycle calendaire, auront comme
but de permettre la cohésion sociale et la consolidation des liens. À ces occasions, un sentiment
d’appartenance est créé et l’identité culturelle est raffermie. C’est alors un aspect nécessaire à la survie de
la culture.
On voit en tant que tendance contemporaine le fait que les couples en ménage mixte favorisent la
continuité d’une éducation scolaire francophone. Les enfants sont élevés dans un foyer bilingue et
communiquent avec leurs parents selon la langue maternelle de chacun des parents. Le bilinguisme est
considéré comme un atout sur le marché du travail d’après les informateurs. Bien que les Francophones
soient minoritaires en Ontario, on voit très bien l’effort déployé par ces couples pour maintenir le
caractère francophone de la culture, parce qu’elle est enseignée à l’école, dans le quotidien de leurs
enfants. Il faut alors remarquer que les couples choisissent consciemment des établissements
d’enseignement de langue française.
Parmi les expressions affectives évoquées par les informateurs, se trouvent le respect, l’amour, la
reconnaissance, le partage du bonheur, la conformité aux règles de la tradition, la famille, entre autres.
Les valeurs sont des tendances actuelles parce qu’elles reviennent pour les trois générations des deux
familles et parce qu’elles sont véhiculées par les couples en ménage mixte. Par ailleurs, les informateurs
font part chacun leur tour des valeurs découlant des sentiments et des émotions par rapport à un
événement spécifique. Il n’est pas nécessaire de tous les soulever à nouveau mais il est tout de même
important d’établir les constats qui en découlent en fournissant brièvement quelques exemples.
Premièrement, l’affectivité joue manifestement un grand rôle dans cette culture comme dans toute autre.
On voit par exemple l’importance de pratiquer les coutumes traditionnelles en raison des émotions
vécues. Tel que déjà mentionné, par les pratiques culturelles, les informateurs cherchent à revivre leurs
émotions déjà vécues. Deuxièmement, des liens interpersonnels unissent les individus qui ressentent des
émotions provoquées par les interactions. Par exemple, les informateurs accordent une grande importance
aux rassemblements en famille. Troisièmement, les sentiments affectifs ressentis pendant les pratiques
font en sorte que les individus puissent s’épanouir dans leur culture. Je donne l’exemple du fait que les
informateurs reconnaissent et tiennent à cœur les célébrations prénuptiales (shower de fille, enterrement
de vie de célibataire). Quatrièmement, l’affectivité se retrouve au sein des pratiques qui font preuve de
dynamisme culturel. Par exemple, les informateurs tiennent à la création de rituels entourant la venue du
Père Noël (lui laisser du lait, des carottes, lui écrire des lettres…) en raison des intérêts des membres de la
famille. Cinquièmement, chaque fois que les informateurs choisisent de reprendre une pratique, c’est
qu’ils valorisent les éléments culturels. L’exemple que je fournis pour ce constat est le suivant : Les
couples en ménage mixte me font part de la nécessité de créer un équilibre dans le choix des pratiques
coutumières par respect de leur conjoint. Ceci leur permet chacun de valoriser leur propre culture et la
culture de leur conjoint.
164
3.4.2 Le maintien des pratiques et respect des normes
Les pratiques principales maintenues sont la confection d’un trousseau (famille 1 seulement), l’offre de la
bague de fiançailles par le conjoint, le mariage et sa cérémonie, la réception, les relevailles (pour la
famille 2 seulement), le baptême et sa cérémonie, une partie des tâches domestiques (exemple : tâches
ménagères pour les femmes, les travaux physiques tels que l’entretien de l’extérieur de la maison pour les
hommes), les Fêtes, Noël et autres fêtes comme Pâques, la Saint-Valentin… Évidemment un très grand
nombre de sous-pratiques sont aussi maintenues comme je l’ai indiqué dans les bilans.
Toutefois, il y a selon moi deux grandes raisons pour expliquer ce maintien. Premièrement, je conviens
que plusieurs des pratiques à l’étude sont religieuses ou bien ont un ou plusieurs aspects religieux que ce
soit le mariage, le baptême, Noël, Pâques, la Saint-Valentin… Comme déjà mentionné dans les bilans,
les pratiques coutumières religieuses sont très réglées et standardisées ou normalisées en raison des
idéologies religieuses contrôlées par l’Église. Ainsi, parce que les deux couples en ménage mixte
choisirent de célébrer les grands rites de passage selon la tradition religieuse, le déroulement de ceux-ci
devait impérativement se soumettre aux pratiques explicites et concrètes établies par l’Église.
Deuxièmement, en examinant les données, le rôle des femmes dans la transmission et la pratique des
coutumes apparait de façon très nette. Je constate qu’elles sont au cœur des pratiques culturelles
familiales. Par exemple, c’est à partir de la préparation de la mise en ménage, du mariage, de la
maternité, de l’éducation des enfants et de leur quotidien, qu’elles veillent non seulement au
fonctionnement de leur famille mais aussi à l’accomplissement des pratiques culturelles. Je dois souligner
le fait que les couples des générations C sont constitués de femmes francophones et d’hommes
anglophones. Ainsi, il faut faire le parallèle entre le sexe et la transmission de la culture. De toute
évidence, les données me poussent à affirmer que les femmes contribuent à transmettre la culture et que
le cas échéant, cette culture est traditionnelle puisqu’elle se transmet de génération en génération.
3.4.3 Le métissage des pratiques
Laurier Turgeon, dans Patrimoine métissés explique ce qu’il entend par « métissages »:
« Les métissages découlent d’un rapport de force entre deux ou plusieurs groupes qui
échangent pour s’approprier les biens patrimoniaux de l’autre dans le but de
s’affirmer. Pour fonctionner, l’échange, même lorsqu’il est inégal, repose sur une
certaine réciprocité. Le fait de donner suscite le devoir de rendre. 683
»
Je peux en effet, pour cette étude, parler de métissage. La conjointe de la génération C de la famille 1
concilie les traditions religieuses protestantes en plus des traditions culturelles anglo-saxonnes. La
conjointe de la génération C de la famille 2, quant à elle, partage les traditions culturelles anglo-saxonnes
et accuse en plus un repli religieux de la part de son conjoint. Les couples sont donc appelés à métisser
leurs pratiques et à se prêter à cette fameuse « réciprocité » que soulève Turgeon.
Les données fournissent d’importantes indications quant au métissage. Cependant, l’échange culturel et
religieux n’est pas égal dans ces couples. Le simple fait que les deux couples en ménage mixte
683
Laurier TURGEON, Patrimoines métissés. Contextes coloniaux et postcoloniaux, Éditions de la Maison des
sciences de l’homme, Les Presses de l’Université Laval, 2003, p.24.
165
choisissent d’envoyer leurs enfants à des écoles catholiques et francophones, institutions qui enseignent
non seulement l’académique mais transmettent aussi la culture francophone et la religion catholique,
démontre l’accent mis l’une des deux expressions culturelles. Le quotidien familial n’est donc pas le seul
lieu où la culture est privilégiée; l’école l’est aussi. Ainsi, la vie de tous les jours des enfants des couples
en ménage mixte est rythmée par cette culture et ses pratiques.
Il semble que les Anglophones insistent sur le métissage lorsqu’il s’agit des pratiques culturelles qui sont
uniques à la culture anglo-saxonne telle que la Saint-Patrick. Selon moi cette fête prévaut parce qu’elle
symbolise l’identité culturelle. Les deux informateurs anglophones des couples en ménage mixte me font
part du déroulement habituel de cette fête ainsi que de la façon qu’ils la maintiennent dans leur couple
mixte.
3.4.4 L’érosion des pratiques
L’érosion des pratiques la plus évidente est celle qui a trait à la pratique religieuse. En effet, il semble
qu’à la troisième génération des deux familles, la baisse de la pratique religieuse, sauf pour celle qui a
trait aux rites de passage, soit soudaine menant à une érosion de certains de ses usages. Entre autres, ce
phénomène s’observe tant au quotidien, qu’à certains moments de l’année.
Le quotidien des générations A et B de la famille 1 se prête à des moments de prière (surtout en soirée), à
la présence de symboles religieux dans leur foyer (crucifix, eau miraculeuse de Pâques et cocotte de
rameau), à la participation à la vie communautaire religieuse (messes dominicales, organismes tels que
les Dames de Sainte-Anne…). Les témoignages de ces informateurs que de telles pratiques faisaient aussi
partie du quotidien de la génération précédant la génération A. La pratique religieuse est transmise sur au
moins quatre générations. Pourtant, dans la vie de couple du ménage mixte, ni l’un ni l’autre des
conjoints ne fait part de l’omniprésence de la religion dans sa vie quotidienne.
Le quotidien des générations A et B de la famille 2 est aussi rempli de ferveur religieuse mais les
exemples fournis les informateurs sont moins apparents que ceux de la famille 1. Ceci n’est pourtant pas
une indication d’une pratique religieuse moins soutenue. Notamment, tout comme la famille 1, la famille
2 transmet les usages de la pratique religieuse à la génération C. Une fois dans un ménage mixte, le
quotidien religieux, plus précisément l’assistance aux messes dominicales, s’efface de cette troisième
génération.
Aux termes de la pratique religieuse cyclique notamment des fêtes religieuses, j’ai déjà montré que les
deux familles de couples en ménage mixte sont bien attachées à celles-ci et que les valeurs religieuses y
sont bien présentes. Pourtant, l’usage d’assister aux messes à l’occasion de ces fêtes ne persiste pas.
Pour l’instant, les informateurs affirment que leurs enfants sont trop jeunes pour assister à la messe de
minuit à Noël et que trop souvent, ils sont occupés à faire la navette entre les deux familles lors des fêtes.
Grosso modo, les couples en ménage mixte gardent la pratique religieuse pour les rites de passage tels
que le mariage et le baptême.
D’autre part, une autre pratique qui semble être érodée est la demande en mariage au père de la fiancée.
Les deux hommes de la génération C ne se sont pas prêtés pas à ce rite.
166
3.4.5 Le remplacement et la modification des pratiques
Selon mes données, le remplacement ou la modification des pratiques est le plus évident lorsqu’il s’agit
des pratiques coutumières de la vie domestique. La première tendance contemporaine qui a trait au
remplacement et à la modification des pratiques réside dans le fait que dans leur relation à long terme, les
couples en ménage mixte cohabitèrent ensemble avant le mariage684
. C’est une modification à la
croyance et à la pratique traditionnelle qui insistait pour que les couples soient mariés avant de cohabiter
ensemble. La seconde tendance contemporaine est le fait que les femmes de ces couples ont reçu une
éducation postsecondaire et entrèrent sur le marché du travail. La vie quotidienne des femmes a donc été
appelée à changer à partir de la génération C. Entre autres, les femmes des générations A et B sont
demeurées au foyer pour élever leurs enfants (du moins pour les quelques premières années suivant la
naissance du premier enfant). La troisième tendance contemporaine veut que les tâches ménagères et
domestiques ainsi que les soins des enfants soient partagés. En effet, chacun des hommes en ménage
mixte doit effectuer des tâches qui faisaient traditionnellement partie de la sphère féminine et ce, en
raison de la profession qu’exercent leurs conjointes.
Les pratiques coutumières de la vie adulte sont aussi soumises à un remplacement ou à une modification.
J’y entrevois les tendances contemporaines. Par exemple, la confection du trousseau est maintenant
accompagnée ou remplacée par un shower. Entre autres, comparativement aux autres générations, la
génération C se voit fêtée à plusieurs reprises lors des showers. D’autre part, l’un des couples en ménage
mixte (F1GC) a choisi de se marier dans une église catholique alors que chaque conjoint a gardé sa
confession. Comme déjà expliqué, ce mariage est permis en raison des modifications dogmatiques
apportées par Vatican II. Par cette même pratique, les femmes de la génération C insistent pour que le
jour de leur mariage, à leur entrée dans l’église, ce soit leur père ainsi que leur mère qui les
accompagnent jusqu’à l’autel. Cette modification de la pratique traditionnelle remplace celle où
seulement que le père conduit sa fille dans l’église. Finalement, dans la famille 2, une pratique récente
familiale qui veut que le mariage se déroule le vendredi soir, sans souper, remplace celle du mariage le
samedi avec un souper.
En dernier lieu, selon les données, une pratique coutumière du cycle saisonnier se voit modifiée et c’est
celle qui a rapport avec la commercialisation des Fêtes. Entre autres, les petits cadeaux qui étaient
vraiment des gestes de bonté, sont désormais remplacées par un nombre abondant de cadeaux
dispendieux.
3.4.6 De nouvelles pratiques
Les tendances contemporaines se prêtent à l’émergence de nouvelles pratiques ce que démontre la
génération C qui a tenu à s’exprimer davantage et à se distinguer. Par exemple, lors de la cérémonie du
mariage, les deux couples en ménage mixte exécutent un geste qui veut que leur union se matérialise
formellement. Par exemple, un couple le fait en allumant une chandelle d’unité et l’autre couple le fait en
versant ensemble du sable dans un grand verre. Aussi, les conjoints en ménage mixte de la famille 1
m’informent qu’ils s’exprimèrent en échangeant leurs vœux dans la langue maternelle de leur conjoint.
684
En raison de la période récente (début du XXIe siècle).
167
Finalement, des nouvelles pratiques veulent que des lettres soient écrites au Père Noël et qu’une clé soit
laissée pour celui-ci afin qu’il puisse entrer dans la maison. Ces pratiques expriment une tendance
généralisée à personnaliser les rites classiques existants et à les adapter au goût du jour. Bien que ce soit
un fait, ces nouvelles pratiques ne sont que des pratiques sous-jacentes à un ensemble beaucoup plus
grand de pratiques. Comme par exemple, les pratiques de matérialisation formelle de l’union lors du
mariage est sous-jacente à la grande pratique du mariage. Ceci dit, même s’il y a de nouvelles sous-
pratiques, les grandes pratiques s’effectuent quand même selon les conventions habituelles.
3.5 Conclusion
Le visage traditionnel du Canada-français transparaît bel et bien à travers les pratiques coutumières et les
valeurs du Franco-Ontarien en couple mixte. L’analyse me permet d’apporter des réponses aux questions
qui animaient ma réflexion. Je conclus qu’en effet, d’après les informateurs, le passé définit les
pratiques culturelles contemporaines. La culture traditionnelle, celle qui est issue du Canada-français,
fait partie du quotidien familial des Franco-Ontariens dans un ménage-mixte. D’ailleurs, c’est en
pratiquant les coutumes culturelles traditionnelles, que les Franco-Ontariens redéfinissent
continuellement leur identité. Il faut aussi mentionner que les formes que prennent les pratiques
culturelles contemporaines issues du Canada-français ne varient que de très peu par rapport à la façon
qu’elles étaient pratiquées dans le passé. S’il est question de variation, l’essence et le fondement de
celles-ci demeurent très perceptibles. Et pour parler d’érosion, il s’agit davantage de la pratique
religieuse elle-même comme par exemple le fait d’assister aux messes dominicales. Quant au
remplacement ou à la modification des pratiques, c’est dans la vie domestique et dans la vie adulte que
j’ai vu le plus de changements. En ce qui a trait au maintien de ces pratiques, j’atteste qu’en gros, les
grandes catégories du système de pratiques (ou pratiques principales) sont maintenu alors que certaines
des sous-pratiques sont plus sujettes à être métissées, remplacées ou bien encore érodées. Les facteurs
responsables du maintien de la culture et des comportements sociaux reposent sur le rôle des femmes.
Les entrevues montrent que ce sont en fait elles, en grande partie qui sont les agents transmetteurs de
plusieurs pratiques culturelles, religieuses, sociales, familiales, morales et affectives. Ceci dit que le
Franco-Ontarien dans sa relation conjugale mixte n’est pas appelé à concéder des pratiques. Entre autres,
les données révèlent qu’il est question de métissage mais que ce métissage est inégal. Tout cela pour dire
que ce qui émane de la relation conjugale mixte est que dans le foyer des informateurs de la génération C,
la culture des Franco-Ontariens rythme majoritairement le quotidien. De plus, les enfants des
informateurs de cette génération C, en fréquentant des écoles catholiques et francophones pratiquent
davantage les coutumes relatives à cette culture. Finalement, je souligne que la façon dont les valeurs
sont transmises de génération en génération est par la pratique dynamique des pratiques culturelles. Le
tableau des pratiques et orientations familiales (ANNEXE 5) a montré le patron culturel (en utilisant la
technique du schéma culturel et de l’habitus) des familles interrogées issues du Nord-Est de l’Ontario.
169
CONCLUSION L’étude du fait francophone en Ontario est un sujet passionnant qui m’interpelle de manière personnelle.
Dans le cadre de mes expériences antérieures, j’ai eu à réfléchir à la vitalité culturelle quotidienne des
Francophones en Ontario et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi d’entreprendre cette étude. Au fil de
mes lectures, une déclaration de l’historien Fernan Carrière a été pour ainsi dire l’élément déclencheur de
mon questionnement. Celui-ci affirmait que les « Franco-Ontariens tentent depuis la Révolution
tranquille de concilier avec leurs valeurs traditionnelles.685
» J’ai alors repris son affirmation pour en
formuler une problématique tout en entreprenant la tâche de repérer les valeurs traditionnelles dans les
pratiques coutumières. J’ai alors cherché à savoir par quelles pratiques culturelles propres à sa région le
Franco-Ontarien tente, depuis les bouleversements de 1960, de concilier les valeurs traditionnelles dans
un ménage mixte francophone-anglophone.
Pour répondre à ce questionnement, il fallait d’abord définir le contexte historique de l’Ontario français.
L’historiographie franco-ontarienne révéla plusieurs aspects socioculturels intéressants et témoigna aussi
que les liens entretenus entre Francophones et Anglophones sur le territoire canadien et ontarien ont été
l’objet de perpétuelles tensions. L’histoire en atteste par le traité d’Utrecht de 1713686
, de la guerre de
Sept Ans687
, du traité de Paris de 1763688
, de l’Acte d’Union de 1841689
, de l’adoption du Règlement 17
en 1912690
, ainsi que de la crise des écoles secondaires dans les années 1970691
.
Par la suite, la délimitation d’une région s’est imposée pour mieux circonscrire l’étude. En raison des
attributs particuliers tels que la forte concentration de Francophones, la région du Nord-Est de l’Ontario a
été choisie. Quant à la période de l’étude, elle a été délimitée à partir de la conjoncture sociopolitique des
années 1960, c’est-à-dire lors de la Révolution tranquille, alors que plusieurs annoncèrent la fin de la
francophonie en Ontario692
. Le fait que j’ai pu étudier la vie culturelle des Francophones en Ontario
depuis cette période de bouleversements atteste non seulement que ces prédictions étaient fausses mais
aussi que les Francophones jouissent d’une vitalité culturelle.
Mon étude repose sur une démarche qualitative de type empirique et procède par une enquête de terrain.
J’ai mené des enquêtes ethnographiques auprès de deux familles représentant trois générations. Le
facteur intergénérationnel était important en ce qu’il me permettait de découvrir les pratiques culturelles
avant les bouleversements des années 1960 et après les années 1960. Le but de ma recherche était
d’explorer les pratiques culturelles propres au Franco-Ontarien du Nord-Est de l’Ontario dans un ménage
mixte depuis les bouleversements de 1960 et par là, vérifier comment se fait la conciliation des valeurs
traditionnelles dans un ménage mixte francophone-anglophone. Pour ce faire, j’ai recruté des
685
Fernan CARRIÈRE, « La métamorphose de la communauté franco-ontarienne, 1960-1985 », dans Cornelius J.
JAENEN (dir.), Les Franco-Ontariens, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, p 313. 686
Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, op.cit., p.32. 687
Jacques GRIMARD et Gaétan VALLIÈRES, op.cit., p.149. 688
Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, op. cit., p.35. 689
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.88. 690
Gilles J.L., LEVASSEUR, op.cit., p.116. 691
Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.203. 692
André CLOUTIER, op. cit., p .98.
170
informateurs répondant aux critères de sélection suivants : critère culturel-linguistique, critère spatial,
critère familial et matrimonial, critère intergénérationnel et critère temporel. Pour appréhender le facteur
intergénérationnel, ma sélection devait comprendre trois couples de générations différentes : le premier,
qualifié de canadien-français, marié pendant les années 1950; un second, aussi canadien-français, marié
pendant les 1970 et le troisième, un couple mixte francophone-anglophone marié pendant les années
2000.
Les entrevues ont été enregistrées et les données ont été transcrites et compilées de façon thématique
selon le champ coutumier de la Grille des pratiques culturelles de Jean Du Berger. Celle-ci m’a permis
de procéder à la description et à l’analyse ethnographique des données.
Une réflexion théorique par rapport aux valeurs m’a amenée à avancer prennent appui sur deux
composantes : l’une relative aux comportements tandis que l’autre relève des émotions et des sentiments.
En ce qui a trait à la composante comportementale, les informateurs ont prouvé qu’en choisissant de
maintenir ou de mettre en usage certaines pratiques coutumières, c’est qu’ils accordent à celles-ci un
degré d’importance. Certaines pratiques sont jugées nécessaires ou essentielles. Sans aucun doute, celles
qui paraissent indispensables dégagent des valeurs parce que tel que Rémy, Voyé et Gervais le disent,
« les valeurs expriment les objectifs poursuivis par le groupe.693
» D’un autre côté, la composante
émotionnelle et sentimentale présente dans les données des informateurs démontre que ceux-ci ont fait
appel au processus cognitif pour dégager les émotions ressenties lors de la pratique des coutumes afin de
les hiérarchiser dans un système de valeurs. L’analyse montre également que les forces affectives
entrainent une action ou une réaction qui se traduit par une motivation. Cette motivation aurait comme
objectif de faire revivre les moments et les émotions.
L’analyse des données démontre que la conciliation des valeurs traditionnelles canadiennes-françaises par
les couples mixtes est un projet familial qui s’explique par le fait que les couples en ménage mixte ont le
choix quant aux coutumes à pratiquer en famille. Ils sont appelés à se construire un répertoire de
pratiques culturelles issu d’un consensus entre l’homme et la femme ou visant la convergence des
pratiques. Leur projet doit donc composer avec leurs désirs, leurs ambitions, leurs intentions et leurs
valeurs, ce que je considère comme les attributs qui soutiennent les pratiques coutumières culturelles.
L’analyse a permis d’agencer « valeurs traditionnelles » et « tendance contemporaine » en raison de la
présence des valeurs dans la vie de tous les jours des couples mixtes. Mes considérations se basent sur
les fondements suivants :
1) La plupart des pratiques coutumières inventoriées à partir de la première génération sont
présentes dans le quotidien des couples en ménage mixte. La pérennisation de ces pratiques
est un signe d’authenticité, d’efficacité, de puissance et aussi d’importance. C’est-à-dire que
ces pratiques sont réelles, qu’elles subsistent encore en raison de leur efficacité et de leur
importance.
2) Des valeurs religieuses sont encore, à cette génération, rattachées à certaines pratiques
coutumières. Par exemple, la foi catholique et les valeurs religieuses sont transmises à
chaque génération et continuent encore de l’être, entre autres par le baptême et le mariage.
693
Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, op. cit., p.72.
171
3) L’importance de la famille se dégage de presque toutes les pratiques coutumières
quotidiennes des couples mixtes ce qui est signe que celle-ci est valorisée.
4) Certaines pratiques relatives à l’aspect social se retrouvent parmi les tendances
contemporaines. En pratiquant les coutumes traditionnelles, un sentiment d’appartenance est
créé et l’identité culturelle est raffermie.
De plus, l’analyse a permis de dégager des valeurs communes aux trois générations. On trouve par
exemple le respect, l’amour, la reconnaissance, le partage du bonheur, la famille et la conformité aux
règles de la tradition et donc à la norme. Ces valeurs découlent des constats suivants :
Les informateurs cherchent à revivre des émotions vécues.
Des liens interpersonnels unissent les individus provoquant ainsi des émotions fortes.
L’affectivité est présente lors de moments d’épanouissement personnel qui se vivent en
groupe (le shower de filles par exemple).
L’affectivité engendre une sorte de dynamisme culturel par la création des rituels, leur
adaptation ou leur actualisation.
L’affectivité qui s’explique par l’importance de pratiquer les coutumes, permet de
valoriser la culture. En d’autres mots, les individus choisissent de pratiquer certaines
coutumes en raison de l’importance qu’ils accordent à celles-ci.
Je me suis aussi arrêtée au maintien, au métissage, à l’érosion et au remplacement des pratiques. En ce
qui a trait au maintien des pratiques coutumières traditionnelles canadiennes-françaises, l’analyse
indiquait notamment qu’une très grande partie d’entre elles font encore partie du quotidien des couples en
ménage mixte. Deux raisons justifient ce maintien.
1) Parce que la majorité des pratiques maintenues ont une grande composante religieuse et que la
religion les règle et les standardise, les informateurs n’ont qu’à s’y soumettre et donc suivre le
déroulement établi par l’Église.
2) Le rôle des femmes des trois générations émerge des données de façon nette et démontre que
ce sont elles qui transmettent une grande partie les pratiques culturelles. Les couples en ménage
mixte sont constitués de femmes francophones et d’hommes anglophones. Ainsi, c’est la culture
francophone qui est davantage transmise de génération en génération.
D’après les données, certaines pratiques coutumières de la génération C ont fait l’objet de métissage. Il y
a présence de pratiques coutumières issues de la culture francophone et de la culture anglophone mais
pourtant, l’échange culturel ne se fait pas de façon égale. Par exemple, les enfants des informateurs de la
génération C connaissent, hors du foyer, une vie rythmée par la culture franco-ontarienne parce qu’ils
fréquentent des écoles catholiques francophones. Le fait que les enfants pratiquent la culture à l’extérieur
du noyau familial renforce la vitalité de celle-ci. Néanmoins, l’analyse indique que les Anglophones
insistent sur le métissage lorsqu’il s’agit de pratiques culturelles uniques à la culture anglo-saxonne
comme la St-Patrick par exemple.
Quant à l’érosion des coutumes de la génération C, elle touche surtout la pratique religieuse quotidienne
et ses usages même si la pratique relative aux rites de passage – baptême et mariage – demeure bel et bien
ancrée. Par exemple, présentement, les couples en ménage mixte n’assistent plus aux messes
dominicales.
172
L’analyse des données établit aussi que l’actualisation des pratiques coutumières de la génération C se
fait davantage sur le plan de la vie domestique. Les nouvelles tendances sont les suivantes :
Les couples cohabitent ensemble avant le mariage.
Les femmes reçoivent une éducation postsecondaire et entrent sur le marché du travail ce
qui modifie la vie quotidienne de la famille si on la compare à celle des générations A et
B.
Les tâches ménagères et domestiques ainsi que le soin des enfants sont présentement
partagés entre les époux.
En fin de compte, les hypothèses présentées au Chapitre 1 qui ont été avancées provisoirement ont été
confirmées dans l’analyse et peuvent maintenant être évaluées. Comme point de départ de ma recherche,
et avec les connaissances que j’avais, je supposais que : le Nord-Est de l’Ontario français jouit d’une
homogénéité culturelle où les valeurs traditionnelles sont bien ancrées, l’épanouissement de la culture du
Franco-Ontarien dans cette région lui permet toujours de développer son sentiment d’appartenance et son
identité, et que le Franco-Ontarien du Nord-Est de l’Ontario se verrait confronté à des réalités qui le
pousse à régler son quotidien tout en préservant ses pratiques culturelles. Ces hypothèses se sont révélées
comme étant justes car c’est par la pratique quotidienne des coutumes que le Franco-Ontarien satisfait à
son besoin de repère culturel. Le Nord-Est de l’Ontario est une région qui permet non seulement un
ancrage culturel mais elle le favorise aussi.
Pour reprendre les propos de Philippe Garigue au sujet du rôle important de la famille dans la
transmission et la conservation des traditions :
« La famille c’est elle qui, non seulement a permis la « survivance culturelle », par la
transmission de certaines valeurs culturelles à un nombre assez large de personnes à
chaque génération, mais qui, en donnant un univers social et culturel spécifique à
chaque Canadien français, a assuré la survie d’un Canada français.694
»
Mon étude a montré que le quotidien familial des couples mixtes regorge de pratiques culturelles
traditionnelles qui remontent au Canada-français et que les valeurs traditionnelles sont encore présentes
dans la culture quotidienne et ce, même dans le mariage mixte francophone-anglophone où le
Francophone a un statut minoritaire dans la province. D’après cette étude, la présence de ces valeurs
dans le ménage mixte est bel et bien en raison du processus de socialisation695
entrepris par les
Canadiens-français et les Franco-Ontariens. D’ailleurs, il a été vu que la consolidation des liens et la
cohésion sociale a toujours été importante pour ceux-ci et ce, depuis l’arrivée des colons en Nouvelle-
France jusqu’à aujourd’hui. Après tout, s’il existe encore des Francophones en Ontario après la
Révolution tranquille, c’est en raison de cette cohésion sociale toujours maintenue à travers les siècles et
les époques. Alors, le processus de socialisation qui constituait une variable pour ce travail de recherche
quant à la transmission de la culture et des valeurs s’avère important. Parce que les individus tendent à
adhérer aux valeurs rattachées aux expériences vécues dans la jeunesse et à l’adolescence696
, et parce que
les Canadiens-Français et les Franco-Ontariens ont su offrir à leurs membres plusieurs instances de
694
Philippe GARIGUE, op. cit., p.93. 695
Le processus de socialisation aurait véhiculé des normes et des valeurs aux individus. 696
Ibid., p.93.
173
socialisation, ce serait en fait l’une, sinon la plus importante, des raisons pour laquelle les pratiques
coutumières et les valeurs traditionnelles issues de la culture Canadienne-française sont encore bien
vivantes.
Quant à la citation de Roger Bernard : « On ne naît pas Franco-Ontarien, on choisit de le devenir697
», je
dirais qu’Émilie et Valérie sont Franco-Ontariennes non seulement en raison de leur langue et du
territoire qu’elles habitent, mais aussi parce qu’elles ont choisi de devenir de véritables Franco-
Ontariennes en vivant leur culture, en léguant leurs coutumes et en transmettant leurs valeurs à la
prochaine génération.
Enfin, au terme de ce travail, je me pose les questions suivantes : La culture canadienne-française est-elle
aussi bien maintenue dans un couple mixte où l’homme est francophone et la femme est anglophone?
Si :
♀francophone + ♂anglophone = pratiques coutumières en grande partie issues de la culture
canadienne-française où les valeurs traditionnelles sont encore véhiculées
♂francophone + ♀anglophone = ?
Dans un ménage mixte francophone-anglophone, indépendamment du sexe du conjoint francophone,
aurait-on plus de chance de retrouver les traditions canadiennes-françaises en raison de l’efficacité du
processus de socialisation entrepris par les Canadiens-français? Par le biais de pratiques coutumières, les
Canadiens-français auraient-ils, plus que d’autres, appris à maitriser les mécanismes du processus de
socialisation pour transmettre leur culture?
697
Fernan CARRIÈRE, op. cit., p.334.
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(AFÉSEO), http://www.afeseo.ca/Fiches/Actes.pdf, page consultée le 23 janvier 2011.
DORAIS, Louis-Jacques, « La construction de l’identité », dans Denise DESHAIES et Diane VINCENT
(dir.), Discours et constructions identitaires, Les Presses de l’Université Laval, 2004,
http://www.erudit.org/livre/cefan/2004-1/000660co.pdf, p.1-11, page consultée le 4 janvier 2013.
DUCHESNE, Louise, Prénoms et noms d’aujourd’hui et d’hier, http://lesprenoms.net/index.html, page
consultée le 2 mai 2012.
DUMONT, Fernand, « Essor et déclin du Canada français », Recherches sociographiques, vol. 38, no 3,
1997, p.419-467 http://id.erudit.org/iderudit/057149ar, page consultée le 11 avril 2011.
LÉTOURNEAU,Kateri, La Relève – Le journal étudiant de la francophonie canadienne,
http://journallareleve.com/wordpress/?page_id=388, page consultée le 28 septembre 2010.
PSENAK, Stefan, Le pavillon des miroirs ou l’éclatement d’un territoire imaginaire, Érudit,
http://id.erudit.org/iderudit/41808ac, Liaison, n° 105, 2000, p. 10-13, page consultée le 11 avril
2011.
186
SAURIOL, Marguerite, Avant le cybercommerce, Profil historique des entreprises Dupuis Frères,
http://www.civilization.ca/cmc/exhibitions/cpm/catalog/cat2402f.shtml, page consultée le 17 mai
2012.
187
ANNEXES
188
ANNEXE 1 : Index des collections (pour tableau 1)
ACFO : Association canadienne de l’Ontario
AFUL : Archives de folklore de l’Université Laval
BMM : Bibliothèque municipale de Montréal
CAF : Centre d’activités françaises
CCÉCT : Centre canadien d’études sur la culture traditionnelle
CCFC : Centre communautaire francophone de Cambridge
CFOF : Centre franco-ontarien de folklore
CFCCF : Centre de recherche en civilisation canadienne-française
CRÉFO : Centre de recherche en éducation franco-ontarienne
DFUS : Département de folklore de l’Université de Sudbury
IFO : Institut franco-ontarien
OFFA : Ontario Folklore-Folklife Archive
Privés : Fonds privés 698
698
PICHETTE , Jean-Pierre, Répertoire ethnologique de l’Ontario français : Guide bibliographique et inventaire
archivistique du folklore franco-ontarien , Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1992, p.230.
189
ANNEXE 2 : Questionnaire d’enquête
Partie A : pratiques reliées au temps
Bloc 1- Rencontre et fréquentations
1. Comment avez-vous fait la rencontre de votre partenaire?
i. Où?
ii. Par l’intermédiaire de quelqu’un? Qui?
2. Pour combien de temps vous êtes vous fréquentés?
3. Que retenez-vous de vos fréquentations?
Bloc 2 - Mise en ménage et vie de couple
Fiançailles
a. Quand s’est fait la demande en mariage?
i. Comment s’est fait la demande? Avez-vous suivi un protocole? Lequel?
ii. Pourquoi avez-vous choisi de faire la demande en mariage de cette façon?
iii. Qui a choisi la bague de fiançailles? Qu’est qui a guidé votre choix? Quels
symboles y voyez-vous?
Préparation au mariage
a. En quoi consistaient les préparations pour le mariage?
i. Quel a été le rôle de la future mariée dans l’organisation et la préparation du
mariage?
ii. Quel a été le rôle du futur marié dans l’organisation et la préparation du mariage?
b. Vous a-t-on organisé un shower de fille? (ou de couple?)
i. Qu’en retenez-vous?
ii. Est-ce que c’était important pour vous de vous réunir ainsi? Pourquoi?
c. Vous a-t-on organisé un enterrement de vie de garçon? De fille?
i. Qu’en retenez-vous?
ii. Qu’est-ce que ce dernier signifiait pour vous?
Mariage
a. Quelle sorte de mariage avez-vous fait?
i. Est-ce que c’était votre choix?
ii. Avez-vous dû faire des compromis? Sur quoi? Avec qui?
iii. Que retenez-vous de la cérémonie? De la réception?
b. Ce jour là, avez-vous pratiqué certaines coutumes? Lesquelles?
i. Pourquoi est-ce que c’était important de pratiquer ces dernières?
c. Est-ce que vous diriez que votre mariage était « traditionnel »?
i. Pourquoi? Pourriez-vous donner quelques exemples?
ii. Qu’est-ce que ceci signifiait ceci pour vous?
d. Qui étaient les invités?
e. Quels sont vos plus beaux souvenirs de cette journée?
190
Entrée en ménage
a. Aviez-vous confectionné un trousseau?
a. En quoi consistait ce trousseau?
b. Pourquoi aviez-vous inclus ces items en particulier?
b. Aviez-vous cohabités ensemble avant le mariage?
c. Pourriez-vous fournir des renseignements sur votre foyer/demeure?
i. Voter demeure était-elle à la campagne, à la ville ou bien au village?
ii. Pourquoi avez-vous choisi cette demeure?
Vie matrimoniale : partage des tâches
a. Dans votre foyer, quelles étaient vos tâches principales en tant que femme? Homme?
b. Hors du foyer, quelles étaient vos tâches principales en tant que femme? Homme?
c. Comment décririez-vous les responsabilités de la femme dans votre couple? Celles de l’homme?
d. Pourquoi attribuez-vous ces tâches à la femme dans votre couple ? À l’homme?
Bloc 3 – L’arrivée de l’enfant
Grossesse
a. Pourquoi avez-vous choisi d’avoir des enfants?
i. Quand? Avant le mariage?
b. Certaines considérations ont-elles été prises en compte avant d’avoir des enfants?
c. Est-ce qu’on vous a organisé un shower de naissance? Si oui, parlez-moi de celui-ci.
i. Est-ce que c’était important pour vous de vous réunir ainsi? Pourquoi?
ii. Quels cadeaux avez-vous reçus? Y en a-t-il un qu’on vous a donné auquel vous
accordez une valeur sentimentale? Lequel? (lesquels?)
Naissance
a. Quand est né votre premier enfant? (À quel moment dans votre vie de couple?)
b. Qui a eu la responsabilité de « relever » la nouvelle maman? Pourquoi?
c. Vous a-t-on donné des conseils? Lesquels
Baptême
b. Avez-vous fait baptiser votre enfant?
i. Sur quels motifs résidait cette décision? Était-elle unanime?
ii. Pourquoi était-il important de faire ainsi?
iii. Le baptême s’est-il fait dans une église catholique française?
iv. Si oui, pourquoi avez-vous choisi de faire ainsi?
v. Qui avez-vous choisi comme parrain et marraine? (Lien de parenté)
vi. Pourquoi avez-vous choisi ces personnes?
Vie matrimoniale : partage des tâches du couple avec une famille
a. Est-ce que la venue de l’enfant a changé votre rôle, vos tâches?
i. Est-ce que c’était un partage différent? En quoi?
ii. Pourquoi en était-il ainsi croyez-vous?
191
b. Avez-vous toujours partagé une vision identique sur l’éducation des enfants, votre conjoint(e) a
d/et vous?
i. Qu’est-ce qui était différent?
ii. Comment vous êtes-vous entendus? Sur quoi?
iii. Y a-t-il eu des changements au fil des ans?
c. Comment étaient vécus ces changements? Pouvez-vous rattacher des émotions, des sentiments
vis-à-vis ces changements?
Élever l’enfant
a. Relativement aux soins de l’enfant, que faisait le père? La mère? Autre?
b. Quelles sont les valeurs les plus importantes que vous avez choisi de transmettre à votre enfant
de la part de la mère? Du père?
c. Est-ce que ce sont les mêmes que vous transmettez à votre enfant? Différences?*mêmes que
transmises par leurs parents. *
Partie B : Pratiques reliées au cycle annuel
Bloc 4 – Le temps des Fêtes
a. Que signifie le temps des Fêtes pour vous? Parlez-moi de comment se déroule cette
période de festivités.
b. Croyez-vous que vos célébrations du temps des Fêtes ressemblent à ce que vous avez
vécu chez vos parents, dans votre jeunesse?
i. Pouvez-vous donner des exemples?
c. Qu’est-ce que vous considérez traditionnel?
i. Qu’est-ce qui est essentiel dans cette période des Fêtes.
ii. Qu’avez-vous ajouté?
d. Quelles sont les traditions ou pratiques qui vous sont les plus chères? Pourquoi?
e. Quelles sont les principales valeurs véhiculées pendant ce temps?
f. Quels étaient les menus du temps des Fêtes?
g. Est-ce que toute la famille immédiate se rassemble?
i. La parenté? Des deux côtés? Plus du côté de la mère, du père? Pourquoi?
h. Quels sont les rôles des femmes lors de la préparation des festivités? Celui des hommes?
i. Quel a été l’apport de chacun depuis la mise en ménage : pratiques provenant de l’une et
l’autre famille. Était-elles les mêmes? Étaient-elles différentes? Quels changements et
adaptations ont été apportés?
i. Pouvez-vous rattacher des émotions, des sentiments vis-à-vis ces changements?
j. Croyez-vous avoir réinventé certaines traditions, certaines pratiques? Lesquelles, en
quoi? Pourquoi?
Bloc 5 – cycle relié aux saisons
a. Outre le temps des Fêtes, quelles autres fêtes vous sont des plus importantes?
192
b. Parlez-moi de ces fêtes.
c. Quelles sont les traditions et les pratiques principales?
d. Quelles sont les valeurs qui sont véhiculées pendant ces fêtes?
Est-ce que toute votre famille immédiate est réunie à chacune de ces occasions? Pourquoi? La famille des
deux côtés? Plus du côté de la mère? Plus du côté du père?
193
ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des données techniques d’enquête
Date et durée des entrevues :
o Jeanne et Gérard : le 16 août 2011
Durée : plus de 2 heures
o Isabelle : le 18 août 2011
Durée : 1 heure et demie
o André : le 25 août 2011
Durée : 1 heure
o Émilie : le 7 septembre 2011
Durée : 45 minutes
o Brian : le 10 septembre 2011
Durée : 1 heure
o Thérèse : le 22 octobre 2011
Durée : 45 minutes
o Alain : le 23 octobre 2011
Durée : 45 minutes
o Christine : le 23 octobre 2011
Durée 1 heure et demie
o Scott : le 10 octobre 2011
Durée : 45 minutes
o Valérie : le 10 octobre 2011
Durée : 1 heure et demie
Utilisation de pseudonymes : Le choix de ces pseudonymes veut respecter le caractère
francophone ou anglophone des prénoms des informateurs. Des recherches sur les prénoms
populaires à l’époque de la naissance des informateurs ont été faites. Les prénoms les plus
populaires ont été retenus et utilisés en tant que pseudonymes pour les informateurs.
Transcription : Chaque entrevue a été transcrite mot pour mot.
Respect du langage familier lors de la transcription: Le langage familier des
informateurs a été respecté. (expressions, vocabulaire populaire et vernaculaire) ainsi que
la syntaxe de leur discours.
Respect de l’utilisation des mots anglophones dans les entrevues auprès des
Francophones : L’utilisation des mots anglophones par les informateurs francophones a
été respectée. Une explication du mot anglophone utilisé (et de son contexte le cas
échéant) est fourni en notes de bas de page.
Interventions sur l'orthographe : La transcription phonétique a été évitée. Ainsi, les
informations ont été pour la plupart transcrites en suivant les règles d’orthographe.
Entrevues auprès des informateurs anglophones :
o Brian : En raison de son éducation en immersion française, Brian peut communiquer
en français. Les questions de l’entrevue lui ont alors été posées en français. Nous
194
nous sommes entendus que Brian allait répondre en anglais, en raison de la facilité
d’expression et du transfert d’informations. Pour la transcription de l’entrevue, j’ai
opté de le faire dans la langue de communication de l’informateur afin de ne pas
interpréter les propos.
o Scott : Parce que Scott est Anglophone, les questions d’entrevues lui ont été posées
en anglais. Pour la transcription de l’entrevue de Scott, la même méthode que celle
de Brian est utilisée.
195
ANNEXE 4 : Fiche signalétique
Pratiques culturelles traditionnelles
Jean Du Berger
Partie A : pratiques reliées au temps (110000)
(111000) pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle
(111100) pratiques coutumières de l’enfance
(111110) naissance
(111112) Grossesse
(111115) Relevailles
(111116) Baptême
(111140) milieu scolaire
(111210) pratiques coutumières du couple – Famille et parenté
(111220) Mariage
(111221) fréquentations (rencontre et fréquentations)
(111221) Demande en mariage
(111222) Préparation du mariage
(111224) enterrement de vie de garçon
196
(111225) fiançailles
(111226) Cérémonies du mariage
(111227) Noces
(111230) entrée en ménage
(111240) Vie matrimoniale : partage des tâches (1- avant enfants, 2- avec
enfants)
(111250) éducation des enfants
Partie B : Pratiques du cycle annuel (112000)
(112400) Alternance des travaux et des fêtes fixes et mobiles
Cycle de l’hiver
(112410) Avent
(112411) Le temps des Fêtes
(112412) Noël
(112414) Jour de l’An
(112419) La Saint-Valentin
197
Cycle du printemps
(112425) Cycle de Pâques
Cycle de l’automne
(112441) Halloween
(120000) pratiques coutumières de groupe
(124000) Vie quotidienne
(124002) Activités quotidiennes en général
(124003) Tâches domestiques quotidiennes
198
ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et orientations familiales
Famille 1
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenance
religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Bloc 1 :
Pratiques
coutumières
de la vie
adulte
Génération A
Fréquentations Encadrement
religieux
Trousseau Confection d’un
trousseau
-Préparation à la
mise en ménage
-Valorisation du
rôle de la
femme au sein
du foyer
Appréciation de
la confection du
coffre et du don
d’items
Fiançailles Demande de la
main en
mariage et
symbolisme de
la bague
« on est avancé »
(le couple
approche le
mariage qui est
un changement
de statut)
Respect de
l’autorité
paternelle
Célébrations
prénuptiales
Planification
du mariage
Mariage
conventionnel
Rencontres
avec curé et
validation des
valeurs
religieuses et
matrimoniales
Aide des parents
dans la
planification et
préparation
Mariage Mariage
conventionnel
-Mariage
religieux
-Le curé
mandatait toute
préparation
ainsi que le
déroulement
Importance de
continuation de
la tradition
familiale
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
-Importance
morale,
sentimentale et
émotionnelle de
la conformité
aux règles
-Importance du
mariage dans la
paroisse et
l’église
d’appartenance
-Importance de
l’acte du
199
mariage lui-
même : le
mariage une
seule fois
Famille 1
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenance
religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Réception Festivités suite
à la célébration
du mariage
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
-Cadeau d’une
chaise berçante
(achetée chez
Dupuis Frères)
offerte par un
grand-père
-Dupuis Frères :
importance des
services offerts
aux Canadiens-
français
Entrée en
ménage et vie
quotidienne
-division des
tâches et
valorisation de
l’exécution de
celles-ci
(homme=gagne-
pain,
femme=bien-
être de la
famille)
-Importance de
l’institution de
la famille
-structure des
rôles selon les
sexes
-Vocation de la
femme : a)
valorisation de
son rôle au sein
de la famille
(transmission
des pratiques)
b) rôle affectif
auprès des
enfants
-Importance
sociale de la vie
familiale
-Pas de
cohabitation
avant le mariage
-importance
accordée envers
souvenirs
d’enfance créés
par la famille
Éducation des
enfants
Enseignement
de la langue et
de la culture
Enseignement
de la religion
-Enfants doivent
connaître la
base agricole
- Importance de
travailler
vigoureusement,
efficacement et
intelligemment
sur la ferme
-Importance de
l’institution
familiale
Débat pour
l’obtention d’une
école secondaire
de langue
française
-Fierté d’avoir
obtenu une
école de langue
française que
leurs enfants
pouvaient
fréquenter
-Importance de
travailler
vigoureusement,
efficacement et
intelligemment
applicable au
200
quotidien
Famille 1
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenance
religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Génération B
Fréquentations Qualités du
partenaire
pendant les
fréquentations et
moments
agréables
Trousseau Confection d’un
trousseau
-Préparation à la
mise en ménage
-Valorisation du
rôle de la
femme au sein
du foyer
Appréciation de
la confection du
coffre et du don
d’items
Fiançailles Demande de la
main en
mariage et
symbolisme de
la bague
« On allait
partager notre vie
ensemble puis on
était pour devenir
un couple »
Respect de
l’autorité
paternelle et
symbolisme de
la bague : « le
jonc c’est un
cercle… il n’y
aura jamais de
fin…le mariage
c’est pour la
vie »
Célébrations
prénuptiales
Planification
du mariage
Mariage
conventionnel
Rencontres
avec curé et
validation des
valeurs
religieuses et
matrimoniales
Aide des parents
dans la
planification et
préparation
Mariage Mariage
conventionnel
Mariage
religieux
Importance de
continuation de
la tradition
familiale
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
-Importance
morale,
sentimentale et
émotionnelle de
la conformité
aux règles
-Importance du
mariage dans la
paroisse et
l’église de la
conjointe
-Importance des
201
vœux et des
promesses ex :
fidélité
-Importance de
l’acte du
mariage lui-
même : le
mariage une
seule fois
Famille 1
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenance
religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Réception - Festivités suite
à la célébration
du mariage
-Importance de
la pratique des
dragées (petits
gâteaux) afin
que les filles
célibataires
puissent avoir
un mariage
aussi féerique
-Importance de
la pratique de la
jarretière, du
décor de la
voiture des
mariés
-Importance de
la lune de miel
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
(importance
d’être entouré de
la famille et amis)
-Importance
d’être entouré
des amis, qui
sont aussi
comme des
membres de la
famille
-Importance de
ressentir le
bonheur des
autres
Entrée en
ménage
Appartement à
côté des parents
d’André. André
aide à ses
parents.
-Pas de
cohabitation
avant le mariage
-Importance
pour André
d’aider à ses
parents.
Éducation des
enfants
Enseignement
de la langue et
de la culture
Enseignement
de la religion
-Importance de
l’institution
familiale
-Appréciation
du temps passé
en famille
Enfants doivent
avoir une bonne
éducation pour
décrocher un bon
emploi
Importance du
respect, du
respect envers
les adultes, de
l’honnêteté et du
travail
Famille 1 Pratiques Pratiques Pratiques Pratiques Expressions
202
relatives aux
rites de
passage
relatives à
l’appartenance
religieuse
relatives au
quotidien
relatives à la
sociabilité
affectives
Génération C
Fréquentations
Qualités du
partenaire
pendant les
fréquentations
Trousseau Confection d’un
trousseau
-Préparation au
départ pour les
études
-Valorisation du
rôle de la
femme au sein
du foyer
Appréciation de
la confection du
coffre et du don
d’items
Fiançailles Symbolisme de
la bague
«marriage is just
around the
corner »
(changement de
statut social)
Respect de
l’autorité
paternelle et
symbolisme de
la bague : passé,
présent, futur du
couple
Célébrations
prénuptiales
Shower de
mariage et
enterrement de
vie de
célibataire
Shower de
mariage et
enterrement de
vie de
célibataire
important pour
consolidation
des liens entre
femmes
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Reconnaissance
pour
l’organisation
des cérémonies
et
reconnaissance
de la générosité
des participantes
Planification
du mariage
Mariage
conventionnel
Rencontres
avec curé et
validation des
valeurs
religieuses et
matrimoniales
Aide des parents
dans la
planification et
préparation
Mariage Mariage
conventionnel
-Mariage
religieux
-Respect des
confessions
religieuses
Importance de
continuation de
la tradition
familiale
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Importance
morale,
sentimentale et
émotionnelle de
la conformité
aux règles
-Importance du
mariage dans la
paroisse et
l’église de la
conjointe
203
-Symbiose des
confessions
religieuses :
reflet de la vie
de mariage; vie
dans l’équilibre
et la fraternité
quant aux
pratiques et aux
coutumes
-Valeurs du
couple
représentées à
travers textes
bibliques
Famille 1
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenance
religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Réception Festivités suite
à la célébration
du mariage
Rassemblements:
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
- changement de
statut
« changement de
vie »
-Importance
d’être entouré
par les invités
-importance de
chérir les
moments passés
en famille et le
partage du
bonheur
-Importance de
parler aux
invités
et de les
remercier
- Autonomie, la
sécurité et la
réussite,
l’indépendance
qu’entraine le
mariage
Entrée en
ménage
Éducation des
enfants
Selon la culture,
choix de la
pratique d’une
certaine
coutume en
raison des
valeurs qui en
-Parler la langue
française =
tradition
familiale
-Importance de
l’institution
familiale
Bilinguisme est
un avantage
social pour leurs
enfants
204
découlent
Famille 1
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenance
religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Bloc 2 :
Pratiques
coutumières
de la vie
individuelle
Génération A
Grossesse et
naissance
Relevailles chez
la mère de
Jeanne
Relevailles :
aide entre mère
et fille
Baptême Importance du
baptême
catholique
Accueil dans la
famille des
Chrétiens
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Bébé porte le
nom de la
religieuse qui
aida lors de
l’accouchement
Génération B
Grossesse et
naissance
Médaille
religieuse pour
protéger le bébé
Attente de
l’arrivée du
nouveau-né le
jour de
l’anniversaire de
naissance
d’André
Baptême Importance du
baptême
catholique
Baptême :
Accueil dans la
famille des
Chrétiens
Nom : bébé
doit porter un
nom religieux
Cadeaux
religieux offerts
après la
cérémonie du
baptême par les
membres de la
famille
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Génération C
Grossesse et
naissance
-Shower de
naissance
-mère et belle
mère aident
avec relevailles
Relevailles :
aide entre mère
et fille
-aide entre
belle-mère et
bru
-Shower de
naissance =
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Baptême
Baptême dans
une église
catholique
francophone
Accueil dans la
famille des
Chrétiens
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
Choix de garder
la même langue
avec la même
religion
205
la cohésion
sociale
(catholique-
francophone /
protestant-
anglophone)
Famille 1
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenance
religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Bloc 3 :
Pratiques
coutumières
de la vie
domestique
Génération A
Vie
domestique et
partage des
tâches
La femme reste
au foyer,
l’homme va
travailler
Religion dans
le quotidien est
importante
(exemple :
crucifix dans le
foyer)
Délices
gustatifs : petits
bonheurs et
moments
d’allégresse
-Valorisation du
rôle de la femme
au foyer
-Valorisation du
rôle de l’homme
comme gagne-
pain
Ont peu mais
sont heureux
Génération B
Vie
domestique et
partage des
tâches
La femme reste
au foyer,
l’homme va
travailler
Religion dans
le quotidien est
importante
-Valorisation du
rôle de la femme
au foyer
-Valorisation du
rôle de l’homme
comme gagne-
pain
L’homme est
présent dans
plusieurs aspects
de la vie
familiale
Génération C
Vie
domestique et
partage des
tâches
La femme et
l’homme
gardent
plusieurs des
tâches
traditionnelles
en raison de la
familiarité
L’homme et la
femme sont sur
le marché du
travail
Valorisation des
rôles des sexes :
partage des
tâches
domestiques en
raison de la
participation des
deux sexes sur le
marché du travail
Bloc 4 :
Pratiques
coutumières
du cycle
saisonnier
206
Famille 1
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenance
religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Génération A
Temps des
Fêtes
Importance des
traditions et des
pratiques
culturelles
Importance
d’être entouré
des membres de
la famille
-Importance des
pratiques
traditionnelles
familiales
rattachée aux
souvenirs
d’enfance
-Temps de
réjouissance,
bonheur, rires,
joies
-accueil
chaleureux des
voisins pendant
les guignolées
Importance des
rassemblements
Noël
Importance des
traditions et des
pratiques
culturelles
Importance de
la célébration
religieuse
(naissance de
l’Enfant Jésus)
Importance
d’être entouré
des membres de
la famille
Temps de
rassemblements
Réjouissance et
gratitude même
envers le peu de
cadeaux
Autres fêtes
Pâques -importance des
pratiques
religieuses
Importance
d’être entouré
des membres de
la famille
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Génération B
Temps des
Fêtes
Importance des
traditions et des
pratiques
culturelles
Messe de
minuit
-Importance
d’être entouré
des membres de
la famille
-Importance des
pratiques
traditionnelles
familiales
rattachée aux
souvenirs
d’enfance
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
-Importance que
les générations
suivantes
connaissent les
traditions
-Importance
d’être entouré
des gens aimés
Noël
Importance des
traditions et des
pratiques
culturelles
Importance de
la célébration
religieuse
(naissance de
l’Enfant Jésus)
-importance de
la crèche
Importance
d’être entouré
des membres de
la famille
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Importance de
recueillir des
dons pour les
plus démunis à
travers de la
paroisse
Autres fêtes
Pâques, Saint-
Valentin,
Halloween, Fête
Importance des
pratiques
religieuses
Importance
d’être entouré
des membres de
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
-importance de
pratiquer les
coutumes
207
des mères la famille renforcement de
la cohésion
sociale
traditionnelles
avec les enfants
et les
transmettre à la
prochaine
génération
-importance de
pratiquer
certaines fêtes
par intérêt des
enfants
Famille 1
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenance
religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Génération C
Temps des
Fêtes
Importance des
traditions et des
pratiques
culturelles
-Importance
d’être entouré
des membres de
la famille
-Importance des
pratiques
traditionnelles
familiales
rattachée aux
souvenirs
d’enfance
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Importance des
rassemblements
de la famille
Noël
Importance des
traditions et des
pratiques
culturelles
-Importance des
traditions
familiales
-Importance
d’être entouré
des membres de
la famille.
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Autres fêtes
Saint-Valentin,
Pâques,
Halloween,
Sainte-
Catherine,
action de
Grâces, Saint-
Patrick
Importance
d’être entouré
des membres de
la famille
Rassemblements :
Consolidation des
liens et
renforcement de
la cohésion
sociale
Importance de
continuer de
pratiquer les
coutumes de
leur jeunesse
208
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Bloc 1 :
Pratiques
coutumières
de la vie adulte
Génération A
Fréquentations
Trousseau Confection
d’un
trousseau
-Préparation à
la mise en
ménage
-Valorisation
du rôle de la
femme au
sein du foyer
Appréciation du
don d’items
Fiançailles
Demande de
la main en
mariage et
symbolisme
de la bague
Célébrations
prénuptiales
Planification du
mariage
Mariage
conventionnel
Rencontres
avec curé et
validation des
valeurs
religieuses et
matrimoniales
Aide des
parents dans
la
planification
et préparation
Mariage Mariage
conventionnel
Mariage
religieux
-Importance
de
continuation
de la tradition
familiale
- Importance
de la présence
de la famille
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
-Importance
morale,
sentimentale et
émotionnelle de la
conformité aux
règles
- Reconnaissance
du rôle de la
mémoire dans la
révélation des
manifestations
Réception Festivités
suite à la
célébration du
mariage
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
Importance des
célébrations à
travers les
décorations
spéciales
209
de la
cohésion
sociale
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Entrée en ménage Pas de cohabitation
avant le mariage
Éducation des enfants Importance de
l’institution
familiale
Importance de la
sincérité, de la
politesse, du
respect et de ne pas
hésiter de se confier
à sa mère
Génération B
Fréquentations
Moments agréables
pendant les
fréquentations
Trousseau Confection
d’un petit
trousseau
-Préparation à
la mise en
ménage
-Valorisation
du rôle de la
femme au
sein du foyer
Fiançailles Symbolisme
de la bague
« c’était une
autre étape
dans notre
vie » (1ère
mention)
Célébrations
prénuptiales
Shower de
mariage
Shower de
mariage
important
pour
consolidation
des liens entre
femmes
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Reconnaissance
pour l’organisation
de la cérémonie et
reconnaissance de
la générosité des
participantes
Planification du
mariage
Mariage
conventionnel
Rencontres
avec curé et
validation des
valeurs
religieuses et
matrimoniales
Aide des
parents dans
la
planification
et préparation
210
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Mariage Mariage
conventionnel
Mariage
religieux
Importance de
continuation
de la tradition
familiale
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
-c’était une
autre étape (2
ième mention)
-Importance
morale,
sentimentale et
émotionnelle de la
conformité aux
règles
-Souvenir du geste
de grand-
mère (mettre la
jarretière): respect
des prédécesseurs
-Importance de la
promesse
Réception Festivités
suite à la
célébration du
mariage
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
(invitations
lancée à la
communauté)
-Importance
émotionnelle des
traditions (la
première danse des
nouveaux-mariés,
la danse des parents
du couple…)
-Importance d’être
entouré des
membres de la
famille et amis et
de ressentir leur
bonheur
Entrée en ménage Pas de cohabitation
avant le mariage
Éducation des enfants Enseignement
de la langue
et de la
culture
Enseignement
de la religion
Importance de
l’institution
familiale
-Importance de
l’amour, de l’amour
pour la famille et
du bonheur
-Importance de la
détermination, du
sens de
l’accomplissement
et de
l’épanouissement
211
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Génération C
Fréquentations
Trousseau
Fiançailles
Symbolisme
de la bague
« entente
qu’on était
pour se
fiancer parce
que je ne
voulais pas
vivre avec
quelqu’un
juste pour
vivre avec
quelqu’un »
(donc
accéder à un
statut)
Célébrations
prénuptiales
Shower de
mariage et
enterrement
de vie de
célibataire
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Reconnaissance
pour l’organisation
des cérémonies et
reconnaissance de
la générosité des
participantes
Planification du
mariage
Mariage
conventionnel
(en partie)
Rencontres
avec curé et
validation des
valeurs
religieuses et
matrimoniales
Aide des
parents dans
la
planification
et préparation
Mariage Mariage
conventionnel
(en partie)
Mariage
religieux
Importance de
continuation
de la tradition
familiale
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
-Importance
morale,
sentimentale et
émotionnelle de la
conformité aux
règles
-Importance du
mariage dans
l’église où d’autres
membres de la
famille se marièrent
-Importance des
vœux
212
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Réception
Festivités
suite à la
célébration du
mariage
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Importance d’être
entouré de la
famille et des amis
Importance de
parler aux invités et
de les remercier
Entrée en ménage Appartement
à côté des
parents
d’Scott. Scott
aide à ses
parents.
Importance pour
Scott d’aider à ses
parents.
Éducation des enfants Enseignement
de la langue
et de la
culture
Enseignement
de la religion
Importance de
l’institution
familiale
Importance de la
politesse, du
respect, du partage,
des règles de
courtoisie, de
l’amour pour la
famille
Bloc 2 :
Pratiques
coutumières
de la vie individuelle
Génération A
Grossesse et
naissance
-Shower de
naissance
-Cousine aide
avec les
relevailles
Relevailles :
aide entre
cousines
Shower de
naissance =
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Baptême
Importance
du baptême
catholique
Accueil dans
la famille des
Chrétiens
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
213
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Génération B
Grossesse et
naissance
-Shower de
naissance
-sœur aide
avec
relevailles
Relevailles :
aide entre
sœurs
Shower de
naissance =
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Baptême Importance
du baptême
catholique
Accueil dans
la famille des
Chrétiens
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Génération C
Naissance et
relevailles
-Shower de
naissance
-mère et
belle-mère
aident avec
relevailles
Relevailles :
aide entre
mère et belle-
mère
-Shower de
naissance =
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Baptême
Importance
du baptême
catholique
Accueil dans
la famille des
Chrétiens
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Les enfants doivent
être de la même
confession que les
parents
214
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Bloc 3 :
Pratiques
coutumières
de la vie domestique
Génération A
Vie domestique et
partage des tâches
La femme
reste au foyer,
l’homme va
travailler
-Valorisation
du rôle de la
femme au
foyer
-Valorisation
du rôle de
l’homme
comme
gagne-pain
Génération B
Vie domestique et
partage des tâches
-La femme
reste au foyer,
l’homme va
travailler
-La femme
fait son entrée
sur le marché
du travail
-Valorisation
du rôle de la
femme au
foyer
-Valorisation
du rôle de
l’homme
comme
gagne-pain
-Entrée de la
femme sur le
marché du
travail
-L’homme est
présent dans
plusieurs aspects de
la vie familiale
-Reconnaissance de
la participation de
la femme à la
situation financière
Génération C
Vie domestique et
partage des tâches
La femme et
l’homme
gardent
plusieurs des
tâches
traditionnelles
en raison de
la familiarité
L’homme et
la femme sont
sur le marché
du travail
-Valorisation
des rôles des
sexes :
partage des
tâches
domestiques
en raison de
la
participation
des deux
sexes sur le
marché du
travail
L’homme prend
charge de la
cuisson
215
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Bloc 4 :
Pratiques
coutumières
du cycle saisonnier
Génération A
Temps des Fêtes
Importance
des traditions
et des
pratiques
culturelles
-Importance
d’être entouré
des membres
de la famille
(précision sur
les
rassemblemen
ts du
réveillon)
-Importance
des pratiques
traditionnelles
familiales
rattachée aux
souvenirs
d’enfance
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Noël
Importance
des traditions
et des
pratiques
culturelles
-Importance
des pratiques
culinaires
familiales
-Importance
d’être entouré
des membres
de la famille
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Manifestatio
n de bonheur
et de joie, à
travers les
vœux offerts
-Quelques cadeaux
suffisent pour être
heureux
Autres fêtes
Pâques, Mois
de Marie,
Saint-Jean-
Baptiste
Importance
d’être entouré
des membres
de la famille à
Pâques
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
216
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Génération B
Temps des Fêtes
Importance
des traditions
et des
pratiques
culturelles
-Importance
d’être entouré
des membres
de la famille
-Importance
des pratiques
traditionnelles
familiales
rattachée aux
souvenirs
d’enfance
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Noël
Importance
des traditions
et des
pratiques
culturelles
Importance
d’être entouré
des membres
de la famille
(précisions
sur les
rassemblemen
ts de la veille
de Noël)
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
-Importance de voir
les gens heureux
-importance de se
retrouver en famille
la veille
-Importance de
partager le temps
avec enfant
Autres fêtes
action de
Grâces,
Pâques et
anniversaires
Importance
d’être entouré
des membres
de la famille.
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
Génération C
Temps des Fêtes
Importance
des traditions
et des
pratiques
culturelles
-Importance
d’être entouré
des membres
de la famille
-Importance
des pratiques
traditionnelles
familiales
rattachée aux
souvenirs
d’enfance
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
217
Famille 2
Pratiques
relatives aux
rites de
passage
Pratiques
relatives à
l’appartenan
ce religieuse
Pratiques
relatives au
quotidien
Pratiques
relatives à la
sociabilité
Expressions
affectives
Noël
Importance
des traditions
et des
pratiques
culturelles
-Importance
de partager le
temps entre
les deux
familles
- Importance
d’être entouré
des membres
de la famille.
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
-Pratiques raffinées
– rites (clé, lait,
biscuits pour Père
Noël) = importance
de créer des
souvenirs
-Intérêts des
membres
demeurent
prioritaires
Autres fêtes
Pâques,
action de
Grâces, Saint-
Valentin,
Saint-Patrick,
anniversaires
Importance
d’être entouré
des membres
de la famille.
Rassemblem
ents :
Consolidatio
n des liens et
renforcement
de la
cohésion
sociale
218
ANNEXE 6 : Tableau des familles699
699
Tableaux créés à partir de Smart Art, Microsoft Office Word 2007
Famille 1 Gérard et Jeanne (Famille 1,
Génération A : F1GA)
-Canadiens-français
-nés dans les années 1930
-mariés dans les années 1950
-habitent en campagne (fermiers)
-parents de 6 enfants
-parents d'Isabelle (ainée)
Isabelle et André (Famille 1, Génération B : F1GB)
-Canadiens-français / Franco-Ontariens
-nés dans les années 1950
-mariés dans les années 1970
-Isabellle habitait la campagne dans sa jeunesse
-habitent en ville
-parents de 3 enfants
-parents d'Émilie (fille cadette)
Émilie et Scott (Famille 1, Généraion C : F1GC)
-Émilie est Franco-Ontarienne
-Scott est Anglophone et protestant
-couple en ménage mixte
-nés dans les années 1970
-mariés dans les années 2000
-habitent en ville
-parents de 2 enfants
-leurs enfants fréquentent une école francophone
Famille 2 Thérèse et Jacques (Famille 2,
Génération A : F2GA)
-Canadiens-français
-Thérèse est née au Québec et déménage en Ontario durant son
adolescence (elle a vécu en Ontario la majorité de sa vie)
-nés dans les années 1930
-mariés dans les années 1950
-habitèrent la campagne pendant leur jeunesse et en ville par la suite
-parents de 5 enfants
-parents d'Alain (fils ainé)
Christine et Alain (Famille 2, Génération B : F2GB)
- Candiens-français /Franco-Ontariens
-nés dans les années 1950
-mariés dans les années 1970
-habitent la ville
-parent s de 2 enfants
-parents de Valérie
Valérie et Brian (Famille 2, Génération C : F2GC)
- Valérie est Franco-Ontarienne
-Brian est Anglophone
-couple en ménage mixte
-nés dans les années 1970
-mariés dans les années 2000
-habitent en ville
-parents de 2 enfants
-leurs enfants fréquentent une école francophone