L’Espace & Le Temps

  • Upload
    kidvsdc

  • View
    23

  • Download
    0

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Physics

Citation preview

  • Brian Cox et Jeff Forshaw

    Pourquoi E = mC ?et comment a marche?

    Brian Cox et Jeff Forshaw

    Br

    ian

    Co

    x

    Jeff

    Fo

    rsh

    aw

    Pourquoi E = mC ?et comment a marche?

    Po

    ur

    qu

    oi E

    = m

    C

    ?e

    t c

    om

    men

    t

    a m

    ar

    ch

    e ?

    Savez-vous que vous voyagez la vitesse de la lumire? Et non seulement vous, mais votre chaise, votre table, votre maison, la Terre elle-mme ? Bien sr, nous ne parlons pas ici dun voyage dans lespace en trois dimensions, mais dans la structure profonde de lunivers: lespace-temps. Vous trouvez cela difficile croire ? Pourtant, cest bien ce que nous dit la fameuse quation dEinstein : E= mc !

    En talentueux passeurs de savoirs, Brian Cox et Jeff Forshaw nous rvlent dans ce livre les mystres de la thorie de la relativit. Grce eux, mme sans bagage mathmatique, vous pourrez percer les secrets de lquation la plus clbre du monde !

    BRIAN Cox

    Physicien, professeur luniversit de Manchester, animateur dune mission de vulgarisation scientifique sur la BBC.

    JEFF Forshaw

    Physicien, professeur luniversit de Manchester.

    18,90 Prix France TTC6915490ISBN: 978-2-10-057564-0

    traduit de langlais par Guy chouraqui

  • SOMMAIRE

    Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX

    Chapitre 1. Lespace et le temps .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

    Chapitre 2. La vitesse de la lumire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

    Chapitre 3. Relativit restreinte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

    Chapitre 4. Lespace-temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

    Chapitre 5. Pourquoi E = mc2 ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

    Chapitre 6. Et pourquoi sen proccuper ? . . . . . . . . . . . . . . . . . .119

    Chapitre 7. Lorigine de la masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .141

    Chapitre 8. Dformation de lespace-temps .. . . . . . . . . . . . . . . .181

    Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .201

    Index .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .203

  • AVANT-PROPOS

    Notre but est de dcrire la thorie dEinstein sur lespace et letemps, de la manire la plus simple possible, tout en rvlant sabeaut profonde. Cela nous permettra de parvenir la fameusequation E = mc2 sans utiliser un niveau mathmatique dpassantle thorme de Pythagore (ne vous inquitez pas si vous nenavez plus aucun souvenir, nous lexpliquerons aussi)... Tout aussiimportant, nous voulons que chaque lecteur de ce petit livrepuisse voir comment les physiciens modernes pensent la nature,construisent des thories qui peuvent se rvler utiles, et vontparfois jusqu changer nos vies. En imaginant un nouveau modledespace et de temps, Einstein a permis de comprendre ce qui faitbriller les toiles, a dcouvert la raison profonde pour laquelle lesmoteurs lectriques et les gnrateurs fonctionnent et, finalement,a jet les bases sur lesquelles toute la physique moderne repose. Celivre se veut galement provocateur et stimulant ; il ne sagit pas deremettre en cause la physique elle-mme : les thories dEinsteinsont trs bien tablies et soutenues par un grand nombre de preuvesexprimentales, comme nous allons le dcouvrir au cours de notredveloppement. Cependant, le temps venu, les thories dEinsteinpourront tre contraintes de cder la place une reprsentationencore plus fidle de la nature. En science, il nexiste pas de vritsternelles, seulement des reprsentations du monde qui ne se sont

  • Avant-propos

    pas encore rvles fausses. Tout ce dont nous sommes srs, cestque, pour linstant, ces thories fonctionnent. Le ct provocateurde ce livre tient tout entier dans la refonte radicale que la scienceimpose notre vision du monde. Scientifique ou pas, chacun denous a de lintuition, et lutilise pour dduire beaucoup de chosessur son environnement, partir de son exprience quotidienne.Cependant, si nous soumettons nos conclusions la lumirefroide et prcise de la mthode scientifique, nous dcouvronssouvent que la nature dment ces intuitions. Au fur et mesurede notre progression, nous constaterons par exemple que, pourdes objets se dplaant trs haute vitesse, les notions de bonsens concernant lespace et le temps sont bouleverses de fonden comble et remplaces par dlgantes perspectives, totalementnouvelles et inattendues. Cette leon est salutaire car elle incite la prudence et doit inspirer un sentiment dhumilit respectueuse :lunivers est bien plus riche que ce que pourraient faire croirenos expriences quotidiennes. Enfin, plus merveilleux encore, lanouvelle physique, dans toute sa richesse, se caractrise par unelgance mathmatique couper le souffle.

    Malgr sa difficult apparente, la science nest pas excessivementcomplique au fond. Elle consiste surtout liminer nos prjugspour nous permettre dobserver le monde le plus objectivementpossible. Elle accomplit cette tche avec plus ou moins de succs,cependant peu de gens nieraient quelle parvient expliquer lefonctionnement de lunivers. Il est malais dapprendre se mfierdu bon sens . Pourtant, en nous amenant accepter la naturetelle quelle est, et non telle que nos ides prconues nous laprsentent, la mthode scientifique nous a ouvert laccs toutesles technologies modernes. En bref, la science, a marche !

    Dans la premire moiti du livre, nous dmontrerons lquationE = mc2. Par dmontrer , nous voulons dire que nous allonsexpliquer comment Einstein est parvenu la conclusion quelnergie est gale la masse multiplie par le carr de la vitesse de

    X

  • Avant-propos

    la lumire cest mot pour mot exactement ce que dit lquation.Cette manire de lier la notion dnergie et la notion de masse estpour le moins trange. Rflchissons-y un peu. Le genre dnergiele plus familier est sans doute celui li au mouvement : si vousrecevez une balle de tennis en pleine figure, vous le sentirez ; unphysicien dirait que la raquette de ladversaire a communiqude lnergie la balle, et que cette nergie est transmise votrevisage lorsque ce dernier arrte la balle. Quant la masse, cestune mesure de la quantit de matire contenue dans un objet.Une balle de tennis est plus massive quune balle de ping-pong,mais moins massive que la plante. Or, quest-ce que lquationE = mc2 exprime essentiellement ? Que lnergie et la masse sontinterchangeables, un peu comme on change des monnaies, un taux qui serait le carr de la vitesse de la lumire. Commentdiable Einstein a-t-il pu aboutir pareille conclusion, et que vientfaire la vitesse de la lumire dans une quation reliant lnergieet la masse ? Pour aborder ces questions, nous ne supposeronsaucune connaissance scientifique pralable et nous viterons lesmathmatiques autant que possible. Nanmoins, notre but estdoffrir au lecteur une relle explication (et non pas une simpledescription). cet gard, nous esprons apporter quelque chosede nouveau.

    Dans les dernires parties du livre, nous constaterons quel pointlquation E = mc2 sous-tend notre comprhension des rouages delunivers. Pourquoi les toiles brillent-elles ? Comment lnergienuclaire concurrence-t-elle le charbon ou le ptrole ? Quest-ceque la masse ? Cette dernire question nous conduira dans lemonde de la physique moderne des particules, au LHC (LargeHadron Collider : Grand Collisionneur de Hadrons), lacclrateurde particules gant du CERN Genve. Elle mettra galementlaccent sur limportance du mystrieux boson de Higgs, une

    XI

  • Avant-propos

    particule qui dtiendrait lexplication de lorigine mme de lamasse, un objet de recherches trs actives dans ce laboratoire. Lelivre se terminera sur cette remarquable dcouverte dEinstein : lastructure de lespace et du temps est en dfinitive lorigine dela force de gravitation, ce qui se traduit par exemple par ltrangeide que la Terre tombe en ligne droite autour du Soleil !

    XII

  • 1LESPACE ET LE TEMPS

    Que signifient pour vous les mots espace et temps ? Peut-trevous reprsentez-vous lespace comme cette zone obscure compriseentre les toiles que vous observez dans le ciel par une froide nuitdhiver ? Ou bien ce mot vous voque-t-il, un vaisseau spatialscintillant, recouvert dune pellicule dore digne de Star Wars oude Toy Story, glissant entre Lune et Terre ? Le temps, quant lui,convoquera-t-il dans votre esprit le tic-tac de lhorloge ou bien lesfeuilles rougies par lautomne, quand la course annuelle du Soleilplonge dans lombre, pour la cinq milliardime fois, les rgions delhmisphre Nord ? Nous avons tous une ide intuitive de lespaceet du temps qui sont ltoffe mme de notre existence. Nous nousdplaons travers lespace sur la surface de notre plante bleue,tandis que sgrne le tic-tac du temps.

    Durant les dernires annes du XIXe sicle, une srie davancesscientifiques, dans des domaines apparemment sans rapportentre eux, ont forc les physiciens remettre en question cesreprsentations simples et intuitives. Dans les premires annes duXXe sicle, Hermann Minkowski, un collgue dAlbert Einsteinqui joua pour lui le rle de tuteur, a sans doute prouv unecertaine motion en crivant son article ncrologique dsormaisclbre sur la dfunte notion despace : Dsormais, lespace en

    Dun

    odToutereproduction

    nonautoriseestu

    ndlit.

  • Pourquoi E = mc2 ?

    lui-mme ainsi que le temps en lui-mme doivent svanouir telsde vulgaires spectres, et seule une sorte dunion des deux garderaune existence indpendante. Quentendait donc Minkowski par une sorte dunion de lespace et du temps ? Pntrer le sensde cette affirmation presque mystique cest saisir lessence de lathorie de la relativit restreinte dEinstein celle-l mme quiengendra la plus clbre de toutes les quations de la physique,E = mc2, et poussa jamais sur le devant de la scne la quantitdsigne par c, la vitesse de la lumire, dans notre comprhensiondu thtre de lunivers.

    La thorie de la relativit dEinstein est fondamentalement unedescription de lespace et du temps, or, au centre de cette thorie,il y a le concept dune vitesse particulire que rien dans luniversne peut dpasser, quelle que soit la puissance dont on dispose.Cette vitesse est la vitesse de la lumire, 299 792 458 mtres parseconde dans le vide. Voyageant cette vitesse, un flash de lumiremis partir de la Terre met une seconde pour arriver jusqu laLune, huit minutes pour passer prs du Soleil, 100 000 ans pourtraverser notre propre galaxie, la Voie Lacte, et plus de 2 millionsdannes pour atteindre sa voisine, Andromde. Cette nuit, lesplus grands tlescopes terrestres vont sonder lespace obscur afinde capter lantique lumire de lointains soleils, morts depuislongtemps, la frontire de lunivers observable. Cette lumirea commenc son voyage il y a plus de 10 milliards dannes,bien avant que la Terre ne naisse de leffondrement dun nuagede poussire interstellaire. La vitesse de la lumire est norme lchelle humaine, mais elle nest pas infinie. Bien au contraire,lorsque confronte aux immenses distances cosmiques entre toiles,entre galaxies, la lumire est dune lenteur dcourageante ; elleest mme suffisamment lente pour que, laide de machinestelles que le grand collisionneur de hadrons de 27 kilomtres aucentre europen de physique des particules, le CERN Genve,

    2

  • Lespace et le temps

    nous puissions acclrer de trs petits objets jusqu une vitesseextrmement proche de la vitesse de la lumire.

    Ce concept de limite cosmique impose la vitesse est bientrange, et comme nous le dcouvrirons plus tard, identifiercette limite la vitesse de la lumire se rvle rducteur. Cettelimite joue un rle bien plus profond dans lunivers dEinstein.Il y a mme une bonne raison pour que la lumire se dplacejustement cette vitesse-l. Nous en parlerons plus tard. Pourlinstant, quil nous suffise de mentionner que lorsque des objetssapprochent de la vitesse limite, des phnomnes curieux seproduisent. Comment pourrait-on dans le cas contraire interdire un objet de dpasser la vitesse limite ? Cest comme si une loiuniverselle de la physique empchait votre voiture de dpasser100 km/h, quelle que soit la puissance de son moteur, et que,contrairement au cas dune limitation rglementaire, aucune forcede police cosmique ne serait ncessaire pour la faire respecter. Eneffet, la structure mme de lespace et du temps est telle quil estabsolument impossible de transgresser la loi, ce qui est heureux,sinon des consquences dsagrables se produiraient. Ainsi, nousverrons que sil tait possible de dpasser la vitesse de la lumire, ildeviendrait envisageable de construire des machines capables denous transporter dans le temps. Nous pourrions ainsi imaginerremonter vers une poque antrieure notre naissance et, paraccident ou dessein, empcher nos parents de se rencontrer.Cest un excellent thme de science-fiction, mais il ny a aucunmoyen de construire rellement un tel univers, et comme Einsteinla montr, notre univers ne fonctionne pas comme a. Espaceet temps sont dlicatement entrelacs, dune faon telle que cesparadoxes ne peuvent se produire. Cependant, il y a un prix payer : il faudra nous dbarrasser de nos notions intuitives delespace et du temps. Lunivers dEinstein est celui o les horlogesen mouvement ralentissent leur tic-tac, o les objets se contractentlorsquils se dplacent, et o nous pouvons voyager des milliards

    Dun

    odToutereproduction

    nonautoriseestu

    ndlit.

    3

  • Pourquoi E = mc2 ?

    dannes durant la seule condition que ce soit dans le futur. Cestun univers dans lequel la dure dune vie humaine peut sallongerpresque indfiniment. Nous pourrions observer la mort du Soleil,lvaporation des ocans et notre systme solaire plong dans unenuit perptuelle. Nous pourrions assister la naissance dtoiles partir de tourbillons de nuages de poussire, la formationdes plantes, et peut-tre lapparition de la vie sur de nouveauxmondes encore informes. Lunivers dEinstein autorise ces voyagesdans un futur mme lointain, mais derrire nous, les portes dupass demeurent fermement closes.Nous allons voir comment Einstein a t amen concevoir

    une image aussi fantastique de lunivers, et comment cetteimage sest rvle parfaitement exacte, et mme ncessaire, travers dinnombrables expriences scientifiques et applicationstechnologiques. Par exemple, le systme GPS de votre voituretient compte du fait que le temps ne scoule pas au mme rythmesur Terre et dans les satellites en orbite ! La vision dEinstein estradicalement dcapante : lespace et le temps ne sont pas ce quilsparaissent.Mais pour partager et apprcier la bouleversante vision dEin-

    stein, il va nous falloir accepter de rflchir trs profondment lespace et au temps, ces deux concepts au cur de la thorie de larelativit.Imaginez-vous, lisant un livre durant un voyage en avion.

    12 h 00, vous jetez un coup dil votre montre, vous dcidezde poser votre livre, de quitter votre sige, et de marcher danslalle pour discuter avec un ami, dix ranges plus loin. 12 h 15,vous retournez votre sige, vous vous asseyez et reprenez votrelivre. Aucun doute, vous tes revenu exactement au mme endroit.Vous avez remont les dix mmes ranges pour revenir votresige, et vous avez retrouv votre livre l o vous laviez laiss.Mais maintenant, pensez un peu plus attentivement cette notionde au mme endroit . Cela peut sembler totalement inutile,

    4

  • Lespace et le temps

    tant le simple bon sens en donne une ide parfaitement claire.Quand nous tlphonons un ami et que nous lui fixons unrendez-vous pour boire un verre dans tel ou tel caf, nous savonsbien que le caf se trouvera au mme endroit que la dernirefois ! Certes, le type de discussion que nous entreprenons dans cechapitre peut paratre totalement oiseux, mais persistons dans cesens, car en remettant en question des vidences, nous mettonsnos pas dans ceux dAristote, Galile, Newton et Einstein. Ainsi,comment dfinir prcisment ce que nous entendons par aumme endroit ? Sur la surface de la Terre, cela ne pose pas deproblme particulier. Il suffit de se reprsenter sur notre globeune sorte de grille ou de quadrillage, les lignes de latitude et delongitude. Tout endroit peut alors tre repr par deux nombres,qui reprsentent sa position sur cette grille. Par exemple, laville de Manchester au Royaume-Uni se situe 53 degrs 30minutes au nord de lquateur, et 2 degrs 15 minutes louestdu mridien de Greenwich. Ces deux nombres suffisent pourdfinir exactement la position de Manchester, puisque tout lemonde saccorde sur la localisation de lquateur et la dfinitiondu mridien de Greenwich. Gnralisons : pour dfinir nimportequel point, sur la surface de la Terre ou au-dessus delle, il suffitdimaginer une grille tridimensionnelle, stendant vers le haut partir de la surface. Cette grille peut mme tre prolonge versle bas, vers le centre de la Terre et au-del, de lautre ct de laTerre. On peut ainsi reprer tout point par rapport la grille,que ce soit en lair, la surface, ou sous Terre. En fait, cettetechnique ne se limite pas la Terre. La grille pourrait stendrevers lextrieur au-del de la Lune, au-del de Jupiter, Neptune etPluton, au-del mme du bord de la Voie lacte, jusquaux confinsde lunivers. laide de notre grille gante, potentiellement infinie,nous avons la possibilit de savoir o chaque chose se trouve et,comme dirait Woody Allen, cest bien utile quand on a perdu sonstylo... Notre grille dfinit donc une arne dans laquelle se trouve

    Dun

    odToutereproduction

    nonautoriseestu

    ndlit.

    5

  • Pourquoi E = mc2 ?

    tout ce qui existe, une sorte de bote gante contenant tous lesobjets de lunivers. Ds lors, il est bien tentant daffirmer : cettearne, cette bote, cest cela lespace.

    Mais revenons dabord la question de ce quon entend par aumme endroit , et reprenons lexemple de lavion. Nous avonssuppos que, 12 h 00 puis 12 h 15, nous nous tions retrouvsau mme point de lespace. Et pourtant, imaginez commentla squence des vnements apparat pour une personne situeau sol, qui regarde lavion. Elle le voit passer au-dessus delle 800 km/h ; elle dirait que, entre 12 h 00 et 12 h 15, vous voustes dplac de 200 km, et que vous ntes videmment pas revenu au mme endroit . Qui a raison ? Qui est en mouvement ? Quiest immobile ?

    Il est tout fait lgitime dhsiter devant ces questions simplesen apparence : Aristote, lun des plus grands esprits de la Grceantique, aurait par exemple donn une rponse radicalement fausse.Il aurait affirm, sans doute possible, que cest vous, le passager delavion, qui tes en mouvement. En effet, Aristote voyait la Terreau centre de lunivers. Selon lui, le Soleil, la Lune, les planteset les toiles tournaient autour delle, sur cinquante-cinq sphrestransparentes concentriques, embotes comme des poupes russes.Il partageait ce concept intuitivement convaincant de lespacecomme une arne, ou une bote, dans laquelle on trouverait laTerre et les sphres. Cette image de lunivers constitu de la Terreet dun ensemble de sphres parat ridicule aujourdhui. Maissupposez que personne ne nous ait dit que la Terre tourne autourdu Soleil, que les toiles sont des soleils lointains, des milliers defois plus brillants que le ntre, mais des milliards de milliards dekilomtres. Percevrions-nous que la Terre est en mouvement dansun univers incroyablement grand ? Notre vision actuelle dumondefut loin dtre aise construire, car elle va souvent rebours de nosintuitions. Si cette image de lunivers chafaude par des milliersdannes dexprience et de rflexion tait si vidente, alors les

    6

  • Lespace et le temps

    plus grands esprits du pass, comme Aristote, lauraient laboreeux-mmes. De mme, si tel ou tel concept de ce livre vous sembledifficile, rassurez-vous : les plus grands esprits de lantiquit enauraient galement convenu.

    Pour trouver la faille dans le raisonnement dAristote, commen-ons par accepter un instant son point de vue, et voyons o celanous mne. Selon lui, tout lespace contient ncessairement unegrille imaginaire centre sur la Terre, grce laquelle on peutreprer la position de toute chose, et dfinir avec certitude cequi est en mouvement ou ce qui est immobile. Si lon acceptecette image de lespace comme la bote qui contient tout, la Terreimmobile en occupant le centre, alors il devient clair que vous,le passager de lavion, avez chang de place dans la bote, alorsque la personne qui regardait voler lavion est reste immobile la surface de la Terre, elle-mme fixe. En dautres termes, il existeun mouvement absolu, et du mme coup, un espace absolu. Unobjet est en mouvement absolu sil change de place dans lespaceau cours du temps, par rapport la grille imaginaire fixe au centrede la Terre.

    Le problme avec cette image, bien sr, est que la Terre nestpas immobile au centre de lunivers : cest une boule qui tourneen orbite autour du Soleil. De fait, la Terre se dplace plus de100 000 km lheure par rapport au Soleil. Quand vous vouscouchez le soir et que vous dormez durant huit heures, vous avezparcouru plus de 800 000 km votre rveil. Vous pourriez alorsaffirmer que, dans 365 jours environ, votre chambre retrouveraexactement le mme point de lespace, puisque la Terre auraboucl une orbite complte autour du Soleil. On pourrait ainsise contenter de modifier un peu notre reprsentation, tout ensauvegardant lessentiel du point de vue dAristote : il suffirait dechoisir le Soleil comme centre de la grille. Cette ide est assezsimple, mais elle nest pas bonne non plus, car le Soleil lui-mmetourne autour du centre de la Voie Lacte. La Voie lacte est

    Dun

    odToutereproduction

    nonautoriseestu

    ndlit.

    7

  • Pourquoi E = mc2 ?

    notre le locale, de plus de 200 000 millions de soleils. Commevous pouvez limaginer, elle est immensment grande, et il fautun certain temps pour en faire le tour. Le Soleil, avec la Terre sasuite, se dplace autour de la Voie Lacte prs de 800 000 km/h, une distance de 250 millions de milliards de kilomtres du centre. cette vitesse, il faut 226 millions dannes pour parcourir uneorbite. Bon, peut-tre suffirait-il dun pas de plus pour sauverle point de vue dAristote. Nous pourrions dcider de placer lecentre de la grille au centre de la Voie Lacte : si par exemplevous tes dans votre lit, imaginez ce qui se passait, la dernire foisque la Terre tait ici , ce point trs prcis de lespace. Undinosaure tait en train de patre paisiblement, dans la lumire dupetit matin, mangeant des plantes prhistoriques, lemplacementmme de votre chambre. Mais attention, cest encore faux : enralit, les galaxies elles-mmes senfuient les unes par rapport auxautres, et plus elles sont lointaines, plus grande est leur vitesse dedplacement. Il est donc vident que, vu la complexit de notremouvement parmi les innombrables galaxies de lunivers, ramenercelui-ci une conception simple est impossible.

    La vision aristotlicienne dune grille immobile fixe quelquepart est donc confronte une difficult considrable : commentdfinir exactement ce quon entend par le mot immobile ? Endautres termes, il se rvle impossible de savoir o mettre le centrede la grille imaginaire permettant de dfinir la position dun pointquelconque, et donc de trancher entre ce qui est immobile et cequi est en mouvement. Aristote lui-mme na jamais eu affronterce problme, car sa conception dune Terre immobile, entoure desphres en rotation, na jamais t srieusement conteste durantprs de 2 000 ans. Certes, cette conception aurait d tre remiseen question, mais comme nous lavons dj dit, ces choses sontloin dtre videntes, mme pour les plus grands esprits. ClaudiusPtolemaeus, connu plus communment sous le nom de Ptolme,travaillait la grande Bibliothque dAlexandrie en gypte, au

    8

  • Lespace et le temps

    IIe sicle. Ctait un observateur attentif du ciel nocturne, et ilsinquitait du mouvement cleste apparemment trange des cinqplantes alors connues (en grec, plants astrs signifie astreerrant ). Observes de la Terre sur plusieurs mois, elles ne suiventpas un chemin rgulier mais semblent effectuer des boucles dansle ciel. Cet trange ballet est appel mouvement rtrograde. Iltait connu plusieurs milliers dannes avant Ptolme. Ainsi, lesanciens gyptiens avaient dcrit Mars comme la plante qui va reculons . Ptolme tait daccord avec Aristote pour affirmerque les plantes tournent autour dune Terre immobile, maispour expliquer le mouvement rtrograde, il a d imaginer delier les plantes de petites roues dcentres en rotation, lespicycles, leur tour attaches aux sphres tournantes. Ce modletait loin dtre lgant, il tait mme plutt compliqu, quoiqueparfaitement capable de rendre compte dumouvement des plantesdans le ciel nocturne. La vritable explication du mouvementrtrograde dut attendre le milieu du XVIe sicle, quand NicolasCopernic proposa lexplication plus lgante (et plus exacte)dune Terre non plus immobile au centre de lunivers, maisen orbite autour du Soleil, comme les autres plantes. Les travauxde Copernic ne manqurent pas de dtracteurs et furent jugscontraires la foi par lglise catholique. Louvrage ne fut retirde lIndex des livres interdits quen 1835 ! Les mesures prciseseffectues par Tycho Brah, puis les travaux de Johannes Kepler,de Galile et de Newton, ont finalement tabli que Copernicavait non seulement raison, mais que ces travaux permettaientde plus dtablir une thorie du mouvement des plantes, sousla forme de lois de Newton du mouvement et de la gravitation.Ces lois demeurrent incontestes et rendirent compte aussi biendu mouvement des astres errants et de tous les objets soumis lapesanteur, des obus dartillerie aux galaxies en rotation, jusqulapparition de la thorie de la relativit gnrale dEinstein en1915.

    Dun

    odToutereproduction

    nonautoriseestu

    ndlit.

    9

  • Pourquoi E = mc2 ?

    Ces vues en constante volution de la position de la Terre, desplantes et de leurs mouvements dans le ciel devraient servir deleon toute personne absolument convaincue de possder unsavoir certain sur quoi que ce soit. Il y a bien des faits de notremonde qui paraissent vidents premire vue, et lun dentre euxest que nous sommes immobiles, lendroit o nous sommes.Maislavenir ne manque jamais de nous mnager des surprises. Riendtonnant ce que la nature contredise les intuitions dune tribudobservateurs, descendants de singes constitus essentiellementde carbone, dhydrogne, dazote et doxygne, se baladant lasurface dun monde rocheux, tournant en orbite autour dunetoile trs quelconque, ni jeune ni vieille, situe dans une zonepriphrique de la Voie Lacte ! Il est tout fait envisageable,il est mme parfaitement probable, que les thories de lespaceet du temps discutes dans ce livre se rvleront ntre que desapproximations dune thorie plus profonde, encore dcouvrir.La science est une discipline qui glorifie lincertitude, et qui yreconnat mme la cl de son succs.

    Galileo Galilei, n vingt ans aprs que Copernic avait proposson modle dunivers centr sur le Soleil, tudiait de manire trsapprofondie la notion demouvement. Sa vision tait probablementla mme que la ntre : la Terre nous apparat immobile, mmesi ltude du mouvement des plantes dans le ciel dmontre quilnen est rien. Mais Galile eut une intuition qui se rvla fconde :de ce paradoxe apparent, il fut capable de tirer une conclusiontrs gnrale. Sil nous semble que nous sommes immobiles, alorsmme que nous savons que nous sommes enmouvement autour duSoleil, cest quil nexiste aucunmoyen, aucun principe, permettantde trancher entre ce qui est larrt et ce qui est en mouvement.En dautres termes, cela na aucun sens de parler de mouvementabsolu, on ne peut parler que de mouvement relatif dune chosepar rapport une autre. Il sagit l dune ide incroyablementimportante. Elle pourrait sembler vidente en un sens, pourtant,

    10

  • Lespace et le temps

    apprcier pleinement son contenu ncessite un peu de rflexion.On voit clairement, par exemple, que lorsque vous tes dans lavionavec votre livre, le livre nest pas en mouvement par rapport vous.Si vous le mettez sur la tablette en face de vous, une distance fixe,invariable, vous en sparera. Et bien sr, par rapport quelquunsur Terre, le livre se dplace en lair avec lavion. Mais lintuition deGalile va en ralit bien au-del : il conclut que ces affirmationssont les seules possibles, cest--dire quon ne peut parler que dumouvement du livre par rapport vous qui tes assis dans votresige davion, ou par rapport au sol, ou par rapport au Soleil, oupar rapport la Voie Lacte, mais toujours par rapport quelquechose. Lide de mouvement absolu est un concept inutile, et ilconvient de sen dlester.

    Cela peut sembler provocant, profond seulement en apparence,un peu comme un oracle nigmatique. Dans ce cas, cependant,il se rvle dune grande richesse, digne de la rputation deGalile. Pour comprendre pourquoi, posons-nous la questionde savoir si la grille dAristote, qui nous permettrait de savoirsi quelque chose est en mouvement absolu, est utile dans uneperspective scientifique. Ici scientifiquement utile signifie quilserait possible den tirer des consquences observables, des effetsdtectables exprimentalement. Par exprience , entendonstoutemesure, de nimporte quelle sorte :mouvement dun pendule,couleur de la lumire mise par une bougie, ou collision departicules subatomiques dans le grand collisionneur de hadrons duCERN (nous y reviendrons). Si une ide na pas de consquenceobservable, elle ne sert rien pour saisir le fonctionnementde lunivers, mme si elle peut paratre psychologiquementindispensable notre confort intellectuel.

    Ce critre fournit un outil trs puissant pour trier le bon grainde livraie, dans un monde foisonnant dides et de conceptionsde toutes sortes. Dans sa parabole de la thire en porcelaine, lephilosophe Bertrand Russell illustre par une analogie la futilit de

    Dun

    odToutereproduction

    nonautoriseestu

    ndlit.

    11

  • Pourquoi E = mc2 ?

    saccrocher des concepts sans consquences observables. Russellaffirme quil est absolument certain quil existe, en orbite quelquepart entre la Terre et Mars, une petite thire de porcelaine, troppetite pour tre observe par les tlescopes les plus puissants. Siun plus grand tlescope tait construit et que, aprs un examenapprofondi (et fastidieux !) de lensemble du ciel, on nobservaitnulle part la thire, Russell pouvait affirmer que la thire estjuste un peu plus petite que prvu, mais quelle est bien l. Cestce quon appelle changer la rgle du jeu ou encore dplacerle problme ... Bien que la thire puisse ne jamais tre observe,il serait incroyablement prsomptueux de la part de lespcehumaine, selon largument malicieux de Russell, de douter de sonexistence, et il conviendrait donc de respecter cette opinion, aussiabsurde quelle paraisse. Lobjectif de Russell nest pas de faireadmettre le droit de chacun concocter son dlire personnel, maisde souligner qulaborer une thorie qui ne peut tre ni prouve,ni rfute par lobservation, na rigoureusement aucun intrt : onne peut rien en conclure, quelle que soit la passion quon y mette.Inventer nimporte quel objet, ou nimporte quelle ide, sil nya aucun moyen de lobserver directement ou indirectement nefera jamais avancer la comprhension scientifique de lunivers. Demme, lide de mouvement absolu ne signifierait quelque choseque si nous pouvions concevoir une exprience pour le dtecter.Par exemple, nous pourrions mettre en place un laboratoire dephysique dans un avion et effectuer des mesures de haute prcisionsur tous les phnomnes physiques imaginables, dans une derniretentative courageuse pour dtecter le mouvement. On pourraitobserver les oscillations dun pendule et mesurer leur dure,on pourrait faire des expriences sur des piles, des gnrateurslectriques et des moteurs, ou mme sur des ractions nuclaireset dtecter les rayonnements mis. En principe, dot dun avionsuffisamment grand, nous pourrions pratiquement reproduiretoutes les expriences ralises dans lhistoire de lhumanit. Le

    12

  • Lespace et le temps

    point cl qui sous-tend ce livre, en totalit, et qui constitue lunedes pierres angulaires de la physique moderne est que, pourvuque lavion ne soit pas en phase dacclration ou de dclration,aucune de ces expriences ne mettra en vidence son mouvement.Mme regarder par le hublot napporterait rien, car tout ce quenous pourrions observer serait que le paysage dfile sous nos yeux,mais alors le contraire resterait possible : le sol bouge et noussommes immobiles. Le mieux quon puisse dire serait : noussommes stationnaires par rapport lavion , ou nous sommes enmouvement par rapport au sol . Cest l le principe de relativitde Galile : il nexiste pas de mouvement absolu, puisquon nepeut pas le dtecter exprimentalement. Cela nest pas choquantcar nous le savions dj, intuitivement : si nous sommes dans untrain larrt, alors que le train du quai voisin se met en branle,nous prouvons durant une fraction de seconde la sensation trsnette que notre train vient de se dplacer.

    Toute cette discussion peut sembler plutt philosophique,mais elle concerne la nature profonde de lespace et constituela premire tape sur le chemin des thories dEinstein : puisquilest fondamentalement impossible de dtecter le mouvementabsolu, le concept dune grille particulire dfinissant labsence demouvement doit tre abandonn, ainsi que le concept despaceabsolu.

    Sil tait possible de dfinir une grille aristotlicienne particulirequadrillant tout lunivers, alors le mouvement repr sur cette grilleserait dfini comme absolu. Labandon de la notion demouvementabsolu implique ainsi de rejeter la possibilit mme de cette grille.Mais alors, comment dfinir la position dun objet dans lespace ?En dautres termes, o sommes-nous dans lunivers ? En labsencede la grille dAristote, ces questions nont plus aucun sens. Lesseules choses dont nous pouvons parler sont les positions relativesdes objets les uns par rapport aux autres. Il nexiste aucun moyende spcifier des positions absolues dans lespace, et nous pouvons

    Dun

    odToutereproduction

    nonautoriseestu

    ndlit.

    13

  • Brian Cox et Jeff Forshaw

    Pourquoi E = mC ?et comment a marche?

    Brian Cox et Jeff Forshaw

    Br

    ian

    Co

    x

    Jeff

    Fo

    rsh

    aw

    Pourquoi E = mC ?et comment a marche?

    Po

    ur

    qu

    oi E

    = m

    C

    ?e

    t c

    om

    men

    t

    a m

    ar

    ch

    e ?

    Savez-vous que vous voyagez la vitesse de la lumire? Et non seulement vous, mais votre chaise, votre table, votre maison, la Terre elle-mme ? Bien sr, nous ne parlons pas ici dun voyage dans lespace en trois dimensions, mais dans la structure profonde de lunivers: lespace-temps. Vous trouvez cela difficile croire ? Pourtant, cest bien ce que nous dit la fameuse quation dEinstein : E= mc !

    En talentueux passeurs de savoirs, Brian Cox et Jeff Forshaw nous rvlent dans ce livre les mystres de la thorie de la relativit. Grce eux, mme sans bagage mathmatique, vous pourrez percer les secrets de lquation la plus clbre du monde !

    BRIAN Cox

    Physicien, professeur luniversit de Manchester, animateur dune mission de vulgarisation scientifique sur la BBC.

    JEFF Forshaw

    Physicien, professeur luniversit de Manchester.

    18,90 Prix France TTC6915490ISBN: 978-2-10-057564-0

    traduit de langlais par Guy chouraqui