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16 formation dossier Comment traiter les infections hautement pathogènes provoquées par des virus à ARN (VIH exclu) Actualités pharmaceutiques n° 488 Septembre 2009 Ce produit peut empêcher la réplication de la plupart des virus à ARN in vitro (virtuellement tous les virus), mais la puissance varie beaucoup en fonction de l’espèce de virus. Le principal effet indésirable engendré par l’administra- tion de ribavirine est l’anémie. Celle-ci est liée en partie à sa toxicité sur les précurseurs médullaires des hématies incapables de déphosphoryler la molécule qui s’accu- mule. Une diminution du taux d’hémoglobine de plus de 20 g/L est en effet observée chez plus de 70 % des patients. Plus rarement, cette anémie serait liée à une hémolyse. La posologie quotidienne peut être abaissée jusqu’à 1 cp le matin et 2 cp le soir en cas de diminution massive du taux d’hémoglobine. La ribavirine est contre- indiquée chez les patients souffrant de drépanocytose ou de thalassémies. Dans ce cas, le traitement antiviral d’une hépatite chronique C est une monothérapie à base d’interféron pégylé. La chute rapide du taux d’hémoglobine peut entraîner une diminution de l’apport en dioxygène aux orga- nes, en particulier au cœur, faisant courir un risque d’angor, voire d’infarctus du myocarde. La fonction cardiaque doit donc être surveillée avant et pendant le traitement par ribavirine. Un traitement par interféron pégylé seul peut être envisagé en cas d’antécédent d’angor. Les autres effets indésirables du traitement antiviral sont plutôt liés à l’interféron, même si la ribavirine peut les potentialiser (syndrome pseudogrippal, troubles hématologiques, psychiatriques, digestifs, endocriniens et cutanés). La ribavirine est tératogène. Un moyen de contracep- tion doit donc être utilisé pendant tout le traitement et jusqu’à 6 mois après son arrêt, chez la femme comme chez l’homme. Enfin, elle entraîne une acidose lactique chez les patients traités coinfectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). La ribavirine ne doit pas être associée à la zidovudine. Il faut aussi éviter de l’associer à la didanosine ou à l’abacavir. Le traitement de l’infection par le virus respiratoire syncytial Le palivizumab (Synagis ® ) est un anticorps monoclonal antiVRS (virus respiratoire syncytial), dirigé contre un épitope du site antigénique A de la protéine de L’hépatite C et son traitement L a ribavirine est actuellement le seul antiviral utilisé dans le traitement des hépatites chroniques virales C (le caractère chronique d’une hépatite virale est défini par la persistance du virus dans le sang pendant plus de 6 mois). Rappelons que le virus de l’hépatite C, dont il existe six génotypes et de nombreux sous-types, est un virus strictement humain présent dans le monde entier. Il est essentiellement transmis par voie sanguine : – par transfusion (en France essentiellement avant mars 1990, date instaurant un dépistage obligatoire des dons du sang) ; – au cours d’une toxicomanie par voie intraveineuse ; – de façon nosocomiale ; – plus rarement par tatouage, piercing, acupuncture, soins dentaires... Cependant, environ 30 % des cas restent sans documentation quant à leur mode de transmission. • L’incidence de l’hépatite C est élevée puisqu’au niveau mondial, 3 % de la population serait infectée, soit 170 millions d’individus. En France, il y aurait environ 350 000 porteurs chroniques du virus, les chiffres ayant été initialement surestimés, puis revus à la baisse. • L’hépatite C aiguë est rarement symptomatique (10 % des cas) et se manifeste biologiquement par une augmentation modérée des transaminases (inférieures à dix fois la valeur supérieure de la normale). La guérison survient de manière spontanée dans 30 % des cas. Dans les autres cas, l’évolution se fait vers la chronicité, le virus répliquant de manière permanente. Le principal symptôme caractérisant une hépatite chronique C, qui est par ailleurs fréquemment asymptomatique, est l’asthénie. Des anomalies immunologiques sont fréquentes. Chez 10 à 15 % des patients, l’hépatite chronique C évolue au bout d’un certain nombre d’années vers la fibrose hépatique. Les principales complications sont la survenue à distance d’une cirrhose et/ou d’un hépatocarcinome. • À l’heure actuelle, le traitement, dont l’objectif est de guérir l’hépatite en éliminant le virus, s’adresse : – aux patients présentant une hépatite chronique active, c’est-à-dire dont le foie montre des lésions histologiques modérées ou sévères (degré de fibrose F2 au score Metavir), appréciées après ponction- biopsie hépatique ou par des tests moins agressifs (Fibroscan ® , Fibrotest ® , Fibromère ® ...) ; – aux patients présentant une cirrhose non décompensée. Le traitement peut se discuter pour une fibrose F1 surtout si le génotype, l’âge, l’ancienneté de l’infection et le sexe sont de bon pronostic de succès au traitement. Dans ces situations, la demande du patient doit être prise en compte. En l’absence de traitement, il faudra surveiller de manière régulière le patient. • Des mesures hygiénodiététiques sont indispensables : arrêt de la consommation d’alcool et de tabac. Rappel

L’hépatite C et son traitement

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Page 1: L’hépatite C et son traitement

16formation

dossier

Comment traiter les infections hautement pathogènes provoquées par des virus à ARN (VIH exclu)

Actualités pharmaceutiques • n° 488 • Septembre 2009

Ce produit peut empêcher la réplication de la plupart des virus à ARN in vitro (virtuellement tous les virus), mais la puissance varie beaucoup en fonction de l’espèce de virus.Le principal effet indésirable engendré par l’administra-tion de ribavirine est l’anémie. Celle-ci est liée en partie à sa toxicité sur les précurseurs médullaires des hématies incapables de déphosphoryler la molécule qui s’accu-mule. Une diminution du taux d’hémoglobine de plus de 20 g/L est en effet observée chez plus de 70 % des patients. Plus rarement, cette anémie serait liée à une hémolyse. La posologie quotidienne peut être abaissée jusqu’à 1 cp le matin et 2 cp le soir en cas de diminution massive du taux d’hémoglobine. La ribavirine est contre-indiquée chez les patients souffrant de drépanocytose ou de thalassémies. Dans ce cas, le traitement antiviral d’une hépatite chronique C est une monothérapie à base d’interféron �pégylé.La chute rapide du taux d’hémoglobine peut entraîner une diminution de l’apport en dioxygène aux orga-nes, en particulier au cœur, faisant courir un risque d’angor, voire d’infarctus du myocarde. La fonction cardiaque doit donc être surveillée avant et pendant le

traitement par ribavirine. Un traitement par interféron �pégylé seul peut être envisagé en cas d’antécédent d’angor.Les autres effets indésirables du traitement antiviral sont plutôt liés à l’interféron, même si la ribavirine peut les potentialiser (syndrome pseudogrippal, troubles hémato logiques, psychiatriques, digestifs, endocriniens et cutanés).La ribavirine est tératogène. Un moyen de contracep-tion doit donc être utilisé pendant tout le traitement et jusqu’à 6 mois après son arrêt, chez la femme comme chez l’homme.Enfi n, elle entraîne une acidose lactique chez les patients traités coinfectés par le virus de l’immunodéfi cience humaine (VIH).La ribavirine ne doit pas être associée à la zidovudine. Il faut aussi éviter de l’associer à la didanosine ou à l’abacavir.

Le traitement de l’infection par le virus respiratoire syncytial Le palivizumab (Synagis®) est un anticorps mono clonal antiVRS (virus respiratoire syncytial), dirigé contre un épitope du site antigénique A de la protéine de

L’hépatite C et son traitementL a ribavirine est actuellement le seul

antiviral utilisé dans le traitement des

hépatites chroniques virales C (le caractère

chronique d’une hépatite virale est défi ni

par la persistance du virus dans le sang

pendant plus de 6 mois).

Rappelons que le virus de l’hépatite C,

dont il existe six génotypes et de nombreux

sous-types, est un virus strictement

humain présent dans le monde entier.

Il est essentiellement transmis par voie

sanguine :

– par transfusion (en France

essentiellement avant mars 1990,

date instaurant un dépistage obligatoire

des dons du sang) ;

– au cours d’une toxicomanie par voie

intraveineuse ;

– de façon nosocomiale ;

– plus rarement par tatouage, piercing,

acupuncture, soins dentaires...

Cependant, environ 30 % des cas restent

sans documentation quant à leur mode

de transmission.

• L’incidence de l’hépatite C est élevée puisqu’au niveau mondial, 3 % de la

population serait infectée, soit 170 millions

d’individus. En France, il y aurait environ

350 000 porteurs chroniques du virus,

les chiffres ayant été initialement

surestimés, puis revus à la baisse.

• L’hépatite C aiguë est rarement symptomatique (10 % des cas) et

se manifeste biologiquement par une

augmentation modérée des transaminases

(inférieures à dix fois la valeur supérieure

de la normale). La guérison survient

de manière spontanée dans 30 % des cas.

Dans les autres cas, l’évolution se fait vers

la chronicité, le virus répliquant de manière

permanente. Le principal symptôme

caractérisant une hépatite chronique C,

qui est par ailleurs fréquemment

asymptomatique, est l’asthénie.

Des anomalies immunologiques sont

fréquentes.

Chez 10 à 15 % des patients, l’hépatite

chronique C évolue au bout d’un certain

nombre d’années vers la fi brose hépatique.

Les principales complications sont la

survenue à distance d’une cirrhose et/ou

d’un hépatocarcinome.

• À l’heure actuelle, le traitement, dont l’objectif est de guérir l’hépatite

en éliminant le virus, s’adresse :

– aux patients présentant une hépatite

chronique active, c’est-à-dire dont le foie

montre des lésions histologiques modérées

ou sévères (degré de fi brose ≥ F2 au score

Metavir), appréciées après ponction-

biopsie hépatique ou par des tests

moins agressifs (Fibroscan®, Fibrotest®,

Fibromère®...) ;

– aux patients présentant une cirrhose

non décompensée.

Le traitement peut se discuter pour

une fi brose F1 surtout si le génotype, l’âge,

l’ancienneté de l’infection et le sexe sont

de bon pronostic de succès au traitement.

Dans ces situations, la demande du patient

doit être prise en compte. En l’absence

de traitement, il faudra surveiller

de manière régulière le patient.

• Des mesures hygiénodiététiques sont

indispensables : arrêt de la consommation

d’alcool et de tabac.

Rappel

Page 2: L’hépatite C et son traitement

17 formation

dossier

Actualités pharmaceutiques • n° 488 • Septembre 2009

Actualité des médicaments antiviraux

fusion du virus. Il s’agit d’un anticorps humanisé dont 95 % de la séquence est de type humain et 5 % de type murin. Il empêche la fusion du VRS aux cellules pulmonaires et donc leur infection. Son activité anti-virale est dose-dépendante. Le VRS est responsable d’épidémies hivernales annuelles. L’infection peut être grave chez les sujets âgés et chez les enfants (nourrissons).Synagis® est indiqué pour la prévention des infections respiratoires basses graves, dues au VRS, nécessitant une hospitalisation chez les enfants à risque élevé d’in-fection à VRS :– enfants nés à 35 semaines d’âge gestationnel ou moins et âgés de moins de 6 mois au début de l’épidémie sai-sonnière à VRS ;– enfants de moins de 2 ans ayant nécessité un traite-ment pour dysplasie bronchopulmonaire au cours des 6 derniers mois ;– enfants de moins de 2 ans atteints d’une cardiopathie congénitale avec retentissement hémodynamique.Les principaux effets secondaires de Synagis® sont de la fièvre, une réaction au site d’injection et de la nervosité. �

La bronchiolite à virus respiratoire syncytial

(VRS) est l’infection des voies aériennes

inférieures du nourrisson la plus fréquente.

Elle entraîne une hospitalisation dans 1 à 2 %

des cas en raison d’insuffi sance respiratoire

et/ou d’une alimentation et hydratation

insuffi santes.

Les facteurs de risque sont un jeune âge

(nourrissons de moins de 2 mois), une

prématurité, la présence d’une dysplasie

bronchopulmonaire, d’une maladie pulmonaire

chronique ou d’une cardiopathie congénitale.

À savoir

• Certaines comorbidités doivent être

prises en compte avant d’instituer

le traitement antiviral :

– les pathologies psychiatriques sévères,

car les antiviraux utilisés augmentent

le risque de dépression et de tentative

de suicide ;

– la toxicomanie par voie intraveineuse (IV),

car le patient peut se réinfecter en cours

de traitement ;

– les anémies hémolytiques chroniques

liées à un défaut qualitatif de l’hémoglobine

(thalassémies, drépanocytose),

qui augmentent le risque d’hémolyse

lié à la prise de ribavirine ;

– les insuffi sants rénaux chroniques

chez lesquels les interférons �pégylés

et la ribavirine sont contre-indiqués.

• Le traitement de l’hépatite chronique C s’effectue par de l’interféron �pégylé

(Pegasys® ou Viraféronpeg®), à activité

immunomodulatrice, associé à de la

ribavirine. L’action antivirale de la ribavirine

en monothérapie est en effet trop faible

pour justifi er son utilisation sans interféron

�pégylé.

Ce traitement est prescrit classiquement

pour une durée de 6 mois pour un génotype

2 ou 3 et d’au moins 12 mois pour

un génotype 1, 4, 5 ou 6. La tendance

actuelle est de décider de la durée

du traitement en fonction de la rapidité

d’obtention de l’indétectabilité du génome

viral dans le plasma du patient. Pour ces

derniers génotypes et pour optimiser les

résultats, on recommande la poursuite

du traitement pendant 12 mois après la

négativation de la charge virale. La durée

du traitement est toujours plus longue

chez un patient coinfecté par le virus

de l’immunodéfi cience humaine (VIH).

Après un tel schéma thérapeutique,

le pourcentage de guérison est de 65 %

(80 % chez les sujets infectés par un virus

de génotype 2 ou 3).

Il arrive que des patients souffrant

d’hépatite C chronique mais non active

puissent suivre un tel protocole hors AMM

(autorisation de mise sur le marché).

C’est le cas de patients présentant

des manifestations extra-hépatiques

comme une cryoglobulinémie mixte

pouvant entraîner des glomérulonéphrites.

Les patients souffrant de cirrhose peuvent

bénéfi cier d’un traitement de fond

par interféron �pégylé hors AMM, tant

que la maladie reste stable.

Enfi n, l’infection aiguë par le virus

de l’hépatite C n’est en général pas traitée

dans la mesure où 25 % des patients

éliminent le virus sans traitement. Certains

auteurs préconisent d’utiliser dans ce cas

l’interféron � seul.

• De nouveaux médicaments sont

annoncés pour le traitement de

l’hépatite chronique C, mais ils tardent

à apparaître. Il s’agit de molécules

ayant pour cible la protéase virale ou la

polymérase virale. La molécule la plus

avancée est le télaprevir développée par

le laboratoire Vertex utilisée en association

avec la bithérapie actuelle.

© B

SIP

/Men

dil

Sylvie Rogez

Professeur des Universités,

professeur de microbiologie,

Faculté de pharmacie, Limoges (87)

[email protected]

Pierre-Henri Bougeon

Docteur en pharmacie,

Châteauroux (36)

[email protected]