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L’impact du design thinking sur une démarche d’innovation de produit. Préparé sous la direction de Florent Pratlong Master 2 Innovation et Management des Technologies Université Paris 1 Panthéon Sorbonne Matthieu Jeunet Année universitaire 2012 – 2013

L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

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Mémoire de recherche réalisé en Master 2 Innovation et Management des Technologies à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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L’impact du design thinkingsur une démarched’innovation de produit.Préparé sous la direction de Florent Pratlong

Master 2 Innovation et Management des TechnologiesUniversité Paris 1 Panthéon Sorbonne

Matthieu Jeunet Année universitaire 2012 – 2013

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Remerciements

Je tiens à remercier Florent Pratlong, maître de conférence à l’Université Paris 1 Panthéon

Sorbonne et directeur de ce mémoire, pour m’avoir soutenu sur le sujet de celui-ci et

pour ces précieux conseils tout au long de cette période de recherche.

Je tiens également à remercier Véronique Hillen, doyenne de Paris Est d.school à l’Ecole

des Ponts, pour nos échanges de points de vue sur le design thinking.

Je remercie également toutes les personnes qui m’ont accompagnées dans de nombreux

workshop et conférences sur le thème de mon mémoire.

Enfin, je remercie mes proches pour leur soutien et leur encouragement ; particulièrement

ma soeur, pour son aide précieuse dans la relecture de ce mémoire.

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3

RésuméD’une manière générale, le design thinking est considéré comme un processus de

résolution de problèmes. Ce mémoire a pour principal objectif de lui donner un cadre de

référence en explorant autant sa dimension Process que ses dimensions People et Place.

Dans cette optique, le design thinking peut être perçu comme une culture centrée sur

l’être humain favorisant l’émergence d’innovation de produits sensés. Par ailleurs, son

impact sera étudié au travers de deux études de cas dans lesquelles cette culture a permis

de construire un service et un produit radicalement innovant.

Mots clés : design, innovation, design thinking, créativité, étude de cas, Bank of America,

Nintendo

AbstractIn general, design thinking is considered as a problem-solving process. The main

objective of this paper is to define the design thinking framework through the analysis

of its Process, People and Place dimensions. In this context, design thinking can be seen

as a human-centred culture favouring the emergence of relevant product innovation.

Moreover, its impact will be studied through two case studies where this culture was

used to build completely innovative products.

Keywords : design, innovation, design thinking, creativity, case studies, Bank of America,

Nintendo

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Remerciements 2Résumé 3Introduction 6

PaRtIE I – DEsIgn & InnovatIon 7

I. Le concept de design 81. Définition 8

2. Différences entre la science et le design 9

II. L’innovation 111. Définition 11

2. Les processus d’innovation 12

3. Les types, critères et formes d’innovation 13

4. L’absence de la créativité dans les recherches d’innovation 16

PaRtIE II – LE DEsIgn tHInKIng : caDRE DE RéféREncE 16

III. Origines 18

IV. Définitions 19

V. Caractéristiques 211. Centré sur l’être humain, sur l’utilisateur 21

2. Réfléchi 21

3. Visuel 22

4. Expérimental et créatif 22

VI. People, Place, Process 231. People 23

2. Place 24

3. Process 25

VII. Critiquesetenjeuxdudesignthinking 291. Critiques 29

2. Enjeux 29

table des matières

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5

PaRtIE III – étuDE DE cas 31

VIII. Bank of America 341. Introduction 34

2. Contexte 34

3. Recherche 34

4. Inspiration 35

5. Ideation 36

6. Implementation 37

7. Résultats 38

IX. Nintendo 391. Introduction 39

2. Contexte 39

3. Recherches 40

4. Inspiration 41

5. Ideation 42

6. Implementation 45

7. Résultats 46

conclusion 48Bibliographie 49annexes 53

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Introduction

Le monde est en pleine mutation et l’effondrement de l’ancienne économie devient de plus en plus évident (Rifkin, 2011). Les entreprises des sociétés occidentales doivent faire face à une crise structurelle : leurs productions se déplacent dans les pays émergents et le monde connecté leur dicte de nouvelles règles du jeu. Aujourd’hui, face à une concurrence de plus en plus féroce, les entreprises doivent innover pour rester compétitives ; la réduction des coûts n’étant plus une solution.

Lors d’un développement de produit, l’intégration des processus, des méthodes ou des points de vue des designers dès les premières étapes a un impact significatif sur son degré de nouveauté (Cooper, 1995 ; Borja de Mozotta, 2003 ; Cross et Dorst 2006). Dans cette mouvance, le concept de design thinking a été proposé comme un moyen de renforcer la capacité d’innovation d’une entreprise ; aussi bien par des spécialistes en management (Boland, 2004 ; Dunne, 2006) ou en innovation (Verganti, 2009) que par des praticiens en design (Brown, 2008 ; Neumeier, 2008). Selon Prahalad et Ramaswamy (2004), le design thinking contribue à l’émergence d’innovation de produit au regard de son approche centrée sur l’être humain. De plus, l’apparition de nouvelles « tendances » telles que l’impression 3D ou encore le covoiture transforme de plus en plus la vie économique. Par conséquent, la façon dont les entreprises imaginent et conçoivent des produits a également évolué afin de mieux comprendre les besoins des consommateurs.

Si avant les années 2000, le design thinking était uniquement entre les mains des designers, l’apparition de l’agence en conseil et innovation IDEO l’a clairement propulsé dans les sphères économiques, sociales ou encore managériales.

L’objectif de ce mémoire est d’explorer la relation entre design thinking et innovation, et plus particulièrement sur l’innovation de produit. Nous tenterons ainsi de répondre à la problématique suivante : En quoi le design thinking concoure-t-il au développement de produits innovants ? Nous partons avec les hypothèses suivantes :

• Hypothèse n°1 → Lors du développement d’un produit nouveau, le processus de design thinking a un impact significatif sur le nombre de solutions envisagées favorisant ainsi le succès de celle retenue.

• Hypothèse n°2 → Le processus de design thinking réduit le Time-to-Market.• Hypothèse n°3 → Le design thinking est plus qu’un processus de résolution de problème.• Hypothèse n°4 → Au regard se son approche centrée sur l’utilisateur, le design thinking

mène plutôt à une innovation incrémentale que radicale.

Pour répondre à cette problématique, ce mémoire s’articulera en trois parties. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la notion de design et d’innovation. Puis, dans une deuxième partie, nous nous efforcerons de donner un cadre de référence au concept de design thinking. Enfin, nous analyserons deux études de cas qui viendront servir de synthèse entre les deux premières parties et qui nous permettront d’infirmer ou non les hypothèses présentées ci-dessus.

Part 1

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8

La première partie de ce mémoire s’articulera en deux temps. Nous commencerons

par expliquer ce que signifie le design pour ensuite analyser la différence entre un

raisonnement scientifique et un raisonnement fondé sur le design ; celui-ci nous servant

de base pour introduire notre deuxième partie de mémoire. Parallèlement, nous nous

intéresserons à l’innovation de produit de manière générale avant d’expliquer qu’il existe

dans la littérature un certain manque entre les notions de créativité et d’innovation.

I. Le concept de design1. Définition

Si nos recherches nous ont conduit à établir un lien entre l’apparition du mot design

– disegno – avec certains artistes Toscans de la Renaissance1, le design, tel que nous le

connaissons aujourd’hui, est né avec les révolutions industrielles (Midal, 2009).

Aujourd’hui, nous distinguons dans la littérature plusieurs types de design dont le design

graphique, d’environnement, de produit, et de packaging.

Selon Brigitte Borja de Mozotta (2003), l’analyse étymologique du mot design conduit à

l’équation suivante2 :

Par conséquent, nous pouvons conclure que « toute conception nécessite un dessein – un

projet, une intention – en particulier, dans la phase d’analyse et dans la phase créative,

et un dessin – un modèle, une esquisse – dans la phase de réalisation pour concrétiser

l’idée3 ».

Par ailleurs l’ICSID (2002), le définit de la manière suivante : « Le design est une activité

créatrice dont le but est de présenter les multiples facettes de la qualité des objets, des procédés,

des services et des systèmes dans lesquels ils sont intégrés au cours de leur cycle de vie. C’est

1 – LE RIDER Jacques. 1998, Ligne et couleur : histoire d’un différend [en ligne], site Revue Germanique Internationale. Consulté le 06/07/13. http://rgi.revues.org/694?lang=en2 – BORJA DE MOZOTTA Brigitte. 2003. Using Design to Build Brand Value and Corporate Innovation. New York : Allworth Press. 276 p.3 – Ibid.

International Council of Societies of Industrial Design

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pourquoi il constitue le principal facteur d’humanisation innovante des technologies et un

moteur essentiel dans les échanges économiques et culturels. »

Enfin, le dictionnaire Larousse, nous indique que le design correspond à une « discipline

visant à une harmonisation de l’environnement humain, depuis la conception des objets

usuels jusqu’à l’urbanisme ». On retrouve dans cette définition, la pensée de Walter

Gropius, fondateur de l’école du Bauhaus, qui considérait le design comme étant « l’art

de donner une forme adéquate aux conditions de vie ». Ainsi, il est important de souligner

que le design n’est pas uniquement un adjectif synonyme d’esthétisme mais qu’il englobe

toutes les étapes qui vont permettre le passage d’une situation existante vers une situation

préférée (Simon, 1969). Dès lors, on peut affirmer que le design se rapporte aussi bien

aux expériences, aux services mais aussi aux relations humaines.

En nous concentrant sur les points abordés précédemment, on peut alors avancer,

à l’instar du designer Seymour (2002), que le design consiste à concevoir des choses

meilleures pour l’humain. Cependant, lorsque qu’un nouveau traitement contre le

cancer est découvert par la recherche médicale, il s’agit également d’une découverte qui

va tendre à rendre les choses meilleures pour l’humain. Ainsi, la prochaine section de

ce mémoire, va s’intéresser à la différence entre la science et le design et, par extension,

entre scientifiques et designers.

2. Différences entre la science et le design

Owen (2006) positionne les disciplines de la science, de la médecine, du droit, de l’art

et du design les unes par rapport aux autres. Il les organise selon un axe analytique/

synthétique d’une part et symbolique/réel d’autre part. Sur la figure 2, nous nous

intéressons plus particulièrement à la place de la science et celle du design.

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A partir de cette figure, nous constatons que la science et le design s’opposent à la fois au

niveau du content et au niveau du process. En effet, il apparaît que la science se base sur une

pensée plutôt analytique tandis que le design repose plutôt sur une pensée synthétique.

Si les deux disciplines ont des buts communs, il semblerait alors que leurs méthodes de

pensée soient latéralement opposées. De nombreux auteurs tels qu’Alexander (1964),

Gregory (1966) ou encore Simon (1969) ont synthétisé ces différences, que l’on retrouve

à travers le tableau ci-dessous :

En se référant à ce tableau, il est désormais plus facile d’expliquer la différence entre un

scientifique et un designer. Le premier va analyser des attitudes et des sujets existants

afin de résoudre des problèmes actuels alors que le second va synthétiser de nouvelles

connaissances et expériences dans le but de résoudre des problèmes nouveaux.

Par conséquent, les différences entre scientifiques et designers peuvent être illustrées

dans un processus à double sens (cf. Figure 3), avec l’affirmation théorique que ceux-ci

cherchent à résoudre des problèmes via l’acquisition de connaissances.

Dans son article Designerly Ways of Knowing : Design Discipline Versus Design Science,

Cross (2001), rappelle cependant que les designers ne doivent pas « transformer la

discipline du design dans une imitation de la science ». Designers et scientifiques pouvant

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tous deux continuer à être innovants dans leurs domaines.

Aujourd’hui, l’innovation est perçue « comme le principal moteur de la croissance

économique […] Au niveau de l’entreprise, l’innovation apparaît comme le moyen de

s’adapter et de survivre dans un monde économique changeant où la concurrence est

exacerbée4 ». La prochaine partie de ce mémoire s’orientera donc vers cette notion de

l’innovation.

II. L’innovation1. Définition

Selon le dictionnaire Larousse, l’innovation consiste à « introduire quelque chose de

nouveau pour remplacer quelque chose d’ancien ». Le terme « nouveau » peut ainsi

expliquer la confusion entre l’utilisation du mot invention et innovation. Dans son

article Innovation : A Guide to the Literature, Fagerberg (2004), met en lumière la chose

suivante : « Invention is the first occurrence of an idea for a new product or process.

Innovation is the first commercialization of the idea ». VonStamm (2003), définit aussi

l’innovation dans cet esprit :

« Innovation is the commercial successful exploitation of ideas. »

Bien qu’il existe plusieurs définitions de l’innovation dans la bibliographie, ces deux

définitions nous semblent les plus pertinentes car elles partagent des notions communes

avec celle de l’économiste Joseph A. Schumpeter. Dans un contexte économique, ce

dernier caractérise une innovation comme l’introduction réussie d’une nouveauté sur

le marché (Schumpeter, 1934). Ainsi, nous pouvons alors déterminer une innovation

comme une invention dont l’introduction sur un marché est réussie. Cependant, le

temps pour passer du stade de l’invention à celui de l’innovation, le Time to Market,

peut s’avérer relativement long (Rogers, 1995). Ainsi, la différence entre invention et

innovation réside dans cette confrontation au marché. Schumpeter décrit par ailleurs

l’innovation comme étant un processus de destruction-créatrice : les activités liées aux

anciennes innovations sont détruites par les activités des nouvelles.

4 – PRATLONG Florent et ROBIN Stéphane. 2012. Introduction au numéro spécial : « Innovation et Environnement » [en ligne], Vie et sciences de l’entreprise, p. 12-14. Consulté le 19/07/13http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=VSE_191_0012

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2. Les processus d’innovation

Dans notre revue de la littérature, l’innovation est souvent apparue comme un processus.

Pour Bescos et Mendoza (1994), un processus est un ensemble d’activités liées en vue

d’atteindre un objectif commun. Cette définition peut ainsi venir souligner le modèle

linéaire et séquentiel d’un processus d’innovation, connu sous le nom du modèle Stage-

Gate (Cooper, 1988).

Figure 4 – Le modèle Stage-Gate

source : Cooper (1994)

Selon ce modèle, l’innovation correspond à une succession d’étapes (stage) entre lesquelles

sont intercalées des portes (gate) de prise de décisions. Celles-ci représentent le choix de

continuer (go) ou d’arrêter (no go) le processus d’innovation (Bobroff et al., 1993). Bien

que ce modèle permet de limiter le risque financier en plus d’assurer un contrôle et un

suivi simple d’un projet d’innovation, son processus peut s’avérer long car il faut ajouter

le temps des différentes prises de décisions pour passer d’une étape à l’autre.

Considéré longtemps comme référence, ce modèle présente un certain nombre de

limites telles que le manque de rétroactions ou la non considération des mécanismes

d’apprentissage (Kline et Rosenberg, 1986). En effet, un tel modèle ne présente pas de

boucles de retours dans son processus et n’intègre pas les opinions des utilisateurs finaux.

Kline et Rosenberg (1986) proposent un modèle de liaisons en chaine qui tend justement

à intégrer ces deux facteurs.

Bien que le risque financier soit plus élevé dans ce modèle (Tomala et al., 2001), son

principal avantage réside dans son approche interactive et itérative entre plusieurs acteurs

intra et/ou extra organisationnels (Morgan, 1997). Par ailleurs, Midler (1993) s’efforce à

Temps qui peut varier en fonction des relations entre départements

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prouver que chaque innovation est unique et que son processus est généralement une

association entre les deux logiques exposées ci-dessus.

Figure 5 – le modèle de liaisons en chaine

3. Les types, critères et formes d’innovation

Selon le manuel d’Oslo (2006), il existe quatre types d’innovation : l’innovation de

produit, l’innovation de procédé, l’innovation de commercialisation, et l’innovation

d’organisation. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéresserons particulièrement

à l’innovation de produits car nous l’avons jugée comme celle entretenant un lien de

relation le plus élevé avec le design thinking. L’innovation de produit représente «

l’introduction d’un bien ou d’un service nouveau. Cette définition inclut les améliorations

sensibles des spécifications techniques, des composants et des matières, du logiciel intégré,

de la convivialité ou autres caractéristiques fonctionnelles5 ». Ainsi, il est généralement

admis qu’un produit innovant possède les critères suivants :

• La nouveauté, l’originalité : comme nous l’avons vu précédemment, une

innovation repose sur une invention. Elle doit donc apporter un produit nouveau

sur un marché. Choffray (1982) distinguent trois catégories de produits lancés

sur le marché : les produits repositionnés (modifications sur l’image), les produits

reformulés (modifications physiques ou fonctionnelles) et les produits originaux

(produits de rupture). Cette classification prend à la fois en compte la perception de

l’utilisateur et les caractéristiques techniques du produit. Fernez-Walch et Romon

(2010) élargissent d’ailleurs ce point de vue en disant que la « nouveauté d’un produit

5 ‒ OCDE. Date non spécifiée, Définir l’innovation [en ligne], site de l’OCDE. Consulté le 21/07/13. http://www.oecd.org/fr/sites/strategiedelocdepourlinnovation/definirlinnovation.htm

LégendeC = chaîne centrale d’innovation, f = boucles de retour d’informa-tion courte, F = boucles de retour d’information longues, K-R = liaison connaissance-recherches et retours, D = liaisons directes entre la recherche et les problèmes d’invention et de conception, S = soutien à la recherche scientifique.

source : LeBas (1995)

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est liée à la nouveauté introduite sur l’une ou plusieurs des dimensions du marketing

mix d’un produit : produit (caractéristiques techniques), prix (avec la perception

des utilisateurs qui en découle), moyens de distribution, moyens de communication

(renvoyant aux caractéristiques perceptuelles du produit). »

• La valeur : ce critère peut prendre deux sens. Le premier correspond à une valeur

économique « pure » ; quel est l’impact économique de l’introduction de ce nouveau

produit sur les utilisateurs mais aussi sur les producteurs. Le deuxième correspond à

une valeur de « bien-être économique » ; quel est le bénéfice pour le consommateur ?

Combien est-il prêt à payer pour jouir de la nouveauté du produit ?

• L’acceptation vis-à-vis du marché : pour être définit comme un produit

innovant, ce dernier doit être rapidement adopté par un/le marché ; en d’autres

thermes, la résistance au changement de la part des consommateurs doit être

relativement faible.

Les sources de l’innovation proviennent traditionnellement de l’entreprise, en interne.

Cependant, l’innovation peut également apparaître entre deux organisations qui

collaborent ; c’est le principe de l’innovation ouverte (Chesbrough, 2003). Par ailleurs,

le concept d’innovation issue des lead-users (Von Hippel, 1988) vient également

élargir les sources de l’innovation. Ce concept s’inscrit cependant dans une perspective

organisationnelle. Contrairement aux précédentes sources de l’innovation, des notions

plus radicales peuvent également servir d’origine à l’innovation. C’est par exemple le cas

des mouvements Open Source (Gold, 2005) ou d’Hacktivisme (Samuel, 2004).

Afin de pouvoir distinguer les différents niveaux d’innovation, Tidd (2005) préconise

de se concentrer sur le degré de nouveauté introduit par une innovation. En fonction

de ce degré de nouveauté, Henderson et Clark (1990) distinguent alors quatre formes

d’innovation :

L’innovation incrémentale

L’innovation incrémentale est une innovation qui ne perturbe pas les habitudes des

consommateurs. L’avancée technologique est mineure et les changements particuliers

sont à peine perceptibles. Par exemple, une nouvelle recette pour un produit alimentaire

peut être considérée comme une innovation incrémentale.

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L’innovation stratégique

L’innovation stratégique est une innovation qui nécessite une certaine capacité de

recherche et développement mais dont l’impact sur le marché n’est pas réellement

perceptible. Il peut s’agir par exemple d’une innovation sur le processus de production ;

le produit reste identique mais la chaîne de production est améliorée.

L’innovation majeure

L’innovation majeure est une innovation fortement perçue sur le marché mais faible au

niveau technologique. Le co-voiturage en représente un bon exemple.

L’innovation radicale ou de rupture

L’innovation radicale est une innovation qui vient perturber les habitudes des

consommateurs. Il y a une véritable transformation de la société ou de l’entreprise.

L’innovation radicale mène au renouvellement technologique et au changement de

paradigme. Par exemple, les smartphones sont à l’image d’une innovation radicale.

En résumé, nous pouvons organiser ces quatre formes d’innovation à travers la figure

ci-dessous :

Figure 6 – Les quatre formes de l’innovation

source : l’auteur, basé sur le cours Gestion de l’Innovation, Master 2 IMT, 2012

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4. L’absence de la créativité dans les recherches d’innovation

Dans la partie I-2., nous avons déterminé que le designer synthétise de nouvelles

connaissances et de nouvelles expériences dans le but de résoudre des problèmes

nouveaux. Nous pouvons alors émettre l’hypothèse que, dans le domaine du design,

le concept d’innovation va plutôt déboucher sur une innovation de rupture plutôt

que sur une innovation incrémentale car cette dernière est issue de tâches routinières

(Schumpeter, 1934). Nous considérons alors que le designer n’a pas de préférence à

utiliser un type de produit, de technologie ou encore de manière de production. Au

contraire, selon Cross (2006), le designer va donc mettre un point d’orgue à maintenir

son ouverture d’esprit et sa créativité afin d’envisager le maximum de solutions pour

améliorer une situation.

La résolution de problèmes étant plutôt traitée selon des modèles analytiques, notre

revue de la littérature a permis de mettre en exergue le manque d’articles sur le lien entre

créativité et innovation. Les modèles linéaires et analytiques peuvent s’appliquer sur

des produits ou des processus mais ils n’intègrent en aucun cas ce que Hatchuel (2003)

appelle la pensée créative. Pour stimuler la créativité et la génération d’idées, le secteur

économique a utilisé des méthodes et des outils tels que le Brainstorming (Osborn,

1963), la pensée latérale (de Bono, 1992) ou encore la méthode TRIZ. Ces derniers

semblent s’inscrire correctement dans une logique analytique et linéaire. Cependant,

Hatchuel et Weil (2003) soutiennent l’idée que l’innovation est un type de processus qui

ne fonctionne pas avec une logique traditionnelle de linéarité.

conclusionNous avons définit le design comme étant une méthode de résolution de problèmes

qui a pour principal objectif l’amélioration des conditions de vie humaine. Nous avons

également montré qu’un raisonnement synthétique était plus à même de résoudre des

problèmes nouveaux pouvant théoriquement mener à l’innovation, et particulièrement à

l’innovation de produit. La base de celle-ci étant les critères de nouveauté et d’originalité,

nous avons vu brièvement dans quelle mesure la créativité était absente des recherches

en innovation. En tant que vecteur de créativité, la deuxième partie de ce mémoire

s’intéressera particulièrement à la notion de design thinking.

PartII

Du russe Teorija Reshenija Izobretateliskih Zadatch, soit Théorie de Résolution des Problèmes Inventifs

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Du design au design thinking ?

Selon le dictionnaire de traduction en ligne WordReference, les termes français les plus

proches de thinking sont (i) penser et (ii) réfléchir. Ces deux derniers termes, selon le

CNRTL, signifient « former dans son esprit l’idée ou l’image d’une réalité absente » (i) et

« juger, estimer après réflexion que » (ii).

Dans Critique de la faculté de juger, Kant (1790) mets en exergue trois maximes pour

« faire un bon usage de sa pensée6 » :

• Penser par soi-même

• Penser en se mettant à la place de tout autre

• Toujours penser en accord avec soi même

Dans la partie I-1, nous considérons le design comme l’art de « dessiner des desseins ». Au

regard des propos exposés ci-dessus, il est alors possible de pressentir ce que le design

thinking pourrait signifier. Avant cela, il paraît important de contextualiser l’apparition

de ce terme dans la littérature.

III. OriginesSimon (1969), dans son ouvrage The Sciences of the Artificial, est l’un des premiers auteurs

à considérer le design comme étant une façon de penser. Cette première approche a

permis de favoriser la compréhension du processus de design ; celui-ci se basant sur les

théories de résolutions problèmes et sur le processus linéaire tel que présenté dans la

partie II-2. Cependant, Lawson (1980) suggère que cette « science du design » doit être

perçue dans le prisme d’un processus intégré, créatif, intuitif, et réfléchi.

Le terme design thinking apparaît pour la première fois en 1987 avec l’ouvrage de Peter

Rowe, Design Thinking. L’auteur le considère alors comme une démarche utilisée par

les architectes et les urbanistes pour résoudre des problèmes. Dans le même ordre, le

concept de design thinking auquel fait référence les universitaires tels que Martin et

Boland (2004) ou encore les stratèges en design tel que Brown (2008) possèdent les

racines communes des premières recherches en design ; plus particulièrement sur la

capacité qu’ont les designers à résoudre des Wicked Problems (Rittel et Webber, 1973).

Les origines du design thinking semblent toutes s’articuler autour de la résolution de

6 ‒ MANON S. 2007, Kant : l’éthique de la pensée [en ligne]. Consulté le 27/07/13. http://www.philolog.fr/kant-lethique-de-la-pensee/

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

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problèmes. La prochaine section tend à regrouper plusieurs définitions provenant de

différentes figures du design thinking afin de mieux en cerner la signification.

IV. DéfinitionsAujourd’hui, si de nombreux débats se déroulent aussi bien dans le monde du design que

dans celui du business7, c’est peut-être dû au fait que chacun possède sa propre définition

du design thinking. D’ailleurs, pour Cross (2008), le design thinking est devenu une

notion tellement large qu’il est devenu « un concept ordinaire en passe de perdre son

sens ». Ainsi, des recherches entre universitaires telles que les symposiums de l’Université

Ouverte de Walton Hall8 pourraient être envisagées afin de livrer une vision commune

du design thinking.

La définition la plus récurrente dans la littérature pour définir le design thinking est

certainement celle de Brown (2008) :

« Le design thinking est une discipline qui utilise la sensibilité et les méthodes d’un

designer pour satisfaire les besoins des individus avec ce qui est technologiquement

faisable et ce qui est économiquement viable ».

Cette définition est généralement illustrée/accompagnée par la figure suivante :

Figure 7 – Désirabilité, faisabilité, viabilité

source : www.ideo.com

7 ‒ GUELLERIN Christian. 2013, Splendeurs et misères du « design thinking » : les écoles de design se réjouissent [en ligne], site Les Echos. Consulté le 08/08/13. http://lecercle.lesechos.fr/entrepreneur/ten-dances-innovation/221174126/splendeurs-et-miseres-design-thinking-ecoles-design-rejo8 ‒ Disponibles à cette adresse http://design.open.ac.uk/cross/DesignThinkingResearchSymposia.htm

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Pour Dunne et Martin (2006), le design thinking permet de résoudre des problèmes

de management de la même manière que les designers résolvent des problèmes de

conception. Dans son article Wicked Problems in Design Thinking, Buchanan (1992)

élargit cette notion mais introduit l’idée d’une pensée qui reflète la culture contemporaine.

Enfin, pour Cross (2006) et Dorst (2006), le design thinking est considéré comme un

moyen de trouver des solutions aux problèmes mal définis en privilégiant les stratégies

cognitives, le raisonnement abductif (cf partie x.x), et l’utilisation de supports visuels.

Au regard de ces définitions, il semblerait que le dénominateur commun soit la résolution

de problèmes mal définis ou irréductibles. Cependant, chaque auteur considère le design

thinking selon sa propre discipline. Par conséquent, il semblerait que dans leurs articles

respectifs, ces auteurs l’abordent selon une approche bien spécifique et s’éloignent

(volontairement ou non) d’une vision globale de celui-ci. Néanmoins, dans son article,

Rethinking Design Thinking, Kimbell (2011) regroupe ces différentes perceptions dans le

tableau suivant :

Table 2 – Les différentes manières de décrire le design thinking

source : Kimbell (2011)

Bien que les définitions du design thinking semblent varier d’un auteur à l’autre et qu’il

existe plusieurs manières de l’appréhender, nos recherches ont permis de comprendre

qu’il se basait globalement sur les mêmes caractéristiques ; le but de la prochaine section

Connaissances qui permettent le traitement adéquat des informations

Traduction de l’auteur du terme « Wicked »

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sera de présenter ces dernières.

V. CaractéristiquesL’étude de la bibliographie nous a permis d’identifier une quinzaine de caractéristiques

du design thinking. Cependant, nous avons préféré regrouper les plus représentatives

selon quatre grands axes. De ce fait, le design thinking est avant tout (i) centré sur l’être

humain, (ii) réfléchi, (iii) visuel, et (iv) expérimental et créatif.

1. Centré sur l’être humain, sur l’utilisateur

La caractéristique fondamentale du Design Thinking repose sur son approche human-

centred qui s’exprime à la fois dans la façon dont les designers collaborent, et à la fois

dans les méthodes participatives de co-création9. Nous assistons à un tournant d’une

conception centrée sur l’être humain « pour le consommateur » à une conception centrée

sur l’être humain « avec l’utilisateur » (cf. partie III). Par exemple, le modèle Human-

Centred Design d’IDEO (cf. Annexe 1 – Le modèle HCD) prévoit, dans un processus

d’innovation sociale, l’implication et la participation des communautés en voie de

développement dans l’ensemble du processus de conception. En outre, pour comprendre

les besoins et les attentes du consommateur ou de l’utilisateur final, une approche centrée

sur l’être humain va favoriser l’empathie10. A travers celle-ci, « la pensée design a pour

mission de traduire les observations en informations et ces dernières en produits et en

services qui amélioreront la vie des hommes11 ».

2. Réfléchi

Il est généralement admis que le design thinking repose sur la capacité du designer à

considérer plusieurs choses en même temps telles que les besoins de l’être humain, les

ressources matérielles et techniques, et les contraintes et les possibilités d’un projet. La

capacité à considérer ces trois composantes pousse le designer à être, en même temps,

analytique et empathique, rationnel et émotionnel, méthodique et intuitif (Pombo &

Tschimmel, 2005).

Ces raisonnements, latéralement opposés, ont amené des recherches à considérer cet

aspect de dualité comme un raisonnement abductif. Ce dernier est un concept développé

par Charles S. Pierce qui soutenait qu’aucune nouvelle idée ne pouvait être produite en se

9 ‒ La co-création consiste à développer de façon durable des produits en collaboration active avec les consommateurs ou utilisateurs finaux de ces produits (Prahalad, 2000).10 ‒ Faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent (Larousse)11 ‒ Brown Tim. 2010. L’esprit design : le design thinking change l’entreprise et la stratégie. Paris : Pearson. 264 p.

Page 22: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

22

basant sur l’induction ou la déduction de données passées12. Par conséquent, la pensée

abductive est l’une des caractéristiques clé du design thinking dans la proportion où

celle-ci permet de penser, de réfléchir selon des perceptives différentes et orientées vers

des possibilités futures. Il est également important de noter que la perception – une

compétence de base dans la création de nouveaux produits – joue également un rôle

important dans le design thinking.

3. Visuel

La perception à travers les images représente aussi un rôle particulier dans le design

thinking. En effet, pour répondre aux problèmes d’un projet, les designers vont recourir

à l’utilisation de croquis, de dessins pour appréhender ensemble des solutions possibles.

Selon Goldschimdt (1994), ces représentations visuelles vont alors permettre de clarifier

les différentes idées abordées. L’auteure considère également le fait de dessiner comme

une extension logique de « l’imagerie mentale ». Par ailleurs, Cross (2011) avance que

réfléchir selon plusieurs points de vue sur les possibilités futures du projet peut s’avérer

être une tâche difficile à réaliser, surtout si celle-ci se base uniquement sur un processus

interne de réflexion. Le designer a donc besoin d’interagir avec une représentation

externe à sa pensée. Ainsi, à travers la visualisation des idées, le design thinking permet

d’apporter une vision commune aux concepts imaginés et encourager les acteurs du

projet à avancer ensemble avec les mêmes représentations.

4. Expérimental et créatif

Ce trait de caractéristique pourrait être représenté par l’adage « fail often to succeed faster ».

En effet, le prototypage rapide va permettre de passer d’une idée à une maquette testable.

Selon les recherches sur le design, prototyper une idée le plus rapidement possible est

indispensable au processus créatif de conception. Un prototype va d’ailleurs s’inscrire

dans un modèle C-K qui va permettre de confronter la théorie et la pratique et aussi de

récupérer des informations importantes telles que la faisabilité d’une fonctionnalité. De

plus, le prototypage rapide s’inscrit dans un mouvement Do It Yourself13 qui va favoriser

l’apprentissage par l’erreur. Ainsi, l’acceptation des erreurs et des échecs va différencier le

design thinking des pensées traditionnelles de management et va favoriser la créativité et

l’aisance à traiter des situations ambiguës et incertaines (Tschimmel, 2005).

12 ‒ DOUVEN Igor. 2011, Abduction [en ligne], The Stanford Encyclopedia of Philosophy. Consulté le 10/08/13. http://plato.stanford.edu/archives/spr2011/entries/abduction13 ‒ Méthode qui permet de créer toute sortes de choses de manière artisanale et généralement peu coûteuse

Concept - Knowledge (cf. Owen, 2006)

Page 23: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

23

Le prototypage va également favoriser une pensée dite « convergente ». En effet, en

envisageant des nombreuses solutions et en les testant régulièrement, l’action de

prototyper va encourager l’apparition d’idées créatives.

Enfin, l’expérimentation va permettre d’articuler et de construire des histoires autours

des concepts imaginés. Par exemple, le Storytelling (cf. partie VI-3) est fréquemment

utilisé dans le design thinking pour structurer un discours ; celui-ci évidemment orienté

sur l’utilisateur.

Dans son article, Design Thinking for Creativity and Business Innovation Series, Idris

Mootee, CEO d’IDEACOUTURE, considère le design thinking comme une culture.

« Design Thinking needs to be seen as a culture – it is not just what marketers and designers

do, or how their work is organized, it also includes the effect it has in many other fields »

Selon Claude Lévi-Strauss « toute culture peut être considérée comme un ensemble de

systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales,

les rapports économiques, l’art, la science, la religion. Tous ces systèmes visent à exprimer

certains aspects de la réalité physique et de la réalité sociale, et plus encore, les relations que

ces deux types de réalité entretiennent entre eux et que les systèmes symboliques eux-mêmes

entretiennent les uns avec les autres14 ».

Au regard de cette définition, nous pouvons considérer le design thinking comme une

sorte de culture éphémère qui prendrait son origine avec un brief15, qui s’articulerait selon

les axes – people, place, process (Hillen, 2013) –, et qui aurait pour objectif d’apporter une

solution créative et sensée pour répondre au challenge du brief.

VI. People, Place, Process1. People

Selon Hillen (2013), imaginer, concevoir, réaliser et lancer un produit innovant est avant

tout une aventure humaine. De plus, la première caractéristique (cf. partie V-1) du design

thinking favorise la mise en place d’équipes interdisciplinaires. Dans cette optique, il

est intéressant de mentionner l’article Design Thinking as a form of Intelligence dans

lequel Cross (2008) présente une série d’études sur l’activité cérébrale. Il met en lumière

que n’importe qui se confrontant à un processus (cf. partie VI-3) de design thinking

fait, de manière systématique, appel aux capacités des deux hémisphères du cerveau.

14 ‒ LEVI-STRAUSS Claude. 1950. Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss. 23 p.15 ‒ Instructions données par un commanditaire (au sens large)

L’éphémérité dépendra du

contexte

Page 24: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

24

L’auteur arrive à la conclusion suivante : le design thinking n’est pas uniquement réservé

aux personnes créatives ou à certaines personnes qui présenteraient telles ou telles

caractéristiques. Il précise alors que l’aptitude à concevoir est quelque chose que tout le

monde possède car elle est ancrée, dans une certaine mesure, dans nos cerveaux comme

une fonction cognitive naturelle (Cross, 2008). De plus, l’auteur avance que comme

toutes les autres formes d’intelligence, cette aptitude peut-être détenue par certains mais

peut-être également développée à des niveaux supérieurs par d’autres. En conséquence,

l’auteur émet alors l’hypothèse que les aptitudes en design ne sont des « given talent or

gift » mais qu’elles peuvent être formées et développées.

Suite à ces observations, nous pouvons alors conclure que tout le monde est en mesure de

penser par le design ; en d’autres termes, que tout le monde peut-être un design thinker.

Dans son article Design Thinking, Brown (2008) fait référence au fait que « beaucoup

de personnes externes au domaine du design ont des aptitudes naturelles à penser par le

design ». Ainsi, le design thinking, va réunir des personnes d’horizons multiples tels

que des anthropologues16 ou des architectes d’expériences17 autour d’une problématique

concrète. Le design thinking a donc comme objectif de créer une sorte de colle entre les

membres T-shaped (McKinsey & Company) d’une équipe.

Ces personnes, aux connaissances approfondies dans un domaine spécifique mais

aussi dans d’autres disciplines, vont venir différencier l’équipe pluridisciplinaire de

l’équipe interdisciplinaire. Dans la première « chaque individu se met en position de

défendre sa propre spécialité technique18 » alors que dans la seconde « le collectif devient

propriétaire des idées19 ». Ces personnes ont d’ailleurs tendance à travailler selon deux

façons différentes : soit comme des penseurs soit comme des faiseurs (Owen, 2006).

Les premiers manifestent leur créativité à travers leurs découvertes. Ils sont conduits

par la volonté de comprendre et de trouver des explications aux phénomènes flous. Les

seconds sont quant à eux, plus intéressés à synthétiser leurs connaissances en nouvelles

constructions, modèles, compositions, et concepts. Les deux pouvant alors évoluer selon

le modèle C-K (Owen, 2006). Un tel modèle a besoin alors d’un endroit spécifiquement

aménagé pour que connaissances et concepts soient confrontés.

2. Place

Un endroit – a place – est généralement considéré comme un lieu physique avec des limites

16 ‒ Cf. KELLEY Tom. 2005, The Ten Faces of Innovation [en ligne]. Consulté le 10/08/13. http://www.tenfacesofinnovation.com/tenfaces/index.htm17 ‒ Ibid.18 ‒ Ibid. [11], p. 19 19 ‒ Ibid.

Page 25: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

25

spatiales contenant des objets reconnaissables (Hedges et Beach, 2012). Cependant, du

point de vue de la psychologie environnementale, un endroit est interprété comme un

climat plutôt qu’un simple lieu physique. Dans son ouvrage Public places and private

spaces: The psychology of work, play, and living environments, Mehrabian (1976) avance

qu’un endroit doit avoir un effet positif sur la capacité d’un individu à exécuter ses

différentes tâches et sur son désir de rester, d’explorer, et d’interagir avec les autres. Dans

la Silicone Valley des années 90, l’ère dot-com a fait émerger le concept de l’amusement

sur les lieux de travail en intégrant aux espaces de travail des supports de loisirs tels que

des tables de ping-pong ou encore des mini golfs d’intérieurs. L’environnement physique

n’a pas été le seul à être transformé, les habitudes des employées ont également changé

comme l’habitude de venir travailler habillé de manière décontractée.

Dans la culture du design thinking, un loft représente le lieu de travail idéal. En effet,

de part sa configuration un loft favorise l’exploration et l’expérimentation (cf. Annexe

2). Sur son site dédié à la culture du design thinking, Véronique Hillen (2013) identifie

neuf repères clés de ces espaces : l’espace fun, l’espace projet, le salon, la bibliothèque, la

cuisine, la salle de brainstorming, le 7s shop, et la matériautèque. Ces espaces rappellent

d’ailleurs les Livings Labs mises en place à partir des années 2006 par la commission

européenne. Ainsi, le loft peut être perçu comme une sorte de catalyseur au processus de

design thinking, qui est exposé dans le prochain paragraphe.

3. Process

Maintenant que le lecteur a une compréhension plus globale des acteurs du design

thinking et des lieux où ils évoluent, il est important de mettre l’accent sur son processus.

La revue de la bibliographie a permis d’en identifier plusieurs dont les plus récurrents

sont le modèle HCD d’IDEO, les 3i de Tim Brown, et le processus de la d.school de

Stanford et d’Hasso Plattner Institute (cf. Annexe 3). Ces différents processus semblent

néanmoins se baser sur les mêmes six étapes :

1. Comprendre le contexte qui permet d’obtenir une compréhension initiale du

problème/challenge.

2. Observer les utilisateurs en allant à leurs rencontres, sur leurs lieux de travail,

ou les lieux qu’ils fréquentent.

3. Interpréter les résultats en se basant sur les insights empiriques de l’étape

précédente.

Traduction la plus proche du

terme casual

Page 26: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

26

4. Produire des idées en participant à des séances de brainstorming pour générer

autant d’idées que possible (élargir l’espace de solution).

5. Expérimenter en concevant des prototypes et en les partageant avec d’autres

personnes.

6. Mettre en pratique la solution retenue en la testant dans un environnement

moins restreint qu’à l’étape précédente et en l’améliorant.

Bien que différents dans leurs représentations graphiques, il est admis que le processus

des d.schools est équivalent au processus des 3i. Le modèle HCD s’appliquant plutôt à

une démarche d’innovation sociale, nous avons choisi, afin d’être le plus précis possible,

de nous concentrer sur un seul processus, celui des 3i. Afin d’avoir une meilleure

compréhension de celui-ci, la figure X, permet de visualiser son processus continu en

trois étapes : inspiration, ideation (conceptualisation), et implementation (réalisation)

Figure 8 - Le modèle des 3i de Tim Brown

source : l’auteur, basé sur Brown (2008)

Inspiration

Brown (2008) définit la première phase comme un effort collectif des membres d’une

équipe interdisciplinaire restreinte à identifier les contraintes appropriées du challenge

présenté dans le brief. Dans cette phase, la participation de designers, de spécialistes du

comportement, de marketers et d’ingénieurs est généralement recommandée. Dans un

premier temps, il est alors essentiel de récupérer le maximum de contributions de la part

de consommateurs ciblés afin d’appréhender le challenge sous de nouveaux angles. Par

Inspiration (1+2+3)

Ideation (4+5)

Impl

emen

tatio

n (6)

Page 27: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

27

ailleurs, cette phase va permettre aux « enquêteurs » d’approfondir le brief initial en y

ajoutant un certains nombres de limites mais aussi d’objectifs à atteindre. « L’acceptation

délibérée, voire enthousiaste des limites imposées est au fondement même de la pensée

design20 ». Après cette première approche, l’équipe-projet va ensuite se concentrer sur

la compréhension en profondeur des besoins des consommateurs à travers une série

d’enquêtes, d’interviews, de groupes de discussions ou encore de workshop. D’autres

techniques et outils d’observation vont permettre de comprendre précisément les

habitudes, les manières de penser et les attentes des personnes d’un segment spécifique.

Parmi ces techniques et outils, nous pouvons citer le Shadowing → l’immersion dans

la vie d’un consommateur, le Mind-Mapping → la compilation et la mise en relation

d’idées ou d’informations, ou encore la mise en place de Personas → la création d’un

personnage fictif représentant un groupe de consommateurs type. Par ailleurs, pendant

cette phase, l’équipe projet doit particulièrement prêter attention aux extremes users21

car leurs insights vont venir compléter d’une manière radicalement opposée ceux de

l’utilisateur type et ainsi favoriser l’essor d’un maximum de solutions.

Ideation

Kamp (2001) avance que « pour avoir de bonnes idées, il faut d’abord avoir beaucoup

d’idées ». Cette phase va s’articuler à la fois autour de séances de Brainstorming (Osborn,

1963), de croquis, ou de scénarios mais aussi autour de la construction de prototypes.

La créativité va alors jouer un rôle primordial et certaines règles sont alors nécessaires

à mettre en place pour la favoriser. Ainsi, pour générer des idées créatives, Littman et

Kelley (2005) explique que la première règle consiste à écarter tout jugement subjectif et

bannir le rôle obstructionniste de « l’avocat du diable ». Cette règle est la plus importante

dans la mesure où un jugement non justifié peut être considéré comme l’ennemi n°1

de la créativité et peut mener au découragement de certaines personnes à se montrer

créatives. Par exemple, l’utilisation de Post-It va permettre aux participants d’écrire de

manière spontanée leurs idées sans être influencé par d’autres associations. Au fur et à

mesure de la pertinence des idées, il va être nécessaire de réaliser des prototypes. Ces

derniers vont permettre d’apprendre quelles sont les forces et les faiblesses d’une idée et

d’identifier d’éventuelles nouvelles orientations (Brown et Wyatt, 2010). Selon ces mêmes

auteurs, un prototype a pour objectif la génération de feedbacks utiles pour faire évoluer

une idée. Par conséquent, le temps, l’effort et l’investissement alloué à la conception d’un

20 ‒ Ibid. [11], p. 19

Page 28: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

28

prototype doit être relatif à cet objectif. De plus, le caractère modulable d’un prototype

va lui permettre de s’adapter en fonction des différents tests utilisateurs. En définitive, un

prototype va offrir une représentation physique et fidèle de ce que pourra être le futur

produit (cf. figure 9). Pour un service, le prototype va généralement prendre la forme

d’un wireframe22.

Figure 9 – Du prototype au produit fini

source : ideo.com

Implementation

Cette dernière phase va permettre de transformer une invention dans un résultat fini

et exploitable sur le marché. L’idée retenue pour apporter la meilleure solution au

challenge va donc se transformer dans un plan d’action concret. Ce dernier comprend

généralement la mise en place de plannings, l’organisation des membres de l’équipe et

des parties prenantes, et la gestion des ressources nécessaires pour mener à bien le projet

Par ailleurs, la mise en place d’une stratégie de communication est essentielle dans cette

phase. Le Storytelling orienté utilisateur devient généralement la pierre angulaire de

cette stratégie qui doit gérer de manière optimale les contraintes de coûts, d’argent et

de performance (Best, 2007). De plus, selon Amabile (1996), les composantes de temps

et d’argent représentent les deux principales ressources qui affectent la créativité. Ainsi,

gérer l’équilibre entre ces facteurs va être décisif dans cette phase ; c’est souvent issu de cet

équilibre que le design thinking est qualifié « d’effort collectif ». La phase d’implementation

doit par ailleurs reboucler sur une phase d’inspiration afin de maintenir un niveau élevé

d’énergie créatrice.

22 ‒ Une maquette en « fil de fer ». Cf. exemple ici : wireframe.cc/example

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29

Enfin, selon Brown (2008), plus un processus de design thinking est intégré en amont

d’une démarche d’innovation, plus la phase d’implémentation sera réussie. Cependant,

certains auteurs critiquent ce processus en faisant valoir qu’il devrait moins se concentrer

sur le processus en lui même et plus sur les résultats.

VII. Critiques et enjeux du design thinking1. Critiques

L’une des premières raisons qui peut venir expliquer les propos précédents, repose sur

le fait que, compte tenu du nombre élevé d’éléments à prendre en considération, un

processus de design thinking peut être perçu comme long et laborieux. Selon Evans

(2011), un tel processus peut tomber dans une activité itérative sans fin. De surcroît,

Bruce Nussbaum, pourtant l’un des premiers militants à défendre le design thinking,

avance dans son article Design Thinking Is A Failed Experiment. So What’s Next? que le

taux de réussite d’un tel processus est très bas. Il l’explique en se basant sur le fait que les

managers essayent d’appliquer ce processus de la même manière qu’ils implémenteraient

la méthode Six Sigma dans leurs organisations. Ce qui nous amène à nous demander

si le design thinking est adapté à toutes formes d’entreprises, s’il est adapté aux réalités

actuelles de celles-ci ou encore s’il est adapté à une culture d’un pays. Ici, nous ne ferons

qu’évoquer ces faits car ils peuvent à eux seuls représenter plusieurs sujets d’études.

Par ailleurs, dans l’article Le Design Thinking mis à l’épreuve, l’auteure se demande si ce

n’est « pas paradoxal de vouloir rendre rationnel la pensée des designers qui est de nature

floue et subjective23 ». De plus, la revue de la littérature a permis de clairement mettre en

évidence que le terme design thinking était lui même sujet à débat. Certains auteurs le

considèrent alors comme un simple buzzword qui permet à certaines organisations de

jouir aujourd’hui d’un « puissant terme de relation publique24 ». Si certains designers, à

l’image de Philippe Starck, considèrent cette expression comme étant trop restrictive

car inscrivant le design uniquement dans une démarche de « thinking » plutôt que dans

une démarche de « thinking & doing », la pensée design a au moins le mérite d’avoir fait

remonter la discipline du design dans la sphère du business.

2. Enjeux

Dans leur article du 14 avril 2013, Villeneuve et Mustar mettent en lumière la multiplicité

des enjeux du design thinking : « la lutte contre les maladies nosocomiales,

23 ‒ GAUDIN Camille. 2013, Le Design Thinking mis à l’épreuve [en ligne], site internet Get Off The Box. Consulté le 18/08/13. http://getoffthebox.wordpress.com/2013/02/13/le-design-thinking-mis-a-lepreuve/24 ‒ NORMAN Donald. 1988. The Design of Everyday Things

Page 30: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

30

la banque de demain, la distribution d’eau dans le tiers monde, de nouvelles méthodes

pédagogiques... le design thinking cherche à apporter des solutions inédites qui concernent

tant de nouveaux assemblages produit/service pour répondre à des besoins que des idées

originales pour résoudre des problèmes de société25 ». Nous sommes concentrés uniquement

sur les enjeux du design thinking concernant la création de produits innovants car nous

avons définis le cadre de ce mémoire à l’innovation de produit.

A travers une démarche de co-création, les consommateurs deviennent de plus en

plus des acteurs du processus de création de produits. Ainsi, il est possible d’émettre

l’hypothèse que le nombre de produits créés est facteur de connaissances issues de

cette collaboration. Nos recherches montrent d’ailleurs que l’exploration de nouvelles

connaissances dans un processus de design thinking a un impact significatif sur le

nombre de solutions inventives. Cependant, il est généralement admis qu’il existe une

certaine limite à la création de ces solutions si les informations utilisées n’évoluent pas.

L’utilisation des mêmes connaissances peut d’ailleurs déboucher sur le risque

d’obsolescence. Dans une optique de compétitivité, ce dernier va pousser les entreprises

à accélérer leurs processus de développement afin de proposer rapidement des produits

prêts à être commercialisés. L’obsolescence des produits a été expliquée dans les travaux

de Cordero (1991) où il affirme que les consommateurs sont prêts à payer un produit

moderne et innovant à un prix élevé. Ces consommateurs sont influencés par d’autres

paramètres tels que la vitesse de disponibilité sur le marché. Ainsi, le design thinking

suggère l’utilisation de différents facteurs humains, stratégiques et matériels dans le but

de raccourcir ce que Roger (1995) appelle le Time-to-Market (cf. partie II-1).

La compréhension précise des besoins des utilisateurs, la recherche constante du sens,

l’utilisation efficace de connaissances et de technologies variées, l’implication du top

management, et la construction d’une bonne stratégie de communication vont constituer

les principaux éléments d’un lancement réussi d’un produit innovant. L’interdisciplinarité

des équipes dans un processus de design thinking va également jouer un rôle primordial

dans cette réussite.

25 ‒ VILLENEUVE Thomas, MUSTAR Victor. 2013, Le Design Thinking, pour innover au-delà de la technologie [en ligne], Huffington Post. Consulté le 18/08/13. http://www.huffingtonpost.fr/thomas-villeneuve/le-design-thinking-pour-i_b_3069998.html

Page 31: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

31

En effet, Cooper (1994) souligne cette corrélation en affirmant que des équipes

interdisciplinaires ne vont pas seulement accélérer la mise en place de produits sur

le marché, elles vont également participer à leurs succès. Il est également intéressant

d’observer les bénéfices à long terme du design thinking. Dorst et al. (1992) déclarent

que même si le nombre de recherches – en termes de résultats – sur le design thinking

est relativement peu élevé, certaines tendances peuvent être identifiées. Parmi elles,

nous pouvons citer l’importance de la formulation du challenge initial, l’acceptation des

contraintes ou encore la nécessité d’avoir une vision commune pour atteindre un objectif

précis. Ces tendances vont être autant de facteurs qui vont déterminer le succès d’un

produit innovant dans le cadre d’un processus de design thinking.

conclusionLa littérature présente généralement le design thinking uniquement sous le prisme d’un

processus. Nous avons vu dans cette partie que le design thinking pouvait s’apparenter

à sorte de culture au regard de ces trois composantes majeures : people, place, process.

A travers cette culture, nous avons pu analyser l’impact du design thinking sur le

développement de produits innovants. Fernez-Walch et Romon (2010) avance que

la création d’un produit innovant va « permettre à l’entreprise d’améliorer sa position

stratégique et/ou de renforcer ces compétences clés et ses connaissances ». L’introduction

d’un produit innovant sur le marché est quelque chose de particulièrement important

pour une entreprise dans la mesure où ils vont lui permettre de se diversifier, de s’adapter

et de se réinventer dans un environnement en constante évolution. En définitive, la figure

10 tente de démontrer la relation entre design thinking et innovation ; nous tenterons de

prouver son exactitude dans la partie III de ce mémoire.

Figure 10 – Design Thinking, Innovation et Croissance

Source : l’auteur, adapté des réflexions de Foley (2013)

PARTIII

DESIGN THINKING L’INNOVATION CROISSANCE

est une culture optimisée pour

qui est devenue la voie majeure menant à la

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33

Page 34: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

34

dans cette partie, nous avons choisi de traiter deux cas qui permettront de

vérifier les données exposées dans les parties précédentes. Nous nous sommes efforcés

à traiter deux cas radicalement opposés aussi bien dans l’approche que dans le contexte.

Le premier cas, bien que moins fourni que le deuxième, a le mérite de mettre en exergue

une innovation dans un secteur plutôt rigide. Le deuxième cas mettra l’accent sur le

changement de paradigme qu’une innovation de produit peut créer. Enfin, nous avons

choisi de traiter ces deux cas car nous nous étions fixé l’obligation d’avoir une composante

« résultats » afin de prouver les impacts économiques du design thinking.

I. Bank of America

1. Introduction

Selon Ante (2006), l’innovation dans le secteur des services est une chose assez rare. Par

exemple, la dernière innovation dans les services financiers remonte dans les années 90

avec l’essor de la banque en ligne aux Etats-Unis. En octobre 2005, Bank of America, a

lancé un service appelé Keep the Change (KTC) qui a radicalement changé ce paradigme.

2. Contexte

Avant d’étudier les différentes étapes qui ont permis au service de voir le jour, il est

important de donner un rapide contexte à la situation. Avec un revenu net de 14,1

milliards de dollars en 200326, Bank of America fait partie du « Big Four » aux Etats-Unis

avec Citigroup, JPMorgan Chase et Wells Fargo, ses principaux concurrents27. Comme

l’illustre la figure n°11, 46% des revenus de la banque proviennent d’opérations bancaires

issues du grand public et des petites entreprises. Cependant, cette année là, l’institution

ne comptait que 260 000 nouvelles ouvertures de comptes d’épargne contre 1,3 millions

nouvelles ouvertures de comptes courants, comme l’illustre le graphique ci-contre. Ainsi,

même si la banque affichait une excellente santé financière, le top management s’est alors

posé la question suivante : comment encourager les consommateurs à ouvrir de nos

nouveaux comptes d’épargne ?

3. Recherche

En se basant sur cette problématique, Bank of America a initié des recherches à partir du

printemps 2004. En faisant équipe avec le cabinet de conseil en conception et en

26 ‒ Bank of America. 2003, Annual Report27 ‒ DASH Eric. 2007, 4 Major Banks Tap Fed for Financing [en ligne], site du New York Times. Consulté le 23/08/13. http://www.nytimes.com/2007/08/23/business/23discount.html?_r=0

VIII.

Page 35: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

35

Figure 11 - Répartition des revenus de Bank of America

source : Bank of America. 2003, Annual Report

innovation, IDEO, l’institution s’est tournée vers une approche user centric en se basant

sur des recherches ethnographiques. Ces recherches ont été menées en direction d’un

segment de clientèle bien spécifique : les femmes âgées de 40 à 55 ans avec enfant(s) à

charge. L’objectif de cette collaboration était d’appréhender les habitudes et les usages de

ces femmes à des moments clés de leur quotidien comme les moments shopping ou le

moment de faire leurs comptes.

Nous allons désormais voir quelles ont été les différentes étapes entreprises par Bank of

America et IDEO pour tenter de répondre au challenge exposé précédemment.

4. Inspiration

Le processus de design thinking, tel qu’analysé dans la section 2, commence par une

phase d’inspiration. L’équipe mise en place pour ce projet comprenait neuf membres :

cinq issus de la Bank of America et quatre issus d’IDEO. Les instigateurs ont commencé

par se rendre dans les villes d’Atlanta, de Baltimore et de San Francisco pour observer

une douzaine de famille dans leur quotidien. Ils ont mené plusieurs interviews afin de

récupérer différents insights par rapport à leurs habitudes de consommation.

Par ailleurs, les membres de l’équipe ont pratiqué, pendant une certaine durée, la

technique du Shadowing afin de comprendre et d’analyser certains comportements

au moment de régler des achats ou encore au moment de déposer de l’argent via des

services au volant.

Cette première phase a permis de faire émerger deux tendances communes aux

individus du segment cible. Observée à Atlanta, la première tendance a mis en lumière

Page 36: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

36

un comportement de certaines femmes qui arrondissaient leurs factures au dollar

supérieur dans un souci de rapidité de règlement en caisses. D’autres réalisaient cet

arrondissement car elles y voyaient un moyen pratique d’obtenir une meilleure visibilité

sur leurs dépenses. Le deuxième apport de ces recherches préliminaires a également

permis de montrer que ces femmes n’arrivaient pas à mettre de l’argent de côté (IDEO,

2006). Pour certaines, il s’agissait d’un faible pouvoir d’achat. Pour d’autres, la récurrence

d’achats impulsifs pouvait justifier cette absence d’économies.

5. Ideation

Après cette phase d’observation, les vices présidents pour l’introduction de nouveaux

produits de la Bank of America, Ray Chinn et Faith Tucker ont décidé d’étendre l’équipe-

projet en rassemblant cette fois-ci des experts financiers, des ingénieurs, des chefs de

produits et des designers. Ainsi, durant l’été 2004, les membres de cette nouvelle équipe

ont réalisé une vingtaine de séances de brainstorming qui ont débouché au total sur

80 concepts susceptibles de répondre au brief initial. Cependant, sur ces 80 concepts,

seuls douze d’entres eux présentaient les caractéristiques technologiques, économiques

et de désirabilité nécessaires à la création de produits innovants (Brown, 2008). A la

suite de cela, différents prototypes ont été élaborés pour aboutir à la solution finale : la

création d’un service gratuit qui permet aux usagers d’économiser régulièrement et en

toute simplicité de l’argent grâce à l’arrondissement de différentes transactions bancaires.

Ce service, fonctionne alors de la manière suivante : lorsqu’une personne effectue un

achat avec une carte de débit de la Bank of America, la banque arrondit l’achat au dollar

supérieur et transfère la différence de votre compte chèque vers un compte épargne.

Afin de tester cette solution sur un panel d’utilisateurs représentatifs du bassin de clientèle

de la banque, l’équipe-projet a réalisé un film d’animation mettant en scène une femme en

train d’acheter un café à 1.50$. Le scénario mettait ensuite en situation l’arrondissement

au dollar supérieur (dans ce cas 2$) ainsi que le passage des 50 centimes sur un compte

épargne (cf. Annexe 4). A travers ce film d’animation, la pertinence du concept a pu

être testée en ligne auprès de 1 600 consommateurs. Cette étude a présenté d’excellents

résultats (Tufano et Scheider, 2008) ce qui a conduit Diane Morais, alors vice présidente

de la Bank of America, à présenter le projet devant la Consumer Division à la fin de

l’année 2004. A la suite de cette présentation, le projet est reparti en phase d’ideation

puis est ressorti avec trois nouvelles fonctionnalités : (i) l’ajout sur les relevés de compte

d’un résumé de tous les arrondis effectués, (ii) une fonction de sécurité qui empêche

automatiquement un transfert si celui-ci pousse le compte utilisateur à découvert, (iii)

Achats non prévus qui sont décidés de façon impulsive lors de la confrontation au produit

Page 37: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

37

l’ajout d’intérêts à hauteur de 100% pour les trois premiers mois puis de 5% sur les neuf

mois restants dans un maximum de 250 dollars par an (Enrich, 2005).

Par exemple, si un consommateur règle, sur une durée d’un mois, une trentaine d’achats

en utilisant sa carte de débit et que l’arrondi pour chaque transaction se situe à environ 50

centimes alors ce consommateur économisera 30 x 0,50$ soit 15 dollars. Si on considère

que ce même comportement perdure les deux mois suivants alors ce consommateur

aura économisé 45 dollars. En additionnant la somme ajoutée par Bank of America sur

cette durée, les économies s’élèveront à 90 dollars, la moitié provenant du consommateur

et l’autre moitié provenant de la banque. En supposant que ce consommateur conserve

ce même comportement d’achat pendant les neufs mois restants de l’année, il va alors

économiser 9 x 15$ soit 135 dollars. Les intérêts ajoutés par la Bank of America vont

cette fois-ci s’élever à hauteur de 5% du montant total économisé sur cette période : 0,05

x 135$ soit 6,75 dollars. En définitive, ce consommateur aura économisé un montant

total de 231,75 dollars dont 180 dollars venant de lui-même et 51,75 dollars de la banque.

A la suite de ces nouvelles caractéristiques, le feu vert pour lancer ce service sur le marché

a été obtenu au début de l’année 2005. A la suite de plusieurs groupes de discussions, le

nom Keep The Change a été choisi pour la mise en place de ce service.

6. Implementation

La dernière phase du processus représente l’implémentation du concept choisi sur le

marché, illustré sur la figure 12.

Figure 12 - Keep the Change

source : www.bankofamerica.com

Page 38: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

38

Pour communiquer autour de Keep the Change, l’équipe-projet a exploité une idée

issue du même groupe de discussion qui a fait émerger le nom du service : amener des

personnes à chercher de la monnaie entre les coussins d’un canapé. Le produit a été lancé

le 05 octobre 2005. Pour cette occasion, Bank of America a organisé à la station Grand

Central de New York un événement marketing assorti d’une conférence de presse. Les

passants étaient alors invités à fouiller un canapé de velours

rouge de 6 mètres de long, et truffé de pièces de monnaie.

Par la suite, des répliques ont été envoyées dans des centres

commerciaux d’autres villes telles que Boston, Dallas, Los

Angeles ou encore Miami. Bank of America a également co-sponsorisé divers évènements

de la NFL et a fait appel à certains joueurs pour promouvoir l’opération dans ces centres

commerciaux. Par ailleurs, en 2006, de nombreux spots TV ont été lancés pendant les

jeux olympiques d’hiver. Sur le Web, une campagne d’achats de mots clés a été lancée et

Bank of America a « poussé » son nouveau service sur son site Internet.

7. Résultats

En janvier 2006, le programme Keep the Change a attiré près d’un million de

consommateurs. Sur le nombre total de ces consommateurs, 20% d’entre eux étaient de

nouveaux clients pour Bank of America, soit un total de 200 000 nouveaux clients en

l’espace de trois mois (McGrath, 2008). L’année d’après, Bank of America a attribué au

programme KTC l’ouverture de 1,8 million nouveaux comptes épargne28. En avril 2007,

les 4,3 millions de participants au programme ont économisé collectivement 400 millions

de dollars soit 93 dollars d’économies par participant ce qui représente également une

augmentation de 63 dollars par rapport à avril 2006 (McGeer, 2007 ; Tescher, 2006).

Depuis son lancement, 12 millions d’utilisateurs auraient économisé 3,1 milliards de

dollars à travers le programme Keep the Change et le taux de rétention des comptes

ouverts est supérieur à 95% selon IDEO.

28 ‒ MIERZWA Erin. 2007, Bank of America Wants Customers to Keep Their Change [en ligne], site de la Federal Reserve Bank of Philadelphia, Cascade n°64. Consulté le 23/08/13. http://www.philadelphiafed.org/community-development/publications/cascade/64/08_bank-wants-customers-to-keep-their-change.cfm

NationalFootball League

Page 39: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

39

II. Nintendo

1. Introduction

Le marché des jeux vidéos est une industrie cyclique dans laquelle les nouvelles consoles

sont lancées tous les cinq ou six ans. Les années 2000 voient sortir la PlayStation 2 de

Sony comme grande gagnante de cette compétition, surpassant de loin ses concurrentes

: la Xbox de Microsoft et la GameCube de Nintendo (cf. Annexe 5 - Les consoles 6ème

génération). A chaque cycle, la puissance des consoles augmente, rendant ainsi possible

la création de jeux plus complexes et aux graphismes toujours plus sophistiqués.

Cependant, le président de Nintendo, Satoru Iwata, affirme à cette même époque que les

possibilités de croissance étaient limitées si les produits conçus s’adressaient uniquement

aux joueurs confirmés déjà existants29. « Nous avons besoin de quelque chose de radical

pour changer cette situation » avance alors M. Iwata.

2. Contexte

Nintendo est une entreprise japonaise fondée à Kyoto en 1889. Elle se lance sur le marché

des jeux vidéos à partir des années 1980. Aujourd’hui, c’est une firme multinationale

affichant un résultat net de 584,3 millions d’euros30.

A la fin de l’année 2003, « le parc mondial de consoles de salon dernière génération

s’élève à 97.64 millions de machines31 ». Sony domine alors le marché avec 71,7% de part

de marché. Nintendo occupe seulement 14,3% du marché et est fortement concurrencée

par l’introduction de la Xbox, la toute première console lancée par Microsoft.

Tableau 3 - Répartition du parc de consoles de salon au 31/12/03 (en millions)Xbox GameCube PlayStation 2

Consoles vendues 13,70 13,94 70Source : Idate, 2010

Selon l’Agence Française pour le Jeu Vidéo, les trois fabricants restent cependant discrets

sur les nouvelles caractéristiques de leur septième génération de consoles prévues pour

2006.

29 ‒ The Economist, from the print edition. 26 octobre 2006, Playing a different game [en ligne], site de The Economist. Consulté le 03/09/13. http://www.economist.com/node/1555746530 ‒ Nintendo. 2011, Annual Report.31 ‒ Agence Française pour le Jeu Video. 2010, Jeux vidéo : vers les consoles nouvelle génération, Syn-thèse de l’étude réalisée par l’Idate [en ligne], site de l’AFJV. Consulté le 03/09/13. http://www.afjv.com/press0407/040702_jeux_video_etude.htm

IX.

Page 40: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

40

Cependant, les analystes pressentent déjà des fonctionnalités orientées vers le multimédia

familial tels que les lecteurs/graveurs de DVD ou encore la navigation sur Internet.

Suite aux mauvaises ventes de la GameCube, Nintendo a alors initié le programme

« Revolution ». Celui-ci s’inscrivait dans la stratégie de la marque axée sur le jeu et

surtout sur les joueurs. Le programme avait comme principal objectif de préparer la

console future génération en introduisant un gameplay32 révolutionnaire. Le challenge

de Nintendo était alors de parvenir à toucher un marché de masse tout en conservant sa

différence avec ses concurrents.

3. Recherches

Les recherches du programme « Revolution » ont commencé juste après le lancement de

la GameCube. « Après avoir terminé une console, nous pensons généralement à la suivante »

déclare Genyo Takeda, directeur général de Nintendo, sur iwataasks.com. L’équipe-projet

était alors constituée des membres suivants : Genyo Takeda, Junji Takamoto, Kenichiro

Ashida, Kou Shiota Shigeru Miyamoto, Akio Ikeda.

Tableau 4 - Revolution Core Product Team

source : Kim et al., MIT Sloan Management (2011)

Satoru Iwata a également joué un rôle primordial dans le programme « Revolution ».

En effet, contrairement à son prédécesseur Hiroshi Yamauchi, son profil polyvalent lui

permettait de participer activement aux différentes phases du projet (Takaoka et al.,

2011).

32 ‒ Le gameplay est la manière spécifique dont les joueurs interagissent avec un jeu, particulièrement avec les jeux vidéos (Lindley, 2008)

Site officiel de Nintendo regroupant une série d’interviews sur les produits de la marque

Page 41: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

41

Afin de comprendre les différentes phases du programme « Revolution », nous nous

sommes majoritairement basés sur une série d’interviews menées par Satoru Iwata à

travers le site Iwata Asks et sur les réflexionsde Roberto Verganti.

Alors que Sony et Microsoft se sont principalement tournés vers l’amélioration des

performances de leurs consoles pour répondre aux attentes des joueurs confirmés,

Nintendo, à travers le programme « Revolution » a voulu changer les règles du jeu. « Le

besoin de ceux qui recherchent toujours plus ne peut jamais être comblé. Leurs désirs grandissent

sans cesse, et cela ne mène nulle part si nous essayons simplement de les suivre » déclare alors

Takeda. De plus, le principal problème soulevé par Nintendo montrait que les jeux de

nouvelle génération exigeaient des joueurs un important investissement temporel. Le

temps accordé aux loisirs diminuant au fil de modes de vies de plus en plus occupés,

l’industrie vidéoludique s’est alors tournée vers la conception de jeux fantastiques

terminables en une douzaine d’heures. Iwata était alors convaincu que cette tendance a

conduit certains joueurs occasionnels à arrêter de jouer et de dissuader les non-joueurs

de donner une chance aux jeux vidéos. « Tout le monde ne veut pas forcément s’échapper

dans un monde fantastique » avançait alors Iwata.

4. Inspiration

Garvin & Levesque (2006) décrivent à quel point il peut être difficile de trouver des

marketplace insights pour des marchés qui n’existent pas. Pour Sofka et Grimpe (2010), les

managers ont besoin de développer des stratégies de recherches spécialisées pour qu’une

innovation rencontre un réel succès. Ces stratégies doivent s’inscrire dans les différents

échanges pendant les phases de conception entre chercheurs, designers, fournisseurs et

consommateurs. Leurs objectifs étant d’échanger des idées, des concepts ou encore des

savoirs précieux (Verganti, 2009). Par ailleurs, Rothwell (1992) décrit le schéma global

du processus d’innovation comme un réseau complexe de voies de communication, à

la fois inter et extra organisationnel, liant l’entreprise à une communauté scientifique

et technologique plus large mais en la liant aussi avec le marché. Ainsi, ces personnes

peuvent être perçues comme des atouts pour une entreprise qui cherche à créer du sens

dans l’innovation. Ils peuvent soit aider à donner des insights sur des usages émergents

soit livrer leurs interprétations sur ces usages. Verganti (2009) les considèrent alors

comme des interprètes.

L’auteur souligne également que les utilisateurs ordinaires ne représentent pas un bon

exemple d’interprètes. Il précise par ailleurs, que les recherches doivent se concentrer

davantage sur un petit groupe de personnes appelées lead-users (Von Hippel, 1986).

Traduction littérale du mot « interpreters »

Page 42: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

42

Les lead-users expriment « des besoins qui anticipent les attentes futures du marché et

attachent un bénéfice élevé d’une réponse à leurs besoins33 ». En d’autres termes, les lead-

users peuvent être considérés comme des « prévisionnistes de besoins ».

Dans le cas de Nintendo, c’est le constructeur STMicroelectronics, alors fournisseur de

puces électroniques pour l’entreprise, qui a joué ce rôle de lead-users. Les fournisseurs

peuvent inventer de nouveaux produits et peuvent également anticiper les impacts

socioculturels de leurs inventions. Verganti (2009) affirme alors que STMicroelectronics

a proposé à Nintendo d’utiliser leur technologie, les accéléromètres MEMS, pour

permettre aux gens de jouer aux consoles de jeu à travers des mouvements intuitifs et

surtout réels.

L’article Nintendo’s Revolution (Kim et al., 2011) met alors en exergue les différentes

caractéristiques retenues pour la future console de Nintendo :

• Contrairement à la GameCube, la Revolution ne doit pas s’adresser uniquement aux

enfants. La console doit être accessible par tous les membres de la famille.

• Les jeux seront de nature simples et pourront être joués pour quelques minutes afin

d’attirer les non-joueurs et les joueurs occasionnels. Ces jeux seront basés sur un

tout nouveau gameplay reposant sur une manette totalement nouvelle et reposant

sur la technologie des accéléromètres MEMS. Ils s’appuieront sur des scénarios de la

« vrai vie » plutôt que des scénarios fictifs.

• Le prix de la console sera relativement faible comparé aux prix pratiqués par la

concurrence.

• Le futur design de la console doit être épuré et d’une taille relativement petite pour

pouvoir prendre place dans un salon.

5. Ideation

« Il est inutile de préciser que nous ne partons pas d’une page blanche pour chaque

composant ou chaque technologie » rappelle Takeda sur Iwata Asks.

33 ‒ DIVARD Ronan. 2010. Le marketing participatif, Paris : Dunod. 120p.

Page 43: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

43

Par ailleurs, les autres interviews disponibles sur le site soulignent l’importance

des expériences passées pour une entreprise, que ce soit un succès ou un échec.

Ainsi, Miyamoto rappelle que le succès de la NES provenait avant tout de son

accessibilité. Parallèlement, Iwata souligne l’importance de la combinaison « flèches

directionnelles + bouton principal » sur la manette de la GameCube qui était

justement gage d’accessibilité. Finalement, Takamoto rappelle que l’expérience issue

de la commercialisation de la DS, une console portable à double écran, a été une

réelle découverte dans le sens ou le marché n’attendait pas forcément la sortie de

jeux complexes mais plutôt de jeux simples à l’instar de Nintendogs. Ce dernier est

un excellent exemple de cette tendance avec ses 2 millions d’unités vendues dans le

monde et son taux de pénétration de 24%34.

Par ailleurs, le site Iwata Asks met en lumière l’ouverture de Nintendo lorsqu’il s’agit

d’impliquer plusieurs personnes dans la génération et le développement d’idées. Dans

son article Business lessons from the Nintendo Wii, Alexander Kjerulf, reprend une

citation d’Iwata qui illustre bien ce propos :

« The controller is not the great idea of a single person,

but a fantastic fusion of ideas from all kinds of people. »

La dernière citation est particulièrement intéressante car elle concerne la manette de

jeu conçue pour la Revolution. Sur Iwata Asks, nous apprenons qu’après le lancement

de la GameCube, Takeda a créé une quinzaine d’équipes constituées de trois personnes

environ. « Ces équipes avaient carte blanche pour associer une manette ou un périphérique

à un titre GameCube, et voir ensuite si le résultat final était ou non commercialisable ».

Les Bongos de « Donkey Konga » ainsi que le tapis de danse « Dancing Stage Mario Mix

» ont pu ainsi voir le jour (cf - Annexe 6). En outre, un certain nombre d’idées issues

de ces différentes expériences de conception allaient servir Nintendo à créer sa future

manette.

Ikeda rappelle que « quand on joue, l’élément le plus proche du joueur est la manette ». Il

la considère d’ailleurs « comme une extension du joueur plutôt que comme un composant

de la console ». Pour Miyamoto, l’accessibilité de la future manette de Nintendo était sa

caractéristique la plus importante. « J’ai ainsi passé beaucoup de temps à réfléchir à ce qui

34 ‒ IGN. 2005, Reggie Talks Nintendo’s Future [en ligne], site d’IGN Entertainement. Consulté le 01/09/13. http://uk.ign.com/articles/2005/11/04/reggie-talks-nintendos-future?page=2

Console Nintendo de

3ème génération vendue à 49,1

millions d’unités dans le monde

entre 1990 et 1999

Jeu vidéo simulant un

animal de compagnie virtuel

où le joueur a la possibilité

d’interagir avec cet animal grâce

aux interfaces tels que le stylet, le microphone et

l’écran tactile

Page 44: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

44

faisait qu’un concept était accessible. C’est dans cette optique que nous avons commencé

à remettre en question le principe même d’une manette conventionnelle ». Puis, Takeda a

été le premier à « suggérer l’utilisation d’un pointeur

[…] ainsi qu’une manette de forme oblongue ».

Après avoir opté pour la solution du pointeur pour

interagir avec la technologie des accéléromètres

MEMS (suggérés dans la phase précédente),

Nintendo a créé toute une série de prototypes

rassemblés sous le nom Gunbai (illustrés ci-contre).

Pour que la manette réagisse parfaitement aux mouvements de son utilisateur, l’équipe

a ensuite intégré une nouvelle technologie de capteurs capables de traiter 200 à 300

images par seconde (la norme dans les jeux vidéos étaient alors à l’époque de 60img/s).

« L’expérience ludique ressentie avec la télécommande Wii s’est finalement précisée lorsque

nous avons ajouté ce capteur très polyvalent » explique alors Ikeda. Ainsi, pour parvenir

à la forme définitive, Iwata souligne que rien ne se concrétise à partir d’une seule idée.

A l’instar de la manette, la conception de la console a elle aussi été un vrai challenge. Pour

commencer, Ashida a commencé à demander les opinions de nombreux employés sur les

consoles de jeu. « Nous voulions à tout prix éviter d’encombrer encore plus les alentours du

téléviseur ». Le challenge était donc de créer une console qui associerait des impératifs de

taille (l’équivalent de 2 ou 3 boîtes de DVD) et de robustesse. De plus, les consommateurs

ciblés par Nintendo pour sa nouvelle console n’étaient plus du tout les mêmes que pour

la GameCube. Ashida précise alors qu’il fallait trouver un équilibre entre le design d’un

jouet (pour son côté divertissant) et le design d’un équipement audiovisuel. Le fait que

la future console devait être de la taille de trois boitiers de DVD a naturellement orienté

le design vers une base rectangulaire. Cependant, Ashida rappelle que l’équipe aurait été

« dans l’impasse » si cela avait été leur unique objectif. Il précise ensuite : « nos jeunes

designers ont alors émis l’idée de poser la console sur un socle. Cette association a donné

naissance à de nouvelles idées, tout en conservant la base rectangulaire de la console ».

Après plusieurs séries de prototypes et de test utilisateurs, Nintendo est parvenu au

résultat ci-contre :

source : pressthebuttons.com

Page 45: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

45

source : scmb.com (2004)

6. Implementation

Le projet Revolution a été présenté au grand public

en 2005 lors de l’Electronic Entertainement Expo.

C’est seulement en avril 2006 que Nintendo révèle

pour la première fois le nom et la marque finale de

sa nouvelle console : la Wii.

Le Nintendo Style Guide souligne un point

intéressant du nom de la Wii : « It is simply Wii,

not Nintendo Wii ». La marque commercialise

alors pour la première fois une console en dehors du Japon sans Nintendo dans son

appellation35. En outre, l’article consacré sur l’encyclopédie collective Wikipédia nous

donne une explication détaillée sur le nom de la Wii :

La Wii a été lancée le 19 novembre 2006 aux Etats-Unis pour un prix de 249,99$. A la

même époque, Sony lançait sa Playstation 3 pour 499,99$ et Microsoft lançait sa Xbox

360 pour 399,99$. En plus d’être moins chère que ses deux concurrentes, la Wii proposait

également un jeu, Wii Sports, lors de son achat.

35 ‒ Console Watcher. 2006, Nintedo Revolution Renamed To Nintendo Wii [en ligne]. Consulté le 04/09/13. http://www.consolewatcher.com/2006/05/nintedo-revolution-renamed-to-nintendo-wii/

source : nintendo.com

Un guide pour le bon usage de

certains produits de Nintendo

Page 46: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

46

A son lancement, Nintendo a orienté sa stratégie de communication en se basant sur le

positionnement « Experience a new way to play » et sur le slogan « Wii would like to play ».

La Wii était alors accessible en grandes surfaces telles que Walmart ou Target et chez les

magasins spécialisés en électronique tels que Best Buy ou GameStop.

7. Résultats

En 2008, la Wii dominait le marché avec 29,63 millions d’unités vendues à travers le

monde contre 14,72 millions de PlayStation 3 et 20,36 millions d’Xbox 360 vendues.

Figure 13 - Parts de marché de la Wii en 2008

source : O’GORMAN Patricio (2008)

Aujourd’hui, selon les derniers chiffres du site VGChartz, Nintendo aurait vendu

100,22 millions de Wii à travers le monde alors que Sony aurait vendu 79,53 millions de

Playstation 3 et Microsoft 78,62 millions d’Xbox 360. Par ailleurs, les trois meilleurs jeux

vendus pour les consoles de septième génération sont répartis dans le tableau 4 :

Tableau 5 - Meilleures ventes de jeux pour les consoles de 7ème génération

COnSOLES JEux nBRE DE vEnTES Wii Wii Play 22,98 millionsXbox 360 Halo 3 10,1 millionsPlayStation 3 Metal Gear Solud IV 4,5 millions

source : VGChartz, 2013

Site spécialisé dans la compilation de ventes dans l’industrie des jeux vidéos

Page 47: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

47

conclusion de ces deux études de casL’analyse précise des comportements d’une certaine catégorie de personnes a permis à

Bank of America de développer un service foncièrement innovant pour ensuite l’étendre

à un bassin de clientèle beaucoup plus large. Lancé en octobre 2005, le service Keep

the Change a permis à Bank of America de voir l’ouverture de plusieurs millions de

comptes d’épargne, et s’inscrit aujourd’hui encore comme un réel succès d’innovation

dans le secteur financier. De l’autre côté, Nintendo, en combinant les idées et les opinions

de lead-users avec une stratégie d’open innovation a provoqué, à travers la Wii, un

véritable changement de paradigme dans le secteur du divertissement. Aujourd’hui, la

Wii représente le cas d’école par excellence de la Stratégie Océan Bleu soutenue par Kim

et Mauborgne (2005). Par conséquent, nous pouvons dire que le design thinking, bien

qu’utilisé dans deux cultures opposées et selon un contexte différent, a permis de créer

des produits radicalement innovants et a donc su pérenniser la performance économique

des deux entreprises étudiées.

Page 48: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

48

conclusion

Ce mémoire nous a permis de mieux comprendre l’impact du design thinking sur une

démarche d’innovation de produit. En effet, en le considérant comme une culture et

non uniquement comme un processus (validation de l’hypothèse n°3), nous avons pu

vérifier l’exactitude de la figure 10 au travers de deux études de cas. Cependant, l’absence

d’informations sur des projets qui n’auraient pas menés à l’introduction réussie d’une

nouveauté sur un marché peut venir biaiser ce résultat. Par ailleurs, l’hypothèse n°2 est

difficilement vérifiable car elle va dépendre directement des contraintes temporelles

définies dans le brief initial. Nous pouvons néanmoins avancer que le prototypage rapide

assorti à différents tests utilisateurs va favoriser l’acceptation du produit par le marché.

Ainsi, le design thinking peut réduire le risque de développement de produit ou de service

innovants. De plus, la phase d’ideation de son processus impacte significativement la

pertinence de la solution apportée au challenge dans la mesure où le nombre d’idées

et de prototypes est élevé (validation de l’hypothèse n°1). Enfin, le cas de la Wii vient

contraster l’hypothèse n°4 car elle représente clairement une innovation radicale mais

met en exergue l’importance des opinions des lead-users et sur la nécessité d’avoir une

vision et un objectif précis.

Nous pouvons ainsi dire que le design thinking constitue une réelle opportunité pour

toute organisation qui souhaite innover. Les dimensions People et Place sont cependant

à considérer avec la même importance que la dimension Process. Ainsi, le « en quoi »

de notre problématique initiale trouve sa réponse dans le fait que le design thinking

est une culture, une philosophie avec des principes fondamentaux et indissociables tels

que « l’optimisme, l’ouverture à l’expérimentation, le goût du récit, le besoin de travailler

en collaboration, la tendance à réfléchir avec les mains, à construire, à prototyper, et la

capacité de communiquer des idées complexes avec un art de la simplicité36 ». En définitive,

il semblerait que les enjeux du design thinking vont permettre d’explorer de nouvelles

opportunités centrées sur l’être humain et l’évolution de son environnement qui vont

déboucher sur la mise en place de solutions novatrices qui font sens.

36 ‒ Ibid [11], p. 19

Page 49: L'impact du Design Thinking sur une démarche d'innovation de produit

49

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