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L’ABSENCE DE SYNDICATS nuit gravement à l’égalité Les inégalités dans l’entre- prise s’accroissent quand il n’y a pas de représentation du personnel. Cette affirmation n’est pas celle d’un syn- dicaliste mais le constat d’une très sérieuse étude menée au niveau international par des économistes du FMI*. L’analyse porte sur 30 ans, de 1980 à 2010 et montre qu’une « plus faible syndicalisation est associée avec un accroissement de la part des revenus les plus élevés. Elle réduit aussi l’influence des salariés sur les décisions managériales favorisant les poste les plus élevés». Concrètement, moins de scru- pules pour des écarts de rémunération importants en l’absence d’IRP. L’affaiblissement des syndicats ou leur absence dans l’entreprise réduit en outre le pouvoir de négociation des sa- lariés et conduit à une augmentation de la rémunération du capital. L’ OCDE*observe que le taux de syndicalisation des princi- paux pays développés a reculé de 20,8 % en 1999 à 16,9 % en 2013, un taux encore bien supérieur à celui que nous connaissons en France. L’étude des économistes du FMI montre que les syndicats permettent de freiner les inégalités en favorisant une distribution plus équitable : la négociation sert aussi à faire entendre raison ! Un recul du syndicalisme augmenterait mécaniquement de plu- sieurs points les revenus des mieux lotis. Les chercheurs du FMI nous apprennent ainsi qu’il faut cesser de croire que le sa- laire minimum augmente le chômage dans les pays riches. Les auteurs ne sont pas contre un accroissement des rémunéra- tions des salariés les mieux payés dès lors que cela reflète une réelle hausse de leur productivité mais alertent sur les effets néfastes de gains démesurés, invitant les pouvoirs publics à intervenir pour une régulation. Il n’est donc vraiment pas incongru de vouloir plafonner les plus hauts salaires et exercer un contrôle de leurs évolutions. l’ rdre du jour L’information économique, juridique et sociale n°68 avril-mai-juin 2015 o Les mots et expressions en rouge dans les articles renvoient au lexique p. 6 Quoi de mieux qu’un auto satisfecit pour poursuivre la démolition du droit du travail ? Le bilan de la loi de sécurisation de l’emploi conclut que l’assouplissement du marché du travail porte des fruits mais il serait urgent d’aller plus vite et plus loin. La loi Macron complète la flexibilité et facilite un peu plus les licenciements économiques. La loi Rebsamen réduira la présence et le contre pouvoir des représentants du personnel dans les entreprises de plus de 50 salariés. Prochaine étape visée par le MEDEF : « Réformer le contrat de travail pour lever la peur de l’embauche » ! De qui se moque-t-on ? Edito

L’information économique, juridique et sociale avril … · Les mots et expressions en rouge dans les articles renvoient au lexique p. 6 Quoi de mieux qu’un auto satisfecit pour

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L’absence de syndicats  nuit gravement à l’égalité

Les inégalités dans l’entre-prise s’accroissent quand il n’y a pas de représentation du personnel. Cette affirmation n’est pas celle d’un syn-dicaliste mais le constat d’une très sérieuse étude menée au niveau international par des économistes du FMI*. L’analyse porte sur 30 ans, de 1980 à 2010 et montre qu’une « plus faible syndicalisation est associée avec un accroissement de la part des revenus les plus élevés. Elle réduit aussi l’influence des salariés sur les décisions managériales favorisant les poste les plus élevés». Concrètement, moins de scru-pules pour des écarts de rémunération importants en l’absence d’IRP. L’affaiblissement des syndicats ou leur absence dans l’entreprise réduit en outre le pouvoir de négociation des sa-lariés et conduit à une augmentation de la rémunération du capital. L’OCDE*observe que le taux de syndicalisation des princi-paux pays développés a reculé de 20,8 % en 1999 à 16,9 % en 2013, un taux encore bien supérieur à celui que nous connaissons en France. L’étude des économistes du FMI montre que les syndicats permettent de freiner les inégalités en favorisant une distribution plus équitable : la négociation sert aussi à faire entendre raison ! Un recul du syndicalisme augmenterait mécaniquement de plu-sieurs points les revenus des mieux lotis. Les chercheurs du FMI nous apprennent ainsi qu’il faut cesser de croire que le sa-laire minimum augmente le chômage dans les pays riches. Les auteurs ne sont pas contre un accroissement des rémunéra-tions des salariés les mieux payés dès lors que cela reflète une réelle hausse de leur productivité mais alertent sur les effets néfastes de gains démesurés, invitant les pouvoirs publics à intervenir pour une régulation. Il n’est donc vraiment pas incongru de vouloir plafonner les plus hauts salaires et exercer un contrôle de leurs évolutions.

l’ rdre du jourL’information économique, juridique et sociale

n°68avril-mai-juin 2015

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Les mots et expressions en rouge dans les articles renvoient au lexique p. 6

Quoi de mieux qu’un auto satisfecit pour poursuivre la démolition du droit du travail ? Le bilan de la loi de sécurisation de l’emploi conclut que l’assouplissement du marché du travail porte des fruits mais il serait urgent d’aller plus vite et plus loin. La loi Macron complète la flexibilité et facilite un peu plus les licenciements économiques. La loi Rebsamen réduira la présence et le contre pouvoir des représentants du personnel dans les entreprises de plus de 50 salariés. Prochaine étape visée par le MEDEF : « Réformer le contrat de travail pour lever la peur de l’embauche » ! De qui se moque-t-on ?

Edito

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Les comités dont les ressources sont les plus élevées (50 salariés à la clôture du bilan et/ou 3,1M€ de ressources annuelles et/ou 1,55M€ pour le total du bilan) doivent mettre en place une commission des marchés, dès 2015.

L’intervention de la commission est limitée aux marchés dont le montant est supérieur à 30.000€*.Le CE détermine, sur proposition de la commission des marchés, les critères retenus pour le choix des fournisseurs et des prestataires du comité d’entreprise et la procédure des achats de fournitures, de services et de travaux.

Nouvelles obligations comptables pour tous les CE quelle que soit leur tailleLes mesures

concernant le CCE Le contenu

du rapport d’activité La désignation obligatoire du

trésorier parmi les titulairesLa commission des marchés

En cas d’établissements multiples au sein de l’entreprise, une convention de transfert de gestion doit obligatoirement être rédigée.Elle doit préciser le transfert de budget, de compétence en matière d’activités sociales et culturelles, le niveau choisi pour mettre en place la commission des marchés entre le comité d’établissement et le comité central d’entreprise ou entre le comité d’entreprise et le comité inter-entreprise.

A compter de l’exercice 2015, le CE doit établir, selon les modalités prévues par règlement intérieur, un rapport présentant des informations qualitatives sur ses activités et sa gestion financière, de nature à éclairer l’analyse des comptes par les élus du CE et les salariés.

Il doit détailler l’organisation du CE (nombre de sièges, nature des commissions…), l’utilisation de la subvention de fonctionnement et les données sur les prestations proposées au titre des ASC ainsi que leurs bénéficiaires.

Le rapport d’activité devra également reprendre les éléments relatifs au patrimoine et aux engagements en cours du CE, conformément aux indications données dans le précédent tableau.

Article R2325-1 du Code du Travail : « Le secrétaire et le trésorier sont désignés parmi le comité d’entreprise parmi ses membres titulaires. »

A titre transitoire, si vous avez désigné un trésorier avant le 29 mars 2015 et que celui-ci se trouve être un membre suppléant, le comité d’entreprise ou le comité ou le comité central d’entreprise peut décider de le maintenir dans ses fonctions jusqu’au terme de son mandat.

Pour toute désignation ayant lieu après le 29 mars 2015, le trésorier du comité devra nécessairement être un membre titulaire.

Missions supplémentaires pour assurer la transparence financière des comptes du CE

Particularité concernant la présentation des comptes

à partir de 2016

Ressources annuelles du CEinférieures à 153.000 *

Ne pas dépasser 2 des 3 seuils :• 50 salariés à la clôture du bilan• 3,1M *de ressources annuelles• 1,55M * pour le total du bilan

Dépasser au moins 2 des 3 seuils :• 50 salariés à la clôture du bilan• 3,1M * de ressources annuelles• 1,55 *pour le total du bilan

Tenir un livre retraçant chronologiquement les montants et les origines des dépenses réalisées par le comité et les recettes qu’il perçoit

Etablir une fois par an un état de synthèse simplifié portant sur des informations complémentaires relatives à son patrimoine et à ses engagements en cours

Procéder à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise, dans un livre comptable, en tenant compte de la chronologie

Contrôler par inventaire, au moins une fois tous les 12 mois, l’existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine du comité

Etablir des comptes annuels à la clôture de l’exercice au vu des enregistrements comptables

Procéder à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise, dans un livre comptable, en tenant compte de la chronologie

Contrôler par inventaire, au moins une fois tous les 12 mois, l’existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine du comité

Etablir des comptes annuels à la clôture de l’exercice au vu des enregistrements comptables

Par un expert comptable dont le coût est pris en charge par le budget de fonctionnement du CE

Par un commissaire aux comptes et un suppléant distincts de ceux de l’entreprise, pour certifier les comptes du CE, dont le coût est pris en charge par le budget de fonctionnement du CE.

Présentation de droit communType

de comptabilité Comptabilité ultra simplifiée Présentation simplifiée

Les CE les plus importantsConditions Les plus petits CE Les CE « intermédiaires »

Transparence financière des CEPour l’exercice comptable ouvert depuis le 1er janvier 2015, tous les CEdoivent établir des comptes annuels mais présentation et élaboration varient selon la taille du CE

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& droits de vote double

FPSPPLes règles d’affectation des ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) sont fixées pour la période 2015-2017, l’État et le FPSPP étant parvenus à un accord le 10 février sur les termes de la convention-cadre. Pour 2015, le budget global est fixé à 1,17 milliard d’€, dont 222 millions financeront la mise en œuvre du compte personnel de formation (CPF).

Réunion DPLe Code du travail permet aux DP d’être assistés « d’un représentant d’une organisation syndicale » lors des réunions avec l’employeur. La Cour de cassation précise, dans un arrêt du 28 janvier 2015, que plusieurs assistants peuvent être présents dans la limite d’un représentant par confédération syndicale. La cour d’appel de Metz avait considéré que cela « aurait pour effet de créer et d’imposer à l’employeur un type de réunions mensuelles avec les organisations syndicales, qui n’est pas prévu par le Code du travail ». La Cour de cassation ne partage pas cette lecture affirmant que « l’article L. 2315-10, alinéa 2, du Code du travail ne limite pas à un représentant le nombre de représentants syndicaux pouvant être appelés à assister les délégués du personnel lors de la réunion prévue à l’article L. 2315-8 du même code, mais à un représentant par confédération syndicale ». La Haute juridiction confirme ainsi une réponse ministérielle de 1988.

brèvesTemPS PaRTielL’ordonnance du 29 janvier 2015 précise que les contrats de travail d’une durée ne dépassant pas 7 jours et les CDD et contrats de mission conclus pour un remplacement ne sont pas soumis à la durée minimale légale de 24 heures par semaine.

La loi Florange, pour la partie qui n’a pas été censurée par le Conseil constitutionnel est désormais publiée et il est un point technique qui n’a rien d’anodin : pour tout titre détenu au nomi-natif pendant au moins deux ans, elle instaure un droit de vote double. Le délai de détention commence à courir le jour de la promulgation de la loi. Si le texte a été critiqué par la place fi-nancière, l’objectif est de contribuer à des actionnariats stables. Ce changement est applicable aux entreprises qui ne prévoyaient pas déjà de droit de vote double. Pour les entreprises qui veulent refuser ce dispositif, elles peuvent proposer en assemblée géné-rale extraordinaire une résolution qui modifie les statuts et ins-crire le concept d’« une action, une voix » mais il faudra recueil-lir les votes de deux tiers des actionnaires pour échapper alors à l’application de la loi nouvelle.

La loi Florange est identifiée pour l’obligation de recherche d’un repreneur en cas de fermeture de site. Le droit de vote double n’est pas une innovation totale puisque la moitié des entreprises du CAC 40 connaissent cette disposition. Les esprits critiques observent qu’aux côtés des objectifs louables de valoriser l’ac-tionnariat de long terme et de contribuer à une stabilisation du capital des sociétés, l’Etat est à la manœuvre comme le montre la réaction du patron de Renault, Carlos Ghosn : pour l’Etat, aug-menter son poids en droits de vote permettrait ensuite de s’allé-ger en capital sans perdre en influence dans des sociétés comme GDF Suez, Renault ou Orange.

Un haut fourneau du site ArcelorMittal de Florange.

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Moderniser les relations sociales en France pour un meilleur dialogue en entreprise est un objectif nécessaire qui exige une réflexion et des moyens à la hauteur de l’ambition. Le projet de loi Rebsamen qui sera examiné en procédure accélérée cet été par le Parlement annonce vouloir renforcer le dialogue social au sein de l’entreprise. Pouvons-nous prendre cette annonce au sérieux ?

Les promoteurs de la future loi déclarent s’inspirer des avancées de la négociation interprofessionnelle de cet hiver qui n’a certes pas abouti mais aurait dessiné les contours d’une représentation du personnel plus efficace. Le Ministre du travail considère que son texte améliore la représentation des salariés et ouvre même de nouveaux droits. Les organisations syndicales et patronales ont eu connaissance du texte en avant-projet et la réforme serait bien accueillie. Pincez-moi !

En reprenant, même gommé de ses aspérités les plus saillantes, le dernier texte rédigé par le MEDEF, le projet de loi est loin de libérer la parole des salariés, souvent étouffée ou écartée dans l’entreprise. L’échec de la négociation interprofessionnelle menée il y a quelques mois n’était pas uniquement lié à une question de méthode (négociations au siège du MEDEF* et sur un texte rédigé par le patronat), le mal est bien plus profond.

Des organisations syndicales ont pris le risque de s’engager en janvier 2013 mais la loi de sécurisation de l’emploi et de compétitivité des entreprises (LSE) n’a pas donné le changement promis par les employeurs : anticipation, transparence et confiance ne sont pas aux rendez-vous de l’agenda des comités d’entreprise, CHSCT et délégations syndicales dans les entreprises.

Se féliciter d’un bilan de la LSE après 18 mois parce que les PSE font l’objet d’accords majoritaires ou considérer que les accords de maintien de l’emploi (AME) ne décollent pas car soumis à trop de contraintes pour le patronat est un leurre. Les négociations ne sont pas équilibrées : les syndicats signent dans un calendrier contraint les PSE confrontés à un chantage à l’emploi et aux indemnités tandis que les employeurs refusent de s’engager quand ils peuvent conclure des AME.

Le Ministre avancera qu’il a sauvé le CHSCT, personne morale autonome et indépendante, que le MEDEF veut éliminer (lire ODJ 67). Un illustre prédécesseur, Jean Auroux, avait expliqué en 1982 que « l’entreprise ne peut plus être le lieu du bruit des machines et du silence des hommes » et mis le CHSCT actuel sur les rails. La santé au travail reste au cœur des problématiques en entreprise et ne

La réforme présentée le 22 avril dernier en Conseil des ministres fait suite à l’échec de la négociation interprofessionnelle portant notamment sur la simplification des IRP*. Regard critique sur ce bouleversement.

Le diaLogue sociaL en entreprise mérite mieux !

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peut être écartée d’une politique nationale de santé. La représentation du personnel n’est pas vue comme une opportunité de dialogue ou un investissement social mais comme une charge pour les comptes de l’entreprise : la délégation unique du personnel, à la seule initiative de l’employeur, passe du seuil de 200 à celui de 300 salariés et intègrera le CHSCT pour « alléger cette charge ».

Le projet de loi ne parle pas de fusion mais de concentration. De concentration plus que de concertation ! Bien sûr, les défenseurs du projet feront observer que la réduction du nombre de mandats n’est pas une fatalité : d’une part, cela répond à une réalité car les mandats ne sont pas pourvus dans les PME (lire notre synthèse de l’enquête DARES, ODJ 67), d’autre part, le nombre d’élus fixé par décret pourra être augmenté par accord avec les organisations syndicales. Vraie ou fausse naïveté des rédacteurs ? Vous savez bien que l’employeur guette le moment où il passe sous le seuil des 200 salariés pour effacer les commissions formation et égalité professionnelle ou organiser des élections en délégation unique qui limite le nombre d’élus du personnel et d’heures de délégation. Chacun observe que la durée de réunions des DUP est inférieure à celles additionnées du CE et des DP, demain du CHSCT mais personne n’a, à ce jour, démontré d’une meilleure efficacité du dialogue social dans ces PME. Du temps en moins pour un meilleur dialogue ? Le problème est-il celui du temps passé par les délégués pour tenter d’obtenir plus de visibilité sur la marche de

l’entreprise, la pérennité des emplois, d’alerter sur les conditions de travail ? Favoriser la mutualisation des heures de délégation ne rend pas le projet plus attractif à nos yeux mais cela fait partie de quelques mesures distillées habilement ici et là pour amadouer les grincheux.

Concentrer sans réduire les moyens mais les optimiser annonce encore un projet de loi plus économique que so ciale. Chaque instance conserve ses attributions mais cumul

des mandats, secrétaire CE/CHSCT unique, réunions bimestrielles et non plus mensuelles pour le CE, toujours trimestrielles pour les questions HSCT, expert parfois commun (donc unique) CE/CHSCT, avis dans les délais préfix du CE… Autrement dit, exit le décret du 27 décembre 2013 qui fixait à trois mois au plus le délai en cas de consultation commune au CE et au CHSC T lorsqu’aucun accord n’a été trouvé avec les titulaires du CE pour définir le temps utile à la consultation. Oubliée par le bilan de la loi de sécurisation de l’emploi, cette innovation sociale aura fait long feu : combien d’entre vous ont réellement eu la possibilité de négocier un délai de consultation du CE et/ou du CHSCT, disposer des documents en amont pour débattre avec l’employeur du temps utile et des moyens nécessaires ? Le temps économique s’accommode mal du temps social, surtout quand l’annonce reste

brutale, l’effet de surprise total : où est passée l’anticipation du dialogue social promise ? Salué par les employeurs qui identifient gains de temps et opportunités de rendre compte moins souvent, nous cherchons à comprendre comment ce concentré de dialogue social sera meilleur, comment la raréfaction des réunions facilitera l’anticipation, comment la suppression des instances dès que les seuils d’effectif ne sont plus atteints améliore la représentation du personnel. Le grand public qui ne pratique pas le dialogue social, bien que nombreux soient des salariés, ne réagit pas et c’est dramatique. Ce projet de loi, au lieu d’encourager le dialogue, le marginalise en l’éloignant du terrain quand c’est possible, l’espace au risque de perdre en réactivité et pertinence. La compétitivité ne se mesure pourtant pas en nombre de réunions de CE ou CHSCT évitées.

Consultations et négociations sont aussi au menu de la loi Rebsamen. Ce n’est pas encore le 49-3 mais un « 17-3 » puisque les 17 consultations annuelles recensées par les équipes du Ministre seraient regroupées en trois rendez-vous annuels : situation économique et financière, politique sociale, orientations stratégiques. Les membres de CHSCT remarqueront aussitôt que la future instance unique de représentation du personnel ne peut pas s’emparer réellement des conditions de travail. Avec 6 réunions annuelles à défaut d’accord (donc de bonne volonté de l’employeur), n’en demandez pas trop ! D’ailleurs, le double niveau de consultation CCE*/CE a aussi du plomb dans l’aile et la concentration est également promise aux négociations si bien que même la NAO* est ciblée.

Moderniser le dialogue social serait lui assurer une meilleure productivité

Qui peut croire que la réduction des droits et protections des travailleurs inversera la courbe du chômage ?

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cce : comité central d’entreprise ires : institut de recherches économiques et socialesirp : instances représentatives du personnelFmi : fonds monétaire international

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certes et passe par une réforme de ses structures soit, mais pas celle-là ! S’il faut une adaptation aux mutations économiques, le MEDEF exige et obtient ici l’abandon d’un dialogue social collectif de protection de l’emploi et des conditions de vie au travail pour un dialogue d’accompagnement d’entreprises en compétition et une flexibilité à tous crins (temps de travail, rémunération, mobilités, formes de contrat de travail, …). Impossible mue pour des représentants du personnel dont le rôle reste de représenter les salariés et cette simplification des instances est une réponse trop courte, de forme sans réel fond.La délégation unique du personnel ou DUP n’est pas inconnue puisqu’ elle existe juridiquement depuis la loi Balladur de 1993 : cumul des mandats et polyvalence plébiscités par des patrons comptables des délégations : 20 heures CE + 15 heures DP = 20 heures DUP, élémentaire ! En élargissant la DUP à 300 salariés, favorise-t on un

dialogue social pertinent ? Comment rester au plus près de la réalité du travail alors que le projet de loi pousse à l’uniformisation des périmètres sociaux et une centralisation des instances ? Quelles légitimités futures aux délégués du personnel et membres du CHSCT ? D’ailleurs, pourquoi les moyens, promis constants, sont-ils renvoyés aux décrets ? Nombre de représentants à élire à la baisse et crédits d’heures de délégation rognés, la crainte des organisations syndicales n’est pas écartée. Les formations CHSCT continueront-elles d’être financées par les directions quand le mandat de la DUP aura été élargi au CHSCT ? Partout, la priorité est l’économie puis l’emploi avant les conditions de travail. Le CHSCT a cette spécialisation et distance. Comment affirmer que le dialogue gagnera en diversité ? Le risque de contraction n’est-il pas supérieur quand tout est dans un même lieu avec les mêmes personnes et moins de temps ?

Si écouter le Medef est nécessaire, ne pas entendre les travailleurs ne produira pas le dialogue social moderne annoncé par cette réforme. Le projet de loi ne répond pas à des questions essentielles. Au nom de la lutte contre le chômage, une libéralisation importante du marché du travail est avancée pour relever le niveau de l’emploi mais qui peut croire que la réduction des droits et protections des travailleurs inversera la courbe du chômage ? Afin de ne pas trop afficher le détricotage du droit du travail, cette finalité sociale est mise en avant au risque d’opposer les intérêts des salariés et ceux des chômeurs. Ainsi, notre Ministre de l’Economie déclarait qu’il fallait « sortir de ce piège où l’accumulation des droits donnés aux travailleurs se transforme en autant de handicaps pour ceux qui ne travaillent pas ». A l’évidence, le Ministre du travail l’a entendu.

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Sécurisation de l’emploi et efficacité économique, le leitmotiv revient en permanence pour justifier une remise à plat quand ce n’est pas une remise en cause de notre législation du travail. Les plus pressés fustigent des réformes trop timides, une approche tiède de déconstruction. Le Code du travail pourtant s’adapte depuis plus d’un siècle pour organiser les relations entre employeurs et salariés. Les plus ambitieux demandent une refonte complète au nom de la cohérence en reprochant un arrêt au milieu du gué sur les seuils sociaux, le temps de travail, les licenciements…Le chemin est pourtant tracé puisqu’il s’agit de

d’entreprise ou d’établissement ne doit tromper personne : ce n’est pas en remontant le seuil de 30 à 50 % que la question se traite. Il n’est pas une garantie à toute épreuve et il serait sans doute préférable de redonner poids et sens à nos conventions collectives. La hiérarchie des normes en droit du travail répond à une logique qui est toujours d’actualité : les rapports entre employeurs et salariés sont loin d’être équilibrés et si un intérêt commun existe, à savoir la pérennité et la bonne santé de l’entreprise qui garantit l’emploi, les salaires et rétribue le propriétaire, la manière d’y arriver et la répartition des richesses resteront encore longtemps sur des approches divergentes.

permettre in fine de déroger à toutes les règles du code du travail par accords collectifs, ceux-ci étant supposés meilleurs puisque négociés donc acceptés au lieu d’être imposés. Mais n’est-il pas préférable que l’intérêt commun soit préservé par une règle identique pour tous et fixée au niveau national que rédigée dans l’entreprise sous la pression d’un chantage à l’emploi ? Tout projet d’accord n’est pas bon à signer et si la négociation collective est utile pour adapter les règles et améliorer les conditions d’emploi, elle perd de son intérêt et sa vocation quand elle vise uniquement à s’écarter du progrès social. Le mirage de l’accord majoritaire

Les lois Macron et Rebsamen occupent l’actualité sociale aux côtés des chiffres toujours aussi élevés du chômage et alors que le volume de ruptures conventionnelles ne faiblit pas : un élan libéral pour un droit du travail qui vire de plus en plus en simple droit de l’emploi…

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l’ rdre du jourL’information économique, juridique et sociale

oRédaction :Ronan Darchen

Rédacteurs :Claire Baillet et Ronan Darchen Maquette, réalisation : Scop In Studio 4 : 01 48 58 77 75Philem Despiney, Jacques Aspert

Tél. 01 48 13 17 72 - Fax 01 48 13 17 73www.lesdroitsduCE.comwww.lesdroitsduCHSCT.com

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Tout ça pour ça !La loi du 20 août 2008 devait tout changer et surtout installer durablement et solidement au sein des entreprises une représentativité mieux affirmée. Une étude de l’IRES*montre qu’en fait, la réforme a surtout provoqué la disparition de nombreuses implantations syndicales en entreprise sans nécessairement

renforcer les équipes qui sont restées en place. Plus d’extinctions que de confirmations donc ! Les changements de périmètre des élections y sont aussi pour beaucoup avec la disparition de syndicats dans des établissements quand un CE unique est mis en place sur la région voir à l’échelle nationale. Et nous n’avons pas tout vu puisque la future loi Rebsamen amplifiera

la tendance voulue par le MEDEF de centraliser le dialogue social tout en prônant une négociation au niveau de l’entreprise. si l’étude porte un regard positif sur le seuil de 30 % pour la validité des accords, elle souligne que l’éloignement de la vie locale appauvrit le champ d’action des délégués sur site.

Une des innovations de la nouvelle convention d’assurance chômage en vigueur depuis le 1er octobre 2014 porte sur la notion de droits rechargeables. Le principe se veut vertueux : plus une personne travaille, plus elle a des droits. Ceux-ci étant « rechargeables », le demandeur d’emploi qui retravaille voit alors sa durée d’indemnisation prolongée. Ce méca-nisme est favorable pour les salariés qui ont accepté un emploi moins bien rémunéré que le précédent : leur retour chez Pôle emploi se fait sur la base des droits antérieurs non consommés alors plus favorables. Mais il y avait un revers à cette médaille, un effet pervers qui troublait le dispositif puisque les per-sonnes ayant par le passé occupé un poste moins bien rému-néré que leur dernier emploi se voyaient aussi appliquer les droits anciens inférieurs aux derniers droits acquis. Les signa-taires (cFdt, FO et cFtc côté salariés) ont corrigé le tir en créant un droit d’option. Il permet au demandeur d’emploi de choisir de bénéficier de ses droits les plus récents contre une baisse cependant de la durée totale d’indemnisation. Cette formule serait accessible à près de 120 000 chômeurs mais ils ne représentent qu’un tiers des personnes pénalisées car il faut justifier de 4 mois minimum de travail avant l’inscription comme demandeur d’emploi et avoir une perte d’allocation d’au moins 600 euros par mois ou un gain d’au moins 30 % en mobilisant les droits les plus récents, un écart plutôt signifi-catif donc. Le finan-cement de cette mesure pèsera sur les chômeurs créa-teurs de leur entre-prise puisque l’aide tombe de 50 % à 45  % du reliquat d’allocations restant à percevoir.

Assurance-chômage & droits rechargeables