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La quasi-majorité des ouvrages en matière comptable ne comporte pas une définitionde la comptabilité. Cela est-il dû à une négligence des auteurs ?La comptabilité est considérée à la fois comme une science, un droit, une technique et unart. Cette vision hybride démontre une certaine difficulté d’appréhension de la matièrecomptable et explique pourquoi aucune définition n’a su s’imposer à ce jour.Ce mémoire intitulé « l’interprétation comptable » vise l’obtention du titre national d’expertcomptable. L’intitulé du titre visé qui se compose d’une juxtaposition des termes « expert » etde « comptable », nous rappelle notre métier de base qu’est la comptabilité. Le sujet proposéqui s’inscrit dans cette optique tente d’étudier les composantes du raisonnement interprétatifdu professionnel comptable.
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MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L’OBTENTION DU
DIPLOME NATIONAL D’EXPERT COMPTABLE
PAR
.Brahim CHAOUI
ROYAUME DU MAROC
INSTITUT SUPERIEUR DE COMMERCE ET
D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES
NOVEMBRE 2006
Je dédie ce mémoire à la mémoire de ma grand-mère Lalla Zineb. .
REMERCIEMENTS
Au terme de ce travail, il m’est agréable d’exprimer mes remerciements envers tous ceux et toutes celles qui ont contribué de quelque manière que ce soit à son aboutissement.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à mon Directeur de Recherche Monsieur Mohamed HDID. Je le remercie vivement de m’avoir fait confiance, de m’avoir encadré et fait bénéficier de son savoir et son expérience.
J’exprime ma gratitude et tout mon respect à ma famille et spécialement à ma Mère pour sa générosité et sa bonté, mon Père pour sa présence et ses nombreux conseils ainsi que Dada qui est une deuxième mère pour moi, ma sœur Lamiaa, mes frères Mohamed et Mehdi et enfin mon neveu Karim.
Mes remerciements s’adressent également à l’ensemble des membres du jury qui ont bien voulu évaluer mon travail.
Je voudrais également rendre un hommage particulier à la Direction, au corps
professoral et au personnel de l’ISCAE pour les efforts qu’ils déploient pour la
réussite du cycle d’expertise comptable et plus particulièrement à Madame SAÏDA. Je ne saurais terminer sans remercier tous mes collègues d’études et de travail
pour leurs commentaires pertinents, leurs conseils et aides précieux.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Sommaire
4
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Page
INTRODUCTION GENERALE. 9
PREMIERE PARTIE : L’interprétation comptable à part ir de la théorie comptable. 12
Introduction. 13
Chapitre 1 : Etude du concept de l’image fidèle. 15
Section 1 : Etudes préalables à l’analyse du concept de l’image fidèle. 16
Sous-section 1 : L’image comptable produit du système de représentation. 16
Sous-section 2 : Les origines historiques de l’image fidèle. 23
Sous-section 3 : Les concepts de régularité et de sincérité. 26
Sous-section 4 : L’image fidèle vue par le juge. 33
Section 2 : Analyse du concept de l’image fidèle. 39
Sous-section 1 : Les obligations de dépassement de la présomption de fidélité. 39
………………..1. L’ajout d’informations complémentaires. 41
………………..2. La dérogation à l’image fidèle. 45
Sous-section 2 : Réflexion autour de la signification du concept romano- .............................................germanique de « true and fair view ».
51
………………..1. Les dimensions d’appréciation du concept de l’image fidèle. 52
………………..2.......Première Vision du concept de l’image fidèle : Une notion ……………….. …… ……………… …… ..confuse limitée par le déraisonnable dans son appréciation.
53
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Sommaire
5
………………..3.....Deuxième vision du concept de l’image fidèle : Un souci de ………………… .transparence passant par l’ETIC en juxtaposition aux notions de ……………… …régularité et de sincérité.
57
4. Troisième vision du concept de l’image fidèle : Une vision réelle ………………… . par une traduction loyale de ce qu’est l’entreprise.
60
Chapitre 2 : Etude du cadre conceptuel implicite marocain. 62
Section 1 : Réflexion sur l’information comptable. 63
Sous-section 1 : Quelle place occupe l’information comptable aujourd’hui ? 63
Sous-section 2 : La satisfaction des besoins en informations financières de …………………………….tous les utilisateurs est-elle possible ?
68
………………..1. Les utilisateurs de l’information financière. 69
………………..2.......Les besoins des utilisateurs de l’information financière. 72
………………..3......L’énigme de la conciliation des différents besoins des …………………………………….……………………..…utilisateurs de l’information financière.
73
Sous-section 3 : Peut-on parler au Maroc, des caractéristiques de l’information …………………………..financière ?
74
Sous-section 4 : La dimension contractuelle et la dimension prédictive de …………………………….l’information financière peuvent-elles coexister ensemble ?
78
Section 2 : Existe-t- il un cadre conceptuel implicite dans la comptabilité marocaine ? 82
…………Sous-section…… ..1…… ..: L’histoire de la naissance de l’idéologie des cadres ………… ;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;conceptuels.
82
………….Sous-section 2 : Débat sur la théorie comptable. 86
………………..1. Critique de l’approche inductive. 87
………………..2. Avantages de l’approche déductive. 89
…………Sous-section 3 : La hiérarchie et la classification des textes ayant trait à la
………………………. ;;;; ;;; ;;;.…comptabilité au Maroc. 90
…………Sous-section 4 : La régulation comptable. 94
…………Sous-section 5 : Les concepts de valeur en comptabilité. 101
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Sommaire
6
………….Sous-section 6 : Les éléments du cadre conceptuel marocain. 105
Conclusion du la première partie. 106
DEUXIEME PARTIE : L’interprétation comptable d’après le raisonnement juridique et le jugement professionnel.
111
Introduction. 112
Chapitre 1 : L'interprétation comptable à partir du raisonnement juridique.
115
Section 1 : Etude préalable de la notion de « l’interprétation » en droit. 116
Sous-section 1 : Définition de « l’interprétation » et des notions voisines. 116
………………..1. Définition de l’interprétation. 116
………………..2. L’interprétation des contrats. 118
………………..3. L’argumentation. 121
Sous-section 2 : L’histoire des principales écoles de l’interprétation. 123
………………. .1. L’école de l’exégèse. 124
……………….. 2. L’école historique ou sociologique. 126
……………….. 3. L’école de la libre recherche scientifique. 129
Sous-section 3 : Les sanctions du droit comptable comme contrainte à
………………… ………......l’interprétation comptable. 131
……………….. 1. Les sanctions de la comptabilité irrégulière. 131
……………….. 2. Les sanctions des états de synthèse ne donnant une image fidèle. 135
Section 2 : Le raisonnement juridique. 140
Sous-section 1 : Les conceptions de l’interprétation. 140
Sous-section 2 : Le syllogisme juridique. 141
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Sommaire
7
Sous-section 3 : Les directives interprétatives. 143
Sous-section 4 : Le comblement des lacunes en droit. 150
………………..1. L’argument a contrario. 151
………………..2. L’argument « a fortiori ». 152
………………..3. L’argument « a simili ». 153
Sous-section 5 : La solution des antinomies en droit. 155
Chapitre 2 : L'interprétation comptable à partir du jugement professionnel
159
Section 1 : Etude du jugement professionnel. 160
Sous-section 1 : Essai de définition du jugement professionnel. 162
Sous-section 2 : Le jugement professionnel est un processus de prise de
………….décision. 165
Sous-section 3 : Les qualités nécessaires au jugement de l’expert-comptable. 167
Section 2 : Théories modérées du jugement professionnel. 174
Sous-section 1 : La théorie du développement moral cognitif. 174
Sous-section 2 : Théorie des conventions. 180
………………..1. Les hypothèses et postulats de la théorie des conventions. 182
………………..2. La convention comptable comme réponse à l’incertitude. 183
………………..3. Caractéristiques des conventions comptables. 185
………………..4. Dynamique.conventionnaliste. 186
Section 3 : Théorie opportuniste du jugement professionnel se basant sur la gestion des
données comptables. 189
Sous-section 1 : Définition de la gestion des données comptables. 190
Sous-section 2 : La gestion des données comptables est-elle efficace ? 192
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Sommaire
8
Sous-section 3 : La théorie comptable positive. 195
Sous-section 4 : Classification et étude des différents types de gestion des ……………………………données comptables.
199
………………..1. Lissage des résultats. 199
………………..2. Nettoyage des comptes. 201
………………..3. La comptabilité créative. 203
Sous-section 5 : Contraintes à la gestion des données comptables. 206
Sous-section 6 : La gestion des données comptables représente-t-elle un …………………………….danger ?
206
Conclusion de la deuxième partie. 210
CONCLUSION GENERALE. 213
ANNEXES 215
BIBLIOGRAPHIE 275
LEXIQUE ARABE – FRANÇAIS 287
RESUME 289
SOMMAIRE DES ANNEXES 290
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Introduction générale.
9
III nnntttrrroooddduuuccctttiiiooonnn gggééénnnééérrraaallleee
La quasi-majorité des ouvrages en matière comptable ne comporte pas une définition
de la comptabilité. Cela est-il dû à une négligence des auteurs ?
La comptabilité est considérée à la fois comme une science, un droit , une technique et un
art . Cette vision hybride démontre une certaine difficulté d’appréhension de la matière
comptable et explique pourquoi aucune définition n’a su s’imposer à ce jour.
Ce mémoire intitulé « l’interprétation comptable » vise l’obtention du titre national d’expert
comptable. L’intitulé du titre visé qui se compose d’une juxtaposition des termes « expert » et
de « comptable », nous rappelle notre métier de base qu’est la comptabilité. Le sujet proposé
qui s’inscrit dans cette optique tente d’étudier les composantes du raisonnement interprétatif
du professionnel comptable.
L’interprétation peut être définie comme un processus ou une opération qui permet de
déterminer le sens et la portée d’un texte. Dans la mesure où la comptabilité repose sur un
ensemble de textes, il nous semble logique que lorsque nous nous prononçons sur un
traitement comptable par exemple lors d’une consultation ou d’un commissariat aux comptes,
nous nous basons sur une certaine compréhension que nous faisons de la lecture des textes. En
appelant les choses par leurs noms : il s’agit d’une opération d’interprétation dans le domaine
comptable.
Quel que soit le soin que l’on ait mis à la rédaction d’un texte réglementaire comptable, il
reste toujours sujet à des interprétations, au moins pour les raisons suivantes :
Il est pratiquement impossible de réglementer chaque difficulté ou chaque combinaison de
difficultés qui peut se présenter ;
Les textes comptables peuvent quelquefois être ambigus, ce qui peut se traduire par des
incohérences lors de leur interprétation ;
La réglementation comptable permet parfois des choix comptables qui sont logiquement
incompatibles parce qu’on ne peut s’entendre sur la meilleure méthode comptable à
privilégier ;
Il peut arriver que les directives soient inapplicables dans une situation particulière à
laquelle on n’avait pas pensé au départ.
Lors de l’exercice de notre profession nous accomplissons fréquemment des opérations
d’interprétation en matière comptable, auxquelles nous essayons d’appliquer aux cas
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Introduction générale.
10
Raisonnement interprétatif juridique
Thé
orie
com
ptab
le
Les dimensions de l’interprétation comptable
pratiques rencontrés les différents textes. Notre raisonnement est focalisé vers une solution
optimale justifiée par des articles, des phrases ou des mots issus des différentes
réglementations.
Si l’on en croit Paul Valéry « nous ne raisonnons que sur des modèles ». Autrement dit, le
juge qui juge, l’administrateur qui administre, le citoyen qui agit utilisent inconsciemment les
uns et les autres des modèles. Le commun des mortels fonctionne lui-même par modèle. Le
langage que nous utilisons comme principal moyen de communication est lui-même fondé sur
des modèles.
En droit plusieurs modèles et méthodes d’interprétation existent. Il nous semble que ces
modèles sont dans une certaine mesure applicables à la matière comptable puisqu’il s’agit
d’un droit autonome.
La comptabilité comprend à la fois une composante théorique et une composante technique.
La relation entre les deux composantes peut être représentée par un noyau comptable et une
couronne externe ou encore sous forme d’une pyramide, dans la mesure ou les règles
techniques doivent toujours respecter l’image fidèle et les principes comptables. Dans ce sens,
toute interprétation comptable ne peut se faire que dans le respect de la théorie comptable.
De plus, l’essence d’une profession libérale réside dans le fait que son exercice exige un
niveau élevé de jugement. La valeur associée à l’information financière est influencée par la
qualité des jugements professionnels de l’expert-comptable qui s’appuient sur les jugements
formulés collectivement par l’ensemble de la profession dans les normes professionnelles. Le
jugement professionnel se situe donc au cœur de l’exercice de l’expertise comptable.
Il nous semble que l’interprétation en matière comptable, comme nous l’avons précisé ci-
dessus, tient compte implicitement des trois dimensions suivantes :
La théorie comptable ;
Le raisonnement interprétatif juridique ;
Le jugement professionnel.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Introduction générale.
11
L’étude que nous proposons de faire s’attachera à étudier de façon détaillée, premièrement
l’interprétation comptable à partir de chacune de ces trois dimensions, et deuxièmement le
concept de l’image fidèle que nous considérons comme le moyen de convergence des
interprétations comptables issues de ces trois dimensions.
Nous allons supposer comme hypothèses dans le reste de l’étude les éléments suivants :
H1 : L’image fidèle est un moyen de convergence entre les différentes dimensions de
l’interprétation comptable ;
H2 : La théorie comptable est une dimension de l’interprétation comptable ;
H3 : Le raisonnement juridique interprétatif est une dimension de l’interprétation
comptable ;
H4 : Le jugement professionnel est une dimension de l’interprétation comptable.
Les deux premières hypothèses seront étudiées dans la première partie, la troisième et la
quatrième hypothèse seront analysées dans la deuxième partie du présent mémoire.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Partie 1
12
Partie 1 :
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Introduction partie 1
13
IIInnntttrrroooddduuuccctttiiiooonnn dddeee lllaaa pppaaarrrtttiiieee 111
A l’instar des modèles économiques, la comptabilité est une représentation formalisée et
quantifiée d’une réalité économique. Quand on l’applique à l’entreprise, il s’agit plus
précisément d’un système d’information « chargé de produire, en réponse à des besoins
internes et externes (description du patrimoine et détermination du résultat de l’activité), une
image pertinente de la situation financière de l’entreprise. »1
Sa coloration scientifique est indiscutablement soutenue par la rigueur formelle de la
technique de la partie double. Celle-ci, née au XVème siècle avec PÀCIOLO, s'est trouvée
couplée avec l'usage de la notion de « bilan » apparue au XIXème : Poussée à l’extrême jusqu'à
une présentation matricielle des comptes traditionnels.
Vers le début du siècle, le concept de l’image fidèle a fait son apparition en Angleterre, et a su
s’imposer à travers le monde en tant que concept suprême de la comptabilité. Son
introduction, de façon codifiée, corrélativement avec l’instauration d’une sanction lorsque
celui-ci n’est pas atteint, dans les comptabilités du type romano-germanique, a soulevé un
débat non encore clos sur sa signification et sa portée.
L’utilisation de ce concept au niveau de l’interprétation n’est pas aussi évidente. Nous avons
précédemment précisé que le présent mémoire a pour objectif d’analyser, premièrement
l’interprétation comptable à partir de chacune des trois dimensions identifiées dans
l’introduction générale (théorie comptable, raisonnement juridique et jugement professionnel)
et deuxièmement le rôle de l’image fidèle comme vecteur de convergence entre les trois types
d’interprétation découlant de chacune de ces dimensions.
Nous tenterons à travers le premier chapitre de cette partie de déterminer la signification de ce
concept novateur et évolutif selon les différentes visions qui lui sont généralement attribuées
par la doctrine et les professionnels. Les significations dégagées de cette étude seront utilisées
lors de l’analyse de chaque dimension.
La première confrontation, entre les significations de l’image fidèle et chacune des
dimensions de l’interprétation comptable, sera réalisée dans le second chapitre de cette partie
où l’étude portera sur l’interprétation à partir de la théorie comptable.
1 Charles BIALES, in « Analyse économique et logique comptable. », 1984, journée de l’Association française de comptabilité (A.F.C), consacrée à l’évolution des pédagogies comptables.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Introduction partie 1
14
Le monde de l’information financière a connu un véritable tremblement de terre avec des
scandales de dimension mondiale : Enron, Andersen, Worldcom, Parmalat,… Dans tous ces
scandales ont été mis en cause différents acteurs de la chaîne de production, de validation et
d’utilisation de l’information financière : responsables comptables et financiers, présidents et
directeurs généraux, auditeurs, analystes financiers et banquiers d’affaires.
L’information financière constitue, à l’heure de la mondialisation des marchés financiers, une
matière première fondamentale pour la prise de décision des investisseurs.
L’étude de la dimension scientifique de la comptabilité sera consacrée en premier, à
l’appréhension de l’information comptable par la théorie comptable et la place qu’elle occupe
actuellement dans tous les cadres conceptuels existants.
La seconde section de ce chapitre traitera de la notion de cadre conceptuel, création d’assise
scientifique de la théorie comptable. Nous tenterons de démontrer que les composants
essentiels d’un cadre conceptuel de forme implicite sont contenus dans le Code Général de
Normalisation Comptable.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
15
Chapitre 1:
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
16
111... EEETTT UUUDDDEEESSS PPPRRREEEAAALLL AAABBBLLL EEE AAA LLL ’’’ AAANNNAAALLL YYYSSSEEE DDDUUU CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT DDDEEE LLL ’’’ III MMM AAAGGGEEE FFFIII DDDEEELLL EEE...
Nous avons préféré développer dans une première section les études préliminaires relatives à
l’image fidèle, que nous utiliserons dans la section suivante lors de l’analyse du concept.
La présente section traitera de la notion « d’image comptable » dans une première
sous-section car nous estimons que ce concept se subdivise en deux éléments
« image comptable » et « fidèle », ensuite nous traiterons des origines historiques de l’image
fidèle dans la mesure où le concept est emprunté au modèle anglo-saxon qui
traditionnellement à une autre vision des choses, nous aborderons ensuite les anciens concepts
français de « la régularité » et « la sincérité » qui se rapprochent de la notion d’image fidèle et
qui sont toujours rémanent dans notre législation marocaine, en dernier lieu nous essayerons
d’analyser les rares arrêts qui se sont aventurés à traiter l’image fidèle.
111...111... LLL ’’’ III MMM AAA GGGEEE CCCOOOMMM PPPTTTAAABBBLLL EEE PPPRRROOODDDUUUIII TTT DDDUUU SSSYYY SSSTTTEEEMMM EEE DDDEEE
RRREEEPPPRRREEESSSEEENNNTTT AAA TTT III OOONNN...
La discipline comptable est avant tout un système de représentation2 de la réalité
économique. Il nous semble que cette affirmation, qui ne peut être omise par n’importe quelle
définition de la comptabilité, constitue le caractère permanent de cette discipline depuis son
émergence à nos jours.
Certes, la pratique de l’entaille vieille d’au moins quarante millénaires ou le codex accepti et
expensi romain sont fondamentalement différents de nos écritures et de nos états de synthèses
d’aujourd’hui, toutefois ce constat ne voudrais pas dire que ces sortes d’aide mémoire ne sont
pas des formes de comptabilité primaire au motif qu’ils ne ressemblent en rien à notre
comptabilité du 20ème siècle ou du moins à la comptabilité vénitienne du 15ème siècle.
Ces deux formes de comptabilité sont des systèmes de représentation de la réalité économique
et d’ailleurs, on ne peut commencer à parler de comptabilité que lorsqu’un tel système existe.
Jean Guy Degos3 précise dans ce sens que l’on ne peut situer la naissance de la comptabilité
qu’à partir du moment où une civilisation est capable de reconnaître et d’utiliser les
bijections.
Ces systèmes de comptabilités primaires se sont développés par stratifications successives
depuis leur apparition dans un enchaînement logique, orienté et génial donnant naissance aux 2 Nous avons opté pour l’expression « système de représentation » formée d’une juxtaposition des termes suivants : - Système : en raison premièrement de la complexité et du dynamisme de la représentation, et deuxièmement
en raison de l’hétérogénéité de la nature des mécanismes et des règles qui sont soient objectives, subjectives ou hybrides ;
- Représentation : les termes utilisés par plusieurs auteurs comme quantification nous semble non adéquat en l’espèce. Il nous semble que le choix du terme est indirectement lié au débat de la nature de la comptabilité comme science, art ou droit. Notre vision des choses en cette question est la nature hybride de cette discipline, ce qui explique en partie le choix du terme utilisé.
3 Cité par Robert OBERT, in « La construction du droit comptable. », 1999, http://perso.wanadoo.fr/robert.obert. (Mis à jour à mars 2006).
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
17
mécanismes et règles comptables et forgeant ainsi le langage comptable fondamental
d’aujourd’hui.
L’image comptable est en quelque sorte le produit du filtrage de la réalité économique par le système de représentation. Le schéma suivant illustre clairement nos propos.
Etant un output d’une représentation, l’image comptable obtenue ne peut être que lacunaire. Il
nous semble que cette situation est due aux faiblesses inhérentes à n’importe quel système de
représentation, dans la mesure où chaque système comprend implicitement une série de choix
qui ont été tranchés lors de l’élaboration du système ou lors de son développement.
Les grands choix implicites des modèles comptables peuvent à notre avis être résumés dans
les points suivants :
Dimensions du système : L’image issue ne peut refléter au mieux que les dimensions du
système de représentation choisies, parce que la réalité est de nature très complexe et
multidimensionnelle. Ceci explique par exemple pourquoi les dimensions sociales et
humaines manquent de reflets comptables ;
Sélection des agrégats : L’intérêt d’une représentation est de présenter de façon
synthétisée les agrégats de la ou les dimensions qu’on cherche à étudier. Dans ce sens
l’image issue de cette synthétisation sera impactée par le choix des agrégats. En
comptabilité, ces deniers sont principalement les états de synthèse, qui sont différents d’un
pays à l’autre ;
Conventionnalisme interne : Les mécanismes, règles et langage régissant la
représentation découlent elles aussi d’un choix implicite, car la stabilité et l’utilisation
généralisée de la représentation ne peuvent être assurées qu’à travers un certain
conventionnalisme. Les principes et règles d’évaluation ne relèvent pas d’une logique
exacte, mais d’un choix du législateur. Certains d’entre eux sont érigés au rang d’axiome
et d’autres sont déduits à partir des autres ;
Degré de simplification : Le degré de précision de la représentation est intiment lié au
besoin informationnel en terme de nature, temps et coût. La simplification ou la
sophistication de chacun des mécanismes ou des règles dépendra à son tour d’un choix. Le
degré de simplification entraîne un degré d’arbitraire4.
« Substrat du fonctionnement économique d’une communauté, les normes comptables sont
socialement déterminées, elles résultent des choix culturels, économiques et sociaux d’une
4 « La mesure de l’amortissement n’est pas susceptible d’être résolu car la répartition de l’estimation de la dépréciation d’un bien n’échappera jamais à l’arbitraire ; toutefois, sans méthode de répartition systématique de l’amortissement entre les exercices, comment arrêter les prix des produits ? », François PASQUALINI, in « Principe de l’image fidèle en droit comptable », 1992, Litec, Paris.
REALITE SYSTEME DE REPRESENTATION
IMAGE COMPTABLE
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
18
communauté. »5 En concourant à cet ordre social, les normes comptables ne sont et ne seront
jamais neutres. Si nous introduisons cette idée de choix dans notre définition nous dirons alors
que l’image comptable est une réalité reconstruite à partir d’un système de représentation
socialement déterminé.
« La comptabilité loin d’être une science exacte, est un art du consensus. »6 L’image issue de
ce système de représentation est malheureusement inférée par la fiscalité et l’orientation des
dirigeants. La deuxième inférence relative à l’intervention volontaire des dirigeants à travers
les manipulations comptables qui est en mesure de transformer radicalement cette image dans
un sens orienté et opportuniste sera traitée ultérieurement. Nous allons ci-après essayer
d’exposer la première.
« Avant 1914, en Europe, les pratiques statique et dynamique régnaient en maîtres quasi
absolus sur l’univers des comptables, mais la première guerre mondiale de 1914-1918 oblige
les belligérants à inventer de nouvelles sources de revenus pour financer les gigantesques
déficits publics. C’est à cette époque que naissent, sans une farouche résistance des
capitalistes, les premiers impôts sur le revenu des entreprises. Dès lors, tout naturellement, le
Fisc va s’intéresser à ce qui lui paraît la meilleure source d’information sur le résultat de
ses chers contribuables : la comptabilité. »7
Richard7 distingue les trois grandes périodes suivantes, relatives au choix du type de
comptabilité par le Fisc français :
Avant 1925 : La période dynamique où la comptabilité fiscale s’efface devant la
comptabilité dynamique ;
Entre 1925 et 1959 : La période « de la distanciation subie » où la comptabilité fiscale
va être ajustée pour prendre en compte des règles fiscales spécifiques tel que la règle des
reports déficitaires fiscaux, dont la non prise en compte constituait une véritable
provocation aux contribuables ;
De 1959 à nos jours : La période séparatiste est caractérisée par la rupture avec l’idéal,
aussi lointain soit-il, de convergence avec la comptabilité dynamique8 et l’affirmation de
son autonomie. L’heure a sonné de l’utilisation de la fiscalité comme instrument de la
politique économique de l’état. L’idéal dynamique est totalement abandonné, place est
5 Christine NOEL, in « La comptabilité est-elle une science immorale ? », Juin 2004, colloque de l’Université Catholique de Lyon sous le thème « Les enjeux du management responsable ». 6 Mathieu AUTRET, « La comptabilité peut-elle dire le vrai ? », 2003, La Gazette de la Société et des Techniques, n°22. 7 Jacques RICHARD, « Comptabilité et pratiques comptables », Dalloz, 1996, p 81. 8 « Les règles comptables qui ne heurtent aucune disposition expresse de la réglementation fiscale s’impose comme règle commune à la comptabilité et à la fiscalité. (…) Le droit comptable tient le droit fiscal en l’état pour autant que le texte fiscal n’y déroge pas expressément. » Abderraouf YAICH, in « Le nouveau droit comptable. », 1997, La Revue Comptable et Financière n° 36, Tunis.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
19
faite aux multiples manipulations fiscales dont les amortissements dérogatoires et les
provisions9 pour investissement constituent les exemples les plus connus.
Les études comparatives des systèmes comptables des grandes nations industrialisées
démontrent qu’il existe deux grandes conceptions des rapports entre la comptabilité fiscale et
les autres comptabilités. Il s’agit des systèmes en connexion et en déconnexion qui sont
présentés ci-dessous :
Connexion : C’est le système appliqué au Maroc. Il suppose que la fiscalité impose ses
règles à la comptabilité. On parle dans ce cas de main mise de la fiscalité sur la
comptabilité. Dans les années quatre vingt pour contrecarrer la montée de l’influence du
droit fiscal, la comptabilité romano - germanique en quête d’assise juridique a cherché
« progressivement son autonomisation par rapport au droit national »10. Toute fois
contrairement à certains auteurs nous estimons que si l’autonomie juridique la situe
aujourd’hui sur le même pied d’égalité que le droit fiscal, l’inférence est toujours
présente11 ;
Déconnexion : tout se passe comme s'il y avait deux comptabilités séparées. Une est
publiée et l’autre transmise à l’Administration. Ce système est de règle dans les pays où la
régulation boursière joue un rôle essentiel tel que les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne.
Le schéma12 suivant expose cette vision des choses : (DCS : Données Complémentaires
Spécifiques.) Mais la définition à ce stade nous
semble encore incomplète, car elle
omet le rôle du comptable et du lecteur
des états financiers. « Il y a au départ,
un inévitable degré de subjectivité,
parce qu’il est inconcevable d’arriver à
éliminer la sensibilité de celui qui
transmet l’information ; il a établi cette
dernière en fonction de la vérité qu’il
s’est construite à partir de l’observation
des faits réels.
9 L’inscription en comptabilité de l’amortissement dérogatoire, n’a pas véritablement de sens comptable pour les utilisateurs de l’information financière mise a part le Fisc, qui en tant que poids politique a réussit en France à influencer l’avis du CNC en 1986 pour la prise en compte de sa conception fiscale de la chose (la comptabilisation de l’amortissement est une condition de déductibilité). Il nous semble que la présence de ce compte dans le plan comptable marocain est le fruit d’une forte inspiration de la législation française, qui souhaitait de façon judicieuse satisfaire tous les utilisateurs. 10 Bernard COLASSE, in « L’évolution du droit comptable », Journée pédagogique de l ’AFC, ENS Cachan, 2004. 11 A titre d’exemple une des conditions de la déductibilité des provisions ou des amortissements est l’inscription en comptabilité. 12 Joseph RAYBAUD, in « l’architecture comptables, hier, aujourd’hui, demain… », 1986, Revue Française de Gestion, n°60, p 84.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
20
Les événements ne peuvent être présentés en eux même mais seulement exposés tels qu’ils
ont été perçus par le rédacteur des comptes »13. Il nous semble que l’intervention du
comptable dans cet état de subjectivité, se fera à travers les deux étapes suivantes :
Interprétation et qualification des pièces : Les faits économiques ne sont enregistrés
qu’après leur traduction en langage juridique. Une forme d’interposition du droit entre les
phénomènes et leur traduction comptable est indéniable. « En elle-même, les pièces sont
muettes. Elles ne prennent sens que par leur interprétation, et elles n’acquièrent de portée
juridique que par leur qualification au regard du droit. »14 ;
Opération des choix comptables : La comptabilité normalisée tout en forgeant un certain
formalisme permet premièrement de nombreuses options, par exemple pour les opérations
à long terme (achèvement ou avancement) ou encore la méthode de valorisation des
sorties matières (CMP ou FIFO)… et deuxièmement une certaine liberté d’estimation tel
que la fixation des taux d’amortissement15 ou l’estimation des provisions… ;
Qu’en est-t-il du rôle du lecteur des états de synthèse ? Premièrement nous faisons
l’hypothèse que cette personne ait au minimum les compétences nécessaires, parce que sinon
l’information serait fortement biaisée par une vulgarisation excessive. En d’autre terme,
l’information devra se faire dans le cadre du langage conventionné du système de
représentation.
En reformulant la question autrement, nous dirons : est-ce que l’image comptable formalisée
par le système de représentation sera perçue de la même façon par n’importe quel lecteur
averti ? Nous estimons que la réponse à cette question serait sans aucun doute négative, du
moins pour les raisons suivantes :
Interprétation du lecteur : L’image comptable perçue par le lecteur sera en fonction de
l’interprétation qu’il se fera en lisant les états de synthèse matérialisés par écrit. La
coexistence simultanée d’un écrit et d’un lecteur est le critère qu’on a retenu dans la
deuxième partie pour la définition de la notion « interprétation » ;
Unicité et globalité de l’image comptable pour le même lecteur :
• Unicité de l’image : Par exemple un commissaire aux comptes est tenu d’élaborer un
rapport d’opinion où il se prononcera sur la fidélité de l’image comptable. Il nous
semble que chaque lecteur se fera une seule et unique image. C’est dans ce sens, qu’on
parle de l’unicité de l’image comptable pour le même lecteur. Dans le cas où il se
trouverait en impossibilité d’émettre une opinion, cela voudrait-il dire qu’il ne s’est
13 François PASQUALINI, cit. op. 14 Eric CAUSIN, in « Droit comptable des entreprises », 2005, Larcier. 15 En France, en 1987, le ministère des finances a chargé un groupe de travail pour l’étude des durées des amortissements. La conclusion du rapport « propose que le chef d’entreprise puissent choisir les durées d’amortissements qui lui paraissent justifiés. », in « Les Durées d’amortissement : rapport au Ministre d’Etat de l’économie, des finances et de la privatisation », présidé par Paul MENTRE, 1987, La documentation française, Paris.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
21
pas fait une image comptable ? Il nous semble que la formalisation d’un déni
d’opinion est en quelque sorte une formalisation d’une image comptable incomplète
que le commissaire aux comptes s’est faite. En terme mathématique, cette
caractéristique se traduirait par la phrase suivante : Chaque lecteur se fera au
maximum une seule image comptable ;
• Globalité de l’image : Il nous semble que l’image comptable perçue par le lecteur
averti, est construite à partir d’une succession d’image de chaque composant des états
de synthèse pris isolément. L’image finale est une sorte de vision globale de
l’ensemble de ces images.
« Tout professionnel comptable est, à l’évidence, un constructeur d’images ; il se trouvera
donc, inévitablement confronté en permanence aux problèmes que soulève ce type d’activité :
subjectivité, erreurs d’optique, bâclage ou perfectionnisme. S’il se veut honnête et sincère, il
devra tout à la fois, pousser ses investigations avec rigueur, et décider, sous sa responsabilité,
que son travail est achevé alors que celui-ci, en raison de l’essence même de l’image, est
forcément imparfait : il existe toujours plusieurs reflets de la même réalité. »16
L’image comptable est construite progressivement avec une succession d’intervenants. Il est
alors patent, d’après tout ce qui précède, « qu’elle est fondée sur deux états de subjectivité
qu’unit une base d’objectivité. »17 Notre définition serait alors finalisée sous cette forme :
L’image comptable est image imparfaite de la réalité économique perçue au premier
niveau subjectivement par le rédacteur des comptes, saisie au deuxième stade
objectivement à partir d’un système de représentation socialement déterminé, polluée
fiscalement et orientée par les dirigeants de l’entreprise et en dernier lieu
reconstruite subjectivement sous forme unique et globale par un lecteur averti.
Le schéma suivant, met en exergue notre définition relative à l’image comptable et explicite
les lacunes du paradigme comptable actuel dans la déperdition qualitative de la reconstruction
de la réalité économique, à chaque passage d’un filtre à un autre. La pollution fiscale et
l’intervention opportuniste des dirigeants ont été mises sous forme d’un bloc de couleur clair,
aussi la réalité a été représentée sous forme de sphère. Pour mettre en relief le
conventionnalisme interne de la comptabilité, qui est dû en grande partie au dimensionnement
du système et la sélection des agrégats, nous avons établit qu’après chaque passage de la
réalité économique à travers un filtre comptable, la forme est aplatit. Par ailleurs nous avons
utilisé des couleurs de plus en plus claires, pour essayer de mettre en valeur la déperdition
qualitative de l’information essentiellement due aux passage par les différents filtres qui
biaisent d’une certaine manière la qualité informationnelle.
16 Joseph RAYBAUD, cit. op. 17 François PASQUALINI, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
22
Etapes de la construction de l’image comptable
Réd
acte
ur d
es c
ompt
es
Sys
tèm
e de
rep
rése
ntat
ion
- Dimensions du système ;
- Sélection des agrégats ;
- Conventionnalisme interne ;
- Degré de simplification.
Lect
eur
aver
ti
- Interprétation par le lecteur ; - unicité et globalité de l’image comptable pour le même lecteur.
Filt
re n
°1
Filt
re n
°2
Filt
re n
°3
Vision du comptable de
la réalité Etats de synthèse
Image comptable
- Interprétation et qualification des pièces ;
- Opération des choix comptables.
Réalité économique
Etapes de construction
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
23
111...222... LLL EEESSS OOORRRIII GGGIII NNNEEESSS HHH III SSSTTTOOORRRIII QQQUUUEEESSS DDDEEE LLL ’’’ III MMM AAAGGGEEE FFFIII DDDEEELLL EEE...
Les origines des principaux traits de l’image fidèle se trouvent certainement dans la notion
anglo-saxonne de true and fair view qui fut transcrite pour la première fois dans le « Joint
Stock Companies Act de 1844 », qui a introduit les grands principes sur lesquelles est fondé
le droit des sociétés actuelles en Grande Bretagne. Dans ce pays de droit coutumier, l’usage et
les pratiques ont une place prépondérante au coté de la jurisprudence qui est la première
source du droit. Les prémisses de la notion d’image fidèle sont nées dans un esprit où
l’objectif majeur du professionnel est tout simplement de rechercher la meilleure présentation
des comptes.
Le tableau suivant présente synthétiquement l’historique de la transformation de la notion
d’image fidèle dans le droit anglais :
Ext
raits
des
Joi
nt S
tock
Com
pani
es A
ct D
e 18
44 « a full and fair balance sheet…
(showing) a true statement… of the assets and liabilities… and a distinct view of the profit or loss (of the period) »18
La notion s’inscrit en premier lieu dans une volonté d’exposition complète des comptes.
De
1929
«true and correct view »19 Sans en préciser réellement l’environnement, on ne demande à l’auditeur que « de s’assurer si un bilan montre une image vraie et correcte. » 19
De
1948
« every balance sheet of a company shall give a true and fair view of the states of affairs of the company at the end of its financial year, and every profit and loss account of a company shall give a true a fair view of the profit or loss of the company for the financial year »18
Il s’agit là d’une innovation majeure, bien que des textes antérieurs aient déjà utilisé, mais séparément, les mots « true » and « fair »19.
De
1985
« the financial statements give a true and fair view of the state of affairs of the company and its results and operations »18
La nouvelle formulation presque similaire à la précédente s’inscrit dans une application des dispositions de la quatrième directive et la porte désormais sur tous les états de synthèse qui sont considéré comme un tout indissociable.
« Est de la sorte, né en Grande Bretagne un système d’information comptable cohérent
comprenant la publication périodique des comptes assortie de l’avis d’un réviseur
indépendant, portant sur l’adéquation de ceux-ci avec le ou les critères qualitatifs
18 François PASQUALINI, cit. op. 19 Robert OBERT, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
24
d’information recherchés. Ce pays ne connaissait aucune codification des règles comptables ;
il fallait proposer un principe directeur aux comptables à défaut de cadre rigide. »20
« Or la « True And Fair View » est une notion anglo-saxonne « l’image fidèle », sa proche
traduction, est alors introduite dans un environnement différent. En effet, en France, les
principes comptables ont fait l’objet d’une codification, alors qu’en Grande-Bretagne, ils
proviennent des usages. »21
Les investigations des organismes professionnels comptables américains, principalement
axées sur les principes comptables généralement admis, « s’avérèrent largement infructueuses
sur le terrain pratique, bien qu’elles soulèvent des questions théoriques non négligeables. (…)
Ils avaient simplement permis de mettre en évidence le besoin d’une information donnant une
image fidèle de l’entreprise »22 auquel les anglais en ont acquis la certitude depuis fort
longtemps.
Une des plus importante recherche, sur le sujet, a été publiée en 1970 par l’AICPA. L’accent
y était mis sur la crédibilité (reability) des comptes, dont la responsabilité incombe aux
dirigeants sociaux, et sur l’intérêt qu’ont les utilisateurs à disposer du rapport d’un réviseur
indépendant se prononçant sur la fidélité de la présentation des informations (present fairly)
en conformité avec les principes généralement admis. La relation qui figure dans cette
recommandation, entre les principes comptables et l’image fidèle est toujours mentionnée
expressément par les auditeurs américains qui concluent toujours ainsi : « Les états financiers
présente (avec ou sans réserve, ou ne présente pas) fidèlement la situation financière de la
société et le résultat de ses opérations en conformité avec les principes comptables
généralement admis, appliqués de manière constante durant l’exercice. » 23
« Le concept de l’image fidèle est apparu pour la première fois dans les pays de l’Union
Européenne (autres que la Grande-Bretagne) à travers la 4ème directive »17 adoptée par la
Commission des Communautés européennes le 25 juillet 1978. Pratiquement tous les états
membres ont introduit cette notion dans leur droit interne, en conformité avec l’article 55 de
cette directive qui a prévu un délai de deux ans pour la mise en vigueur des dispositions
législatives, réglementaires et administratives nécessaires.
L’idée de cette directive a été prévue par l’article 2 de la première directive24 du 9 mars 1968,
qui disposait que le conseil devrait arrêter dans les deux ans suivant l’adoption de cette
dernière, une « directive portant sur la coordination du contenu des bilans et des comptes de
profits et pertes ». Sa préparation fut confiée à la direction « droit des sociétés » de la CEE qui
20 Emmanuel DU PONTAVISE cité par François PASQUALINI, cit. op. 21 Aline HONORE, in « La mauvaise acclimatation de la notion internationale de « true and fair view » dans les pays de droit romains : les conséquences sur le cadre conceptuel français. », 2000, publication du centre de recherche CREFIGE. 22 François PASQUALINI, cit. op. 23 Abdelkader MASNAOUI, in « Mémento comptable marocain. », 1995, Ed. MASNAOUI, Casablanca. 24 Première directive du Conseil du 9 mars 1968 tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 58 deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (68/151/CEE) ; à partir du site : http://eur-lex.europa.eu/
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
25
termina la première phase en 1970, mais elle ne fut édictée qu’en 1978. Cette longue période
de gestation est due, entre autres, aux divergences entre les états sur la prise en compte et la
formulation à la fois de la notion d’image fidèle et des différents principes comptables
fondamentaux. Le tableau de l’annexe A1 ( page 216 ) présente les changements de la notion
d’image fidèle, du stade de projet à sa formulation définitive. A ce propos, nous faisons les
remarques suivantes :
Contrairement à la première directive européenne qui ne visait que le bilan et le CPC, la
vision moderne des états de synthèse comme un tout indissociable a été expressément
mentionnée dans la quatrième directive. L’annexe25 est élevé au même rang que le bilan et
le compte de résultat, et forme dorénavant avec ces états un tout indissociable, qui doit
donner une image fidèle ;
La trilogie patrimoine, situation financière et résultats avait déjà été retenue (et sera
maintenue) par la directive alors que les Anglo-saxons ne s’attachent généralement qu’à
l’image fidèle de la situation financière et du résultat. Le choix de cette orientation
patrimoniale est important car il différencie notamment l’optique de la comptabilité
continentale européenne de celle de la comptabilité anglo-saxonne ;
Dans l’ouvrage présenté à l’occasion du 36ème congrès de l’Ordre des experts-comptables,
relatif aux Principes comptables fondamentaux, il était affirmé qu’« avant l’arrivée des
britanniques, le concept devant présider à la réalisation des états financiers s’appuyait en
Allemagne sur la notion d’image aussi sûre que possible et en France sur la notion de
régularité et sincérité. Le premier projet de la quatrième directive s’inspirait de ces deux
optiques »26 :
• L’expression « aussi sure que possible » inspirée de la législation allemande a été
écartée au motif « qu’elle était trop imprécise (…) et pouvait dans certaines
circonstances, ne pas se révéler parfaitement appropriée pour illustrer de façon
suffisante la situation réelle de l’entreprise. Elle demanderait à être complétée par des
commentaires adéquats afin que les finalités exposées soient convenablement
atteintes »27 ;
• A son tour les mentions de la régularité et de la sincérité n’ont pas été retenues dans la
version finale. Il n’a pas semblé utile ni opportun de définir de façon plus précise ces
principes, étant donné qu’ils ne pouvaient pas être clairement circonscrits quant à leur
contenu et à leur portée. Toutefois certains auteurs, pensent que « la 4ème directive
25 Le terme « ETIC » choisi par le Maroc suggère à notre avis, à cause du mot « complémentaire » une idée d’hiérarchie entre les états, malgré l’affirmation du caractère du « tout indissociable ». 26 Robert OBERT, cit. op. 27 Robert OBERT, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
26
pose d’abord le principe de la conformité aux règles qu’elle édicte elle-même et, par
conséquent, au respect du principe de régularité. »28
Les deux mentions furent remplacées par la fidélité, parce qu’on estimait que c’est la qualité
fondamentale à rechercher et qui répondait à la formulation habituelle chez les Anglo-saxons
de « true and fair view » fondée sur l’application des principes comptables généralement
admis.
Le concept de l’image fidèle a été introduit pour la première fois au Maroc dans le Code
Général de Normalisation Comptable, puis à travers l’alinéa 1 de l’article 11 de la loi n° 9-88
relative aux obligations comptables des commerçants, ensuite dans la loi n° 17-95 relative à la
société anonyme.
La doctrine nationale considère que c’est à travers la publication de la loi n° 9-88 que la
notion de l’image fidèle a véritablement été introduite au Maroc. Le CGNC ne pouvait pas
introduire un changement des mentalités dans la mesure où il n’a jamais été publié, ni
d’ailleurs approuvé par arrêté.
La formulation du troisième texte de base (loi sur les sociétés anonymes) qui s’est largement
inspirée de la législation française, a gardé les notions de régularité et de sincérité en leur
juxtaposant le concept de l’image fidèle. Etant dans une approche historique du concept nous
avons choisi de laisser la comparaison des textes marocains et français, à la partie réservée à
l’étude du concept et de nous focaliser, dans la sous-section suivante sur les concepts de la
régularité et de la sincérité encore présents dans la législation marocaine.
111...333... LLL EEESSS CCCOOONNNCCCEEEPPPTTTSSS DDDEEE RRREEEGGGUUULLL AAARRRIII TTTEEE EEETTT DDDEEE SSSIII NNNCCCEEERRRIII TTTEEE...
Les notions de sincérité et de régularité ont été héritées des décrets-lois français de la période
1935-1937, instaurés dans le climat des scandales de l’époque notamment « les affaires
Hanau, Oustric et Stavisky »29. Ces décrets-lois ont mis à jour en France la loi du 24 juillet
1867, ce qui a permis de préciser et renforcer la mission de contrôle des commissaires aux
comptes30. En revanche « Le Dahir du 11 août 1922 qui a marocanisé la loi française de
1867(…) a conservé ses imperfections »31. En ce sens l’article 3232 de la loi annexée à ce
28 Renaud DENOIX DE SAINT MARC, in « Comptabilité et fiscalité », 1980, acte du xxxvème congrès national de l’Ordre des Experts Comptables et des Comptables Agrées, Paris. 29 Robert OBERT, op.cit., 30 Extrait du décret-loi français du 31 août 1937 modifiant l’article 32 alinéa 1 de la loi du 24 juillet : «l’assemblée générale ordinaire des actionnaires désigne pour trois ans un ou plusieurs commissaires qui ont mandat de vérifier les livres, la caisse, le portefeuille et les valeur de la société, de contrôler la régularité et la sincérité des inventaires et des bilans ainsi que l’exactitude des informations données sur les comptes de la société dans le rapport du Conseil d’Administration. » 31 Sami AL OMARI, in « Emergence d’une profession comptable libérale : le cas du Maroc », 2005, paru dans « L’entreprise, le chiffre et le droit », éditeurs J.G. DEGOS et S. TREBUCQ, Bordeaux. 32 « L’assemblée générale annuelle désigne un ou plusieurs commissaires, associés ou non, chargés de faire un rapport à l’assemblée générale de l’année suivante sur la situation de la société, sur le bilan et sur les comptes présentés par les administrateurs » cité par Ahmed MAAROUFI et Robert TELLER, in « La comptabilité des entreprises marocaines », 1984, Société d’édition et de diffusion AL-MADARISS, Casablanca.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
27
Dahir ne faisait aucune allusion à la régularité et la sincérité dans les dispositions relatives au
commissariat aux comptes.
La loi comptable française a gardé, ces deux concepts traditionnels en leur juxtaposant la
notion d’image fidèle. Ce choix français se trouve comme par enchantement présent dans la
législation marocaine récente, alors que la question a déjà été tranchée par la loi n° 9-88 qui
ne les mentionne nullement. L’historique de cette situation peut être résumé comme suit :
Les rédacteurs du CGNC ont fait le premier pas, en procédant prudemment à la façon de
la 4ème directive. Une définition assez spécifique de la régularité33 a été adoptée et on n’a
pas expressément retenu la sincérité34 ;
La loi relative aux obligations comptables des commerçants, a rompu sur ce point avec le
modèle français, en ne mentionnant pas la régularité timide du CGNC ;
La loi n° 15-89 réglementant la profession d’expert comptable publié 34 jours après la loi
n° 9-88 réintroduit les notions de sincérité et de régularité35, qui ne figurent pas dans les
deux textes précédents ;
Le dahir36 de 1993 relative aux OPCVM, se démarque des dispositions de la loi
française37 sur les OPCVM instaurée en vue d’une mise en harmonie avec la directive
européenne n°85-61138, en s’inspirant cette fois de la formulation du code de commerce
français. La certification concernera cette fois la régularité et la sincérité. Le modèle de
rapport du commissariat aux comptes prévu par le Conseil Déontologique des Valeurs
Mobilières dans la circulaire n° 44 / 0039 s’est conformé à cette exigence, en prévoyant
expressément les mentions de régularité et de sincérité ;
S’inscrivant dans la même vision de l’article 100 de la loi sur les OPCVM, les articles 166
et 175 de la nouvelle loi sur les sociétés anonymes, s’inspirent à leur tour de l’article
L225-235 du code de commerce français. Toutefois, paradoxalement au paragraphe
précédent les rapports de commissariat aux comptes, des sociétés qui ne sont pas régies
33 « Pour être probante, la comptabilité doit satisfaire aux exigences de la régularité. Celle-ci est fondée sur le respect des principes et des prescriptions du CGNC. » 34 « D’autres principes, moins universellement acceptés, n’ont pas été retenus : tel le "principe de prééminence de la réalité sur l’apparence", et le principe de "sincérité", dont l’intérêt conceptuel n’est pas évident. » 35 Article 1 de la loi n° 15-89 réglementant la profession d’expert comptable et instituant un Ordre des Experts Comptables promulguée par le dahir n° 1-92-139 du 8 janvier 1993 et publié au BO n°4188 du 3 février 1993 à la page 36 : « Il est seul habilité à (…) attester la régularité et la sincérité des bilans, des comptes de résultats et des états comptables et financiers ». 36 Dahir portant loi n° 1-93-213 du 21 septembre 1993 relatif aux Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (modifié par la loi 53-01), article 100 : « Le commissaire aux comptes d’un O.P.C.V.M. a pour mission permanente, à l’exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les livres et les valeurs de l’O.P.C.V.M. et de contrôler la régularité et la sincérité des comptes de ce dernier. Il vérifie également la sincérité des informations afférentes à la situation financière, préalablement à leur diffusion. » 37 Loi, n° 88-1201 du 23 décembre 1988, relative aux Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières et portant création des fonds communs de créances. 38 Directive du conseil, du 20 décembre 1985, n° 85/611/CEE, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières. 39 Circulaire N°04/00 relative aux documents comptables et financiers exigés des Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières, du 4 décembre 2000, http://www.casablanca-bourse.com/.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
28
par des textes spéciaux, ne font nullement mention de ces concepts40. Les modèles des
rapports sont standardisés par le manuel des normes de l’Ordre des Experts Comptables
marocain (largement inspiré de l’ancien manuel français), rappelle à maints égards la
notion de sincérité et parfois associe les deux notions d’image fidèle et de sincérité41. Le
modèle de rapport du commissaire aux comptes de l’attestation semestrielle des
établissements de crédits illustre cette confusion totale, où la notion de sincérité apparaît
sans la juxtaposition de l’image fidèle.
En résumé nous dirons que ces textes ont eu malheuresement pour effet, la coexistence de ces
concepts dans notre système juridique avec la notion de l’image fidèle. Toutefois dans
certaines situations une rémanence de ces concepts sans l’existence de l’image fidèle existe.
Tel est le cas des coopératives qui sont régie par la loi n° 24-8342 où les commissaires aux
comptes doivent certifier uniquement la régularité et la sincérité selon l’article 73 et les
rédacteurs des comptes doivent se conformer selon l’article 71 premièrement aux obligations
comptables édictées par le code de commerce, en l’occurrence à l’image fidèle puisque le
code de commerce renvoie à la loi n° 9-88 et deuxièmement au « Plan Comptable Spécifique
aux Coopératives » qui à son tour ne mentionne que le concept de l’image fidèle.
Les traductions arabes suivantes de la régularité, la sincérité et l’image fidèle soulèvent, à
l’instar de la précédente incohérence, un flou total :
Image fidèle : « رة ��د��43« � ;
Régularité et sincérité : « ق�و � � � »44 et «ق�45«ا����م و �.
Les traductions arabes introduisent premièrement une confusion entre l’image fidèle et la
sincérité, et deuxièmement traduisent le même concept de la régularité différemment. Nous
manifestons tout de même un certain penchant pour la deuxième traduction de la régularité
qui est confirmée par la traduction de l’irrégularité dans le code pénal46, parce qu’elle nous
parait être plus appropriée.
40 Contrairement au normes du référentiel CNCC français qui mentionne expressément les notions de régularité et de sincérité sous la forme suivante : « Nous certifions que les comptes annuels sont, au regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice », https://www.cncc.fr/ 41 Manuel des normes marocain, page 198 : « les états de synthèse ci-joints ne donnent pas une image fidèle (ou "ne présentent pas sincèrement, dans tous leurs aspects significatifs") » 42 Dahir n° 1-83-226 du 9 moharrem 1405(5 octobre 1984) portant promulgation de la loi n°24-83 fixant le statut général des coopératives et les missions de l’Office du Développement de la Coopération, tel qu’il a été modifié par Dahir portant loi n° 1-93-166 du 22 rebia I 1414 (10 septembre 1993). 43 Article 11 de la loi n° 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants, journal officiel version arabe, n° 4183, du 30 décembre 1992, p 1868. 44 Article 1 de la loi n° 15-89 réglementant la profession d’expert comptable et instituant un ordre des experts comptables, journal officiel version arabe, n° 4188, du 3 février 1993, p 157. 45 Article 73 de la loi n° 24-83 fixant le statut général des coopératives et les missions de l’Office du Développement de la Coopération version arabe, http://www.odco.gov.ma/uploadODCO/File/loi_ar.pdf 46 Article 358 du code pénal, http://www.justice.gov.ma/ar/legislation/
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
29
Ces incohérences nous pousse à nous interroger sur la nature de ces notions. Dans la mesure
où ces concepts n’ont pas été définis dans notre droit national, nous allons ci-après essayer
d’étudier ces notions dans le droit français, ainsi que dans la doctrine. Le tableau suivant
récapitule les définitions françaises figurant au niveau de l’ancien et du nouveau plan
comptable général.
PCG 198247
PCG 199948
- La régularité est la conformité aux règles et procédures en vigueur.
120-2. - La comptabilité est conforme aux règles et procédures en vigueur qui sont appliquées avec sincérité afin de traduire la connaissance que les responsables de l’établissement des comptes ont de la réalité et de l’importance relative des événements enregistrés.
- La sincérité est l’application de bonne foi de ces règles et procédures en fonction de la connaissance que les responsables des comptes doivent normalement avoir de la réalité et de l’importance des opérations, événements et situations.
1. La comptabilité saisit et classe toutes les données nécessaires à la réalisation de son objet, pour autant qu’elles puissent être quantifiées, c’est-à-dire exprimées en nombres d’unités appropriées.
2. Ces données de base sont enregistrées sans retard afin qu’elles puissent être traitées en temps opportun.
3. Les informations comptables doivent donner à leurs utilisateurs une description adéquate, loyale, claire, précise et complète des opérations, événements et situations.
4. La cohérence des informations comptables au cours des périodes successives implique la permanence dans l’application des règles et procédures.
Commentant les modifications de la rédaction des définitions, les éditions Francis
LEFEBVRE49 émettent les observations suivantes :
« L’énoncé des conditions à remplir pour satisfaire à l’obligation de sincérité n’a pas été
considéré comme étant d’essence normative (…) et par conséquent n’a pas été reprise
dans le PCG 1999. Désormais, le principe de bonne information est inclus dans les notions
plus larges de sincérité et d’image fidèle » ;
« La régularité et la sincérité s’apprécient par rapport à la traduction de la connaissance
que les dirigeants ont de la réalité et de l’importance relative des événements enregistrés.
À notre avis, par « événements enregistrés » il faut comprendre tous les événements
susceptibles d’influencer les comptes de l’exercice, que ce soit le bilan, le compte de
résultat ou l’annexe. Le principe d’importance relative n’est pas défini de manière
explicite dans la réglementation française. Ce principe est proche du concept
« d’importance significative » qui gouverne dans le PCG les informations à fournir dans
l’annexe, mais celui-ci non plus n’a pas donné lieu à une définition précise. »
47 Plan comptable général, imprimerie national, 3ème édition septembre 1983, Paris, p 5. 48 Plan comptable général, édition janvier 2005, http://www.minefi.gouv.fr/. 49 Mémento Francis LEFEVBRE, édition 2003.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
30
« Elles ne sont plus directement liées à la notion de prudence (l’énoncé du principe de
prudence est désormais séparé de ces obligations dans l’article 120-3 qui lui est
entièrement consacré) (…) c’est la réalité des affaires qui est privilégiée par rapport à la
prudence dont l’excès a d’ailleurs fait l’objet de critiques (cf. notamment Rapport COB
1995, p. 104, 108, 109 et 115 et BCF 5/96, p. 13 s.) »
La régularité a été définie par le CGNC comme étant « le respect des principes et des
prescriptions du CGNC ». L’interprétation littérale de cette définition, inspirée de la 4ème
directive, nous semble non adéquate en l’espèce dans la mesure elle cumule une certaine
restriction et un excès de prudence. Ce commentaire, se situe dans une période où le CGNC,
premièrement aspirait à être le référentiel unique face à une situation d’anarchie et
deuxièmement était antérieur à la loi n° 9-88, supérieure au CGNC dans la hiérarchie
juridique, qu’il ne pouvait contredire. Par contre, nous semble-t-il, une interprétation
extensive à la française est fortement recommandée.
A défaut de consensus sur une définition marocaine, nous allons essayer au début d’analyser
la définition de la notion française. Toutefois une question se posera alors avec acuité : Quelle
est la nature des « règles comptables en vigueur» ? Juridiquement, il ne pourra certainement
s’agir que de la réglementation écrite en vigueur50.
Cette réponse incorpore une autre question implicite : est-ce que les avis du conseil national
de la comptabilité et les organismes professionnels compétents s’intègrent-ils dans la notion
de réglementation en vigueur ? Le dernier terme en « vigueur » souligne à notre avis une force
juridique que les avis ne peuvent prétendre renfermer ; c’est une conformité à la règle de
droit51 qui est privilégiée dans ce cas précis.
Avant l’entrée en vigueur du PCG de 198252, dans la mesure où le plan comptable de 1957 ne
prévoyait aucune définition de la régularité, la majorité des auteurs se référaient à une
définition de la COB dans son rapport de 196953 où l’interprétation de façon extensive inclut
les avis du CNC. A défaut d’une interprétation légale54 ou d’une jurisprudence généralisée la
question restera posée dans le cadre de la législation marocaine qui, nous semble, permettre
les deux interprétations suivantes :
50 Définition proposé par Djelloul SACI, in « comptabilité de l’entreprise et système économique : l’expérience Algérienne », 1991, office des publications universitaires algérienne, p 310. 51 François REY, in « Développements récents de la comptabilité », 1979, p 21. 52 Contrairement au cas marocain, le PCG de 1982 a été approuvé par arrêté du ministre de l’économie et de la finance du 27 avril 1982, publié le 7 mai au JORF p 4355 et 4356 et sa rédaction a été ordonné à travers un arrêté du ministre de l’économie du 8 juin 1979, publié le 15 juin 1979 au JORF p 5001. 53 «Des règles fixées par la loi, la jurisprudence, le Conseil National de Comptabilité et les organismes professionnels compétents, pour préciser le contenu de la doctrine comptable. » in « Comptabilité et droit pénal des affaires » étude présentée à l’occasion du 34ème congrès national par le conseil supérieur de l’Ordre des Experts Comptables et des Comptables Agréés, Paris, 1979 p 9 et François REY, cit. op. p 21. 54 Une définition a été apporté par le manuel des normes marocaines de l’ordre des experts comptables : « La conformité des comptes aux règles comptables et lois en vigueur », mais aucune définition des règles comptables n’a été précisé.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
31
Une interprétation restrictive qui s’intègre avec une interprétation stricte de l’irrégularité
pénalement sanctionnée au niveau du code pénal55 dans la mesure où les définitions de la
régularité et l’irrégularité ne peuvent pas être dissociées ;
Une interprétation extensive en conformité avec l’article 256 de la loi n° 15-89
réglementant la profession d’expert comptable qui inclut les usages admis par la
profession et les recommandations des organisations compétentes.
Nous avons traité la régularité, dans ce qui précède, sous une forme binaire de vrai ou de faux.
Une question peut toutefois être soulevée, est ce que l’existence d’une irrégularité entraîne
une comptabilité irrégulière ? Nous avons préféré traiter cette question dans la deuxième
partie.
Qu’en est-il de la nature de la sincérité ? En se basant sur la définition du PCG de 1999
fournie dans le tableau précèdent (page 29), le Mémento Francis LEFEVBRE émet
l’observation suivante :
« La sincérité est donc celle des dirigeants, naturellement considérés comme les plus aptes à
apprécier l’ensemble des activités et opérations de l’entreprise (ce qui était déjà le cas dans
l’ancien PCG, mais moins mis en avant). »
« La sincérité est une qualité généralement reconnue à des personnes. C’est pourquoi certains
auteurs ont pu penser que l’appréciation de la sincérité devait viser non les documents mais
les dirigeants qui les ont établis. Les documents financiers sont sincères s’ils ont été élaborés
avec loyauté et bonne foi. Cette conception rejoint celle du droit pénal, pour lequel par
exemple, le délit de présentation de faux bilan n’est constitué que si aux éléments, légal et
matériels, s’ajoute l’élément moral, c’est-à-dire, la mauvaise foi de ceux qui présentent le
bilan. »57.
Outre le fait que l’on peut commettre de bonne foi une erreur, c’est au regard des documents
comptables que la sincérité doit être appréciée. Le caractère objectif de la notion de sincérité a
été affirmé par la COB, dans son rapport général pour l’année 1969 : « la sincérité résultera de
l’évaluation correcte des valeurs comptables, ainsi que d’une appréciation raisonnable des
risques et des dépréciations de la part des dirigeants ».
« À notre avis, il en résulte une notion de « sincérité objective », selon laquelle sont sincères
des documents financiers tels que les établirait un professionnel, indépendant, de bonne foi,
placé devant les problèmes techniques et l’interprétation qui s’y attache. Pratiquement les
comptes sincères résultent d’une parfaite connaissance :
des règles et de leur application,
55 Article 358 du code pénal, version arabe http://www.justice.gov.ma/ar/legislation/ 56 «Pour la réalisation de leurs missions, les expert comptables appliquent les lois et règlements en vigueur ainsi que les usages admis par la profession. Ils tiennent compte des recommandations des organisations compétentes et des administrations. » 57 « Comptabilité et droit pénal des affaires » étude présentée à l’occasion du 34ème congrès national par le conseil supérieur de l’Ordre des Experts Comptables et des Comptables Agréés, Paris, 1979 p 10.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
32
de la situation de l’entreprise,
de la perception extérieure des comptes ainsi présentés afin que le contenu ne soit pas
perçu de manière déformée. »58
Cette notion de sincérité objective tend à s’identifier à celle de l’image fidèle. N’y voyant pas
de grande différence, certains auteurs, l’ont assimilé à cette dernière59.Mais il subsiste
l’ambiguïté suivante que la doctrine n’a pas encore levée :
La sincérité, dans une acception stricte, résulte uniquement des comptes constituant une
notion relative et dépendante de l’état de la technique ; dans cette optique les comptes sont
sincères si les éléments qui y figurent, existent, sont correctement évalués et correctement
classés ;
La sincérité dans une acception large, tient compte du caractère imparfait et limité de la
technique comptable, les documents financiers n’étant sincères que si des informations
complémentaires précisent les points importants que la technique comptable ne permet
pas de mettre en évidence.
Il nous semble que la première optique correspondait aux termes de la loi française sur les
sociétés. Face aux besoins actuels d’une information toujours plus précise, la sincérité pouvait
prétendre à être élevé au rang de critère qualitatif servant de référence pour veiller à la
fiabilité du message comptable, mais la sincérité « fut dépeinte et conçue en tant qu’élément
de la certification et fut toujours associé à la régularité dont la signification et la nature ne
souffrent d’aucune ambiguïté. (…) Qui de plus a subi l’invasion fiscale. (…) La portée de la
sincérité fut annihilée par la régularité fiscalisée. Elle ne joua qu’un rôle secondaire (sincérité
régularisée) alors que la régularité aurait dû être un outil pour parvenir à la sincérité. Ces
deux moyens tendaient uniquement à la satisfaction d’exigences administratives. Les textes
fiscaux n’ont d’ailleurs à aucune époque repris la notion de sincérité, se bornant à prévoir des
pénalités en cas de comptabilité incorrecte ou irrégulière.»60
En conclusion nous dirons, qu’il nous semble que la mention de la sincérité présente dans
notre droit actuel n’est que le fruit d’un « copier – coller » législatif sans véritable assise
doctrinale et que la rémanence de ce concept dans le droit français n’est pas le fruit d’un
certain conservatisme mais plutôt une position politique milieu qui satisfaisait les opposants à
une modification radicale et qui militait vers une acceptation et une application généralisée de
l’esprit de cette loi.
Un quart de siècle après la promulgation de la loi comptable française, nous estimons que les
deux concepts sont équivalents, parce qu’il serait aberrant de croire en un concept d’image
58 Mémento Francis LEFEVBRE, édition 2003. 59 « Les documents sociaux doivent donner une image sincère (c’est-à-dire non déguisée) et loyale (true and fair view). Ainsi, non seulement les comptes doivent être conformes aux règles, mais il faut s’assurer que ces normes n’ont pas été détournés de leur objet, qu’elles n’ont pas été appliquées d’une façon erronée, en vue de donner une idée fausse de la situation sociale », François REY, cit. op. p 21. 60 François PASQUALINI, op.cit, p 23.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
33
fidèle évolutif et une sincérité tronquée du début du siècle. En admettant cette idée qu’elle
serait la nature nouvelle de la sincérité ?
111...444... LLL ’’’ III MMM AAAGGGEEE FFFIII DDDEEELLL EEE VVVUUUEEE PPPAAARRR LLL EEE JJJUUUGGGEEE...
Les arrêts s’intéressant à l’image fidèle, comme d’ailleurs à la comptabilité en général, sont
relativement exceptionnels. Dans cette sous-section nous souhaitons étudier les rares arrêts
qui se sont intéressés à la question, pour pouvoir ensuite les utiliser dans le reste de l’étude.
Les deux premiers arrêts sont issus de la Cour européenne de Justice qui a émis des
interprétations de l’image fidèle figurant au niveau de la quatrième directive. Aussi le dernier
arrêt, présenté ci-dessous, est unanimement considéré par la doctrine française comme le seul
véritable arrêt ayant trait à la comptabilité. De plus, nous avons souhaité traiter dans cette
sous-section les deux questions suivantes, qui sont indirectement liées à la vision du juge de la
notion de l’image fidèle :
Le juge a-t-il la possibilité de recourir à l’avis des professionnels dans des questions de droit ?
La notion de « déni de justice » est-elle transposable dans une certaine manière au commissaire aux comptes ?
1) Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 14 septembre 1999, dans l’affaire Bauunternehmung GmbH contre Finanzamt Bergheim61.
« Le principe de l’image fidèle, dont le respect constitue l’objectif primordial de la
directive, selon lequel les comptes annuels des sociétés visées par la directive doivent
donner une image fidèle de leur patrimoine, de leur situation financière, ainsi que de leurs
résultats » ;
Commentaire : La Cour européenne reconnaît que la notion d’image fidèle est
l’objectif principal de la directive. Il nous semble que cette « reconnaissance »
de la Cour découle des termes du préambule de la directive qui est simplement
rappelé par la Cour.
« La directive ne précisant pas ce qu’il convient d’entendre par «cas exceptionnels», il y a
lieu d’interpréter cette expression à la lumière de l’objectif visé par cette directive, selon
lequel, les comptes annuels des sociétés visées doivent donner une image fidèle de leur
patrimoine, de leur situation financière, ainsi que de leurs résultats.(…) Les cas
exceptionnels visés à l’article 31, paragraphe 2, de la directive sont ceux dans lesquels une
évaluation séparée ne donnerait pas une image aussi fidèle que possible de la situation
financière réelle de la société concernée. »
Commentaire : La Cour a entrepris une interprétation par l’objectif de l’image
fidèle d’un terme non défini dans la directive, en énonçant expressément son
61 Arrêt de la Cour Européenne de justice, à partir du site http://eur-lex.europa.eu.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
34
choix de la méthode d’interprétation62 par les termes « il y a lieu » qui
dénotent à notre sens le caractère obligatoire de cette méthode d’interprétation dans la mesure où la Cour la considère comme la seule méthode envisageable.
En utilisant le terme « aussi fidèle que possible » la Cour reconnaît que l’image
fidèle est un but à atteindre et non une obligation d’atteinte. De même, dans la
mesure où on a utilisé le terme « une image » au lieu du terme « l’image »,
nous estimons que la Cour admet le caractère relatif de cette image qui diffère
d’une personne à une autre.
La définition des cas exceptionnels est assez spéciale, dans la mesure où
l’évaluation séparée d’un élément ne réalisant pas une image fidèle ne peut donner lieu à dérogation que si l’image globale est compromise.
2) Arrêt de la Cour du 7 janvier 2003, dans l’affaire de la banque internationale pour l’Afrique occidentale SA (BIAO) contre Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg63.
L’article 2, paragraphe 3, énonce, comme principe fondamental, que les comptes
annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi
que des résultats de la société (…) Ce principe exige, d’une part, que les comptes
annuels des sociétés reflètent les activités et opérations qu’ils sont censés décrire et,
d’autre part, que les informations comptables soient données dans la forme jugée la
plus valable et la mieux adaptée pour satisfaire les besoins d’informations des tiers,
sans porter préjudice aux intérêts de la société ;
Commentaire : Il s’agit là d’une véritable interprétation pratique de l’image
fidèle qui reprend de façon synthétisée la véritable vision des anglo-saxons.
Cette définition qui se rapproche de notre vision des choses sera développée
dans la section suivante.
Il ressort tant de ces considérations que des termes mêmes de la quatrième directive
que celle-ci n’est pas destinée à réglementer en détail toutes les questions comptables
qui dépendent de la spécificité des faits. Son objet est essentiellement d’énoncer
certains principes d’ordre général qui doivent guider l’établissement des comptes
annuels des sociétés dans tous les États membres. Ces principes doivent
nécessairement être mis en application par l’adoption de réglementations nationales
qui, à condition que les exigences de ladite directive soient respectées, peuvent varier
selon les pratiques comptables des États membres concernés ;
Commentaire : Il nous semble que lorsque la Cour affirme que la directive ne
peut contenir toutes les questions comptables et qu’elle a pour objet
62 Les méthodes d’interprétation seront développées plus en détail dans la deuxième partie du mémoire. 63 Arrêt de la Cour Européenne de justice, à partir du site http://eur-lex.europa.eu.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
35
l’énonciation de principes d’ordre général, la Cour confirme indirectement le
rôle des principes comptables comme véhicule de l’interprétation lors du
silence de la directive.
À cet égard, il convient de rappeler que les pratiques nationales ont eu tendance, de
manière croissante au fil des années, à s’aligner sur les normes comptables
internationales, dénommées «IAS» ;
Commentaire : Ce constat fait par la Cour est utilisé dans le reste de l’arrêt en
considérant les normes IAS comme une doctrine.
Quant à la possibilité de procéder à une évaluation globale, il convient de relever que
l’article 31, paragraphe 1, sous e), de la quatrième directive prévoit que les éléments
des postes de l’actif et du passif doivent être évalués séparément. Toutefois, la Cour a
jugé qu’une dérogation, au titre du paragraphe 2 de ladite disposition, peut être
appropriée lorsque, à la lumière du principe de l’image fidèle, une évaluation séparée
ne donnerait pas une image aussi fidèle que possible de la situation financière réelle de
la société concernée.
Commentaire : Cet arrêt dans sa formulation est identique à la définition des
cas exceptionnels exposés auparavant. Il dénote, à notre sens, du caractère
régulier et constant de cette définition donnée par la Cour.
3) Arrêt de la Cour de Paris du 6 avril 199464.
Même en l’absence de toute obligation comptable, les engagements de portage doivent
faire l’objet d’une mention spéciale dans l’annexe du bilan pour donner une image
fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de l’entreprise.
Commentaire : Cet arrêt fait suite à une contestation de l’ancien président du
Conseil d’Administration d’une société anonyme qui a fait l’objet d’une lourde
sanction pécuniaire65 par la Commission des Opérations de Bourse française.
L’ancien président prétendait que « le fondement légal fait défaut : aucune
règle objective de comptabilisation des portages n’existe. Le mode de
comptabilisation des « engagements d’achats » retenu par Ciments Français
correspond à la réalité juridique des conventions en cause et donc aux normes
comptables en vigueur. »
Cet arrêt démontre l’applicabilité des sanctions en cas de non-respectt de
l’obligation de donner des informations complémentaires lorsque l’application
d’une prescription comptable ne suffit pas pour donner l’image fidèle.
64 Rev. Soc. 1994,735 n. Médus, Dr. société 1995, n° 105 n. Hovasse, cité par http://lexinter.net/. 65 Bulletin de la COB, n° 271 de juillet - août 1993.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
36
Il nous semble que cet arrêt émis lors d’engagements de portage importants, ne
peut être extrapolé à des cas où l’importance significative ne le justifie pas
comme peut le sous-entendre, à notre avis, la formulation de l’arrêt.
Aussi cet arrêt confirme la nécessité de la portée informationnelle fidèle des
états de synthèse pour les lecteurs qui est nécessaire pour que les états
financiers soient qualifiés de fidèle.
Ces arrêts traitant de l’image fidèle sont à notre avis conformes à la doctrine comptable
actuelle. Un des plus grands soucis des professionnels comptables est qu’en cas de litige, le
juge puisse faire une interprétation juridique tronquée des notions comptables qui ne sont pas
d’essence juridique.
Une grande partie des comptables marocains ne saisissent pas le sens de l’image fidèle, dès
lors on est amené à se demander si les juges marocains de formation juridique pure peuvent
être en mesure de saisir la vision comptable de l’image fidèle.
Le législateur marocain a crée une sanction pour les comptes ne donnant pas une image fidèle,
alors que les Anglo-saxons à qui on a emprunté cette notion n’ont jamais pensé à prévoir une
telle sanction dans la mesure où il considère que cette notion d’essence comptable ne peut pas
être appréhendée par le droit. Dans ce sens si le législateur marocain a introduit la notion dans
le cadre de sa vision latine du droit, on est en droit de nous demander du sort de son
interprétation par le juge.
La Cour de cassation française commentant le délit des comptes ne donnant pas une image
fidèle a préconisé que « Les éléments constitutifs de cette infraction nouvelle encadrent
strictement l’appréciation du juge. En premier lieu, l’image donnée par ces comptes doit être
manifestement infidèle. Elle doit en outre porter sur des éléments significatifs. Ces deux
conditions permettent de distinguer ce délit de celui de comptes annuels inexacts. Seules les
fraudes caractérisées sont punissables. Sont donc exclues du champ du délit les erreurs
matérielles, les informations inexactes portant sur des faits non significatifs ou celles qui
portant sur des éléments significatifs ne constituent qu’une atteinte bénigne au principe de
fidélité des comptes. »66
Il nous semble que ce commentaire de la Cour française démontre un mûrissement de la
notion d’image fidèle chez les juges français qui ont saisit son véritable sens. C’est comme si
la Cour punissait l’ancienne formulation de bilan inexact dans la mesure où elle sanctionne les
fraudes caractérisées donnant des comptes manifestement infidèles. L’appréciation de l’image
fidèle des états de synthèse par le juge doit tenir compte du fait que l’image qu’il conçoit peut
être différente de l’image que se fera peut être une autre personne. Toutefois cette latitude
d’acception doit se faire dans une limite acceptable qui n’induirait pas le lecteur en erreur, en
d’autre terme cette image ne doit pas être source de « dol » comptable.
66 Bulletin n°84 de novembre 2001 de la Cour de cassation française.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
37
La rareté de l’interprétation de la réglementation comptable par le juge complique le travail
des professionnels comptables, qui lors de chaque opération d’interprétation ne sont pas en
mesure d’estimer si, leurs interprétations pourraient être admises par le juge en cas de litige.
L’arrêt cité précédemment relatif au portage, a été largement traité par la doctrine, ce qui a
entraîné à notre sens une mise en conformité des professionnels avec le traitement ayant fait
l’objet d’une interprétation jurisprudentielle. Ces derniers évitent ainsi de faire une
interprétation67 qui ne sera peut être pas admis par le juge.
Il nous semble que l’avis du CNC relatif aux opérations de portage, postérieur à l’arrêt
précédent, n’a pas véritablement été la cause du respect de ce traitement par les
professionnels, dans la mesure où juridiquement un avis n’a pas véritablement de force
obligatoire. Cette situation peut être présentée par un arrêt du tribunal correctionnel de la
seine paru en 1963 qui stipulait que « le bilan inexact résulte du fait que la comptabilité
enregistrait les recettes et les dépenses au fur et à mesure de leurs encaissements ou
règlements. Cette méthode préconisée par le Groupement Professionnel ne permet pas de
présenter un bilan qui doit refléter la situation exacte des valeurs actives et passives au jour de
la clôture de l’exercice. »68 A notre avis le juge, qui est tenu de respecter que les textes
légaux, peut passer outre un avis du CNC et prescrire ainsi une non-adéquation du traitement
comptable recommandé par le Conseil.
« Le droit comprend, outre la loi, tout ce que le législateur n’a pas dit et que la doctrine et la
jurisprudence ont constaté en se basant sur une volonté dégagée non seulement de
l’interprétation rigoureuse d’un texte législatif mais de l’esprit général d’une législation. Les
principes généraux du droit ne sont pas autre chose, et lorsque le législateur, averti de
l’interprétation que la doctrine et la jurisprudence donnent à sa pensée présumée, ne s’insurge
pas contre cette interprétation, c’est qu’il y souscrit et admet tacitement que ces principes
prennent place dans notre droit positif. » 69
Supposons maintenant le cas d’école suivant : Un expert comptable Y qui lors d’une mission
de commissariat aux comptes, hésite devant plusieurs interprétations possibles du traitement
comptable de l’opération X, qui est très significative.
Face à cette situation de doute, l’expert comptable Y se demande s’il peut donner une
information dans son rapport sous forme de réserve ou d’observation concernant les
différentes possibilités d’interprétation. Y justifie son choix par l’assimilation du doute sur le
sens d’une disposition réglementaire à une forme d’incertitude. Il nous semble que cet
exemple se rapproche du cas du juge qui ne peut pas s’abstenir d’émettre un jugement ; cas
67 « (…) le texte d’un jugement, et plus particulièrement son dispositif, constitue non pas un modèle mais la concrétisation d’une forme déterminée, dans un espace donnée, à un moment précis, de la disposition législative ou, en d’autres mots, le jugement constitue le produit final et irréversible de l’interprétation de la disposition, par son interprète, en regard de son espace d’application. », Philippe THIRY, in « Interpréter le droit : le sens, l’interprète, la machine : actes », du 4e séminaire du Mont Orford, 1994 ; sous la dir. de Claude THOMASSET et Danièle BOURCIER, 1997, E. Bruylant, Bruxelles. 68 Cet arrêt sera développé dans la deuxième partie dans le traitement du délit de bilan infidèle. 69 Eric CAUSIN, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
38
connu sous le nom de « déni de justice ». Cet expert en comptabilité, M. Y est obligé de
choisir une seule interprétation, dans la mesure où on ne peut différer aux lecteurs la sélection
de l’interprétation adéquate. Normalement ce n’est pas au commissaire aux comptes de faire
ce choix, mais plutôt au rédacteur des comptes. Toutefois en pratique, le directeur financier,
demande au commissaire aux comptes, quel est le traitement qui devrait être adopté dans ce
cas ? La question posée par le responsable financier est plus profonde qu’elle n’y parait. Si le
rédacteur des comptes fait lui-même ce choix en début d’année et ne consulte pas son expert
comptable, il se peut qu’en fin d’année l’expert comptable, lors de son intervention, conteste
la pertinence du choix adopté, ce qui est susceptible d’entraîner une réserve ou un refus dans
ce cas. L’expert comptable peut inverser la donne en se prévalant de la séparation du conseil
et du mandat de commissariat aux comptes. Nous pouvons dire en synthèse, que si le
rédacteur des comptes est obligé de choisir une interprétation dans le cas où il y en aurait
plusieurs, le commissaire aux comptes n’est pas pour autant exempté de l’obligation de cette
interprétation. Sous cet angle, l’interprétation comptable peut être perçue comme une partie
d’échec.
Face à l’interprétation d’une disposition comptable réglementaire, le juge peut souhaiter l’avis
des professionnels comptables sous forme de consultation par exemple. « La consultation est
destinée à permettre au juge de recueillir un avis technique, sans toutefois ordonner une
expertise. Alors que les constatations, comme l’expertise, sont généralement écrites, les
consultations devraient être le plus souvent orales. Le consultant, lorsqu’il est avisé de sa
mission par le secrétaire-greffier, peut être convoqué par celui-ci. Par ce moyen, le technicien
commis prendra connaissance des documents de la cause et pourra, le cas échéant, conférer
avec le juge sur les investigations demandées et se tenir à sa disposition. »70 Toutefois
concernant des questions de droit l’expertise judiciaire ou la consultation sont à notre avis en
application des dispositions du code de procédure civile inopérantes.
70 Maurice AYDALOT, Jean ROBIN, Jacques LACOSTE, in « L’expertise comptable judiciaire. », 1981, Presses universitaires de France, Paris.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
62
Chapitre 2 :
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
63
111... RRREEEFFFLLL EEEXXXIII OOONNN SSSUUURRR LLL ’’’ III NNNFFFOOORRRMMM AAATTT III OOONNN CCCOOOMMM PPPTTT AAA BBBLLL EEE...
Cette section sera traitée sous la forme de quatre questions qui forment les quatre sous-
sections suivantes :
Quelle place occupe l’information comptable aujourd’hui ?
La satisfaction des besoins en informations financières de tous les utilisateurs est-elle
possible ?
Peut-on parler au Maroc, des caractéristiques de l’information financière ?
La dimension contractuelle et la dimension prédictive de l’information financière peuvent-
elles coexister ensemble ?
Nous avons fait en sorte, dans la présente section, de traiter l’information dans la conception
comptable, de façon progressive.
111...111... QQQUUUEEELLL LLL EEE PPPLLL AAACCCEEE OOOCCCCCCUUUPPPEEE LLL ’’’ III NNNFFFOOORRRMMM AAA TTT III OOONNN CCCOOOMMM PPPTTTAAABBBLLL EEE …………...…..AAAUUUJJJOOOUUURRRDDD’’’ HHH UUUIII ???
« On sait aujourd’hui qu’il est vain d’isoler le signifiant du signifié, pas plus
qu’il n’est possible d’envisager tant une pensée pure, non langagière en
quelque sorte, qu’un langage pur simple succession de signes dépourvus de
pensée. »131
L’association américaine de comptabilité définit l’information comptable comme étant « une
donnée chiffrée relative à un phénomène économique passé, présent ou futur d’une entité, ceci
à partir d’une observation selon des règles établies »132.
Cette définition suggère que l’information comptable soit à la fois quantitative et générée
suivant des règles ou normes précises. On pourrait être tenté de croire que les données
chiffrées sont issues de la comptabilité, vue comme système ordonné de traitement des
données chiffrées (un nombre d’écritures enregistrées dans un journal, reprises dans un grand
livre puis transcrites sur une balance qui servirait à établir les états de synthèse). Toutefois les
états de synthèse ne comprennent pas que des informations chiffrées, ils contiennent aussi
d’autres informations non chiffrées qui sont généralement contenues dans l’ETIC, auxquelles
la définition précédente ne fait nullement mention. Dans ce sens nous nous demandons si une
information non chiffrée peut être qualifiée de comptable ?
A notre avis le terme « information comptable » soulève en premier lieu pour le récepteur
l’acception première développée dans la définition précédente. Cependant, nous estimons que
ce terme devrait être compris selon la deuxième signification de façon plus extensive dans la
mesure où la comptabilité est un système d’information global ; Afin d’éviter tout équivoque
131 François OST, in « Entre la lettre et l’esprit. », cit. op. 132 Nadédjo BIGOU-LARE, in « Le SYSCOA et la pertinente de l’information comptable : une analyse de la pratique dans les entreprises Togolaises », 2001, congrès AFC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
64
nous utiliserons le terme « information financière » souvent utilisé par la doctrine ou les
réglementations étrangères tel que l’IAS, qui ne comporte pas à notre sens un risque d’une
signification biaisée par le récepteur.
Nous allons essayer d’aborder successivement dans cette sous-section la place de
l’information financière et aussi les dimensions de cette information.
Afin de mieux appréhender la relation entre les états de synthèse et l’information financière,
nous allons ci-après exposer l’étude de Macintosh sur l’analyse sémiotique des médias
comptables. Dans la mesure où la présentation de cette étude nécessiterait des connaissances
préalables dans le courant pragmatique de la sémiologie, nous présenterons sommairement la
définition de la triadique du signe de Peirce.
Peirce, le père fondateur133 de ce courant, défini le signe comme étant « quelque chose qui
tient lieu pour quelqu’un de quelque chose sous quelque rapport ou à quelque titre … Il
s’adresse à quelqu’un, c’est-à-dire créé dans l’esprit de cette personne un signe équivalent ou
peut-être un signe plus développé. Ce signe tient lieu de quelque chose : son objet. Il tient lieu
de cet objet, non sous tous rapports, mais par référence à une sorte d’idée que j’ai appelée
quelquefois le fondement du signe134 »135
Dans cette définition, trois éléments interviennent, à savoir :
Le « signe » : C’est un élément matériel ;
Le « quelque chose » : C’est un objet de pensée ;
« Quelqu’un » : C’est une représentation mentale de la relation entre le signe et l’objet. Il
est appelé aussi l’interprétant ;
« Le signe (S) est premier (une pure possibilité de signifier), l’objet (O) est second (ce qui
existe et dont on parle), mais ce processus s’effectue en vertu d’un interprétant (I) (un
troisième qui dynamise la relation de signification). »136
« On peut résumer ce qui précède dans le schéma suivant dans lequel les flèches représentent
des déterminations et le signe une relation triadique liant S, O et I :
133 www.fr.wikipedia.org/wiki/pearce. 134 Nous avons changé dans cette définition le mot « représentamen » créé par PEARCE, dans la mesure où l’auteur estime dans ses travaux ultérieurs que le représentamen est presque équivalent au mot sens. 135 M. ROBIN, in « 76 définitions du signe relevées dans les écrits de C.S.PEIRCE. », http://www.univ-perp.fr/see/rch/lts/MARTY/76-fr.htm 136 Raymond - Robert TREMBLAY, in « Charles Sanders Peirce », http://www.cvm.qc.ca/encephi/contenu /philoso/peirce.htm.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
65
De plus on observe que puisque I est déterminé par O il
devient d’une certaine manière un signe de O au même
titre que S et est donc susceptible de déterminer un
nouvel interprétant et ainsi de suite. On rentre donc
nécessairement dans un processus d’interprétation
indéfini (en l’état actuel de la conceptualisation) »137
que l’on peut représenter par ce schéma :
Par exemple le mot « cheval » représente sans aucun doute un animal, toutefois chacun
l’interprète à sa façon : le boucher y voit de la viande ; le jockey y voit son instrument de
travail ; d’autres y voient du loisir…
Dans son étude sur les médias comptables, Macintoch utilise la relation entre l’objet et le
signe pour démonter que le signe comptable change d’une phase à une autre à travers
l’histoire de la comptabilité. Le tableau138, figurant à l’annexe B1 (page 215), présente de
façon détaillée les résultats de cette étude.
Ce tableau mérite une analyse sémiotique. D’abord, le signe « une urne » est là pour identifier
les vaches dans un pré. À l’époque médiévale, tout comme plus tardivement l’aristocrate
anglais possesseur de grandes terres au XIX siècle, le seigneur n’échange pas son capital (ses
terres) qui n’est pas valorisé. L’intendant ne rend compte que des entrées et sorties qui
permettent de dégager un excédent. Au début de la renaissance, les associés se partagent la
liquidation d’une « aventure ». L’objet de la comptabilité est d’attribuer la juste part à chaque
associé, à eux de faire la part du capital et du revenu. Puis la liquidation ne se fait plus à
chaque aventure (East Indian Company), mais la comptabilité la simule. L’objet de la
comptabilité devient une simulation, d’abord sans identifier le capital puis en l’identifiant à
partir de 1657 pour l’Est Indian Company. Pendant la période industrielle, la comptabilité
mesure une organisation ce qui n’est ni une liquidation ni une simulation de liquidation. À
l’ère financière, la comptabilité mesure un potentiel à faire des profits qui est interprété par les
marchés financiers.
« Macintosh a-t-il raison de décrire l’histoire comptable en termes de changement du rapport
du signe à la réalité ? Il fait l’hypothèse implicite que le signe change et que la réalité est
constante. Est-ce vraiment le cas ? Le signe change-t-il ou la réalité change-t-elle ? L’objet de
la comptabilité change ainsi que la réalité décrite : de la vache à un potentiel à faire des
profits. Peut-être est-ce simplement la réalité qui a changé ? »139 Le tableau suivant propose
une analyse triadique de Macintosh :
137 Robert Marty, in « L’algèbre des signes. », 1990, éditions John Benjamins, Amsterdam. 138 Emprunté à Macintosh N. B. & Shearer T. & thornton D. B. & Welker M., in « Accounting as simulacrum and hyper reality : perspectives on income and capital », 2000, Accounting Organizations and society, Vol. 25, cité par Victor LABOURET, in « sémiotique et comptabilité, ou la triade : réalité, acteur, comptabilité », 2002, congrès AFC. 139 Victor LABOURET, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
66
Tableau des contenus des rapports annuels selon Heurteux
Nous comprenons dès lors que la crise actuelle que subit la comptabilité est intimement liée
au développement des marchés financiers. Afin de mieux saisir le « signe » actuel de la
comptabilité, nous allons présenter une étude menée par Chekkar et Lardin140 qui permet de
montrer comment et pourquoi les entreprises sont passées d’une production d’informations
comptables (1670 – 1880) à une production d’informations financières (1860 – 1960) et enfin
à une production de connaissances financières (1960 – à nos jours). La figure présentée dans
l’annexe B4 (page 219) synthétise les résultats de cette étude. Nous allons ci-après exposer la
dernière étape de « la production de connaissances financières » selon la vision de ses auteurs
qui distingue trois points marquants :
La sophistication des supports : Le rapport annuel est, comme par le passé, toujours le
premier moyen de communication financière. Mais ce rapport, à la différence de la fin du
19ème siècle, est plus élaboré et ne se contente plus de répondre aux obligations légales.
Dans certains cas des informations volontaires, sont diffusées. D’après Heurteux141, il
existe trois types de rapports financiers, comme le montre le tableau ci-dessous :
La troisième forme de rapport est particulièrement intéressante parce que par cette
stratégie les sociétés essayent de satisfaire leurs cibles. D’autres formes de
communication accompagnent parfois les rapports, comme les conférences de presses…
La spécialisation des acteurs : Les rapports figurant dans la dernière catégorie du
tableau précèdent (page 66) ne sont plus établis uniquement par le service financier en 140 Rahma CHEKKAR et Pierre LABARDIN, in « De l’information financière à la connaissance financière : des années 1670 à nos jours. », mai 2005, 26ème congrès AFC à Lille. 141 Cité par Rahma CHEKKAR et Pierre LABARDIN
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
67
collaboration avec les dirigeants. Depuis la moitié du siècle passé, dans certaines grandes
sociétés, un service des relations publiques a vu le jour pour renforcer la stratégie
communicationnelle de la société. En parallèle des agences de communication financière
ont vu le jour. On dénombre actuellement plus d’une cinquantaine d’agences dans chaque
place boursière importante ;
La volonté de réduire les dissonances cognitives : La diffusion d’informations
financières s’inscrit désormais dans une démarche volontaire de la part des entreprises.
Elles se mettent à communiquer pour mettre en confiance leurs partenaires. Pour ce faire,
la société procède à des choix dans ce qu’elle veut dire, mettre en avant ou, au contraire,
reléguer à l’arrière plan, même si elle donne pourtant l’information.
En confrontant ces deux études, nous dirons que l’étude de Macintoch met en exergue une
demande d’information financière spéciale de la part des utilisateurs et l’étude de Chekkar et
Lardin dénote une réponse à cette demande de la part des sociétés. Nous constatons dès lors
que les entreprises ont saisis la place réservée actuellement à l’information financière et se
mettent à communiquer pour essayer d’orienter cette information. Toutefois la
communication d’information financière pour aboutir aux buts assignés doit répondre à
certains critères.
Une de ces caractéristiques a été étudiée par Rakotonjanahary142 à savoir la surcharge
d’information. L’auteur s’est livré à une expérience dans le cadre de laquelle les sujets
simulaient une décision de prêt commercial. La quantité de données disponibles a été
manipulée de façon qu’elle soit faible, moyenne ou élevée, ce qui a donné lieu à trois versions
de la demande de crédit. Les prêteurs prévoyaient la santé financière de six entreprises
emprunteuses. L’expérience a permis de constater les résultats suivants :
Au-delà d’un certain seuil, la quantité de données, perçues comme étant pertinentes et redondantes par le décideur, réduit la qualité de sa décision : L’augmentation de la
quantité de données redondantes nuit à la
qualité de la décision, telle que présentée dans
le schéma suivant. Les résultats obtenus
suggèrent qu’une stratégie d’information
possible consiste à cibler les utilisateurs et à
leur fournir seulement les données pertinentes
à leur tâche.
La quantité de données perçues comme étant pertinentes n’influence pas la qualité de la décision : Ce résultat est conforme aux résultats de plusieurs études similaires
142 Philémon RAKOTONJANAHARY, in « Caractéristiques de l’information, surcharge d’informations et qualité de la décision. », 2002, congrès AFC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
68
(Iselin, 1993, Simnett, 1996 et Gadenne et Iselin, 2000) qui ont isolé l’effet des données
pertinentes et n’ont pas observé de détérioration de la qualité de la décision lorsqu’on a
augmenté la quantité de ces données.
L’enjeu de l’information et de la communication financière et donc considérable. Les
éléments à prendre en compte sont divers, complexes et évolutifs. On ne peut pas s’en tenir au
respect de simples obligations formelles dispensées par la réglementation au sens strict du
terme. Il appartient aux organes de surveillance tel que Bank al Maghrib ou le CDVM par
exemple de veiller à l’adaptation constante du contenu et du support de l’information aux
évolutions techniques et de susciter chez les émetteurs une volonté de communiquer envers le
public, à bon escient et en toutes circonstances
A supposer acquise du côté des émetteurs cette volonté de donner une image objective et
fidèle de l’entreprise (ce qui suppose une stratégie adéquate et notamment des procédures ou
des moyens permettant de recueillir des éléments fiables), l’exercice de la communication
financière proprement dite demeure un art difficile.
111...222... LLL AAA SSSAAATTT III SSSFFFAAACCCTTT III OOONNN DDDEEESSS BBBEEESSSOOOIII NNNSSS EEENNN III NNNFFFOOORRRMMM AAA TTT III OOONNNSSS ………..............FFFIII NNNAAANNNCCCIII EEERRREEESSS DDDEEE TTTOOOUUUSSS LLL EEESSS UUUTTT III LLL III SSSAAA TTT EEEUUURRRSSS EEESSSTTT ---EEELLL LLL EEE ………..............PPPOOOSSSSSSIII BBBLLL EEE ???
Aujourd’hui, tous les professionnels comptables, s’accordent à dire que les états de synthèse
sont destinés à une multitude de lecteurs, « d’horizons et de culture divers »143. Le devoir de
fidélité de l’image comptable, exige en outre, que les rédacteurs des comptes doivent
s’attacher à répondre aux besoins de ces utilisateurs. Si le devoir de réponse aux besoins des
utilisateurs est axiomatique et ne soulève pas de difficulté doctrinale précise, sa mise œuvre
en pratique est problématique. Nous pouvons résumer cette situation sous la forme des trois
questions suivantes :
Quels sont ces utilisateurs ?
Quels sont les besoins de ces utilisateurs ?
Peut-on privilégier une catégorie d’utilisateurs par rapport à une autre ?
Nous allons ci-après essayer successivement de développer des réponses à chacune de
ces questions.
111...222...111... LLL EEESSS UUUTTTIII LLL III SSSAAATTTEEEUUURRRSSS DDDEEE LLL ’’’ III NNNFFFOOORRRMMM AAA TTTIII OOONNN .……………… ;;…………..FFFIII NNNAAANNNCCCIII EEERRREEE...
La loi n° 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants, à l’instar de la loi
comptable française, ne fait pas mention du terme « utilisateur ». Dans le cadre de la
comparaison des cadres conceptuels étrangers (IAS, tunisien, suisse et canadien) avec
143 Hassan ALLOUCH, in « La politique d’arrêté des comptes : Enjeux et finalité. », décembre 2000, Bulletin d’information périodique, Casablanca.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
69
les éléments implicites d’un cadre conceptuel contenus dans le CGNC, nous avons
présenté les différentes références, contenues dans ces cadres, relatives à la notion
d’ « utilisateur » dans l’annexe B4 à la page 223. Il ressort de l’analyse de ces textes les
éléments suivants :
Le CGNC fait la distinction entre utilisateurs internes et utilisateurs externes : Il nous semble que cette classification qui est aussi contenu dans le cadre
conceptuel tunisien, n’est que purement formelle ;
Les catégories d’utilisateurs cités par le CGNC figurent aussi dans tous les cadres conceptuels cités précédemment ;
Le CGNC affirme dans un de ses nombreux commentaires que les états de synthèse visent la satisfaction de toutes les catégories d’utilisateurs : Le CGNC
s’inspirant du Plan Comptable Général français144, vise globalement tous les
utilisateurs. Toutefois, la quasi-majorité des cadres conceptuels étrangers ont choisi
une catégorie spécifique comme utilisateur privilégié.
Devant la diversité des utilisateurs, il nous semble légitime de se demander s’il existe une
échelle de préférence retenue par la comptabilité et si cette dernière arrive à satisfaire
tous ceux qui la sollicitent ? Même si la question a été tranchée précédemment dans le
cadre de la comptabilité marocaine, nous allons essayer de développer la notion
d’utilisateur privilégié qui revient incessamment dans le cadre des recherches
conceptuelles, en vue de comprendre les causes implicites du choix marocain et les
différences qu’introduit une pareille différence conceptuelle.
La précédente question n’est pas neutre145 au niveau de l’approche conceptuel de la
comptabilité. Celle-ci, est selon certain, met en évidence un certain nombre de
questions tel que : « Dans la mesure où la vérité comptable n’est que relative et qu’elle
est différente selon les utilisateurs, il est utile de savoir si le paradigme comptable :
Permet de satisfaire tous les utilisateurs et de recouvrir, grâce à l’emploi d’un
langage normalisé, une portée générale et universelle.
Ou bien, au contraire, en raison de la diversité des préoccupations, il doit être d’une
portée spécifique et adaptée à chaque utilisateur.
Autrement dit, il est essentiel de poser cette interrogation : spécificité ou universalité de
l’information financière ? »146
144 Le PCG de 1982 ne mentionne pas expressément ce choix, toutefois cette idée, nous semble-t-il ressort d’après l’utilisation simple des termes « donner à leurs utilisateurs » contenue dans la page 5 du PCG. Cette conclusion est identique à la conception de Bernard COLASSE, cit. op. 145 « Cette conception n’est pas neutre sur la nature de l’information à publier et sur les principes et conventions comptables. », Christian HOARAU, in « Le passage aux normes IAS – IFRS : une révolution comptable. », 2004, la revue du FINANCIER, Paris. 146 Définition proposé par Djelloul SACI, in « comptabilité de l’entreprise et système économique : l’expérience Algérienne », 1991, office des publications universitaires algérienne.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
70
Le FASB explique qu’il privilégie les investisseurs, car ces derniers disposent non
seulement d’un modèle de décision qui a fait ses preuves, mais aussi parce que les
données concernant les réactions des investisseurs à l’information financière sont
facilement accessibles. Ce sont eux qui utilisent les flux monétaires plutôt que les
bénéfices comptables pour leurs analyses, qui ont besoins d’informations rapides,
actuelle, et autorisant des prévisions.
Selon certain « le fait de désigner comme utilisateurs privilégiés des utilisateurs
externes, et plus particulièrement les investisseurs potentiels, et les prêteurs, ne sont
pas en contradiction avec l’approche systémique dans la mesure où, pour fournir ces
informations, on puise à la même source structurée par des objectifs et des principes
fondamentaux inter - reliés. Source, ou base de données, dans laquelle les autres
utilisateurs externes ou internes puisent aussi. »147
Cette conception des choses ressemble à notre avis à la dernière recommandation mise
en gras dans le rapport de la Banque Mondiale sur le respect des normes et codes au
Maroc : « Sur le plan de l’information financière, le cadre législatif et réglementaire doit être
revu afin que les investisseurs, aient accès à une information financière suffisante, dans un
délai raisonnable, et de façon aisée. »148
Au Canada, Stamp149 souligne qu’à ces yeux le Comité de recherche comptable devrait
tenir compte des besoins d’un éventail de groupes d’utilisateurs beaucoup plus vaste
que celui auquel s’intéresse le F.A.S.B. aux Etats-Unis, dans la mise au point de son
cadre théorique. Ceci, ajoute-t-il, vise à tenir compte du fait qu’à bien des égards, le
système social et le système politique du Canada se rapprochent plus de ceux d’Europe
(où le concept de responsabilité comptable élargie est plus acceptable qu’aux Etats-
Unis) que de la réalité sociale et politique des Etats-Unis.
Stamp propose dès lors une liste de 15 catégories d’utilisateurs, pour lesquelles il est
légitime (sans nécessairement que ce droit soit protégé par la loi) de vouloir recevoir et
d’utiliser les états financiers publiés. L’annexe B3 (page 220) présente les différentes
catégories identifiées par Stamp, ainsi que leur classement en actuel, passé et potentiel.
Aux catégories d’utilisateurs généralement visées par les cadres conceptuels
(investisseurs actuels et potentiels, et aux prêteurs), Stamp ajoute, en particulier, les
salariés, les clients, les associations patronales, les pouvoirs publics, le grand public,
les bourses, les autres sociétés, les normalisateurs et les chercheurs.
147 Bernard APOTHELOZ, in « Pertinence et fiabilité de l’information comptable : la cas du crédit bail. », 1989, Collection systémique, Méta-Edition. 148 Banque mondiale, «Rapport sur le Respect des Normes et Codes (RRNC) au Maroc», 2002. 149 Edouard STAMP, in « L’information financière publiée par les sociétés : évolution future », 1983, Instituts Canadiens des Comptables Agréés, Toronto.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
71
Cet auteur distingue parmi les différentes catégories d’utilisateurs identifiées, deux
catégories d’utilisateurs qui disposent d’un pouvoir d’obtenir des informations
différentes :
Les utilisateurs internes, qui ont évidemment besoin de renseignements qui ne
figurent pas dans les états financiers, mais pour lesquels, cependant, il n’est pas
nécessaire d’établir de normes, car ce sont eux les responsables du système
d’information ;
Les utilisateurs qui disposent du pouvoir et des ressources nécessaires pour dicter la
nature des renseignements qu’ils entendent recevoir (fisc, organismes de
réglementation, établissements de crédit), bien qu’ils consultent d’abord, en règle
générale, les états financiers publiés.
L’ancien cadre théorique de l’Office des Normes Comptables du Canada a partiellement suivi
ces recommandations d’élargissement du groupe des utilisateurs, il indique notamment,
l’information financière est destinée tant aux utilisateurs internes (directeurs, employés,
administrateurs), qu’aux utilisateurs externes (investisseurs, créanciers, fisc, organismes de
réglementation et autres groupes de la société canadienne).
Pour le cas marocain, il nous semble que le choix mentionné dans le CGNC, qui est postérieur
d’une décennie de la publication des cadres conceptuels du FASB et de l’IAS, peut être
expliqué de façon très rationnelle. Nous citons à ce titre le professeur Colasse qui en
commentant les nouvelles normes IFRS précise que « Ces comptes obéiront donc désormais
à des normes inspirées d’un cadre conceptuel qui, dans son article 10, proclame sans détours
son orientation actionnariale (…) Il s’agit là d’une rupture majeure avec notre droit comptable
qui, en ne désignant pas d’utilisateurs privilégiés, s’efforçait de concilier les intérêts des
diverses parties prenantes. (…) C’est là, l’un des traits marquants du droit comptable français,
il n’assigne aucun objectif à la comptabilité, en ce sens il ne dit pas à quels utilisateurs et à
quelles utilisations l’information financière est spécifiquement destinée. Ce qui semble dire a
contrario et implicitement qu’elle est destinée à tous, sans exclusivité, et vise ainsi l’intérêt
général. Ce qui en soit est porteur de contradictions et de discordances dans la mesure où les
besoins d’information des différentes parties prenantes ne sont pas les mêmes et ne peuvent
être a priori satisfaits par les mêmes normes. Mais ce droit discordant est sans doute le prix à
payer pour une élaboration collégiale et démocratique à laquelle, au sein du Conseil National
de la Comptabilité, participe toutes les parties prenantes. Ce droit-là est peut-être d’ailleurs
beaucoup plus ambitieux qu’il ne le paraît car il peut aussi vouloir dire que l’entreprise, en
tant qu’entité autonome, obéit à des objectifs qui transcendent ceux des parties prenantes et
guident l’action des dirigeants au service de l’intérêt commun. »150
La comptabilité a été définie comme un système d’information. Les cadres conceptuels de la
comptabilité (annexe B4 figurant à la page 222) ont défini les utilisateurs de l’information
150 COLASSE, « L’évolution du droit comptable », Journée pédagogique de l ’AFC, ENS Cachan, 2004.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
72
financière. Les études effectuées aux Etats-Unis ont surtout privilégié l’impact des
informations financières sur les comportements boursiers. Mais, la comptabilité est un outil
d’information universel ; elle renseigne des destinataires directs (actionnaires, banquiers,
administrations fiscales), mais aussi des destinataires indirects (concurrents, salariés,
fournisseurs, clients) dont les options sont fonction des informations données. « Elle est aussi
appelée à prendre en compte de nouveaux besoins (comptabilité environnementale, ressources
humaines par exemple). »151
La plupart des entreprises marocaines sont des petites et moyennes entreprises de type
familial. A notre avis, la prise en considération de cet élément est cruciale dans la
comparaison avec des systèmes capitalistiques tels que la France, les Etats-Unis ou le Canada.
Dans un cadre socio-économique proche du notre, une étude152 tunisienne démontre que les
principaux utilisateurs des états financiers de ces PME sont les utilisateurs internes suivis par
le fisc et les bailleurs de fonds (les banques).
111...222...222... LLL EEESSS BBBEEESSSOOOIII NNNSSS DDDEEESSS UUUTTT III LLL III SSSAAATTTEEEUUURRRSSS DDDEEE ………………………………… . LLL ’’’ III NNNFFFOOORRRMMM AAATTTIII OOONNN FFFIII NNNAAANNNCCCIII EEERRREEE...
Stamp a développé de façon très intéressante, la relation qui doit exister entre les
besoins des utilisateurs internes et externes. L’un n’allant pas sans l’autre, le caractère
intégré de toute l’information financière est reconnue. Le tableau figurant dans l’annexe
B3 bis (page 223) présente les différents besoins spécifiques en information financière
définie par Stamp pour chaque catégorie d’utilisateurs.
D’après les cadres conceptuels de la comptabilité financière étudiés dans l’annexe B4
(page 221), les investisseurs qui fournissent les capitaux à risque ainsi que les prêteurs
sont concernés en premier par le risque inhérent à leurs placements et crédits. Ces
derniers veulent généralement savoir si l’entreprise est rentable, si elle génère des flux
de trésorerie positifs, si ces actifs sont sauvegardés et si elle est en mesure de continuer
son activité et d’honorer ses engagements dans un avenir prévisible. Dans ses
systèmes, la qualité d’utilisateur privilégié est reconnue en premier lieu aux
investisseurs, pour plusieurs raisons, dont notamment « leur rôle dans l’économie mais
surtout pour le risque auquel il s’expose du fait du concours qu’ils acceptent
volontairement d’accorder à l’économie ».153
Afin d’évaluer la capacité de l’entreprise à demeurer solvable, l’agent économique
trouve dans l’état des flux de trésorerie des variables indispensables à l’évaluation de la
capacité de l’entreprise à générer des flux futurs et à honorer ses engagements. Ainsi
cet état permet de déterminer directement les flux de trésorerie liés à l’exploitation,
151 Robert OBERT, cit. op. 152 Basma CHOUCHANE, in « Petites & moyennes entreprises : Suivi des travaux de recherche de l’ISAR sur la comptabilité des petites et moyennes entreprises. », 2002, Revue Comptable et financière n° 55, Tunis. 153 Fthia AOUAMRI, « Les divulgations comptables et leurs implications sur les choix décisionnels de l’utilisateur privilégié », 1999, mémoire DEA, ISCAE Tunis
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
73
ceux relatifs aux activités de financement et ceux provenant des activités
d’investissement.
Lauzon affirme que « la détermination de la capacité de gain futur de l’entreprise
représente une information capitale pour l’investisseur et le créancier. La notion de
pouvoir ou de capacité de gain se réfère à la mesure par laquelle l’entreprise accroîtra
sa richesse, obtiendra des fonds et pourra ultérieurement convertir ses bénéfices en
espèces. »154
L’idéologie de la satisfaction des besoins des utilisateurs privilégiés, introduit
initialement dans le cadre conceptuel du FASB, « a bouleversé totalement la fonction
comptable : de discipline d’enregistrement, elle est devenue discipline de prise de
décision ayant pour principe de base la pertinence »155.
111...222...333... LLL ’’’ EEENNNIII GGGMMM EEE DDDEEE LLL AAA CCCOOONNNCCCIII LLL III AAATTTIII OOONNN DDDEEESSS ………………………………..DDDIII FFFFFFEEERRREEENNNTTTSSS BBBEEESSSOOOIII NNNSSS DDDEEESSS UUUTTTIII LLL III SSSAAA TTT EEEUUURRRSSS ………………………………..DDDEEE LLL ’’’ III NNNFFFOOORRRMMM AAATTTIII OOONNN FFFIII NNNAAANNNCCCIII EEERRREEE...
La mise à disposition à tous d’une information régulière, permanente ou continue, de
qualité et compréhensible portant sur la situation actuelle et les perspectives de
l’entreprise permet aux détenteurs d’instruments financiers et au public d’investir ou de
ne pas investir en connaissance de cause. Dans ce sens, la pression des marchés
(actionnaires, bailleurs de fond, investisseurs, épargnants…) est probablement le facteur qui a
le plus d’influence sur le comportement comptable des entreprises.
Ainsi, nous vivons dans une époque marquée par la pression que les marchés exercent sur les
émetteurs de titres et les emprunteurs. Dès lors que l’entreprise a besoin de lever des capitaux
ou d’emprunter, elle devra se soumettre aux règles du marché. Par conséquent, plus les
opérateurs du marché sont exigeants, plus les entreprises améliorent leur performance
comptable. Toutefois de cette transparence du marché dépend la confiance des
investisseurs ainsi que la liquidité des titres côtés.
Des communications irrégulières, incomplètes, incorrectes ou ambiguës finissent par
énerver les marchés, incitent à l’octroi de primes de risque, ce qui se traduiront tôt ou
tard par une augmentation du coût de financement des entreprises.
111...333... PPPEEEUUUTTT ---OOONNN PPPAAARRRLLL EEERRR AAAUUU MMM AAA RRROOOCCC,,, DDDEEESSS CCCAAA RRRAAACCCTTT EEERRRIII SSSTTT III QQQUUUEEESSS DDDEEE ……….............LLL ’’’ III NNNFFFOOORRRMMM AAATTT III OOONNN FFFIII NNNAAANNNCCCIII EEERRREEE ???
« La comptabilité pourrait être une forme banale de l’illusion ou du mensonge si
les informations qu’elle présente n’étaient ni pertinentes, ni fiables. »156
154 Paul LAUZON, in « Le cadre théorique de la comptabilité. », 1988, Gaëten Morin. 155 Ahmed NACIRI cité par Bernard APOTHELOZ, cit.op. 156 Code général de normalisation comptable.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
74
Selon le CGNC, les états de synthèse sont établis dans le respect des principes comptables
fondamentaux qui ont précisément pour but d’en assurer les caractéristiques suivantes :
La pertinence des informations tient à l’adéquation existante entre leur contenu et leur
objet : une information pertinente doit représenter convenablement, fidèlement, les faits
ou les concepts qu’elle énonce ; elle est donc signifiante ce qui suppose que toutes les
précautions ont été prises pour en définir clairement et sans ambiguïté le contenu, le
contour, les limites. La Norme Générale s’est attachée à dégager de telles informations,
qui puissent convenir à l’ensemble des utilisateurs. (…) L’objectif étant de ne pas se
tromper et de ne pas tromper les tiers ;
La fiabilité des informations tient quant à elle, davantage au caractère quantitatif ; les
montants qui apparaissent dans les comptes ou dans les états de synthèse doivent être sûrs,
ce qui implique tant une très bonne définition des méthodes d’évaluation qu’une parfaite
maîtrise des faits comptables et de la chaîne des traitements qui aboutissent aux comptes
et aux états de synthèse ;
La comparabilité dans le temps et dans l’espace : Cette caractéristique, qui est
expressément mentionnée par le CGNC, n’est pas expliquée de façon précise.
La présentation de ces caractéristiques de l’information financière suscite à notre avis un
certain nombre d’observations qu’on essayera de traiter successivement dans ce qui suit.
La loi n° 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants ne fait pas mention de ses caractéristiques : Il nous semble que juridiquement ces caractéristiques
qui sont citées dans le CGNC n’ont pas de valeur en tant que tel, dans la mesure où ils ne
sont pas cités par la loi n° 9-88. Cependant une valeur doctrinale leur est généralement
consacrée par les auteurs ;
Le CGNC suppose qu’une conformité à ses dispositions aboutie nécessairement à la pertinence et à la fiabilité de l’information financière : Il nous semble que les
dispositions précédentes font parties des nombreux commentaires du CGNC ayant pour
objet une approche justificatoire de son assise doctrinale ;
En vue d’arriver à la pertinence et la fiabilité, le CGNC recommande de recourir à des professionnels comptables qualifiés tant en amont des états de synthèse (conception
du système comptable) qu’en aval (contrôle).
Il nous semble que les éléments développés par le CGNC concernant les caractéristiques
financières, en raison notamment de la deuxième observation ci-dessus, ne peuvent à notre
avis justifier la prise en compte de ces caractéristiques lors d’une opération d’interprétation
comptable. Toutefois d’un point de vue doctrinal, il nous semble intéressant de développer les
caractéristiques de l’information dans les législations supranationales.
Dans la page 225 (page 4 de l’annexe B4), sont présentés les textes relatifs aux
caractéristiques de l’information financière dans les cadres conceptuels internationaux,
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
75
tunisien, suisse et canadien. Nous allons essayer de traiter successivement les
caractéristiques de l’information financière tel qu’ils sont généralement reconnus :
L’intelligibilité : L’information fournie par les états de synthèse doit être compréhensible
par les utilisateurs qui ont une connaissance raisonnable des affaires et de la comptabilité.
Même si le CGNC et la loi n° 9-88 ne mentionnent pas cette caractéristique, il nous
semble que celle-ci s’impose d’elle-même, dans la mesure où nous estimons que cette
caractéristique découle implicitement de l’objectif de l’image fidèle. Toutefois, la
reconnaissance de cette caractéristique, par les cadres conceptuels étrangers, entraîne à
notre avis les observations suivantes :
• On ne peut pas trop vulgariser l’information pour répondre aux besoins d’information
de personnes profanes en comptabilité. De même on ne peut pas rendre les
informations véhiculées dans les états de synthèse trop complexes. Un juste milieu est
à notre avis nécessaire ;
• Une information complexe, qui doit être incluse dans les états de synthèse du fait de sa
pertinence, ne doit pas être exclue au seul motif qu’elle serait incompréhensible par
certains utilisateurs ;
• L’utilisateur est supposé avoir la volonté d’étudier l’information d’une façon
raisonnablement diligente ;
La pertinence : L’information est pertinente de par sa nature lorsqu’elle peut influer sur
les décisions des utilisateurs, en les aidant à évaluer l’incidence financière des opérations
et des faits passés, présents ou futurs, ou en leurs permettant de confirmer ou de corriger
des évaluations antérieures. Cette caractéristique se subdivise généralement en les
éléments suivants :
• La valeur prédictive : L’information doit aider les utilisateurs à prévoir les résultats et
événements futurs ;
• Une valeur rétrospective ou de confirmation : L’information peut être utilisée pour
comprendre ou corriger des résultats, des événements et des prédictions antérieures ;
• La rapidité de divulgation : Pour être susceptible d’être utile à la prise de décision,
toute information doit être divulguée au moment opportun157. Il nous semble, que la
célérité de l’information, est unanimement reconnue et ne soulève pas de polémique
particulière ;
La fiabilité : l’information est fiable lorsqu’elle concorde avec les opérations et les faits
sous-jacents, que ce rapport de concordance est susceptible de faire l’objet d’une
157 Le rapport de la banque mondiale sur le respect des normes et codes au Maroc stipule que « sur le plan de l’information financière, le cadre législatif et réglementaire doit être revu afin que les investisseurs, aient accès à une information financière suffisante, dans un délai raisonnable, et de façon aisée. »
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
76
vérification indépendante et que l’information est raisonnablement exempte d’erreur et de
partis pris. Cette caractéristique englobe quatre critères essentiels :
• La représentation fidèle : C’est la correspondance entre la mesure ou la description des
faits et transactions qu’elles sont censées traduire ;
• La neutralité : L’information financière est neutre quant-elle ne fait pas l’objet de
partie pris ;
• La vérifiabilité : Elle est matérialisée par des pièces justificatives qui peuvent être
contrôlées à tout moment ;
La comparabilité : C’est une caractéristique du rapport qui existe entre deux éléments de
l’information et non une caractéristique qui se rattache à un élément de l’information en
soi. Celle-ci doit être appréhendée selon ses dimensions, à savoir :
• La comparabilité temporelle : L’information financière doit être comparable d’un
exercice à un autre afin de suivre l’évolution de la situation financière de l’entreprise ;
• La comparabilité spatiale : La caractéristique de comparabilité ne doit pas conduire à
une uniformité pure dans les méthodes comptables, au contraire lorsqu’une nouvelle
méthode aboutie à une information plus pertinente et une meilleure image fidèle, elle
doit être adoptée.
La prise en considération des caractéristiques de l’information financière, en vue de leur
application, doit tenir compte des deux contraintes suivantes :
L’importance significative : une information d’importance significative est une
information dont l’absence ou l’inexactitude sont susceptibles d’influencer les décisions
qui seront prises par les utilisateurs ;
Equilibre avantages / coûts : Les avantages obtenus de l’information doivent être
supérieurs au coût de production de l’information. Celle-ci est essentiellement affaire de
jugement.
On doit établir un équilibre entre les différentes caractéristiques qualitatives puisque l’accent
sur une qualité se fera généralement au détriment d’une autre.
Le schéma158 suivant présente les caractéristiques de l’information financière selon le cadre
conceptuel tunisien.
158 D’après Raouf YAICH, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
77
Le schéma suivant récapitule les caractéristiques de l’information financière identifiée par le
FASB159.
Il nous semble que l’interprétation en comptabilité doit tenir compte de la pertinence et de la
fiabilité qui sont les principales caractéristiques de l’information financière tel que
développées dans les schémas précédents. Ces caractéristiques qui découlent, à notre sens, du
caractère scientifique de la comptabilité, doivent être pris en compte même s’ils ne sont pas
visés par un texte réglementaire.
159 D’après le FASB, statement n° 2 (qualitative characteristics of information), 1980, cité par Kadri NASSER, « Le pouvoir prédictif de l’information comptable (une étude exploratrice du secteur bancaire tunisien). », 1997, DEA comptabilité, ISCAE Tunis.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
78
La pertinence et la fiabilité constituent les qualités fondamentales alors que la comparabilité et l’intelligibilité constituent des qualités secondaires. En pratique, il est souvent nécessaire de faire un compromis entre les diverses qualités de l’information, notamment entre la pertinence et la fiabilité. Généralement, on cherche à réaliser un
équilibre approprié. L’importance à accorder à chacune de ces qualités, dans chaque cas d’espèce, est affaire de jugement professionnel.
Selon un autre point de vue, Eli Amir et Baruch Lev (1996) ont examiné la pertinence des
informations financières (comptables) et non financières pour les investisseurs dans un
secteur d’activité particulier. Ils ont trouvé que les informations financières, prises seules,
sont largement impertinentes pour l’évaluation des titres financiers. « Les indicateurs non
financiers, tels que le potentiel de croissance et la pénétration du marché sont, par contre, très
pertinents. Cependant, si elles sont combinées aux indices non financiers, les informations
comptables contribuent à l’explication des cours. La complémentarité entre les deux formes
d’indicateurs a été fortement confirmée dans cette étude.
En effet, les indicateurs purement financiers sont parfois biaisés. Selon Daniel Zéghal (1999)
qui confirme les observations de Leana (1996), les décisions sont, dans bien des cas, motivées
par une amélioration des résultats financiers aux dépens d’une intensification de la
productivité et au détriment de ces mêmes sociétés. Il rapporte les conclusions de Likert
(1958) qui a publié dans un article de la revue « Havard Business Review » que les
accroissements d’entrées de fonds découlant d’une réduction des coûts résultent plutôt de la
liquidation d’actifs dont la valeur pour l’organisation se trouve substantiellement supérieure à
l’augmentation des bénéfices. »160
111...444... LLL AAA DDDIII MMM EEENNNSSSIII OOONNN CCCOOONNNTTTRRRAAACCCTTTUUUEEELLL LLL EEE EEETTT LLL AAA DDDIII MMM EEENNNSSSIII OOONNN ..……………....PPPRRREEEDDDIII CCCTTT III VVVEEE DDDEEE LLL ’’’ III NNNFFFOOORRRMMM AAATTT III OOONNN FFFIII NNNAAA NNNCCCIII EEERRREEE PPPEEEUUUVVVEEENNNTTT ---………………..EEELLL LLL EEESSS CCCOOOEEEXXXIII SSSTTT EEERRR EEENNNSSSEEEMMM BBBLLL EEE ???
Deux conceptions de l’information financière coexistent aujourd’hui selon l’utilisation que
l’on veut en faire. Contractuelle, elle sert principalement au contrôle des contrats externes et
internes à l’entreprise ; prédictive, elle doit permettre aux investisseurs de formuler leurs
anticipations sur l’avenir de la firme. Mais ces deux approches qui ont des exigences souvent
opposées exigent du système comptable des qualités profondément différentes. Nous allons
essayer dans ce qui suit de développer chacune de ses dimensions :
La dimension contractuelle : « Cette conception dérive de la théorie contractuelle des
organisations, selon laquelle l’entreprise peut être considérée comme un ensemble de
contrats entre les divers agents économiques, internes et externes, participant à son
activité. Certains de ces contrats lient l’entreprise à des tiers. Ce sont ceux relatifs à
160 Eli AMIR et Baruch LEV, «Value - relance of non financial information: thé wireless communication industry», 1996, journal of accounting and économies n°22 et Daniel ZEGHAL, « De nouveaux actifs en fonction de la nouvelle économie », 1999, journal igf, cités par Rym BEN NASRALLAH, « l’effet des système de contrôle de gestion sur les performances des SMVDA. », 2000, Mémoire de DEA, ISCAE Tunis.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
79
l’acquisition et à la vente de biens et services, ou encore les contrats de prêts et
d’emprunts. D’autres résultent de relations internes à l’entreprise. » 161 C’est le cas des
contrats de travail des salariés ou des engagements entre actionnaires et dirigeants. Vue
sous cet angle, l’information financière doit fournir des éléments quantitatifs permettant
de s’assurer que les engagements - explicites ou implicites - des diverses parties ont été
respectées. Cette conception n’est pas nouvelle car la comptabilité a d’abord été, et reste
encore un moyen de preuve entre commerçants. Mais ce rôle traditionnel a
progressivement été relégué au second plan en raison des besoins d’informations nés du
développement des marchés financiers ;
La dimension prédictive : Cette approche est centrée sur le marché financier. Elle
considère l’entreprise comme un « producteur d’actifs financiers » - actions et
obligations - confronté aux « clients » que sont les investisseurs. Pour prendre leurs
décisions d’achat, ces derniers ont besoin d’informations sur les produits qu’on leur
propose. Les documents comptables constituent une source d’informations. « W.H.
Beaver déclare, par exemple, que la comptabilité « ... doit aider l’investisseur individuel,
confronté à un ensemble de prix, à constituer un portefeuille optimal de titres ». Selon
Hendriksen, cette conception est apparue aux Etats-Unis aux alentours de 1930.
Popularisée par les milieux académiques et par la SEC, elle s’est peu à peu imposée parmi
les professionnels de la comptabilité. Le FASB, organisme de normalisation comptable
américain, affirme par exemple que «...les documents financiers doivent fournir aux
investisseurs, créanciers et autres utilisateurs actuels ou potentiels une information utile à
la prise de décisions rationnelles en matière d’investissement, de crédit, etc. ». Selon cette
conception, l’utilité de l’information financière s’apprécie par rapport à 1’usage qu’en
font les investisseurs pour définir et réviser leurs anticipations. » 162
Le problème de l’investisseur est de déterminer le « juste » prix de chaque actif qui lui est
proposé. En théorie, ce prix est égal à la somme actualisée des revenus futurs. Selon
l’approche prédictive, l’information financière doit permettre à l’investisseur de formuler ses
anticipations quant aux revenus à venir et quant aux risques pesant sur ces revenus, de
manière à fixer le taux d’actualisation.
Les exigences de l’approche contractuelle quant à la nature et au volume des informations à
publier sont très différentes. Remarquons en premier lieu que, pour cette analyse,
l’information prévisionnelle n’a pas vraiment d’utilité, puisque seul l’examen de l’activité
passée permet de vérifier l’exécution des contrats en vigueur. Quant aux informations
nécessaires, elles sont en nombre réduit et diffèrent selon les parties concernées. Les relations
avec les clients et fournisseurs se satisfont du simple contrôle de l’exécution des prestations et
161 Pascal DUMONTIER et Bernard RAFFOURNIER, in « L’information comptable, pour qui ? pour quoi ? », Mars 1989, Revue Française de Gestion. 162 Pascal DUMONTIER et Bernard RAFFOURNIER, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
80
du suivi des règlements. A l’origine, d’ailleurs, l’obligation de tenir une comptabilité avait
pour but de permettre la résolution des litiges entre commerçants.
Pour leur part, les actionnaires voudront s’assurer que les gestionnaires ne profitent pas du
mandat qui leur est confié pour détourner à leur profit une partie de la richesse de la firme. Ils
s’intéresseront donc à toutes les rémunérations directes et indirectes perçues par les
dirigeants. Ils seront également attentifs à la nature et au montant des frais généraux, ceux-ci
pouvant représenter des dépenses d’intérêt personnel des gestionnaires. En cas
d’intéressement des dirigeants aux résultats de la firme, la vérification du mode de calcul de
ces résultats revêtira une importance particulière.
Quant aux créanciers, leur crainte principale est que les actionnaires s’approprient à leurs
dépens l’essentiel de la richesse de la firme. C’est pourquoi dans certains pays, notamment
aux Etats-Unis et au Canada, les contrats de prêts sont fréquemment assortis de clauses
restrictives limitant l’autonomie des gestionnaires. Même en l’absence de telles dispositions,
les créanciers porteront une attention particulière aux dividendes, veillant à ce que ces
distributions n’amputent pas le capital économique de l’entreprise. Ils seront également
sensibles aux cessions d’actifs, les actionnaires pouvant par ce biais vider de sa substance la
garantie des créanciers. L’accroissement du risque de l’entreprise leur est également
dommageable car elle accroît leur probabilité de non-remboursement sans les associer aux
bénéfices correspondants. Ils accorderont donc une attention particulière aux investissements
de l’entreprise et en particulier aux prises de participations, qui peuvent être un moyen simple
et rapide d’acquérir des actifs risqués. Ils ont également tout à perdre d’un accroissement du
niveau d’endettement de l’entreprise. Ils seront donc sensibles au maintien d’un équilibre
entre les émissions et les remboursements d’emprunts.
Bien que l’établissement trop tardif des comptes puisse permettre au mandataire de détourner
à son profit la richesse de la firme avant que le mandant ne s’en aperçoive, l’exigence de
rapidité est moins vive que pour la conception prédictive de la comptabilité. Pour le contrôle
des contrats en cours, l’exactitude et la fiabilité de l’information importent plus que sa
rapidité d’obtention.
Pour que l’information financière soit utile à l’investisseur, il faut que les principes
comptables soient suffisamment souples. Le comptable doit pouvoir choisir, parmi toutes les
méthodes, celle qui donnera l’image la plus conforme à la situation réelle de l’entreprise.
Cette conception s’oppose donc à la standardisation et milite au contraire pour la multiplicité
des méthodes.
La comptabilité doit aussi pouvoir s’adapter sans délai à l’évolution de la réalité économique.
Les changements de méthodes doivent donc être permis sans conditions particulières. Les
évaluations doivent tenir compte des fluctuations de l’unité monétaire. Une comptabilité en
valeurs actuelles apparaît préférable à la comptabilité classique aux coûts historiques, même
si certaines études ont montré un manque d’intérêt des investisseurs pour des documents
comptables corrigés des effets de l’inflation. Enfin, il importe que l’information produite ne
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
81
soit pas systématiquement biaisée par une vision particulière de la réalité. Ainsi, la règle de
prudence, qui aboutit à donner une image pessimiste de la situation de l’entreprise, n’est pas
justifiée. Il convient au contraire de laisser aux dirigeants l’appréciation raisonnée des risques
de leur entreprise car ils sont les mieux placés pour cela.
Les entreprises pourront bien sûr tirer parti de la grande liberté qui leur est laissée pour
essayer de tromper les investisseurs. Néanmoins, selon cette conception, il est douteux
qu’elles y parviennent car le marché devrait facilement rétablir la vérité grâce aux autres
informations dont il dispose.
Ce laisser-faire n’est pas compatible avec la conception contractuelle. Etant donné que la
comptabilité sert de preuve au respect des contrats existants, le bon fonctionnement du
système impose que l’information fournie soit objective et aisément vérifiable, d’où la
nécessité de limiter, par un certain nombre de normes, les options offertes au comptable. Cette
exigence est d’autant plus vive qu’une des parties dispose généralement du monopole de
production de l’information.
Il convient notamment de privilégier l’utilisation des méthodes comptables les plus courantes,
parce qu’elles sont compréhensibles par tous et que leur choix ne peut être suspecté. La
comptabilité aux coûts historiques, en particulier, apparaît préférable car elle évite l’arbitraire
dans la détermination des valeurs réévaluées. De plus, elle est facilement contrôlable (à partir
de pièces comptables : factures, etc.) et donc opposable aux tiers.
De même, la règle de prudence est commode car elle réduit le degré de subjectivité dans
l’évaluation des résultats. Le principe de permanence des méthodes apparaît fondamental car
il empêche les producteurs de l’information d’occulter d’éventuels détournements de richesse
par le jeu de modifications comptables. Il évite également que les dirigeants utilisent ces
changements pour tenter de s’affranchir des éventuelles clauses restrictives.
Les deux conceptions de la comptabilité aboutissent, comme développées précédemment, à des choix souvent opposés. En résumé, l’utilisation contractuelle exige
une réglementation précise, alors que l’approche prédictive plaide, au contraire, pour un plus grand libéralisme. L’harmonisation comptable a toujours défendu l’unicité des états
financiers, toutefois nous nous demandons si la solution de cette crise de la comptabilité ne
résulte pas d’un double jeu des états de synthèse qui répondraient aux deux dimensions
présentées précédemment, presque comme l’avait admis Alain Savary163 dans son livre « le
parfait négociant », il y a trois siècles et demie. Dans ce sens, nous estimons que l’unicité des
états de synthèse n’est pas axiomatique.
163 Jacques RICHARD, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
39
222... AAANNNAAA LLL YYYSSSEEE DDDUUU CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT DDDEEE LLL ’’’ III MMM AAAGGGEEE FFFIII DDDEEELLL EEE...
Nous avons préféré développer dans une première sous-section l’obligation d’ajouter des
informations complémentaires lorsque les états de synthèse ne donnent pas une image fidèle,
et également le cas de la dérogation à l’image fidèle. La deuxième sous-section traitera de la
signification de l’image fidèle selon trois visions.
222...111... LLL EEESSS OOOBBBLLL III GGGAAATTT III OOONNNSSS DDDEEE DDDEEEPPPAAASSSSSSEEEMMM EEENNNTTT DDDEEE LLL AAA PPPRRREEESSSOOOMMM PPPTTT III OOONNN DDDEEE
FFFIII DDDEEELLL III TTTEEE...
Selon le CGNC les règles comptables appliquées de bonne foi fournissent une présomption71
de fidélité. « Toutefois dans des cas exceptionnels, il convient de déroger aux dispositions de
la norme, pour tenter d’atteindre cette fidélité. Le plus souvent néanmoins, il suffira de fournir
dans l’ETIC des informations complémentaires. »
Ces exceptions accessoires à la présomption précédente ont été introduites au Maroc en même
temps que la notion principale de l’image fidèle, premièrement par le CGNC puis à travers la
loi n° 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants. Il nous semble qu’une
décennie et demie après la promulgation de cette loi comptable, les exceptions précédentes
demeurent très mal comprises par la profession comptable dans la mesure où ces concepts qui
sont traités rarement par la doctrine ou par la jurisprudence, sont formulés de manière très
floue. Nous essayerons ci-après d’exposer les points de vue des rares auteurs qui se sont
aventurés dans le traitement de la question.
Notons tout d’abords que, selon Pasqualini, l’introduction de ces notions a troublé les
comptables au plus haut point « Cet étonnement était excessif et n’aurait pas dû être le fait de
juriste, ne serait-ce qu’en raison de l’antécédent connu par le droit maritime : le good
seamanship, c’est-à-dire le sens marin, l’emporte dans diverses situations sur le respect des
règles de conduite du navire selon le règlement international de prévention des abordages en
mer. »72
A partir du tableau présenté à l’annexe A2 (page 217) regroupant la réglementation
marocaine, française, européenne et international traitant de ces exceptions qui permettent
d’aboutir à l’image fidèle, nous avons élaboré un regroupement analytique des éléments clés
de ces dispositions sous la forme d’un tableau73 figurant dans la page suivante.
71 Selon le Code Général de Normalisation Comptable : « Lorsque les opérations, événements et situations sont traduits en comptabilité dans le respect des principes comptables fondamentaux et des prescriptions du Code Général de la Normalisation Comptable, les états de synthèse sont présumés donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de l’entreprise. » ou encore « La Norme est en effet conçue de telle sorte que l’application de ses règles conduise et suffise a priori pour l’obtention d’une image fidèle. » 72 Pasqualini cit. op, citant Emmanuel du PONTAVICE in, « La notion d’image fidèle dans les comptes des sociétés françaises, depuis la mise en harmonie de la loi sur les sociétés commerciales avec la quatrième directive. ». 73 Il est à signaler, que nous avons procédé à la substitution des termes comptables standards employés par les réglementations étrangères qui différent qu’au niveau sémantique des termes marocains (sens identique).
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
40
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
41
Nous allons essayer de traiter successivement dans le reste de cette sous-section les éléments
définis dans le tableau cité précédemment.
222...111...111... LLL ’’’ AAAJJJOOOUUUTTT DDD’’’ III NNNFFFOOORRRMMM AAATTT III OOONNNSSS CCCOOOMMM PPPLLL EEEMMM EEENNNTTT AAAIII RRREEESSS...
Elément 1 : « Prescriptions comptables ».
On remarque que la loi marocaine et le CGNC ont utilisé une formulation identique à la loi
française. « Le législateur français, par son imprécision linguistique, a compliqué la situation
posée très simplement par la directive européenne qui se contenait de prévoir des dérogations
à ses dispositions, mais a œuvré dans la voie d’une bonne information. »74
Par l’emploi de l’expression « prescription comptable », le législateur marocain soulève une
difficulté d’interprétation. En effet le terme « prescription » ne fait l’objet d’aucune définition
et n’a pas, à proprement parler, un sens juridique. Or les prescriptions comptables sont
aujourd’hui une notion législative. Est-il opportun de leur conférer une portée restrictive ou
extensive ?
Dans la mesure où ce terme n’a pas été défini par aucune des législations précédentes, nous
nous interrogerons dans ce qui suit sur la signification qui lui a été attribué par la doctrine.
Vision restrictive à partir des textes légaux : « Par prescription comptable - terme non
défini - il faut entendre uniquement règles comptables (lois, décrets, arrêtés), terminologie
désormais retenue dans le PCG (art. 120-2) ; les recommandations de l’ensemble de la
doctrine et les commentaires faits dans les guides comptables professionnels, n’ayant pas
valeur de règle, ne sont donc pas visés. »75.
Vision restrictive à partir du caractère obligatoire : « Un auteur proposa de les
considérer comme englobant tout ce qu’il est susceptible de juger obligatoire, sans que des
limites précises soient fixées. »76 Il apparaît qu’il faut réunir sous le vocable
« prescriptions comptables » les lois et décrets régissant la matière, les différents plans
comptables approuvés par les arrêtés et les autres textes émanant d’organismes ayant un
pouvoir légal dans le domaine de la comptabilité tel que les circulaires de Bank Al -
Maghrib ou du CDVM… ;
Vision Extensive : « La seule donnée qui soit certaine est que, par le substantif
« prescriptions », le législateur a voulu recouvrir des éléments extérieurs aux lois, décrets
et arrêtés. Or plus l’interprète parcourt à rebours l’échelle de la réglementation pour
arriver aux avis et même aux règles de base non dénommées, plus il s’interroge sur
l’exactitude de l’opinion selon laquelle les lois, décrets et arrêtés sont au premier chef
visés par le terme de « prescriptions ». (…) Les parlementaires ont vraisemblablement
songé d’abord à l’immense masse des autres prescriptions, masse immense car la fin du
74 François PASQUALINI, op. cit. 75 Mémento Francis LEFEVBRE, édition 2003. 76 Emmanuel du PONTAVICE, cité par François PASQUALINI, op. cit.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
42
xxe siècle dans les sociétés développées est marquée par une véritable inflation de normes
et recommandations diverses. Il faut envisager les dérogations potentielles dans leur
globalité plutôt que de s’obstiner à ne voir que les dérogations aux dispositions légales. »
77
Pour notre part, nous partageons le dernier avis développé précédemment, et ceci pour les
raisons suivantes :
Nous estimons que si le législateur a voulu sous-entendre une vision restrictive, il aurait
utilisé dans ce cas le terme « disposition » au lieu du terme « prescription » qui n’est pas
défini expressément par la loi 9-88, ni en droit en général ;
La Cour de justice européenne, comme nous l’avons développé auparavant, a essayé de
définir les termes « cas exceptionnels » à l’aide d’une méthode d’interprétation ayant pour
objectif l’image fidèle. Il nous semble qu’en procédant par cette méthode, la portée du
terme « prescription » ne peut être qu’extensive dans la mesure où pour ne pas induire les
lecteurs des états de synthèse en erreur, il faut respecter, à notre avis, les textes que les
lecteurs ont cru en leur force obligatoire et ont estimé que l’entreprise les prend déjà en
comptes (exemple le CGNC : texte non approuvé par arrêté et recommandé par un simple
avis du CNC) ;
Elément 2 : « ne suffit pas à obtenir l’image fidèle ».
L’élément 2 se rapproche dans sa formulation de l’élément 3 de la dérogation à l’image fidèle.
La question est de savoir que veut dire une disposition insuffisante pour pouvoir la distinguer
de la prescription qui « ne permet pas » de donner une image fidèle.
Le Mémento Francis Lefebvre a entrepris cette distinction à travers la définition des « cas
exceptionnels » (le premier élément de la dérogation à l’image fidèle, tel que précisé dans le
tableau précèdent figurant à la page 40). Pour notre part, nous ne partageons pas totalement
cet avis. Nous allons ci-après essayer d’éclaircir notre vision des choses.
Il nous semble que cette disposition s’insère en premier lieu dans le cadre de la bonne
information supposée par le concept de l’image fidèle. L’application de bonne foi ou encore
entant que bon père de famille, des prescriptions comptables n’est pas totalement garante
d’une information comptable qui n’entraîne pas les lecteurs en erreur. On parlera dans ce cas,
nous semble-t-il, d’une forme de « dol » comptable.
Toutes les réglementations modernes ont accordé, ces dernières décennies, à l’ETIC une place
importante parmi les autres états. Il nous semble que cette constatation est due à la
reconnaissance de l’insuffisance des informations dégagées par les autres états, qui
nécessiteraient pour être bien comprises, des informations complémentaires. Les
normalisateurs s’activent à prévoir un minimum d’informations indispensables pour une
77 François PASCALINI, op. cit, citant en partie Jacques Caudron, in « L’image fidèle. Miroir ou mirage ? Les difficultés pratiques d’une notion fondamentale. ».
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
43
bonne compréhension des informations dégagées par les autres états. Toutefois ces
régulateurs ne peuvent pas prévoir toutes les informations nécessaires dans des cas
particuliers, essentiellement pour les raisons suivantes :
On ne peut pas encombrer les lecteurs par des informations qui seront estimées
nécessaires, que dans les cas particuliers ;
On ne peut pas exiger des rédacteurs des comptes un nombre très important
d’informations dans la mesure où un encombrement excessif aboutirait à un dépérissement
de la qualité des informations dégagées78 ;
La réglementation comptable sous ses différentes composantes est établie à des instants
« ti ». Aux instants « ti +1 », il se peut qu’il y est des situations nouvelles auxquelles les
normalisateurs ne pouvaient pas être en mesure de les prévoir aux instants « ti ».
A notre avis, il nous semble que cette obligation de fournir des informations
complémentaires, est à prescrire dans les cas où l’image comptable normalisée nécessiterait
pour ne pas induire à un « dol » comptable, des informations supplémentaires pour éclaircir
les points importants sur lesquelles les lecteurs seraient amenés à baser leurs décisions. Par
exemple des charges ou des produits non courants « qui du fait de ce caractère et de leur
importance sur les comptes de l’exercice, nécessiteraient un complément d’information (sur
leur origine, les modalités de leur détermination…) »79
L’arrêt relatif aux contrats de portage, cité auparavant, fourni lui aussi un bon exemple. Dans
ce cadre nous sommes amenés à nous demander du traitement à adopter pour des contrats de
portage conclus sous cette appellation par des sociétés marocaines (cas constatés réellement
en pratique) où aucun régime juridique particulier n’est prévu pour ce type d’opération. La
Cour française s’est prononcée de façon très judicieuse pour une insuffisance des
informations complémentaires, au lieu d’envisager la nécessité de dérogation à l’image fidèle
très plausible dans ce cas précis.
Selon le CGNC : « Pour être pertinentes, les informations de l’ETIC doivent être d’une
importance significative, c’est-à-dire susceptibles d’influencer l’opinion que peuvent avoir les
lecteurs des états de synthèse ». Il nous semble que cette phrase assez explicite démontre
l’importance que doit revêtir l’information complémentaire pour que son ajout soit
obligatoire.
Elément 3 : fourniture des informations complémentaires.
Les modèles des états de synthèse rigoureusement réglementés par la loi n° 9-88 relative aux
obligations comptables des commerçants ne comportent pas à une place précise pour les
78 Un des conseiller de l’ancien président Américain Reagan avait prouvé que la courbe des rentrées fiscales par rapport aux taux de l’impôt est sous une forme de U inversée. Il nous semble que ce modèle des rentrées fiscales est applicable à ce cas précis. 79 Abdelkader MASNAOUI, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
44
informations complémentaires. Le CGNC et le code de commerce français ont précisé qu’ils
doivent être mentionnés au niveau de l’ETIC.
Selon le cinquième alinéa de l’article 10 de la loi n° 9-88 : « L’état des informations
complémentaires complète et commente l’information donnée par le bilan, le compte de
produits et charges, l’état des soldes de gestion et le tableau de financement. » Selon la
doctrine marocaine les informations que le rédacteur des comptes juge nécessaire d’ajouter
pour donner une image fidèle, doivent être insérées dans l’ETIC80.
Le législateur marocain a utilisé des formulations presque identiques aux formulations
françaises mais n’a pas cité expressément que les informations complémentaires doivent être
ajoutées à l’ETIC. Il nous semble que dans ce cas précis, les deux interprétations suivantes
peuvent être envisagées :
Soit, que le législateur a jugé que cette mention est superflue ou redondante dans la
mesure où il ne peut s’agir que de l’ETIC. Cette interprétation se base sur l’article 10 cité
précédemment qui utilise aussi le terme « complète » ;
Soit, que le législateur a considéré que les états de synthèse formant un tout indissociable
(article 9) peuvent être concernés indifféremment par cette mention. Cette interprétation
entraînera une interprétation restrictive de l’alinéa 5 de l’article 10 qui considérera que la
définition légale de l’ETIC vise cet état dans le cadre des informations normalisées.
Pour notre part, nous préférons opter pour cette deuxième interprétation, plus large, qui nous
semble correspondre à l’intention présumée du législateur, et aussi à l’objectif de l’image
fidèle qui n’exige pas un certain formalisme rigoureux mais en premier lieu l’existence des
informations répondant fidèlement aux attentes des utilisateurs.
Les états de synthèse sont formés d’un ensemble de tableaux qui ne comportent nullement de
place aux informations complémentaires. Ce constat nous amène à nous interroger sur
l’adaptation pratique faite par les professionnels pour surmonter ce silence de la loi. Nous
aborderons en premier des exemples tirés de la pratique pour ensuite nous prononcer sur une
formulation d’une solution généralisée.
Ajout d’état comptable : Les professionnels comptables marocains recourent en général
à l’ajout d’un état B15 relatif aux passifs exigibles qui n’est pas prévu par l’annexe de la
loi 9-88. Cet ajout correspond donc à une pure invention des professionnels ;
Modification d’état comptable de l’annexe : L’annexe 14 relatif aux mouvements des
actifs prévus par la circulaire N°04/0081 du CDVM relative aux documents comptables et
financiers exigés des OPCVM ne comportait pas une colonne relative aux intérêts courus.
80 Abdelaziz TALBI et Claude PEROCHON, in « Pour comprendre et utiliser le plan comptable marocain. », 1993, FOUCHER. 81 La Circulaire n°11/06 du CDVM, datée du 20 juillet 2006 a abrogé la circulaire n°04/00 du 4 décembre 2000 et a rectifié cette anomalie de l’annexe 14.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
45
Les comptables de ce secteur étaient contraints de procéder à une modification de cet état
pour aboutir à une cohérence d’ensemble ;
Ajout d’information sous forme de renvoie en bas de page :
• Au niveau des états financiers autres que l’ETIC : Certaines lois, tel que la loi sur
les OPCVM, prévoient que le premier exercice peut durer jusqu’à 18 mois. La
présentation des colonnes des états comptables sous la forme « exercice n » et
« exercice n +1 » peut aboutir à un dol des lecteurs. Certains professionnels estiment
qu’un renvoi, énonçant les durées des deux exercices, est nécessaire dans ce cas ;
• Au niveau de l’ETIC : Certains rédacteurs des comptes procèdent à des renvois dans
l’état relatif aux titres de participation pour expliquer dans certains cas la méthode
d’évaluation utilisée, les difficultés auxquelles ces sociétés peuvent faire fassent ou
pourquoi la valeur bilancielle n’a pas été retenue comme méthode d’évaluation…
Il nous semble qu’il n’y a pas de solution généralisée proprement parlée, mais qu’il s’agit
d’une adaptation pratique, qui à notre avis ne peut se faire que par les procédés développés
auparavant dans les exemples précédents.
222...111...222... LLL AAA DDDEEERRROOOGGGAAATTT III OOONNN AAA LLL ’’’ III MMM AAAGGGEEE FFFIII DDDEEELLL EEE...
« Les dérogations sont trop souvent confondues avec les options et les contraventions à la
législation. Déroger ne signifie, ni opter entre deux solutions offertes entant qu’équivalentes
par les textes, ni se rendre coupable d’entorses à la loi, ce qui serait le cas si des contrats de
crédit bail venaient à être immobilisés. L’action de déroger correspond à une présentation
dans l’annexe complémentaire à celle figurant dans les documents chiffrés lorsque plusieurs
critères d’enregistrement sont envisageables. Chaque fois qu’une telle information s’avère
nécessaire pour bien dépeindre la substance de l’entreprise, comprise comme sa réalité
personnalisée. Aussi la formule d’obligation de dérogations est dans une large mesure
exagérée : il n’y a pas de contrainte dans le sens d’une dérogation aux prescriptions
comptables, parce que déroger est la conséquence du devoir de bonne information supposé
par le concept d’image fidèle. La règle est dépassée en se situant dans un plan unique : le
rapport qui l’unit à la dérogation est horizontal et non vertical ; cette dernière reste dans le
cadre du langage comptable positif. Les dirigeants d’une entreprise seraient responsables
d’une entorse au droit sanctionnée s’ils assimilaient leurs fonctions à celle de législateur. »82
Avant d’étudier les éléments constituants cette disposition, notons tout d’abords qu’elle est presque non appliquée dans la pratique marocaine. Ce curieux constat nous amène à nous demander sur les raisons implicites de cette situation. Nous avons essayé de les résumer dans les éléments suivants :
Cette disposition n’est pas enseignée dans le cursus universitaire ou dans le cycle
d’expertise comptable, comme d’ailleurs pour l’image fidèle qui est simplement citée
82 François PASCALINI, op. cit.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
46
comme postulat de base. Au Maroc nous ne disposons premièrement pas de diplôme de
deuxième cycle spécialisé en comptabilité, à l’exception des cycles étrangers délocalisés,
deuxièmement dans ces cycles universitaires marocains le nombre de matières liées à la
comptabilité est très restreint et ne fait généralement même pas mention au CGNC83 ;
Cette disposition est citée exceptionnellement dans la doctrine marocaine ou française ;
Il nous semble que la raison principale84 qui peut véritablement expliquer cette situation
découle d’une application de la théorie des conventions85. Les rédacteurs des comptes
dans une approche prudente qui ne les dégage pas de leurs responsabilités, anticipent la
non-conformité de la profession à cette disposition, et se cantonnent à une stricte
application de la réglementation comptable86. Dans certains cas, les dérogations
comptables, si elles devaient être envisagées, peuvent avoir une répercussion fiscale. Il
nous semble que cette disposition ne peut être véritablement appliquée en pratique que si
l’administration lui accorde la neutralité fiscale. Pourquoi un dirigeant dérogerait à un
cadre réglementaire pour aboutir à l’image fidèle (hypothèse : le dirigeant est conscient de
la nécessité d’une dérogation dans une situation spécifique particulière) dans le cas où il y
aurait une répercussion fiscale importante ? Dans une vision pragmatique, ce dirigeant ne
tiendra pas compte du délit de présentation des états de synthèse ne donnant pas une
image fidèle parce qu’il estimera la double faible probabilité, premièrement qu’un tiers lui
intente un procès ayant pour objet les comptes et deuxièmement que le juge applique cette
disposition qui est très rarement soulevée par la jurisprudence même en France. Une étude
récente publiée dans un quotidien marocain fait mention d’un grand pourcentage de bilans
déposés qui ne sont pas équilibrés. Face à ce constat notre dirigeant s’estimera heureux
d’avoir établit un bilan équilibré même s’il ne présente pas une image fidèle.
Elément 1 : situations spécifiques.
Le CGNC ne s’est pas aventuré dans une définition des termes qu’il a emprunté aux modèles
français et européen, dans la mesure qu’il serait erroné du point de vue de l’interprétation de
l’image fidèle qu’il n’a pas expressément définie, et contraire au droit, d’établir en dehors de
83 Rares sont les personnes qui disposent d’une version officielle du CGNC, comme d’ailleurs d’une photocopie. Comment est-il concevable de se conformer à quelque chose dont la publication a été réalisée de façon très restreinte ou dont on ignore même l’existence ? Cette situation ne concerne pas exclusivement le CGNC mais tous les autres plans sectoriels. Sur un plan juridique formel, on ne peut pas parler d’une diffusion insuffisante d’une loi, parce que dès sa publication au bulletin officiel, personne ne peut se prévaloir de son ignorance de la loi, et de ce fait à la loi 9-88. A notre avis les lois ne sont appliquées de façon très généralisée en pratique qu’après leurs traitements par la doctrine qui s’attache à en vulgariser le contenu et a assurer une diffusion large d’un contenu facilement applicable en pratique. 84 Nous avons considéré les précédents éléments comme accessoires dans la mesure où nous estimons que l’état A3 joint aux liasses comptable et fiscale permet d’assurer une diffusion large de l’existence de cette disposition. 85 Cette théorie sera expliquée de façon très détaillée dans le deuxième chapitre de la deuxième partie. 86 Un exemple pourrait être données : La réévaluation prévue par la loi comptable n’a presque jamais été mise en œuvre, parce que les rédacteurs des comptes ont toujours eu peur des répercussions fiscales. Une timide application, néanmoins limitée dans le temps, a eu lieu lorsque cette disposition a été prévue par une loi de finance. La réponse de l’administration fiscale publiée dans le site du ministère des finances affirmant le caractère presque neutre de la réévaluation n’a pas véritablement changé les mœurs dans la mesure où les coefficients de réévaluation n’ont pas été prévus.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
47
toute hypothèse concrète une liste de situations dans les quelles la dérogation s’imposerait
sauf preuve contraire.
De même, les lois marocaine et française n’ont pas procédé à une définition expresse de ces
termes. Selon la doctrine française les termes « cas exceptionnels »87 sont des situations
spécifiques issues d’un événement :
Spécifique à l’entreprise et limitée dans le temps : Selon le CNCC « une dérogation ne
peut être appliquée de manière permanente par une entreprise pour satisfaire à une
particularité propre en fait à son secteur d’activité et non visée par la réglementation
comptable professionnelle du secteur concerné. »88 « Cette particularité s’analyse
uniquement par référence à l’entreprise ; elle présente une particularité qui, par essence
n’est pas commune à toutes les entreprises d’un secteur ou d’une branche d’activité ou à
une partie d’entre elles »89 ;
De caractère significatif : Il faut qu’il y « ait un impact significatif sur le patrimoine, la
situation financière et le résultat de l’entreprise »90 ;
Et dont le traitement n’a pas été prévu par le législateur91 : « Le facteur justificatif de
la démarche dérogatoire doit avoir été imprévisible à l’époque où la prescription a été
édictée. »92
Selon Francis LEFEBVRE : « Il s’agit, nous semble-t-il, de cas où la réalité économique de
l’opération serait totalement dénaturée par une traduction purement juridique. (…) Dans ces
conditions, en pratique, lorsque l’application des règles comptables ne permet pas d’obtenir
une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise, cette dernière ne pourra pas déroger (sauf cas exceptionnels) à la règle mais, aura à fournir, en
revanche, des informations en annexe. »93
M. Masnaoui estime pour sa part que la vision de la doctrine précédente est très restrictive
dans la mesure où elle envisage que les situations spécifiques, à une entreprise ayant un
caractère permanent en raison de son secteur d’activité, ne peuvent donner lieu à une
dérogation. « L’application de cette position dans le contexte marocain serait discutable au
moins pour deux raisons :
87 Terme que nous avons jugé synonyme au terme marocain. Le législateur marocain qui s’est largement inspiré de la législation française a opté pour un terme aussi vague que le terme français sans en définir expressément la portée, ce qui nous amène a nous interroger sur l’utilité d’une telle innovation linguistique, qui ne prête à notre sens qu’à d’avantage de confusions. 88 Bulletin CNCC n° 73, mars 1989, in www.cncc.fr. 89 François PASCALINI, op. cit. 90 François PASCALINI, op. cit. 91 Mémento Francis LEFEVBRE, édition 2003, citant Cormaille DE VALBRAY, RFC n°150, octobre 1984. 92 François PASQUALINI, op. cit. 93 Mémento Francis LEFEVBRE, édition 2003.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
48
L’article 19 de la loi ouvre la possibilité de dérogation, du seul fait de l’existence de toute
situation spécifique, qu’elle soit de caractère permanent ou ponctuel94, pourvu que la
dérogation puisse amener effectivement les états de synthèse à donner l’image la plus
fidèle possible ;
Notre Conseil National de la Comptabilité, étant de création toute récente, n’a pas encore
été en mesure de proposer des réglementations particulières qui répondent à des situations
spécifiques de caractère permanent liées à la nature de certains secteurs d’activité.
C’est pourquoi, il nous parait indiqué de nous éloigner de l’interprétation européenne à ce
sujet et d’admettre toute dérogation justifiée et estimée nécessaire par le chef d’entreprise,
sous sa responsabilité, à condition qu’il se conforme aux dispositions de l’article 19 de la loi
et qu’il l’applique de manière constante d’un exercice à l’autre. »
Pour notre part, il nous semble que les trois critères précédemment identifiés, découlent des
trois formes d’interprétation suivantes :
Critère 1 : Interprétation à partir du souci de comparabilité spatiale ;
Critère 2 : Interprétation à partir du principe de l’importance significative ;
Critère 3 : Interprétation exégétique95.
Le fait de retenir les critères précédents, revient à notre avis à dire que cette disposition
n’aurait même pas du être prévue. Il nous semble que, premièrement cette disposition est le
corollaire de l’image fidèle, et deuxièmement si nous l’envisageons sous une forme différente
de la première, c’est en quelque sorte la dénaturer en lui ajoutant le substantif « présumée ».
A notre avis, la définition adoptée par la Cour de justice européenne développée
précédemment est la mieux adaptée dans ce cas d’espèce (sous section précédente).
Il est à noter que cette disposition, nous semble, non applicable dans des cas où elle serait
antinomique avec des axiomes prévus par la loi (tel que l’intangibilité du bilan, la
comptabilité d’engagement ou la non-comptabilisation du crédit bail dans l’actif 96…).
Elément 4 : « peut déroger ».
Nous n’avons pas développé le deuxième élément dans la mesure où il est identique au
premier élément du cas de « l’ajout des informations complémentaires ». De plus, le troisième
élément sera traité simultanément avec le cinquième élément.
94 La doctrine française recommande en général une interprétation restrictive. Il nous semble que la condition de la limitation dans le temps découle essentiellement du terme « exceptionnel » utilisé par le texte. 95 Cette méthode sera étudiée en détail dans le premier chapitre de la deuxième partie. 96 Nous avons considéré ce cas comme axiomatique parce que le législateur s’est obstiné à prévoir un état spécialement réservé à ce mode de financement qui nous semble permettre un retraitement facile. Procéder à une immobilisation du crédit bail par l’usage de la dérogation peut aboutir à notre avis à un « dol comptable », dans la mesure où les lecteurs sont habitués a procédé systématiquement à ce retraitement, ce qui entraîne un risque de prise en compte double.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
49
La loi comptable a utilisé le terme « peut »97 alors que le CGNC a utilisé le terme « doit ».
Dans ce cas précis, on va appliquer les règles générales d’antinomies.
La loi 9-88 par rapport au CGNC, est plus restreinte dans ses champs d’application, a été
promulguée postérieurement, et lui est juridiquement supérieure hiérarchiquement. Dans ce
cas le « peut » devrait prévaloir. Si nous envisageons la loi n° 9-88 par rapport aux différents
plans comptables marocains, nous obtiendrons le tableau suivant :
L’opération précédente devient plus compliquée si nous l’envisageons entre la loi comptable
et la loi sur les sociétés anonymes ou la loi sur les sociétés en nom collectif… Les lois
précédentes prévoient une sanction pour les états de synthèse ne donnant pas une image
fidèle. Cette disposition devient antinomique avec le terme « peut » de la loi n° 9-88 dans le
cas où la dérogation est envisagée comme corollaire de l’image fidèle. Il nous semble que ces
97 « La loi, enseignait déjà le jurisconsulte romain Modestin, non seulement commande, défend et punit mais permet aussi. Précisément, les règles permissives sont celles qui se bornent à proclamer une certaine liberté, à reconnaître à telle ou telle personne ou classe de personnes la faculté de faire ou de ne pas faire quelque chose. (…) De prime abord, l’expression de règles permissive semble receler un paradoxe. En effet, la coexistence même de la norme, ce qui détermine, et de la permission, ce qui est indéterminé, ne peut soulever des délicats problèmes logique. Dès lors, certains considèrent que la principale caractéristique de la norme permissive est d’être dépourvue de tout caractère obligatoire, celle-ci ne faisant pas naître d’obligation à la charge de son destinataire qui est libre d’user ou non de la faculté qui lui est attribuée. (…) La pensée juridique s’est toujours efforcée de retrouver, derrière le permis, l’obligatoire. Plusieurs facteurs y contribuent. Il est très généralement admis que la règle permissive fait naître une obligation à l’égard non pas à de ses bénéficiaires, mais des tiers, lesquels ne peuvent faire obstacle à la permission ou les facultés reconnues. » Cécile PERES-DOURDOU, in « La règle supplétive. », 2004, Libr. Générale de droit et de jurisprudence, Paris, p129 à p132.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
50
textes de lois de niveaux hiérarchiques égaux, sont postérieurs et plus spécifiques que la loi
n° 9-88, et de ce fait militent en faveur du « doit ». L’opération n’est pas pour autant résolue :
plusieurs secteurs particuliers sont exclus du champs d’application de la loi n° 9-88 soit
expressément par une autre loi, soit par le champs d’application de la loi n° 9-88 elle-même.
Il nous semble que dans certains cas particuliers, l’interprétation par l’objectif de l’image
fidèle (principe largement admis en comptabilité même dans le cas où il n’aurait pas été prévu
expressément par un texte particulier applicable au cas d’espèce) militerait dans toutes les
situations a une prévalence juridique du « doit ».
Elément 5 : « mentionnée dans l’ETIC et dûment motivée ».
Dans la mesure où la dérogation a un effet sur les comptes utilisées ou/et sur les montant
comptabilisées, le devoir de bonne information supposé par l’objectif de l’image fidèle exige
que l’influence de la dérogation soit indiquée. Dans ce sens le CGNC, la loi n° 9-88 et le
décret fiscal, à l’instar du modèle français, ont prévu que cette dérogation doit être
mentionnée au niveau de l’ETIC et dûment motivée, avec l’indication de son influence sur le
patrimoine, la situation financière et le résultat de l’entreprise.
L’état A3 distingue les trois formes de dérogation suivantes :
Dérogations aux principes comptables fondamentaux ;
Dérogations aux méthodes d’évaluation ;
Dérogations aux règles d’établissement et de présentation des états de synthèse.
Nous nous sommes précédemment prononcés pour la non-possibilité de dérogation aux
axiomes comptables tel que l’intangibilité du bilan qui résultent de choix cadre implicite du
législateur dans sa conception de la comptabilité. Les trois formes de dérogations prévues par
cet état excluent les axiomes, ce qui prouve l’affirmation précédente ; sinon il faut prévoir une
dérogation à l’état A3 dans l’état A3.
Il est à noter que l’estimation de l’influence sur le patrimoine, la situation financière et le
résultat de l’entreprise de la dérogation peuvent dans certain cas être très difficile, parce
qu’elle suppose que l’entreprise procédera à une passation fictive de toutes les opérations
concernées par les dérogations. Il nous semble que la troisième forme de dérogation prévue
par l’état A3 ne découle pas du quatrième alinéa de l’article 11 mais plutôt du deuxième
alinéa98, où le législateur a prévu que les états de synthèse doivent comprendre autant
d’informations qu’il est nécessaire pour donner une image fidèle : à notre avis, il s’agit d’une
obligation générale, dont le législateur n’a pas jugé bon d’indiquer quand il faut l’appliquer,
qui permet en outre d’ajouter « autant de « postes » que l’exigent les besoins de l’information,
dans le cadre des principes de clarté et d’importance significative. »99
98 Si nous considérons la troisième forme de dérogations comme issue de l’alinéa 4, peut-on parler dans ce cas d’indication de l’influence sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l’entreprise. 99 Extrait du CGNC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
51
Toutefois il nous semble que les erreurs et les incohérences contenues dans les modèles des
états de synthèse ne sont visées par l’état A3. Les états de synthèse publiés au bulletin officiel
en langue française en annexe à la loi 9-88 contiennent un certain nombre d’erreurs
manifestes qui ont été rectifiées par la doctrine et les professionnels. Si tel n’était pas le cas,
alors toutes les entreprises marocaines devraient inscrire des dérogations dans l’état A3.
222...222... RRREEEFFFLLL EEEXXXIII OOONNN AAA UUUTTTOOOUUURRR DDDEEE LLL AAA SSSIII GGGNNNIII FFFIII CCCAAATTT III OOONNN DDDUUU CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT RRROOOMMM AAANNNOOO---
GGGEEERRRMMM AAANNNIII QQQUUUEEE DDDEEE ««« TTT RRRUUUEEE AAANNNDDD FFFAAAIII RRR VVV III EEEWWW »»»...
L’image fidèle est le pivot de la doctrine comptable nouvelle et confère au CGNC sa véritable
portée, c’est-à-dire celle d’un ouvrage de doctrine laissant apparaître une philosophie axée
autour de trois éléments essentiels :
Une explication claire des principes comptables et des règles d’évaluation ;
Une adaptation étroite à la réalité actuelle des entreprises et aux besoins des analystes ;
Une souplesse du système d’information comptable en fonction de la taille des
entreprises.
Aucune définition précise n’est encore attribuée au concept importé de l’image fidèle. Le
terme, introduit par la 4ème Directive, est imprégné de l’intégralité des traditions comptables
anglo-saxonnes qui consistent à adopter un modèle comptable d’établissement, de
présentation, et d’évaluation, avec comme référentiel, un ensemble de principes généralement
admis, laissant toute initiative aux professionnels dans la mise en oeuvre du processus allant
de l’enregistrement des données jusqu’à la diffusion des informations comptables et
financières. Les professionnels marocains ont une démarche complètement différente. « Leur
principale référence est le CGNC, véritable guide dans le processus mentionné
précédemment. Ainsi la notion de « true and fair view » (Image fidèle) perd, au Maroc, son
sens et sa portée. « Avant de calquer ce concept il apparaît nécessaire de le situer dans son
nouveau contexte. Dès lors une série de questions sont débattue dans l’ensemble des
milieux de la comptabilité quant à l’enrichissement ou non des comptes annuels,
l’identification des cas exceptionnels où l’image fidèle jouit de toute sa puissance, la nature de la réalité que doivent représenter les comptes annuels... »100
Dans la présente sous-section nous allons traiter successivement des dimensions
d’appréciation du concept de l’image fidèle puis des trois types d’appréhension de la
signification de ce concept, où nous allons adopter de façon chronologique une maturité de
réflexion. La dernière vision étant celle qui correspond à notre pensée.
100 Aline HONORE, in « Le concept de l’image fidèle comme traduction d’une éthique comptable. », 1999, thèse en sciences de gestion, Université Paris Dauphine.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
52
222...222...111... LLL EEESSS DDDIII MMM EEENNNSSSIII OOONNNSSS DDD’’’ AAAPPPPPPRRREEECCCIII AAATTT III OOONNN DDDUUU CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT DDDEEE LLL ’’’ III MMM AAAGGGEEE ……………...FFFIII DDDEEELLL EEE...
La réglementation marocaine ne définit nulle part le concept de l’image fidèle. « L’originalité
du concept d’image fidèle tient tout à la fois à son absence de définition et aussi au fait qu’il
convient, dans des cas exceptionnels, de déroger aux dispositions de la norme pour tenter
d’atteindre cette fidélité. »101
L’annexe A2 présente les textes marocains, français, européens et internationaux traitant de la
notion de l’image fidèle. Si l’objectif de l’image fidèle est au niveau de sa formulation
identique dans les différentes réglementations, les « dimensions d’appréciation » de l’image
fidèle diffèrent d’une réglementation à une autre. Le tableau ci-dessous présente de façon
synthétisée ces « dimensions d’appréciation » de l’image fidèle.
Nous allons ci-après essayer d’analyser le tableau ci-dessous :
« Patrimoine » ou « actifs et passifs » : Le législateur marocain dans les articles de la loi
n° 9-88 a opté pour le terme « actifs et passifs » au lieu du terme « patrimoine ». Tout en
remarquant la subtilité102 du remplacement de terme, il nous semble qu’il n’y pas de
différence entre ces deux termes, qui sont à notre avis, tout simplement, équivalents. Il est
à noter que les normes IAS ne reconnaissent pas cette dimension, à la quelle ils ont
préféré la dimension comptable de flux de trésorerie, et ce pour des raisons que nous
évoquerons plus tard, dans le deuxième chapitre de cette partie ;
« Situation financière » : Nous remarquons que cette dimension est prise en compte dans
toutes les réglementations ;
« Résultats » ou « performance financière » : A notre avis, le terme de performance
utilisé dans la norme IAS est équivalent au terme « résultat » ;
« Flux de trésorerie » : Cette dimension de l’image fidèle a été prévue uniquement dans
les rapports de certification et les normes IAS. Ce qui nous pousse à nous interroger sur la
source juridique de cette dimension dans les modèles de rapport élaborés par l’Ordre des
Experts Comptables marocain. Le tableau de financement fait partie des états de synthèse
101 CGNC, page 26, volume 1, première partie. 102 L’utilisation du terme patrimoine, suscite le doute sur la prise en compte des dettes. Toutefois il nous semble que la rédaction française ou européenne n’a pas soulevé de problème spécifique d’interprétation de cet article.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
53
et forme avec les autres états un « tout indissociable »103. De ce fait, lorsque les comptes
ont été certifiés par un commissaire aux comptes, cela entraînerait nécessairement que le
tableau de financement a été certifié aussi. Cette certification du tableau de financement
ne peut découler, à notre avis, que selon la dimension des flux de trésorerie qui n’est pas
prise compte dans la législation marocaine, comme d’ailleurs dans les législations
française et européenne.
« La 4ème directive et la loi comptable semblent considérer que le patrimoine (…) et le(s)
résultat(s) de l’entreprise sont des entités, des concepts qu’on ne peut appréhender qu’à
travers une « représentation » imagée. Les éléments qui concourent à la construction de ces
images sont ceux qui figurent, individuellement ou par regroupements, dans les comptes
annuels. Quant à la notion de patrimoine, il est clair qu’elle ne peut être appréhendée qu’à
travers une description plus ou moins précise, pouvant utiliser des techniques variées et
débouchant sur une vision synthétique. »104
222...222...222... PPPRRREEEMMM III EEERRREEE VVV III SSSIII OOONNN DDDUUU CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT DDDEEE LLL ’’’ III MMM AAAGGGEEE FFFIII DDDEEELLL EEE ::: UUUNNNEEE ……..NNNOOOTTT III OOONNN CCCOOONNNFFFUUUSSSEEE LLL III MMM III TTTEEEEEE PPPAAARRR LLL EEE DDDEEERRRAAAIII SSSOOONNNNNNAAABBBLLL EEE DDDAAANNNSSS SSSOOONNN ……..AAAPPPPPPRRREEECCCIII AAA TTT III OOONNN...
Beaucoup d’auteurs ont qualifié le concept de l’image fidèle de concept floue. Nous
présenterons quelques exemples :
« Les normes législatives proposent essentiellement des énoncés de principes qui doivent
être appliquées en les adaptant à chaque situation de fait. Comme si tous et chacun
savaient ce dont il s’agit. »105 ;
« Le principe de l’image fidèle conduit à des prestations qui varient selon les trois cas
suivants :
• Le fait comptable à un montant indiscutable (le débit de 5 f pour tenue d’un compte
courant postal, par exemple), attesté par une pièce justificative ; l’image fidèle
implique que l’on passe ce montant en écriture ; on n’a pas besoin de principe pour
cela dès l’instant où l’on se cramponne à la conviction que la comptabilité est une
technique descriptive et non l’expression d’une vocation artistique ;
• L’écriture dépend d’une décision interne à l’entreprise (durée d’un amortissement,
montant d’une provision, réintégration d’une subvention d’équipement au résultat) ;
dans un monde en ordre, la décision est prise par le responsable de l’entreprise et
appliqués par le comptable ; c’est alors au patron de respecter le principe de l’image
fidèle et ce sont les principes ci-après qui le guideront ;
• L’écriture pose un problème d’évaluation (titres de participations) ; l’image fidèle
s’adresse alors aux auteurs des lois, règlements, et plans applicables en comptabilité et 103 Article 9 de la loi n° 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants. 104 Emmanuel du PONTAVICE cit. op. 105 Philippe THIRY, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
54
exige d’eux qu’ils inventent de bonnes règles. En vérité, le principe de l’image fidèle
ne contient pas grand – chose ; il fait plutôt figure d’introduction à des principes plus
fonctionnels. »106
La conception et la présentation des états de synthèse du plan comptable sont un compromis
des principes comptables codifiés et d’un concept, d’origine anglo-saxonne, importé : l’image
fidèle. Or, ce compromis a fait naître des contradictions et un flou troublant. En effet
comment parler d’image fidèle de la réalité économique lorsqu’un immeuble constituant la
moitié des actifs demeure au bilan pour sa valeur d’origine alors que sur le marché de
l’immobilier il serait probablement évalué différemment, ou encore lorsque des titres
d’OPCVM dont le cours a sensiblement augmenté, sont inscrits avec leur valeur historique107.
Selon Causin108 l’image fidèle est une norme à contenu variable. Dans le cadre de cette étude
nous avons préféré, qualifié l’image fidèle par le terme de « notion confuse », selon la
conception de Perelman, qui à notre sens ne différent pas fondamentalement de la notion de
norme à contenu variable défendu par Causin, dans la mesure où nous estimons que le
précèdent terme envisage les différentes conséquences divergentes de l’interprétation
comptable alors que le terme de « notion confuse » souligne en premier lieu l’incertitude du
contexte de l’interprétation du concept lui-même.
Peut-il y avoir un usage défendable des notions confuses ? Le fait d’utiliser une notion
confuse, sans s’efforcer de la préciser et de la clarifier, ne constitue-t-il pas un abus toujours
condamnable ? Nous allons essayer de répondre aux questions précédentes en tentant
d’éclaircir ce qu’entend Perelman avec les termes « notions confuses ».
Le législateur ne parvenant pas à élaborer un texte précis, introduit une notion confuse, telle
que « l’équité » ou les « bonnes mœurs », en chargeant le juge de décider, dans chaque cas
concret ce qui est, ou n’est pas conforme à l’équité et bonnes mœurs. Le recours à une notion
vague ou confuse augmente, par le fait même, le pouvoir d’interprétation de celui qui doit
l’appliquer.
Le recours à des notions confuses, parfois indispensable en droit interne, s’avère tout à fait
inévitable en droit international public quand la confusion des notions est une condition
106 Henri CULMANN, in « Le plan comptable révisé de 1979. », 1980, Presses universitaires de France, Paris. 107 L’opération de rachat suivi d’une souscription, nul en termes de coûts, qui assure juridiquement la transformation des gains latents en plus-values, est laissée à la discrétion des dirigeants pour moduler leurs résultats en fonction des objectifs poursuivis. 108 « Les normes à contenu variable sont des règles de droit positif dont le contenu est polysémique, c’est-à-dire constitués de notions qui se prêtent à des interprétations littérales ou à des appréciation en fait variées et divergentes. La notion de « faute » et celle de « bonne foi » en sont des exemples classiques en droit civil. En droit pénal, nonobstant également les principes de légalité, d’interprétation stricte et de prudence, les exemples sont également nombreux : ordre public, bonnes mœurs, fraude, volonté de nuire, état de nécessité ou encore légitime défense... En droit comptable les notions importantes d’image fidèle et de juste valeur sont également des exemple typique de notions, par le choix même des termes employés, polysémiques. », Eric CAUSIN, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
55
indispensable pour réaliser l’accord sur un texte109 entre états ayant des idéologies différentes,
si incompatibles.
Dès que le désaccord porte, par exemple, sur le juste ou l’injuste, c’est-à-dire ce que nous
considérons comme des valeurs, et qui s’expriment au moyen de notions confuses, en
l’absence de critères de décision, on doit recourir à la dialectique. Les lieux communs tel que
la justice est préférable à l’injustice, forment le point de départ de raisonnements dialectiques
et rhétoriques visant à obtenir l’adhésion de l’auditoire à certaines thèses controversées. Mais
il est rare qu’une controverse ne s’engage pas quand il s’agit de les appliquer dans des
situations concrètes.
« Le concept de l’image fidèle, est exprimé de ce fait en des termes polysémiques dont une
interprétation et une application souveraines par les juges exposeraient les justiciables au
risque d’arbitraire. Toutefois, « ce risque est contenu par le principe de la légalité des crimes
et délits et surtout par le fait que le droit des comptes lui-même guide l’application de ces
principes a contenu variables par des normes précises qui n’éliminent pas le pouvoir
d’appréciation des entreprises mais, qui en délimitent rigoureusement l’exercice. (…)
L’application usuelle du principe de légalité tend à abandonner, non pas au juge mais aux
entreprises, la marge d’appréciation inhérente aux concepts à contenu variable.»110
Il est à noter que des notions historiques tel que « prudence » ou « sincérité », qui figurent
encore dans la législation, expriment certes la volonté de laisser cette marge d’appréciation
aux entreprises elles-mêmes, mais elle est aussi « le résidu historique d’une époque où la
législation comptable positive n’existait pas et où, dès lors, on devait se contenter d’un
vocabulaire à vocation incantatoire. »111
La comptabilité, loin d’être une science exacte, est un art du consensus. Un bilan, c’est une
histoire de convention. Il n’y a pas de vérité des comptes. « La question est de savoir si on est
dans un compromis acceptable ou pas. »112 Cette conception du compromis acceptable a été
introduite par Perelman113 sous la forme d’un terme plus subtil qu’est « le raisonnable ».
109 « Comment a pu se réaliser, en 1948, l’accord sur le texte de la déclaration universelle des droits de l’homme ? Jacques Maritain, dans son introduction au texte de la déclaration publié par l’Unesco, a signalé que l’on a pu formuler des règles qui diversement justifié par chacun, sont pour les uns et les autres des principes d’action analogiquement communs. En d’autres termes, les signataires se sont mis d’accord sur des textes contenant des notions confuses, susceptibles d’interprétation variées, chacun se réservant le droit de les interpréter à sa façon. Mais le jour où un tribunal, tel que la Cour européenne des droits de l’homme, sera chargé d’appliquer de tels textes, les intentions individuelles des signataires devront s’effacer devant l’interprétation autorisée, qui sera donnée par la Cour. Les notions confuses permettront de concilier l’accord sur des formules avec le désaccord sur leur interprétation. » Chaïm PERELMAN, in « Etudes des logiques juridiques », 1978, E Bruylant, Bruxelles. 110 Eric CAUSIN, cit. op. 111 Eric CAUSIN, cit. op. 112 Matthieu AUTRET et Alfred GALICHON, in « L’information financière en crise. », 2004, Editions Odile Jacob. 113 Chaïm PERELMAN, in « La Raisonnable et le déraisonnable en droit : au-delà du positivisme juridique. », 1984, Libr. Générale de droit et de jurisprudence, Paris.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
56
Selon cet auteur le raisonnable ne renvoie pas à une solution unique, mais implique une
pluralité de solutions possibles ; pourtant il y a une limite à cette intolérance, et c’est le
déraisonnable114 qui n’est pas acceptable. Le vague de certains termes, figurant dans un texte
légal ou réglementaire, donne une latitude à l’interprète, mais à moins de considérer certaines
expressions telles que « intérêt commun », « urgence » ou « équité » comme des formules
vides, il y a des bornes au pouvoir d’appréciation. Tout droit, tout pouvoir légalement protégé
est accordé en vue d’une certaine finalité : le détenteur de ce droit a un pouvoir d’appréciation
quant à la manière dont il l’exerce. Mais aucun droit ne peut s’exercer d’une façon
déraisonnable, car ce qui déraisonnable, n’est pas de droit.
Certains auteurs voient dans cette absence de définition légale une bonne chose, dans la
mesure où elle « risquerait de figer quelque chose d’évolutif. »115 Selon Pasqualini la norme
juridique, produit de l’image fidèle, est une règle de vie et non un principe désincarné qui
renferme en lui une capacité d’évolution et d’adaptation. Pour notre part nous ne partageons
pas totalement cet avis concernant le but de l’absence d’une définition, dans la mesure où
l’absence de définition est susceptible d’être mal assimilé à la fois par les professionnels
comptables et par le juge en cas de litige. Si le législateur n’a pas jugé nécessaire de définir ce
concept, il est du devoir de la doctrine de préciser son sens de façon clair et univoque.
« Quoi qu’il en soit, la réaction dominante à l’égard de l’image fidèle a certainement été une
réaction de crainte peu propice à une juste appréciation de ses caractères. L’image fidèle a été
jugée « un ver dans le fruit » une « trahison organisée », un « loup dans la bergerie »
dangereusement subjectif ou encore comme « un stéréotype élevé au rang de symbole » ne
valant guère mieux que les célèbres « bon père de famille » du droit civil et « chef
d’entreprise prudent et avisé » du droit des sociétés, ne changeant fondamentalement rien à
l’état antérieur du droit et ne correspondant qu’à la traduction terminologique de l’actuelle
tendance à l’inflation de l’information financière destinée au public. »116
En conclusion nous dirons que sous cette vision « l’image fidèle est un concept importé (…),
novateur (…) toutefois inutile sous sa forme présente, en l’absence de consensus sur son
sens et ses implications dans l’ensemble du dispositif actuel. »117
114 « Est déraisonnable ce qui est inadmissible dans une communauté à un moment donné. On en tirera des conséquences dans l’application de la loi. (…) Quand l’application stricte de la lettre de la loi donne lieu à des conséquences inacceptables, parce que iniques, ridicules ou opposées au bon fonctionnement de l’état, on cherchera par tous les moyens, allant jusqu’à la fiction juridique, à éviter ces conséquences déraisonnables. (…) Il y a des cas où le respect strict de la lettre aboutit non à une solution iniques, mais à des conséquences ridicules. (…) Alors que, en droit, les idées de raison et de rationalité ont été rattachées d’une part à un modèle divin, d’autre part à la logique et à la technique efficace, celles du raisonnable et de son opposé, le déraisonnable, sont liées aux réactions du milieu social et à leur évolution. Alors que les notions de « raison » et de « rationalité » se rattachent à des critères bien connus de la tradition philosophique, tels que les idées de vérité, de cohérence et d’efficacité, le raisonnable et le déraisonnable sont liés à une marge d’appréciation admissible et à ce qui, excédant les bornes permises paraît socialement inacceptable. » Chaïm PERELMAN, cit. op. 115 « L’image fidèle, miroir ou mirage », 1984, Revue du commissaire aux comptes, n° 2, cité par Abdelaziz BOUGJA, cit. op. 116 François PASQUALINI, cit. op. 117 Aline HONORE, in « Le concept de l’image fidèle comme traduction d’une éthique comptable. », 1999, thèse en sciences de gestion, Université Paris Dauphine.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
57
222...222...333... DDDEEEUUUXXXIII EEEMMM EEE VVVIII SSSIII OOONNN DDDUUU CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT DDDEEE LLL ’’’ III MMM AAAGGGEEE FFFIII DDDEEELLL EEE ::: UUUNNN
SSSOOOUUUCCCIII DDDEEE TTTRRRAAANNNSSSPPPAAARRREEENNNCCCEEE PPPAAASSSSSSAAANNNTTT PPPAAARRR LLL ’’’ EEETTT III CCC EEENNN
JJJUUUXXXTTT AAAPPPOOOSSSIII TTT III OOONNN AAAUUUXXX NNNOOOTTT III OOONNNSSS DDDEEE RRREEEGGGUUULLL AAARRRIII TTTEEE EEETTT DDDEEE SSSIII NNNCCCEEERRRIII TTT EEE...
Le principe typique de l’univers juridique anglo-saxon, la true and fair view n’a jamais été
défini bien que quotidiennement mise en œuvre. L’esprit latin réclame une analyse de la
notion et paradoxalement du reste, la traduction littérale nous parait beaucoup plus juste que
la fausse traduction qui a été donnée sous le nom de l’image fidèle. « La fidélité est un
concept vague précisément en matière de traduction, comme en matière d’affaires
commerciales ou d’affaires de cœur. Disons qu’il s’agit en notre matière de donner toutes les
valeurs significatives et d’éliminer ce qui n’est pas significatif, la surinformation équivalent,
comme on le sait, à la désinformation. »118
« Le CGNC n’a pas donné de définition à la notion de l’image fidèle, mais il a présenté un
moyen pour l’atteindre. Ce moyen réside dans l’annexe. En effet, celui-ci comporte, à l’instar
des états de synthèse anglo-saxons, des informations complémentaires qui affinent la situation
de l’entreprise. »119 Selon la COB120 « Quelle que soit l’honnêteté de ceux qui préparent les
comptes et les connaissances comptables de leurs lecteurs, les états financiers, si bien agencés
soient-ils, ne peuvent communiquer par eux-mêmes l’image fidèle dont ils ont besoin et à
laquelle ont droit leurs utilisateurs. C’est pourquoi les bilans et comptes de résultats ne
peuvent remplir utilement l’objet d’information qui leur est assigné que s’ils sont
accompagnés de notes annexes ».
Toutefois, si l’ETIC joue un rôle important pour la production d’une image fidèle de
l’entreprise, ça ne doit pas être le remède. Il est destiné à compléter le bilan et le compte de
résultat et non à s’y substituer ou à justifier leurs insuffisances. L’information financière, pour
être compréhensible au plus grand nombre, doit être synthétique et limitée aux aspects
importants. De longs commentaires allant à l’encontre de l’objectif recherché, l’ETIC ne doit
donc pas s’égarer dans les explications sur les motifs de l’utilisation éventuelle, dans le bilan,
de règles qui ne permettent pas d’en donner une image fidèle.
Toutefois « Le souci de transparence n’est pas véritablement entré dans les mœurs, et
l’amélioration de l’information externe reste soumise aux exigences réglementaires. »121 Sous
cette vision coercitive, l’obligation de fournir des informations complémentaires apparaît
comme une lourde responsabilité qui pèse sur les rédacteurs des comptes et en même temps
sur les commissaires aux comptes qui certifient ces états de synthèse.
118 Emmanuel du PONTAVICE, cit. op. 119 Abdelilah HASSAN, in « Plan comptable marocain et français, états de synthèse. », 1989, Revue Banques et Entreprises, n° 21-22. 120 Bulletin de la Commission des Opérations de Bourse française (COB), février 1974, n° 57, cité par Eric CAUSIN cit. op. 121 Monique HINARD, in « Effets de la réglementation sur la nature de l’information. », in Revue Française de gestion, n°60, 1986, p 61.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
58
L’image fidèle apparaît non comme un principe comptable fondamental supplémentaire, mais
« comme la convergence des principes retenus. »122 Ainsi l’image fidèle suppose l’application
« d’une règle du jeu constituée par les différents principes comptables. »123 Selon le
professeur Yaïch124, la qualité du produit comptable ne peut jamais être supérieure à la qualité
des principes comptables utilisés pour l’élaborer dans la mesure où il s’agit que d’une image
comptable.
Selon cette vision la sincérité s’accompagne du souci de l’établissement d’une information
qui soit aussi proche que possible de la réalité, toutefois sans se préoccuper de sa
compréhension par le lecteur, à la différence de la fidélité qui implique en premier lieu le
souci complémentaire d’une bonne réception du message par les tiers. En d’autre terme la
sincérité est une étape, parmi d’autres, dans la voie de la recherche de l’image fidèle. Pour
aboutir à cette image , une double exigence de traduction de la réalité de l’entreprise et de
présentation de documents susceptibles d’être lu sans encombre et sans ambiguïté, doit être
envisagée, afin que cette réalité puisse être découverte à travers les comptes. La fidélité n’est
pas seulement la réalité de la description ; la présentation non trompeuse de cette réalité est
aussi indispensable.
« Pour certains le mot le plus important de la loi comptable a été l’introduction du verbe
« donner ». L’image fidèle passe ainsi par la régularité (c’est-à-dire le respect des règles et
procédures en vigueur) et la sincérité (c’est-à-dire l’application de bonne foi de ces règles) ;
c’est un objectif à atteindre qui nécessite :
De choisir la meilleure méthode possible lorsque plusieurs solutions sont envisageables ;
De bien utiliser l’annexe en tant qu’outil de l’information financière et comptable ;
De déroger à la règle dans des situations tellement rares, que cette possibilité n’a que très
rarement été mise en œuvre en pratique. »125
Le schéma de la page suivante emprunté au Mémento Masnaoui126 expose, plus ou moins127,
cette vision des choses.
122 CGNC, page 26, volume 1, première partie. 123 Pierre FUEILLET, in « Les grands principes de la nouvelle législation comptable française. » cité par Abdelaziz BOUGJA, in « présentation et analyse comparée du projet de code de normalisation comptable au Maroc et du plan comptable général français 1982 », édition juillet 1992. 124 Abderraouf YAICH, in « Les déterminants de la qualité comptable. », 2000, La revue comptable et financière n° 47, Tunis. 125 Eric DELASALLE, « La loi comptable française : situation et évolution. », juillet 2005, La lettre de Artémis, n° 6, Casablanca. 126 Abdelkader MASNAOUI, cit. op. 127 Nous souhaitons introduire par ce schéma uniquement les idées de sincérité et de régularité juxtaposées à l’obligation de fournir des informations complémentaires. Nous avons utilisé les termes « plus ou moins » en raison de la mention de la dérogation par cet auteur. L’explication de cette dernière est semblable à la notre comme exposées auparavant.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
59
(1)
(2)
(4)
(3)
(6)
(5)
OUI
(6)
NON (6) bis
OUI
(7) OUI
ATTITUDES ACTIONS
RESPECT APPLICATION DES METHODES PREVUES POUR L'ENREGIST-REMENT, L'EVALUATION ET LA PRESENTATION DES OPERATIONS AUX ETATS DE SYNTHESE
➟ DES LOIS ➟ DES REGLEMENTS
COMPTABLES ➟ DE LA JURISPRUDENCE
➟ DE LA DOCTRINE
SINCERITE DANS :
APPLICATION DE BONNE FOI DE CES METHODES
➟ L'EXHAUSTIVITE DES ENREGISTREMENTS
➟ L'EVALUATION DES OPERATIONS
➟ LA PRESENTATION AUX ETATS DE SYNTHESE
LA COMPTABILITE OBTENUE EST REGULIERE ET SINCERE
RECHERCHE DE L'IMAGE FIDELE :
OBTIENT-ON UNE IMAGE FIDELE DU PATRIMOINE, DE LA SITUATION FINANCIERE ET DES
RESULTATS ?
L'IMAGE FIDELE PEUT-ELLE ETRE OBTENUE EN DONNANT
DES INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES A CELLE
DEJA REQUISES ?
IDENTIFICATION INTRODUIRE LA OU LES DEROGATIONS AUX METHODES PREVUES POUR OBTENIR UNE IMAGE FIDELE, AVEC MENTION A L'ETIC :
PRESENTATION AUX TIERS
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
60
222...222...444... TTTRRROOOIII SSSIII EEEMMM EEE VVVIII SSSIII OOONNN DDDUUU CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT DDDEEE LLL ’’’ III MMM AAAGGGEEE FFFIII DDDEEELLL EEE ::: UUUNNNEEE
VVV III SSSIII OOONNN RRREEEEEELLL LLL EEE PPPAAARRR UUUNNNEEE TTT RRRAAADDDUUUCCCTTT III OOONNN LLL OOOYYY AAALLL EEE DDDEEE CCCEEE QQQUUU’’’ EEESSSTTT
LLL ’’’ EEENNNTTT RRREEEPPPRRRIII SSSEEE...
Selon Pasqualini les caractères traduits directement de la formule true and fair view se
retrouvent dans le concept de l’image fidèle : true → réel et fair → loyal. La true and fair
view est équivalent comme le veut le pragmatisme anglo-saxon, à « une vision réelle par une traduction loyale de ce qu’est l’entreprise. »
L’image fidèle se conçoit dans l’actualité, dans la vie des entités économiques et des comptes.
Elle n’est donc pas un concept in abstracto mais, bien au contraire, une réalité immatérielle
adoptée par le droit et, dès lors, d’aspect juridique, et non pas d’essence juridique, pas plus
qu’économique d’ailleurs. Elle est l’horizon vers lequel l’action converge et ressemble, en
quelque sorte, à un produit d’appel ayant pour fonction de coordonner les agissements et de
les stimuler pour les rendre plus concrets. L’image fidèle s’impose à tous les comptes, pour
lesquelles elle est un véritable cap, ainsi qu’à ceux qui sont en relation avec l’information
financière et juridique, et même au législateur lorsqu’il intervient en matière comptable ; elle
prend alors une dimension particulière, quasiment supra légale.
Selon cette vision, le concept de l’image fidèle correspond au cumul des idées suivantes :
Dépend largement du jugement professionnel : L’opinion largement répandue outre-
manche selon laquelle le concept de l’image fidèle dépend du jugement professionnel, est
parfaitement logique. Par sa nature de nécessité, elle rend chacun responsable de ses actes
et dicte une attitude constituée de réalisme et du sens des autres, car la réalité de
l’entreprise est décrite par les procédés de la technique et de la doctrine comptable en vue
de sa perception par autrui. La pénétration du pragmatisme dans le droit écrit d’origine
romaine que traduit l’image fidèle est certainement proche de l’incohérence pour un esprit
traditionaliste. Le droit continental construisait des barrières à l’intérieur desquelles
régnait la liberté : le droit pragmatique, pour sa part, met l’individu face à des obligations
et juge sur le résultat de l’action. Selon cette vision le principe d’importance significatif
est le corollaire direct du concept de l’image fidèle ; l’appréciation de l’importance
significative ne peut s’exercer qu’a travers le jugement professionnel ;
Les informations comptables complémentaires doivent être données « dans la forme
jugée la plus valable et la mieux adaptée pour satisfaire les besoins d’informations des
tiers, sans porter préjudice aux intérêts de la société. »128 ;
La dérogation doit être envisagée dans tous les cas ou les informations ne permettent pas de présenter l’image comptable réelle de l’entreprise : on ne peut pas se cacher
derrière le caractère normatif de la comptabilité. « La notion d’image fidèle se heurte aux
notions traditionnelles de régularité et de sincérité. La doctrine et la pratique la
128 Arrêt de la Cour européenne du 7 janvier 2003, dans l’affaire de la banque internationale pour l’Afrique occidentale SA (BIAO) contre Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 1
61
marginalisent, considérant que l’image fidèle ne peut être recherchée que dans des cas
exceptionnels ; et l’annexe est le lieu privilégié pour cette recherche qui n’affecte guère le
bilan et le compte de résultat. La jurisprudence est tout aussi réticente et ne traita que très
tardivement de cas d’« infidélité » (l’affaire des Ciments français). »129 Elle correspond en
ce sens à la vision de la Cour européenne de justice, qui émet premièrement l’obligation
que « les comptes annuels des sociétés reflètent les activités et opérations qu’ils sont
censés décrire » et deuxièmement précise que la dérogation est obligatoire dans des « cas
exceptionnels » (termes interprétés par le concept de l’image fidèle comme nous l’avons
vu précédemment) ;
Correspond à une interprétation contemporaine130 de la juxtaposition des termes « régularité et sincérité » : Nous nous sommes prononcés précédemment pour une
interprétation entraînant une signification de ces notions identique au concept de l’image
fidèle parce qu’il serait aberrant de croire en un concept d’image fidèle évolutif et une
sincérité tronquée du début du siècle ;
C’est le but suprême de toutes interprétations comptables : La Cour européenne de
justice, comme développé auparavant, a entrepris une interprétation par l’objectif de
l’image fidèle d’un terme non défini dans la convention, en énonçant expressément son
choix de la méthode d’interprétation. Il nous semble que le concept de l’image fidèle
correspond à ce but ultime de l’interprétation même dans les cas d’importance non
significative.
Toutefois la forte influence de la fiscalité à développer la tentation de privilégier la
représentation d’une réalité engendrant des économies d’impôt au détriment de l’image fidèle.
Les lois fiscales joue un rôle important car il est stipulé qu’en l’absence de dispositions
fiscales contraires, les règles comptables s’appliquent.
L’avancée réglementairement réalisée est sous-estimée en pratique, ce qui
nécessite une interprétation législative claire ou à la rigueur jurisprudentielle.
Toutefois à notre avis une interprétation doctrinale univoque est aussi susceptible
de changer les mœurs…
129 Bernard COLASSE, in « l’évolution récente du droit comptable. », 2004, conférence prononcée à la journée pédagogique sur « L’actualité comptable 2004 » organisée par l’AFC à l’ ENS de Cachan. 130 « Interpréter la loi en fonction des buts et besoins sociaux du moment. Appelé aussi interprétation objective. », Charles MORAND, in « Introduction au droit. », 1998, Association des Etudiants en Science Politique et Relations Internationales (A.E.S.P.R.I.), publié au site : www.aespri.unige.ch.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
82
222... EEEXXXIII SSSTTTEEE---III LLL UUUNNN CCCAAA DDDRRREEE CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT UUUEEELLL III MMM PPPLLL III CCCIII TTT EEE DDDAAANNNSSS LLL AAA CCCOOOMMM PPPTTT AAA BBBIII LLL III TTT EEE
…
…………… ……………… ……
…
…… MMM AAARRROOOCCCAAAIII NNNEEE ???
«Ce nouveau droit de la comptabilité qui se met en place (les IFRS en France),
à vocation très économique et fortement marquée par le droit anglo-saxon est
sans doute très éloigné du droit (droit civil), auquel pensait Pierre Garnier
quand il disait de la comptabilité qu’elle était à la fois algèbre du droit et
méthode d’observation des phénomènes économiques. Mais son avènement est
sans doute nécessaire pour qu’elle devienne véritablement une méthode
d’observation, sinon de tous les phénomènes économiques, du moins comme le
souhaitent les grands investisseurs qui s’intéressent aux marchés
financiers. »164
Pour pouvoir répondre à la question posée dans le titre de la présente section, nous allons
développer un certain nombre d’études préliminaires à savoir :
L’histoire de la naissance de l’idéologie des cadres conceptuels ;
Débat sur la théorie comptable ;
La hiérarchie et la classification des textes ayant trait à la comptabilité au Maroc ;
La régulation comptable ;
Les concepts de valeurs en comptabilité.
Enfin, la dernière sous-section sera consacrée à la réponse à la question centrale de cette
section.
222...111... LLL ’’’ HHH III SSSTTTOOOIII RRREEE DDDEEE LLL AAA NNNAAAIII SSSSSSAAANNNCCCEEE DDDEEE LLL ’’’ III DDDEEEOOOLLL OOOGGGIII EEE DDDEEESSS CCCAAADDDRRREEESSS …………… CCCOOONNNCCCEEEPPPTTTUUUEEELLL SSS...
La notion de cadre comptable conceptuel (conceptual accounting framework) est intimement
liée à l’histoire de la normalisation américaine. Dès sa création en 1973, le FASB (Financial
Accounting Standards Boards), organe américain, indépendant de la profession comptable,
décida de se donner un cadre conceptuel comptable défini comme : « un système cohérent
d’objectifs et de principes fondamentaux liées entre eux, susceptibles de conduire à des
normes solides et d’indiquer la nature, le rôle et les limites de la comptabilité financière et des
états financiers.»165
Après le FASB, qui a ouvert la voie de la rédaction d’un cadre conceptuel, d’autres instances
ont suivi tels que, le Canada, l’Australie, la Tunisie, la Suisse, l’Angleterre166 ou encore sous
l’égide de l’I.A.S.C. (l’International Accounting Standards Committee). Les études
164 Bernard COLASSE, in « l’évolution récente du droit comptable. », 2004, conférence prononcée à la journée pédagogique sur « L’actualité comptable 2004 » organisée par l’AFC à l’ ENS de Cachan. 165 Robert OBERT, cit. op. 166 Ce cadre est relativement récent, il ne date que de décembre 1999.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
83
comparatives, accomplies par plusieurs auteurs, de ces travaux postérieurs se référent
explicitement ou implicitement à ceux du FASB.
Ces travaux plus récents sont loin d’être des copies serviles des recommandations
américaines, elles proposent des compléments ou des variantes particulièrement
intéressantes : notamment dans « le domaine de la mesure de la valeur compte tenu, du prix
actuel et de la variation du pouvoir d’achat, et de celui de l’examen rétrospectif »167. Par
contre, les études semblent se trouver très proches en matière de définitions des éléments des
états financiers.
« Dès le dix-neuvième siècle et surtout dès la création de l’AICPA, on sentait déjà une
pression sur les grandes sociétés pour une sorte d’uniformité de la comptabilité qui permette
les comparaisons. Naciri rapporte que Spragues dans une série d’articles intitulés «Algebra of
accounts» essaya de classifier et de résumer les théories comptables les plus discutées du
moment en un cadre susceptible d’être relié aux mathématiques et à l’économie. Cependant,
malgré les appels pressants en faveur de l’uniformité en matière comptable, lancés dès 1880
et accentués par la crise de 1929, la profession comptable américaine s’était montrée
incapable de s’imposer des règles de conduite uniformes. L’ambition du FASB était de
construire une théorie générale de la comptabilité financière. Ce système avait pour objet : de
préciser la manière, la fonction et les limites de la comptabilité et des informations
financières. Enfin, chaque question abordée dans un projet de norme devrait être étudiée à la
lumière des objectifs de l’information financière définie par les recommandations
conceptuelles.»168
Dans sa recherche d’un objectif précis pour l’établissement et la publication des états
financiers, le F.A.S.B., chargé de la fixation des normes comptables, a élaboré, entre 1978 et
1985, un cadre conceptuel sous la forme de six recommandations ou concepts, intitulées
Statement of Financial Accounting Concepts. Après la publication, en décembre 1985, de la
recommandation N° 6 qui remplace en la complétant la recommandation N° 3, le F.A.S.B. a
interrompu provisoirement ses travaux en matière de concepts.
Comme le relève Ahmed Naciri, « ces recommandations sont une réaction aux conclusions du
comité Trueblood, du nom de son président, que l’A.I.C.P.A (American Institute of Certified
Public Accountants), avait mandaté pour réfléchir sur les objectifs de la comptabilité. Ces
conclusions, publiées en 1973, ont en effet bouleversé complètement la pensée comptable
traditionnelle puisqu’elles ont relié l’information financière à la prise de décision et ont
spécifié que l’intérêt de l’utilisateur est dans les flux monétaires futurs plutôt que dans le bénéfice comptable. » Le rapport Trueblood précise aussi que l’information comptable
peut être aussi bien quantitative que qualitative, de même qu’elle peut être aussi bien actuelle
que prévisionnelle. »169
167 Benard APOTHELOZ, cit. op. 168 Robert OBERT, cit. op. 169 Ahmed NACIRI, cité par Benard APOTHELOZ, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
84
Ce bouleversement porte donc sur la reconnaissance du rôle d’aide à la décision de la
comptabilité, sur l’intérêt de traiter des flux plutôt que des résultats fruits de trop d’inférences,
sur la nécessité de mettre la trajectoire de l’entreprise en perspective en introduisant les
données prévisionnelles, et sur un élargissement quantitatif de l’information.
Ce cadre n’a pas vu le jour d’un seul coup, bien au contraire : il a évolué graduellement et ce
n’est vers les années 1980 qu’il a atteint un certain stade de réalisation. Six normes ont
finalement été publiées entre 1978 et 1985, la septième étant publiée en février 2000.
La première norme (statement n°1 : objectives of financial reporting for business enterprises)
publiée en novembre 1978, décrit l’environnement et énumère les besoins présumés des
utilisateurs de l’information financière et comptable. Les objectifs de l’information financière
ont alors été définis comme suit :
fournir les informations utiles aux investisseurs actuels ou potentiels et aux prêteurs pour
leur permettre des décisions rationnelles ;
leur fournir des informations permettant d’estimer le recouvrement des prêts ou du
produit des ventes ;
apporter des renseignements relatifs aux ressources économiques d’une entreprise et aux
facteurs qui modifient sa solvabilité ;
fournir des informations sur la gestion de la direction (utilisation du capital investi).
Le champ auquel s’est intéressé le FASB dépasse largement le cadre des seuls comptes
annuels puisqu’il intègre également les informations complémentaires fournies
obligatoirement sur demande mais non intégrées dans les comptes annuels au sens strict.
« Bien que le FASB reconnaît que les utilisateurs des informations financières sont multiples,
il privilégie néanmoins les actionnaires, actuels ou potentiels, et les créanciers. Cette étude
reflète une conception très restrictive des utilisateurs de l’information financière, une
conception très actionnariale (shareholders) qui contraste avec la conception française
traditionnelle qui retient une pluralité de parties prenantes. »170
La norme n°2 (statement n° 2 : qualitative characteristics of accounting information) publiée
en mai 1980, traite des critères qui sont nécessaires pour rendre les informations financières
utiles à la prise de décision (parmi les critères identifiés apparaissent la pertinence et la
fiabilité). C’est incontestablement la recommandation la plus riche et la plus innovante.
La norme n° 3 (statement n°3 : elements of financial statements of business enterprises) de
décembre 1983, définit les dix éléments suivants des comptes annuels : actif, passif, capital,
apports, distribution, résultat, produits, charges, profits et pertes. Elle a été remplacée
ultérieurement par la norme n°6.
170 Djamel KHOUATRA, in « La normalisation comptable entre modèle anglo-saxon et modèle continental : Le cas de la Roumanie, pays en transition vers l’économie de marché. », 2004, congrès AFC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
85
La norme n° 4 (statement n°4 : objectives of financial reporting by non-business
organizations) publiée en décembre 1980 a étendu la recommandation n°1 aux entités à but
non lucratif.
La norme n° 5 (statement n° 5 : recognition and measurement in financial statements of
business enterprises) publiée en décembre 1984, résume les pratiques en matière de
constatation comptable et d’évaluation. Ce texte poste le problème de la prise en compte des
informations au niveau des états financiers, à savoir quelle information doit y figurer et à quel
moment doit elle être donnée.
La norme n° 6 (statement n°6 : elements of financial statements) publiée en décembre 1985,
reprend les définitions relatives aux éléments de base figurant dans les comptes annuels
(traités par la norme n°3) en les complétant.
Après la publication de la sixième norme, le FASB a interrompu, provisoirement, ses travaux
de recherche en matière de concepts.
« Les six premières normes publiées n’ont pas réellement convaincu les utilisateurs potentiels,
les définitions demeurant générales et abstraites et donnant l’impression de ne pas aborder les
vrais problèmes. La longueur des travaux (1973-1985), leur coût important (22 millions de
dollars, 3000 pages de papiers de discussion) comparés à la relative faiblesse des résultats
obtenus ont fait l’objet de sévères critiques et engendré une grande déception. »171
La norme n° 7 (statement n° 7 : Using Cash Flow Information and Présent Value in
Accounting Measurement) publiée en février 2000, présente l’utilisation des flux de trésorerie
actualisées et de la juste valeur dans l’évaluation des actifs et des passifs. Deux types de
problèmes sont posés par cette norme :
l’utilisation de la juste valeur comme principe d’évaluation ;
l’utilisation de l’approche en flux de trésorerie attendus comme moyen de mesure (la
norme fournit des règles précises).
La norme, qui se concentre sur les systèmes de mesure de manière plus approfondie que les
normes précédentes, présente les techniques et des idées qui ne sont pas habituelles pour le
praticien comptable. Cependant, les principes articulés dans cette norme n° 7 reprennent des
concepts qui remontent aux années 1950 en matière de principes économiques et financiers et
aux années 1970 en littérature comptable.
Il faut noter que, malgré toutes les critiques formulées à l’encontre de la formulation d’un
cadre conceptuel aux Etats Unis, l’IASC n’a pas hésité à mettre en chantier son propre cadre
(lequel a abouti en 1989).
171 Robert OBERT, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
86
En agissant ainsi, comme le fait remarquer Naciri172, le FASB, semble avoir mis le doigt sur
le vrai problème du cadre conceptuel, à savoir que les idées qui y sont exposées sont très en
avance et n’ont pas encore été bien assimilées par les patriciens aux Etats-Unis, qui s’étaient
bien accommodées de l’ancien système tout en lui reprochant beaucoup d’incohérence. Le
FASB entend donc faire entrer les idées du cadre conceptuel dans les habitudes des
préparateurs des états financiers, très progressivement. Naciri ajoute que les réactions
enregistrées à l’occasion de la présentation en public des projets de normes du FASB, depuis
la publication du cadre conceptuel, l’incitent d’ailleurs à la prudence étant donné qu’elles sont
très partagées.
On comprend donc qu’un tel cadre conceptuel bouscule les habitudes des comptables. Il leur
demande de préparer, avec la rigueur qui leur est propre, des éléments d’informations utiles à la prise de décision. Eléments d’information pouvant même se trouver en dehors du champ traditionnellement réservé à la comptabilité. Naciri souligne en ces termes :
« ce cadre conceptuel a bouleversé totalement la fonction comptable : de discipline de prise
de décision ayant comme principe de base la pertinence. »173
Il faut noter que, malgré toutes les critiques formulées à l’encontre de la formulation d’un
cadre conceptuel aux Etats Unis, l’IASC n’a pas hésité à mettre en chantier son propre cadre.
Un cadre de préparation et de présentation des états financiers (Framework for the preparation
and presentation of financial statements) a été adopté par l’IASC en avril 1989 pour
publication en juillet 1989. « Les premiers projets de cadre conceptuel avaient une vue plus
large, ils voulaient s’intéresser à la globalité des informations financières externes à caractère
général des entreprises, champ auquel s’était intéressé le FASB précurseur en matière de
cadre conceptuel. En fait, l’IASC a rétréci son champ d’application par rapport aux projets
initiaux, le limitant aux états financiers. »174
222...222... DDDEEEBBBAAATTT SSSUUURRR LLL AAA TTT HHHEEEOOORRRIII EEE CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBLLL EEE...
« Les apparences du discours laissent penser que la comptabilité est juridique
en Europe, et qu’elle est économique au Etats-Unis. La réalité est différente et
plus subtile. »175
Depuis 1970, la littérature comptable rend compte d’une heureuse évolution du débat sur la
théorie comptable, où une approche sémantique du problème est de plus en plus privilégiée.
Comme il faut s’y attendre à chaque fois qu’un thème est appréhendé du point de vue de sa
signification et des choix qu’il suppose, les auteurs n’ont pas la même vision du rôle que doit
jouer la comptabilité. En effet, on relève à cet égard deux approches possibles :
Une approche inductive reposant sur une conception déontologique de la comptabilité ;
172 Ahmed NACIRI, cité par Benard APOTHELOZ, cit. op. 173 Ahmed NACIRI, cité par Benard APOTHELOZ, cit. op. 174 Robert OBERT, cit. op. 175 Eric CAUSIN, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
87
Une approche déductive impliquant une vision utilitaire de la comptabilité.
L’étude de ces deux approches, entre indirectement dans le cadre de nos propos. Cependant,
nous pensons qu’il n’est pas vain de rappeler brièvement sous une forme synthétique176 les
caractéristiques de chacune d’elles, avant d’expliquer notre adhésion à la seconde démarche.
APPROCHE DESCRIPTIVE APPROCHE NORMATIVE
Modèle déontologique Modèle utilitaire
Approche descriptive et inductive
A partir d’une observation pragmatique des faits, des propriétés communes sont dégagées et supposées s’appliquer à tous les cas ;
La comptabilité est uniquement soumise à des principes fondamentaux pour rendre compte de la réalité observée.
Approche normative et déductive
A partir de propositions générales, posées comme hypothèses, des règles comptables sont définies. Formulation des critères et vérification de leur acceptabilité ;
Le paradigme comptable est conçu pour répondre aux besoins actuels et futurs des utilisateurs.
Vérité - Cohérence
Recherche de la fidélité, de la sincérité et de l’exactitude = substituts d’une vérité difficile à atteindre ;
Constitution d’un corps autonome de connaissances comptables.
Vérité – Contingente
Actes jugés en fonction de leurs effets ;
La théorie comptable est connectée sur les effets qu’elle entraîne et les objectifs qu’elle entend satisfaire.
Pertinence prescriptive de l’information reposant sur une représentation des éléments qui doivent être d’un certain intérêt.
Pertinence descriptive de l’information liée aux conséquences des choix comptables effectués.
222...222...111... CCCRRRIII TTT III QQQUUUEEESSS DDDEEE LLL ’’’ AAAPPPPPPRRROOOCCCHHH EEE III NNNDDDUUUCCCTTT III VVVEEE...
Selon Masnaoui, « la méthode inductive de la comptabilité implique que c’est la pratique
comptable issue de la doctrine, qui détermine l’essentiel des comportements, attitudes et
analyses qu’il convient d’avoir, face à chaque type de transactions économiques. Ainsi, de
cette pratique se dégagent, progressivement et de manière implicite, des règles consensuelles.
Néanmoins, deux critiques fondamentales sont adressées à cette école :
Jusqu’à ce qu’il y ait consensus sur une pratique donnée, plusieurs situations
conceptuelles contradictoires peuvent exister et amener à un certain désordre dans les
comptabilités et donc, dans l’esprit des utilisateurs ;
176 Tableau emprunté à Djelloul SACI, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
88
L’émergence d’attitudes et de pratiques nouvelles peut être le fait implicite de groupes de
pression ou d’institutions qui cherchent à changer les règles comptables à leur
avantage. »177
A notre avis, les principes comptables ne peuvent être considérés comme étant, simplement,
des règles de conduite déontologique dictées par une éthique de l’information. Ils reposent sur
des hypothèses implicites sur l’entreprise et son environnement, et qui sont de ce fait, les
bases doctrinales de toutes les pratiques comptables.
« Il convient d’observer à cet égard que les notions de « sincérité », de « fidélité », et bien sûr
de « vérité » ne sauraient être détachées des préoccupations du milieu qui les utilise, en ce
qu’elles reflètent une certaine conception de l’ordre socio-économique. Nous pensons, en
effet, que les faits comptables ne sont pas enregistrés et classés d’une manière anodine, dans
la mesure où nous partageons l’avis de ZEFF précisant que la comptabilité ne peut être vue
comme une activité technocratique et isolée. Elle est, au contraire, au service de ses
utilisateurs et se doit de tenir compte des différents intérêts en jeu. Cela explique en
particulier le fait que des travaux théoriques et empiriques portant sur les conséquences
économiques des choix comptables réalisées aux U.S.A. ou en Europe Occidentale, sont
logiquement axés sur les préoccupations de l’économie capitaliste : reproduction élargie du
Capital, gestion de la trésorerie efficience des marchés boursiers. »178
L’absence de neutralité des choix comptables à été reconnue par certains auteurs américains,
qui se prononçait pour des modèles « mixtes » éloignés d’une conception déontologique pure.
Toutefois un changement draconien s’annonce aujourd’hui. En effet « La Loi Sarbanes-Oxley
de 2002 obligeait la Securities and Exchange Commission (SEC) à mener une étude sur
l’adoption, dans le cadre du système d’information financière des États-Unis, d’un processus
de normalisation fondé sur des principes et à présenter au Congrès un rapport sur cette étude.
(…) Les principales recommandations du rapport étaient que le FASB publie des normes
axées sur des objectifs et qu’il corrige les déficiences du cadre conceptuel. Selon la définition
énoncée dans le rapport, les normes axées sur des objectifs devraient comporter les
caractéristiques suivantes :
être fondées sur un cadre conceptuel amélioré et appliqué uniformément ;
être suffisamment détaillées et structurées pour permettre une mise en application
uniforme ;
limiter au minimum les exceptions à la norme ;
177 Abdelkader MASNAOUI, cit. op. 178 Djelloul SACI, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
89
éviter le recours à des critères fondés sur des pourcentages (critères de démarcation très
nets) qui permettent aux ingénieurs financiers de respecter techniquement la norme tout
en contrevenant à son intention. »179
222...222...222... AAAVVVAAANNNTTT AAAGGGEEESSS DDDEEE LLL ’’’ AAAPPPPPPRRROOOCCCHHHEEE DDDEEEDDDUUUCCCTTTIII VVVEEE...
Selon Masnaoui, « la méthode déductive de la comptabilité se veut par contre être la création
d’un « modèle scientifique » déterminé à l’avance sur la base d’une réflexion logique. Cette
nouvelle école, qui a vu le jour au lendemain des années 1960, a gagné beaucoup de terrain,
aidée en cela notamment par les courants de la nouvelle pensée managériale. Ainsi plusieurs
mouvements de scission entre l’ancienne et la nouvelle école ont progressivement émergé
partout dans les pays à économie développée et ont donné naissance à des institutions
régionales et internationales de normalisation. »180
Nous pensons qu’il est bon d’aborder les problèmes comptables sur la base d’une vision
normative et du raisonnement déductif qu’elle suppose. Dans cette optique, les problèmes ne
sont pas appréhendés d’une manière factuelle, c’est-à-dire à partir de ce qui est, mais en
portant l’attention sur ce qui devrait être.
« L’option retenue par le législateur marocain a été l’approche déductive car il a tenu à donner
une cohérence et une homogénéité aux pratiques comptables en dégageant les concepts dont
doit s’inspirer la pratique : la loi comptable a normalisé le fond en accordant une certaine
souplesse à la forme. Cette apparente rigidité légale est toutefois à relativiser en comparant le
système comptable dit « latin » avec le système anglo-saxon. »181 En effet, dans le cas
marocain, il y a lieu de faire les observations suivantes :
Le plan comptable et les modèles des états financiers sont imposés par la loi ;
Les règles d’évaluations prévues par le CGNC offre moins de latitudes aux professionnels
comptables que les normes IAS plus axés sur des principes.
En résumé nous dirons que :
« C’est par l’existence d’un cadre conceptuel qu’on estime que la normalisation IAS –
IFRS relève d’un choix de normalisation par les principes par opposition à certains
système de normalisations par les règles. » 182 ;
Si le modèle comptable marocain peut sembler appartenir à l’approche déductive, il nous
semble qu’il s’agit d’un modèle mixte, plus proche de l’approche inductive même s’il ne
répond pas aux fondements conceptuels de cette approche, à moins de convenir, qu’il
s’agit dans ce cas d’une approche déductive à la romano - germanique.
179 Paul CHERRY, in « Activité du conseil des normes comptables de l’ICCA et de ses permanents. », 2005, CNC normes comptables, Canada. 180 Abdelkader MASNAOUI, cit. op. 181 Hassan ALLOUCH, in « La politique d’arrêté des comptes : Enjeux et finalité. », décembre 2000, Bulletin d’Information Périodique, Casablanca. 182 Eric DELASALLE, in « Les normes IAS – IFRS. », 2004, Le francilien des experts comptables, n°46.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
90
Il nous semble que l’idéologie d’un cadre conceptuel n’est pas forcément liée à l’imposition d’un plan comptable ou d’un jeu des états de synthèse, mais exige plutôt comme préalable un système non pas basé sur des règles, mais basé sur des normes, où l’appréciation par les professionnels fait largement place à l’exercice du jugement professionnel, sans pour autant à l’arbitraire. Dans la mesure où dans l’approche
déductive, on juge les actes par rapport à leurs effets, il nous semble qu’on ne peut pas faire à
moitié place au jugement professionnel, parce que nous estimons que même s’il s’agit d’un
choix préalable du normalisateur, pour qu’une culture des principes s’instaure chez les
professionnels comptables, ils doivent être intégralement responsable de leurs actes. Le
modèle tunisien datant de 1997 et plus récemment le modèle malgache témoignent des
changements radicaux réussis.
222...333... LLL AAA HHH III EEERRRAAARRRCCCHHH III EEE EEETTT LLL AAA CCCLLL AAASSSSSSIII FFFIII CCCAAATTT III OOONNN DDDEEESSS TTTEEEXXXTTTEEESSS AAAYYY AAANNNTTT ...TTTRRRAAAIII TTT AAA LLL AAA CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBIII LLL III TTT EEE AAAUUU MMM AAARRROOOCCC...
« La codification tarit sans doute la pratique, mais permet à la doctrine de
reconquérir son autorité dans l’interprétation des textes. » 183
Le fonctionnement de la hiérarchie des normes dans le système juridique marocain est
pyramidal : la norme de niveau supérieur s’impose à celle de niveau inférieur. Ainsi, la norme
la plus inférieure – un contrat par exemple – doit être conforme avec la totalité des règles qui
lui sont supérieures. En droit marocain, la liberté est un principe consacré : tout ce qui n’est
pas formellement interdit est autorisé. Les règles qui doivent être obligatoirement respectées
sont dites « d’ordre public ».
Cette notion a été mise au point par Hans Kelsen afin de dégager le droit de ses fondements
idéologiques et moraux, pour n’en faire qu’une technique de régulation : une pure technique
au service de l’État laïc.
Selon cette théorie, toute règle de droit doit respecter la norme qui lui est supérieure, formant
ainsi un ordre hiérarchisé. Plus elles sont importantes, plus la superposition des normes
acquiert une forme pyramidale, ce qui explique pourquoi cette théorie est appelée pyramide
des normes.
Cet ordre est qualifié de statique car les normes inférieures se doivent de respecter les normes
qui leur sont supérieures, mais il est également dynamique car une norme peut être modifiée
en suivant les règles édictées par la norme qui lui est supérieure. La norme placée au sommet
de la pyramide étant, la Constitution. Le schéma suivant illustre la pyramide de la hiérarchie
des normes dans le système juridique marocain.
183 Frederic ZENETTI, in « La jurisprudence. », 1991, DALLOZ, Paris.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
91
Constitution
Bloc de supra légalité184
Lois
Principes généraux du droit
Règlement (Décret - Arrêté - Circulaire)
Actes administratifs
La pyramide précédente forme avec la jurisprudence, la coutume et la doctrine, les sources du
droit.
Nous avons regroupé dans l’annexe B5 (page 245) tous les textes marocains ayant trait à la
comptabilité, classé sous forme analytique selon la hiérarchie des normes (lois, décrets,
arrêtés, circulaires et avis du CNC) et selon les différents secteurs économiques
(commerçants, OPCVM, entreprises immobilières, coopératives, établissements de crédits,
sociétés de bourse, association de micro-crédit, ORMVA, FPCT, OPCR, associations,
entreprises d’assurance et les établissements publics).
Nous allons essayer dans ce qui suit de développer quelques sources du droit :
La constitution : il nous semble que les principaux articles qu’on peut évoquer dans le
cadre de l’interprétation comptable sont :
• L’article 4 : La loi ne peut pas avoir d’effet rétroactif ;
• Les articles 46 / 47 / 48 : Le régime des obligations civiles et commerciales, est du
domaine de la loi. Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi
appartiennent au domaine réglementaires. Les textes pris en forme législative peuvent
être modifiés par décrets, après avis conforme du Conseil Constitutionnel lorsqu’ils
seront intervenus dans un domaine dévolu à l’exercice du pouvoir réglementaire.
Les lois : Le tableau figurant à l’annexe B5 (page 245) précise, selon le secteur
économique dont il s’agit, les lois qui sont applicables. Lorsque il existe plus qu’une loi
applicable à ce secteur, il peut y avoir un risque d’antinomie entre les dispositions de ces
textes. Le premier chapitre de la deuxième partie traitera des moyens de solutionner ce
genre de conflit des lois. Au Maroc, on ne pouvait commencer à parler de droit comptable
qu’après la promulgation de la loi n° 9-88 relative aux obligations comptables des
commerçants, qui a posé la pierre angulaire de l’assise juridique de la comptabilité. Les
similitudes entre la loi n° 9-88 et la loi comptable française sont très frappantes.
184 « Le bloc de supralégalité est constitué du droit international c’est à dire des traités et conventions internationales à l’exclusion de la coutume (CE,6 juin 1997, Aquarone), mais aussi les lois organiques, (lois précisant l’organisation des pouvoirs publics). », in http://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_normes.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
92
La comparaison détaillée de la loi n° 9-88 et de la loi comptable française nous dévierait
de notre de objectif. A ce titre, nous ferons que les remarques suivantes :
• Les similitudes entres les textes marocains et français sont frappantes, toutefois avec
une certaine marocanisation palpable d’un certain nombre de termes, tel que les termes
marocains « états de synthèse » ou « ETIC » ;
• Le choix marocain s’est porté sur une loi regroupant la totalité de la loi comptable
française et une grande partie du décret comptable français ; De plus l’approche
marocaine est réglementaire. Il existe une hiérarchie des textes (loi – décret – arrêté)
qu’il faut respecter. Une erreur conceptuelle ne peut être corrigée qu’en modifiant une
loi ; sans cela elle se perpétue. Cette situation conduit à une rigidité extrême en
obligeant par exemple le conseil national de la comptabilité à travailler dans les
limites étroites du « droit constant ». Aujourd’hui peu d’acteurs sont conscient de la
réalité de cette difficulté ;
• Les dispositions introduites par les modifications réalisées dans les années quatre-
vingt en France, avant la promulgation de la loi n° 9-88, n’ont pas donné lieu à des
dispositions marocaines similaires. Comme si le législateur s’est largement inspiré du
texte initial de 1982, sans tenir compte des modifications ultérieures ;
• Le champ d’application de la loi n° 9-88 est identique au code de commerce français.
Ce champ d’application qui constitue une continuité historique (depuis l’ordonnance
de Colbert en 1693) apparaît à première vue comme statique. Toutefois, il s’est vu
modifié directement en fonction des évolutions historiques de la définition juridique
de la commercialité et se voit élargi indirectement en fonction des lois qui l’instaurent
pour certains non commerçants ;
Les arrêtés : Nous allons faire à cet égard les deux remarques suivantes :
• La quasi majorité des plans comptables sectoriels ont été approuvé par arrêté à la
différence du CGNC. Toutefois l’utilisation du CGNC a été recommandée par un
simple avis du CNC. On pourrait dire que juridiquement, les textes opposables en
comptabilité sont restreints à la loi n° 9-88 ;
• Les plans comptables sectoriels qui ont été approuvés par arrêté, n’ont pas été publiés
au Bulletin Officiel. Il nous semble que juridiquement on ne peut pas imposer de
respecter un texte qui n’a pas été publié, simplement parce qu’un autre texte en fait
référence. En France, cette situation a été rectifiée lors de la réécriture du plan
comptable ;
Les circulaires : Certaines circulaires de Bank Al Maghrib ou du CDVM imposent des
traitements comptables : exemple circulaire relative aux opérations de pension qui a vu le
jour après l’avis du CNC. Il nous semble que le mode de régulation de la comptabilité par
les circulaires émises par certains organismes peut s’avérer extrêmement dangereux,
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
93
parce que ces organismes disposent d’une certaine force coercitive et aussi parce que la
valeur juridique des circulaires peut être supérieure à celle des avis du CNC dans le cas
où ces derniers n’ont pas été approuvés par arrêté ;
La jurisprudence : « Il existe peu d’arrêts ou de jugements spécifiquement comptables.
C’est en général, à l’occasion d’un litige portant sur la mise en oeuvre du droit
commercial ou du droit pénal des affaires, que le juge est amené à se pencher sur un
aspect comptable, pour rechercher l’existence de l’élément matériel d’une infraction à
travers la non - application ou la mauvaise application d’une disposition comptable. Il en
résulte une jurisprudence qui, bien, qu’elle n’ait pas un caractère obligatoire, peut servir
de référence. Il est à signaler que de nombreux litiges d’origine fiscale existent et
lorsqu’ils sont réglés par un arrêt du Conseil d’État, celui-ci fait jurisprudence. »185 ;
La doctrine : Elle est constituée par les avis et interprétations donnés par les différents
organismes sur des points que les textes législatifs ou réglementaires n’ont pas ou peu
précisés. L’une des originalités de la doctrine comptable est qu’elle est constituée en
grande partie par les organisations professionnelles et publiques. Les « avis »186 du CNC
rentrent dans cette catégorie y compris le Code Général de Normalisation Comptable
(CGNC) dont l’application a été recommandée par le premier avis du CNC. Deux
décennies sont passé depuis que le CGNC a été rédigé, il nous semble intéressant de faire
à ce titre les remarques suivantes :
• Le CGNC comprend des dispositions relatives à la comptabilité analytique et aux
comptes consolidés. Il nous semble que cette ancienne mode française qui est toujours
rémanente dans notre code est tacitement en désuétude. Selon le Professeur Essaîd187
une disposition légale même non appliquée ne saurait être contrecarré par l’usage.
Dans la mesure où il s’agit d’un simple avis, il nous semble que nous pouvons
affirmer que ces dispositions sont non applicables sauf pour les sociétés et offices
auxquels le CGNC a été imposé par arrêtés ;
• Ce code comprend en grande partie des explications et des commentaires188
difficilement dissociables des règles comptables. Toutefois la rédaction des nouveaux
plans comptables sectoriels ne les comprend pas ;
185 Didier KLODAWSK, in « Les sources de la normalisation et de la réglementation comptable. », 2004, publié dans : http://www.master-gestion.net/ 186 Terme utilisée par le décret n° 2-88-19 du 16/10/1989 instituant le conseil national de la comptabilité, publié au BO n°4023 du 6 décembre 1989, tel que modifié par le décret n° 2-00-682 du 01/11/00 publié au BO n° 4848 du 16/11/2000, puis le décret 2-026-888 du 22/05/2003 publié au BO n°5114 du 05/06/2003. 187 Mohammed Jallal ESSAID, in « Introduction à l’étude du droit. », 3ème édition 2002, Collection Connaissances, Rabat. 188 Le plan comptable général français de 1982, dont le CGNC s’est beaucoup inspiré, était rédigé de cette façon. Toutefois la réécriture en 1999 de ce plan en France a aboutit aux suppressions des commentaires. Un projet de cadre conceptuel français réalisé en 1996 par le conseil supérieur de l’ordre des experts comptables, était lui aussi rédigé de cette façon. Sa non acceptation par le CNC était avant tout due à l’existence des nombreux explications et commentaires. Projet publié sous le titre « Cadre conceptuel de la comptabilité. », mai 1996, RFC n° 278. Commenté dans « Améliorer le système comptable français. », avril 1996, RFC n° 277.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
94
• Le CGNC n’a jamais été actualisé. Son actualisation semble difficilement concevable,
dans la mesure où ses paragraphes n’ont pas été codifiés ou numérotés189, tel que les
normes IAS ou le nouveau plan comptable général français ;
• Le CGNC n’a pas été publié au bulletin officiel ;
• Le CGNC n’a pas été traduit en arabe ;
• La publication du CGNC a été réalisée de façon très restreinte. Cette situation entraîne
les conséquences suivantes :
- Il est indisponible dans le commerce ;
- Il est indisponible dans les bibliothèques, même dans la bibliothèque de
l’I.S.C.A.E. qui accueille le cycle national d’expertise comptable ;
- La plupart des étudiants même dans le cycle de l’expertise comptable ne dispose
pas d’une photocopie du CGNC. Et s’ils ont la chance de le photocopier, ça sera
d’après une autre photocopie. Un doute interpelle alors l’étudiant qui se demande
si l’original de sa photocopie était complet ;
- Certains professionnels n’ont jamais entendu parler du CGNC ;
- La plupart des ouvrages marocains traitant de la comptabilité sont restreints à la
comptabilité générale et ne citent le CGNC que dans l’introduction. Tout se passe
comme si les auteurs inventent les schémas d’écritures comptables et les règles
d’évaluations ;
- Certains professeurs universitaires ne le citent pas dans leurs cours ;
- Il comprend cinq tomes imprimés sur des centaines de pages. Ce qui rend très
difficile les recherches.
Nous nous demandons alors : comment ça marche la comptabilité au Maroc ? Certains
auteurs réclament une révision du CGNC qui est devenu obsolète, alors que le commun
des mortels ne le possède pas, et parfois certain n’ont jamais entendu parler ;
La coutume : « La coutume est l’usage prolongé d’une même règle de droit non écrite.
Pour nous faire comprendre ce qu’était la coutume, un de nos professeurs de droit prenait
l’exemple des pelouses de l’école sur lesquelles se dessinaient peu à peu des chemins
façonnés par l’habitude qu’avaient prise les étudiants d’emprunter un même itinéraire,
plus court que les chemins soigneusement dallés qui quadrillaient ladite école… On ne
saurait mieux définir la coutume qu’avec cette image simple. Lorsqu’une règle a connu
un long usage, le juge peut être amené à la constater et à la reconnaître pour valable et
s’imposant à tous. Très fréquemment, la coutume est circonscrite localement à une région
(usages locaux). »190
189 Groupe revue fiduciaire, in « Le nouveau droit comptable. », 1999, GRF, 1999, Paris. 190 www.defidoc.com.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
95
PROFESSION
ETAT
? ORGANISME
INDEPENDANT
111...444... LLL AAA RRREEEGGGUUULLL AAATTT III OOONNN CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBLLL EEE...
Selon Colasse la régulation comptable désigne : «le processus de production, de mise en
œuvre et de contrôle de l’application des normes comptables »191.
Celle-ci peut être distinguée selon les trois formes suivantes :
La régulation par une organisation étatique ou inter-étatique (ou réglementation) ;
La réglementation par la profession (ou endo-régulation) ;
La régulation par un organisme indépendant.
Le schéma présenté ci-dessus présente synthétiquement cette vision des choses :
Il nous semble qu’il existe une relation étroite entre le mode de régulation comptable et le
type de modèle comptable choisi, dans la mesure où nous pensons, comme précisé dans la
première sous-section de cette partie, que la comptabilité est avant tout un système
socialement déterminé, toutefois nous reconnaissons qu’elle peut être influencée par des
événements particuliers et les échanges entre pays. Dans ce sens toute modification de la
réglementation, de façon imposé par l’Etat par exemple, à de forte chance d’être avortée si
elle n’est pas véritablement et largement acceptée192 par les professionnels comptables. Par
191 Bernard COLASSE, in « La régulation comptable entre public et privé. », 2004, Séminaire réalisé par l’université Paris Dauphine sous le thème « Nouvelles normes comptables : Quels enjeux pour l’enseignement de la comptabilité. ». 192 Une étude tunisienne effectuée, à partir du modèle de Berry (1989) dans une optique psychosociale, presque une décennie après l’instauration du nouveau système comptable des entreprises, démontre que suite au passage à des normes presque identique aux normes IAS (toutefois avec un plan comptable et un jeu des états de synthèse imposés – conception romano-germanique oblige) l’adoption de ces normes comptables s’est accompagnée d’une légère évolution de la culture comptable. En effet, les comptables tunisiens ont tendance à appliquer les anciennes habitudes de l’ancien plan comptable de 1968 (une adaptation national très proche du plan comptable français de 1957). Il s’agit d’une « contre accumulation » avec des tentatives de retour aux sources » qui apparaît. La déculturation interdit la recréation de la culture originelle. « Et ceci en dépit du projet de revenir à la situation passée, c’est un acte de création d’une situation nouvelle : une nouvelle culture comptable propre au
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
96
exemple dans la littérature comptable, on insiste beaucoup sur le clivage existant entre
modèle anglo-saxon et le modèle romano-germanique. A notre avis la conception du droit en
est pour beaucoup là dedans. « Quelques recherches anglo-saxonnes ont tenté d’établir une
classification des systèmes comptables nationaux. Cette idée très à la mode à la fin des années
1970 et au début des années 1980. (…) Les classifications statiques de Da Costa, Bourgeois et
Lawson (1978), Frank (1979), Nair et Frank (1980) classent les pays en fonction de leurs
pratiques en matière de comptabilisation et d’évaluation. »193 Nobes en 1984 a proposé une
classification des systèmes comptables sous une forme d’arbre généalogique, tel que résumé
dans la figure ci-dessous :
Nous pensons que toutes classification de ce type présente un défaut fondamental dans la
mesure où elle suppose qu’il existe une uniformité comptable au sein de chaque pays, ce qui
est loin d’être le cas. On peut également reprocher à ce genre d’approche d’avoir tendance à
trop simplifier les ressemblances à l’intérieur d’un même groupe et à trop insister sur les
différences entre groupes.
Les différences fondamentales entre le modèle anglo-saxon et le modèle romano-germanique
sont résumées dans la figure194 suivante :
contexte tunisien. » ; Basma CHOUCHANE, in « Evolution culturelle comptable ou accumulation ? », 2005, congrès AFC. 193 Axel HALLER et Peter WALTON, in « Comptabilité internationale. », 1997, Vuilbert. 194 Axel HALLER et Peter WALTON, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
97
La forme de la régulation adoptée par chaque pays, ne peut être appréhendée uniquement par
la classification générale présentée auparavant, ni d’ailleurs expliquée de façon exclusive par
l’appartenance à une classe précise d’une classification donnée ou par les différences entre les
modèles. Dans ce sens la régulation de chaque pays est assez spéciale. Nous présentons à ce
titre, sous forme de schémas, les régulations de certains pays, largement cités par la doctrine,
qui sont considérées par certain comme des modèles à part entière :
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
98
Le cas de la France : une normalisation partenariale sous la tutelle de l’état ;
Le cas des États-unis : une normalisation professionnelle puis indépendante sous
contrôle para-étatique.
Le principe d’un cadre conceptuel nous apparaît, comme à de nombreux auteurs, un élément
indispensable de cohérence. « C’est à partir de ce cadre, qui est peut être réactualisé lorsque
cela s’avère nécessaire, que peut se construire progressivement un ensemble complet de
normes de qualité. »195
195 Jean KELLER, in « Normalisation comptable française. Faut-il un cadre conceptuel ? », 2001, Les cahiers de l’audit n°12.
FOUNDATION ACCOUNTING
STANDARDS ADVISORY COUNCIL
(FASAC) - environ 30 membres
FINANCIAL ACCOUNTING FOUNDATION
(FAF) 15 membres
SECURITIES AND EXCHANGE
COMMISSION (SEC)
FINANCIAL ACCOUNTING
STANDARDS BOARD (FASB) 7 membres
NOMME LES MEMBRES
CONSEILLE LE
ELABORE
NORME
NOMME LES MEMBRES ET FINANCE LE
APPROUVE OU REJETTE
DELEGUE LE POUVOIR
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
99
En reformulant cette opinion, on mesure immédiatement le chemin à parcourir pour parvenir
à cet objectif. Beaucoup d’obstacles et beaucoup d’incertitudes devront en effet être levés.
L’opposition entre réglementation et normalisation est, à notre sens, le point central. Dans ce
sens, nous nous demandons quelle serait l’autorité d’un cadre conceptuel sous la contrainte
permanente du droit constant ? La légitimité juridique du cadre conceptuel ne doit pas être
remise en cause par la loi n° 9-88 ; une publication par arrêté ou par avis du CNC n’aura
aucun sens dans ce cas.
En matière de régulation comptable plusieurs termes sont utilisés. Nous allons essayer ci-
dessous de définir chacun des termes les plus couramment utilisés :
L’harmonisation vise à réduire la diversité des pratiques comptables afin de les rendre
plus comparables. L’harmonisation pourrait être vue comme la première étape du
processus de création des normes comptables ;
La normalisation : Ce terme a été utilisé surtout dans la littérature européenne, où « la
normalisation » était la traduction de la « standardisation ». Les « standards » anglais
s’appelant « normes » en français, le processus de « standardisation » est traduit par
« normalisation ». La normalisation se situe entre l’harmonisation et la standardisation,
comme deux étapes du processus de création des normes comptables ;
La standardisation permet d’attendre une uniformité totale. Elle est plus ambitieuse que
l’harmonisation et la normalisation, parce qu’elle conduit à l’adoption d’une seule règle
comptable dont l’application sera universelle.
Pour mieux comprendre les différences entre ces concepts, nous proposons le schéma
suivant196 :
196 Emprunté à Elena BARBU, in « 40 ans de recherches en harmonisation internationale. », 2004, congrès AFC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
100
Ces différentes étapes sont illustrées dans le schéma197 suivant :
L’évolution de l’harmonisation internationale peut être facilement appréhendée à travers les
événements marquants de l’histoire de l’IAS. Le schéma198 suivant présente les importants
événements qu’a connus l’IAS.
Les étapes présentées par Barbu sont presque unanimement reconnues par la doctrine traitant
de la comptabilité comparée. Nous allons essayer d’exposer les significations qui leur sont
généralement attribuées :
Flexibilité : L’organisme international lors de sa création, forcé de satisfaire toutes les
parties, présentait plusieurs options de chaque traitement. Seules étaient écartées quelques
traitements, utilisés par certains pays, qui présentent des faiblesses doctrinales notoires ;
Comparabilité : L’organisme de régulation internationale privée après presque de deux
décennies de sa création, voyant sa légitimité se raffermir, se devait d’élever le ton, en
197 Emprunté à Elena BARBU, cit. op. 198 Emprunté à Elena BARBU, in « Le vagabondage comptable normatif existe-il toujours ? », 2003, congrès AFC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
101
restreignant les nombreuses options et en mettant fin à la diversité des options. L’accord
conclu avec l’IOSCO (L’International Organization of Securities Commissions) a permis
de le relancer au devant de la scène, en prévoyant que les sociétés côtés utilisant les
normes IAS peuvent être admis dans toutes les places boursières de la planète. Toutefois
cet accord a permis à l’organisme de contrôle boursier international d’imposer son
ingérence dans la révision des normes pour lesquelles sont aval était indispensable ;
Acceptabilité : L’adoption européenne sans véritable modification de presque la totalité
des normes a permis de redorer le blason de l’IAS dont le poids commence à surpasser le
FASB.
Selon Barbu plusieurs facteurs peuvent être explicatifs de l’harmonisation internationale. Le
schéma199 suivant synthétise les conclusions de cet auteur :
111...555... LLL EEESSS CCCOOONNNCCCEEEPPPTTTSSS DDDEEE VVV AAALLL EEEUUURRR EEENNN CCCOOOMMM PPPTTT AAA BBBIII LLL III TTT EEE...
Les comptabilités financières traditionnelles en vigueur en Europe et aux USA s'appuient sur
des principes bien établis (coûts historiques, prudence, etc.). Elles fournissent une mesure du
résultat et des fonds propres légale mais souvent contestée, même si elle ne manque pas de
défenseurs. Or l'importance accordée à ces deux piliers de l'information comptable, sur
199 Emprunté à Elena BARBU, in « Une meilleur connaissance de l’environnement comptable : condition sine qua non d’une meilleur compréhension de l’harmonisation comptable internationale. », 2006, congrès AFC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
102
lesquels s'appuient des décisions essentielles (en interne comme en externe), exige une
approche renouvelée pour atteindre le meilleur degré de pertinence possible.
C'est pourquoi, après plusieurs décennies de contestation du modèle comptable de référence,
les normalisateurs anglo-saxons sont parvenus à faire accepter par l'Union Européenne une
remise en cause d'un de ces principes fondamentaux qu'ils jugeaient incapable de fournir une
évaluation suffisamment représentative de la situation des entreprises.
L'évolution la plus significative et la plus discutée, apportée par les mesures adoptées en 2003
par la Commission de la réglementation comptable européenne et applicables dès 2005,
remplace en effet dans de nombreuses situations le principe du coût historique, imposé pour
l'évaluation des actifs et passifs avec les conventions actuelles, par le concept de « juste
valeur » (fair value).
« La notion de juste valeur, ou Fair value en anglais, implique la valorisation d'actifs et de
passifs sur la base d'une estimation de leur valeur de marché ou de leur valeur d'utilité par
actualisation des flux de trésorerie estimés attendus de leur utilisation. Ainsi, l'IASB impose
d'utiliser la juste valeur pour comptabiliser les instruments financiers qui n'ont pas vocation à
être détenus jusqu'à leur échéance (et notamment les produits dérivés), mais il n'a pas réussi à
l'étendre à tous les actifs et passifs. »200
Le schéma201 suivant synthétise les différentes valeurs indirectement visées dans le concept de
juste valeur :
Les effets de l’introduction de la juste valeur dans les normes internationales s’analyse selon
le poste bilanciel. Le schéma202 présenté dans la page suivante expose cette vision des
choses :
200 Pierre VERNIMEN, in « Finance d’entreprise. », 4ème édition 2000, Dalloz, Paris. 201 Emprunté à Alfred STELLER et Reda GHERBI, in « Les cadres conceptuels comptables et les méthodes d’évaluation », 2005, l’expert comptable suisse n° 04/05. 202 Emprunté à Alfred STELLER et Reda GHERBI, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
103
« Le capitalisme comptable français est passé par deux stades : la comptabilité en valeur de
marché (de 1800 à 1900 ; stade statique), la comptabilité en valeur coût (de 1900 à 2000 ;
stade dynamique). Depuis 2000, on entrerait dans le cadre d’une comptabilité en valeurs
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
104
actualisées. Il s’agit d’une révolution comptable liée à l’apparition possible d’un troisième
stade du capitalisme comptable français. (…) Au 19e siècle, les capitalistes français
acceptaient l’idée d’un « risque de mort » à court terme de leur entreprise et de décaler leurs
profits vers la fin du cycle d’investissement ; au 20e siècle, ils n’admettent l’idée de mort qu’à
long terme et revendiquent une répartition du profit sur l’ensemble de la période
d’investissement ; au début du 21e siècle, ils semblent, à l’instar de leurs homologues
américains, vouloir croire à une entreprise éternelle et avancer, grâce à la technique de
l’actualisation, les profits potentiels au début des cycles d’investissement. »203
Les principales incidences de l'adoption du principe de juste valeur et des normes IFRS sont
résumées dans le tableau 204 suivant :
Avantages recherchés Limites – Difficultés – Craintes
Pour le normalisateur
Accélération de l'harmonisation des normes internationales, début de standardisation des comptes consolidés ;
Amélioration de l'objectivité, de la neutralité, de la transparence, de la pertinence et de la fiabilité des informations comptables, donc de leur crédit ;
Réduction des options offertes dans l'application des normes pour simplifier la comptabilité et favoriser la comparabilité ;
Renforcement de l'efficacité du contrôle prudentiel des autorités de tutelle ;
Meilleure approche du risque encouru principalement sur les instruments financiers et les engagements hors bilan ;
Modernisation des pratiques de communication et d'analyse financières ;
Meilleure information des apporteurs de capitaux et des créanciers par une référence à des prix des actifs et passifs plus pertinents que les valeurs historiques.
Coexistence des normes nationales pour les comptes individuels et des normes internationales pour les comptes consolidés, d'où un volume plus important d'informations à traiter ;
Divergences entre le PCG et les normes IFRS pour les immobilisations (amortissements, crédit bail,…) entraînant un double suivi ;
Priorité donnée aux principes sur la simplicité et l'applicabilité ;
Méthode mixte complexe pour l'enregistrement des instruments financiers (juste valeur pour certains, coûts historiques pour d'autres) ;
Principe de prudence en retrait en traitant les gains latents comme les pertes latentes ;
Manque de repères externes pour les actifs non valorisés sur des marchés efficients, comme les actifs incorporels ;
Neutralité incertaine du principe de juste valeur compte tenu de la non efficience des marchés ;
Prégnance accrue des marchés financiers sur le pilotage des entreprises.
Pour l'investisseur et l'analyste financier
Meilleure appréhension de la réalité de l'entreprise en tentant de rapprocher sa valeur « bilantielle » et sa valeur de marché ;
Approche plus économique de la performance et de la valeur de l'entreprise (résultat par destination, analyse sectorielle et géographique, réévaluation des postes du bilan,…) ;
Manque de recul et d'études sur les avantages réels et les conséquences du principe de juste valeur, surtout sur le long terme ;
Perception difficile de la signification économique des gains et pertes latents, du suivi dans le temps des actifs et passifs, de la rentabilité opérationnelle incluant des éléments
203 Jacques RICHARD, in « Fair value : vers un troisième stade du capitalisme comptable français ? », septembre 2004, séminaire national français, sous le thème : « Nouvelles normes comptables : quels enjeux pour l’enseignement de la comptabilité ? ». 204 Tableau emprunté à Guy THOMAS, in « Le concept de juste valeur et la normalisation comptable internationale », 2004, http://www.educnet.education.fr/ecogest/veilleTic/comptagestion/compta08.htm.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 1
105
Informations financières plus riches et plus nuancées, prévisions facilitées ;
Comparaison des entreprises plus aisée y compris à l'international.
exceptionnels ;
Ambiguïté de la performance de l'entreprise mesurée à partir d'une variation entre deux exercices du résultat en juste valeur ;
Changement des habitudes des professionnels et complexité de la mise en œuvre.
Pour l'entreprise
Pilotage de court terme de l'entreprise plus aisé ;
Discipline imposée aux dirigeants en matière d'opportunisme relatif aux plus ou moins-values latentes et de création de valeur partenariale ;
Application aisée pour des actifs dont les valeurs sont observables sur des marchés liquides ;
Analyse simplifiée des comptes des concurrents.
Coûts élevés de l'obtention des informations en juste valeur et de la formation des professionnels ;
Interprétation difficile de la signification économique des gains et pertes latents ;
Plus grande part laissée à l'interprétation par les dirigeants ou les auditeurs dans l'évaluation ;
L'objectif d'un dirigeant n'est pas seulement d'accroître à court terme la valeur de marché de son entreprise.
111...666... LLL EEESSS EEELLL EEEMMM EEENNNTTT SSS DDDUUU CCCAAADDDRRREEE CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT UUUEEELLL MMM AAA RRROOOCCCAAAIII NNN...
Comme préalable au traitement de cette sous-section, nous avons élaboré un Tableau
synoptique de la comparaison des cadres conceptuels tunisien, international, suisse et
canadien (annexe B4). Ce tableau a été complété par une partie des dispositions du CGNC
suivant le canevas dégagé par la comparaison des différents cadres conceptuels étrangers. Le
tableau suivant présente les éléments, dégagés de la trame générale, existants dans le CGNC.
Eléments du cadre conceptuel Pris en compte
Eléments du cadre conceptuel (suite)
Pris en compte
1. Objectifs du cadre conceptuel Oui 7. Les éléments des états financiers Oui
2. Les utilisateurs des états financiers Oui 8. Comptabilisation des états …financiers
Non
3. Objectifs des états financiers Oui 9. La mesure des états financiers Oui
4. Les caractéristiques des états …financiers
Oui 10. Concept de capital et de maintien …..du capital
Non
5. les hypothèses sous jacentes Oui 11. Mécanismes de communications Oui
6. Les conventions comptables. Oui
On remarque que le CGNC comprend presque tous les éléments d’un cadre conceptuel. Dans
ce sens, il nous semble que nous pouvons parler d’un cadre conceptuel implicite marocain
contenu dans le CGNC. Toutefois ce cadre implicite suppose pour être pris en compte de
reconcevoir les règles en des normes et d’être publié sous une forme réglementaire lui
garantissant d’être au plus haut de la hiérarchie.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion partie 1
106
CCCooonnncccllluuusssiiiooonnn dddeee lllaaa pppaaarrrtttiiieee 111
Nous avons analysé dans cette partie, le raisonnement interprétatif d’un point de vue
comptable. Cette analyse a englobé deux éléments importants, à savoir l’image fidèle et
l’interprétation comptable à partir de la théorie comptable.
Avant d’étudier le concept de l’image fidèle, nous nous sommes penché sur un essai de
définition de l’image comptable. La mouture finale de cette définition est présentée ci-
dessous205 :
L’image comptable est une réalité économique perçue subjectivement au premier niveau par
le rédacteur des comptes, saisie objectivement au deuxième stade à partir d’un système de
représentation socialement déterminé, polluée fiscalement et orientée par les dirigeants de
l’entreprise et en dernier lieu reconstruite subjectivement sous forme unique et global par un
lecteur averti.
A ce stade de l’étude, l’interprétation comptable englobe trois étapes importantes, à savoir :
L’interprétation et la qualification des pièces comptables (étape préalable à la
comptabilisation) ;
L’interprétation des règles réglementaires comptables applicables ;
L’interprétation finale faite par le lecteur des états de synthèse.
En nous penchons sur la fidélité de cette image comptable, nous avons étudié, le cas de la
nécessité d’ajout d’autres informations comptables non prévues dans le cadre réglementaire
lorsque cette image fidèle est compromise. Dans le cas où ces informations ne sont pas
suffisantes pour attribuer la fidélité à cette image comptable, nous nous sommes prononcé
pour une obligation de dérogation à l’image fidèle, avec une interprétation extensive des
termes « situations spécifiques ».
La prise en compte d’une interprétation extensive de la dérogation, aboutit à notre avis, à faire
la distinction entre deux images comptables, à savoir :
L’image comptable normalisée : cette image correspond à la définition de l’image
comptable, qu’on vient d’exposer précédemment ;
205 Le schéma figurant à la page 22 synthétise cette définition.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion partie 1
107
L’image comptable personnalisée : Cette image à la différence de la première comprend
également les informations complémentaires dont l’ajout a été estimé nécessaire et les
dérogations au cadre réglementaire effectuées.
Cette décomposition de l’image comptable est synthétisée dans le schéma ci-dessous :
Nous avons ajouté dans le schéma ci-dessus, l’obligation de ne faire apparaître que les
informations significatives, (disposition prévue par le CGNC volume 1 p 45) dans la mesure
où elle nous semble un élément important pour aboutir à l’image fidèle. L’article 11 de la loi
n° 9-88 rédigée presque à l’identique de l’article L 123-15 du code commerce français, ne
prévoit pas cette disposition de façon expresse. Une interprétation large, considérant la non
mention de cette disposition comme une acceptation tacite, est à notre avis fortement à
recommander.
Il nous semble qu’il faudrait ajouter une quatrième étape de l’interprétation, consistant en
l’interprétation de la réalité économique, lorsque l’image personnalisée est appréhendée.
Dans le cadre de la comptabilité normalisée, un certain nombre d’options sont offertes,
toutefois un soin particulier doit être accordé à la rédaction de l’ETIC et plus particulièrement
à l’état A1 pour permettre au lecteur des états de synthèse de se faire une image comptable
normalisée presque identique, et ce quel que soit le rédacteur des comptes qui a conçu cette
image comptable ; c’est dans cet ordre d’idées que la comptabilité normalisée à un sens.
La distinction des deux images a de lourdes conséquences sur la responsabilité des
commissaires aux comptes. Dans la mesure où nous estimons que ces derniers en certifiant les
comptes se prononcent implicitement sur les deux types d’images. Par exemple, si une société
L’image comptable
normalisée
L’image comptable personnalisée
Image découlant de l’application des règles
réglementaires
Image découlant de l’application des règles
réglementaires
On doit ne faire apparaître dans l’ETIC que les
informations d'importance significative.
+ Complément d’informations lorsque l’image précédente
ne donne pas une image fidèle
Dérogations pour aboutir à l’image fidèle.
On doit ne faire apparaître dans l’ETIC que les informations d'importance significative.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion partie 1
108
détient cinquante pourcent de son actif constitué de titres d’OPCVM dont la valeur actuelle
correspond au double de son coût d’acquisition, une certification pure et simple, en absence
de dérogation, signifie-t-elle que les états de synthèse donnent une image fidèle ? Les
informations contenues dans les états de synthèse ne permettront pas au lecteur des états de
synthèse d’apprécier la réalité économique.
Lorsque une dérogation est effectuée, elle devrait être mentionnée dans l’ETIC, parce que ce
lecteur a une certaine appréhension de la comptabilité normalisée, qui n’englobe pas la
dérogation estimée nécessaire par le rédacteur des comptes.
Nous avons opté, dans le cadre de la présente étude, pour une appréhension du concept de
l’image fidèle sous formes de trois visions. Ces dernières sont synthétisées dans le schéma
suivant :
La troisième vision correspond à notre avis au véritable sens évolutif du concept anglo-saxon
de l’image fidèle. La différence entre la deuxième et la dernière vision est essentiellement
axée sur l’appréhension de la dérogation à l’image fidèle. Il est à signaler que les notions de
sincérité et de régularité ne sont pas visées selon la deuxième vision comme synonyme de
l’image fidèle206.
Dans le deuxième chapitre nous avons prouvé l’existence d’un cadre conceptuel implicite
marocain. Le schéma suivant expose la principale composante de ce cadre :
206 Nous nous sommes prononcé précédemment pour une signification de la régularité et de la sincérité, identique à celle de l’image fidèle, dans la mesure où nous avons estimé qu’il serait aberrant de croire en un concept de l’image fidèle novateur et évolutif et en même temps de concevoir les concepts de régularité et de sincérité d’une façon tronquée, correspondant à la mentalité du début du siècle. De la même façon que la théorie comptable évolue, les concepts comptables évoluent à leur tour ; rien n’est immuable dans la vie.
Les trois visions de l'image fidèle.
Une notion confuse limitée par le déraisonnable dans son appréciation.
Un souci de transparence passant par l’annexe en juxtaposition aux notions de régularité et de sincérité.
Une vision réelle par une traduction loyale de ce qu’est l’entreprise.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion partie 1
109
Toutefois, il nous semble que la prise en compte de ses caractéristiques n’est pas en elle-
même garante d’une information comptable de qualité. Nous allons essayer ci-dessous
d’illustrer nos propos par un exemple pratique.
Lors d’une étude accomplie par nos soins en Tunisie, portant sur la pertinence et la fiabilité de
l’information financière agricole207, nous avons relevé que l’information comptable agricole
tunisienne de qualité médiocre était pertinente et fiable. Cette question a été traitée sous les
deux angles suivants :
En analysant les insuffisances théoriques de la comptabilité agricole tunisienne, française
et internationale, à partir de l’étude détaillée des particularités comptables agricoles, nous
avons élaboré une esquisse des règles comptables qui devraient être établies. Ces règles ont
été confrontées à l’étude pratique des règles comptables appliquées en Tunisie réalisée à partir
d’un questionnaire adressé aux exploitations agricoles. Les résultats ont montré que
l’information comptable agricole est de qualité très inférieure au cadre théorique comptable
qui est à la base insuffisant ;
Pour pouvoir juger de la pertinence et de la fiabilité de l’information financière agricole,
nous avons étudié les besoins théoriques spécifiques des utilisateurs privilégiés dans le
domaine agricole en se basant sur une adaptation, à ce domaine particulier, de l’analyse
financière. Ce cadre théorique d’analyse a été testé en pratique en se basant sur un
questionnaire adressé aux différents responsables dans les établissements financiers, qui
s’occupent de l’octroi de crédits à ce secteur spécifique. Les résultats ont montré que ces
banquiers sont plutôt satisfaits de la qualité de cette information. Le facteur le plus marquant
207 Brahim CHAOUI, in « Pertinence et fiabilité de l’information financière agricole. », 2002, mémoire de fin d’étude, ISCAE Tunis.
Caractéristiques de l’information financière.
Pertinence Fiabilité
Satisfaction des besoins des utilisateurs
Cadre conceptuel implicite marocain
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion partie 1
110
relevé était que ces banquiers, de formation initiale agronomique, initiés à la comptabilité et la
gestion, font plus confiance à l’expertise accomplie par leurs soins de l’exploitation.
Dans ce sens nous estimons qu’il est fortement recommandé dans certains cas de dépasser
l’information pertinence et fiable qui répond aux besoins des utilisateurs, pour fournir une
information de qualité susceptible de créer des nouveaux besoins. Cette recommandation est
fortement soutenue à notre sens par la vison évolutive de l’image fidèle, à savoir : Une vision
réelle par une traduction loyale de ce qu’est l’entreprise.
Le schéma suivant permet de retracer synthétiquement notre point de vue :
Utilisateurs se contentant d’une information financière de qualité médiocre
Offre basée sur les caractéristiques de
l’information financière
Besoin
Offre
Information financière répondant aux besoins
d’une information financière de qualité
Conséquence L’offre est susceptible de créer la demande
Information financière de qualité médiocre
Vision évolutive de l’image fidèle : Une vision réelle par une traduction loyale de ce qu’est l’entreprise.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Partie 2
111
Partie 2 :
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Introduction partie 2
112
IIInnntttrrroooddduuuccctttiiiooonnn dddeee lllaaa pppaaarrrtttiiieee 222
« Indissociablement liée au droit dont il traduit les implications et les effets, la comptabilité se
propose donc la recherche et l'enregistrement de faits entraînant toute modifications
physiques et juridiques subies par les biens et droits appartenant à une entité juridique
quelconque. » 208 En effet, le bilan, qui est le document de synthèse comptable par excellence,
est la représentation chiffrée du patrimoine de l’entreprise ; de façon plus générale, on peut
affirmer que tous les montants qui entrent dans les comptes de bilan ou de résultats sont
l’expression en unités monétaires des droits subjectifs patrimoniaux de la personne dont la
l’entreprise relève. En ce sens, on a pu dire que la comptabilité est « l’algèbre du droit. »209
La comptabilité a toujours eu des relations privilégiées avec le droit et leur histoire commune
est bien longue. Depuis que les hommes ont établi des comptes, les juristes se sont intéressés
à ceux-ci. En fait, « dès que la comptabilité s'est constituée, un droit comptable est
apparu. »210
Si, de longue date, les prescriptions, du droit commercial ont rendu obligatoire la tenue d'une
comptabilité, ce n'est que plus récemment que le mode de tenue lui-même a fait l’objet d'une
réglementation visant à le soumettre à des normes, et que s'est imposée l'expression de droit
comptable, pour renvoyer à la branche du droit privé qui régit les comptables et la
comptabilité, définition qui suggère la prééminence du droit comptable sur les pratiques des
comptables. Dans les faits, celles-ci précèdent régulièrement la codification comptable, mais
il y a évidemment entre eux une constante interaction, dans laquelle le premier rôle revient
aux comptables : il leur appartient de rechercher les solutions permettant de répondre aux
nouveaux besoins que fait naître l'évolution économique et sociale puis, au moment où la
nécessité s'en fait sentir, de participer à leur codification.
Le droit comptable, comme le droit en général, est le fruit de l'histoire et de l'évolution
économique et sociale. « Au cours des âges, au travers des périodes, on a pu constater que les
faits économiques et sociaux ont été à l'origine des règles de droit, en particulier des règles de
droit économique dont fait partie le droit comptable. Les périodes riches en événements
208 Abderrahmane SAAIDI, in « La pratique du droit et de l’expertise comptable. », 1991, Revue marocaine de droit et d’économie du développement. 209 Pierre GARNIER, in « La comptabilité, algèbre du droit et méthode d’observation des faits économiques. », 1947, DUNOD, Paris, cité par Eric CAUSIN cit. op. 210 Robert OBERT cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Introduction partie 2
113
économiques et sociaux, et en particulier notre vingtième siècle ont été naturellement des
périodes riches en développement du droit comptable. »211
L’état de droit ne serait qu’un faux semblant si, dans son application, la norme de droit positif
était livrée à l’arbitraire des pouvoirs ou des personnes. C’est pourquoi la place du
raisonnement juridique et des règles qui le régissent est si importante dans un état de droit. Le
raisonnement juridique nous semble transposable à la comptabilité dans la mesure où la
comptabilité est, comme précisée ci-dessus, fondamentalement juridique. Le premier chapitre
de cette partie a été consacré à l’analyse de l’affirmation précédente.
L’essence d’une profession libérale réside dans le fait que son exercice exige un niveau élevé
de jugement. La valeur associée à l’information financière est influencée par la qualité des
jugements professionnels de l’expert-comptable qui s’appuient sur les jugements formulés
collectivement par l’ensemble de la profession dans les normes professionnelles. Le jugement
professionnel se situe donc au cœur de l’exercice de l’expertise comptable. Autrement dit,
l’exercice d’un jugement crédible traduit à la fois la complexité et l’expression des
compétences du professionnel comptable.
« Depuis les affaires Enron et World Com, on a assisté à une remise en cause de la sincérité
des comptes sociaux et parfois même des méthodes de comptabilisation et de
certification. »212 Le jugement professionnel est vu par certain comme l’élément central de
cette crise.
Est-il possible de remédier aux lacunes des règles comptables existantes par le jugement
professionnel ? Il nous semble que la réponse à cette question doit être subdivisée en deux
points :
Le jugement professionnel peut il être guidé par un cadre normatif ? et peut-il présenté des
caractéristique reconnues lui assurant de façon scientifique la réalisation de cet objectif ?
Le jugement professionnel, dans le cadre du premier point, peut-il être neutre, efficace et
sans but détourné ?
Certains auteurs affirment qu’« il faudrait tenir compte (…) du jugement professionnel »213
comme solution au comblement des lacunes. Nous avons élaboré une première section qui
sera consacrée à l’étude détaillée de cette notion dans la doctrine et la réglementation
internationale.
« Les lecteurs avertis peuvent relever dans les rapports financiers de nombreux exemples de
dérogations apparentes aux normes. Il ne fait aucun doute que ces situations sont parfois
attribuables à une simplification de la présentation de l’information dans des cas où
211 Robert OBERT, cit. op. 212 Claude BAILLY-MASSON, in « Degré de liberté et sincérité. L’expérience française. », 2004, L’expert-comptable suisse, n° 1-2. 213 Ross SKINNER, in « Pierre angulaire : Dans la communication de l’information financière, toutes les règles du monde ne remplaceront jamais l’exercice du jugement professionnel », novembre 1995, CA Magazine.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Introduction partie 2
114
l’application rigoureuse de la norme ne fournirait pas d’informations significatives. Si cette
explication est peu plausible, il est souvent difficile de déterminer si la dérogation est
délibérée ou si elle résulte tout simplement d’une opinion divergente quant à la façon dont une
norme devrait être interprétée et appliquée. »214 Plusieurs théories se sont intéressées à la
question en étudiant le comportement des professionnels comptables face à une situation
d’interprétation. Dans le cadre de cette étude nous n’avons retenu que les trois grandes
théories les plus reconnues au niveau mondial, qui ont étudié cette notion sous les visions
suivantes :
Vision éthique : La théorie du développement moral cognitif ;
Vision conventionnaliste : La théorie des conventions ;
Vision opportuniste : La théorie comptable positive.
Les deux premières visions seront étudiées lors de la deuxième section du deuxième chapitre
et la troisième vision sera quant à elle appréhendée dans le cadre plus général de la gestion
des données comptables traité dans la troisième section du deuxième chapitre.
214 Ross SKINNER, in « Jugement professionnel : une question d’interprétation. », Mars 1996, CA Magazine.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
115
Chapitre 1 :
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
116
111... EEETTTUUUDDDEEE PPPRRREEEAAA LLL AAABBBLLL EEE DDDEEE LLL AAA NNNOOOTTTIII OOONNN DDDEEE ««« LLL ’’’ III NNNTTTEEERRRPPPRRREEETTT AAA TTT III OOONNN »»» EEENNN DDDRRROOOIII TTT ...
Avant d’étudier la méthodologie du raisonnement interprétatif juridique qui sera traitée dans
la deuxième section de ce chapitre, nous avons estimé nécessaire de développer un certain
nombres d’études préalables, qu’on a regroupées dans la première section, à savoir :
La définition de l’interprétation et de ses notions voisines qui sont l’interprétations des
contrats et l’argumentation ;
L’histoire des principales écoles de l’interprétation ;
Les sanctions du droit comptable comme contrainte à l’interprétation comptable.
111...111... DDDEEEFFFIII NNNIII TTT III OOONNN DDDEEE ««« LLL ’’’ III NNNTTT EEERRRPPPRRREEETTTAAATTT III OOONNN »»» EEETTT DDDEEESSS NNNOOOTTTIII OOONNNSSS sssssssssssssssssVVV OOOIII SSSIII NNNEEESSS ...
Afin de mieux cerner la notion de « l’interprétation », nous avons essayé dans cette sous-
section de ne pas nous limiter exclusivement à un essai de définition de notion de
l’interprétation. Dans ce sens nous allons procéder à l’étude sommaire de deux notions
voisines, celle de l’interprétation des contrats et celle de l’argumentation.
111...111...111... DDDEEEFFFIII NNNIII TTT III OOONNN DDDEEE LLL ’’’ III NNNTTTEEERRRPPPRRREEETTT AAA TTT III OOONNN...
Etymologiquement le mot interprétation provient de la juxtaposition des termes latins
« inter » qui veut dire liens entre les personnes et « pretari » qui s’inspire du radical « pres »
qui signifie prix. Ce dernier terme indique la liaison entretenue avec le domaine commercial
où le terme désignait un courtier d’affaire (intermédiaire commercial), puis celui-ci fut dévier
de sa signification première pour désigner un crieur public (intermédiaire public), ensuite un
divin (intermédiaire religieux), puis enfin signifier un traducteur (intermédiaire linguistique).
Sous le vocable « interprétation », au sens large, on réunit fréquemment :
L’interprétation au sens strict : « Interpréter une règle de droit écrit, c’est en définir le
sens et la portée »215, en préciser les limites, en le plaçant dans son contexte. C’est en
réalité une méthode scientifique englobant l’ensemble des opérations nécessaires pour
rendre les normes, (réalités abstraites et de caractère général), susceptible d’une
application dans le concret. De ce point de vue, le droit doit être considéré comme une
science ;
L’application du droit : L’interprétation est aussi « l’ensemble des procédés intellectuels
qui servent à déterminer et à préciser, dans une situation concrète donnée, le principe
applicable »216 (la solution particulière de droit positif qu’il convient de donner à ce
problème de fait). De ce second point de vue, le droit est considéré comme un art.
215 Jacques FALYS, « Introduction aux sources et principes du droit. », Bruylant, Bruxelles, 1981. 216
P. PESTACORE, in «Introduction à la science du droit », 1960, Office des imprimés de l'État, Luxembourg, cité par Jean-François GERKENS, in « Introduction au droit privé », 2004, Éditions juridiques de l’Université de Liège.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
117
Les définitions de l’interprétation proposées par les différents auteurs, qui se sont intéressés à
la matière, divergent d’un auteur à un autre, dans la mesure où la conception du droit, des
finalités, des méthodes, des directives, de l’approche déductive ou inductive du raisonnement
juridique… différent eux aussi d’un auteur à un autre.
Par exemple chez les positivistes, interpréter signifie « élucider un texte à l’aide de sa formule
pour autant qu’on ne soit pas mener à créer une antinomie ou à combler une lacune. »217 Cette
définition nous semble très critiquable, parce que premièrement lorsque on juge un texte
comme obscure, on l’a implicitement interprété et deuxièmement la différence entre la
création d’antinomie et le comblement de lacunes n’est pas aussi évidente que ça.
Dans le cadre de cette étude nous avons choisis d’opter pour la définition suivante de Ost218 :
« L’interprétation est un ensemble d’opérations intellectuelles qui doivent être parcourues
pour trancher un problème (de droit) à l’aide de textes (juridiques) qui font autorité. »
Deux termes sont utilisés en arabe pour exprimer le terme « interprétation », à savoir :
Si nous revenons aux dictionnaires arabes, on retrouve que les deux .« ا���و� » et « ا������ »
mots ont un sens presque équivalents219. Toutefois un débat non encore clos anime les
jurisconsultes sur le choix du terme le plus approprié. Nous allons essayer sommairement de
présenter les différents points de vue.
: ���ه� ا���وق ��� ا������ و ا���و� �� أ«
0 ا�/.- '� ا������ ,+ أ��, إن ا���و� '�ول '� ا�&! " ا���ه� �% $ إ�" �! �� ��� ا���ه� ����� ���� ذا��
; �! " ا� $
;,� ا�&!��5 و ا���و�إن ا������ أ'� �� ا���و� و أآ�3 �� ��!&� ا������ ,� ا���2ظ
;�A=!7 ��%@7 ا�����7 �%��=� ا?�+�د7إن ا���=� �%>م ������ ا� $ �:9ف ا���و� ,+0 '&7�%
� ا�&�G&9ت ��ون E@C ا���و� أ��ا������ D!� ا�&��� C@!� ا��7�B '%" ا�&! " Hأ I�?��;
E,ا�أ�� ا���و� ,Rن ��'�7G%P� Q أو �H?7 أو =�ورة ����� ا�!�ول , إزا�7 �&0ض ا� $ �%�����إن ا�J'�K ا�
»220 .��� $ �� �! �� ا���ه� إ�" �! �� ��� ا���ه�
Le docteur marocain Karoumi221 qui a soutenu son doctorat sur le sujet du pouvoir
interprétatif du juge, a relevé les éléments suivants :
La jurisprudence marocaine utilise indifféremment les deux expressions222 ;
217 Cité par François OST, in « Introduction à la pensée juridique contemporaine », 2004, note de cours, IJPC. 218 François OST, cit. op. 219 ��D&ا� �K' 7&P', in «0ل ا������ ا���05نS2003 ,« أ, le caire. 220 ��D&ا� �K' 7&P', cit. op. � آ�و�� 221�!%�, in « 7�!=00ص ا�.�'�7 و ا�P 7 ا���=� ,� ����� ا�@%U », 1990, Doctorat d’état en droit privée, Faculté de droit de Casablanca. � آ�و�� 222�!%�, cit. op. p 132, se referant notamment à deux jugements civils n° 153 du 26 mars 1969 et n° 108 du 2’ janvier 1968, publiés au recueil de la jurisprudence de la Cour suprême en matière civil des années 1966 à 1982, publication de l’association de développement et des études juridiques, respectivement à la page 203 et 692.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
118
Les doctrines juridiques marocaines et arabes utilisent communément les deux
expressions sans opérer de distinction223 malgré la différence sémantique ;
Le législateur marocain a retenu le terme « �و�ا�� » dans les articles 461 à 463 du Dahir
formant Code des Obligations et des Contrats ;
La différente entre les deux termes est perçue différemment selon les quatre visions
suivantes :
1. Les deux termes sont équivalents ;
� و ا���و« .2Hوا Q?دا������ ذو و� ; » ة� ذو و?0� ��!
; )ا��&�ع وا�K�Wع( ا��وا7را?E إ�" ا������« .3
) .ا������ 0Uى �7��GP( ا��را7را?E إ�" ا������« .4
Pour notre part, nous partageons l’avis du Docteur Karoumi, que la différence entre les deux
termes réside dans : « أ�� ا���و� ,��K� Q5R ا�/9م '%" ��KU ا��� , م '%" ��KU ا��@Eا������ ه��K� 0 ا�/9 ».
Cette différence apparaît clairement au niveau du Coran où le terme « ا������ » apparaît une
seule fois dans «ن�C0رة ا���U » § 33 et « �و�ا�� » quinze fois dans « ل '&�انY 0رةU » § 7, « 0رU ة
,0U » § 6, 21, 36, 37, 44, 45رة 0U » § 39, « -U0رة 0U » § 53, « [50رة ا2'�اف » ,59 § « ا� ��ء
100 et 101, « اء�UW0رة اU » § 35 et « -+/0رة ا�U » § 78 et 82.
Il est a noter que la doctrine marocaine, a généralement recours à la classification suivante :
L’interprétation législative ;
L’interprétation doctrinale ;
L’interprétation jurisprudentielle.
111...111...222... LLL ’’’ III NNNTTTEEERRRPPPRRREEETTTAAATTT III OOONNN DDDEEESSS CCCOOONNNTTTRRRAAATTT SSS...
« La source de l’obligation de rendre compte est parfois un fait juridique, parfois un acte
juridique. (…) Pour les cas où la source de l’obligation comptable est un acte juridique, la
prévalence de la volonté réelle des parties (fondée sur des faits extrinsèques de l’acte) sur leur
volonté déclarée (fondée sur la lettre de l’acte écrit), notamment dans le travail de
qualification juridique, est connue et reconnue en droit des comptes. »224 L’interprétation en
comptabilité commence donc par l’étape de l’interprétation du contrat et de sa qualification225.
Celle-ci est régie par les règles de l’interprétation des conventions contenues dans les articles
223 Toutefois les livres en arabes que nous avons consultés utilisent uniquement le terme « ا������ », notamment : - �%�Pا�@�\ ا�� �را7U ا���05ن » ,� �A�5��7 ا���05ن: ا�& , ]G7 ا���5 �ة ,2002 ,«�Dح ا��D 7 ا�!K@�, Casablanca. - ��!_ �Hا�0ا �K', in « 7 ا�!��7 �%��05ن�� .Casablanca , دار ا� .� ا�&`���7 ,2000 ,« ا� �را7U ا���05ن » �D5, inة ���ا�5 -� �A�ا�!��7 �%��05ن، ا�&�Kدئ ا�!��G%� 7[، ا�� ��� ا�����b ا�&`���ا�&�Kدئ : � », 2001, 7!K@�
�ة�Dح ا��D ا�, Casablanca. � �KSي -&G� ي�» in ,ا��! 7��9UW!7 ا0ص ,� ا���05ن و ا�.�P ا���+�� ا�0=!�: ����� ا� �, �+����K@� 7 ا�!��7 و��و ا�
��9UWدار ا� +�7 ا�!���7 ,1979 ,« ا, le caire. - ��D&ا� �K' 7&P', cit. op. 224 Eric CAUSIN, cit. op. 225 Comme précisé dans le schéma de l’image comptable.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
119
461 à 473 du D.O.C. qui sont de formulation très proche des articles 1156 à 1164 du code
civil français (Le tableau figurant à l’annexe C1 (page 249) présente les textes marocain et
français réglementant l’interprétation des conventions).
Le contrat crée des obligations qui s’imposent aux parties, et dont le juge ne saurait les
contourner sans commettre un excès de pouvoir. Pour déterminer les obligations dont il doit
assurer l’exécution, le juge est souvent contraint de préciser le sens exact du contrat ; c'est-à-
dire qu’il doit interpréter le contrat. Nous exposerons ci-après les règles générales
d’interprétation du D.O.C. :
Le texte clair est impénétrable : L’article 461 du D.O.C. « est une sympathique règle de
bon sens, naturellement supplétive et qui ne peut en aucun cas arrêter l'application du
texte en cause si, par la suffisante clarté de ses termes, celui-ci fait de lui-même apparaître
qu'il exprime la volonté de ses auteurs. »226 « S’il appartient au juge du fond d’interpréter
les conventions des parties, ils ne peuvent, sous prétexte d’interprétation dénaturer le sens
et la portée des clauses claires et précises »227 ou encore lorsque « les termes du contrat
sont clairs, conciliables avec le but évident de l’acte et que le rapprochement de ses
différentes clauses ne fait naître aucune incertitude sur leur sens et leur portée. »228
Encore doit-il s’agir d’un texte clair, ce qui implique qu’il soit lisible. « Les tribunaux
admettent que les clauses imprimées en caractères minuscules et presque illisibles, ne sont
pas opposables à celui des contractants qui ne les a pas rédigées, parce qu’il n’a pas pu en
prendre connaissance. »229 ;
Suprématie de la volonté interne sur la volonté déclarée : L’article 462 traduit « une
règle romaine, qui affirme le dogme essentiel des partisans de l’autonomie de la volonté :
la suprématie de l’esprit sur la lettre. Aucune valeur propre ne s’attache à la déclaration de
volonté, qui n’est qu’un moyen de déterminer la commune intention des parties. »230 Cette
intention sera utilisée par le juge pour apprécier les différentes obligations qu’a créé l’acte
entre les cocontractants231. Par ailleurs, il nous semble qu’en matière contractuelle, la
prétendue recherche de la volonté réelle des parties risque toujours d’aboutir, en pratique,
à la prévalence de la volonté de l’interprète sur la volonté effective des parties.
« Toutefois les juges doivent éviter de « dénaturer les obligations résultant de la
convention et d’interpréter les clauses d’un acte, les unes par les autres, par le sens qui
résulte de l’acte entier. »232 « La plupart du temps, si les parties n’ont pas exprimé leur
226 Arrêt du 6 juin 1997 rendu par l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation de Paris publié au Bulletin d'information n° 458 du 01/10/1997. 227 Arrêt de la Cour suprême, chambre criminelle du 26 mars 1964 cité par François PAUL BLANC, in « Code annoté des obligations et des contrats : les obligations », 1981, Société d'édition et de diffusion al-Madariss, Casablanca. 228 Arrêt de la Cour suprême, chambre civil du 10 juillet 1962 cité par François PAUL BLANC, cit. op. 229 François CHABBAS, in « Leçon de droit civil. », 1991, Montchrestien. 230 François CHABBAS, cit. op. 231 ��D&ا� �K' 7&P', cit. op. 232 Arrêt de la Cour d’appel de Rabat, du 22 janvier 1946, cité par François PAUL BLANC, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
120
volonté sur un point déterminé, c’est qu’elles n’ont pas envisagé ce point. On solliciterait
donc leur volonté, au lieu de l’interpréter, si l’on recherchait, à l’aide d’éléments puisés
dans le contrat ou autour de lui, une commune intention qui, en réalité, n’a pas
existé. »233 ;
Recours à l’usage comme procédé supplétive : À défaut de volonté décelable, les
rédacteurs du Dahir des Obligations et des Contrats invitent le juge à recourir à la loi,
l’usage et l’équité :
• La loi : Le recours à la loi n’est encore, aux yeux des rédacteurs du D.O.C., qu’une
démarche en vue de rechercher la volonté des contractants : on présume que les parties, en
gardant le silence, ont entendu se référer aux disposition légales supplétives ;
• L’usage : l’usage est également234 considéré comme une règle supplétive à laquelle
les parties sont censées s’être tacitement référées (sauf « lorsque l’économie du contrat se
trouve modifié »235). L’article 463 n’y fait appel qu’a titre subsidiaire, lorsque la volonté
des parties n’est pas décelable ;
• L’équité : C’est en dernière analyse et en désespoir de cause, faute d’une volonté
décelable, d’une loi ou d’un usage supplétif, que le juge devra faire appel à l’équité.
« Les questions de fait sont laissées à l’appréciation souveraine des juges de fond, tandis que
la Cour de cassation contrôle l’application de la règle de droit par les tribunaux. Les juges du
fond constatent les faits, et sur ce point ils ne peuvent pas encourir la censure de la Cour de
cassation. Mais lorsqu’ils donnent aux faits leur qualification légale, ils s’exposent à la
cassation, car ils tranchent une question de droit. Cette distinction, très délicate en pratique,
reçoit une application dans la matière de l’interprétation du contrat. »236
« La doctrine et la jurisprudence ont très longtemps considérés que les règles relatives à
l’interprétation des conventions, déposés dans les article 1156 à 1164 du Code civil, ne
constituaient que des conseils données au juge et non des règles s’imposant à lui. Sous
l’impulsion notamment du discours prononcé le 1er septembre 1978, par le procureur général
Dumon, la Cour de cassation a infléchi cette solution traditionnelle en admettant que certains
de ces articles constituaient au sens de l’article 608 du code judiciaire, des lois dont la
violation pouvait être invoquées devant elle. C’est ainsi que la Cour a admis la recevabilité de
moyen pris de la violation des articles 1156, 1157, 1159, 1160, 1161 et 1162 du code civil.
La plupart des auteurs en déduisent que la même solution s’imposerait pour les articles de la
233 François CHABBAS, cit. op. 234 « En cas de conflit entre une loi supplétive et un usage contraire qui ne serait existant que depuis la promulgation de la loi. Il a été indiqué que l’usage doit l’emporter, car les parties, en gardant le silence , ont entendu vraisemblablement se référer à un usage connu plutôt qu’à un texte tombé dans l’oubli : la loi supplétive est abrogée par la désuétude. », François CHABBAS, cit. op. 235 François CHABBAS, cit. op. 236 François CHABBAS, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
121
section 5 du chapitre 3 pour lesquelles la Cour de cassation n’a pas encore eu l’occasion de se
prononcer. » 237
La Cour de cassation belge238 a aussi considéré que ces règles sont moins des préceptes
impératifs que des conseils dont l’application est laissée à la prudence du juge.
En matière d’enregistrement comptable des contrats, le principe civiliste de prédominance de
la volonté réelle des parties sur leur volonté déclarée est relayé et consacré par le principe
anglo-saxon de « substance over form ».
Le comptable est, cependant, confronté à un problème pratique récurrent et majeur : comment
prétendre faire prédominer la volonté réelle des parties alors que les seuls éléments
disponibles sont les écrits de leur contrat ? En cas de contentieux porté devant lui, le juge est
habilité à trancher les problèmes de preuve relatifs aux différents modes de manifestation de
la volonté des parties ; il peut notamment faire entendre les témoins et arbitrer des
présomptions diverses, voire contraires. On conçoit mal, cependant qu’un tel pouvoir échoie
au comptable, « a fortiori » au comptable d’une seule partie à l’acte. Par ailleurs le souci de
sécurité juridique, qui est profondément à l’œuvre dans la pratique comptable et en droit
comptable justifie le principe comptable de clarté qui impose au comptable de procéder à des
écritures conformes au sens littéral des écrits qui lui sont soumis.
111...111...333 LLL ’’’ AAARRRGGGUUUMMM EEENNNTTTAAATTT III OOONNN...
« L’interprétation est une forme particulière d’argumentation pratique en droit, suivant la
quelle on se prononce pour telle façon de comprendre des textes et des documents de
référence, qui vaut comme raison particulière de justifier les décisions de justice. »239 Cette
vision des choses que nous partageons n’est pas totalement admise par la doctrine, dans la
mesure où la relation entretenue entre l’interprétation et l’argumentation fait l’objet d’une
vive controverse. Nous avons choisis dans le cadre de l’étude préliminaire, d’introduire aussi
la définition de l’argumentation comme préalable aux concepts des directives interprétatives
que nous développerons par la suite.
L’homme pratique l’argumentation dès qu’il communique, et plus encore s’il cherche à faire
partager ses opinions, ses croyances, ses valeurs. L’argumentation appartient donc à la famille
des actions humaines qui ont pour objectif de convaincre. Cette fonction sociale peut
cependant être source de méfiance et de malentendus : les commerciaux sont souvent accusés
d’en faire une pratique de manipulation.
Les définitions données, de cette notion, par la majorité des auteurs qui se sont intéressés à la
question, sont presque identiques. Selon cette vision, l’argumentation serait un raisonnement
237 Lucier SEMONT, in l’ouvrage collectif « Bicentenaire du Code civil (1804-2004) », 2004, Larcier. 238 Cité par François OST, cit.op. 239 Neil MACCORMICK, in « Argumenter en droit. », paru dans « Interprétation et droit. » sous la direction de Paul EMSELEK, 1995, E. Bruyant, Bruxelles.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
122
destiné à prouver ou à réfuter une proposition, à développer un ensemble d’arguments tendant
à une même conclusion.
« L’école de Perelman a repris l’initiative après la seconde guerre mondiale et de nombreux
auteurs l’ont suivis sans innover beaucoup par rapport à ses travaux. Reboul s’inspire
largement de lui lorsqu’il définit l’argumentation à partir de cinq traits :
1. Elle s’adresse à un auditoire particulier avec ses contingences historiques et
géographiques ; on pourrait ainsi suggérer que le particulier est à l’universel ce que
l’argumentation est à la démonstration ;
2. Elle s’exprime en un langage naturel avec le risque de l’équivoque et la richesse de
possibilités nouvelles ;
3. Les prémisses sont vraisemblables ce qui ne signifie pas que l’argumentation est
réductible à une logique de probabilité ;
4. La progression de l’argument dépend de l’orateur, contrairement à la logique classique qui
exclut la temporalité ;
5. Les conclusions sont toujours controversables ce qui signifie que toute argumentation
implique une réfutation et réciproquement. »240
Dans le cadre de cette étude nous avons préféré l’adoption de la définition suivante : « C’est
mettre en œuvre un raisonnement logique, dans une situation de communication précise, avec
une intention claire et admise. »
«Une argumentation concerne une thèse donnée dans un champs donné. Le choix du domaine
impose des contraintes spécifiques. »241 Il nous semble que la définition que nous avons
retenu devrait être complétée par la mention de son champs à savoir le droit. De plus, il nous
semble que cette définition peut être décomposé en deux éléments :
Une proposition d’une opinion à autrui en leur donnant de bonnes raisons d’y adhérer ;
Ce « n’est pas convaincre à tout prix » ; l’argumentation se distingue en cela de la
manipulation et de la persuasion.
Le processus d’argumentation peut être représenté par une triade formée des trois éléments
suivants :
L’orateur , celui qui argumente ;
L’argument , défendu par l’orateur, est l’opinion mise en forme pour convaincre ;
L’auditoire que l’orateur veut convaincre d’adhérer à l’opinion qu’il propose.
240 Philippe THIRY, cit. op. 241 Otto PEFERSMAN, in « Arguments ontologiques et argumentation juridique », in « Raisonnement juridique et interprétation : journée d'étude internationale. », 2001, organisée par Otto PFERSMANN et Gérard TIMSIT le 14 juin 1999 et le Centre d'étude et de recherche sur l'administration publique, Publications de la Sorbonne, Paris.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
123
L’argumentation est intimement liée à la rhétorique242. Cette dernière peut être définie dans
son sens littéral comme l’art de bien parler. Par extension cette définition peut comprendre
les techniques à mettre en oeuvre. Le schéma243 suivant illustre les rapports étroits entre les
deux notions.
« Un argument qui persuade un auditoire peut n’exercer qu’un très faible effet sur un
autre. »244 Pour apprécier la valeur et pas seulement l’efficacité des arguments, il est normal, à
défaut de critères objectifs, de se référer à la qualité de l’auditoire.
111...222... LLL ’’’ HHH III SSSTTTOOOIII RRREEE DDDEEESSS PPPRRRIII NNNCCCIII PPPAAALLL EEESSS EEECCCOOOLLL EEESSS DDDEEE LLL ’’’ III NNNTTT EEERRRPPPRRREEETTTAAATTT III OOONNN...
« L’interprétation des textes est l’une des formes principales du savoir et de la culture.
Pourtant, son histoire demeure mal connue, de même que ses relations avec l’histoire des
sciences et de la raison en général. »245 Tel est la première phrase de l’introduction d’un
récent ouvrage de Frydman sur l’histoire de l’interprétation. Cet auteur présente les différents
modèles spécifiques d’interprétation du droit selon l’apparition des idées et des pratiques
juridiques à travers l’histoire depuis les traités rhétoriques judiciaires de l’antiquité grecque et
latine.
242 Jean pierre COMETTI, in « L’argumentation est-elle sans lendemain ? », dans l’ouvrage collectif dirigé par Pierre LIVET intitulé « L'argumentation. Droit, philosophie et sciences sociales », 2000, Presses de Laval, L'Harmattan. 243 http://www.creg.ac-versailles.fr/IMG/pdf/L_argumentation.pdf. 244 Chaïm PERELMAN, in « La Raisonnable et le déraisonnable en droit : au-delà du positivisme juridique. », 1984, Libr. Générale de droit et de jurisprudence, Paris. 245 Benoît FRYDMAN, in « Le sens des lois : histoire de l’interprétation et de la raison juridique. », 2005, Bruylant / LGDJ, Bruxelles.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
124
L’étude de l’ensemble des écoles de l’interprétation du droit nous dévierait de notre étude
centrale. C’est dans ce sens que nous avons opté pour la présentation des principales écoles
d’interprétation généralement présentées dans les cours universitaires d’introduction au droit,
dans la mesure où les méthodes d’interprétation actuelles puisent leurs sources historiques
dans ces écoles.
111...222...111... LLL ’’’ EEECCCOOOLLL EEE DDDEEE LLL ’’’ EEEXXXEEEGGGEEESSSEEE...
L’école de l’exégèse s’est développée en France, au cours du siècle dernier, à la suite de
l’apparition des grands codes napoléoniens qui suscitaient dans toute l’Europe « fascination et
respect »246. « Formés sous l’ancien régime, les premiers commentateurs du code civil
n’estimèrent point que la mise en vigueur de ces codes portait atteinte, dans ce qu’elle avait de
fondamental, à la liberté de l’interprétation juridique qu’avait favorisé le régime
jurisprudentiel et coutumier antérieur. »247 Vers le milieu du 19ème siècle, l’ont vit apparaître
une nouvelle génération de juriste qui n’ayant plus connu que les codes et les ayant de
surcroît, pratiqués à l’époque de leur fraîcheur première, estimèrent, à la suite de Blondeau,
doyen de la faculté de Paris, que « la volonté du législateur est la seule source de droit, que
cette volonté tient toute entière dans les textes qui l’expriment et que les cours et tribunaux
n’ont aucune autre mission que de la rechercher par une interprétation en quelque sorte
«interne» de la loi. »248
«La même démarche sera suivie en Allemagne, au lendemain de la mise en œuvre de son
code civil en 1900. Dans une moindre mesure, les grands dahirs organiques marocains de
1913, lancés au début du protectorat, exerceront les mêmes attraits sur la doctrine.»249
Pour essayer de mieux appréhender, l’idée énoncée par les fondateurs de cette école, qui veut
que tout le droit positif soit contenu dans la loi écrite, nous allons essayer d’exposer les
soubassements théoriques de cette école:
La sacralisation des textes : Le problème de l’interprétation des règles de droit se réduit
à celui de l’interprétation des textes légaux, plus exactement aux « formules légales.»250
En ce sens, il y avait une croyance répandue que les codes contenaient toutes les règles
juridiques et sont les seules sources des textes du droit positif251. Pour décrire cette vision
la littérature juridique fait souvent référence à Bugnet qui disait que « je ne connais pas le
droit civil, je n’enseigne que le code Napoléon. » Si l’interprète n’arrive pas à extraire la
règle des codes pour résoudre un problème, le défaut n’est pas rattachable au vide
législatif mais à l’interprète qui n’a pas su interpréter252 ;
� �KSي 246&G� ي� .cit. op ,ا��!247 Jacques FALYS citant DUVERGIER (1837), in « Introduction aux sources et principes du droit. », 1981, E. Bruylant, Bruxelles. 248 Jacques FALYS cit. op. 249 Mohammed Jallal ESSAID, cit. op. 250 Jacques FALYS cit. op. 251 �%�Pا�@�\ ا�� , cit. op. 252 Mohammed Sabri ASSARDI citant ECHERKAOUI, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
125
Le droit se restreint à la volonté du législateur : Les fondateurs de cette école
affirmaient que la volonté du législateur est la base du droit et que l’esprit de la loi est la
meilleure voie à suivre. En ce sens ils proclamaient qu’il ne faut pas s’arrêter à la lettre
mais à l’intention du législateur qui peut être soit réelle soit présumée :
Intention réelle : L’interprète doit découvrir l’intention du législateur au moment de
l’élaboration de la loi en recourant entre autre aux travaux préparatoires, à l’exposé des motifs
ou au débat en séance plénière de l’organe législatif…
Volonté présumée : Si un litige se présente pour lequel le législateur n’a pas prévu de règles,
les tenants de cette école édictent l’obligation de déterminer la règle que le législateur aurait
produit au moment de l’élaboration de la loi, s’il avait prévu cette règle ;
La production du droit est le monopole du législateur : Ce postulat n’est autre qu’une
stricte conséquence des points précédents.
En conformité avec ces postulats, mis en exergue ci-dessus, l’école de l’exégèse mit au point
les divers procédés d’interprétation suivants :
Quand une loi est claire : « Il ne faut point en éluder la lettre, sous prétexte d’en pénétrer
l’esprit. »253 C’est le principe de l’interprétation littérale ou grammaticale, qui se fondant
sur la considération que le législateur pour exprimer sa pensée, ne s’écartera pas des règles
normales de la langue, consiste à s’en remettre au sens des mots utilisés par le législateur
dans leurs acceptions usuelles ou techniques ;
Quand une loi est obscure : « Par delà des mots l’on recherchera la pensée de la loi
jusqu’en l’âme de son auteur, en comparant d’abord les textes légaux relatifs à des
problèmes similaires à l’effet de préciser le sens des mots employés dans le texte douteux,
en sondant ensuite, en cas d’insuffisance continuée, les mille circonstances extrinsèques
au libellé de la loi. L’on consultera ainsi les travaux préparatoires. A défaut de leur
réponse, l’ont s’interrogera, en outre la tradition historique à l’effet de replacer la loi, prise
à sa naissance, dans son milieu d’origine, de façon à dégager la pensée qui l’a fait éclore.
Et si l’obscurité subsiste, l’on fera appel, enfin à l’équité puis aux principes généraux du
droit envisagés non pas en eux même et comme source immédiate d’interprétation, mais
en vue de reconnaître les considérations de justice, d’utilité et de raison, qui ont dû
diriger les rédacteurs de la loi »254 ;
Dans l’hypothèse où une loi se révèle lacunaire ou insuffisante : « l’interprète utilisera
tous les procédés du raisonnement logique : les arguments a fortiori et a contrario
l’analogie, ou le procédé de déduction. »255
Le professeur Assardi256 a procédé au regroupement des critiques (résumées ci-dessous), dont
a fait l’objet cette école et qui ont entraîné son déclin :
253 Jacques FALYS citant VOYES, cit. op. 254 Jacques FALYS citant VOYES, LAURENT et AUBRY, cit. op. 255 Mohammed Jallal ESSAID citant P. COURBE, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
126
La sacralisation de l’intention du législateur aboutit à une stagnation juridique et un arrêt
du développement du droit, le rendant peu à peu anachronique (divorce entre la doctrine et
la jurisprudence) ;
L’attachement uniquement à la forme en délaissant le fond ;
Altération des fondements sur lesquels se base cette école dans sa conception du droit.
Toutefois, cet auteur s’attache à reconnaître des avantages indéniables à cette école comme
l’opposition à l’ingérence dans la justice, la création de la stabilité nécessaire dans les
relations juridiques ou encore le respect des textes légaux.
Dans le cadre de cette étude nous partageons les idées du professeur Essaid257 qui énoncent qu’« il faut distinguer l’école de l’exégèse (…) qui parait tout a fait dépassé et
la méthode exégétique, qui a conservé un certain champ d’application, même de nos jours. (…) Les textes récents méritent d’être analysés, suivant les méthodes
d’interprétation modernes, mais aussi à la lumière de la volonté de leurs auteurs qui ont le souci de promouvoir une réforme susceptible de répondre aux besoins de la société. »
111...222...222... LLL ’’’ EEECCCOOOLLL EEE HHH III SSSTTTOOORRRIII QQQUUUEEE OOOUUU SSSOOOCCCIII OOOLLL OOOGGGIII QQQUUUEEE...
Dès la fin du siècle dernier, l'on fit à l'école de l'exégèse la reproche de faire du droit l'objet
« d'une géométrie sans attache avec les réalités sociales »258. Un mouvement contraire voulut
détacher les textes de la volonté du législateur pour leur assurer une existence propre, de
manière que le droit, au lieu que d'immobiliser la vie de la société, reste en contact étroit avec
elle et la suive dans son évolution. C'est l'école historique ou sociologique.
Aussi l’école historique est apparue suite aux virulentes critiques dont faisaient l’objet l’école
du droit naturel. Il nous semble qu’il serait intéressant d’introduire en premier cette dernière
école pour essayer de mieux comprendre la première.
L’idée du droit naturel était en premier lieu strictement philosophique notamment chez les
grecques et les romains, puis au moyen âge celle-ci est devenue religieuse et enfin elle a été
appréhendée par les juristes du 17ème et 18ème siècles.
Ce courant juridique proclamait que le droit naturel est universel et éternel, et c’est à la raison
humaine de découvrir la loi inscrite par le créateur sur les tables du cœur de l’homme pour
régler l’activité des êtres humains, parce qu’il s’impose au niveau des consciences et de la
raison tout en ne faisant pas plier extérieurement les volontés. C’est dans ce sens que le droit
naturel entraîne une meilleure justification de la force obligatoire qui n’est pas directement
basée sur la contrainte publique et aussi qu’il devrait être l’unique mesure de la validité des
règles du droit positif mises en œuvre par le juge pour écarter les lois injustes.
256 Mohammed Sabri ASSARDI, cit. op. 257 Mohammed Jallal ESSAID, cit. op. 258 Jacques FALYS citant VOYES, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
127
Pendant cette même période du 17ème et 18ème siècles, une autre idée était en gestation, celle
du contrat social. L’idéologie de l’acte et des parties prenantes différait d’un auteur à un autre.
Hobbes affirmait que le droit naturel n’existe pas et que la suprématie total du souverain n’a
pas de limite parce que les membres de la société ont délégué à celui-ci leur liberté et leurs
droits à l’aide d’un contrat social. Ensuite Locke estimait que cette délégation n’était que
partielle, dans le sens où elle ne vise que celle aboutissant à l’intérêt général, l’autre partie
étant une contrainte à la liberté du souverain qui doit s’engager à respecter les droits naturels
de ses sujets. Puis Rousseau, à son tour, épousa l’idéologie du contrat social pour réfuter la
souveraineté à un monarque ou à un corps particulier parce que celle-ci appartient au peuple
qui a conclu un contrat social pour écarter leurs droits illimités, innés et naturels contre des
droits positifs civils limités dont le respect est confié à un mandant.
Pour contre carrer les insuffisances de l’école du droit naturel qui a suscité beaucoup de
critique pendant le 19ème siècle, deux courants appartenant à la philosophie réaliste, ont vu le
jour : Le premier c’est l’école historique apparue en Allemagne dans la première moitié du
19ème siècle et le deuxième, appelé l’école de l’entraide social, s’est développée en France
dans la deuxième moitié du 19ème siècle.
L’école historique ne s’est véritablement constituée qu’à l’aide du savant Savigny qui
s’opposait à une codification en Allemagne inspirée des codes napoléoniens, parce qu’il
estimait que le droit variait en fonction de l’espace et du temps et qu’il subissait des
influences diverses. Il affirmait que le droit n’est pas le fruit d’une seule génération parmi les
nombreuses générations de la nation, mais il est le fruit d’un développement historique qui
tire ses racines de son passé. C’est en cela qu’il est le fruit d’un travail collectif continu
concomitant au développement de la nation à travers le temps. Comme la nation veille à
conserver sa langue, elle doit veiller à conserver son droit qui naît de la conscience collective.
Puchta259, un des élèves de Savigny estimait, tout comme son maître, que le droit dans le
stade actuel de son développement, est un produit national tout comme la langue et tire ses
sources de l’esprit du peuple et de la conviction général. C’est en cela qu’il crée une unité de
réflexion entre les membres d’une même nation.
Le français Saleilles a soutenu dans une certaine mesure ces propos allemands. « Cet auteur
propose de détacher l'interprétation de la loi de l'intention de ses rédacteurs, pour lui donner le
sens qui répond le mieux aux besoins actuels de la société. C'est ce que résume sa formule
célèbre, « Au-delà du Code civil, mais par le Code civil. »260 Nous allons ci-après essayer de
présenter les fondements théoriques de cette idéologie :
Il n’existe pas de droit naturel immuable dans le temps et dans l’espace ;
Le droit n’est pas le produit de la volonté du souverain mais il est un fait social qui se crée
avec la société et se développe avec elle ;
259 Cité par Mohammed Sabri ASSARDI, cit. op. 260 Mohammed Jallal ESSAID, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
128
Le droit est le produit des conditions sociales où il se crée spontanément. Dans ce sens il
n’est pas le fruit d’un raisonnement, une volonté ou une extraction humaine consciente ;
Le droit se crée sous forme de coutume à travers les usages et les croyances populaires ;
Le rôle du législateur se restreint à l’observation du développement du droit dans la
conscience collective ;
La codification du droit entraîne la stagnation du droit qui devrait plutôt se développer
librement et spontanément.
En conformité avec sa conception du droit, l’école historique a mit au point une conception de
l’interprétation assez spéciale. Dans la mesure où le droit n’est pas le fruit d’une volonté
consciente et qu’il se développe en même temps que le développement des conditions
sociales, le critère essentiel de l’interprétation ne pourrait être que « les conditions sociales
changeantes ». Dans cette conception, le texte, dès sa création, devient autonome et son sens
se développera avec le développement des conditions sociales, pour qu’il puisse suivre les
nouveaux besoins de la société. En d’autres termes, il y a une certaine « tendance pragmatique
ou fonctionnelle qui tâche non point à se demander ce que le législateur aurait fait en son
temps mais à faire dire au texte légal toute ce qu'il est possible et utile qu'il dise compte tenu
des difficultés nouvelles »261 au moment de la survenance du litige. « C'est donc à la fois une
interprétation déformante et constructive. On peut aller, au-delà des textes, leur faire
dire ce qu'ils n'ont jamais voulu dire. Mais, pour créer la solution nouvelle, il faut toujours prendre appui sur un texte.
Dans la jurisprudence française, on peut relever des exemples qui démontrent que cette
méthode a été effectivement mise en application par les tribunaux. C’est ainsi que les articles
du code napoléon sur la responsabilité ont été appliqués aux accidents causés par des voitures
automobiles, alors que le législateur de 1804 ne pouvait avoir en vue que les dommages
concevables à l'époque : les dommages causés par les animaux et les bâtiments tombant en
ruine. »262
Cette école contredit le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, parce qu’elle
permet au juge de sortir de son rôle, sous le prétexte de l’interprétation de la volonté
présumée, pour changer la législation, ce qui aboutira a une multitude d’interprétation pour
des affaires similaires. D’un autre point de vue, cette situation entraîne une instabilité des
règles juridique, parce que le juge ne peut s’empêcher d’introduire ses idées personnelles
qu’il attribuera au législateur263.
261 Jacques FALYS citant VOYES, cit. op. 262 Mohammed Jallal ESSAID, cit. op. 263 ��D&ا� �K' 7&P', cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
129
Pour conclure nous dirons que l’utilisation de ce type d’interprétation peut s’avérer dans
certain cas fort intéressant malgré que l’école historique n’a pas édicté des règles rigoureuses
d’interprétation264.
111...222...333... LLL ’’’ EEECCCOOOLLL EEE DDDEEE LLL AAA LLL III BBBRRREEE RRREEECCCHHHEEERRRCCCHHH EEE SSSCCCIII EEENNNTTT III FFFIII QQQUUUEEE...
« L’un des premiers à s’insurger contre la « géométrie juridique »265 à laquelle aboutissait
l’école de l’exégèse fût François Geny qui ne suivit point les tenants de la méthode historique
ou sociologique. »266 Contrairement à la méthodologie adoptée dans les deux écoles
précédentes, il nous semble opportun d’introduire en premier la méthode d’interprétation de
Geny, puis introduire ensuite sa vision hybride du droit, suivant en cela la succession
historique des idées développées par l’auteur dans ses livres.
Dans son livre « Méthodes d'interprétation et sources en droit privé positif : essai critique.»,
paru en 1899, Geny présente une méthode d’interprétation qui concilie entre l’école de
l’exégèse et l’école sociologique, empruntant à la première, dans le cas de l’existence de texte
clair, la recherche de la volonté réelle du législateur au moment de la rédaction de la loi, dans
ce sens le texte est restreint à la volonté que le législateur a voulu réellement transmettre, et
aussi a emprunté à la deuxième, dans le cas de l’inexistante de texte ou l’existence de lacunes,
une essai de réponse aux nombreuses critiques dont elle a fait l’objet, en affirmant que : « Il
ne saurait y avoir place pour l’interprétation proprement dite de la loi et il faut recourir à une
autre branche de la méthode »267. C’est à dire à la libre recherche scientifique de cette
« volonté plus profonde dont les sources formelles du droit ne sont manifestement que des
révélations. »268
« De la sorte, le juge, se détachant complètement de la loi, qui est par hypothèse défaillante,
se transformera en législateur. En utilisant les procédés habituels de l'élaboration du droit, le
magistrat est appelé à jouer un rôle normatif, pour créer la règle de droit.
La méthode de Gény exercera une grande influence, non seulement sur la doctrine, mais aussi
sur certaines législations. C'est ainsi que le code civil suisse dispose, dans son premier article,
que le juge, en cas de carence de la loi ou de la coutume, se prononcera selon les règles qu'il
établirait s'il avait à faire acte de législateur. Ce pouvoir normatif du juge n'est admis ni par le
droit français, ni par le droit marocain. »269
264 ��!_ �Hا�0ا �K', cit. op. 265 Fridman démontre que la libre recherche scientifique de Gény puise son inspiration fondamentale dans la philosophie positiviste d'Auguste COMTE. Il montre également que, contrairement à l'opinion reçue, la critique par Gény de « la méthode traditionnelle » ne vise pas l'école de l'exégèse mais bien l'école du droit naturel moderne, avec laquelle le projet scientifique de Gény entre en concurrence, Benoît FRYDMAN, in « François Gény, mythe et réalités : 1899-1999. Centenaire de Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif », 2000, Blais - Dalloz – Bruylant. 266 Jacques FALYS, cit. op. 267 François Geny, in « Méthodes d'interprétation et sources en droit privé positif : essai critique.», réédition 1995, Libr. Générale de droit et de jurisprudence, Paris. 268 François Geny, cit. op. 269 Mohammed Jallal ESSAID, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
130
Gény entre 1921 et 1930 a édité les quatre tomes de son livre intitulé « Science et technique
en droit privé positif : nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique. » où il
explique que le droit est composé de deux éléments : la science et la technique. Le premier
met en exergue la matière première du droit et le deuxième, c’est celui qui vient après que le
contenu de la règle juridique soit circonscrit pour le rendre applicable. Il relève dans ce sens
de l’art législatif270.
Dans sa conception, Gény affirme que la matière première du droit se compose des quatre
éléments suivants :
Données réelles ou naturelles : Elles se composent en des données géographiques,
psychologiques et culturelles, économiques, sociales et politiques ;
Données historiques : Celles-ci comprennent essentiellement les développements subis
par les systèmes juridiques ;
Données rationnelles : Ce sont les données que l’esprit extrait des données naturelles et
historiques. L’esprit doit les « astiquer » pour obtenir des données rationnelles qui sont
conformes avec le but qu’a voulu accomplir le législateur ;
Données idéales : Elles représentent l’aspiration de la société à rendre le système
juridique au niveau du parfait. Elle représente en cela le fond du droit naturel classique.
« La conception de Gény du droit est une vision hybride inspirée de plusieurs écoles. Dans ce
sens le premier type de données est puisé de l’école de l’entraide social, le deuxième de
l’école historique, le troisième de l’école du droit naturel et le quatrième du philosophe et
théoricien Engels »271
« Cette classification des données introduites par Gény, qu’il nomme de scientifique, nous
semble se restreindre qu’au deux premières données et que les deux autres n’ont rien de
scientifique dans le sens usuel du terme. »272
111...333... LLL EEESSS SSSAAANNNCCCTTT III OOONNNSSS DDDUUU DDDRRROOOIII TTT CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBLLL EEE CCCOOOMMM MMM EEE CCCOOONNNTTT RRRAAAIII NNNTTTEEE AAA …………... . LLL ’’’ III NNNTTT EEERRRPPPRRREEETTTAAATTT III OOONNN CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBLLL EEE...
L’interprétation juridique est limitée par deux contraintes :
Le raisonnable : l’interprétation déraisonnable n’est pas argumentativement accéptée ;
L’interprétation d’une norme juridique est influenc ée par l’interprétation de la disposition édictant la sanction dans le cas du non respect de la norme : Par exemple
le sens de la régularité peut être appréhendé à travers le sens donné à l’irrégularité.
Nous avons choisis de nous restreindre dans cette étude, à l’analyse de la première contrainte
et plus particulièrement des sanctions de l’absence de la régularité ou l’image fidèle des états
270 Mohammed Sabri ASSARDI, cit. op 271 Mohammed Sabri ASSARDI, cit. op. 272 Mohammed Sabri ASSARDI, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
131
de synthèse. Cette analyse limitative qui a été effectuée dans un souci de complément de
traitement des notions développées dans la première partie, ne vise pas à diminuer le rôle
coercitif des autres sanctions pénales touchant la comptabilité comme le délit de distribution
de dividendes fictifs qui n’ont malheuresement pas été traitées pour un risque de débordement
sur notre sujet principal.
111...333...111... LLL EEESSS SSSAAA NNNCCCTTT III OOONNNSSS DDDEEE LLL AAA CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBIII LLL III TTT EEE III RRRRRREEEGGGUUULLL III EEERRREEE...
L’article 19 du code commerce, dispose dans son premier alinéa que la comptabilité doit être
conforme avec la loi 9-88 et mentionne dans le deuxième alinéa le cas de la comptabilité
irrégulière. Il nous semble que d’après ce dernier alinéa, l’irrégularité devrait être comprise
dans le sens de la non-conformité à la loi comptable.
Cette loi exige dans les articles 2, 3, 6 et 8 un certain formalisme dans la tenue des livres
légaux, qui est loin d’être réalisé en pratique. Supposant maintenant l’existence
simultanément des faits suivants :
Un vice de forme affectant les livre légaux (exemple : feuilles collées sur le livre journal
dont la date postérieure de l’impression à partir du logiciel comptable est mentionnée) ;
Des états financiers présentant par hypothèse l’image fidèle.
Comment peut on qualifier la comptabilité dans ce cas de régulière ou d’irrégulière ?
Il nous semble que poser la question de cette manière aurait pour conséquence de regrouper
les sanctions de deux notions distinctes dans la loi, à savoir le délit de tenue d’une
comptabilité irrégulière sanctionnée dans le code pénal et la réglementation de la preuve en
comptabilité contenu dans le nouveau code de commerce. Nous allons essayer ci-après de
traiter successivement de ces deux sanctions.
La preuve en comptabilité a été traitée dans les articles 20 à 26 du code de commerce
marocain. Comme préalable au traitement de la question de la liaison entre la preuve et la
régularité en comptabilité nous avons élaboré les annexes suivantes :
Annexe n° C2 (page 251) : Comparaison des anciens textes marocains et français
traitant de la preuve en comptabilité depuis l’ordonnance de Colbert en 1693 à nos jours ;
Annexe n° C3 (page 252) : Comparaison des dispositions relatives aux obligations
comptables et la conservation des correspondances du code de commerce marocain avec
les anciens textes marocains et français (annexe C2) traitant de la question ;
Dans la mesure où l’étude approfondie du sujet de la preuve en comptabilité nous déviera de
notre sujet principal, nous avons choisis de nous restreindre à l’étude sommaire sous forme
d’une question subsidiaire qu’est l’obligation de paraphe des livres légaux.
Il s’agit d’une obligation de forme, prévue par l’article 8 de la loi n° 9-88, pour le livre journal
et le livre d’inventaire. Nous allons ci-après développer l’historique de cette obligation dans le
droit marocain et français.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
132
Le cas français : Cette disposition trouve son origine écrite dans l’ordonnance de Colbert
en 1693, puis celle-ci a été introduite dans le code de commerce napoléonien en 1807,
ensuite sa formulation a subit un rajeunissement en 1953, puis elle a été modifié en 1983
lors de la mise en harmonie avec la quatrième directive, où il a été prévu que les
documents informatiques écrits peuvent remplir ce rôle, enfin en 2002 l’obligation du
paraphe a été supprimée ;
Le cas marocain : Les anciens textes comptables marocains sont presque identiques aux
textes français. Dans ce sens le dahir de 1913 n’a fait que reprendre le code français de
1807 et la modification de 1956 n’est que l’introduction des modifications de la loi
française de 1953. La loi n° 9-88 promulguée une décennie après la loi comptable
française a gardé malheuresement, dans un souci purement conservateur, la formulation
modifiée de 1956, de même le législateur n’a pas pris le soin de la modifier après.
Quelle est l’utilité d’étudier cette notion historiquement ? Il nous semble que si l’objectif
premier de la comptabilité comme moyen de preuve dans le 17ème siècle présentait un intérêt
certain comme d’ailleurs plusieurs siècles auparavant chez les romains, la dimension de la
comptabilité a changé au cours du temps.
L’utilisation généralisée de l’outil informatique durant cette dernière décennie a rendu cette
obligation anachronique. Cette rémanence aveugle est d’autant plus aberrante au niveau des
états de synthèse qui sont déposés au greffe du tribunal et inscrits sur le livre d’inventaire. En
France la rectification de cette double publication a été effectuée en 1988 au niveau de
l’article 6 de la loi comptable française.
L’aberration serait plus manifeste dans l’hypothèse d’une grande société cotée qui tiendrait sa
comptabilité dans les règles de l’art et qui ne détiendrait pas un livre journal. Est ce une raison
suffisante pour que cette comptabilité ne puisse tenir comme moyen de preuve ?
Nous avons constaté en pratique, que dans un souci de prudence, plusieurs sociétés
demandaient à leurs experts-comptables, comment il faudrait remplir les livres légaux ? Une
position intermédiaire, souvent recommandée par la profession des experts comptables,
consiste en un collage des documents informatiques écrits sur les livres légaux, assortie du
cachet de l’entreprise sur le bord des pages, pour faire preuve du non remplacement des
documents,
Cette solution qui semble respecter les notions légales « chronologiquement » et « sans blanc
ni altération » est en fait non adéquate, nous semble-t-il, du moins pour les deux raisons
suivantes :
Lorsque les logiciels utilisés permettent d’annuler les écritures ;
Si nous émettons l’hypothèse qu’on dispose d’un livre côté et paraphé ayant une date
antérieure aux écritures concernant le litige, celui-ci peut être actualisé en une demie
heure.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
133
Il nous semble que l’intérêt historique de l’insertion d’une telle disposition résidait dans le fait
que les supports réels de l’élaboration des états de synthèse consistaient en ces livres.
En résumé nous dirons que :
La cotation et le paraphe des livres légaux ne présente pas d’utilité en matière de preuve
en droit ;
La rémanence de cette obligation de forme est un héritage anachronique de la législation
marocaine de 1956 ;
En pratique la plupart des sociétés font coter et parapher leurs livres légaux à la création
de l’entreprise, toutefois elles ne les mettent presque jamais à jour, sinon à la veille d’un
contrôle fiscale. En optant pour cette solution prudente les sociétés ont la possibilité de les
actualiser à tout moment avec le contenu souhaité.
Une interprétation au sens large où la non tenue des livres légaux n’entraîne pas la perte de la
force probante, à la façon des factures ne comportant pas le timbre réglementaire, nous
semble-t-il être la solution la plus adéquate. Cette interprétation qui se base sur l’utilité
comme méthode interprétative est largement acceptée par plusieurs auteurs.
Malheureusement la doctrine marocaine traitant la question est composée essentiellement de
juristes qui ne distinguent pas le caractère inadapté de cette réglementation273. Quant à la
doctrine comptable, elle se contente généralement de l’édition de livres d’introduction à la
comptabilité en mentionnant tout au plus les articles du code de commerce. De plus la
jurisprudence marocaine274 et française275 s’obstine à appliquer à la lettre les articles du code
de commerce.
La solution Tunisienne d’accréditation des logiciels informatiques qui ne permettent pas une
annulation des écritures nous semble être la voie à privilégier dans le droit de la preuve et la
protection des tiers.
Qu’en est-il de la régularité dans le droit pénal ? L’article 558 alinéa 5 prévoit qu’en cas de
comptabilité incomplète ou irrégulière accompagnée d’une cessation de paiement, La sanction
du banqueroutier sera de 3 mois à 3 ans. Cette disposition nous pousse à nous interroger sur le
sens de la régularité pénal.
273 A titre d’exemple �'�Kي ا���/_ �&Hأ, in « 7�5�درا7U �!&�7 : ا�e�U0 ,� ا� ��7 ا�!��05�C �, 7ن ا���Dرة وا�&��وBت ا���Dر7 وا�&� وا���05ن ا�&��رن�Dرة ا�&`��� ا��D05ن ا���C �, », 2001, 7,�!&دار 5.� ا�, Rabat. 274 L’arrêt de la Cour suprême du 16/07/1980 mentionne que « ��,��!�7DH �K آ����7 ��� ا���Dر ���5��م 7ا�&&�0آ �7 ا���Dرا� .» et l’arrêt du 15/06/1994 de la même Cour indique que « ���,��5��م 7ا�&&�0آB ��� ا�&.�ع 7�S ا��� "%' Bا��إ ���,�B �ا�
آ�ن Q'05 ��ك ,�+� أي ���ن �� ا��5��Kت ا�&�D%7 �+� و ا��� B�E ,�+� أي �`��� آ��&� » emprunté à ا����ح � 0ار �K', in « '0&D�7 05ن�Cا��0ا'� ا�&7�KU�G، ا���D ا���Dري، ا�/�اء ا���Dري، �H7 اU2!�ر و ا�& �,�H ،7&�7 ا�&%/�7 : ��و75 ا���Dرة �E ا?�+�د ا����ء : ا2'&�ل
�ة�@K!7 ا� �Dح ا�D ,2000 ,« ا�P �'�7، ا�&D&0'�ت ذات ا� �E ا�P�CBدي� , Casablanca. 275 Dans un arrêt de la Cour de cassation criminelle française du 8 janvier 1979, « la notion de tenue irrégulière de comptabilité avait été définie comme celle qui n’était pas tenue conformément à la loi, par exemple par le défaut d’un des livres obligatoires et la comptabilité qui n’était pas correctement tenue » cité par Nicole STOLOWY, in « droit pénal et comptabilité », mai 1997, thèse de doctorat de droit soutenue à l’Université de paris I (Panthéon – Sorbonne), extraits publié au RFC n° 292 de septembre 1997.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
134
La régularité est perçue dans ce droit uniquement sous deux formes binaires (vrai ou faux), ce
qui nous pousse à formuler la question suivante : La comptabilité peut elle être considérée
comme régulière en supposant l’existence d’une irrégularité ? Pour notre part, nous estimons
qu’une comptabilité régulière à cent pourcents relève tout simplement de la fiction, un
exemple simple peut être donné pour corroborer nos propos : La régularité suppose une
conformité à la législation, mais la conformité suppose en premier que hercule (hypothèse : le
rédacteur des comptes est nommé dans notre cas le super hercule276 grecque) interprète ces
articles pour extraire les normes auquel il devrait être régulier, mais la perception de la
régularité est faite par une personne extérieur en chaire et en os qui pourrait avoir un avis
contraire et juger qu’il existe une irrégularité, dans ce cas on aura seulement une régularité de
99,99 %.
« Les irrégularités de fond peuvent se matérialiser par les procédés d’enregistrement des
écritures comptables, ainsi que par la nature même des écritures enregistrées. Ainsi l’emploi
de divers procédés d’enregistrement fantaisistes ou très confus, qui ne correspondent pas aux
usages habituels des entreprises du secteur, peut être qualifié de tenue d’une comptabilité
fictive. (…) Une comptabilité irrégulière en la forme n’est pas forcément fictive. En effet,
l’établissement des pièces comptables formellement irrégulières ne signifie pas
nécessairement que la comptabilité a été volontairement truquée pour tromper les tiers. (…)
L’adverbe « manifestement » introduit une frontière au domaine de l’incrimination de
banqueroute sur le plan de l’élément matériel de tenue irrégulière ou incomplète de la
comptabilité. Il apporte également une restriction du domaine quand à l’élément intentionnel
du banqueroutier. Ainsi ne seront inquiétés que les dirigeants qui auront matériellement
tenu leurs documents comptables de manière si irrégulière qu’ils l’auront fait en
conscience.»277
Aussi au niveau de l’article 169 de la loi relative à la société anonyme, le commissaire aux
comptes à l’obligation d’informer le conseil d’administration des irrégularités relevées mais
cela ne l’empêche pas de certifier l’image fidèle ou de juger de l’inopportunité de les signaler
dans son rapport.
La nature de la régularité n’est pas sous forme binaire, mais plutôt une forme de régularité globale tel que la somme des irrégularités n’affecte pas la vision d’ensemble.
111...333...222... LLL EEESSS SSSAAANNNCCCTTTIII OOONNNSSS DDDEEESSS EEETTT AAA TTT SSS DDDEEE SSSYYYNNNTTT HHH EEESSSEEE NNNEEE DDDOOONNNNNNAAANNNTTT
UUUNNNEEE III MMM AAAGGGEEE FFFIII DDDEEELLL EEE...
La publication ou la présentation de faux bilans n’était pas punie par la loi française de 1867
(reprise au Maroc par le dahir du 11 août 1922), où la loi intervenait que lorsque le bilan
inexact était utilisé à certaines fins : « favoriser des souscriptions nouvelles, distribuer des
276 Nom inspiré de Ronald DROKWIN, un des principaux auteurs en matière d’interprétation et de philosophie juridique. 277 Nicole STOLOWY, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
135
dividendes, plus généralement commettre des escroqueries. »278 En France cette lacune a été
réparée par le décret loi du 8 août 1935, qui a ajoutait un 5ème alinéa à l’article 15 de la loi du
24 juillet 1867. Cette disposition a été reprise par l’article 437, 2ème alinéa de la loi du 24
juillet de 1966.
Le tableau figurant à l’annexe n° C4 (page 253) présentent les textes marocains, traitant la
question, contenues dans la loi sur la société anonyme et la loi sur la société à responsabilité
limitée, comparé avec les textes français actuellement en vigueur ainsi que les anciens textes.
A ce titre on peut faire les remarques suivantes :
En France depuis l’élaboration de la loi comptable en 1983, les termes états de synthèse
« ne donnant pas une image fidèle » se substituent aux termes « bilans inexact » ;
La formulation marocaine est identique à la formulation française de 1983. Toutefois au
niveau des sanctions pénales, contrairement au cas marocain, les sanctions françaises sont
de plus en plus lourdes et entraînent automatiquement l’incarcération ;
La recodification française réalisée en 2000 (postérieure à la rédaction des textes
marocains) a supprimé le mot « sciemment » ;
Les dispositions marocaines ou françaises, traitant de ce délit, contenus dans la législation
relative à la S.A., sont presque identiques à celle relative à la S.A.R.L., à l’exception du
terme « publié » qui n’apparaît pas dans la réglementation de la S.A.R.L.
Suite aux observations précédentes, le tableau figurant dans la page suivante récapitule les
éléments constituants de ce délit :
278 Bulletin CNCC « Comptabilité et droit pénal des affaires », cit. op.
Maroc France
SARL
SA
SARL
SA
Publication
des états de synthèse. X X
présentation aux actionnaires X X X X
ne donnant pas une image fidèle. X X X X
sciemment. X X
en vue de dissimuler le véritable situation de la société X X X X
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
136
Ce délit suppose ainsi la réunion cumulativement des 4 éléments précédents, qu’on
reformulera sous les formules suivantes :
Condition préalable : Etats de synthèse ne donnant pas une image fidèle ;
Elément matériel : Publication ou présentation des états de synthèse ;
Elément moral double : La présentation ou la publication commise « sciemment » dans
le but « de dissimuler la véritable situation de la société. » Le terme sciemment supprimé
en France en 2000, n’affecte en rien la notion de préméditation, d’usage dans le droit
pénal, que la doctrine279 considérait comme confondue avec le but avant 2000, et que la
jurisprudence280 considère comme implicite après 2000.
Afin d’essayer d’analyser ces différents éléments, nous avons élaboré le tableau contenu dans
l’annexe n° C5 (page 254) relatif à une synthèse de la jurisprudence française, qu’on a utilisé
pour retenir des commentaires abrégés, étoffés de l’avis de la doctrine pour combler les
lacunes, sur les différents points ci-dessous relatifs à la question :
Personnes incriminés : Les organes d'administration, de direction, de gestion ou de
surveillance281 ainsi que les personnes complices de ces faits délictueux282, même de fait,
qui premièrement étaient en fonction soit à l'établissement soit à la présentation des
comptes, deuxièmement qui ont établies ou qui connaissaient le caractère mensonger des
états de synthèse, et troisièmement indépendamment de la participation ou non au conseil
arrêtant les comptes ou à l'assemblée à laquelle ils ont été présentées et qui a approuvé ou
non les comptes ou accordé ou non le quitus de la gestion ;
Personnes qui peuvent porter plainte : « Traditionnellement, une présentation fidèle des
comptes doit satisfaire en premier lieu aux besoins d’information des décideurs ou des
investisseurs. »283 Les personnes qui peuvent porter plainte, sont ceux qui ont subies un
préjudice direct par le délit (actionnaires, porteurs de parts ou créanciers…), pour les
exercices en liaison avec le préjudice, quelque soit leur qualité les exercices précédents ;
Elément matériel :
• La présentation à l'assemblée générale, ou la mise à disposition aux actionnaires dans
les délais légaux (indifféremment de leur prise de connaissance), des états de synthèse
incriminés ;
279 Bulletin CNCC « Comptabilité et droit pénal des affaires », op. cit. 280 « Le caractère intentionnel des faits est requis, conformément au principe général inscrit dans le code pénal, mais il faut en plus que soit caractérisé un dol spécial à savoir, l'intention de dissimuler la véritable situation » in Bulletin n°84 de novembre 2001 de la Cour de cassation française. 281 Le Mémento Francis LEFEBVRE comptabilité 2002, souligne le caractère inhabituel de cette jurisprudence, dans la mesure où ces personnes ne sont pas visées par le texte légale. Une interprétation large, intégrant toutes personnes de fait ou de droit complice de ce délit, est faite par la jurisprudence française. 282 « La responsabilité du commissaire aux comptes peut être engagée dans ce sens » : 7!ر��J�� , in « 7و��g�� .août 2005, revue REMAD, Casablanca ,« ��ا�KC ا�����Gت283 Alfred STELLER, in « La révision du droit comptable et la théorie moderne de la comptabilité. », 1999, publié à L’expert comptable suisse, n°5
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
137
• Ou la publication, définie de façon très large284, par tous les procédés tendant à porter
les états de synthèse à la connaissance du public (notamment, le dépôt au greffe285,
l'information par affiches, circulaires ou prospectus) sans que cette dernière soit
limitée à un nombre restreint de personnes (la déclaration fiscale est perçue dans le
sens d’une non communication collective) sauf le cas de la communication au
banquier ;
La condition préalable : « Les éléments constitutifs de cette infraction nouvelle
encadrent strictement l'appréciation du juge. En premier lieu, l'image donnée par ces
comptes doit être manifestement infidèle. Elle doit en outre porter sur des éléments
significatifs. Ces deux conditions permettent de distinguer ce délit de celui de comptes
annuels inexacts. Seules les fraudes caractérisées sont punissables. Sont donc exclues du
champ du délit les erreurs matérielles, les informations inexactes portant sur des faits non
significatifs ou celles qui portant sur des éléments significatifs ne constituent qu'une
atteinte bénigne au principe de fidélité des comptes »286 ;
Elément moral : La mauvaise foi est établit lorsque la personne a agit sciemment (celui
qui savait, qui devait savoir ou qui a su postérieurement et n'a pas procédé aux
rectifications nécessaires, quelque soit les mobiles de leurs auteurs même personnels) en
vue de dissimuler la véritable situation de la société (but retenu en 1894 par la
jurisprudence française avant d'être intégré dans la loi de 1935 ; il est retenu même dans le
cas où il coïncide avec l'intérêt présumée de la société). La jurisprudence tend à
considérer l’élément moral, laissé à la libre appréciation du juge, comme subsidiaire287 à
l’élément matériel ;
La prescription triennale court à partir du jour où les états de synthèse ont été mises à la
disposition des actionnaires, ou le jour de la connaissance des insuffisances par la
personne incriminée si elle est antérieure à cette date (indépendamment de la date de la
découverte des irrégularités). Toutefois la publication est susceptible de faire courir un
nouveau délai de prescription.
Nous avons donné précédemment un commentaire de « la condition préalable », émanant de
juristes de la Cour de cassation française, sans entrer dans une polémique de l’appréciation
des critères à retenir pour définir cet élément. On va essayer ci-dessous d’exposer
sommairement la problématique liée à cette définition, et ceci dans le cas de l’ancienne
formulation française, et dans le cadre de la formulation marocaine et française actuelle :
Terme « bilan inexact » : Le législateur a puni dans certains cas nettement précisés la
présentation ou la publication d'un bilan inexact. Mais il n'a pas défini à cet égard à
quelles conditions précises ces documents sont inexacts au regard de la loi pénale. Il n'a
» in ,ه��7 ا�.�- 284 �, 7KU�G&ا� �b7 ا�.�?�ا%D7 آ�ت�ر�D2004 ,« ا��, ����0 ��اiU ?�وب Tunis. 285 Le Mémento Francis LEFEBVRE comptabilité 2002 cit. op. 286 Bulletin n°84 de novembre 2001 de la Cour de cassation française. 287 Bulletin CNCC « Comptabilité et droit pénal des affaires », op. cit.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
138
pas été non plus précisé quelle était la frontière entre exactitude et inexactitude. Les
auteurs ont critiqué, à juste titre, le terme exactitude. En particulier Georges Ripert288 a
écrit que « la loi ne peut punir l'établissement d'un bilan inexact, car il n'y a aucun bilan
qui soit rigoureusement exact et on a pu parler avec raison de la relativité du bilan, car le
bilan est établi sur la comptabilité et ne traduit pas les valeurs réelles » ;
Terme « image fidèle » : « La question se pose de savoir si la notion même d’« image
fidèle » a un sens, et peut faire l’objet d’une traduction technique unanimement acceptée.
(…) Comment sanctionner l’absence d’image fidèle de la situation de l’entreprise alors
que la notion demeure imprécise ? Et plus précisément encore, comment le juge pénal
contraint par la loi d’apprécier strictement les faits qui lui sont soumis pourrait-il
s’aventurer à caractériser un délit dont l’un des éléments constitutifs est imparfaitement
défini ? » 289. L’introduction du concept anglo-saxon dans le système romano germanique
s’est fait en parallèle avec la création d’une sanction qui n’existe pas chez les anglais. De
plus « Il était périlleux d’essayer de définir en droit pénal un concept qui était et qui reste
vague, alors que la loi pénale doit être parfaitement claire. (…) (comme le rappelle la
Cour de Paris le 30 juin 1983) En droit pénal l’autonomie et le caractère d’ordre public
exigent que les qualifications des infractions poursuivies soient déterminées par des
critères spécifiques. »290 Le professeur Pascalini parle à juste titre, d’une dépénalisation
apportée par le concept d’image fidèle, ce qui en signifie pas évidemment l’absence de
responsabilité et en particulier de responsabilité civil.
Il est à noter que « en matière de responsabilité civile des dirigeants, les cours et tribunaux ne
sont pas juges de l’opportunité mais seulement de la légalité de la décision qui leur est
déférée. Il n’appartient pas au juge de se substituer sa propre appréciation à celle des organes
de la société et de décider lui-même quelle eût été la meilleure décision possible. »291
Selon la doctrine française, le commissaire aux comptes a l’obligation d’informer le
procureur du roi dans certains cas. En cas de non conformité avec cette obligation le
commissaire aux comptes peut être mis en cause par le biais de « l’accusation du délit de
confirmations d’informations mensongère où même de non révélation de fait délicieux. »292
Le schéma293 figurant à l’annexe n° C6 (page 256) présente synthétiquement les différentes
situations possibles.
288 Rapporté par F. GORE, in « Les notions de régularité et de sincérité des comptes », Revue Française de Comptabilité, Avril 1973, n° 25, cité par Robert OBERT, cit. op. 289 PITRON (M.), PHAM-BA (J-P), L’image fidèle de l’entreprise, du principe à la réalité, JCP éd. E 2003, Commentaires n° 105, p. 117, cité par Laure BRUNOUW, in « L’exercice du contrôle dans les sociétés anonymes », octobre 2003, Mémoire DEA droit des contrats à la Lille II, Université du droit et de la santé. 290 Emmanuel DU PONTAVICE, in préface du livre de François PASQUALINI, in « Le principe de l’image fidèle en droit comptable. », cit. op. 291 Eric CAUSIN, cit. op, citant J.M NEUSSEN GRADE, note sous Cass, 13 avril 1989, RCJB, 1991. 292 Francesca PARRINELLO, in « Soyez plus fermes dans vos prises de positions et plus vigilants. », octobre 2004, Conférence sur la responsabilité du commissaire aux comptes réalisé par le CRCC de Paris. 293 Inspiré du bulletin CNCC n° 85 (1992) et de la note du CNCC n°23 (1994).
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
139
« Le droit doit être équitable. Il ne peut être en dérive complète avec l’attente du public.
Aujourd’hui, beaucoup pensent encore que si les comptes sont faux, c’est nécessairement le
fait de celui qui est chargé de leur vérification. Nous vivons dans une société protégée et cela
à des conséquences sur notre métier. Les épargnants veulent posséder des obligations, mais ils
aimeraient bien gagner davantage d’argent, alors ils achètent des actions quand même, mais
sans accepter le risque de perdre… Et s’ils perdent de l’argent, ils veulent trouver les
coupables. Il y aune attente sociologique pour cela. »294
294 Jean – François SERVAL, in « faut-il limiter notre responsabilité ? », octobre 2004, Conférence sur la responsabilité du commissaire aux comptes réalisé par le CRCC de Paris.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
159
Chapitre 2 :
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
160
111... EEETTTUUUDDDEEE DDDUUU JJJUUUGGGEEEMMM EEENNNTTT PPPRRROOOFFFEEESSSSSSIII OOONNNNNNEEELLL ...
A l'intérieur des règles et principes comptables, l'exercice du jugement professionnel joue un
rôle déterminant. En effet, le recours au jugement est nécessaire, afin d'appliquer les règles
d'ordre général à une situation donnée, tel le choix de la méthode la plus appropriée dans des
circonstances précises. L'exercice du jugement professionnel est encore plus nécessaire en
absence de texte réglementaire, traitant le problème étudié.
On peut distinguer quatre raisons essentielles justifiant la nécessité de canaliser le jugement
par un cadre normatif :
Une bonne qualité de l’information financière ;
Un outil de protection ;
Un outil de généralisation ;
Un outil d’amélioration.
Il nous semble que ces raisons sont conditionnées par la perception de la force obligatoire de
ce cadre par les membres de l’Ordre et par le juge. Certain auteurs marocains se demandent de
la valeur juridique du cadre normatif représenté au Maroc par le manuel des normes et
quelques directives instituées par la profession à travers son Ordre professionnel. Les
commissaires aux comptes doivent respecter en premier lieu les lois sur les sociétés et la
réglementation instituée par l’Ordre telle que édictée par l’article 2 de la loi n° 15-89, mais le
juge peut-il être tenu par cette autorégulation de la profession. Nous dirons de façon
pragmatique qu’il s’agit non pas d’un poids politique mais d’une force juridique assurée par
une doctrine professionnelle de l’Ordre, qui a réussi en cette décennie à l’appliquer de façon
généralisée par les membres qui reconnaissent son caractère obligatoire et anticipent son
application par les autres membres, de manière à lui reconnaître la valeur juridique d’usage.
L’accélération de l’application pratique par l’Ordre de la directive sur le contrôle qualité
intervient dans le sens de l’activation d’un autocontrôle efficace pour éviter toute ingérence à
la façon américaine ou française.
« Ce n’est que récemment que certains juges de fond ont accepté de se référer aux normes
pour admettre que lorsque le professionnel les avait correctement appliquées, il ne devait
pas être condamné. Mais pour d’autres encore, seule la loi est leur référence. C’est ainsi
qu’un récent arrêt de la Cour d’appel de Paris stipule : « la position de la CNCC ne s’impose
pas aux juges ». La solution adoptée par la loi du 1er Août 2003 est donc bienvenue :
l’homologation des normes par arrêté va apporter une certaine sécurité juridique puisque
désormais les normes seront opposables aux magistrats. Cependant plusieurs problèmes se
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
161
posent tel que la façon dont est rédigée actuellement les normes font qu’ils ne sont souvent
compréhensible que par des professionnels. »345
Aussi, dans la mesure ou les normes professionnelles sont produites par différentes sources,
une certaine hiérarchie des textes existe. La hiérarchie des normes professionnelles du
commissariat aux comptes dans le cas marocain apparaît d’apparence très simple par rapport
au cas français346. Commençons d’abords par regrouper les différents textes marocains : la loi
n° 15-89, les lois relatives aux sociétés, les publications de l’Ordre et les publications par
certains organismes tel que le CDVM. Les lois ont une valeur juridique supérieure aux deux
derniers textes cités. En cas d’existence d’antinomies entre les deux textes, l’application des
règles développées dans le chapitre précèdent nous semble être suffisante. L’existence
d’antinomie entre les publications de l’Ordre et les publications d’autres organismes, est à
notre avis plus compliquée à résoudre. Dans ce sens nous nous demandons quelle est la valeur
juridique par exemple du modèle de rapport sur les OPCVM prévu par le CDVM ? Il nous
semble que c’est une forme d’ingérence dans la compétence de l’Ordre qui recouvre une
forme de force obligatoire en cas de non réaction de l’Ordre.
« Certains ont imputé à la normalisation comptable américaine le fait que les dirigeants de
Enron aient pratiqué ce que le Sénat américain a appelé une « comptabilité à haut risque »
(sous-entendu pour les investisseurs en tant que destinataires privilégiés des états financiers).
Au fil du temps, les US GAAP sont effectivement devenus de plus en plus nombreux, et
surtout de plus en plus détaillés, comme si le normalisateur américain avait voulu réduire de
plus en plus la marge de manoeuvre des dirigeants d’entreprise en matière d’élaboration de
leurs états financiers. On serait passé d’une normalisation par les principes à une
normalisation par les règles, d’une normalisation faisant confiance au jugement du comptable
à une normalisation méfiante visant à réduire le champ de ce jugement. Face à cette
normalisation de plus en plus contraignante, d’ailleurs en rupture avec la tradition comptable
américaine, certains dirigeants à l’instar de ceux d’Enron, avec le concours de leurs
conseillers comptables et financiers, s’appliqueraient à détecter ses failles et à les exploiter
aux mieux de leurs intérêts. L’excès de règles donnerait donc naissance à la déviance
345 Professeur Philippe MERLE, in « la doctrine relative à la responsabilité évolue. », octobre 2004, Conférence sur la responsabilité du commissaire aux comptes réalisé par le CRCC de Paris. 346 Cadre législatif et réglementaire :
- Loi NRE du 15 mai 2001 ; - Loi de sécurité financière du 1er Août 2003 ; - Décret du 27 mai 2005 modifiant le décret de 1969 ; - Ordonnance du 8 septembre 2005 ; - Décret du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession.
Hiérarchie des textes normatifs : - Normes d’exercice professionnel homologuées ; - Bonnes pratiques professionnelles identifiées ; - Projets de normes ; - Normes du référentiel CNCC antérieures au 1er août 2003.
Extrait de la présentation du code de la déontologie lors de la XVIIIèmes assises de la Compagnies National, 2005, www.CNCC.fr.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
162
« créative » et pour faire face à cette déviance le remède consisterait à revenir aux principes et
à réduire le nombre et le détail des règles. »347
S’il est nécessaire de canaliser l’application du jugement du praticien par les règles, il est
également nécessaire de faire appel à son jugement lorsqu’il s’agit d’appliquer ces règles.
Amous348 distingue trois raisons principales à cela :
Les règles comptables sont de caractère général ;
Les règles comptables sont sujettes à interprétation ;
Les règles sont complexes du fait de l’instabilité de l’environnement.
En ce sens, on peut affirmer qu’il existe une relation dialectique entre les règles et le jugement
professionnel. La réglementation comptable contribue à réduire le champ d’application du
jugement professionnel dans la mesure où elle constitue une référence ayant normalement un
caractère obligatoire pour les états de synthèse qui s’y réfèrent. Il existe cependant des
domaines réservés au jugement tels que l’estimation des provisions, le taux
d’amortissement… On peut dire que l’interprétation, lors du vide réglementaire comptable,
constitue le domaine de prédilection manifeste où le jugement professionnel est projeté en
haut de la hiérarchie, l’exemple de la comptabilité agricole nous parait être l’exemple type ou
aucun texte n’est applicable : Est-ce pour cette raison, qu’on peut comptabiliser sans être tenu
par aucune règle comptable ? La comptabilité, héritage de l’histoire, est transmise par des
usages reconnus par tous, aussi bien par le passé que par le présent. Inverser la question
démontrerait le caractère ironique de cette question : Avant la publication des textes légaux
les professionnels pratiquaient-ils une comptabilité très disparate spatialement ? La réponse à
cette question se trouve plus facile à résoudre, car à chaque époque il existait une certaine
doctrine qui était considérée comme une référence. De même l’existence en Angleterre
d’associations de comptables très anciennes démontre que ces adhérents qui se rassemblaient
fréquemment, ne pouvaient pas avoir que le terme « comptable » comme seul point en
commun. En d’autres termes, dans l’exemple précèdent, les règles existent mais elles ne sont
malheureusement pas codifiées.
111...111... EEESSSSSSAAAIII DDDEEE DDDEEEFFFIII NNNIII TTT III OOONNN DDDUUU JJJUUUGGGEEEMMM EEENNNTTT PPPRRROOOFFFEEESSSSSSIII OOONNNNNNEEELLL ...
Tout comme le manuel des normes 349, la plupart des réglementations des Ordres
professionnels étrangers citent prudemment le terme jugement professionnel sans le définir.
Est-ce que parce que sa définition est évidente ou au contraire, elle nécessite un travail de
précision ?
347 Bernard COLASSE, in « Les affaires sont bonnes pédagogiquement… », juin 2004, APDC 348 Karim AMOUS, in « Le jugement professionnel de l’expert-comptable dans les missions liées aux états financiers. » 2003, Mémoire d’expertise comptable tunisien. 349 « L’exercice de la mission requiert à tout instant une suite de choix et de décisions. Le jugement personnel est donc une composante essentielle de la démarche de l’auditeur. », page 6 du Manuel des normes de l’Ordre des Experts Comptables marocain.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
163
Le terme est utilisé plus fréquemment par la doctrine que par les réglementation du
commissariat aux comptes ou on « évitait soigneusement ce terme, pour n’employer que le
mot « opinion », avec un peu de mauvaise foi sachant fort bien qu’ils sont synonymes. »350 En
France l’article 4 du nouveau code de déontologie351 approuvé par décret en application de la
loi sur la sécurité financière, qui cite ce terme pour la première fois dans un texte légal a été a
maintes reprises signalées dans les publications du CNCC et les magazines spécialisés, ce qui
démontre le caractère précurseur de cette nouvelle législation française qui le valorise et
s’attache à lui reconnaître la place qui lui revient de façon express.
Selon, le dictionnaire le petit robert, un jugement se définit comme étant « une faculté de
l’esprit de bien juger les choses qui ne font pas l’objet d’une connaissance immédiate,
certaine, ni une démonstration rigoureuse. » Il désigne en droit, de façon générique, toutes les
décisions rendues par une autorité judiciaire compétente, dans ses rapports avec le justiciable.
L’action de juger est, plus précisément, un examen d’une affaire en vue de lui donner une
solution, en général après une instruction et les débats les plus clairs possibles.
Pour essayer de mieux comprendre cette notion, nous allons ci-dessous présenter un ensemble
de définitions de ce terme pour ensuite chercher un consensus des composants de ces
définitions :
Selon le Professeur Yaïch352 « Le jugement professionnel, qui s'inscrit dans le processus
de prise de décision353, représente l'art du professionnel, son aptitude à l'analyse et à la
formulation de solutions pertinentes pour résoudre, dans le cadre des normes officielles à
caractère général ou en l'absence de norme officielle, les problèmes résultant aussi bien
des situations courantes qu’inédites. Il repose sur la compétence professionnelle et
l’exploitation adéquate de la marge d’initiative qu’offre la discipline comptable.
L’exercice du jugement professionnel repose par conséquent sur un haut niveau d’éthique
comptable et un très haut sens des responsabilités. » ;
Selon Gibbins et Mason354, « le jugement professionnel désigne un processus analytique,
basé sur l’expérience et les connaissances (y compris la connaissance par le comptable de
ses propres limites et des normes pertinentes), objectif, prudent et intègre menant au choix
d'une solution appropriée à un problème comptable. » ;
350 Didier PREUD’HOMME, in « Démarche d’audit et comportement du Commissaire aux comptes », paru dans « La pratique du commissariat aux comptes aujourd’hui. (Réglementation et comportement) », mars 2006, CRCC de Versailles. 351 Approuvé par Décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes, publié au JORT du 17 novembre 2005, texte 21/135. 352 Raouf YAICH, in « Les concepts comptables fondamentaux », publié au site www.procomptable.com 353 En tant que processus de prise de décision, le jugement professionnel est une activité qui a un début (prise de connaissance et description du problème), un enchaînement (analyse et mise en perspective) et une fin (prise de décision), le tout sous l'influence de l'environnement et des circonstances. 354 Micheal GIBBINS et Alister MASON in « Jugement professionnel et information financière. » 1989, ICCA, Toronto – Canada cité par Khalil AMMOUS, in « La formation au jugement professionnel dans l’enseignement de la comptabilité : Approche théorique et application au cas Tunisien. », 2004, mémoire de mastère en comptabilité, Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Sfax.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
164
Aussi selon Falcone355, « le jugement exercé correctement est un processus de pensée
réflexif, auto correcteur et significatif exigeant la prise en considération du contexte, du
contenu, du contenant, de l’évidence, des méthodes, des conceptualisations et d’une
variété de critères et de normes de compétences. » ;
L’ICCA précise que « le processus menant au choix de la solution à un problème de
présentation de l’information financière peut être décrit comme étant un jugement
professionnel lorsqu’il est analytique, basé sur l’expérience et les connaissances, objectif,
prudent et intègre, et que la personne qui pose le jugement assume sa responsabilité à
l’égard des personnes touchées par les résultats. Le jugement professionnel sera
vraisemblablement le plus utile lorsque les situations sont complexes, mal définies ou
changeantes, en particulier lorsque les normes sont incomplètes, et il devrait normalement
comporter la consultation d’autres personnes compétentes, la détermination des
conséquences possibles et la documentation des processus analytiques ayant mené à la
prise de décision. »356 ;
Selon Amous357 « Le jugement professionnel de l’expert-comptable consiste à appliquer
des connaissances et une expérience pertinente avec les habilités professionnelles et
personnelles, dans le cadre défini par les normes professionnelles et le code d’éthique des
professionnels comptables, pour prendre une décision dans le cas où il faut choisir entre
différentes lignes de conduite. »
L’analyse des définitions précédentes a permis de relever les deux aspects importants
suivants :
Le jugement professionnel est un processus de prise de décision ;
Le jugement professionnel nécessite des qualités personnelles et professionnelles de
l’expert-comptable afin d’augmenter la probabilité pour qu’il puisse être qualifié de bon
jugement358.
Ces deux points seront appréhendés successivement ci-dessus.
355 P. FALCONE, in « Enseigner et comprendre : le développement d’une pensée critique », 1999, les Presses de l’Université de Laval, Québec, cité par Khalil AMOUS, cit. op. 356 Micheal GIBBINS et Alister MASON cit. op. 357 Karim AMOUS, cit. op. 358 Le jugement professionnel ne demande pas pour autant au départ, un niveau particulier et donné de connaissances ou d’expériences acquises. Toutefois, pour passer du jugement au sens strict à la notion de jugement professionnel au sens large du terme, nous sommes amenés à supposer que ce dernier, désigne expressément, une décision émise par un professionnel soit le praticien impliquant des exigences et des responsabilités afférentes à ses fonctions. Certains chercheurs pensent de leur côté que le jugement professionnel ne dépend pas seulement de la compétence technique, mais aussi de l’éthique et des vertus du vérificateur c’est à dire le praticien comptable en la matière.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
165
111...222... LLL EEE JJJUUUGGGEEEMMM EEENNNTTT PPPRRROOOFFFEEESSSSSSIII OOONNNNNNEEELLL EEESSSTTT UUUNNN PPPRRROOOCCCEEESSSSSSUUUSSS DDDEEE PPPRRRIII SSSEEE DDDEEE
DDDEEECCCIII SSSIII OOONNN...
Selon Gibbins et Mason359, les facteurs qui composent l’environnement des missions de
l’expert-comptable sont :
L’incertitude : Les gens croient que la probabilité ou l’improbabilité d’un évènement est
plus extrême qu’elle ne l’est en réalité ou ils l’ignorent tout simplement. Par exemple lors
d’un jugement, exercé dans un environnement fortement probable de la non poursuite de
l’exploitation, on peut s’attendre à ce que le professionnel ait de la difficulté à évaluer ces
évènements de façon appropriée dans la mesure où il sous-estime les événements en
imaginant une situation plus alarmante. Aussi les gens surestiment leur capacité
d’évaluation exacte alors que leurs hypothèses sont généralement inexactes. ;
Le risque : C’est le corollaire du degré d’incertitude évalué par l’expert-comptable (le
risque est un choix et non le fait du destin). L’appréciation du risque est un processus très
complexe à analyser et dépend, là aussi, de la manière dont est perçu l’environnement par
l’expert-comptable. Trois difficultés peuvent être citées :
• Les risques de catastrophe ne sont pas très bien évalués ;
• On évalue de façon différente les gains et les pertes potentiels, donnant en général une
importance démesurée aux pertes ;
• « Selon les recherches menées dans le domaine de l’expertise comptable,
l’environnement professionnel semble renforcer les tendances du fait qu’il pénalise
davantage l’erreur qu’il ne récompense les résultats positifs. » ;
Les stimulants et les menaces : Les stimulants, qu’ils s’agissent de récompenses ou de
sanctions, ont une influence sur l’environnement dans lequel se déroule le processus de
jugement. Le jugement dépendra en grande partie de la perception de la sanction ;
Les contraintes de temps : Le commissaire aux comptes est obligé de s’adapter à la
disponibilité du client et ne pas dépasser le budget temps alloué à cette mission…
Plus les facteurs liés à l’environnement touchent de près les gens qui posent les jugements
dans une situation donnée, plus ces facteurs peuvent être perçus comme faisant partie de la
situation elle-même. Selon Gibbins et Mason, cette situation couvre trois grandes catégories
de facteurs suivantes :
L’importance des normes professionnelles : Les normes permettent de réduire les
risques liés au caractère subjectif du jugement humain mais le jugement professionnel
demeure essentiel pour appliquer, aux cas particuliers, les normes professionnelles.
Lorsque la norme existe et que les circonstances de son application ne sont pas
équivoques, l’ensemble des normes s’inscrit dans le contexte du processus décrit ci-
359 Micheal GIBBINS et Alister MASON cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
166
dessus. En revanche, lorsque aucune norme ne s’applique directement, il doit considérer
l’esprit des normes existantes et déterminer quel changement il convient d’effectuer afin
de présenter les circonstances particulières conformément au principe de la norme ou de la
règle comptable. Enfin, l’expert-comptable se trouve parfois confronté à des situations où
la norme est contradictoire avec une autre ;
Les circonstances : Les données factuelles du problème se présentent généralement de
manière brute et doivent faire l’objet d’un traitement, d’une sélection et d’une analyse,
avant de pouvoir être exploitées. L’exercice du jugement intervient dans l’évaluation des
données et la comparaison des différentes solutions lors de la sélection d’un choix ;
Les facteurs humains : Les facteurs humains se subdivisent en les éléments suivants :
• La perception : L’étude de la psychologie montre que toute personne a des préjugés.
Comme tout être humain, il est incapable de déceler ce biais du caractère inconscient
d’une partie importante du jugement ;
• La mémoire est organisée, elle fait appel à des structures qui permettent de rappeler
des informations et de les appliquer à la situation en cause. Ces structures sont
généralement appelées « structures des connaissances », « schéma » ou « modèle ». Le
vécu professionnel de l’expert-comptable, par l’intermédiaire de son expérience et de
ses connaissances, lui confère une mémoire plus ou moins importante ;
• Les aptitudes intellectuelles et émotionnelles, Certaines personnes sont mieux
équipées que d’autres pour exercer leur jugement professionnel, que ce soit
naturellement ou grâce à leur formation ou leur expérience. Les aptitudes
intellectuelles regroupent les aptitudes innées et la formation. Elles découlent
essentiellement de la culture, du niveau d’enseignement et des efforts d’auto
apprentissage de l’expert-comptable et de ses capacités mentales. Aussi, le
comportement de l’expert-comptable dépend des types de relations qu’il mène avec les
autres. Son comportement social est conditionné par son environnement culturel. Cet
environnement est composé de la religion, des valeurs et attitudes, des lois, de
l’éducation et de l’organisation sociale. L’exigence professionnelle de stage pour les
experts comptables stagiaires constitue peut être une bonne façon de s’assurer qu’ils
développent des structures mnémoniques dont est censé être doté l’expert-comptable.
D’ailleurs le manuel de normes360 impose au commissaire aux comptes de consacrer
au moins 40 heures par an à sa formation permanente.
Selon Amous361 le jugement professionnel est comme précisé ci-dessous simultanément un
processus continu et dynamique par l’acquisition de l’expérience :
Le processus continu du jugement est un facteur de sa complexité : il est difficile
lorsqu’on procède rétroactivement à l’analyse d’un jugement de déceler quel en a été le 360 Manuel des normes de l’Ordre des Experts Comptables marocain. 361 Karim AMOUS, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
167
phénomène déclencheur, comment il s’est progressivement formé puis concrétisé. Il
permettra d’emmagasiner de l’expérience et aura une incidence sur les choix qu’il devra
exercer ultérieurement ;
Le processus dynamique du jugement permet à l’expert-comptable de développer des
dispositifs de fonctionnement pouvant emmagasiner de l’expérience et des connaissances,
lui permettant ainsi d’être une véritable machine à apprendre pour porter un jugement.
Le processus de prise de décision doit être décomposé en plusieurs étapes. Ces étapes se
présentent comme suit :
La description du problème posé consiste à dégager une problématique. C’est une
opération non courante, qui va donc faire appel à un jugement qui sera complexe du fait
de la nature du problème. Quelles que soient les difficultés que comporte cette étape, elle
comprend généralement l’obtention des données, les investigations complémentaires et
l’œil critique ;
La collecte de la documentation : Le premier réflexe de l’expert-comptable quand il doit
traiter un problème est de se dire : que disent les textes à ce sujet ? Au-delà des textes à
l’aspect forcément généraliste, il convient de balayer l’ensemble de la doctrine
professionnelle.
L’identification des solutions possibles ;
L’évaluation des solutions comporte l’évaluation des avantages et des inconvénients de
chacune des solutions possibles afin d’éliminer les solutions erronées. Le choix de la
solution la plus appropriée doit se faire en prenant du recul et en tenant compte des
personnes qu’elle touchera et des conséquences qui en découleront. Il faut donc prévoir
les questions que pourraient soulever les clients, les tiers et les autres professionnels. Il ne
faut pas négliger la nature fondamentale de la situation en gardant à l’esprit la primauté du
fond sur la forme. Enfin, la consultation des pairs peut être utile ;
La formulation des conclusions : Le professionnel doit formuler des conclusions qui
permettent de résoudre effectivement le problème posé et faire valoir son point de vue
pour essayer d’obtenir un consensus des divers intervenants.
111...333... LLL EEESSS QQQUUUAAA LLL III TTTEEESSS NNNEEECCCEEESSSSSSAAAIII RRREEESSS AAA UUU JJJUUUGGGEEEMMM EEENNNTTT DDDEEE LLL ’’’ EEEXXXPPPEEERRRTTT ---
CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBLLL EEE...
« Pour nos clients, il n’y a pas de doute possible, nous sommes des spécialistes des
informations fiscales, du droit comptable, des sociétés et de l’économie d’entreprises. »362
L’évaluation de la qualité d’un jugement est une étape difficile à effectuer compte tenu des
différentes variables qui expliquent et influencent cette aptitude à émettre un avis pertinent et
362 HEC-OVEC, in « L’expert comptable et les PME, réviseur et / ou conseiller ? », cahier n° 22, HEC Lausanne.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
168
opérationnel. Une étude de recherche de l’ICCA363 établit la liste des composantes
importantes d’un bon jugement professionnel, d’après les réponses données par 69 experts-
comptables sondés, dans le tableau suivant :
Tableau des composantes d’un « bon » jugement
1. Bonnes conséquences produites
2. Mauvaises conséquences évitées
3. Probabilité maximale de bonnes conséquences
4. Probabilité minimale de mauvaises conséquences
5. Des éléments probants ont été recueillis pour appuyer la décision
6. L’analyse montre que la décision était un résultat logique
7. Points de vue similaire des autres ou consensus
8. Efficience de la décision (temps ou argent)
9. Satisfaction des contraintes de la tâche
10. Conséquences prévues avec exactitude
11. Décision correctement mise en œuvre
12. Autre
Parmi ces variables décisionnelles, nous citons les principales qualités suivantes d’un bon
jugement regroupées selon la classification de Amous364:
L’objectivité est la qualité d’une personne qui porte un jugement objectif en faisant
abstraction de ses préférences personnelles et en se conformant le plus possible à la
réalité. L’objectivité d’une décision suppose sa vérifiabilité en d’autre terme son
objectivité réside dans sa justification. Selon l’ICCA, « l’objectivité signifie la volonté et
la capacité d’évaluer diverses solutions et divers modes de comptabilisation d’une
opération et de procéder à cette évaluation de façon neutre et dans des perspectives
différentes ». Sans objectivité, le résultat risque de subir des biais dus à l’influence de
l’intérêt personnel des partis pris, des fois opposés, et des pressions externes. C’est dans
ce sens que le code d’éthique des professionnels comptables de l’IFAC365 stipule qu’un
« professionnel comptable doit être équitable et ne doit pas laisser des préjugés ou des
partis pris, des conflits d’intérêt ou l’influence de tiers nuire à son objectivité » ;
La pertinence se définit comme étant la qualité qui décrit exactement ce dont il est
question. En effet, l’information ou la décision possède cette qualité lorsqu’elle influence
les actions économiques et sociales des agents en les aidant à évaluer des événements
passés, présents ou en confirmant ou corrigeant leurs évaluations passées. La pertinence
s’apprécie par rapport à l’efficacité et l’efficience d’un jugement professionnel et ce, en
vue de permettre une bonne identification du problème posé et de proposer ainsi les
solutions appropriées ;
363 Karim AMOUS, cit. op. 364 Karim AMOUS, cit. op. 365 Code d’éthique des professionnels comptables de l’IFAC, publié au site www.CNCC.fr.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
169
La Globalité repose sur le consentement des parties soit un accord bilatéral ou
multilatéral selon les situations vécues. Le jugement professionnel repose donc, sur un
accord universel c'est-à-dire une adhésion générale à un principe, à une assertion, à une
croyance qui est conçue souvent comme un critère, voire même une expression unanime
de la raison du moment.
Selon Amous366 les aptitudes que l’expert-comptable doit développer au cours de sa carrière
sont les suivantes :
L’aptitude à rechercher un consensus : Il faut en premier chercher la solution idéale à
l’aide de règles très précises, à la fois objectives et mesurables, à défaut de solution idéale,
la recherche d’un consensus universel de la solution proposée à un problème donné. qui
dans certains cas est très difficile à réaliser lorsque les intérêts du client et de l’expert-
comptable sont divergents. L’éthique personnelle de l’expert-comptable prend alors toute
son importance car elle va lui permettre de tracer les limites rouges à ne pas dépasser.
L’obtention d’un consensus doit contribuer à la stabilité du jugement entre les différents
clients et à la cohérence du jugement professionnel avec les autres jugements et prises de
position du même expert comptable ;
L’aptitude à délivrer un diagnostic : L’expert-comptable doit être à l’écoute de son
client. Il doit donc être apte à déceler les indices pouvant indiquer que quelque chose ne
va pas, à l’instar du médecin qui doit pouvoir interpréter les symptômes pour agir de façon
proactive ;
L’aptitude à pouvoir démontrer la logique du jugement : Cette aptitude est en parfaite
relation avec la compétence, l’indépendance et la personnalité de l’expert-comptable. Un
jugement n’est pas forcément documenté, il peut être qualifié de logique tout en n’étant
pas documenté ;
L’aptitude à démontrer la diligence se fait à travers les éléments suivants :
• La documentation : On est toujours susceptible de devoir justifier les positions prises
notamment lorsque sa responsabilité est mise en cause et qu’il se trouve délié du secret
professionnel vis-à-vis d’un juge par exemple. On peut résumer ci-après le éléments
qu’on devrait prendre la peine de noté comme étant la problématique de la question
soulevée, les recherches effectuées, les solutions possibles envisagées, les
conséquences de chacune des solutions, la conclusion dégagée et les raisons de son
choix et la communication au client et les échanges de point de vue. A cet effet le
manuel des normes impose aux commissaire aux comptes « d’obtenir tout au long de
sa mission les éléments probants suffisants et appropriés pour fonder l’assurance
raisonnable lui permettant de délivrer sa certification. (…) il doit indiquer dans ces
dossier les raisons des choix qu’il a effectués »367 ;
366 Karim AMOUS, cit. op. 367 Page 34 du manuel des normes de l’Ordre des Experts Comptables marocain.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
170
• La consultation : Nous avons vu que la consultation des confrère ou des avocats…
pouvait s’avérer nécessaire notamment lors des phases de la collecte des éléments
probants et de la détermination des solutions possibles. La consultation peut être
conseillée lors des autres phases. En fait, l’expert-comptable devra procéder à une
consultation chaque fois que des incertitudes persistent pour porter un jugement ou
qu’il considère que son jugement peut être altéré. Sur le plan juridique l’expert-
comptable conserve sa responsabilité totale en cas de recours à la consultation en
application des règles du dahir des obligations et des contrats ;
• La revue indépendante : Pour améliorer l’évaluation de l’exercice du jugement
professionnel, il peut être intéressant pour l’expert-comptable de mettre en place une
procédure de revue indépendante par un confrère des dossiers précédant l’émission de
l’opinion.
Pour exercer un jugement, l’expert-comptable se doit d’observer une règle de conduite basée
d’une part, sur la vertu ou l’éthique comptable, et d’autre part, sur les qualités personnelles et
des qualifications professionnelles.
Le comportement de l’expert-comptable est défini par les normes nationales et
internationales, par le code d’éthique professionnelle et par les bonnes pratiques
professionnelles. Cependant, toutes les interrogations que rencontre l’expert-comptable dans
l’exercice de son jugement ne trouvent pas systématiquement une réponse dans les normes
déontologiques. Afin de réaliser le bon choix dans son espace de liberté, l’expert-comptable
doit faire preuve de qualités éthiques. Nous allons tout d’abord définir l’éthique pour ensuite,
appréhender ses composantes fondamentales notamment : l’intégrité, la courtoisie
professionnelle, la compétence professionnelle, soin et diligence, la confidentialité et
l’indépendance.
Le comportement du comptable doit être fondé sur des normes déontologiques sans négliger
pour autant l’apport souvent décisif de ses qualités éthiques et personnelles. L’éthique
apparaît comme la colonne vertébrale de la règle de conduite comptable. C’est un ensemble
de principes, de règles et de pratiques morales qui imprime un dynamisme humain, soit une
préoccupation générale et créative pour donner un sens, un choix et des valeurs voire même
des priorités aux tâches que nous sommes chargés de concrétiser. Ainsi, l’éthique renvoie aux
valeurs auxquelles se réfère l’individu dans ses actes lorsque ceux-ci affectent ou risquent
d’affecter les autres. En cela l’éthique est « un dynamisme personnel, une préoccupation
globale et créative de donner un sens à ce que l’on fait, de choisir en conséquence ses valeurs
et ses priorités, d’y conformer sa pratique ». L’éthique s’exprime dans les principes, les règles
et les pratiques.
Pour Pesqueux « traiter de l’éthique, c’est prendre position sur la trilogie ; éthique, morale et
déontologie ». La morale peut être entendue comme l’ensemble des croyances et des codes
qui contribue au bon déroulement de cette interrogation dans une société donnée. Plus,
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
171
couramment, la morale forme ainsi le domaine des obligations et des interdictions, chargée
ainsi de préciser le « tu dois » et le « tu ne dois pas » qui règlent la vie sociale. Quant au terme
déontologie qui vient du grec « déonta », les devoirs, ce qui est dû ou requis, il désigne ce
qu’il convient de faire dans une situation sociale donnée, en particulier l’ensemble des devoirs
liées à l’exercice d’une profession comme les Ordres des Experts-comptables, des médecins,
des avocats, des ingénieurs et d’autres. Autrement dit, le code déontologique contient
l’ensemble des préceptes qui régissent la conduite des personnes appartenant à des
professions organisées en ordre. En matière professionnelle, le code déontologique recouvre
l’ensemble des actes élaborés non pas par le législateur, mais par les représentants des ordres
professionnels. En ce qui concerne la profession d’expert-comptable, l’ensemble de ses règles
est consigné dans un code d’éthique professionnel. L’objectif de ce code est de présenter un
droit professionnel et de donner une garantie de qualité.
Les composantes de l’éthique sont les suivantes :
L’intégrité : C’est le fondement de confiance accordé au jugement des auditeurs. Elle
n’implique pas seulement l’honnêteté, mais aussi l’équité et la sincérité. L’intégrité résulte
du respect des éléments ci-après :
• Les principes d’honnêteté, de diligence et de responsabilité ;
• Les lois et règlements ;
• Les règles déontologiques de l’organisation à laquelle appartient l’auditeur ainsi que la
contribution au développement des principes éthiques.
La courtoisie professionnelle : Selon Yaich368 « La courtoisie professionnelle suppose
donc, non seulement que l’on s’interdise tout dénigrement ou toute parole fausse ou
trompeuse à l’égard d’un confrère, mais aussi que l’on conserve toujours le ton
professionnel adéquat lorsqu’on s’engage dans un conflit professionnel » ;
La compétence professionnelle, soin et diligence : Le code d’éthique de l’IFAC369
précise « qu’un professionnel comptable doit fournir des services professionnels avec
compétence, soin et diligence et est tenu de conserver en permanence un niveau de
connaissances et de compétences professionnelles justifiant les attentes du client ou de
l’employeur. Ceci suppose que le professionnel comptable s’informe des derniers
développements de la pratique professionnelle, de la législation et des techniques. » Ainsi
il serait important de souligner que dans le cadre du manuel des normes marocain « la
formation permanente et le perfectionnement professionnel sont considérés par le
commissaire aux comptes comme un devoir, une obligation essentielle de sa charge. » ;
368 Raouf YAICH, cit. op. 369 Code d’éthique des professionnels comptables de l’IFAC, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
172
La confidentialité : Selon le code d’éthique de l’IFAC370 « les professionnels comptables
sont tenus de respecter la confidentialité des informations sur les affaires d’un client ou
d’un employeur recueillis au cours de la prestation de ses travaux. Ce devoir de
confidentialité continue de s’appliquer même après la fin de la relation entre le
professionnel comptable et son client ou son employeur ». De même les normes
marocaines d’audit stipulent que « le commissaire aux comptes est astreint au secret
professionnel pour les faits, actes et renseignements dont il a pu avoir connaissance à
raison de ses fonctions. »371 ;
L’indépendance : Le code d’éthique de l’IFAC et le manuel des normes marocain
distinguent entre :
• L’indépendance d’esprit, c’est-à-dire l’attitude d’esprit qui donne la possibilité
d’émettre une opinion en restant à l’abri d’influences portant atteinte au jugement
professionnel et en permettant à un individu de se comporter avec intégrité, probité et
de faire preuve d’objectivité et de scepticisme professionnel ;
• L’apparence d’indépendance, c’est-à-dire le fait d’éviter des situations ou des
circonstances revêtant une apparence telle qu’un tiers pourrait raisonnablement
conclure que l’intégrité, l’objectivité ou le scepticisme professionnel d’un cabinet ou
d’un membre de l’équipe chargée d’une mission d’expression d’assurance ont subi un
préjudice intolérable.
Certaines qualités de l’expert-comptable peuvent influer sur l’exercice du jugement
professionnel. L’expert-comptable doit être indépendant et objectif, posséder les
connaissances et l’expérience appropriées, maintenir sa compétence professionnelle tout en
étant conscient des facteurs d’altération du jugement et faire preuve de scepticisme
professionnel. Ces valeurs nécessaires à l’expert-comptable peuvent être résumées dans le
tableau372 ci-dessus :
Tableau des qualités de l’expert-comptable qui influent sur le jugement professionnel.
- Compétence et conscience professionnelle
- Connaissance, expérience et expertise
- Indépendance, objectivité et intégrité
- Scepticisme professionnel
Une étude réalisée en 1992 par des chercheurs américains a tenté de recenser quels pouvaient
être les attributs de l’expertise en audit en les classant par ordre d’importance. Ces qualités
sont reprises dans le tableau373 ci-dessous :
370 Code d’éthique des professionnels comptables de l’IFAC, cit.op. 371 Page 27 du manuel des normes de l’Ordre des Experts Comptables marocain. 372 Karim AMOUS, cit. op. 373 Karim AMOUS, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
173
Tableau des attributs de l’expertise en audit.
1. Reconnaissance de ce qui est pertinent 2. Responsabilité 3. Actualité des connaissances 4. Adaptabilité 5. Intuition 6. Expérience 7. Détermination 8. Confiance en soi
9. Résistance au stress 10. Capacité de transmettre son expertise 11. Créativité 12. Curiosité 13. Simplification des problèmes 14. Reconnaissance des exceptions 15. Sélection des problèmes
Selon Schwartz (1994) « la détermination des compétences est ainsi un exercice nécessaire et
insoluble. (…) Il est pourtant possible de parler des « ingrédients de la compétence » c’est-à-
dire d’éléments nécessaires mais non suffisants pour expliquer la mise en oeuvre de
compétences dans l’activité (Schwartz, 2000). »374 Quatre ingrédients peuvent ainsi être
repérés :
374 Christine NOËL, in « De la connaissance à la maîtrise du risque : Comment se construit la compétence du commissaire aux comptes. », 2006, congrès AFC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
140
222... LLL EEE RRRAAAIII SSSOOONNNNNNEEEMMM EEENNNTTT JJJUUURRRIII DDDIII QQQUUUEEE...
Nul ne contestera sans doute la place centrale qu’occupe le problème de l’interprétation en
droit, aussi bien dans une perspective théorique que pratique. En particulier, le problème de la
méthode d’interprétation, constitue un objet récurrent de réflexion pour le juriste, comme en
témoigne l’abondance des travaux consacrés à ce sujet tout au long de l’histoire.
Quelle que soit la méthode d’interprétation privilégiée, de nombreux auteurs295 ont pu en effet
accréditer la thèse dogmatique selon laquelle il existerait une méthode permettant de
déterminer dans chaque cas la seule interprétation correcte. A l’inverse, certains n’ont pas
hésite à défendre la thèse sceptique selon laquelle aucune méthode ne peut être privilégiée et
que toutes les méthodes se valent. Kelsen296 fut sans doute le théoricien du droit à défendre le
plus radicalement cette conception. Certains auteurs comme Ricœur297 ou Ost298 adoptent le
présupposé général selon lequel, s’il est vrai qu’il existe toujours plus d’une façon
d’interpréter un texte, il n’est pas vrai que toutes les interprétations sont équivalentes.
Nous allons essayer dans cette section de traiter en premier lieu les deux grandes conceptions
de l’interprétation, puis nous présenterons sommairement la notion de syllogisme, en
troisième place nous développerons la notion de directive, ainsi que les classifications les plus
reconnues en la matière, enfin en dernier nous traiterons les méthodes spécifiques pour la
résolution des antinomies et pour le comblement des lacunes.
222...111... LLL EEESSS CCCOOONNNCCCEEEPPPTTT III OOONNNSSS DDDEEE LLL ’’’ III NNNTTT EEERRRPPPRRREEETTTAAATTT III OOONNN...
« Le raisonnement juridique peut être analysé de deux points de vue : heuristique et
justificatoire. Le premier permettant de comprendre comment une décision juridique est
atteinte, le second comment elle peut-être justifiée. »299 En puisant dans l’étude réalisée par
Leclercq300 nous allons essayer de présenter successivement, de façon sommaire, ces deux
295 Parmi les auteurs les plus récents, on peut notamment citer Ronald DWORKIN, in « Y a-t-il une bonne réponse en matière d’interprétation juridique. », 1995, paru dans « Interprétation et droit. », sous la direction de Paul AMSELEK, E. Bruylant, Bruxelles. 296 « Toutes les méthodes d’interprétation (...) ne conduisent jamais qu’à une solution possible, non à une solution qui soit la seule correcte. On peut négliger le texte et s’en tenir à la volonté probable du législateur, ou bien respecter strictement le texte et ne pas se soucier de cette volonté, en général très problématique. Au regard du droit positif, ces deux attitudes sont tout à fait équivalentes » cité par François OST et Michel VAN DE KERCHOVE, in « Les directives d’interprétation du droit et en droit positif belge. », 1989, paru dans « Les Règles d’interprétation : principes communément admis par les juridictions » sous la direction de Jean-François Perrin, Editions universitaires Fribourg Suisse. 297 Paul RICOEUR, in « Le problème de la liberté de l’interprète en herméneutique général et en herméneutique juridique. », 1995 paru dans « Interprétation et droit. », sous la direction de Paul AMSELEK, E. Bruylant, Bruxelles. 298 François OST et Michel VAN DE KERCHOVE, in « Les colonnes d’hermès : à propos des directives d’interprétation en droit. », 1995, paru dans « Interprétation et droit. », sous la direction de Paul AMSELEK, E. Bruylant, Bruxelles. 299 Jerzy WROBLEWSKI, in «Interprétation», mentionné par André Jean ARNEAUD (éd.), Dictionnaire
encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, Story Scientia, 1988, cité par Daniel poulin, cit. op. 300 Jean LECLERCQ, in « Une approche des représentation logiques du raisonnement juridique : le juriste confronté aux réflexes interprétatifs du juges. », 2001, Legiteam, France.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
141
grandes familles de pensée qui se sont succédées pour tenter de représenter le raisonnement
du juriste :
Une logique formelle empruntant traditionnellement la forme déductive : Le juge a à
sa disposition des faits et des règles. De ces deux éléments, il doit parvenir à un résultat.
D’évidence, il suffit d’appliquer la règle adéquate à chaque cas pour en déduire une
solution parfaite. Cette manière de penser a longtemps prévalu. Dans cette représentation
il y a une application classique du syllogisme qui permet de tirer une conclusion à partir
de la combinaison des prémisses301 ;
Une logique moins rigide recourant davantage à une forme dialogique302 : Il repose
sur un dialogue permanent entre le droit et le fait. Sans pour autant faire totalement
abstraction de la règle juridique, on peut relever que le raisonnement ne considère plus la
décision comme finale dans le processus logique mais comme antérieure à un processus
que l’on ne peut plus qualifier de purement déductif. C’est une appréhension dite
téléologique du processus décisionnel qui motive le décideur, en l’occurrence le juriste ou
de manière plus révélatrice le magistrat, dans le fil conducteur du raisonnement. Cette
approche se concrétise par les deux phénomènes suivants que doit contrôler le juge :
• La maîtrise des données exogènes : Chaque cas comporte toute une série de faits qu’il
convient d’agencer, de combiner, et la logique formelle n’intervient en rien dans ce
processus. Seuls des éléments subjectifs extérieurs permettent de retenir les critères
semblant présentés le plus de pertinence. S’il y a des faits qui s’imposent à tous, il y en
a, le plus souvent, d’autres qui peuvent ou non être relevés. Ce sont ces derniers qui
influeront sur la coloration de la décision et lui donneront tout son sens ;
• L’intervention des données endogènes : Ce sont tous les éléments propres au décideur
qui interfèrent de manière consciente ou inconsciente dans le choix final. Ils sont
appelés critères axiologiques, « irréductibles à toute formulation précise et regroupent
des paramètres hautement subjectifs qui peuvent influer sur la décision en lui apportant
une coloration morale. »
Sans entrer dans une polémique philosophique portant sur la quelle de ces représentations
prime sur l’autre, nous dirons qu’une certaine complémentarité est entretenue entre ces deux
formes de représentation.
222...222... LLL EEE SSSYYYLLL LLL OOOGGGIII SSSMMM EEE JJJUUURRRIII DDDIII QQQUUUEEE...
Selon Aristote303 « Le syllogisme est un discours dans lequel, certaines choses étant posées,
quelque chose d’autre que ces données en résulte nécessairement par le seul fait de ces
données. Par le seul fait de ces données : je veux dire que c’est par elles que la conséquence
est obtenue ; à son tour, l’expression c’est par elle que la conséquence est obtenue signifie 301 Les notions de « syllogisme » et de « prémisses » seront développer ci-dessous. 302 C’est-à-dire un raisonnement plus axé sur l’argumentation. 303 http://perso.wanadoo.fr/minerva/Logique/Aristote logique.htm.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
142
qu’aucun terme étranger n’est en sus requis pour produire la conséquence nécessaire. » Des
exemples de la syllogistique aristotélicienne sont présentés sous forme narrative et graphique
dans l’annexe C7 (page 257).
Un syllogisme304 se compose de trois termes, unis deux à deux dans trois propositions
élémentaires, chacun d’eux revenant deux fois. L’un de ces termes sert à accomplir la
médiation entre les deux autres : c’est le moyen terme. Les deux propositions où il figure sont
les prémisses. Le sujet de la conclusion est appelé « mineur » (ou petit terme), son prédicat
« majeur » (ou grand terme). La prémisse où figure le majeur est la « majeure », celle où
figure le mineur est la « mineure ». L’ordre des prémisses est indifférent, cependant
conformément à la tradition, il est préférable de citer la majeure en premier.
Les différentes formes de syllogisme, ont été synthétisées305 dans le schéma figurant l’annexe
C8 (page 258).
La justification des jugements juridiques, pain quotidien du juriste, se cristallise logiquement
en forme syllogistique306. « Une décision comporte en premier lieu une proposition normative
de base, tenant lieu de prémisse majeure. Cette proposition est constituée par les normes
déduites des dispositions légales applicables, sa forme partageant avec elles les dehors de
l’universalité. En second lieu, dans une décision s’établit une prémisse mineure, sous la forme
d’un complexe d’assertions réductibles en règle générale à la base factuelle du cas envisagé.
L’objectif du raisonnement juridique, c’est la justification d’un impératif singulier d’action se
rapportant à la situation concrète. Pour qu’un tel jugement soit argumentativement valide, il
faut que la norme à laquelle il se réfère soit à la fois valide et appropriée au cas d’espèce sous
considération. (…) ce qui s’impose en finale pour la solidité du raisonnement, c’est le bien-
fondé et l’acceptabilité rationnelle de sa prémisse majeure d’un côté, la valeur de vérité et la
raisonnabilité de la qualification juridique opérée dans la prémisse mineure de l’autre. »307
La constatation des faits auxquels le raisonnement juridique s’applique, n’est pas
indépendante de l’appréciation qui motive et oriente l’intervention du droit ; car elle ne les
appréhende et les conceptualise pas en eux-mêmes dans leur matérialité et dans leurs relations
de causalité, mais en fonction des valeurs qui fournissent les critères de leur appréciation :
« ces valeurs forment, pour ainsi dire, une grille à travers laquelle le juriste lit la signification
304 http://perso.wanadoo.fr/minerva/Logique/Aristote logique.htm. 305 Etabli à partir des notes de cours présenté dans le site http://membres.lycos.fr/alis/modrais.htm. 306 « La constitution du raisonnement juridique relève d’un processus de réflexion zététique. Il faut avoir à l’esprit que la démarche de la recherche, en vue d’apporter la solution juste à la dispute sous jugement, ne se déroule pas suivant un modèle strictement syllogistique, en énonçant une parole qui dès le début procède par syllogismes. Le cheminement du juriste au stade dit parfois « pré - syllogistique » est infiniment plus complexe que ne le laisse supposer l’opération de la subsomption. Ce n’est qu’après que les questions de fait et de droit aient été tranchées que le décideur est en état de stabiliser les prémisses de son raisonnement, durant la phase de la découverte de la solution recherchée. En revanche, le juriste ne peut pas toujours s’avancer sur des sentiers battus ; mais il progresse par tâtonnement, par l’intermédiaire de grilles d’interprétation et d’hypothèses portant sur la qualification juridique du cas. » Constantin M.STAMATIS, in « Argumenter en droit : une théorie critique de l’argumentation juridique. », 1995, édition Publisud, Paris. 307 Constantin M.STAMATIS, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
143
des faits en les découpant dans leur contexte et en les analysant selon leurs exigences. Ainsi
un même fait matériel sera retenu ou négligé comme non pertinent, et qualifié ou non de
faute, selon l’idée que l’on se fait des droits et obligations de son auteur. »308
Les juristes ont l’habitude de considérer les effets juridiques d’un acte ou d’un fait dans le
chef de deux personnes différentes : le créancier et le débiteur. Le point de vue comptable est
différent ; ce qui est considéré, c’est le double effet de l’acte ou du fait dans le patrimoine de
la même personne.
Illustration du raisonnement par syllogisme en droit comptable309 :
Premièrement : en vertu des fondements généraux de la comptabilité en partie double, à
laquelle la loi comptable renvoie, les comptes d’actifs reçoivent les coût d’acquisition des
biens tandis que les comptes de charges reçoivent les coût d’acquisition qui n’ont pas de
contrepartie ou dont la contrepartie n’est pas un bien.
Deuxièmement : or, les impôts et les taxes sont des dépenses à fonds perdus, sans
contrepartie ;
Troisièmement : par conséquent, sauf règle légale express contraire, les impôts sont
toujours comptabilisés en charges, jamais à l’actif.
222...333... LLL EEESSS DDDIII RRREEECCCTTT III VVVEEESSS III NNNTTTEEERRRPPPRRREEETTT AAA TTT III VVVEEESSS...
Plusieurs qualifications sont utilisées en interprétation pour désigner le terme « directives »310,
les plus communément utilisées sont : « règle », « principe », « axiome », « norme » et
« maxime », sans parler des termes plus généraux tels que « méthode », « technique »,
« procédé », « critères » ou encore « éléments ».
Selon Ost, les « directives » constituent des propositions signifiant un modèle de
comportement dont la formulation est destinée à influencer celui-ci, contrairement aux
propositions précédentes de forme indicative dont la signification est reproductive ou
descriptive.
Les directives peuvent prendre diverses formes. Elles se présentent soit sous forme écrite, soit
sous une forme non écrite. Cette deuxième forme, dont personne ne conteste l’existence,
soulève une réelle difficulté de qualification due entre autre à une hétérogénéité d’avis ; selon
les auteurs celles-ci sont considérées comme des principes généraux du droit, une forme de
coutume, des règles jurisprudentielles ou une doctrine. Une bonne part de ces directives
débordent manifestement du champ du droit et se trouvent énoncées sous la forme tantôt
d’arguments rhétoriques, tantôt de règles logiques, tantôt de règles linguistiques, tantôt de
simples règles d’expérience.
308 Léon HUSSON, in « L’infrastructure du raisonnement juridique. », publié dans « Etudes de logiques juridiques. » sous la direction de Chaïm PERELMAN, 1973, E. Bruylant, Bruxelles. 309 Eric CAUSIN, cit. op. 310 Terme emprunté à François Ost et Michel VAN DE KERCHOVE.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
144
Les directives n’ont pas véritablement de force obligatoire pour qu’il puisse s’imposer en tant
que tel. Cette relativisation de la force obligatoire concerne à notre avis même la forme
législative des directives dans le cas où elles ont été codifiées. Toutefois ces directives, qu’on
ne peut résolument pas imposer à l’interprète, assurent indéniablement, les fonctions
suivantes :
Susceptible de limiter le pouvoir discrétionnaire du juge et de raréfier la gamme de ses
choix personnels ;
Assure une fonction « heuristique » : c’est-à-dire une fonction de guide dans la découverte
du sens de la norme juridique interprétée ;
Consiste dans une fonction d’argumentation, de justification ou de rationalisation.
Une tradition relativement établie dans la théorie et la doctrine juridique consiste à distinguer
quatre ou cinq méthodes d’interprétation qu’on qualifie généralement de grammaticale ou
littérale, d’historique, de logique, de systématique (ces deux dernières étant parfois
regroupées) et de téléologique, correspondant schématiquement au texte légal, à son contexte
historique, à son contexte systématique, à ses implications logiques et à sa finalité. Il est alors
possible de distinguer des directives grammaticales, historiques, logiques, systématiques et
téléologiques.
Vu l’hétérogénéité des sous classifications réalisées, ainsi que de la robustesse scientifique de
la méthodologie opérée par les différents auteurs qui se sont intéressés à la question, nous
avons opté dans le cadre de cette étude pour une présentation des directives à plusieurs
niveaux tel que préconisé par Wroblewski311. Ces directives se détaillent en :
Des règles de fond, substantives, qui expriment le droit du domaine ;
Des règles ou « directives interprétatives permettant à l’interprète de déterminer les règles
de fond exprimées par les textes législatifs (directives du premier niveau) ;
Des métarègles interprétatives qui guident l’interprète dans l’utilisation des règles
interprétatives lorsque celles-ci s’opposent ou quand elles indiquent des directions
différentes (directives du second niveau).
Le cadre étant choisi, nous avons choisi de présenter les deux premiers niveaux tel que
classifiés par Ost (l’annexe C9 figurant à la page 259 présente les différentes directives
regroupées par cet auteur qu’on a regroupé sous forme d’un tableau). Les directives du
deuxième niveau seront empruntées à Mac Cormick et Summer.
Le schéma présenté à l’annexe C10 (page 262) présente la classification opérée par Ost. Nous
allons ci-dessous essayer d’exposer uniquement les « directives fondatrices déterminant le but
ultime de l’interprétation », qui nous semble présenter une possibilité de difficulté
d’interprétation en comptabilité.
311 Cité par Daniel POULIN, in « Interpréter la loi pour acquérir les règles », Communication préparée pour le Séminaire «Sciences du texte juridique» Far Hills, du 5 au 7 octobre 1992.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
145
II est généralement admis que les divergences les plus importantes qu’on peut constater entre
les différentes conceptions ou « théories » de l’interprétation dépendent du « but » qu’elles lui
assignent. Or, il apparaît précisément que tout système juridique consacre, au moins
implicitement, certaines directives contribuant à déterminer ce but ; directives que Kalinowski
a qualifiées de « principes fondamentaux de l’interprétation du droit »312 ou de « règles
suprêmes d’interprétation du droit. »
On sait que la théorie du droit oppose généralement à cet égard des conceptions « subjective »
et « objective » de l’interprétation, comme l’ont bien rappelé plusieurs auteurs. Il est
cependant possible de donner à cette distinction deux sens différents.
Le premier se fonde sur « une opposition entre « la volonté » du législateur et le « sens »
intrinsèque ou rationnel de la loi que l’interprète aurait à restituer, et qui peut résider, quant
à lui, dans des objectifs très différents. En ce sens, on citera, par exemple, la conciliation
optimale des intérêts en présence, la recherche de la justice ou de l’équité, le souci de
conforter au mieux la cohérence du système et de renforcer l’image du législateur rationnel, la
conformité aux principes du régime et aux fins de la République (art. 4 du code civil polonais)
ou la conformité « aux principes fondamentaux du droit de la République populaire de Bulga-
rie et aux règles de la morale socialiste » (art. 46 de la loi bulgare sur les actes normatifs). On
citera enfin l’art. 2 de la loi constitutionnelle du Canada selon lequel « toute interprétation de
la constitution du Canada doit concorder avec la reconnaissance de ce que (a) l’existence de
canadiens d’expression française, concentrés au Québec mais présents aussi dans le reste du
pays, et de canadiens d’expression anglaise, concentrés dans le reste du pays mais aussi
présents au Québec, constitue une caractéristique fondamentale du Canada ; (b) la
reconnaissance de ce que le Québec forme au sein du Canada une société distincte »313.
Le deuxième sens, par ailleurs, repose sur une opposition temporelle entre le contexte
historique d’énonciation de la loi et le contexte actuel de son application, dont l’interprétation
aurait à tenir compte.
Dans bien des cas, on constate que les deux sens se trouvent associés, de telle façon qu’une
conception « subjective » de l’interprétation lui assigne pour but, dans ce cas, d’établir la
volonté historique, du législateur, tandis qu’une conception « objective » de l’interprétation
lui assigne pour but de déterminer le sens rationnel actuel de la loi, eu égard à son contexte
d’application. C’est ainsi que l’on oppose généralement l’« école de l’exégèse », conçue
comme école d’interprétation historique, et l’école « sociologique », conçue comme école
évolutionniste. C’est dans la même mesure que l’on peut qualifier les théories subjectives de
« statiques » et les théories objectives de « dynamiques ».
Il est parfaitement possible, cependant, de concevoir que ces deux critères d’opposition ne
coïncident pas, aboutissant alors à deux nouveaux cas de figure, qu’on qualifie de conception
312 Cité par François OST et Michel VAN DE KERCHOVE, in « Entre la lettre et l’esprit. », 1989, E. Bruylant, Bruxelles. 313 François OST et Michel VAN DE KERCHOVE, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
146
« historique objective » et de conception « subjective actualisante ». « La première
correspondrait très largement, à la conception de l’interprétation consacrée par la
jurisprudence contemporaine du Tribunal fédéral suisse. La seconde a été notamment
défendue par Perelman. »314
La Cour européenne de justice, dans un arrêt315 du 14 septembre 1999, s’est prononcée pour
une interprétation par l’objectif de l’image fidèle. Les buts standard, développés auparavant,
sont applicables à des cas généraux, et aussi a priori à la matière comptable. Dans ce sens
nous nous interrogeons sur le type de relation que peut entretenir l’objectif de l’image fidèle
avec ses buts généraux ultimes de l’interprétation ?
Nous nous sommes prononcé auparavant sur la production par les rédacteurs des comptes de
deux types d’images à savoir l’image comptable normalisée découlant de l’application stricte
des règles comptables et l’image comptable personnalisée ayant pour but l’obtention de
l’image fidèle.
Au niveau de la première image, les comptes sont destinés à des utilisateurs qui ont une
certaine idée du cadre comptable normalisé. Il nous semble que c’est la conformité à la
réglementation comptable, composée d’un certain nombre de règle essentiellement écrite, qui
est visée selon cette optique. Cette réglementation sera perçue dans ce cas comme un
ensemble de textes semblables au niveau de leurs interprétations aux autres branches du droit.
De ce qui précède, nous en déduisons que les deux buts ultimes de la loi précisés
précédemment seront certainement, selon le cas, pris en compte par le juge.
L’image personnalisée, exige pour son application le recours au concept de l’image fidèle.
Dans ce cas précis il faudrait éclaircir les règles de primauté entre l’image fidèle et « les buts
ultimes de la loi ».
L’image comptable normalisée, en absence de dérogation comptable et d’information
complémentaires est conforme à l’image comptable personnalisée. On serait tenter de dire que
« les buts ultimes de la loi » seront applicable dans ce cas à l’image personnalisée.
L’interprète doit, à notre avis, recourir à l’image fidèle pour déterminer si les deux images
sont confondues. Ce recours à l’objectif de l’image fidèle démontre que l’image comptable
personnalisée n’est pas régit uniquement par les « buts ultimes de la loi ».
A notre avis le recours à l’image fidèle se fera dans ce cas comme « un but ultime de la loi »,
la question qui restera posée est la suivante : existe-t-il une hiérarchie entre ces buts ? Poser la
question de cette manière suppose que les précèdent buts ne sont pas exclus. Ceci nous pousse
à reformuler la question précédente sous une forme différente, nous dirons alors : existe-il une
forme d’exclusion des anciens « buts ultimes de la loi » dans le cadre de l’image comptable
personnalisée. La cohabitation entre les anciens buts et l’image fidèle ne peut se faire que à
travers l’application à un cas concret d’un ancien but et de l’image fidèle dans la mesure où
314 François OST et Michel VAN DE KERCHOVE, cit. op. 315 Présenté et analysé dans le premier chapitre de la première partie.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
147
lors de l’application au cas réel, un seul ancien but peut être appliqué à la fois. La proposition
précédente nous semble non applicable parce qu’il peut y avoir d’ancien et de nouveau but, ce
qui milite pour un seul et unique « but ultime de la loi » pour l’image comptable
personnalisée qui ne peut être que le concept de « l’image fidèle ».
Les directives de Ost du premier niveau qu’on a établit sous forme de tableaux présentés dans
l’annexe C9 (page 259) sont nombreuses et peuvent dans certain cas être en opposition. Pour
résoudre ce genre de difficulté nous présenterons les directives du second niveau.
Les directives interprétatives en droit présente une complexité considérable, puisque l’on
dispose de nombreux types de directives et que chacun peut provoquer, sur un texte donné,
une interprétation différente de celle que suscite une autre directive possible. En effet, pour
tout ensemble de directives au aura un ensembles d’interprétations rivales I1, I2, ... In. S’il
s’agissait là d’une rivalité à prendre très au sérieux, il se trouverait certains directives de l’un
ou l’autre de ces types (ou peut-être d’autres types similaires) pour venir étayer l’une ou
l’autre de ces interprétations rivales. Il n’y a pas davantage de raison de supposer que des
directives de différentes types à l’intérieur de la même catégorie aillent tous dans le même
sens ; Il peut exister, à l’intérieur d’une même catégorie, des conflits de directives aussi bien
que des conflits (ou parfois une convergence) entre directives de catégories différentes.
Il faut donc réserver une étape de l’interprétation au classement des directives ou des séries
accumulant les directives, en cas de conflit entre les interprétations qu’ils provoquent.
Sur ce point, il est tout à fait possible de proposer des façons relativement simples d’ordonner
et de classer les directives éventuelles. Toutefois quel ordre chronologique il convient
d’utiliser pour les différents types de directives méthodologiques dont nous avons traité
jusqu’ici ? et dans quelle mesure le recours à certains types de directives se trouve
conditionné, à chaque étape, par le résultat éventuellement « insatisfaisant » obtenu à l’aide
des directives mises en oeuvre à l’étape précédente ? Il est tentant de dire que tout système
renferme une tendance à commencer par les directives linguistiques, pour continuer par les
directives systémiques, et n’avoir recours aux directives fonctionnelles que lorsque les autres
directives sont demeurées problématiques.
« Tel est le deuxième sens que l’on peut donner à l’adage latin interpretatio cessat in claris,
ou à ce que la common law appelle la « literal rule » : lorsque l’interprétation grammaticale
ou littérale d’un texte révèle, à elle seule, un sens clair, la directive enjoint au juge d’arrêter
ses investigations et de s’abstenir de mettre en oeuvre toute autre directive d’interprétation.
Inversement, il en résulte que le recours à ces différentes directives n’est autorisé que si, au
terme d’une interprétation littérale, le texte apparaît obscur. C’est l’idée générale qu’illustrent
des directives plus spécifiques telles que celle qui n’autorise le recours aux travaux
préparatoires que si le texte de la disposition applicable semble obscur, ou celle qui dispose
que lorsque les termes d’une loi sont ambigus, leur sens doit être recherché en examinant le
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
148
contexte dans lequel les mots, expressions ou phrases ou lignes sont inscrits de manière à
découvrir leur véritable signification.»316
Une doctrine appropriée du droit positif dans ce contexte nous est fournie par ce que les
juristes écossais et anglais appellent « la Règle d’Or » (« The Golden Rule »), dont voici la
formulation classique :
« II faut appliquer termes et expressions de la loi selon leur sens naturel et courant,
sans y ajouter ni en retrancher quoi que ce soit, sauf si ce sens cause une injustice, une
absurdité, une anomalie, ou une contradiction ; dans ce cas, il est permis de modifier le
sens naturel et courant uniquement de façon à écarter cette injustice, etc., mais sans
pouvoir aller au-delà. (Aujourd’hui, il faudrait ajouter à « sens naturel et courant » les
mots « dans leur contexte, et en fonction du registre linguistique approprié ») (Simon,
1978). »317
S’il y a une interprétation qui favorise clairement une lecture du texte à la lumière des
directives syntaxiques et sémantiques du langage courant et si cela est confirmé par une
lecture du texte dans l’ensemble de son contexte systémique, il devient inutile d’avoir recours
à des directives fonctionnelles. Mais s’il demeure quelque incertitude à la lumière de tous les
arguments linguistiques et systémiques, il faut passer à d’autres principes d’interprétation, ou
encore, s’il apparaît quelque « absurdité », celle-ci doit être éliminée. « Une étude récente de
grande valeur menée par le Dr Yezhar Tal démontre, contrairement à ce qui a beaucoup été dit
dans des écrits de doctrine, que, tant dans la pratique que dans les règlements d’autorité sur
l’interprétation, l’« absurdité » dans le cadre de la règle d’or comprend les conflits avec la
justice ou avec toute autre facette de ce que l’on considère comme le bien public. »318
Dans le cadre de la présente étude nous avons opté pour les directives suivantes du deuxième
niveau319 élaborées par Mac Cormick et Summer :
a) En interprétant une disposition légale, considérez les types d’argument, dans l’ordre
….suivant :
i) arguments linguistiques ;
ii) arguments systémiques ;
iii) arguments téléologiques – déontologiques.
b) Acceptez , en premier lieu, une interprétation claire de niveau (i) à moins qu’il y ait une
certaine raison de procéder au niveau (ii) ; pour la raison suffisante selon lequel le niveau
(ii) a été appelé, acceptez une interprétation claire au niveau (ii) à moins qu’il y ait une
certaine raison de se déplacer au niveau (iii) ; arrivé au niveau (iii), acceptez comme 316 François OST et Michel VAN DE KERCHOVE, cit. op. 317 Neil MAC CORMICK, in « Argumentation et interprétation en droit. », 1995, paru dans « Interprétation et droit. », sous la direction de Paul AMSELEK, E. Bruylant, Bruxelles. 318 Neil MAC CORMICK, cit. op. 319 Traduit à partir de la version anglaise cité par Daniel POULIN, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
149
justifié seulement l’interprétation la mieux soutenue par la gamme entière des arguments
applicables.
c) Tenez compte des arguments de l’intention et de tout autre argument transcatégorique si il
existe des raisons appropriées pour s’écarter à première vue de la règle ci-dessus.
Les termes utilisés dans cette règle sont différents des termes qu’on a adopté précédemment.
Nous allons essayer ci-dessous de présenter les différences sémantiques :
Le terme « argument » est selon Ost presque similaire au terme directive ;
Les arguments téléologiques – déontologiques sont presque identiques aux directives
fonctionnelles ;
« L’intention peut être liée à des éléments strictement linguistiques de la sémantique ou de
la syntaxe, à tous les éléments divers du contexte systémique d’un texte juridique, ou bien
aux buts recherchés ou aux principes mis en œuvre par le législateur considéré soit
comme un organisme historique, soit comme un législateur idéalement rationnel ; il
s’ensuit qu’il est préférable de considérer cet élément plutôt imprécis de l’argumentation
interprétative comme chevauchant ces trois grandes catégories. C’est pourquoi nous
appellerons ce type d’argument « transcatégorique ». »320
Au Maroc, les textes légaux sont publiés en langue arabe et aussi en langue française. Dans
certains cas il peut y avoir des divergences plus ou moins sensibles entre les deux catégories
de textes. Dans cette hypothèse lequel doit prévaloir ? Les directives, du second niveau,
développées précédemment ne permettent pas à notre avis de résoudre cette difficulté.
Selon le professeur Essaid321 : « la langue arabe étant la langue nationale et officielle du pays,
c’est le texte arabe inséré au Bulletin officiel qui doit faire foi. C’est ce texte qui doit
s’imposer aux tribunaux. De reste, depuis l’avènement du régime constitutionnel, le
Préambule affirme expressément : « la langue officielle est l’arabe ». Ce principe a été
effectivement mis en application par la loi d’unification du 26 janvier 1965, qui a réalisé
l’arabisation de la justice marocaine. Donc, en droit, aucune discussion n’est possible.
Toutefois, en fait, il faut reconnaître que les textes publiés au Maroc, en langue étrangère, sont
parfois seuls pris en considération pour la simple raison que leur arabisation n’a pas été
assurée. D’ailleurs, c’est seulement depuis quelques années que la traduction des grands Codes
de 1913 a été entreprise. Même de nos jours, les lois et les règlements sont parfois élaborés en
français et traduits ensuite. En cas de divergence entre les deux versions, il est donc,
pratiquement, nécessaire de recourir au texte en langue étrangère bien que la langue arabe soit
la langue officielle. »
222...444... LLL EEE CCCOOOMMM BBBLLL EEEMMM EEENNNTTT DDDEEESSS LLL AAACCCUUUNNNEEESSS EEENNN DDDRRROOOIII TTT ...
320 Neil MAC CORMICK, cit. op. 321 Mohammed Jalal ESSAID, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
150
« La notion de « lacune », première brèche dans le mur dogmatique de la
légalité… la réalité chassée par la porte, n’entre-t-elle pas à nouveau par la
fenêtre ? »322
D’une certaine manière, interpréter la loi revient presque toujours à interpréter les silences du
législateur. Nous allons essayer d’expliquer qu’est ce que on entend traditionnellement par
« lacune » en droit, pour ensuite s’intéresser à la méthodologie de comblement de ces lacunes
en droit positif. Nous allons ci-dessous présenter deux définitions du terme « lacune » pour
ensuite les commenter :
« La lacune émerge en droit positif, lorsqu’une règle ou combinaison de règles reste muette,
incomplète, sur une question d’intérêt juridique (…) On ne saurait parler cependant de
lacune en droit, lorsque l’interprétation se heurte simplement à certaines notions
juridiques vagues ; ou lorsque l’interprétation est confrontée à la tâche de rendre une déci-
sion discrétionnaire ; ou encore, quand l’absence de règle est bel et bien volontaire de la
part du législateur »323 ;
Selon Steinauer324 : « Par silence du législateur, j’entends ici les silences du texte même de la
loi, tels qu’ils apparaissent à l’interprète, au moment où celui-ci constate que la lecture de la loi
n’offre pas de réponse directe à la question qu’il se pose. En ce sens, les silences du législateur
s’opposent aux silences de la loi elle-même, qui sont constatés au terme du processus
d’interprétation, lorsque l’interprète, se fondant sur ses instruments usuels d’analyse (lettre,
genèse, système et but de la loi), parvient à la conclusion que la loi, dans sa lettre, mais aussi
dans son esprit, ne répond pas à la question posée. On distinguera alors selon que cette absence
de réponse est un vrai ou un faux silence de la loi. Le faux silence est en réalité une réponse
négative à la question à résoudre ; il ne constitue donc pas, à proprement parler, un cas où la loi
ne règle pas l’hypothèse en cause. Quant au vrai silence de la loi, c’est la « lacune proprement dite », à savoir un vide contraire à l’économie de la loi : soit que la loi ne régisse pas une
question (lacune ouverte), soit qu’elle ne prévoie pas une restriction qui s’impose (lacune occulte). »
On en déduit que, nous nous trouvons face à une lacune du droit positif lorsque nous nous situons
devant une situation concrète pour laquelle nulle réglementation n’est prévue, en d’autre terme il y a
un manque de régulation par rapport à un type de relation sur lequel on s’attendait à trouver une
règle afférente. Le fait qu’il y ait lacune ou pas est aussi une question d’interprétation, nécessitant à
chaque fois une argumentation appropriée. De telles lacunes pèsent dans l’ordre juridique établi,
sans qu’il ne soit possible de les éliminer a priori à travers une politique législative consistante et
diligente.
322 Jean-François Perrin, « Pour une théorie de la connaissance juridique. », 1979, Droz, Genève. 323 Constantin M.STAMATIS, cit. op. 324 Paul Henri STEINAUER, in « L’interprétation des silences du législateur à l’aide des arguments a contrario, a simili et a fortiori. », 1989, paru dans « Les Règles d’interprétation : principes communément admis par les juridictions » sous la direction de Jean-François Perrin, Editions universitaires Fribourg Suisse.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
151
Certains auteurs s’opposent à la question préalable en avançant qu’il n’y a pas vraiment de lacunes
dans le droit : « En somme, le droit n’est jamais muet ni absent ; ou bien il impose une sanction (on
dit alors qu’il « interdit »), ou bien, à défaut de texte spécifique ou en cas de contradictions, il
impose de ne pas sanctionner, ce qu’on appelle « autoriser ». »325 Pour eux (ils suivent en cela le
raisonnement de l’école de l’exégèse), la plupart des soi-disant lacunes du droit positif peuvent être
comblées au moyen du raisonnement et que l’absence de réglementation implique la liberté. En
réalité, quel que soit l’importance que l’oeuvre législative prend d’année en année, il reste, et il
restera toujours, des situations non réglées ou réglées de manière incomplète par le législateur.
« Sans doute ne faut-il pas conclure trop vite à une lacune : il suffit qu’un cas soit prévu de manière
implicite par un texte pour que l’on puisse dire qu’il est régi par le droit positif. Sans doute, aussi,
l’argumentation logique (a simili ; a fortiori; a contrario) permet-elle souvent d’aboutir mais, outre
qu’elle risque souvent d’être artificielle, elle suppose précisément qu’il y ait lacune : on ne peut pas
dire que la solution déduite par la voie de raisonnements soit immédiatement l’œuvre du
législateur. »326
Ces trois types d’argument que nous avons déjà eu l’occasion de signaler, sont les plus connus, dans
la mesure « où rares sont les raisonnements juridiques qui puissent s’en passer. (…) Ils ressemblent
à des techniques d’interprétation littérale d’un texte, mais en sont néanmoins assez différents pour
que l’on doive, pour y avoir recours, se référer à la volonté du législateur. »327
222...444...111... LLL ’’’ AAARRRGGGUUUMMM EEENNNTTT AAA CCCOOONNNTTT RRRAAARRRIII OOO...
Notons tout d’abord que l’argument a contrario décrit comme « l’envers de l’argument par
analogie »328, est le moyen principal pour suppléer à ces défaillances de l’ordre juridique que
sont les lacunes de droit.
« L’argument a contrario consiste à tirer d’une implication (c’est-à-dire d’une phrase
comportant une conditionnelle et une principale) et de la non réalisation de la condition, la
conclusion que la conséquence ne se réalise pas non plus. »329 En d’autre terme il conduit à
adopter une règle inverse de celle qui est expressément édictée lorsque les conditions posées
par celle-ci ne sont pas remplies. Lorsqu’un texte dit une chose, il est censé tout simplement
en nier le contraire.
Mais c’est évidemment souvent une supposition tout à fait gratuite sur le sens du silence du
législateur, qui est présumé délibéré de sa part (et non, à proprement parler, un argument
logique). En effet :
325 Guillaume VANNIER, in « Argumentation et droit : une introduction à la nouvelle rhétorique de Perelman », 2001, Presses universitaires de France, Paris. 326 Jacques FALYS. cit. op. 327 Chaïm PERELMAN, cité dans le recueil de textes choisis et présentés par Simone GOYARD-FABRE et René SEVE intiutlé « Les Grandes questions de la philosophie du droit », 1986, Presses universitaires de France, Paris. 328 Jean-François GERKENS, in « Introduction au droit privé. », 2004, Éditions juridiques de l’Université de Liège. 329 Paul Henri STEINAUER, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
152
d’une part, « ce type de raisonnement s’oppose à la présomption selon laquelle ce qui est
vrai du genre est vrai aussi des espèces. Ainsi cette situation démontre clairement que
l’usage des arguments a pari et a contrario est en général réversible : confronté au silence
du législateur, l’interprète pourrait théoriquement étendre ou restreindre le prescrit
légal »330 ;
d’autre part, il est certain que notre système juridique ne compte pas que des lacunes
volontaires, telles que l’absence de réglementation de la grève qui existait avant le
nouveau code de travail ou l’absence de réglementation relative aux pensions avant la loi
relative aux pensions ; en réalité, la plupart d’entre elles sont involontaires, dues à la
négligence ou à l’imprévisibilité de certains développements scientifiques et techniques.
Le professeur Steinaeur précise que selon les cas, un tel argument peut être logiquement
valide ou, au contraire, absolument sans valeur. Il sera valide si l’implication sur laquelle il se
fonde exprime une relation de condition nécessaire ou de condition nécessaire et suffisante.
Par contre, l’argument ne sera logiquement pas concluant si l’implication sur laquelle il
s’appuie exprime une relation de condition suffisante.
Pour illustrer cette situation nous présenterons deux exemples développés par Steinaeur :
Est logiquement valide le raisonnement suivant :
Ce n’est que si une personne physique est capable de discernement qu’elle a l’exercice des
droits civils, or X n’est pas capable de discernement, donc X n’a pas l’exercice des droits
civils.
En revanche, n’est pas un raisonnement valide :
Si une personne physique a plus de vingt ans révolus, elle est majeure, or X n’a pas plus de
vingt ans révolus, donc X n’est pas majeur.
Pour cette raison il vaut mieux considérer l’argument a contrario comme dangereux, et ne
l’utiliser qu’avec la plus grande vigilance.
222...444...222... LLL ’’’ AAARRRGGGUUUMMM EEENNNTTT ««« AAA FFFOOORRRTTTIII OOORRRIII »»»...
Selon le Professeur Perelman, L’argument a fortiori « est un procédé discursif d’après lequel,
une proposition étant donnée, qui affirme une obligation (ou une autre qualification
normative) d’un sujet (ou classe de sujets), on doit conclure à la validité et à l’existence
comme disposition juridique, d’une différente disposition juridique qui affirme cette même
obligation (ou une autre qualification normative) d’un autre sujet (ou classe de sujets) qui soit
(ou soient) en état de mériter, à plus forte raison que les premiers, la qualification normative
que la première disposition accordait à ceux-ci »331. En d’autres termes, ce type de
raisonnement conduit à appliquer la solution que la loi impose dans un cas qu’elle envisage
330 Jean-François GERKENS, cit. op. 331 Chaïm PERELMAN, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
153
expressément, à un autre qu’elle ne mentionne pas, parce que pour ce dernier, les motifs de la
solution sont encore plus évidents. C’est l’idée : « qui peut le plus, peut le moins »332 ou
encore « à plus forte raison »333.
On distingue deux sortes d’arguments a fortiori, selon que la conclusion se tire du plus petit
vers le plus grand (argument a minori ad majus) ou du plus grand vers le plus petit (argument
a majori ad minus). Nous allons essayer de présenter ci-dessous les deux variantes de
l’argument a fortiori :
L’argument « a majori ad minus » : Selon le professeur Frabreguette334, l’argument
consiste à étendre « une disposition légale aux hypothèses qu’elle n’a pas prévues et dans
lesquelles on rencontre un degré plus éminent que dans celles où elle a formellement
énoncé le motif en vue duquel elle a statué». Cet argument s’utilise surtout lorsque la loi
accorde un droit ou une autorisation. Exemple : s’il est permis de faire du cheval dans un
parc, il est aussi permis de s’y promener à pied ;
L’argument « a minori ad majus » : Il s’agit d’étendre ce que la loi prévoit pour des
hypothèses moins caractérisées à des hypothèses plus caractérisées. Ou encore, la « règle
s’applique à un état de fait qu’elle ne vise pas expressément mais qu’il est justifié de lui
soumettre pour des raisons plus impérieuses que celles de lui assujettir l’état de fait »335
L’argument est surtout utilisé lorsque la loi prescrit une interdiction. Exemple : s’il est interdit
de marcher sur le gazon, a fortiori est-il interdit de s’y promener à cheval ou encore s’il est
interdit de rouler à deux sur une bicyclette, a fortiori est-il interdit de le faire à trois.
Il est surtout discuté du fait de savoir si l’argumentation a fortiori repose sur un enchaînement
syllogistique rigoureusement constitué ou, au contraire, si elle peut nous procurer des
arguments simplement plausibles. « Son utilité est cependant indiscutable, ne serait-ce que
parce qu’elle conduit à des solutions simplement raisonnables. Le problème crucial qui
s’impose ici est de parvenir à justifier une prémisse intermédiaire qui tente une corrélation du
cas d’espèce soulevé avec un type relationnel avoisinant, réglé par le droit positif. »336
222...444...333... LLL ’’’ AAA RRRGGGUUUMMM EEENNNTTT ««« AAA SSSIII MMM III LLL III »»»...
Selon le Professeur Perelman, l’argument « a simili » est « une proposition juridique, qui
affirme une obligation juridique relative à un sujet ou à une classe de sujets, cette même
obligation existe à l’égard de tout autre sujet, ou classe de sujets, ayant avec le premier sujet
(ou classe de sujets) une analogie suffisante pour que la raison qui a déterminé la règle à
l’égard du premier sujet (ou classe de sujets) soit valable à l’égard du deuxième sujet (ou
classe de sujets).»337 En d’autre terme l’argument « a simili » prend comme base une
332 Paul Henri STEINAUER, cit. op. 333 Constantin M.STAMATIS, cit. op. 334 Cité par Paul Henri STEINAUER, cit. op. 335 Paul Henri STEINAUER, cit. op. 336 Constantin M.STAMATIS, cit. op. 337 Chaïm PERELMAN, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
154
implication exprimant une condition suffisante ; il applique la conséquence de cette
implication à une condition autre que celle énoncée par la règle, en se fondant sur le fait que
cette condition présente une ressemblance essentielle avec l’hypothèse retenue dans la loi.
Exprimé dans une forme ayant l’apparence d’un syllogisme, cet argument se présenterait
ainsi:
La situation A entraîne la conséquence Z ;
et la situation B est analogue à la situation A ;
donc la situation B entraîne la conséquence Z.
Ce raisonnement n’est pas logiquement valide car, dans la mineure, l’élément B n’est pas
affirmé comme identique à l’élément A, mais seulement comme analogue à cet élément.
L’argument a simili n’est pas pour autant dénué de toute valeur ; mais sa force de conviction
ne tient évidemment qu’à celle de l’analogie retenue. C’est pourquoi il faut se demander
comment est fondée cette relation d’analogie.
Le professeur Steinaeur précise que l’argument « a simili » permet d’étendre le champ
d’application d’une règle de droit. La première condition de son utilisation est donc que la
règle soit de par sa nature « extensible » ; l’analyse de cette condition permet aussi de préciser
la relation entre les arguments a contrario et a simili. Mais l’utilisation de l’argument a simili
ne sera en outre convaincante que si le critère de généralisation de la règle est choisi de façon
appropriée.
L’interprète ne pourra recourir dès lors avec profit à cet argument que s’il peut l’étayer par
d’autres éléments d’interprétation, en particulier par le but de la loi.
« On exprime souvent l’idée que l’argument par analogie est plutôt une caractéristique propre
au droit jurisprudentiel qu’aux textes de loi. Cela est certainement vrai dans la mesure où le
corpus du droit jurisprudentiel se développe progressivement par l’accumulation continue des
décisions qui étendent au fur et à mesure l’application concrète d’un principe à de nouveaux
cas d’espèce. »338
En résumé nous dirons qu’aucun de ces arguments, pris en lui-même, n’a une force de
conviction absolue. Ils ne doivent donc pas être utilisés de façon autonome lors de
l’interprétation de la loi. L’argument a contrario n’a force de conviction absolue que s’il est
préalablement établi que la règle exprime une condition nécessaire ou une condition
nécessaire et suffisante ; si tel n’est pas le cas, l’argument a contrario n’a qu’une force de
conviction très faible qui doit être appuyée par d’autres éléments d’interprétation (surtout par
le but de la loi). L’argument a simili n’est logiquement contraignant que si la généralisation
de la règle qu’il suppose a été faite correctement; or cette généralisation implique elle-même
la prise en compte des autres éléments de l’interprétation, et plus particulièrement l’analyse
338 Neil MAC CORMICK, in « Raisonnement juridique et théorie du droit. », 1996, Presses universitaires de France, Paris.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
155
du but de la loi. Quant aux arguments a fortiori, ce sont sans doute ceux qui, en eux-mêmes,
présentent la force de conviction la plus grande, car l’analogie est, dans leur cas, renforcée par
un élément quantitatif ; mais leur force de conviction peut aussi être tenue en échec par des
considérations tirées des autres éléments de l’interprétation. Généralement, c’est
l’interprétation téléologique de la loi qui servira d’arbitre, en permettant de donner la
préférence à l’argument a contrario, d’un côté, ou aux arguments a simili ou a fortiori, de
l’autre.
222...555... LLL AAA RRREEESSSOOOLLL UUUTTT III OOONNN DDDEEESSS AAANNNTTT III NNNOOOMMM III EEESSS EEENNN DDDRRROOOIII TTT...
La question des contradictions (leges contrarias, antinomia) en droit est débattue depuis
l’antiquité. Le débat porte d’une part sur l’existence même des contradictions dans les lois, et
d’autre part sur la méthode de solution qu’il convient d’adopter pour appliquer des lois
contradictoires ou apparemment contradictoires.
La première chose à remarquer est qu’il s’agit de deux problèmes différents qu’on doit tenir
bien distincts : une chose est de savoir que deux règles sont antinomiques et ne peuvent donc
être appliquées toutes les deux au même cas ; autre chose est de savoir laquelle des deux doit
être appliquée de préférence. Nous allons ci-après présenté un certains nombres de
définitions, qu’on essayera au fur à mesure d’analyser.
Selon Stamatis, « Un conflit entre règles de droit peut intervenir, lorsque deux règles dont les
contenus normatifs se recoupent, on peut tirer des conséquences légales divergentes ou
opposées. Face à des énoncés normatifs contradictoires, l’incertitude préside au fait de savoir
si un type de comportement, que ce soit un acte ou une omission, est permis, obligatoire ou
interdit. »339 Devant une telle collision de règles concurrentes, l’interprète doit justifier laquelle
des deux pouvant être appliquée sera la plus conforme à la spécificité du cas d’espèce litigieux.
Selon M. Malgaud, « l’antinomie est le conflit de textes. »340 Cette définition, qui a le mérite
de la simplicité, laisse apparaître la solution du problème : le conflit sera résolu par
l’application d’un des deux textes en présence qui aura la prééminence par rapport à l’autre.
Cependant, cette définition ne permet pas de voir quelle est la source de la contradiction en
droit.
Le Professeur Boland, définie l’antinomie en droit comme étant une impossibilité d’appliquer
simultanément, telles qu’elles sont énoncées, deux normes de droit positif qui sont assez
précises pour être applicables en elles-mêmes et qui ne sont pas subordonnées l’une à l’autre
par une disposition juridique impérative. »341 L’élément clef de cette définition réside dans
l’impossibilité d’appliquer les normes contradictoires. En effet, la contradiction peut être
339 Constantin M.STAMATIS, cit. op. 340 Jean – Emmanuel ROSSEL, in «L’interprétation des normes contradictoires. », 1989, paru dans « Les Règles d’interprétation : principes communément admis par les juridictions » sous la direction de Jean-François Perrin, Editions universitaires Fribourg Suisse. 341 Cité par Jean – Emmanuel ROSSEL, cit. op
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
156
énoncée, mais elle ne peut être appliquée aux faits. L’exemple suivant cité par Rossel illustre
cette vision des choses :
« On peut parler d’un triangle à quatre côtés, mais on ne peut pas le dessiner.
Si une norme imposait de dessiner un triangle à quatre côtés, on pourrait soit
dessiner un triangle, soit une forme à quatre côtés, soit enfin une figure mixte
qui ne serait ni un triangle ni une figure à quatre côtés. »
Pour mieux appréhender la possibilité d’existence des antinomies dans la réglementation
marocaine nous présentons l’exemple suivant :
Le CGNC précise que « la cession des droits de souscription ou des droits
d’attribution réduit la valeur globale d’entrée du montant du prix de cession et
réduit en conséquence le coût unitaire moyen d’achat des titres
correspondants. »342 Supposons que je cède la moitié de mes droits acquis il y
a vingt ans pour dix fois leur coût historique, l’application de la règle
précédente aboutirait à un solde d’un compte d’actif négatif qui serait
antinomique avec la disposition du CNGC stipulant « qu’aucun montant brut
ou net d’un poste n’est susceptible d’être négatif. »
Si nous demandons à l’homme de la rue quelle est la solution qu’il choisirait s’il se trouvait
face à face avec deux règles incompatibles, très probablement il répondrait qu’entre deux
règles incompatibles, c’est la plus juste qu’on doit employer. En ce cas la justice serait le seul
critère pour la solution de l’antinomie. Mais qu’est-ce donc que la justice ? Il peut être utile de
comparer cette réponse avec celle que nous donnons habituellement lorsque nous envisageons
deux propositions antinomiques dans un discours scientifique. Dans un discours de ce genre,
quand nous trouvons une contradiction, nous adoptons habituellement comme critère pour
préférer une proposition à l’autre, ou bien pour les rejeter toutes les deux, le critère de la
vérité : nous acceptons la proposition vraie et rejetons la fausse (ou bien nous les rejetons
toutes les deux, parce que toutes les deux sont fausses). Mais qu’est-ce donc que la vérité ? Ce
parallèle est justifié, à notre avis, car, en disant d’une proposition qu’elle est vraie ou fausse,
nous opérons de la même manière qu’en disant qu’une règle est juste ou injuste.
Une tradition en droit a, en général, donné une réponse différente, « en offrant à l’interprète
quelques critères de choix qui ont pour but évident d’empêcher la formation de préférences
personnelles. »343 On sait que les critères dont on se sert le plus souvent sont : le
chronologique, le hiérarchique et celui de la spécialité.
L’interprétation des antinomies doit être décomposée, à notre avis, en deux phases, si l’on
veut bien saisir le processus de solution. Dans un premier temps, il s’agit de découvrir la
contradiction, de la diagnostiquer. Cela suppose une première interprétation des textes en
présence qui aboutit à la constatation de la contradiction. Ensuite, dans un deuxième temps,
342 Code général de normalisation comptable. 343 Norberto BOBBIO, in « Essais de théorie du droit : recueil de textes. », 1998, E. Bruylant, Bruxelles.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
157
l’interprète qui veut appliquer les normes qui se contredisent ne peut le faire que s’il réduit
l’antinomie. A nouveau, les normes sont interprétées de telle manière que la contradiction se
dissipe.
La constatation de l’antinomie se fait à l’aide des méthodes classiques d’interprétation,
développées auparavant. Nous tacherons dans ce qui suit d’exposer les solutions de
résolutions des antinomies qui sont sollicitées lors de la deuxième phase.
Il n’existe pas une méthode de solution des antinomies en droit, mais il en existe plusieurs. Il
est en outre difficile de dire dans quel ordre il faut examiner les diverses solutions, car cela
dépend du cas d’espèce. Selon Rossel344 il existe les quatre méthodes suivantes :
L’interprétation des normes de manière à les rendre conciliables : Dans sa recherche
de la cohérence du système juridique, l’interprète doit essayer de concilier les textes
contradictoires conformément à l’adage « textus concordandi sunt ». Cette conciliation
des normes contradictoires peut s’opérer de deux manières :
• D’une part, il se peut que l’interprète puisse les hiérarchiser de manière à n’en
appliquer qu’une seule tout en écartant la seconde. Cette interprétation conduit au
choix d’une des normes en présence, méthode que nous examinons plus bas ;
• D’autre part, l’interprète a la possibilité de choisir parmi les divers sens possibles
d’une norme celui qui se concilie le mieux avec un des sens judicieusement choisi de
l’autre norme. Dans cette manoeuvre, l’interprète n’écarte pas une des normes en
présence, il les applique toutes les deux et il ne peut le faire que parce qu’il les a
interprétées de façon conforme l’une par rapport à l’autre ;
344 Jean – Emmanuel ROSSEL cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 1 partie 2
158
Le choix d’une des normes en présence : L’antinomie peut être réduite en écartant l’une
des deux règles contradictoires. Ce choix de la règle applicable peut s’opérer soit à l’aide
des règles suivantes :
• Les règles de conflit : Les principales règles de conflit sont au nombre de trois: elles
sont formulées par les adages suivants:
- 1. « lex posterior derogat priori » : La loi ancienne est abrogée par la loi nouvelle qui la
contredit ;
- 2. « lex superior derogat inferiori » : La règle de rang constitutionnel l’emporte sur la
règle de rang légal ou réglementaire et la règle de rang légal l’emporte sur la règle de
rang réglementaire ;
- 3. « lex specialis derogat générait » : la règle générale s’efface devant l’exception.
II se peut qu’il existe dans certains cas des contradictions entre ces adages. Dans ce
cas il est très difficile de donner une réponse catégorique à cette question. Comme les
règles de conflit ne sont que des présomptions, elles deviennent particulièrement
faibles lorsqu’elles se contredisent. Il nous semble que la règle 2 l’emporte sur la règle
1, car la règle inférieure doit toujours être conforme à la règle supérieure, quelle que
soit la date de l’entrée en vigueur des règles en question. De même, la règle 2
l’emporte aussi sur la règle 3, les règles inférieures étant pratiquement toujours
spéciales par rapport aux règles supérieures ; s’il en allait autrement, l’adage 2 n’aurait
plus de sens ;
• La distinction entre les champs d’application des normes en présence : Lorsque deux
normes contradictoires régissent les mêmes états de fait, on peut tenter de leur
attribuer des champs d’application différents. Le domaine commun des règles
contradictoires peut être divisé en deux parties égales ou alors une règle peut être
considérée comme l’exception de l’autre. Dans le cas où une règle peut être
considérée comme l’exception d’une autre, la détermination des champs d’application
différents se confond avec l’adage 3 ;
• La pesée des intérêts en présence : Exemple la loi d’intérêt public peut l’emporter sur
la loi d’intérêt privée ;
Le recours à une autre norme : Lorsque le juriste constate une antinomie entre deux
règles, il se peut qu’il renonce à appliquer l’une ou l’autre des règles contradictoires en
pensant qu’elles se détruisent ou se neutralisent mutuellement ;
L’établissement et le comblement d’une lacune : Le comblement de la lacune peut indiquer
au juge la norme à choisir. Dans cette optique, la lacune ne porte que sur le choix d’une des
normes contradictoires. Il peut aussi être envisagé, lorsqu’il peut y avoir une lacune à
combler une fois que le juge a admis que les deux normes contradictoires se neutralisaient.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
174
222... TTT HHHEEEOOORRRIII EEESSS MMM OOODDDEEERRREEEEEESSS DDDUUU JJJUUUGGGEEEMMM EEENNNTTT PPPRRROOOFFFEEESSSSSSIII OOONNNNNNEEELLL ...
Comme précisé dans l’introduction de cette partie nous avons opté dans le cadre des théories
modérées du jugement professionnel pour la présentation de la théorie du développement
cognitif et de la théorie des conventions. Chacune de ces deux théories fera l’objet ci-dessous
d’une sous section.
222...111... LLL AAA TTTHHH EEEOOORRRIII EEE DDDUUU DDDEEEVVVEEELLL OOOPPPPPPEEEMMM EEENNNTTT MMM OOORRRAAALLL CCCOOOGGGNNNIII TTT III FFF...
La société exige que les experts comptables aient une conduite morale et qu’ils soient
capables de reconnaître et de résoudre les dilemmes moraux. On sait actuellement peu de
choses sur le développement et le raisonnement moral des comptables ; toutefois, des
chercheurs ont fait les premiers pas en vue de comprendre et de mesurer ces aspects
importants du comportement.
Le psychologue Jean Piaget375 fut le pionnier de la recherche sur le développement moral en
étudiant celui de l’enfant. L’idée maîtresse de Piaget est l’évolution de la moralité au cours du
temps selon la façon suivante :
Au début de sa vie, l’enfant adopte la moralité de la contrainte imposée par l’adulte : Dans
ce stade l’enfant dépend fortement de son environnement social dont il apprend les
normes. La société lui impose des normes sociales auxquelles il doit se conformer, et
l’enfant accepte de répondre à un certain nombre d’ordres de l’adulte quelles que soient
les circonstances ;
Il intègre ensuite une moralité de la coopération au fur et à mesure de la compréhension
du monde qui l’entoure : L’enfant adopte un comportement qui lui permet de se situer par
rapport aux autres.
Lawrence Kohlberg et son équipe ont poursuivis et affinés les travaux de Piaget et ont mis à
jour une théorie du développement moral.
« Lawrence Kohlberg a élaboré un modèle à six stades présenté dans le tableau376 figurant à la
page suivante en se fondant sur les travaux de Piaget. Il a énoncé que le jugement moral d’une
personne se développe en six stades, lesquels peuvent être comparés aux barreaux d’une
échelle. À un moment quelconque dans le temps, chaque individu se trouve à un stade ou à
une étape spécifique du processus de développement et progresse (normalement, mais pas
nécessairement) vers l’étape suivante à un rythme imposé par le système de croyances
intériorisé de la personne. »377 « Tous les individus franchissent nécessairement ces étapes
dans l'ordre indiqué. Les enfants sont aux stades pré conventionnels 1 et 2, les adultes aux
375 Jean Piaget, Le jugement moral chez l’enfant, PUF, 1932. 376 Extrait de Claudine LELEUX, in « Réflexions d'un professeur de morale. Recueil d'articles 1993-1994 », 1997, DEMOPEDIE, Bruxelles. 377 W MORLEY LEMON, in «Une question d’éthique. », novembre 1996, paru dans CA Magazine, p27.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
175
stades conventionnels 3 et 4 ; 25 % d'entre eux parviennent aux stades post conventionnels 5
et 6. »378
Le tableau précèdent est détaillé dans l’annexe n° D1 (page 263) sous forme de schéma, ainsi
que l’explication des différents stades du modèle développé par Kohlberg.
Stades moraux chez Kohlberg
Pré conventionnel 1- sanction
2- donnant-donnant
Conventionnel 3- Bonne concordance avec les autres
4- Loi - Ordre social
Post conventionnel 5- Droits premiers et principes du contrat social
6- Principes éthiques universels de justice
« A partir de la théorie séquentielle du développement moral cognitif, Rest (1979) a construit
un instrument de mesure psychométrique qui permet d’évaluer le niveau de raisonnement
éthique d’un individu : Le Defining Issues Test (DIT). Il s’agit d’un questionnaire auto
administré qui a été construit à partir d’entretiens approfondis et des travaux de Kohlberg. Le
questionnaire est composé dans sa version complète de six problèmes éthiques face auxquels
l’interviewé doit donner son avis et indiquer le degré d’importance qu’il accorde à un
ensemble de concepts énoncés lors de sa prise de décision. »379 Le premier dilemme380 de
Rest est présenté ci-dessus. Des exemples de dilemmes élaborés par d’autres auteurs sont
présentés en annexe n° D2 (page 264) :
« Le sujet interrogé devait alors expliquer si selon lui Heinz devait oui ou non voler le
médicament. Le sujet devait également préciser si l’action de Heinz (voler le médicament) 378 Cathy Legros, in « Kohlberg », in www.ac-montpellier.fr 379 Christian PRAT dit HAURET, in «Développement moral cognitif et comptabilité. », 2002, Cahiers du CRECCI. 380 Extraits de W MORLEY LEMON, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
176
était quelque chose de bien ou de mal et pourquoi ? Pour répondre à ces questions, le sujet
devait choisir parmi les six affirmations suivantes celle qui lui paraissait comme étant la plus
juste :
1) Il n’aurait pas dû faire cela ; il est certain de se faire prendre et aboutira probablement en
prison ;
2) Il devait voler le médicament. Si sa femme survit, elle sera encore plus gentille envers lui
à cause de cela. Il sera un homme plus heureux ;
3) Il a bien fait d’aider son épouse parce que c’est gentil de le faire ; son épouse et ses amis
le tiendront en plus haute estime parce qu’il l’a aidée ;
4) L’homme devait obéir à la loi, même si cela devait lui causer des souffrances
personnelles. La loi c’est la loi ;
5) Il a bien fait de voler le médicament parce que le pharmacien était injuste en l’empêchant
de prendre soin de son épouse, il n’avait pas à obéir à une règle injuste ;
6) La vie de son épouse est plus importante que le droit du pharmacien à sa propriété. Il
devait voler le médicament. »381
Le tableau382 figurant à l’annexe n° D3 (page 265) présente un classement des motifs
invoqués, d'après les stades du développement moral dégagés par Kohlberg :
Le DIT repose sur l’idée que les personnes dont les niveaux de développement moral cognitif
sont différents interprètent les dilemmes moraux de manière différente.
« Le sujet doit classer les quatre facteurs choisis en fonction de leur importance relative. À la
suite, d’une série d’opérations mathématiques, il est possible de calculer la cote P (principled
morality score) du sujet, dont les valeurs possibles sont comprises entre 0 et 95. (…) Rest
indique que la cote P d’une personne est corrélée avec son niveau d’instruction. » Les cotes P
établies par Rest383 pour certains groupes et les P établit par Ponemon et Gabhart384 pour les
différentes catégorie hiérarchique de personnel des cabinet d’audit ont été rassemblés sous la
forme d’un seul graphe présenté au niveau de l’annexe D4 (page 265).
Cette recherche donne à entendre que, dans la mesure du possible, les cabinets devraient
embaucher des personnes ayant atteint un stade supérieur du modèle de Kohlberg.
Pour essayer de comprendre les dilemmes aux quelles peuvent être sujet les experts
comptables, une typologie du comportement des commissaires aux comptes face à des faits
délictueux développé par Prat385, est présentée dans le tableau suivant :
381 Delphine baillergeau, in «Les six stades du développement moral chez Lawrence Kohlberg », 2004, www.blog-art.com/delphinebaillergeau. 382 Michèle COPPENS, in « Les dilemmes moraux dans le cours de morale. », in www.agora.com. 383 Extraits de W MORLEY LEMON, cit. op. 384 Extraits de W MORLEY LEMON, cit. op. 385 Christian PRAT dit HAURET, « L’indépendance du commissaire aux comptes : une analyse empirique fondée sur trois composantes psychologiques du comportement », 2003, Comptabilité – Contrôle - Audit, tome 6, vol. 2, novembre, p. 31-58, emprunté par Christine NOËL, cit.op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
177
Typologie du comportement des commissaires aux comptes face à des faits délictueux
d’après l’étude de Prat dit Hauret (2003).
« Richard Bernardi (1994) a examiné l’influence de l’intégrité et de la compétence du client
et du style cognitif du vérificateur sur la détection des fraudes. Il a étudié trois styles cognitifs
qu’il estimait pertinents aux fins de la vérification, dont le développement moral. Sa
quatrième hypothèse était que les vérificateurs dont le degré de développement moral est
élevé détecteront une plus grande proportion de fraudes que les vérificateurs dont le degré de
développement moral est faible. »386 Bernardi a constaté que les managers à développement
moral élevé sont plus influencés par l’intégrité et la compétence du client, ce qui suggère
qu’ils sont plus susceptibles de réviser leurs croyances antérieures lorsqu’ils se trouvent en
présence de données contradictoires. Tout en reconnaissant qu’il n’est pas possible pour les
cabinets d’augmenter le développement moral de leurs vérificateurs, l’auteur leur conseille
d’examiner les façons de sensibiliser davantage leur personnel aux fraudes.
« Ponemon et Gabhart (1990) ont montré que les auditeurs qui raisonnent au niveau
conventionnel sont ceux qui ont les positions les plus strictes en matière de respect des
normes d’indépendance. Ces auditeurs sont socialisés dans le sens d’une stricte adhésion aux
normes d’indépendance et sont moins sensibles à la dimension éthique d’un problème qui ne
fait pas partie des normes professionnelles. En fondant leurs décisions uniquement sur les
règles professionnelles pour résoudre des situations difficiles et complexes, ces auditeurs
peuvent manquer de sensibilité pour identifier clairement les dilemmes éthiques et les
conséquences potentielles de leurs décisions. »387
Selon Sweeney et Roberts (1997)388, les auditeurs qui ont un niveau de développement moral
post-conventionnel ont tendance à ne pas respecter les règles comptables préconisées. Les
résultats de leur recherche mettent en évidence que les individus dont le niveau de
développement moral est post-conventionnel ne sont pas affectés par d’éventuelles sanctions
liées à la non - application des règles. Pour ces individus, la présence ou l’absence de
conséquences défavorables à leur propre intérêt n’a pas d’incidence sur les jugements relatifs
à des situations susceptibles de remettre en cause les normes d’indépendance. Leurs résultats
386 Extraits de W MORLEY LEMON, cit. op. 387 Cité par Christian PRAT dit HAURET, cit. op. 388 Cité par Christian PRAT dit HAURET, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
178
sont cohérents avec ceux de Windsor et Ashkanasy (1995) qui ont montré que les auditeurs
dont le développement moral est au niveau post-conventionnel sont indifférents aux pressions
économiques de leurs clients lorsqu’ils donnent leur opinion sur des situations délicates.
« Ponemon et Gabhart (1990) ont montré que les auditeurs qui ont un faible niveau de
développement moral cognitif sont beaucoup plus influencés par l’existence de sanctions
possibles que les auditeurs qui ont un niveau élevé. L’efficacité des règles et des punitions
incitant au comportement d’indépendance désiré dépendrait du processus de jugement moral
des auditeurs. La présence d’une sanction potentielle pour un comportement non indépendant
influencerait plus les auditeurs dont le jugement moral est peu développé. »389 La théorie du
développement moral prévoit que les auditeurs qui sont au stade pré-conventionnel seraient
indépendants si les sanctions potentiellement prévues pour des comportements non
indépendants excédaient les bénéfices potentiels. Quant aux auditeurs dont le niveau de
développement moral est au niveau conventionnel, ils sont moins sujets aux sanctions
possibles mais plus sensibles aux normes de référence du groupe et au respect des normes
d’indépendance définies par la profession ou le cabinet. A contrario, les auditeurs qui ont
développé une aptitude à raisonner au niveau post-conventionnel seraient moins sensibles aux
normes du groupe de référence mais plus sensibles à la dimension éthique du problème posé.
« Ces différences entre les auditeurs justifient la mise en place d’un ensemble de moyens
différents mais complémentaires pour favoriser et préserver l’indépendance des auditeurs.
Wright, Cullinan, Bline (1998) ont élaboré un modèle relatif à la reconnaissance et à la prise
de décision dans le contexte d’un problème éthique. Dans un premier temps, le niveau de
sensibilité éthique d’un professionnel comptable est déterminé par la capacité à identifier un
problème et la reconnaissance de sa dimension éthique. La sensibilité éthique couplée à
l’intensité morale de la situation permet la reconnaissance d’un problème éthique qui entraîne
un jugement moral. Il peut déboucher sur une intention d’action morale puis sur une action en
conformité avec l’intention. »390
Modèle de Prat relatif à la reconnaissance d’un problème éthique391
Prat explique les étapes de ce schéma de la façon suivante :
389 Christian PRAT dit HAURET, in « Présentation de la théorie du développement moral cognitif et des ses apports possibles dans les études sur l’audit. », 2003, congrès AFC. 390 Christian PRAT dit HAURET, cit. op. 391 Emprunté par Christian PRAT dit HAURET, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
179
La première étape du processus consiste pour l’auditeur, une fois qu’il a reconnu un
problème moral, à obtenir des données sur la situation tout au long du processus ;
Au cours de la deuxième étape, l’auditeur doit apprécier l’impact des différentes actions
possibles sur les autres personnes concernées. Les auteurs ont reconnu l’influence d’autres
éléments sur la prise de décision de l’auditeur comme par exemple : le fait qu’une
personne soit un ami proche ou de la famille de commissaire aux comptes … ;
La troisième phase du processus consiste à apprécier les différentes actions possibles qui
résultent du niveau de développement moral de l’auditeur et de variables de situation qui
interagissent. Le niveau de conviction résultant d’un jugement initial peut avoir une
incidence sur la somme d’informations additionnelles obtenues avant que la décision
éthique finale ne soit prise ;
Au cours de la quatrième phase du processus de décision éthique, les auditeurs opposent
les jugements moraux et les autres valeurs ;
Au cours de la dernière phase du processus de décision éthique, l’auditeur va prendre une
décision. Elle sera prise, si toutes les données disponibles pour comprendre la situation
ont été rassemblées, si l’impact sur les parties concernées a été mesuré et si le poids des
valeurs non morales attachées à la décision a bien été apprécié.
Cette théorie possède l'immense avantage de prendre en compte quelques grandes orientations
morales telles que la peur, l'intérêt, le désir de conformité, le respect de la loi, le souci du
bien-être des autres, la régulation par des principes universels, le dévouement et le sacrifice,
en les ordonnant selon une hiérarchie des valeurs. « Le regard de Kohlberg n'est pas
froidement et platement universitaire et positiviste, il ne se borne pas à constater la diversité
des ressorts de l'action morale et des diverses théories qui en rendent compte, il prend en
quelque sorte parti, et les ordonne en une suite où il y a très clairement des stades plus
avancés que d'autres, plus « excellents » que d'autres, de même qu'au niveau cognitif, il est
clairement plus « avancé dans le développement » de pouvoir accomplir les quatre opérations
arithmétiques plus l'extraction de la racine carrée, plutôt que d'être incapable de faire aucune
autre opération qu'une addition à deux chiffres. »392
Cette théorie se limitent à ce que pensent les individus lors des dilemmes moraux. Ils ne
mesurent pas les comportements qui correspondent à ce que les gens décident véritablement
de faire dans une situation décisionnelle particulière. Il ne traite pas des actions qu’un
individu va entreprendre mais de son raisonnement pour entreprendre telle ou telle action. La
relation entre le jugement moral et l’action morale n’est pas clairement définie. « Kohlberg
reconnaît que le jugement moral est une condition nécessaire mais pas suffisante pour qu’un
comportement moral tel que l’honnêteté, l’altruisme ou la résistance à la tentation soit
adopté. Néanmoins selon Blasi (1980), il existerait une corrélation entre le raisonnement
moral et l’action morale. Les individus ayant un niveau élevé de développement moral
392 François DERMANGE, in « Ethique et droit. », 2002, Labor et Fides, Genève.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
180
auraient plus de chance de résister à la pression d’adopter le même raisonnement que les
autres. »393
Une deuxième critique adressée est l’irréversibilité de la progression dans les différents stades
de développement moral. Selon la théorie, un individu qui progresse du niveau pré
conventionnel au niveau conventionnel n’apprécierait plus de situations de manière pré-
conventionnelle tout comme un individu qui progresserait du niveau conventionnel vers le
niveau post-conventionnel n’apprécierait plus de situations au niveau conventionnel. Le
développement moral est à la fois cognitif dans la mesure où il essaie d’expliquer la manière
dont une personne progresse et séquentiel dans la mesure où la progression se fait de manière
ordonnée du niveau le plus bas (niveau pré conventionnel) vers éventuellement le plus haut
(niveau post-conventionnel). Toutefois selon certains « le niveau post conventionnel est
pertinent, le recours à une différenciation précise entre les stades 5 et 6 me semble trop
problématique. »394
Bien qu’il reste du travail à faire, ces études et d’autres études semblables sont importantes en
ce qu’elles marquent la première étape conduisant à la compréhension du développement
moral des experts-comptables.
222...222... TTTHHHEEEOOORRRIII EEE DDDEEESSS CCCOOONNNVVVEEENNNTTT III OOONNNSSS...
L’insuffisance des théories économiques et managériales a conduit un certain nombre
d’économistes et de sociologues à proposer un nouveau cadre d’analyse, qui aujourd’hui
prend la dimension d’un paradigme en construction. Celui-ci est baptisé par ses auteurs
« d’économie des conventions »395. Ce paradigme entend rendre compte de l’inscription de
l’action économique des agents dans son cadre social, en tentant de dépasser l’opposition
traditionnelle entre science économique et sociologie, présentée ci-dessus :
Critique de l’économie : l’économie des conventions remet en cause la modélisation de
l’action économique des agents, telle qu’elle est pratiquée par les économistes. Réfutant
la vision d’un individu dégagé de son emprise sociale. L’économie des conventions
refuse de considérer l’unicité des modes de coordination et tente de dépasser la simple
représentation par le marché qui ignore toute autre forme de coordination de l’action
économique, en l’enrichissant « de l’apport de disciplines non économiques (sociologie,
psychologie, anthropologie, droit) indispensable pour saisir la complexité des
phénomènes économiques »396 ;
393 Cité par Christian PRAT dit HAURET, cit. op. 394 Cité par Claudine LELEUX, cit. op. 395 « L'expression « Théorie des conventions » est né suite à la publication d'un numéro spécial de la Revue économique exclusivement consacré à ce sujet. [Revue économique, 1989]. Sur la genèse de ce numéro, et la façon dont il a été conçu par les différents auteurs, cf. [Dosse F.,1995], pp. 65-67, 285- 286. cf. également Orléan A., [1994]. » cité par Henri ISAAC in « L'apport de la théorie des conventions à l'analyse de la gestion de la qualité dans les services. », Cahier de recherche n°35, mai 1996, CREPA / ATER. 396 Jean-Luc Guyot, in « La formation professionnelle continue », 2005, De Boeck université p 138.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
181
Critique de la sociologie : La sociologie constituait l’alternative à l’économie au sens
où elle appréhendait l’individu comme partie d’un Tout, d’une structure (groupe, ethnie,
nation, organisation) qui déterminait de façon plus ou moins forte les comportements de
l’individu. L’action économique n’est plus séparée de la société dans laquelle elle
s’inscrit. Cependant, cette démarche n’en demeure pas moins critiquable par
l’importance qu’elle donne aux structures dans les logiques d’action des individus :
l’individu apparaît totalement déterminé, sans volonté.
C’est donc autour de cette double critique de l’économie et de la sociologie que « l’économie
des conventions » va se construire. Grâce au concept de convention, elle va tenter d’échapper
à la dialectique individualisme méthodologique / holisme. La théorie des conventions va se
construire à partir d’hypothèses renouvelées.
Face à une prolifération des définitions de la « convention », nous avons préféré adopter la
définition suivante de Montmorillon397, qui nous semble la plus adéquate en l’espèce :
« Une convention est un dispositif cognitif collectif qui permet à l’acteur confronté à une
situation où ni le calcul rationnel ni l’établissement d’un contrat précis et exhaustif ne
déterminent l’action d’opter pour un comportement adéquat ».
D’après cette définition, on est tenter de croire que par l’application de règles conscientes ou
inconscientes, les individus adoptent le comportement considéré comme socialement
approprié ou normal. Dans cette vision des choses, on aura donc, dans les organisations, des
régularités de comportements qui s’expliqueront par une logique de « mimétisme »398,
chacun adoptant la norme à l’endroit où il se trouve. Dans cet ordre idée, la comptabilité sera
alors perçue comme un lieu de « rationalité mimétique »399
Les auteurs, s’intéressant à cette théorie, cherchent à comprendre à la fois le pourquoi et le
comment du fonctionnement de ces conventions. L’objectif n’est pas ici de développer les
apports de la théorie des conventions, mais de souligner ce qu’elle peut apporter à la
comptabilité.
222...222...111... LLL EEESSS HHH YYYPPPOOOTTT HHH EEESSSEEESSS EEETTT PPPOOOSSSTTT UUULLL AAATTTSSS DDDEEE LLL AAA TTT HHH EEEOOORRRIII EEE
DDDEEESSS CCCOOONNNVVVEEENNNTTT III OOONNNSSS...
L’économie des conventions repose fondamentalement sur deux hypothèses centrales qui
constituent un dépassement total de la théorie standard. Ces deux hypothèses centrales,
l’incomplétude des agents (rationalité limitée) et l’incertitude de l’environnement, permettent
de bâtir le concept de convention.
397 MONTMORILLON dans KOENIG, (1999) cité par Alain FINET, in « Gouvernement d’entreprise - aspects managériaux, comptables et financiers », 2005, De Boeck université p 107. 398 Terme emprunté a Alain finet cit. op, qui signifie l’« aptitude qu’ont certaines espèces vivantes à se confondre par la forme ou la couleur avec l’environnement ou avec les individus d’une autre espèce » Dictionnaire Larousse. 399 Bénédicte Vidaillet, in « La décision », 2005, De Boeck université p 238.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
182
« En reprenant les travaux de F. Knight, l’économie des conventions cherche à rendre compte
d’une caractéristique fondamentale du cadre dans lequel s’inscrit l’action humaine,
l’incertitude. Pour les économistes des conventions, la coordination entre les individus pour la
réalisation d’un produit ou d’un service, intervient dans un contexte où chacun :
est relativement incertain des comportements que les autres choisiront dans le futur ;
doit choisir la meilleure méthode pour se former, dans le cours de l’action, une
interprétation sur le comportement des autres, de façon à agir lui-même avec pertinente ;
est soumis, par une sorte de rétroaction, à l’épreuve de l’acceptation par un autre, du
produit auquel il contribue (ou fabrique seul). »400
L’incertitude peut s’apparenter à une situation dans laquelle les facteurs qui influent sur
l’action d’une personne en prise avec un problème existentiel ou pratique, ne sont pas tous
déterminables ou prévisibles. « Une solution consiste alors à conformer son comportement sur
celui qu’on sait être communément admis dans ces conditions : la convention. Sa légitimité
reposant moins sur sa pertinence intrinsèque que sur son adoption généralisée : peu importe le
sens de notre conduite, l’essentiel est que nous roulions tous dans le même sens. En amont de
notre réflexion se pose donc la question suivante : devant un événement particulier, le
comptable se trouve-t-il en situation d’incertitude ? »401
Amblard402 a identifié dans le domaine comptable les quatre premières sources d’incertitude,
non exhaustives, suivantes : (nous avons estimé qu’il est opportun d’introduire une cinquième
incertitude liée au mode de calcul)
La délimitation du champ d’observation. (Exemple : doit-on distinguer les comptes
de l’entreprise de ceux de ses actionnaires403 ?) ;
Le langage. (Exemples : qu’entend le CGNC par cette phrase « capacité normale de
production » ou encore « date normal d’achèvement »…) ;
La procédure. (Exemples : quels sont les états à publier dans les établissements de
crédit ? ou encore le livre journal doit-il être exclusivement tenu manuellement ? ou en
d’autres termes peut-on procéder au collage des pages imprimées issues du logiciel
comptable ? ) ;
Le fait générateur. (Exemple : le compromis de vente immobilier est-il un fait
générateur du l’inscription du produit de la vente ?) ;
400 Henri ISAAC, cit. op. 401 Marc AMBLARD, in « Conventions et modélisation comptable », Colloque Conventions et Institutions, CNRS, Université Paris 10 - Nanterre, La Défense, décembre 2003 402 Marc AMBLARD, in « Conventions et management. », 2003, De Boeck université p 324. 403 Si le principe de l’entité adopté depuis des siècles semble résoudre implicitement la question, alors que penser de la nouvelle norme IFRS 2 publiée par l’IASB qui oblige les groupes à comptabiliser le coût lié à l’exercice futur des options dans les charges (exemple inspiré de Marc AMBLARD, in, « La comptabilisation des stock-options : comptabilité d'entreprise ou comptabilité d'actionnaires ? », in Actes de l'Association française de comptabilité (AFC), mai 2003, Congrès de Louvain, Belgique).
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
183
Le mode calcul. (Exemple : comment se calcul le « cours moyen du dernier mois » ?).
Cette liste est loin d’être exhaustive, et bien d’autres sources d’incertitude seraient à même de
plonger le comptable dans l’embarras et de bloquer son comportement. Et même en postulant
une rationalité parfaite (la théorie des conventions postule pour une rationalité limitée), peut-
on imaginer un seul instant que ses normes de références correspondront à celles des autres
comptables ? Seront-elles acceptées par les utilisateurs de l’information comptable ?
Dans la théorie positive comptable les agents sont dotés d’une rationalité opportuniste,
maximisatrice et procédurale au sens de H.A. Simon. Selon ce dernier, « les individus sont
rationnels, mais leur rationalité est limitée par leurs capacités cognitives. En d’autres termes,
les individus, même s’ils avaient accès à toute l’information nécessaire à leurs actions, ne
pourraient traiter, interpréter, stocker celle-ci du fait de leur incapacité à la saisir dans sa
totalité. »404 Par conséquent, les individus ne sont pas conduits à effectuer les choix qui
maximisent leur utilité, mais les agents se satisfont d’un niveau d’utilité. Dès lors, les
individus recèlent en eux une incomplétude fondamentale qui est en opposition frontale avec
la conception de la rationalité sous-jacente à la théorie positive. Par conséquent, la capacité à
contracter librement est remise en question, et ce d’autant que l’échange se déroule dans un
univers incertain.
222...222...222... LLL AAA CCCOOONNNVVVEEENNNTTT III OOONNN CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBLLL EEE CCCOOOMMM MMM EEE RRREEEPPPOOONNNSSSEEE AAA
LLL ’’’ III NNNCCCEEERRRTTTIII TTT UUUDDDEEE...
Pour Favereau405 la convention est un dispositif cognitif collectif, c’est-à-dire que la
convention répond à trois critères :
Les conventions supposent des réponses à des questions pratiques ;
Les conventions sont des modèles de comportement, ce qui signifie que la conformité
n’est pas mécanique ;
Les conventions sont des outils qui augmentent la capacité d’action individuelle.
La convention est en effet une réponse à un questionnement de la part de l’individu,
questionnement du type « comment ? ». La convention évite le questionnement du
« pourquoi ? », questionnement qui nécessite de faire appel à un registre de connaissance, soit
inconnu, soit non maîtrisé. La convention incorpore donc un « savoir procédural », isolable du
« savoir théorique », qui seul peut fonder le savoir procédural en toute rigueur. Les individus
désireux de coopérer, ne pouvant pas dénombrer les états futurs de la nature, vont définir leur
relation non pas en extension, mais en compréhension. L’exemple le plus simple qui peut
illustrer ce propos sont les provisions pour congés à payer. En pratique on les comptabilise parce que tout le monde fait comme ça, et dans les ouvrages académiques
404 Henri ISAAC, cit. op. 405 O. FAVEREAU, « Marchés internes, marchés externes », mars 1989, Revue économique, Vol. 40, n°2.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
184
comptables marocains, on évite d’en faire mention, et s’ils le font, ils ne précisent pas pourquoi.
Dans ce sens on peut voir dans la convention :
Une économie de Savoir, car l’accord conventionnel nécessite peu d’informations
(elles sont synthétisées dans la convention), et l’accord conventionnel permet une
décomposition du savoir en savoir comment et savoir pourquoi, ce dernier devenant
totalement secondaire ;
Une économie des calculs d’optimisation complexes. Dans cette perspective,
l’individu trouve dans la convention une alternative à son incomplétude.
Pour illustrer d’avantage nos propos, nous présentons ci-après les résultats d’une étude menée
en 2003 par Amblard406 :
« Il est alors piquant de constater que les personnes qui émettaient des doutes quant au bien
fondé de l’enregistrement comptable du crédit-bail, donc conscients des limites de la stricte
application du principe de propriété, n’ont pas détecté, de prime abord, l’antinomie des deux
enregistrements. En revanche, les entretiens épars qui se sont glissés après la question n° 23
(tableau de la page suivante) ont montré que la plupart des professionnels comprenaient la
contradiction après une rapide réflexion, tout en reconnaissant d’ailleurs qu’ils n’en avaient,
jusque là, jamais pris conscience. »407
Selon LEWIS408, il existe cinq propositions axiomatiques, sous-jacentes, suivantes :
Hypothèse 1 - Chacun se conforme à la convention ;
Hypothèse 2 – Chacun anticipe que tous se conforment à la convention ;
Hypothèse 3 – Chacun préfère une conformité générale à la convention ;
Hypothèse 4 – Il existe au moins une alternative à la convention comptable ;
406 Marc AMBLARD, cit.op 407 Marc AMBLARD, cit.op 408 Cité Marc AMBARD, in « Conventions et comptabilité : vers une approche sociologique du modèle. », juin 2004, Comptabilité, Contrôle, Audit, numéro spécial, pp. 47-68.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
185
Hypothèse 5 - Ces quatre propositions sont « common knowledge »409 ;
• Sous hypothèse H 5-1 : chacun sait que globalement tous se conforment aux
conventions (et sait que chacun sait …) ;
• Sous hypothèse H 5-2 : chacun sait que chaque praticien anticipe que tous se
conforment à la convention ;
• Sous hypothèse H 5-3 : chacun sait que chacun préfère une conformité générale à la
convention ;
• Sous hypothèse H 5-4 : chacun sait qu’il existe au moins une alternative à la
convention.
Il convient de signaler néanmoins, que l’aspect « Common Knowledge » des conventions est
loin de faire l’unanimité chez les conventionnalistes, et notamment à l’endroit de la quatrième
proposition concernant la régularité alternative. Il nous semble que c’est justement le propre
d’une convention que de guider l’individu dans la résolution de problème, jusqu’à faire
disparaître le problème lui-même, de sorte qu’aucune question ne se pose et que la voie à
suivre s’ordonne comme une évidence. Progressivement, l’adhésion aux conventions
s’immerge dans une opacité à l’intérieur de laquelle les individus n’ont pas conscience que les
règles qu’ils suivent pourraient être évaluées et comparées à d’autres règles possibles.
222...222...333... CCCAAARRRAAACCCTTTEEERRRIII SSSTTT III QQQUUUEEESSS DDDEEESSS CCCOOONNNVVVEEENNNTTT III OOONNNSSS CCCOOOMMM PPPTTT AAA BBBLLL EEESSS...
Amblard (2003) a identifié un certain nombre de caractéristiques principales des conventions
comptables qui sont récapitulées ci-dessous :
Le principe de territorialité des conventions. Chaque convention se caractérise par un
espace géographique et sectoriel à l’intérieur duquel elle emporte la conviction des
praticiens. La comptabilisation des joueurs dans les clubs sportifs en est un exemple à la
différence par exemple des cabinets de conseil où les précieux collaborateurs ne sont pas
valorisés ;
C’est l’adhésion de l’ensemble de la profession qui permet aux conventions d’exister ;
Une convention comptable ne s’impose pas ;
Le professionnel s’y soumet volontairement ;
Les conventions comptables évoluent, elles ne sont pas figées. La convention n’est qu’un
équilibre mimétique.
409 Terme utilisé par D. K. LEWIS, signifiant que chacun connaît les quatre conditions précédentes et sait que les autres les connaissent.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
186
222...222...444... DDDYYYNNNAAAMMM III QQQUUUEEE CCCOOONNNVVVEEENNNTTT III OOONNNNNNAAALLL III SSSTTTEEE...
La convention n’existe pas en tant que telle, elle se manifeste au cours de la mise en oeuvre de
l’action par des individus qui font partie d’une entreprise, d’un groupe, d’une communauté,
ou plus généralement d’une organisation. Par conséquent, pour décrire les mécanismes de
coordination de façon satisfaisante, il faut recourir à une notion plus générale de « monde de
production possible » dans laquelle s’inscrit la convention.
« Pour être pertinente, cette notion de monde de production doit répondre à six critères selon
R. Salais & M.Storper410 :
Il existe plusieurs mondes de production possibles ;
Chaque monde de production est un schéma de coordination interindividuelle ;
Chaque monde de production est un monde conventionnel ;
Chaque monde de production est un monde d’objets qualifiés ;
Chaque monde de production est un monde de personnes qui se coordonnent dans le cadre
d’une action collective ;
Les conventions sont engendrées par les acteurs en situation. »
Les mondes de production sont des registres élémentaires d’action pour un individu en vue
d’une coordination avec d’autres individus. L’enchaînement d’actions par les autres selon un
même registre d’action donnera naissance à des anticipations collectives convergentes vers un
produit.
« La pluralité des mondes possibles provient pour un individu de l’existence de plusieurs
registres d’action économiques qui se traduisent, chacun, par différentes qualités de produits
et de formes de coordination.
Etant donné qu’il existe plusieurs interprétations en cours d’action d’une même situation, le
problème pour les individus est l’évaluation des traits pertinents d’une situation dont il faut
tenir compte pour appliquer la convention ou non. Comme le notent P. Livet et L. Thévenot,
la coordination repose sur une interprétation en cours d’action et non sur un accord, une
décision, un jugement. De plus, il faut admettre que l’interprétation puisse être en coïncidence
avec l’action en cours, et aussi, qu’elle ne se fasse pas toujours sous forme exprimée. »411
Dans cet esprit, il nous a semblé utile de présenter une grille d’interprétation emprunté à
Amblard. Celle-ci suppose qu’en amont se manifeste une alternative au point de remettre en
cause la conviction de chacun dans l’adoption généralisée de la convention établie. Plusieurs
facteurs exogènes et endogènes participent en amont à l’émergence de cette convention
adverse.
410 Salais & M.Storper, cités par Henri ISAAC cit. op. 411 Henri ISAAC cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
187
Conséquemment, diverses réactions sont envisageables en aval. « La convention en place peut
s’adapter en recadrant son discours ou en acceptant de partager son territoire avec une autre
convention. Elle peut aussi, selon le contexte, affronter l’adversité en s’engageant dans une
lutte qui pourra la renforcer ou bien la renverser en consacrant l’alternative au rang de
convention nouvelle. Le schéma suivant fournit alors une représentation générale de la
dynamique conventionnaliste. Un regard novateur peut ainsi être posé sur la construction et la
transformation des règles comptables. »412
Nous essayerons sommairement dans ce qui suit de présenter les différents facteurs de cette
grille d’interprétation selon la conception de son auteur413 :
Le contact : c’est un facteur qui participe fréquemment à l’émergence d’une
alternative. L’auteur prend l’exemple du crédit-bail, autour duquel il introduit le
commentaire suivant « force est de reconnaître que la convention de patrimonialité qui
guide sa comptabilisation dans les comptes sociaux (individuels), est encore une fois,
sérieusement mise en doute par le contact de notre modèle avec les normes étrangères,
412 Marc AMBLARD, in « Le changement des règles comptables : une interprétation par la théorie des conventions », mai 2000.Actes de l'Association française de comptabilité (AFC). 413 Marc AMBLARD, in « Droit, gestion et organisations : esquisse d'une théorie sur la dynamique des conventions », septembre 2000 Annales du Congrès des IAE.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
188
anglo-saxonnes notamment, qui préconisent un traitement différent. Par contact, celles-
ci fournissent une alternative dont le discours peut apparaître à certaines populations de
plus en plus cohérent. La convention établie s’en trouve alors nettement déstabilisée. » ;
La réglementation publique : les textes qu’elle édicte sont susceptibles de réorienter
les conduites en déplaçant les bornes comportementales ;
La dissidence peut être définie comme le comportement d’un groupe étendu d’individus
(que nous qualifierions de « dissidents » (G2)), décidant de ne pas ou de ne plus se
conformer à la convention en place (C1). Pour autant, l’action n’est pas ici considérée
comme subversive, car il n’est pas dans l’intention du groupe dissident de renverser la
convention établie, mais simplement d’en adopter une autre (C2) ;
La dissonance peut se définir comme une inadéquation du discours délivré par la
convention face aux transformations contextuelles ;
L’intention stratégique correspond à un comportement conscient et souhaité de la part
de certains acteurs ou groupes d’acteurs qui disposent d’une influence sur le territoire de
la convention établie.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
189
333... TTTHHH EEEOOORRRIII EEE OOOPPPPPPOOORRRTTTUUUNNNIII SSSTTT EEE DDDUUU JJJUUUGGGEEEMMM EEENNNTTT PPPRRROOOFFFEEESSSSSSIII OOONNNNNNEEELLL PPPOOORRRTTT AAANNNTTT
…..SSSEEE BBBAAASSSAAANNNTTT SSSUUURRR LLL AAA GGGEEESSSTTT III OOONNN DDDEEESSS DDDOOONNNNNNEEEEEESSS CCCOOOMMM PPPTTTAAABBBLLL EEESSS...
Nous avons choisis dans le cadre de cette section de développer uniquement la théorie
positive comptable qui est la plus reconnue dans le cadre des théories qui présentent le
professionnel comptable comme un être opportuniste et rationnel. En raison des liens
entretenus avec les techniques utilisés nous avons préféré exposer cette théorie dans le cadre
plus général de la gestion des données comptables.
L’information comptable et financière diffusée par les entreprises est-elle fiable ? Plusieurs
exemples récents de dissimulations comptables au Etats-Unis (Enron, Tyco, Worldcom) et en
Europe (Parmalat en Italie, Ahold aux Pays-bas) ont semé le doute sur la qualité des états
financiers. Si ces exemples extrêmes de fraudes comptables sont rares, ils indiquent à quel
point l’information comptable constitue un enjeu pour les dirigeants d’entreprise. Or, sans
enfreindre les règles comptables, ces dirigeants ont la possibilité d’influencer la présentation
et le contenu des états financiers. En effet, la latitude dont les managers disposent dans leurs
décisions leur permet de façonner l’information comptable dans le respect du cadre légal.
Les débatteurs de la presse économique font preuve d'une grande richesse de vocabulaire sur
ce thème puisque, à leurs yeux, la comptabilité prend plusieurs caractéristiques auxquelles le
discours traditionnel ne nous avait pas habitué. La comptabilité est qualifié d’art du mensonge
et du trucage414 ou est perçu comme des êtres humains415 qui peuvent être habillés, nettoyés,
toilettés, maquillés ou encore embellis…
Il est certain que d’un point de vue éthique416, les points de vue peuvent diverger sur ce sujet,
toutefois il faut avouer l’évidence que la comptabilité n’est nullement une science exacte qui
permettrait une seule interprétation des choses. En ce sens, on ne peut omettre le rôle du
rédacteur qui peut être prédisposé à privilégier un traitement comptable, selon un objectif
poursuivi, dans le pur respect des règles comptables et de l’image fidèle : une marge de
manœuvre existe bel et bien.
La quasi majorité des ouvrages d’audit, les manuels internes de certain cabinet d’audit et le
manuel des normes lorsqu’ils appréhendent la partie relative à la prise de connaissance de
l’entreprise parle d’une zone de risque général qu’est l’attitude de la direction417 qui a une
certaine latitude dans la rédaction des comptes.
414 « L’art de truquer un bilan. », 1988, Science et vie économie, n°40. Plusieurs critiques on était adressé à cet article, entre autre : « réponse à l’art de truquer un bilan », 1988, RFC n° 196. 415Hervé STOLOWY, « Existe-t-il vraiment une comptabilité créative ? », Revue de Droit Comptable, Décembre 1994, n° 94.4, p 79-107. 416 La question reste posée. Toutefois il nous semble intéressant de reprendre une phrase d’un professeur du conservatoire des arts et métiers français qui s’exprimait en ces termes « La crise de confiance actuelle ne concerne ni le marché ni les systèmes capitaliste, mais l’éthique des personnes bien concrète qui en ont la charge » cité par Edmond EICHEL, in « Qu’est ce que mentir en comptabilité ? », APDC. 417 Manuel des normes de l’Ordre des Experts omptables marocain, p 34.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
190
Tout en relevant que les entreprises se livrent depuis fort longtemps à la « gestion des données
comptables »418, la littérature très abondante sur le sujet tout au long de ces deux dernières
décennies, l’a qualifiée de plusieurs manières : gestion des résultats (earnings management),
lissage des résultats (income smoothing), nettoyage des comptes (big bath accounting),
habillage des comptes (window dressing) et comptabilité créative (creative accounting).
333...111... DDDEEEFFFIII NNNIII TTT III OOONNN DDDEEE LLL AAA GGGEEESSSTTT III OOONNN DDDEEESSS DDDOOONNNNNNEEEEEESSS CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBLLL EEESSS...
La gestion des données comptables a été définit par Stolowy et Breton comme étant :
« l’exploitation de la discrétion laissée aux dirigeants en matière de choix comptables ou de
structuration des opérations, dans le but de générer une modification du risque de transfert de
richesses associé à l’entreprise, tel que ce risque est perçu en pratique par le marché. Dans de
tels cas, la situation financière et les résultats ne sont pas présentés sincèrement, et cela laisse
supposer que le bénéfice publié n’indiquera pas la capacité à long terme de l’entreprise de
générer des bénéfices. » Cette définition a été résumée par ces auteurs dans la figure suivante.
De même le schéma figurant à l’annexe D5 (page 226), développés par les même auteurs
explicite davantage les objectifs.
Définition de la gestion des données comptables
Ces auteurs commentent leur définition de la façon suivante : « Le principe fondamental sur
lequel repose notre cadre est le suivant : l’objectif de la publication d’informations financières
est de réduire le coût du financement des projets de l’entreprise. Or cette réduction dépend des
risques de transfert de richesses tels qu’ils sont perçus par les agents dans le marché. Les
moyens pratiques d’opérer ces transferts passent notamment pas les résultats et l’équilibre
entre les dettes et les capitaux propres. En conséquence, le but de la gestion des données
comptables est de modifier ces deux mesures : la variation du résultat par action et le rapport
dettes/capitaux propres. On peut modifier le résultat par action de deux façons : soit en y
418 Terme emprunté à Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON in « Comptabilité - Contrôle - Audit », Tome 9, Volume 1, mai 2003 (p. 125 à 152). Pour les besoins de notre recherche, toutes les formes de gestion ont été regroupées sous un seul titre : la gestion des données comptables. Cette approche se distingue des revues de la littérature existantes qui se sont généralement limitées à un seul aspect de la gestion des données comptables : le lissage des résultats, la gestion des résultats ou les choix comptables, ce qui rendait difficile le développement d’une description complète du phénomène. Aussi nous estimons que le terme manipulation est plus approprié (« manipulation » Copelland et JAR en 1968, « earnings manipulations » Cohen, Pant et Sharp en 2000). Toutefois, comme le terme a souvent une acception péjorative, nous avons préféré ne pas l’utiliser.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
191
ajoutant ou enlevant certains produits et certaines charges (c’est la modification du résultat
net), soit en transférant une rubrique en amont ou en aval du résultat qui sert de base de calcul
pour le résultat par action (c’est la gestion par classification). Quant au rapport des dettes aux
capitaux propres, il est possible de le modifier en augmentant le bénéfice ou en dissimulant
certains financements par le moyen de dispositifs générant des engagements hors bilan. »
Un des auteurs Stolowy dans une autre étude419 établie conjointement avec Bernard
Raffournier fournissent le schéma suivant :
Manipulations et images comptables.
Il nous semble que la liaison faite dans la définition précédente entre la non sincérité et « la
gestion des données comptables » n’est pas forcément automatique. Dans le dernier schéma
l’image comptable est délimitée par un intervalle et non pas par un point. Chose logique,
l’image comptable n’est autre qu’une image. La projection des différentes images des
différents rédacteurs des comptes donnera un intervalle. Si nous faisons l’hypothèse qu’en
procédant à une manipulation sciemment dans un objectif détourné (dans la pure logique du
terme sincère, qualité qu’on attribue généralement à des personnes, il ne peut s’agir que de la
non sincérité) de tel sorte qu’un autre rédacteur des comptes agissant avec sincérité l’aurait
accompli, on sera encore dans l’intervalle et non en dehors. Il nous semble qu’il y a un certain
intervalle de l’image fidèle qui n’est pas délimité par l’ensemble de toutes les projections
mais par la concentration de la majorité d’entre elle, formant ainsi une fourchette tolérable.
L’existence du principe d’importance significative en est la plus grande preuve, parce que le
même rédacteur agissant sincèrement peut estimer que le recours à une méthode estimative
peut ne pas biaiser l’information qui en découle au lieu et place de calculs plus complexes. A
notre avis le caractère de la non sincérité s’appréciera non pas par l’existence des
manipulations sciemment effectuées, mais par leur cumul, de sorte qu’on ne soit plus dans
l’intervalle tolérable admis par les personnes intéressées. On sera alors en présence de compte
ne donnant pas l’image fidèle, répréhensible dans l’article 384 de la loi sur les sociétés
anonymes, ce qui peut être assimilé à la fraude ;
419 Hervé STOLOWY et Bernard RAFFOURNIER, in «Comptabilité créative », journée pédagogique de l’AFC du 18 septembre 2003, www.afc-cca.com/docs_pedago/stolowy_comptcreative.ppt.
Image fidèle
Niveau de résultats
Manipulation Manipulation Fraude Fraude
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
192
Aussi la définition précitée a définit l’objectif profond de chaque manipulation en « une
modification du risque de transfert de richesses associé à l’entreprise, tel que ce risque est
perçu en pratique par le marché. » Parler de la cause serait une discussion interminable, mais
nous dirons succinctement qu’il nous semble que cet objectif ne peut être établi que dans un
marché efficient, vu par une vision externe de l’actionnaire et dans une entreprise de très
grande taille cotée en bourse. En pratique dans plusieurs sociétés, généralement familiales, le
souci principal est fiscal et pas forcément dans un but de minoration du résultat, il existe des
cas où les dirigeants préfèrent ne pas passer ou lissent des provisions sur les participations,
malgré que, l’année prochaine il n’ont pas l’intention de distribuer des dividendes. Dans
certains cas il choisiront de porter l’information de l’incertitude en annexe, malgré, que
l’information ai été donnée ou non, le commissaire aux comptes pourrait émettre une réserve. Leur raisonnement n’est autre que les opérations inhabituelles de grands
montants suscitent généralement la curiosité de l’Administration fiscale.
Le rédacteur des comptes « saint » dans le domaine de la finance n’existe pas, il y a toujours
un objectif, qu’on préfèrera appeler « l’objectif poursuivi ». Il se peut qu’il y ait plusieurs
objectifs, qu’ils soient différents d’une opération à une autre ou qu’ils changent.
En matière de dol en droit civil, on parle de « dolus bonus » (le dol bien) et de « dolus
malus » (le mauvais dol). L’exemple le plus connu est que dans le commerce une certaine
flatterie de la marchandise du commerçant est admise et tolérée. Il nous semble qu’il peut être
intéressant d’envisager l’image fidèle sous la forme précédente. On dira alors que la
production d’une image infidèle tient compte d’une certaine forme du « mauvais dol », et que
l’image fidèle à son tour comprendra nécessairement une certaine forme du « dol bien ».
La définition de la gestion des données comptables qui se rapproche le plus de notre vision
des choses est donnée par Dammak420. En y introduisant l’idée de l’objectif poursuivi421 et de
l’image fidèle nous obtiendrons la définition suivante : la gestion des données comptable « est
une intervention licite permettant aux dirigeants des entreprises, selon l’objectif poursuivi, de
"déformer" l’information comptable sans pour autant violer le concept de l’image fidèle.
333...222... LLL AAA GGGEEESSSTTT III OOONNN DDDEEESSS DDDOOONNNNNNEEEEEESSS CCCOOOMMM PPPTTTAAABBBLLL EEESSS EEESSSTTT EEELLL LLL EEE EEEFFFFFFIII CCCAAA CCCEEE ???
L’efficacité des manipulations comptables ou leurs futilité peuvent être introduites à notre
avis par les histoires suivantes qui démontrent les deux visions des choses :
Efficacité des manipulations comptables : « Supposons que vous vouliez rapporter le
bénéfice d’une façon qui semble présenter fidèlement les résultats d’exploitation de votre
société. (…) cela constitue un motif admirable et honnête ; tout en visant cet objectif.
420 Mariam DAMMAK in «La gestion des résultats », 2004, colloque international sous le thème « gouvernance et juricomptabilité : les enjeux. », in HEC Montréal. 421 Thomas JEANJEAN, in « incitations et contrainte à la gestion des résultats », congrès AFC 2000, expose dans une définition attribuée à PATEL et ZECKAUSER (1999) le but suivant « pour influencer le résultat diffusé auprès des autres parties prenantes ». Nous ne partageons pas cet avis, dans la mesure où il toujours un but détourné.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
193
Vous constatez que votre concurrent, annonce un bénéfice relativement plus élevé que le
votre. Vous demandez à votre comptable d'examiner la situation et vous observez que si
votre concurrent utilisait les mêmes méthodes comptables que vous, vos résultats seraient
meilleurs que les siens. (…) Vous montrez alors cette analyse à vos actionnaires
mécontents. Naturellement, ils rétorquent : « Si vous dites vrai, et si les méthodes
comptables de notre concurrent sont généralement reconnues, pourquoi ne pas modifier
les nôtres et améliorer ainsi notre bénéfice ? » À ce stade, vous essayez d'expliquer aux
actionnaires pourquoi votre système comptable est plus réaliste et plus fiable que celui de
votre concurrent. Vos actionnaires vous écoutent, mais rien ne les convainc qu'ils doivent
sacrifier une augmentation possible de 20, 50 ou 100% de la valeur marchande,
simplement parce que vous préférez certaines méthodes comptables à d’autres. »422 ;
Futilité des manipulations comptables : « Il était une fois un groupe de soldats
itinérants qui, lorsqu'ils avaient de la difficulté à convaincre les citoyens de les nourrir,
avaient recours à la solution suivante. Ils faisaient bouillir un gros chaudron d'eau puis,
lorsque les citoyens intrigués les surveillaient, ils ajoutaient un clou et annonçaient en se
pourléchant qu'ils préparaient une soupe au clou. Les citoyens voyaient bien qu'il y aurait
suffisamment de soupe pour tout le monde. Lorsqu'un des soldats admit que quelques
carottes amélioreraient le goût de la soupe au clou, un citoyen sortit du groupe et alla
chercher des carottes. Quand on fit remarquer que les tomates constituaient un ingrédient
fantastique pour la soupe au clou, un autre citoyen apporta rapidement quelques tomates.
La soupe au clou contint rapidement du bœuf, du navet et des oignons. Juste avant de
servir la soupe, on enleva le clou. Les citoyens continuèrent de considérer que cette soupe
était de la soupe au clou. » 423.
La soupe au clou était évidemment nourrissante, mais sûrement pas à cause du clou. Les
bénéfices ont un contenu informatif, mais pas à cause des « ingrédients » qui représentent
les principales préoccupations des organismes normalisateurs (CNC, législateur,
CDVM…). La direction essaie souvent de mettre un clou dans la soupe, et les analystes
financiers, avec beaucoup d’effort, tente de l’enlever. L’ensemble du problème peut
sembler d’une complexité inutile puisqu’on aurait pu obtenir le même résultat sans le
clou.
Les recherches sur la gestion des résultats supposent implicitement une efficience des
marchés, bien que toutes les conditions ne soient pas tous remplies. Si nous émettons
l’hypothèse que le marché est efficient, pour une somme minime, l’information se trouve
422 Leonard SPACEK, « Business success requires an understanding of unsolved problems of accounting and financial reporting », communication précèdent le cours de comptabilité financière, Cambridge, GSBA, Havard University, 25 sep 1959, cité par Richard A BREALEY, Stewart C.MYERS et Pierre LAROCHE in « Principes de gestion financière des société », 2ème édition 1992, McGraw-Hill éditeur, Montréal. 423 Jack L.TREYNOR, « discussion : changes in accounting techniques and stock prices », empirical research in accounting : selected studies, 1972, Chicago, institute for professional accounting, GSB, university of Chicago, 1972, p43, cité par Richard A BREALEY op. cit.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
194
largement à la portée des investisseurs qui sont supposés rationnels424 et toute l’information
pertinente offerte est immédiatement incorporée dans les cours. Dans ce sens les investisseurs
peuvent dépasser cette forme d’illusion financière introduite par exemple par des
manipulations de méthode comptable425.
Pour notre part, nous ne prenons aucun parti dans la question de l’efficience, mais nous
voulons reconnaître les descriptions alternatives du fonctionnement des marchés des capitaux
qui reconnaissent l’humanité de l’investisseur. Ces approches citée par Stolowy semblent
souvent mieux adaptées pour expliquer des tentatives de modifier les perceptions des agents et
la réussite de ces tentatives.
« Une définition béhavioriste de la gestion des données comptables : Comme le
suggère son nom, la finance béhavioriste traite principalement des aspects psychologiques
du comportement des acteurs du marché. Cette théorie tient compte des comportements
définis depuis longtemps par la psychologie, mais largement ignorés dans le domaine
classique de la finance. « L’heuristique, par exemple, est l’ensemble d’habitudes que les
gens développent au cours de leur travail : ainsi, nous tirons fréquemment des conclusions
sur la base d’un nombre insuffisant d’occurrences (anchoring). Souvent aussi, la façon
dont une question est présentée en déterminera la réponse (framing) (voir Shefrin, 2000,
pour des développements sur ces comportements) » 426 ;
La fixation fonctionnelle : La fixation fonctionnelle est largement décrite dans la
littérature. Selon Foster (1986)427, c’est la tendance à accepter des chiffres comptables
sans se poser de questions, surtout le chiffre du résultat, auquel on attribue des pouvoirs
quasi magiques. Cette fixation fonctionnelle s’adapte parfaitement aux catégories de la
finance béhavioriste. En conséquence, les acteurs du marché peuvent même ne pas tenir
compte de la méthode de calcul utilisée pour produire les informations comptables. Il est
alors possible d’induire en erreur les investisseurs, et dans de telles circonstances la
gestion des données comptables pourrait donner des fruits (alors que dans le cadre
d’un marché efficient, elle ne servirait à rien).
333...333... LLL AAA TTTHHH EEEOOORRRIII EEE CCCOOOMMM PPPTTTAAABBBLLL EEE PPPOOOSSSIII TTT III VVVEEE...
Pourquoi certaines sociétés passent-elles de l’amortissement accéléré à l’amortissement
linéaire ? Pourquoi certaines sociétés et experts-comptables émettent des observations ou
424 « Agissent de manière rationnel par rapport aux informations qu’il reçoivent » Pierre VERNIMMEN in « Finance d’entreprise », 4ème édition 2000, Dalloz, Paris. 425 Richard A BREALEY op. cit, commentant l’étude Kaplan et Roll : « Les investisseurs ne sont laissé leurrer par les modifications de méthodes comptables dont le but est de gonfler le bénéfice », in « Investor evaluation of accounting information : some empirical evidence», Journal of business, vol 45, avril 1972, p 225-257. Toutefois, les investisseur sont « leurrés » à court terme lors de l’annonce des résultats comme le démontre François AUBERT, in « L’impact des changements de méthodes comptables sur la rentabilité boursière. », 2005, congrès AFC. 426 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON cité op. 427 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON cité op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
195
s’impliquent au cours de l’élaboration de la réglementation comptable alors que d’autre ne le
font pas ? Voila le genre de questions aux quelles s’intéressent la théorie comptable positive.
Commençons donc en nous armant d'une définition générale du positivisme. Le Grand
Larousse de la langue française donne bien une vingtaine de significations au mot "positif",
dont la suivante: « Qui est fourni par l'expérience, qui a le caractère d'une donnée de
l'expérience ... se dit de ce qui repose sur les faits ». C'est en ce sens qu'il faut interpréter le
positivisme.
« Selon les positivistes, la théorie traditionnelle n'a pas réussi jusqu'ici à influencer de façon
marquée les pratiques comptables parce qu'elle est de nature normative (préoccupée de ce qui
devrait être fait) et non scientifique. Contrairement à l'approche normative, l'approche
positiviste tente d'expliquer ce qui a été fait dans le passé et ce qui se fait aujourd'hui. Les po-
sitivistes ne cherchent pas à savoir quelle est la meilleure solution comptable, mais plutôt
pourquoi les comptables ont choisi les solutions qu'ils ont adoptées. Au lieu de se demander
comment il faudrait établir les normes comptables, ils renversent la question et se demandent
qu'est-ce qui influe sur la façon d'établir les normes »428 (« ce qui se produit dans les
faits »429).
« C’est à la fin des années 70 que cette théorie nous a été présentée par deux professeur de
l’université de Rochester, Ross Watts et Jerold Zimmerman, lorsqu’ils ont fondé le Journal of
Accounting and Economics consacré presque exclusivement à cette théorie. » 430 Elle a connu
un développement important au cours des années 80 et 90, toutefois peut sembler en déclin
aujourd’hui en raison des différents critiques dont elle fait l’objet. Nous avons choisis
d’exposer cette théorie en parallèle avec les critiques dont elle fait l’objet.
Les positivistes partent de la prémisse que toute personne est foncièrement ingénieuse,
créative et rationnelle, qu'elle possède des préférences personnelles et qu'elle a à coeur son
meilleur intérêt. « La théorie positive présente malheureusement un individu qui correspond
au modèle X de Mac Grégor. C’est la conception de l’homme paresseux qui aurait besoin de
contrôle et de régulation, qui ne pourrait travailler sans contraintes, qui n’aurait pas
d’autonomie et dont la seule satisfaction serait la rétribution. »431
Mouck (1995)432 propose de considérer que la théorie positive est un programme de recherche
dont le coeur serait constitué par les hypothèses de l’école de Chicago (les acteurs agissent
rationnellement pour maximiser leur utilité individuelle fonction de leur intérêt, la firme est
un noeud de contrats). Les hypothèses auxiliaires sont l’efficience des marchés, le MEDAF, la
428 Sandra FELTON in « Du positivisme en recherche comptable », mars 1982, CA magazine. 429 Lawrance A.BOLAND et Irene M.GORDON in « La neutralité comptable n’existe pas », juillet 1982, CA magazine. 430 Lawrance A.BOLAND et Irene M.GORDON cit. op. 431 Nihel CHABRAK, in « La politique comptable comme comportement organisationnel : une approche socio-cognitive », Congrès ASAC-IFSAM, 2000, Québec Université Montréal. 432 Cité par Thomas JEANJEAN cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
196
théorie de l’agence433 et des contrats, les anticipations rationnelles. Ce programme est
synthétisé dans le tableau suivant :
Programme de recherche de l’école de Rochester434
« Les trois hypothèses de base de la théorie positive sont (Watts et Zimmerman 1986) :
Les managers des firmes où il existe un contrat d’intéressement sont plus susceptibles de
choisir les procédures comptables qui reportent le résultat des périodes futures vers la
période courante ;
Plus une firme a un ratio dette sur fonds propres élevé, plus cette firme aura tendance à
sélectionner des procédures comptables qui reportent les profits des périodes futures vers
la période actuelle ;
Plus une firme est grande et plus elle aura tendance à choisir des méthodes comptables qui
diffèrent la sécrétion du résultat vers les périodes futures. »435
Beaucoup de recherches et études ont eu pour base ces trois hypothèses. Les résultats sont
divergents certains les infirmaient et d’autres les confirmaient ou encore en développaient ou
affiner d’autres. Le schéma présenté au niveau de l’annexe n° D6 (page 267) regroupe les
hypothèses que la plupart des auteurs cherchaient à étudier. Nous ne sommes basés sur les
études françaises et tunisiennes représenté par les chercheurs Piot & Janin436, Labelle &
Schatt437, Mard438 , Bilodeau & Cherief439, Madani440 et Dammak441, dans la mesure où nous
433 Joel H.AMENIC, in «Perspertive sur la théorie de la relation mandant - mandataire », novembre 1984, CA Magazine. 434 Emprunté par Thomas JEANJEAN,cit. op. 435 Thomas JEANJEAN cit. op. 436 Charles PIOT, in «Qualité de l’audit, gouvernance et gestion du résultat comptable en France », 2004, colloque international sous le thème « gouvernance et juricomptabilité : les enjeux. », in HEC Montréal. 437 Réal LABELLE et Alain SCHATT, in « Structure de propriété et communication financière des entreprises françaises », 2003, congrès AFC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
197
estimons que premièrement la conjoncture et les mentalités économiques françaises et
tunisiennes sont plus proche du contexte marocain, deuxièmement ces auteurs ont procédé à
l’étude dans leur système respectif des hypothèses émises en Amérique et troisièmement
parce que ils représentent les études les plus pertinentes qui sont citées aujourd’hui dans la
littérature comptable.
Il est a souligner que ces études, d’essence statistique, reposent que la pertinence et la
définition des « accruals » ou « total des ajustements comptables » qui peuvent être définies
comme la somme de tous les produits et les charges enregistrés au compte de résultat et qui
n’ont donné lieu à aucun flux au cours de l’exercice442. La méthode de calcul de ces
« accruals » différent d’un auteur a un autre et constituent des hypothèses préalables aux
hypothèses étudiées.
Nous avons choisis
dans le cadre de cette
étude d’opter pour la
classification des
objectifs de
Stolowy (minimisation
des coûts politiques,
minimisation des coûts
de financement et
maximisation de la
richesse des dirigeants).
Ces objectifs ont été
synthétisés et détaillés
par cet auteur443 sous la
forme ci-dessous :
Cet auteur a aussi essayé de valider ses hypothèses sous les deux formes suivantes :
En inversant le raisonnement : Analyse des gains potentiels de la gestion des données
comptable (annexe n° D7, page 268) et aussi des pertes potentielles (annexe n° D8, page
268) des différents acteurs identifiés (annexe n° D9, page 266) ;
438 Yves MARD, in « Gestion des résultats comptables : l’influence de la politique financière, de la performance et du contrôle », 2004, congrès AFC. 439 Julien BILODEAU et Idir CHERIEF, in « Les caractéristiques des contrats de dettes et les clauses restrictives comptables : quels liens ? », mai 2005, 4ème Colloque sur le Gouvernement d’Entreprise : performance et problèmes d’éthique, Faculté Warocqué, Mons, Belgique 440 Wiem Elmanaa MADANI, in « Effet de la structure de propriété sur la performance comptable : étude empirique sur les entreprises Tunisiennes industrielles non cotées. », 2005, congrès AFC. 441 Mariam DAMMAK, cit. op. 442 Mariam DAMMAK, cit. op citant CHALAYER et DUMONTIER (1996). 443 Hervé STOLOWY et Bernard RAFOURNIER cit. op
Société
Entreprise
Fournisseurs de financements
Dirigeants
Minimisation des coûts politiques
- Coûts liés à la réglementation (environnement, concurrence, etc.)
- Fiscalité
Minimisation du coût du capital
- Emission d’actions - Contrats de dettes
Maximisation de la rémunération des
dirigeants - Bonus - Stock options
Les dirigeants manipulent en faveur de l’entreprise Les dirigeants manipulent contre
l’entreprise
MANIPULATIONS COMPTABLES
Transferts de richesses potentiels
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
198
En procédant à une classification des différentes études accomplies par les auteurs qui ont
traité le sujet (annexe n° D10, page 270).
Il nous semble que la critique de Thibierge (1997)444, qui est la plus simple dans son
raisonnement, remet toute la TCP en question, surtout que « Watts et Zimmerman (1986)
revendiquent une approche positive de la comptabilité, c’est à dire une perspective qui
cherche à « prédire et à expliquer les pratiques comptables ». Ils rejettent toute autre
conception de la science. Dans Positive accounting theory, ils affirment même leur volonté de
« démolir » les approches précédentes (…) » 445 Ces critiques sont synthétisées dans le tableau
suivant :
Critiques des hypothèses de Zimmerman446
La théorie comptable positive semble en dépit de ses limites pertinente, dans la mesure qu’elle
prend en compte les évolutions récentes de la théorie de l’agence pour mieux expliquer et
prédire les pratiques comptables.
333...444... CCCLLL AAASSSSSSIII FFFIII CCCAAATTT III OOONNN EEETTT EEETTT UUUDDDEEE DDDEEESSS DDDIII FFFFFFEEERRREEENNNTTTSSS TTTYYYPPPEEESSS DDDEEE
GGGEEESSSTTT III OOONNN DDDEEESSS DDDOOONNNNNNEEEEEESSS CCCOOOMMM PPPTTTAAABBBLLL EEESSS...
Selon (Scott, 1997)447, il existe quatre configurations à la gestion des données comptables :
444 Thomas JEANJEAN cit. op. 445 Thomas JEANJEAN cit. op. 446 Emprunté par Thomas JEANJEAN cit. op. 447 cité par Thomas JeanJean cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
199
L’apurement des comptes « big bath accounting » : ce mode de gestion consiste à
publier une perte très importante sans commune mesure avec les résultats économiques de
l’entreprise. Les périodes de stress organisationnel (changement de dirigeant,
réorganisations) semblent favoriser cette configuration ;
La minimisation du résultat : par rapport au cas précédent, cette gestion est moins
extrême. Elle consiste à minorer (mais pas nécessairement à rendre très négatif) le résultat
publié ;
La maximisation du résultat : consiste, en revanche, à augmenter le résultat publié par
rapport à son niveau réel. Des incitations, liées à l’évitement des clauses
contractuelles d’endettement ou encore à la maximisation de la rémunération variable,
sont généralement avancées ;
Enfin, le lissage du résultat est une configuration intéressante dans la mesure où elle
consiste à choisir non pas une direction de l’évolution du résultat publié mais plutôt un
rythme d’évolution. Plus précisément, des résultats seront dits lissés lorsque la gestion du
résultat a pour conséquence de réduire la variance des résultats publiés.
Nous avons choisis dans le cadre de cette étude, de restreindre l’analyse des configurations à
la première et la dernière dans la mesure où les modèles relatifs à la gestion du résultat ont
déjà été étudiés dans la précédente section. Aussi nous estimons, qu’il faudrait adjoindre à
cette classification la comptabilité créative, concept largement en vogue ces dernières années.
333...444...111... LLL III SSSSSSAAAGGGEEE DDDEEESSS RRREEESSSUUULLL TTTAAATTTSSS...
Peu de théories ont été construites autour du concept de lissage des résultats. « Hepworth
(1953) a été le premier à proposer l’hypothèse que la direction puisse lisser les résultats,
hypothèse reprise plus tard par Gordon (1964). Des allusions plus anciennes ont pourtant été
trouvées par Buckmaster (1992, 1997). Depuis, le lissage des résultats a surtout été étudié aux
États-Unis (avec quelques travaux publiés aussi au Canada, au Royaume-Uni et en
France. »448
Il paraît impossible de déterminer si les résultats ont été lissés intentionnellement ou si le
lissage résulte d’événements survenant naturellement. L’hypothèse sous-jacente à ces
tentatives d’identification des « lisseurs » naturels est la suivante : le niveau des bénéfices
dépend, dans une certaine mesure, du niveau des ventes449. Le schéma dans la page suivante
présente l’idée de ces auteurs.
448 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON, cit. op. 449 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
200
Les différents types de lissage des résultats.
Nous avons défini précédemment le concept du lissage sans préciser l’objet qui va être lissé
dans la mesure où on ne peut pas parler de véritable consensus dans ce sens, toutefois nous
avons préféré introduire les exemples suivants :
Il est évident que le premier qui nous vient normalement à l’esprit est le résultat. Toutefois
dans la mesure où dans l’analyse financière il n’y a pas véritablement un consensus sur le
type de résultat le plus pertinent, nous dirons qu’il peut selon le cas s’agir du résultat net,
du résultat par action, du résultat courant par action, ou du résultat d’exploitation… ;
Les dividendes par actions ;
Les dépenses de recherches et développement, les non valeurs ou encore les plus-values et
moins-values sur titres ;
Les provisions sur titres de participations ou de transactions, ou Les provisions sur
créances douteuses…
Les retraits d’immobilisations et de logiciels totalement amortis qui ne sont plus utilisés
par la société et qui présentent une valeur de cession négligeable ;
Les provisions de restructuration ou d’investissement fiscaux.
Selon Stolowy450 le lissage peut se faire à travers plusieurs dimensions :
Dimension inter - temporelle :
• Lissage par le choix du moment où un événement se produit et/ou sa reconnaissance
(calendrier des opérations fixé de façon à réduire la variation du résultat dans le
temps) ;
• Lissage par la répartition dans le temps (détermination du nombre d’exercices futurs
concernés et de l’impact sur chaque exercice) ;
Dimension de classification : réduction de la variance des résultats autres que le résultat
net.
450 Hervé STOLOWY cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
201
« Alors que, depuis longtemps, le lissage des résultats a été considéré comme un acte
d’opportunisme par une direction voulant « manipuler » les états financiers, Ronen et Sadan
(1980) affirment que le lissage des résultats n’est peut-être pas aussi néfaste. »451 Ces auteurs
considèrent que le lissage des résultats améliore la richesse des actionnaires, puisqu’il atténue
l’incertitude des cash-flows futurs. Cependant, cet argument va à l’encontre de l’hypothèse
d’efficience des marchés qui postule que les investisseurs corrigent le résultat des
manipulations comptables dont il a pu faire l’objet. Sous cette hypothèse, le lissage comptable
des résultats apparaît comme un comportement peu rationnel. « Cependant, la théorie des
signaux et la théorie de l’agence avancent quelques explications au comportement de lissage
des résultats qui ne sont pas en contradiction avec la rationalité des investisseurs »452. Les
conclusions de ces recherches nous semblent discutables. En effet, si on est conscient que les
chiffres sont artificiellement lissés, le marché n’a pas de raison de préférer les résultats lissés.
333...444...222... NNNEEETTT TTT OOOYYYAAAGGGEEE DDDEEESSS CCCOOOMMM PPPTTT EEESSS...
L’hypothèse de nettoyage des comptes (big bath accounting), avance que les managers des
entreprises connaissant des difficultés peuvent prendre des décisions comptables ayant un
impact sur le résultat. Ils liquident ainsi les pertes et repartent sur des bases saines. En
particulier, lorsqu’un nouveau dirigeant arrive à la tête d’une entreprise, il fait ainsi porter la
responsabilité des pertes sur son prédécesseur et préserve sa réputation (Murphy et
Zimmerman, 1993) 453 ou adopte des politiques destinées à réduire les résultats du premier
exercice, afin de mieux les augmenter dans les exercices suivants Pourciau (1993)454. De plus,
un nettoyage des comptes est censé préparer le chemin pour des bénéfices futurs, constants et
bien lisses pendant des années. « Walsh et al. (1991) analysent une série de résultats (39 ans
dans les meilleurs cas) pour identifier ceux qui s’écartent de la norme. En dépit d’un
échantillon limité (23 entreprises), ils trouvent des indications convaincantes de
comportements. »455
La comptabilité du « grand bain » (big bath accounting) a généralement des liens proches
avec le lissage des résultats. Un des défis majeurs dans ce cas est de reconnaître la présence
du phénomène. Normalement après un apurement des comptes, les résultats divergent de
façon importante des résultats normaux.
Dans le cadre de notre expérience professionnel, on a remarqué que plusieurs sociétés
procédaient à des apurements de comptes qu’ils n’arrivaient plus à analyser, les exemples les
plus représentants sont les comptes de TVA. Notons que la décision définitive pour les gros
montants est généralement prise par la Direction en fonction des résultats réalisés, une
décision de lissage n’étant pas à exclure dans certains cas. Aussi certaines sociétés recourent à
451 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON, cit. op. 452 Hervé STOLOWY in « comptabilité créative », in « Encyclopédie de Comptabilité, Contrôle de Gestion et Audit » (sous la dir. de B. Colasse), 2000, p. 157 à 178. 453 Yves MARD, cit. op. 454 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON, cit. op. 455 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
202
l’intervention d’un cabinet d’expertise comptable pour procéder à cette opération.
Généralement ces missions aboutissent à un certain pourcentage non analysé qui devrait être
apuré à son tour.
Si nous essayons d’analyser les motifs profonds des apurements de comptes en recourant au
cas précédent par exemple, nous dirons que les motifs avancés qui nous semblent les plus
logiques sont :
On ne peut recourir indéfiniment à un report de la décision d’apurement dans la mesure où
les montants non analysés subsistent dans les comptes bilanciels ;
S’agissant de comptes fiscaux, (en supposant une absence de réintégration dans le résultat
fiscal) la décision doit intervenir le plus rapidement possible pour que le délai de la
prescription puissent courir ;
L’utilisation des comptes par les gestionnaires internes doit tenir compte des rectifications
nécessaires pour que l’analyse soit pertinente. Aussi les gérants n’arrivent plus à effectuer
les contrôles nécessaires, parce que les comptes non analysés sont synonymes de comptes
« poubelles » qui seront mouvementées secrètement des erreurs commises par les
comptables. Comme dit le dicton « l’absent a toujours tord ».
L’analyse de cet exemple nous montre que l’apurement n’est pas uniquement lié à l’arrivée
d’un nouveau dirigeant à la tête de l’entreprise. Toutefois, il est à noter que par assimilation
au nettoyage d’une maison, suggéré par le terme utilisé, où les habitants procéderont
fréquemment au nettoyage courant et que rarement ils procéderont au « grand ménage », une
classification selon la fréquence et l’importance peut être faite sous la forme suivante :
Type d’apurement Exemples Fréquence Importance
Complément de lettrage. - Arrondi des salaires ou des déclarations fiscales.
Fréquemment Faible
Décision découlant des analyses des comptes lors de l’arrêté
- Montants non analysés ;
- Montants irrécouvrables ou prescrits. Rarement
Moyenne
ou grande
« Grand ménage » ou « grand bain »
- Changement de la structure dirigeante ou de l’actionnariat.
Exceptionnellement Grande
L’apurement des comptes compris dans la gestion des données comptable vise des montants
significatifs. Dans cet esprit la notion de « nettoyage des comptes » ne pourra inclure que les
deux derniers types développés dans le tableau précèdent.
333...444...333... LLL AAA CCCOOOMMM PPPTTT AAA BBBIII LLL III TTT EEE CCCRRREEEAAATTT III VVVEEE...
Il est difficile de donner une définition de la comptabilité créative alors que la littérature
académique, professionnelle et la presse économique utilisent abondamment ce concept. Peu
d’articles et d’ouvrages en donnent une définition et lorsque c’est le cas, les définitions font
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
203
apparaître des approches parfois divergentes. Le concept de comptabilité créative est
probablement né de la traduction anglaise de « creative accounting », en vigueur depuis
longtemps dans la comptabilité anglo-saxonne « notamment dans les années 1970 avec les
travaux de J.Argenti, 1973, sur les défaillances d’entreprises selon Brigitte Raybaud Turillo et
Robert Teller, 1997 et s’est développé avec les travaux de l’école de Rochester fondant la
théorie positive de la comptabilité ».456 « Depuis, d'autres concepts sont apparus :
comptabilité imaginative ou, plus récemment, comptabilité d'intention »457.
Dans la mesure où l’objectif poursuivi, n’est nullement de définir le concept, mais
d’introduire l’interprétation comptable sous l’angle de la gestion des données comptables,
nous avons choisis dans le cadre de cette étude, d’appréhender la notion de comptabilité
créative sous deux plans, celui des objectifs poursuivis et celui des procédés ou moyens mis
en œuvre.
Les objectifs de la comptabilité créative sont similaires aux objectifs assignés à la gestion des
données comptables développés précédemment. Toutefois, outres les objectifs traditionnels,
nous avons choisis d’exposer les deux citations suivantes d’auteurs français qui semblent
introduire cette notion sous un angle différent :
Colasse (1992) : « pratiques imaginés pour donner des comptes d’une entreprise l’image la
plus flatteuse possible. »458
Caudron (1993) : ne pas confondre les adaptations nécessaires aux évolutions juridiques,
économiques, financières... et les abus plus ou moins conscients et les tromperies délibérées.
Sans essayer d’entrer dans le paradoxe que la comptabilité créative peut être sans objectifs
précis, nous souhaitons soulever la différence subtile entre la « créativité des comptables » et
« la comptabilité créative »459.
La créativité des comptables généralement sans objectifs précis est largement usitée en
pratique. Un exemple simple peut être donné à travers l’état B15 (relatifs aux passifs
exigibles), qui a été crée en toutes pièces par les professionnels comptables. Le rôle des
commissaires aux comptes dans cette créativité n’est pas à négliger, dans le sens, où la forme
d’inscription de l’information, exigé par ces derniers, dans des états financiers qui n’en
prévoit pas la mention, est prise en total coordination.
456 Florence DELESALLE, in « Réalités de la comptabilité créative à la française. », 2001, congrès AFC. 457 Hervé STLOLOWY, in «Existe-il- vraiment une comptabilité créative ? », 1999, http://campus.hec.fr/profs/ stolowy/perso/Articles/Creative.pdf. 458 Cité par Hervé STOLOWY et Bernard RAFOURNIER cit. op. Dans le même ordre d’idée Colasse en 1995 s’exprimait ainsi on désigne sous ce vocable « les pratiques comptables, souvent à la limite de la légalité, de certaines entreprises, qui en se jouant de la réglementation et la normalisation, cherchent à enjoliver l’image que la comptabilité donne de leurs performances économiques et financières. » cité par Julien LE MAUX, in « La comptabilité créative : essai de synthèse », papier de recherche ATER, Université Paris I Panthéon Sorbonne. 459 Suggéré par le titre d’une section d’un papier de recherche d’un colloque sous le thème « Le rôle des comptables et des experts comptables dans les décision de gestion et de fructification des capitaux », le 20 au 24 mars 2005 à Charm Cheikh.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
204
Qu’en est il des procédures mises en œuvre par la comptabilité créative ? Il nous semble qu’il
existe un certain consensus sur la question. Nous avons choisis l’approche choisie par
Stolowy dans la classification de ces procédures qui sont récapitulées dans le tableau suivant :
Une double approche de la comptabilité créative460.
Nous allons ci-après essayer d’étudier les différentes procédures développées dans le tableau
précèdent :
(Ligne A, colonnes 1 et 2) : Tout d'abord, il faut mentionner l'existence de nombreuses
« options » possibles en matière comptable, « correspondant soit à de véritables choix
comptables (options au sens strict), soit à une liberté d'appréciation dans le contexte de
l'établissement des comptes annuels. Ces options ont été classées suivant l’influence sur le
niveau de résultat ou sur la présentation des états financiers ;
(Ligne B, colonne 3) : Il s'agit de la traduction en comptabilité des innovations juridiques,
économiques et financières pour lesquelles la normalisation n’a pas prévu, lors de leur
émergence, de traitements ou de solutions explicites ou implicites. Dans ce contexte, la
créativité comptable va traduire la comptabilité juridique et financière. « Ainsi, d'après
Pasqualini (1993), appliquée à la comptabilité, cette idée de créativité consisterait à se fier
à l'imagination ou, plus exactement, à s'en remettre à elle, pour conférer à la comptabilité
les moyens de suivre la sophistication sans cesse croissante des marchés et des produits
financiers.
Concrètement, de nouveaux mécanismes (montages) juridico-financiers sont créés (sans
visée comptable particulière) : la comptabilité doit « suivre » et traduire ces montages.
Dans de nombreux cas, ces opérations complexes n'ont pas été prévues et la créativité
comptable doit effectivement s'exercer pour trouver de nouvelles solutions. Ces
circonstances nous paraissent toutefois limitées, car l'ingénierie financière ne crée pas de
nouveaux mécanismes à chaque instant. »461 ;
(Ligne B, colonnes 1 et 2) : Cependant, l'existence de vides laissés par les textes
comptables peut conduire l'entreprise à inverser le raisonnement en réalisant un montage
en fonction de son incidence sur les états financiers. « La defeasance (transmission d’une
dette à un trust) en constitue un exemple. Ainsi, pour Pasqualini et Castel (1993), l'idée
maîtresse de la comptabilité créative est de faire preuve d'une imagination comparable à
460 Hervé STLOWY in « comptabilité créative », cit. op. 461 Hervé STLOWY in « comptabilité créative », cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
205
celle dont les financiers ont fait preuve en créant les nouveaux instruments financiers. On
peut parler de créativité financière à objectif comptable. »462
Le tableau joint en annexe n° D11 (page 271) a pour objectif de procéder à un inventaire des
techniques existantes dont nous avons eu connaissance. Il reprend notamment une partie des
travaux de Stolowy présenté différemment et adaptée au contexte marocain ainsi que les
différentes techniques dont nous avons eu connaissance dans notre expérience
professionnelle.
Si l’on reprend la définition du Petit Robert, la créativité est le « pouvoir de création,
d’invention » et la création « l’action de donner l’existence, de tirer du néant ». La
concordance des définitions de la comptabilité créative avec le sens littéral n’est pas totale.
C’est dans ce sens que nous postulons pour une vision restrictive de ce concept.
Pasqualini s’exprimait en ces termes à propos de la créativité lors d’une table ronde463
consacrée à ce thème: « L’adjectif créatif exprimait originellement une vertu : la vertu de
créer (…) ce terme apparu au XIVème siècle, fut repris bien tardivement vers 1960 d’après
l’anglais creative. Son sens se banalisa alors quelque peu. Il ne s’agissait plus d’une vertu,
mais simplement de qualifier l’esprit inventif. Le substantif « créativité », qui en est issu
quelque temps après, énonce ce pouvoir d’invention. Il faudrait se garder de confondre, le
pouvoir n’est pas une vertu (…)
Le droit comptable, tout bonnement parce qu’il a eu la mauvaise idée de naître droit, serait
dépourvu de façon obligatoire de la plus petite once d’imagination. Il y aurait alors le droit
comptable des bureaucrates et la comptabilité des hommes d’affaires dynamiques et efficaces.
(…) par la comptabilité créative, ces braves gens disposeraient de techniques d’information
dotées d’une capacités d’adaptation infinie grâce à une imagination semblable à celle dont les
financiers ont fait preuve en créant les nouveaux instruments financiers. (…)
Malheureusement, l’homme n’est pas parfait et l’est encore moins que les techniques qu’il
invente. Dès qu’il dispose de moyens nouveaux, il les emploie aussitôt pour assouvir son désir
de conquête (…) fût ce par la tromperie et la tricherie. Il est vrai que l’imagination de l’être
humain est extraordinaire, mais son aptitude à faire le mal l’est également. »
Grunenwald, un banquier qui a participé à son tour à cette table ronde a fait la remarque
suivante qui a le mérite de présenter la créativité d’un autre point de vue souvent négligé :
« l’absence de publicité sur la créativité des montages (…) financiers ayant des conséquences
comptables importantes en respectant les règles existantes (…) découlent moins de la volonté
de l’entreprise à dissimiler ses opérations que de la confidentialité qui est demandée par son
banquier conseil qui protège son savoir-faire. »
462 Hervé STLOWY in « comptabilité créative », cit. op. 463 Table ronde organisée par l’Association Dauphine Compta 124, sous le thème « La comptabilité créative », 1993, centre de recherche CREFIGE.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
206
333...555... CCCOOONNNTTT RRRAAAIII NNNTTTEEESSS AAA LLL AAA GGGEEESSSTTT III OOONNN DDDEEESSS DDDOOONNNNNNEEEEEESSS CCCOOOMMM PPPTTT AAA BBBLLL EEESSS...
Selon Jeanjean464 on peut distinguer trois séries de contraintes à la gestion du résultat : une
contrainte technique, une limite liée au contrôle des comptes et une dernière relative à la
structure de contrôle du dirigeant465.
A la différence des deux autres, la première a fortement retenue notre attention. C’est dans ce
sens qu’on a préféré présenter que la première.
La contrainte technique exprime le fait que l’aménagement des accruals dans le temps obéit à
une contrainte de possibilité. « Comme le fait remarquer Healy (1985) (…). Les accruals
modifient la temporalité des résultats annoncés ”. Autrement dit, la modulation des accruals
permet de modifier le résultat d’une année donnée, mais sur une période donnée la somme
algébrique des résultats est constante. »466
En ce sens, la politique comptable est avant tout concernée par la distribution des résultats
dans le temps. Par exemple, si un manager accorde des délais de paiement plus avantageux
pour accélérer la réception d’une commande, cela va, toutes choses égales par ailleurs,
diminuer le chiffre d’affaires de l’exercice N+1. De même, si le dirigeant choisit d’amortir en
dégressif une immobilisation, les dotations seront plus élevées les premières années (par
rapport au système linéaire) et moindre les dernières années.
333...666... LLL AAA GGGEEESSSTTT III OOONNN DDDEEESSS DDDOOONNNNNNEEEEEESSS CCCOOOMMM PPPTTT AAABBBLLL EEESSS RRREEEPPPRRREEESSSEEENNNTTT EEE---TTT ---
---EEELLL LLL EEE UUUNNN DDDAAANNNGGGEEERRR ???
La gestion des données comptables est-elle légale ? Dans la plupart des pays, les principes
comptables généralement reconnus laissent un certain espace à l’interprétation. Une
interprétation légale peut rester fidèle à l’esprit de la norme, ou au contraire être « tirée par les
cheveux », tout en restant dans les limites de la loi. Elle peut être erronée, mais jamais
frauduleuse.
En effet, la fraude résulte d’un acte illégal. « Dans le cadre des états financiers, par exemple,
la fabrication de fausses factures constitue une fraude, alors que, dans les pays anglo-
américains, le classement de ventes en consignation en chiffre d’affaires serait généralement
considéré comme une erreur, qui peut être de bonne ou de mauvaise foi (Précisons à cet égard
qu’en France il s’agirait du délit de présentation de comptes annuels ne donnant pas une
image fidèle). La différence entre fraude et erreur n’est pas évidente pour tout le monde. Pour
la commission d’enquête sur les déclarations comptables frauduleuses créée aux États-Unis, la
464 Thomas JEANJEAN, in « Incitation et contraintes à la gestion du résultat», cit. op. 465 Selon une étude de Fatma BEN SLAMA, « On peut conclure que l'investisseur américain accorde une attention particulière aux mécanismes de gouvernance lors de sa prise en considération des bénéfices comptables. Ainsi, certains mécanismes constituent pour lui une garantie quant à la fiabilité des résultats publiés. Ceci permet d'améliorer l'association entre les bénéfices comptables et les rendements boursiers. », in « Gouvernance d’entreprise et pertinence des bénéfices : une étude d’association.», 2006, congrès AFC. 466 Thomas JEANJEAN cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
207
fraude est définie comme tout acte qui rend les états financiers « significativement
trompeurs ».
Dans son classement des comportements frauduleux, Merchant (1987, cité par Belkaoui,
1989) définit ce qui, à notre sens, a le caractère d’une véritable fraude : la falsification ou la
modification de documents, la suppression d’opérations dans les archives, l’enregistrement
d’opérations faussées ou la dissimulation de données importantes. De plus, il cite des
éléments correspondant à notre définition de la gestion des données comptables,
principalement des aspects relatifs à l’interprétation des normes. Brown (1999), après une
analyse de la différence entre la gestion des résultats et la fraude comptable, conclut que la
différence entre les deux tient souvent à peu de choses. »467
La gestion des données comptables survient lorsqu’on a le choix entre plusieurs procédures
comptables et la possibilité d’interpréter les règles. Le fait de se conformer aux normes ne
garantit pas en soi que les états financiers fournissent une présentation sincère de la position
de l’entreprise.
« Shah (1996) a proposé un nouveau concept, celui de la « conformité créative » (creative
compliance), terme qui décrit la capacité de la comptabilité créative à rester dans les limites
de la loi, tout en en déformant l’esprit ; d’où la nécessité de faire appel à un auditeur. »468
La conformité créative englobe la participation des banquiers, qui ont tendance à proposer de
nouveaux schémas de financement se situant à la frontière de la loi, et celle des avocats, qui
vérifieront la légalité d’un tel schéma.
Il est indéniable que la comptabilité créative pour les sociétés côtés obscurcit l’information et
génère des coûts supplémentaires mais comme nous l’avons précisé précédemment
premièrement certaines études récentes montrent que les actionnaires font bon accueil aux
résultats lissés, dans la mesure où les états de synthèse se prête mieux aux prévisions, et
deuxièmement certains estiment que le marché est efficient et ne se laissera pas leurrer par de
tels agissements, dans ce sens, ils perçoivent la gestion des données comptables comme un
signal.
« Monsieur d'Illiers, ancien chef du service des affaires comptables de la COB, a notamment
exposé, à l'occasion d'un petit déjeuner-débat que :
la créativité financière est extrêmement souhaitable ; la créativité comptable doit
nécessairement suivre puisqu'une traduction des opérations doit être effectuée alors que
l'organe officiel de normalisation n'a pas encore pris position ;
le moins mauvais critère pour réaliser la créativité comptable est l'image fidèle, la
régularité ne traduisant que l'apparence et la sincérité étant indéfinissable » ;
467 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON, cit. op. 468 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON, cit. op.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
208
d'où la seule question qu'il faut se poser : les comptes donnent-ils une image trompeuse
pour le lecteur ? »469.
La gestion des données comptable exploite l’absence ou l’imprécision des normes, ce qui
nous pousse à nous demander si la solution consisterait en un renforcement des normes.
Nous estimons que la réponse à la question précédente n’est pas très évidente. Toutefois nous
allons essayer d’y répondre en introduisant les différentes possibilités offertes et en les
commentant :
Le renforcement continu à la façon des dispositions fiscales introduites chaque années par
les lois de finances, pour combler, en autres, les lacunes de la fiscalité créative. On nous
force la main à gérer nos connaissances fiscales de cette façon, dans ce sens l’idée du
renforcement continu n’est pas aussi aberrante que ça, elle ne sera seulement que plus
compliquée mais a priori gérable.
Les US GAAP sont l’illustration type de ce genre de régulation. Toutefois les
inconvénients sont nombreux, tels que la restriction de la latitude470 laissée aux
entreprises, l’application mécanique où le respect de la forme prime sur le fond… ;
Un renforcement occasionnel apparaît comme le juste milieu. Les organismes compétents,
laisse la comptabilité s’autoréguler et n’interviennent qu’en cas de nécessité.
Le modèle français, notamment à travers le CNC et le CRC qui interviennent
ponctuellement en émettant des avis, des recommandations ou des règlements repris par
arrêtés, apparaît comme une illustration de ce type de régulation comptable ponctuelle.
L’absence de renforcement pourrait être argumenté par la non efficacité des précédents types
qui connaissent toujours de la gestion de résultats de la part de sociétés qui ne manquent pas
de créativité débordante ou encore que toute évaluation est forcement subjective.
Il ne faut pas aller loin pour chercher ce genre de régulation, le nôtre en est une réelle
consécration. Aucun changement du CGNC depuis deux décennies, ni d’ailleurs d’avis du
CNC pour un éclaircissement des règles du CGNC. Peut être qu’il faut donner du temps au
temps, le CNC étant occupé à élaboré les différents plans sectoriels…
469 Mémento Francis LEFEVBRE, édition 2003. 470 « Les tests réalisés indiquent que ce sont les résultats préparés selon les normes françaises qui donnent des accruals discrétionnaires les plus élevés. Les accruals discrétionnaires les moins élevés sont ceux issus des résultats mesurés selon les GAAP américains. (…) L'ampleur de l'association entre les résultats futurs et les accruals discrétionnaires est plus forte pour les firmes utilisant les normes françaises comparées à celles utilisant les normes américaines. Les normes américaines sont beaucoup plus précises et n'offrent pas aux dirigeants un large champ d'interprétation. » : Résultats d’une étude menée par Nadia SBEI, in « Analyse du rôle prédictif des accruals discrétionnaires : effet des normes comptables utilisées », 2005, congrès AFC.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Chapitre 2 partie 2
209
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion partie 2
210
CCCooonnncccllluuusssiiiooonnn dddeee lllaaa pppaaarrrtttiiieee 222
Lettre et esprit représentent les pôles quasi obligés d'un débat millénaire qui se reproduit dans
des termes étrangement identiques au travers des siècles. La jurisprudence romaine classique
semble notamment avoir oscillé en permanence entre interprétation « ex verbis » et
interprétation « ex séntentia », entre le respect de la formule légale et la recherche d’un sens
utile.
Le paragraphe précédent nous rappelle que le raisonnement juridique en matière
d’interprétation n’est de forme bijective. Cela ne veut pas dire que l’interprétation en droit est
arbitraire. Nous avons essayé de prouver, dans le premier chapitre, le caractère scientifique de
l’interprétation. Dans ce cadre, nous avons proposé une méthodologie d’interprétation
juridique sous la forme de trois niveaux tels que préconisés par Wroblewski. Les deux
premiers niveaux ont été emprunté à OST et le troisième niveau formant la base de la
pyramide est issu des travaux de Mac Cormick et Summer.
Le schéma suivant présente synthétiquement le cadre d’analyse présenté.
Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes prononcé pour l’applicabilité de ce cadre
d’analyse au droit comptable. La confrontation des résultats dégagés au niveau de la première
partie sur la dualité de l’image comptable avec la pyramide précédente a aboutit aux résultats
synthétisés dans la figure suivante :
Directives du deuxième niveau
Directives du premier niveau
Règles de fond
Des règles de fond, substantives, qui expriment le droit du domaine
Des règles interprétatives permettant à l’interprète de déterminer les règles
de fond exprimées par les textes législatifs……………………
Des métarègles interprétatives qui guident l’interprète dans l’utilisation des règles interprétatives lorsque celles-ci s’opposent ou quand elles indiquent des directions différentes
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion partie 2
211
La résolution des antinomies et le comblement des lacunes, apparaissant dans ce schéma ont
fait l’objet d’analyses plus poussées. Ceux-ci ont permis de dégager des règles claires
d’application pratique.
Dans la théorie positive comptable, les agents sont dotés d'une rationalité opportuniste et
maximisatrice, dans le cadre de l'économie des conventions, ils sont dotés d'une rationalité
procédurale au sens de H.A. Simon. « Selon ce dernier, les individus sont rationnels, mais leur
rationalité est limitée par leurs capacités cognitives. En d'autres termes, les individus, même
s'ils avaient accès à toute l'information nécessaire à leurs actions, ne pourraient traiter,
interpréter, stocker celle-ci du fait de leur incapacité à la saisir dans sa totalité. »471 Par
conséquent, les individus ne sont pas conduits à effectuer les choix qui maximisent leur
utilité, mais les agents se satisfont d'un niveau d'utilité. Dès lors, les individus recèlent en eux
une incomplétude fondamentale qui est en opposition frontale avec la conception de la
rationalité sous-jacente à la théorie positive. Par conséquent, la capacité à contracter librement
est remise en question, et ce d'autant que l'échange se déroule dans un univers incertain. Le
schéma suivant présente les types de comportements induits par les différentes théories
étudiées :
471 Henri ISAAC, cit. op.
L’image personnalisée
Le but ultime de l’interprétation est le concept de « l’image fidèle ».
L’image normalisée
• But ultime de l’interprétation identique aux autres branches du droit ;
• L’interprétation de cette image comprend aussi :
- L’interprétation des contrats ;
- Le comblement des lacunes ;
- La résolution des antinomies.
Théorie
Théorie comptable
positive
Théorie des conventions
Opportuniste
Conventionnaliste
Ethique*
Comportement
Théorie du développement moral cognitif
* Nous avons présenté que le dernier stade du développement moral en optant pour le terme éthique qui nous a paru être le mieux adapté pour représenter ce stade dans une activité libérale.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion partie 2
212
« Donner au concept d’image fidèle une dimension supérieure comme valeur enveloppante, à
un niveau éthique, apparaît alors comme le moyen de faire tendre tout dispositif comptable
vers un objectif commun. Trois hypothèses guident notre réflexion :
L’image fidèle est la traduction la moins fausse possible de la réalité économique
construite ;
L’image fidèle est le concept éthique de la comptabilité ;
L’image fidèle est l’élément central de la représentation de la comptabilité. »472
En se basant sur la théorie du développement moral cognitif, nous avons procédé à un
regroupement des comportements précédents, en faisant la liaison avec les trois visions de
l’image fidèle élaborées dans la première partie ; le schéma suivant illustre nos propos.
D’après ce qui précède, il apparaît clairement que le concept évolutif de l’image fidèle selon
la troisième vision, correspond au comportement le mieux adapté pour soutenir une
interprétation comptable de qualité.
472 Aline HONORE, cit. op.
Les trois types de comportements.
Les trois visions de l'image fidèle.
Une notion confuse limitée par le déraisonnable dans son appréciation.
Un souci de transparence passant par l’annexe en juxtaposition aux notions de régularité et de sincérité.
Une vision réelle par une traduction loyale de ce qu’est l’entreprise.
Comportement opportuniste.
Comportement conventionnaliste.
Comportement éthique.
Sta
de
Pré
con
vent
ionn
el
Sta
de
Con
vent
ionn
el
Sta
de
Pos
t con
vent
ionn
el
Fra
ude
Etats de synthèse ne donnant pas une image fidèle
Sta
de d
u dé
velo
ppem
ent m
oral
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion générale.
213
CCCooonnncccllluuusssiiiooonnn gggééénnnééérrraaallleee
Dans les précédentes conclusions de chacune des deux parties, nous avons démontré que les
hypothèses H2, H3 et H4 (posées dans l’introduction générale) sont vérifiées.
Dans ce sens, nous pouvons dire que les dimensions de l’interprétation comptable sont :
La théorie comptable ;
Le raisonnement juridique ;
Le jugement professionnel.
Nous avons aussi, réussi à établir que le concept de l’image fidèle est fort utile au niveau de
l’interprétation de chaque dimension. Toujours est-il que l’interprétation réalisée à partir de
chacune des dimensions est susceptible de contredire une autre découlant d’une autre
dimension. Il en résulte que nous n’avons pas pu infirmer ou confirmer l’hypothèse H1 qui
préconisait que l’image fidèle est un moyen de convergence entre les différentes dimensions
de l’interprétation comptable
En effet, les trois dimensions de l’interprétation ne se situent pas sur le même plan, comme le
montre le tableau suivant :
Dimensions : Théorie comptable Raisonnement
juridique
Jugement
professionnel
Domaine de
prédilection des
acteurs
• Organisme régulateur
• Doctrine
• Juges
• Juristes
• Commissaires aux
comptes
• Rédacteurs des
comptes
Critères clés
d’interprétation
• Caractéristiques de
l’information
financière
• Directives
d’interprétation
• Stade du
développement moral
Principal support de
régulation
• Cadre conceptuel
• Textes réglementaires
• Normes
professionnelles
Le schèma suivant présente les différentes recommandations que nous avons jugé susceptibles
d’améliorer l’interprétation comptable dans le contexte marocain :
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Conclusion générale.
214
L’amélioration de l’interprétation comptable exige avant tout, la participation actives de toutes les parties prenantes qui sont, comme nous l’avons démontré, d’horizons et de mentalités différents.
Dimensions de l’interprétation
comptable
Théorie comptable
Raisonnement juridique
- Réalisation d’un cadre conceptuel ;
- Maturité de l’interprétation doctrinale ;
- Interprétation du CNC.
- Publication des textes réglementaires ;
- Sanction effective de l’image infidèle ;
- Enseignement du raisonnement interprétatif juridique.
- Amélioration de la qualité des normes professionnelles ;
- Enseignement de l’éthique ;
- Contrôle qualité effectif et coercitif.
Moyens d’amélioration
de l’interprétation comptable au
Maroc.
Jugement professionnel
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexes.
215
Annexes
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe A.
216
Annexe A1
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe A.
217
Annexe A2
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe B.
218
Annexe B1 Tableau de l’analyse sémiotique du média comptable (Macintosh 2000)
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe B.
219
Schéma : De l’information financière à la connaissance financière Annexe B2
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe B.
220
N°
CATEGORIE DES UTILISATEURS
MEMBRE DE LA CATEGORIE
PASSE
ACTUEL
EVENTUEL 1
Actionnaires
X X 2
Créanciers à long terme
X
X 3
Créanciers à court terme
X
X 4
Analystes et conseillers aux services des catégories 1, 2 et 3 (courtiers, analystes financiers, journalistes...)
X
5
Salariés
X
X
X 6
Administrateurs externes
X
X 7
Clients
X
X
X 8
Fournisseurs
X
X 9
Associations patronales
X
10
Syndicats
X
11
Pouvoirs publics (ministères et agences)
X
12
G rand public :
- Partis politiques - Groupes d'affaires publiques - Mouvements de consommateurs - Ecologistes
X
13
Organismes dotés de pouvoir réglementaire (exemple : Commission des valeurs mobilières)
X
14
Autres sociétés (nationales et étrangères)
X
15
Normalisateurs et chercheurs
X
Les différentes catégories d’utilisateur de l’information financière.
Annexe B3
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe B.
221
N° BESOINS CATÉGORIE D'UTILISATEUR REPRESENTANT CES BESOINS
1
Evaluer les résultats globaux : a) En termes absolus b) Par comparaison aux objectifs c) Par comparaison avec d'autres entreprises
1à 15 1 à l 5 l à 15
2
Evaluer la gestion : a) Rentabilité, résultats généraux, efficience b) Protection du patrimoine
1 à 11 surtout 1, 4 , 6, 11, 12 et 13
3
Evaluer les perspectives futures en ce qui concerne : a) Les profits b) Les dividendes et les intérêts c) Les investisseurs et les besoins en capitaux d) L'emploi e) Les fournisseurs f) Les clients (garanties, ect.) g) Les anciens employés
1 à 11 surtout 1 à 4 surtout l à 6, 8 à 14 5, 10, 11 et 12 surtout 3, 5, 11 et 12 7, 9, 11 et 12 surtout 5, 10, 11, 12 et 13
4
Evaluer la santé et la stabilité financière
1 à 15
5
Evaluer la solvabilité
1 à l 5
6
Evaluer la liquidité
1 à l 5
7
Evaluer les risques et les incertitudes
1 à l 5
8
Faciliter la répartition des ressources pour : a) les actionnaires (actuels et potentiels)
b) les créanciers (actuels et potentiels, à long terme et à court ……terme) c) les pouvoirs publics d) les autres agents du secteur privé
1, 4, 11, 12, 13 et 14 2, 3, 4, 8, 11, 12, 13, 14 surtout 11 et 12 surtout 4, 9, 12, 13 et 14
9
Faire des comparaisons : a) avec les exercices antérieurs b) avec d'autres entreprises c) avec l'ensemble du secteur et l'ensemble de l'économie
1 à l 5 l à 15 1 à l 5
10
Etablir la valeur des capitaux empruntés et des capitaux propres de la société
1 à 4 surtout
11
Évaluer la capacité d'adaptation
1 à 15
12
Vérifier le respect de la réglementation et des lois
1 1 à 13 surtout
13
Evaluer la contribution de l'entreprise à la société, à la nation, etc.
11 et 12 surtout
Détail des Besoins informationnels des différentes catégories d’utilisateur de l’information financière.
Annexe B3 bis
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe B.
222
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
249
Annexe C1
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
250
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
251
Annexe C2
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
252
Annexe C3
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
253
Annexe C4
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
254
Annexe C5
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
255
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
256
L'image " infidèle " des comptes annuels n'existe pas, tout au moins aux yeux du commissaire aux comptes, puisque
celui-ci certifie sans réserve. Les éléments constitutifs ne sont donc pas réunis.
Il n'y pas " infidélité " des comptes, l'image est suffisamment fidèle malgré les réserves exprimées. Par conséquent, la
condition préalable n'étant pas remplie pour le commissaire aux comptes, il n'y a pas besoin de rechercher l'élément
matériel et l'élément intentionnel.
Le refus même de certification matérialise le délit ou tout au moins sa probabilité.
- La condition préalable à la commission du délit existe (image " infidèle ") quels que soient les motifs conduisant au refus
de certification ;
- L'élément matériel existe également, lui aussi, quels que soient les motifs conduisant au refus de certification.
L'élément intentionnel semble difficile à rapporter. En effet, retenir l'intention coupable des dirigeants reviendrait à
reconnaître leur prescience d'événements aléatoires.
Dès lors qu'aucune régularisation des comptes n'est intervenue après communication du rapport, la preuve de l'intention
des dirigeants est faite puisqu'ils ont persisté à présenter, en l'état, les comptes aux actionnaires. Il y aura donc lieu de
procéder à une révélation dès lors que les faits seront délibérés et significatifs.
S'agissant des limitations volontairement causées par les dirigeants et que ceux-ci n'auraient pas levées malgré un
avertissement d’entrave au CAC et notamment des conséquences sur la certification, le commissaire aux comptes aura
la conviction suffisante qu'un tel comportement des dirigeants est susceptible de relever d'une intention délibérée.
En cas de limitations circonstancielles, celles-ci peuvent être ou non irrémédiables. En cas de circonstances
irrémédiables (destruction des pièces justificatives, disparition fortuite de la comptabilité, ...) il paraît, sauf cas
particulier, que les dirigeants ne peuvent remédier à cette situation après la communication du rapport article L. 230. En
effet, même une prolongation de la tenue de l'assemblée ne pourrait permettre au commissaire de mettre en oeuvre les
diligences qu'il juge nécessaires. Ainsi l'intention coupable ne paraît pas pouvoir être retenue et par là même constituer
le fait délictueux.
Un report de la présentation des comptes pourrait permettre au commissaire d'entreprendre les vérifications qu'il juge
indispensables. S'il émet un tel avis dans sa communication aux dirigeants et que ceux-ci ne jugent pas opportun de
demander le report de l'assemblée, dans les conditions prévues à l'article 121 du décret, le commissaire aux comptes
peut tirer de cette attitude la présomption de l'intention coupable.
7
6
5
4
3
1
2
Limitation
Les dirigeants Incertitude
Limitation
Désaccord 2
2
2 5
Imposé par
Pas d’obligation de révélation
Obligation de révélation
Evénements extérieurs.
Auraient pu être levés
après report A.G. ?
Oui Non 6
Désaccord
4
Le refus de certification
7
Incertitude 3
La certification avec réserve
La certification pure et simple
1
Annexe C6
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
257
Soit le syllogisme BARBARA suivant:
TOUS les hommes sont mortels
Or TOUS les philosophes sont des hommes
Donc TOUS les philosophes sont mortels
Nous pouvons exprimer graphiquement celui-ci ainsi:
Soit le syllogisme BAROCO suivant:
TOUS les philosophes sont mortels
Or QUELQUES dieux ne sont pas mortels
Donc QUELQUES Dieux ne sont pas philosophes
Exemples de la syllogistique aristotélicienne473.
473 http://perso.wanadoo.fr/minerva/Logique/Aristote logique.htm
Conclusion lere prémisse 2ème prémisse
2ème prémisse lère prémisse Conclusion
Annexe C7
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
258
Syllogisme
Catégorique Hypothétique Alternatif
C'est un système logique constitué de trois propositions telles que l'une d'elles est impliquée par les deux autres. Selon l'ordre dans lequel elles apparaissent habituellement, ces trois parties sont : la prémisse majeure, la prémisse mineure et la conclusion.
• Tous les hommes sont des êtres rationnels (majeure) ;
• Or Socrate est un homme (mineure)
• Donc Socrate est un être rationnel (conclusion) ;
Le syllogisme hypothétique a comme prémisse majeure une proposition contenant une assertion hypothétique (ou conditionnelle). La formule est souvent exprimée sous la forme : Si P, alors Q. La prémisse mineure et la conclusion sont, cependant, des propositions catégoriques. La structure du syllogisme complet est donc : 1. Si P, alors Q ;…………………………………………… ……………… ……………… ……………… …………2. P ;………. . ………………………………….. . .....………… ……………… ….…….3. Alors Q.
• S'il ne pleut pas, je sors (majeure) ;
• Il ne pleut pas (mineure) ;
• Donc je sors (conclusion).
La prémisse majeure est une proposition alternative. La prémisse mineure est une proposition catégorique qui accepte ou rejette une des alternatives. Si la prémisse mineure accepte l'une des alternatives, la conclusion doit rejeter l'autre; si elle rejette une alternative, la conclusion doit accepter l'autre.
• Lassie est soit un chien, soit un chat (majeure) ;
• Lassie est un chien (mineure) ;
• Donc, Lassie n'est pas un chat (conclusion).
• L'inverse génère un argument fallacieux
• La relation d'implication n'est pas nécessairement symétrique, bien qu'une cause donnée implique toujours un certain effet, un effet donné n'implique pas toujours une certaine cause, sachant qu'il peut y avoir plusieurs causes pour un seul effet.
Il existe quatre règles mineures du syllogisme :
• A partir de deux prémisses particulières, aucune conclusion n'est possible ;
• A partir de deux prémisses négatives, aucune conclusion n'est possible ;
• Si une des prémisses est négative, la conclusion doit être négative ;
• Si une des prémisses est particulière, la conclusion doit être particulière.
Il faut être certain que :
• Les alternatives proposées sont mutuellement exclusives, tel que l'affirmation de l'une implique la négation de l'autre ;
• Toutes les alternatives possibles ont été prises en compte. S'il se trouve que Lassie n'est ni chien ni chat, les deux possibilités s'excluent l'une l'autre. Cependant, s'il était possible que Lassie soit un hybride chien-chat, le syllogisme violerait la seconde règle, puisque toutes les possibilités n'ont pas été énumérées. Un syllogisme de ce type, dans lequel les choix ne s'excluent pas l'un l'autre, révèle une faute nommée "disjonction imparfaite"; un syllogisme dans lequel tous les choix possibles ne sont pas donnés révèle une faute dite "d'énumération incomplète".
Pré
sent
atio
n E
xem
ples
R
ègle
s
Présentation synthétique des différentes formes de syllogisme.
Annexe C8
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
259
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
260
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
261
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe C.
262
Directives d’interprétation
Directives constitutives de l’interprétation en droit
Directives méthodologiques de l’interprétation en droit
Directives de compétence
Directives définissant l’objet et les limites de l’interprétation
Directives de procédures
Directives fondatrices déterminant le but ultime de l’interprétation
Directives méthodologiques du premier degré
Directives méthodologiques du deuxième degré
Directives linguistiques
Directives systémiques
Directives fonctionnelles
Directives sémantique
s.
Directives syntaxiques.
Directives relatives à la systématicité intrinsèque
Directives relatives à la systématicité extrinsèque
Directives d’emploi
Directives de préférence
Classification des directives d’interprétation de OST Annexe C10
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
265
Stade Heinz doit laisser mourir sa femme : Heinz doit voler le pharmacien :
1 parce que sinon les gendarmes vont le mettre en prison.
parce que sinon Dieu le punirait de laisser mourir sa femme.
2 parce que ainsi il pourra se trouver une autre femme.
parce qu'il veut que sa femme puisse encore lui faire à manger.
3 parce que ses collègues ne l'accepteraient pas comme voleur.
parce que ses collègues n'accepteraient pas son manque d'égard vis-à-vis de sa femme.
4 parce que le vol est interdit par la loi. parce que la non-assistance à une personne
en danger est punissable par la loi.
5 parce que le droit de propriété est à la base des législations démocratiques.
parce que la santé est un principe de bien-être.
6 parce que le droit de propriété est un principe universel.
parce que le droit à la vie est un principe universel.
Annexe D4
Annexe D3
Les différents groupes sociaux
Graphe des P des différents groupes sociaux
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
263
Des exemples de dilemmes moraux.
(Extrait de Claudine LELEUX, Réflexions d'un professeur de morale. Recueil d'articles 1993-1994, Bruxelles,
Démopédie (web.wanadoo.be/ editions.demopedie), 1997.)
Annexe D2
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
263
« 1. Ce stade est celui du point de vue égocentrique. Une personne, à ce stade, ne prend pas en considération les intérêts des autres ou du moins ne reconnaît pas qu’ils diffèrent de ceux de l’acteur. Elle ne fait pas non plus le rapport entre deux points de vue. Les actions sont jugées en termes de conséquences physiques plutôt qu’en termes d’intérêts psychologiques propres à autrui. Le point de vue de l’autorité est confondu avec le sien propre.
2. Ce stade est celui de la perspective individualiste concrète. Une personne, à ce stade, sépare ses propres intérêts et points de vue de ceux des autorités et de ceux d’autrui. Il ou elle est consciente de ce que chacun a des intérêts individuels à poursuivre, que ces intérêts sont divergents, et que, pour cette raison, le droit est relatif (au sens individualiste concret). La personne intègre les uns aux autres ou met en rapport les intérêts individuels divergents soit en procédant à l’échange instrumental de services, soit en manifestant un besoin instrumental d’autrui et de sa bonne volonté, soit encore en faisant preuve d’équité et en donnant à chacun des quantités identiques.
3. Ce stade est celui du point de vue de l’individu en relation avec d’autres individus. Une personne, à ce stade, est consciente des sentiments, des conventions et des attentes partagées qui prennent le pas sur les intérêts individuels. La personne met en rapport différents points de vue en appliquant la “Règle d’Or concrète”, en
se mettant aussi à la place d’autrui. Il ou elle ne prend pas en considération le point
de vue généralisé du “système”.
4. Ce stade est celui de la différenciation entre le point de vue sociétal et la convention ou les mobiles interpersonnels. Une personne, à ce stade, adopte le point de vue du système dans sa définition des rôles et des règles. Elle considère les relations individuelles en termes de place dans le système.
5. Ce stade est celui du point de vue “prééminent à la société”. C’est celui de l’individu conscient des valeurs et des droits qui prévalent contre les attachements et les contrats sociaux. La personne combine les différentes perspectives en faisant jouer formellement les mécanismes de la convention, du contrat, de l’impartialité objective et du procédé adéquat. Il ou elle prend en considération le point de vue moral et le point de vue légal, reconnaît qu’ils sont divergents, mais estime qu’il est difficile de les concilier.
6. Ce stade est celui où l’on envisage les choses d’un point de vue moral duquel dérivent les arrangements sociaux ou sur lesquels ils se fondent. C’est là la perspective de tout individu rationnel qui reconnaît la nature de la moralité , c’est-à-dire ce qui fait que la morale se fonde dans le respect d’autrui : le fait qu’on le considère comme une fin et non comme un moyen. »
Le tableau à gauche : Les six stades de développements morale de Kohlberg (extraits du livre de Kohlberg Claudine LELEUX, in « Réflexions d'un professeur de morale. Recueil d'articles 1993-1994 », 1997, DEMOPEDIE, Bruxelles.) Le schéma à droite : Les six stades de développements morale de Kohlberg (W MORLEY LEMON, in «Une question d’éthique. », novembre 1996, paru dans CA Magazine, p27). Annexe D1
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
267
Modèle fonctionnel de la gestion des résultat appuyé par les résultats des auteurs Français et Tunisiens corroborants ou
infirmant les résultats des chercheurs américains.
A) Auditeur externe :
1. Réputation durée de la mission. ; 2. Durée de la mission.
B) Comité d’audit :
1. Présence ; 2. Indépendance ;
3. Compétence ;
C) Actionnariat interne :
1. Proportion droit de vote détenu par le public ;
2. Concentration ou dilution actionnariat
D) Appel public à l’épargne :
1. Proportion droit de vote détenu par le public ; 2. Concentration ou dilution des actionnaires externes ; 3. Emission d’emprunts obligataires ; 4. Emprunt obligataire convertible en action
E) Endettement :
1. Existence de clause restrictive des dettes ; 2. Ratio dettes / capitaux propres ;
F) Conseil d’administration :
1. Taille ; 2. Indépendance 3. Le chef de l’exécutif préside le CA
4. Présence d'un actionnaire de référence au CA
Qua
lité
du
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ché
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com
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« La qualité des rapports annuels croît avec la proportion des actions et des droits de vote détenus par le public (conforme à Gelb en 2000). Deuxièmement, la qualité des relations avec les investisseurs n’est pas linéaire, mais curvilinéaire. La qualité de ces relations est meilleure à la fois lorsque le public détient une faible proportion des actions (actionnariat concentré) et lorsque la participation publique est élevée (actionnariat dilué). » Labelle et Schatt.
« Contrairement au travaux de Defond et Jiambalvo (1993) , la présence d’un big five parmi les auditeurs statutaires n’affecte pas la composante discrétionnaire du résultat soit en terme de manipulation comptable ou en terme de prudence comptable. (…) Uniquement la présence d’un comité d’audit à un effet sur les accruals discrétionnaires. En revanche ni l’indépendance, ni la compétence de cet organe ne semble avoir un impact significatif. (…)L’actionnariat des dirigeant ressort comme un stimulant des accruals discrétionnaires en valeurs absolue. » Piot et Janin.
« La présence au conseil d’un actionnaire de référence susceptible de surveiller activement les dirigeants, ressortent comme des facteurs permettant de limiter l’opportunismes. » Piot et Janin.
« Le niveau de l’endettement et des dividendes (pour les entreprises les moins grandes essentiellement°, est susceptible d’inciter à la gestion des résultats. Ensuite, les entreprises dont la performance boursière est faible présentent des accruals discrétionnaires plus élevés. Ce constat conforme aux observations faites par Sloan (1996) et Beneish (1997) est vérifié quelle que soit la taille de l’entreprise. » Mard.
« Les résultats obtenus corroborent les hypothèses issues de la théorie positive de la comptabilité, fondée par Watts & Zimmerman (1978). D’une part, ils révèlent que les dirigeants des entreprises fortement endettées gèrent leurs résultats à la hausse, ce qui corrobore les résultats de Defond & Jiambalvo (1994). (…) La relation positive entre la taille du conseil d’administration et la gestion des résultats corrobore la thèse selon laquelle un nombre limité d’administrateurs, constituant le conseil d’administration peut contraindre les dirigeants à gérer leurs résultats. Néanmoins, la dissociation des fonctions du directeur général avec celles du président du conseil d’administration ne semble pas contribuer à limiter l’étendue de la gestion des résultats. Des résultats similaires ont été obtenus par Marrakchi (2000). » Dammak
« Il ressort que les caractéristiques de la dette telles que : la maturité du prêt, ses options de conversion et de rachat (au gré de l’émetteur) ; affectent significativement le recours aux clauses comptables et le degré de contrainte du contrat. En outre, la qualité de l’emprunteur (sa taille et son risque) est prise en considération lors de la définition des termes du contrat. » Bilodeau et Cherief.
- Il n’a pas été relevé de relation entre la concentration du capital et la performance ; - Il existe une relation positive entre la propriété familiale et la performance comptable ; (Madani)
Annexe D6
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
270
Annexe n° ??? : Cadre conceptuel pour la classification des manipulations comptables474
474 Hervé STOLOWY et Bernard RAFOURNIER in «Comptabilité créative », Journée AFC, 18 septembre 2003.
Manipulations comptables
Modification de la perception du risque de transfert de richesses
Rendement : Bénéfice par action (BPA)
Risque de structure : Ratio Dettes / capitaux
propres
Gestion des résultats (sens large)
Comptabilité créative (de façade)
Gestion des résultats
Lissage des résultats
Nettoyage des comptes
Perspective académique
Perspective professionnelle
Niveau du BPA
Variation du BPA
Réduction du BPA actuel afin d'augmenter le
BPA futur
BPA Ratio Dettes/
Capitaux propres
Une certaine quantité de recherches empiriques
Une certaine quantité de recherches empiriques
Peu de véritables recherches empiriques
Peu de véritables recherches empiriques
Pas de recherche empirique.
Opinion d'expert
Schipper (1989)
Jones (1991) DeAngelo et
al. (1994)
Copeland (1968)
Imhoff (1977) Eckel (1981)
Ronen et Sadan (1981) Albrecht et Richardson
(1990)
Dye (1988) Walsh et al.
(1991) Pourciau (1993)
Tweedie et Whittington
(1990) Naser (1993)
Breton et Taffler (1995) Pierce-Brown
et Steele (1999)
Griffiths (1986, 1995)
Smith (1992) Schilit (1992)
Stolowy (2000)
Interprétations Opérations
En dehors des limites des lois et des normes
Dans les limites des lois et des normes
Fraude
Annexe D10
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
266
Tableau ?? : Objectifs de la gestion des données comptables et leurs contextes475
Figure ?? : Les acteurs dans le domaine de la gestion des données comptables476
475 Adapté et mis à jour de CORMIER et al. (1998) par Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON in «Comptabilité - Contrôle - Audit », Tome 9, Volume 1, mai 2003 (p. 125 à 152). 476 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON cit. op.
Annexe D5
Annexe D9
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
268
Tableau ? : Gains potentiels attribuables à la gestion des données comptables477
477 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON cit. op.
Annexe D7
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
269
Tableau ? : Pertes potentielles attribuables à la gestion des données comptables478
478 Hervé STOLOWY et Gaétan BRETON cit. op.
Annexe D8
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
271
Nature du procédé
impact du procédé
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Postes concernés à
titre principal
Mécanisme
Impact sur les comptes
Limites
Immobilisations en non valeurs
• étalement des charges par le biais de l'amortissement alors que ces charges étaient précédemment enregistrées au cours d'un exercice ou changement inverse.
• Étalement des charges • ou, au contraire, enregistrement des charges sur une seule période.
• Rupture de la permanence des méthodes. • Information nécessaire en annexe.
X
X
X
• Frais d'acquisition : maintien en charges ou charges à répartir.
• Si maintien en charges : baisse immédiate du résultat. • Si transfert à l'actif : étalement de la charge.
• Permanence des méthodes (nature des frais, durées d'amortissement).
X
X
Frais de recherche et de développement
Immobilisation des charges de recherche et développement.
• Augmentation du résultat l'année de l'immobilisation. • Diminution l'année du transfert et les années suivantes par le biais de l'amortissement de l'immobilisation produite. • Impact du choix de la date de démarrage de l'amortissement.
• Remplir les conditions prévues par le CGNC. • Difficultés d'évaluation du coût de la recherche. • Risque d'un effet « boomerang » : nécessité d'immobiliser artificiellement des frais de recherche pour compenser l'impact de l'amortissement des frais passés.
X
X
X
X
Inventaire des techniques utilisées en comptabilité créative Annexe D11.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
271
Immobilisations corporelles
• Incorporation de charges financières au coût de production d'immobilisations par l'entreprise.
• Augmentation du résultat l'année du transfert de charges. • Diminution l'année du transfert et les années suivantes par le biais de l'amortissement de l'immobilisation produite.
• Difficulté de définition de rattachement et de calcul dans certain cas. • Procédure considérée souvent comme exceptionnelle en pratique.
X
X
X
X
• Cession-bail (lease-back) : cession d'une immobilisation puis reprise du même bien en crédit-bail. L’opération peut être simultanée et assimilée à une réévaluation.
• Apparition d'une plus value de lease-back lors de la cession. • Enregistrement de loyers pendant la période de crédit-bail. • Amélioration du fonds de roulement. • Amélioration de la trésorerie.
• Augmentation artificielle du résultat car existence d'un engagement des loyers. • Risque de distribution de dividendes fictifs.
X
X
X
• Réévaluation des immobilisations corporelles.
• Augmentation de l'actif. • Augmentation des capitaux propres
• Remplir les conditions prévues par la loi 9-88 • Retraitements fiscaux + augmentation patente (réponse administration fiscale n° 216 du 19 mai 2003)
X
X
Immobilisations corporelles
- Au moment de l'établissement du plan d'amortissement, il existe de nombreux choix : • déterminer une durée probable d'utilisation ; • retenir une valeur résiduelle ; • retenir une méthode d’amortissement • date démarrage amortissement...
• Modification, selon l'option, du montant de la dotation aux amortissements, d'où une modification de la répartition dans le temps de la charge d'amortissement.
• Nécessité d'un plan d'amortissement. • Permanence des méthodes.
X
X
X
• Réviser le plan d'amortissement, par exemple en augmentant (ou en réduisant) la durée résiduelle d'amortissement.
• Réduction (ou augmentation) des dotations futures sur une plus longue (courte) période.
• Changement de méthode : information nécessaire dans l'annexe.
X
X
X
X
Provisions et titres de participation
• Sous-évaluation (ou surévaluation) des provisions pour dépréciation de titres de participation, permise notamment par l'existence de nombreuses méthodes d'évaluation.
• Augmentation (ou réduction) du résultat au moment de la dotation. • Effet inverse l'année de la reprise.
• Principe de prudence. • Effet « boomerang » lors de la reprise.
X
X
X
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
271
Stocks
• Incorporation de charges financières au coût de production des stocks. • Augmentation du résultat l'année du transfert de charges. • Diminution l'année de l'annulation du stock.
• Difficulté de rattachement et du calcul. • Justification des montant des frais.
X
X
X
X
• Changement de méthode de valorisation des stocks ou utilisation des autres méthodes du CGNC
• Modification du résultat en fonction du changement.
• Changement de méthode : information nécessaire dans l'annexe.
X
X
X
X
• Incorporation du coût de la sous activité dans la valorisation des stocks.
• Transfert de la perte de sous activité sur l'exercice suivant. • Majoration du résultat de l'exercice en-cours. • Diminution du résultat de l'exercice suivant.
• Difficulté de détermination de la production « normale ».
X
X
X
X
• Incorporation des frais d'administration, générale de l'entreprise, des frais de stockage des produits ou des frais de recherche et développement pour les stocks produits ou l’incorporation des frais généraux d'approvisionnement et des frais de stockage pour les stocks acheté.
• Augmentation du résultat l'année du transfert de charges. • Diminution l'année de l'annulation du stock.
• Justification des montant des frais. • Permanence des méthodes et changement des méthodes
X
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X
X
Achat avec réserve de propriété
• Economiquement l’opération est similaire au leasing, l’acquéreur ne deviendra propriétaire qu’après le paiement intégral du prix de vente qui sera échelonné.
• Augmentation de l’actif immobilisé et du passif. • la non inscription des intérêts.
• opération non utilisé en pratique par les banques.
X
X
X
X
Provisions et actif Circulant
• Sous-évaluation (ou surévaluation) des provisions pour créances douteuses. • Sous-évaluation (ou surévaluation) des provisions pour stocks.
• Augmentation (ou réduction) du résultat au moment de la dotation. • Effet inverse l'année de la reprise.
• Principe de prudence. • Effet « boomerang » lors de la reprise.
X
X
X
Provisions et créances
• Actualisation des créances à terme non productives d'intérêts.
• Provision pour dépréciation de la créance. • Réduction du résultat au moment de la dotation. • Effet inverse l'année de la reprise.
• Avis divergents des organismes de la doctrine française. Position favorable à l'actualisation de la COB et de l'OEC, opposition du CNC et la CNCC.
X
X
X
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Produits financiers
• Cession «artificielle» de titres : cession suivie d'un rachat. Opération courante au niveau des OPCVM et les actions côtés, toute fois pour les obligations l’existence d’un tiers, qui réalisera normalement une petite plus value, est nécessaire.
Transformation d'une plus-value latente en plus-value réelle.
• Existence parfois de frais liés à l'opération. • Impact neutre sur la trésorerie.
X
X
X
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
272
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
271
Titres immobilisés autres que les titres de participation et titres de placement
• Compensation entre plus-values et moins-values. • Réduction des provisions. • Sous la responsabilité des dirigeants. • une baisse des cours paraissant anormale et momentanée
X
X
X
X
• Changement de méthode de valorisation. • Modification du résultat en fonction du changement.
• Changement de méthode : information nécessaire dans l'annexe.
X
X
X
• Choix de l’inscription en immobilisation ou en actif circulant.
• Modification des composants de l’actif. • Modification du résultat financiers et du non courant lors de la cession (+ ou – value)
• Justification de l’inscription. X
X
X
Ventes à réméré de titres
• Ventes à réméré de titres : vente de titres et droit de les racheter ultérieurement à un prix (sous déduction d'intérêts) au lieu de conclure une opération de pension.
• Transformation d'une plus-value latente en plus-value réelle. • Amélioration de la présentation du bilan : financement garanti par des titres, sans augmentation de dettes. • L'année d'exercice de l'option : paiement des intérêts et baisse du résultat.
• la quasi majorité des opérations conclue sous ce régime juridique l’était sous forme de pension avant la loi sur les opérations de pensions
X
X
X
Provisions pour risques et charges
Provisions pour restructuration. Existence de plusieurs problèmes : • date de décision, • degré de précision de la décision et conséquences sur l'évaluation, • prise en compte des plus-values potentielles dans l'évaluation de la provision.
• Impact sur le résultat en fonction du niveau de la provision. • Effet inverse lors de la reprise.
• Permanence des méthodes. • Contrôle des commissaires aux comptes.
X
X
X
X
Contrats à long Terme
• Existence de plusieurs méthodes d'enregistrement de ces contrats.
• Impact sur le chiffre d'affaires et sur le bénéfice variable selon la méthode retenue. • Modification de la répartition dans le temps du bénéfice du contrat.
• Principe de prudence. • Vérification par le commissaire aux comptes des calculs prévisionnels.
X
X
X
X
Résultat courant
• Pertes sur créances irrécouvrables (le CGNC a prévu deux comptes : l'un courant, l'autre exceptionnel). • Provisions pour restructuration et charges de restructuration. • Amortissement dérogatoire.
• Classification résultat courant - résultat non courant.
• Permanence des méthodes. X
X
Personnel extérieur
• Recours à du personnel intérimaire.
• Diminution de la valeur ajoutée.
• Retraitement possible en analyse financière par assimilation du coût des intérimaires aux charges de personnel.
X
X
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
272
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Annexe D.
271
Créances et dettes libellées en monnaie étrangère
- Constitution partielle de la provision pour risques de change : • Existence d'une couverture de change • Quasi-couverture de change résultant d'une position globale de change • Emprunt finançant des immobilisations à l'étranger • Créances ou dettes à long terme • Réajustement exceptionnel des valeurs d'entrée Provisions calculées sur éléments définitifs - Provisions calculées sur éléments définitifs
• limitation de la provisions risques de change. • inscription de la provision pour risque de change dans le courant ou dans le non courant.
• Permanence des méthodes.
X
X
X
X
X
Résultats des filiales Agir selon situation déficitaire ou bénéficiaire : • décalage des dates de clôture. • subvention ou abandon de créance, • dépréciation sur la base de la quote-part des capitaux propres, • Montants à distribuer.
• Impact positif ou négatif sur le résultat, en fonction de l'opération.
• Chaque opération nécessite le respect de plusieurs conditions.
X
X
X
X
Date de clôture
• Changement de date de clôture.
• Espérance d'une augmentation du résultat pendant la période supplémentaire.
• Nombreux inconvénients
X X X X
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Bibliographie
272
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Loi n° 15-89 réglementant la profession d’expert comptable et instituant un Ordre des Expert Comptables promulguée par le dahir n° 1-92-139 du 8 janvier 1993 et publié au BO n°4188 du 3 février 1993
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Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Lexique arabe - français.
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LLLeeexxxiiiqqquuueee aaarrraaabbbeee --- fffrrraaannnçççaaaiiisss
antinomies \N46
argumentation C,�)6
arrêt �IK ��@N
bilan inexact ��,�( �,Z �0از%�
cadre conceptuel ر 36%ريإ^
conventionnaliste �16%ا�
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dérogation comptable ����� ق�D
directives ت6%�,9
école de la libre recherche scientifique ا��� �� ا��(ر�� ا�* �,� أو �(ر�� ا���Y ا�*
école de l'exégèse ا���%ن a H ر�� ا���ح)�
école sociologique ou historique ا��(ر�� �,bر�أو ا�� �,H���Mا
états de synthèse �,�,ا�1%ا�� ا���آ
éthique ق-DRا � H
fiabilité ق%c%�
informations comptables �,���� ت�% *�
interprétation législative *ا����� Cو�dا���
interprétation doctrinale Cو�dا��915 ا��
interprétation jurisprudentielle ��@1ا� Cو�dا��
jurisprudence ءم ا�1@IKأ
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Lexique arabe - français.
285
la loi comptable ���0%ن ا���ا�1
lacune ة�Pc
le code général de normalisation comptable 8,41� �ا�����ا��(و�0 ا�*�� �
le jugement professionnel �IK �49�
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l'interprétation comptable Cو�dا�� ���ا���
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raisonnement interprétatif juridique �1:4ا�� �,I5ا� ا�� Cو�d41%���0 ا��
régularité ما�0;
rhétorique H�Z-ا�� �
sincérité ق)(
théorie comptable positive ���;4,� ا���$,� ا���ا.��
théorie des conventions ت,N56Mا�4;��� ا
479 Les lois marocaines en version arabe optent pour le terme « ». Pour notre part nous préférons opter pour le terme « �3 b� رة%( » .
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Résumé.
286
RRRééésssuuummmééé
Le présent mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme national d’expertise comptable
intitulé « l’interprétation comptable » vise a étudié le raisonnement interprétatif comptable
selon les trois visions suivantes :
La théorie comptable ;
Le raisonnement interprétatif juridique ;
Le jugement professionnel.
Les principaux résultats de l’étude sont :
Il existe bel et bien une forme d’interprétation comptable. quelque soit le soin pris pour
rédiger les normes comptables. Dans ce sens, on ne peut supprimer l’interprétation
comptable ;
Les trois points précédents sont des dimensions de l’interprétation comptable ;
Les trois dimensions sont autonomes et peuvent aboutir dans certains cas à des
interprétations comptables divergentes ;
Chaque dimension est susceptible de fournir plusieurs interprétations possibles. Le
concept de l’image est le seul moyen de convergence de ces différentes interprétations
issues d’une dimension donnée ;
L’amélioration de l’interprétation comptable des professionnels passe par l’amélioration
d’un certain nombre de points.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Sommaire des annexes.
287
SSSooommmmmmaaaiiirrreee dddeeesss aaannnnnneeexxxeeesss
A1 Comparaison des différents projets et la version final de la quatrième directive relatives aux dispositions traitant de l’image fidèle.
216
A2 Regroupement des textes marocain français, européen et international traitant de l’image fidèle.
217
B1 Tableau de l’analyse sémiotique des médias comptables de MACINTOCH. 218
B2 De l’information financière à la connaissance financière. 219
B3 Les différentes catégories d’utilisateur de l’information financière identifiées par STAMP
220
B3 bis Détail des besoins informationnels des différentes catégories d’utilisateur de l’information financière identifiés par STAMP.
221
B4 Tableau synoptique de la comparaison des cadres conceptuels tunisien, international, suisse et canadien et le cadre conceptuel implicite marocain contenu dans le CGNC.
222 à 244
B5 Tableau récapitulatif de la réglementation comptable marocaine (lois, décrets, arrêtés, circulaires et avis) classée hiératiquement par secteur.
245 à 248
C1 Regroupement des articles marocains et français réglementant l’interprétation des conventions ;
249 et 250
C2 Regroupement des anciennes lois marocaines et françaises traitant de la comptabilité depuis l’ordonnance de Colbert en 1693 sous une forme permettant une comparaison des dispositions comptables.
251
C3 Commentaires sur les sources historiques des dispositions comptables contenues dans le code de commerce.
252
C4 Comparaisons des textes relatifs à la distribution des dividendes fictifs et à la présentation de bilan ne donnant pas une image fidèle dans les textes marocains et français anciens et ceux en vigueur.
253
C5 Présentation sous forme analytique de la jurisprudence française traitant le délit de comptes ne donnant pas une image fidèle
254
C6 Présentation sous forme schématique à partir des formes de certification, de l’obligation de révélation au procureur du roi du délit de présentation des comptes ne donnant pas une image fidèle.
256
C7 Exemples de la syllogistique aristotélicienne. 257
C8 Présentation synthétique des différentes formes de syllogisme. 258
Pages.
Mémoire d’expertise comptable « L’interprétation comptable. » Sommaire des annexes.
288
C9 Regroupement sous forme d’un tableau des directives du premier niveau identifié par OST.
259 à 261
C10 Classifications des directives d’interprétation de OST. 262
D1 Présentation sous forme d’un tableau détaillé des six stades de développement moral de KOHLBERG accompagné du commentaire donné par cet auteur sur la signification de chaque stade.
263
D2 Exemples de dilemmes moraux. 264
D3 Justification de chaque stade de développement moral du dilemme de Heinz 265
D4 Les P des personnes appartenants aux différents niveaux hiérarchiques des cabinets d’audit présentés dans le graphe des P des différents groupes sociaux.
265
D5 Objectifs de la gestion des données comptables et leurs contextes. 266
D6 Modèle fonctionnel de la gestion des résultats appuyés par les résultats des auteurs français et tunisiens corroborants ou infirmant les résultats des chercheurs américains.
267
D7 Gains potentiels attribuables à la gestion des données comptables. 268
D8 Pertes potentielles attribuables à la gestion des données comptables. 269
D9 Les acteurs dans le domaine de la gestion des données comptables. 266
D10 Cadre conceptuel pour la classification des manipulations comptables. 270
D11 Inventaire des techniques utilisées en comptabilité créative. 271 à 274