Le temps d’une poserojet éducatif départemental 2013/2014

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Le Conseil général de la Seine-Saint-Denis pour la deuxième année consécutive soutient des projets éducatifs à vocation culturelle et artistique développés durant le temps scolaire avec des classes de collégiens. Dix projets ont été ainsi retenus pour l’année 2013-2014. Le pôle Education à l’image de l’association Périphérie, Centre de création cinématographique, a proposé à une classe de 5ème du collège Politzer de la Courneuve et à Marina Dureçu, leur professeure d’Arts Plastiques, de traverser avec la cinéaste Isabelle Rèbre l’histoire du portrait en trois étapes ; de la peinture pour aller vers la photographie et arriver enfin aux images animées.

Pourquoi partir de la peinture pour parler des images ? La peinture nous enseigne plusieurs notions fort utiles pour mieux déchiffrer les images, des notions telles que le cadre, la pose, la relation entre le portraitiste et le sujet et finalement la subjectivité du regard. C’est par l’observation que nous comprendrons qu’un tableau, tout comme l’objectif de prise de

Portraits et poses

« C’est en regardant les tableaux, puis plus tard en filmant des peintres au travail que j’ai beaucoup appris sur mon métier… » Isabelle Rèbre, cinéaste

vues, pose un cadre, autrement dit une fenêtre sur le monde. Mais si le tableau/la photographie/le plan montre un sujet, il cache tout autant qu’il montre.

Isabelle Rèbre a proposé de s’appuyer sur quelques toiles emblématiques de l’histoire du portrait, la plupart visibles au musée du Louvre: les portraits du Fayoum qui sont les plus anciens portraits peints qui subsistent, des images destinées à être enterrées, sans la moindre possibilité d’être vues à l’avenir… Le portrait de profil du duc d’Urbino et de son épouse par Piero della Francesca qui fascine par l’histoire de ce personnage borgne, peint de profil… Le portrait de Domenico Ghirlandaio intitulé Le vieil homme et son petit fils et enfin celui de Mlle Caroline Rivière peinte par J.D.A Ingres, dont Bob Wilson a donné son interprétation, visible au Louvre l’an passé, avec Lady Gaga…

Deux visites au Louvre ont permis d’inscrire ces œuvres dans l’imaginaire des élèves.

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Les intervenants

Isabelle Rèbre vient de commencer le tournage à New-York d’un film documentaire retraçant la relation des frères Charles et Jackson Pollock. Elle a réalisé deux autres films qui sont autant de portraits d’artistes, La peinture de Jean Rustin et Ricardo Cavallo ou le rêve de l’épervier. Elle est aussi l’auteure d’un film sur des étudiants en lutte contre le CPE, Après la colère (Arte 2006) ainsi que du film André S Labarthe de la tête aux pieds. Isabelle Rèbre est aussi auteure de plusieurs pièces de théâtre, dont Fin inspirée par les derniers feux du cinéaste Ingmar Bergman, qui sera créée durant le festival d’Avignon 2014. Depuis 1993, elle a écrit et réalisé de nombreux documentaires pour France Culture. Elle est aussi chargée de cours en Master 2 de politiques culturelles à Paris 7, où elle enseigne le cinéma documentaire.

 Le centre de création cinématographique Périphérie

Philippe Troyon, instigateur de l’éducation à l’image au sein de Périphérie a sollicité Isabelle Rèbre au moment du montage de son film Ricardo Cavallo ou le rêve de l’épervier accueilli en résidence au sein de Périphérie. Il a demandé à Antoine Vaton, réalisateur et photographe qui connaît bien ce dispositif et qui a l’habitude d’intervenir dans des collèges, d’accompagner et de soutenir la cinéaste tout au long de l’année. Cette collaboration a été fructueuse et créatrice. Le fruit des différents travaux a été soutenu par la ville de la Courneuve et son service culturel qui a accueilli l’exposition « Le temps d’une pose » à partir de fin juin dans le hall principal de la mairie. Le musée du Louvre et son service a tenu à soutenir cette belle initiative.

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Atelier photo 1

Le portrait dans la cour

Le premier exercice de prise de vue s’est déroulé dans la cour du collège illuminée par une belle lumière automnale. Les élèves disposaient de plusieurs appareils argentiques jetables de 37 poses. Ils devaient prendre un nombre restreint de clichés en fonction de quelques consignes simples. Nous leur avons demandé de faire le portrait d’un camarade de leur choix. Nous avons ensuite fait une sélection parmi ces images prises d’une manière instinctive et nous avons projeté les images en classe. Nous avons tenté de faire ressentir aux élèves ce qui faisait la qualité d’une image: sa lumière, son cadre, sa couleur, sa composition, sa géométrie, son originalité.

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Les visites au Louvre

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Je me souviens que j’ai vu un très grand tableauJe me souviens qu’il y avait beaucoup de monde devant la JocondeJe me souviens du regard fixant de la JocondeJe me souviens que Henri a regardé StéphanieJe me souviens de momies du débutJe me souviens de la signature de IngresJe me souviens avoir vu des statues au muséeJe me souviens que j’ai décrit et dessiné Mlle RivièreJe me souviens de la JocondeJe me souviens du monde qu’il y avait devant la JocondeJe me souviens que j’ai su beaucoup de vérité sur elleJe me souviens qu’Erdogan et moi on dessinait la JocondeJe me souviens du tableau avec le vieillard et le petit garçonJe me souviens avoir très mal à la tête et aux pieds au retourJe ne me souviens plus de rienJe me souviens que Mme Dureçu nous expliquait les tableauxJe me souviens qu’il y avait plein de personnes nuesJe me souviens des FayoumJe me souviens des explications que nous a racontées IsabelleJe me souviens des gens qui prenaient les tableaux en photoJe me souviens qu’il y avait plein d’étrangersJe me souviens de plein de gens concentrés sur une photographieJe me souviens qu’Antoine prenait des photosJe me souviens de l’ascenseur qui était irréel, l’ascenseur de l’entréeJe me souviens bien de la journée qu’on a passée au Louvre

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Sous la forme d’un jeu, les élèves tirent au sort une carte postale représentant un tableau du Louvre et s’amusent à en faire une description orale à la classe…

C’est le portrait de Henri par Kevin (des élèves de la classe). Il a été peint quand il saignait de la poitrine. Il s’est suicidé car il en avait marre de sa vie…

La Mort de Marat de Jacques Louis David, décrite par Aboubakar

C’est une fille française qui me regarde peinte par Léonard de Vinci en 2013. Elle tient une BD à la main, c’est « Oui Oui ! »… (Rires de la classe). Sur les cheveux, elle a un voile. Derrière elle, il y a une rivière. Elle pense à sa fille. Elle sourit parce qu’elle est contente du tableau. Elle est habillée en foncé de chez Gucci, capuche Vuitton !... Le pont derrière elle est vide, on le voit bien. Ses cheveux sont lissés/bouclés.

La Joconde de Léonard de Vinci, décrite par Dylan

C’est un homme de profil il s’appelle Henri VIII peint par Aboubakar, il date de la Renaissance. Il a des cheveux bizarres avec une frange. Il doit être breton, il a un grand nez. Henri VIII a demandé à Aboubakar de faire ce tableau pour l’accrocher chez lui. Aboubakar était tapissier en fait. Il y avait une urgence à faire ce portrait car il voulait se marier avec Caroline, la fille du duc Léonard.

Le duc de Ferrare de Piero della Francesc, décrit par Sihem

Décrire un tableau

Devant La Joconde

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Pour amorcer l’écriture, nous regardons des photos commentées par Roland Barthes et j’explique aux élèves ce que lui appelle le Studium (s’intéresser à, prendre des informations, etc..) ce que nous avons fait lors de la première visite au Louvre, et le Punctum (le détail qui touche, la petite flèche qui nous pointe). Nous regardons ensemble les photos et chacun dit quel est le Punctum dans la photo pour lui et nous lisons quel est le Punctum pour Barthes.

La consigne, une fois que nous avons regardé ensemble leurs photos de détail, est d’écrire à partir d’une phrase : « Quelque chose en moi a fait tilt, et a provoqué en moi un petit ébranlement» (tirée de La Chambre Claire de Roland Barthes) et de décrire la sensation ou l’émotion ressentie face au détail qui les a touché et qu’ils ont pris en photo. Découverte de deux mots nouveaux : tilt et ébranlement qui les fait beaucoup rire. J’explique l’origine du mot. Je propose d’écrire une suite, dans l’idée que ce qui nous touche nous rappelle peut-être une émotion plus ancienne.

Quelque chose en moi a fait tilt, et a provoqué en moi un petit ébranlement ...

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Quelque chose en moi a fait tilt, et a provoqué en moi un petit ébranlement : c’est la montagne dans « le vieillard et l’enfant », elle ressemble à un volcan et si on voit bien, il y a une église, c’est mystérieux…

Quelque chose en moi a fait tilt, et a provoqué en moi un petit ébranlement : c’est le nez de l’homme dans « le vieillard et l’enfant », ça m’a ébranlé. C’est son gros nez parce que j’avais jamais vu une chose pareille. Je crois que ce nez me touche parce qu’il me fait penser à une verrue que j’ai vu sur quelqu’un…

Quelque chose en moi a fait tilt, et a provoqué en moi un petit ébranlement : c’est les cheveux du petit garçon sur le portrait du « vieillard et l’enfant ». J’ai choisi ce détail, ses cheveux dorés, parce qu’ils sont beaux à regarder. Ça me rappelle Bart Simpson qui a les cheveux en pointe et dorés et qui fait des conneries dans son école…

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Quelque chose en moi a fait tilt, et a provoqué en moi un petit ébranlement : ce sont les yeux de « la Joconde » et le dessus car on ne croit pas qu’elle a des sourcils, c’est si transparent…

Quelque chose en moi a fait tilt, et a provoqué en moi un petit ébranlement : ce sont les yeux de « la Joconde » qui me font peur. Ils me font penser au regard perçant de Christopher…

Quelque chose en moi a fait tilt, et a provoqué en moi un petit ébranlement : les yeux de la Joconde parce que ses yeux me suivent. Ça me fait penser à une statue…

Quelque chose en moi a fait tilt, et a provoqué en moi un petit ébranlement : dans l’oreille d’un portrait du Fayoum, je vois sa boucle d’or. J’ai tilté sur les bijoux parce que c’est de l’or et que moi j’aime l’or. Et aussi j’aime les oreilles. Cette boucle d’oreille me touche parce que ma mère avait un peu la même…

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Atelier photo 2

À la manière de...

Afin de réfléchir à la fabrication d’une image de façon plus posée, nous avons constitué des petits groupes d’élèves comme une équipe en studio.

Nous avons tenté de reproduire le plus fidèlement possible certaines toiles que les élèves avaient vues au Louvre. Chaque élève devait d’abord concentrer son attention sur le fond et sur la valeur du cadre ; nous utilisions une focale fixe de 50 mm et un trépied, ce qui les obligeait à bouger pour trouver le bon angle de la prise de vue. Il leur fallait ensuite penser à la lumière, au réglage des réflecteurs. Il fallait aussi diriger le modèle: dans sa posture, dans son expression et surtout dans la direction précise à donner à son regard. Il fallait souvent vaincre un fou rire et se concentrer de nouveau… Une fois cette mise en place obtenue, l’élève déclenchait l’appareil.

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Filmer un portrait collectif,une expérience

A la manière de la cinéaste Béatrice Plumet pour le film les Immobiles, Isabelle Rèbre et Antoine Vaton ont proposé aux élèves de poser devant une caméra le plus longtemps possible. Après quelques hésitations et une fois les gênes et les rires de la première prise évacués, ces élèves souvent très agités dans la vie quotidienne ont respecté la consigne de regarder la caméra tenue par un de leur camarade, en essayant de ne pas bouger. Les trois groupes qui ont bien voulu tenter l’expérience sont parvenus à poser ainsi parfois 20 minutes chronomètre en main… On peut observer sur les images tournées, qui troublent par leur fixité, une progressive modification des expressions des uns et des autres, le plus souvent vers plus de gravité. Les élèves ont reconnu avoir ressenti ce trouble. Ils nous en ont fait part à la fin de ce moment d’expérience collective, silencieux, étrange et magique à la fois…

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Le jour du tournage Isabelle Rèbre chronomètre la durée de la pose

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Une exposition publique

Hall de la Mairie de La Courneuvedu 24 juin au 5 juillet 2014

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Remerciements

Département de la Seine-Saint-DenisDirection de la culture, du Patrimoine, du Sport et des Loisirs, Mission La culture et l’art au collègeCaty Losson, Musée du Louvre

Fabienne Compagnon, Mairie de La Courneuve

Marina Dureçu, professeure d’Arts Plastiques

La classe de 5ème du Collège Politzer (La Courneuve)

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Périphérie Association loi 1901 soutenue par le Département de la Seine-Saint-Deniswww.peripherie.asso.fr

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