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31 M M ÉT ÉT ALLURGIE ALLURGIE DES DES BOUCLES BOUCLES DE DE LA LA M M OSELLE OSELLE par par Lucien GEINDRE Lucien GEINDRE De Neuves-Maisons à Custines, les boucles de la Moselle sont jalonnées de vestiges plus ou moins importants de la métallurgie. On ne saurait s’en étonner lors- qu’on sait que le vaste massif de Haye qu’elles enserrent à demi renferme une prodigieuse quantité de minerai de fer oolithique entre les bancs calcaires et la couche inférieure argileuse. Aussi, le voya- geur qui descend le cours de la rivière, peut-il encore découvrir maintes traces de sites anciens ou récents, témoins de cette activité de production du métal. Une telle industrie existait déjà aux temps très éloignés et l’on en a retrouvé des vestiges épar- pillés le long des côtes dominant la Moselle. Ainsi le Camp d’Affrique, bien connu à proximité de Messein, a révélé des traces de fabrication du fer (et du bronze) mises au jour par l’équipe Lagadec qui a fouillé longuement le site protohistorique. Mais plus récemment, au XIX e siècle, des mines furent exploitées, dès 1873, par des maîtres de forge tels que Dupont et Dreyfus pour leur usine de Pompey et Steinbach (repris par le Nord- Est) pour les hauts fourneaux de Jarville. Un peu plus en aval, on découvre une importante usine métallurgique, celle de Neuves- Maisons qui, créée en 1872 par le comte Victor de Lespinats, fut appelée «La Société Métallurgique de Haute-Moselle», absorbée en 1897 par Châtillon-Commentry. En 1914, elle comptait sept hauts four- neaux, une aciérie et des laminoirs. Dix ans plus tard, 3450 sala- riés y travaillaient. Reprise par Usinor en 1979, elle abandonna plusieurs de ses hauts fourneaux pour une aciérie électrique (four de 145 tonnes) et un laminoir à fil. En 1985, elle devint Unimetal et reste, actuellement, en activité. Pour la mieux desservir, on canalisa, en 1970, la Moselle alors capable de recevoir des convois de 3000 tonnes (deux barges et un pousseur). Cette usine s’approvi- sionnait en minerai à Maron Val de Fer (430 salariés) jusqu’en 1968, LUDRES. La sortie de la mine. Mine Steinbach

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MMÉTÉTALLURGIEALLURGIE DESDES BOUCLESBOUCLES DEDE LALA MMOSELLEOSELLE

parpar Lucien GEINDRELucien GEINDRE

De Neuves-Maisons àCustines, les boucles de la Mosellesont jalonnées de vestiges plus oumoins importants de la métallurgie.On ne saurait s’en étonner lors-qu’on sait que le vaste massif deHaye qu’elles enserrent à demirenferme une prodigieuse quantitéde minerai de fer oolithique entreles bancs calcaires et la coucheinférieure argileuse. Aussi, le voya-geur qui descend le cours de larivière, peut-il encore découvrirmaintes traces de sites anciens ourécents, témoins de cette activité deproduction du métal.

Une telle industrie existaitdéjà aux temps très éloignés et l’onen a retrouvé des vestiges épar-pillés le long des côtes dominant la

Moselle. Ainsi le Campd’Affrique, bien connu à proximitéde Messein, a révélé des traces defabrication du fer (et du bronze)mises au jour par l’équipe Lagadecqui a fouillé longuement le siteprotohistorique.

Mais plus récemment, auXIXe siècle, des mines furentexploitées, dès 1873, par desmaîtres de forge tels que Dupont etDreyfus pour leur usine de Pompeyet Steinbach (repris par le Nord-Est) pour les hauts fourneaux deJarville. Un peu plus en aval, ondécouvre une importante usinemétallurgique, celle de Neuves-Maisons qui, créée en 1872 par lecomte Victor de Lespinats, futappelée «La Société Métallurgique

de Haute-Moselle», absorbée en1897 par Châtillon-Commentry. En1914, elle comptait sept hauts four-neaux, une aciérie et des laminoirs.

Dix ans plus tard, 3450 sala-riés y travaillaient. Reprise parUsinor en 1979, elle abandonnaplusieurs de ses hauts fourneauxpour une aciérie électrique (four de145 tonnes) et un laminoir à fil. En1985, elle devint Unimetal et reste,actuellement, en activité.

Pour la mieux desservir, oncanalisa, en 1970, la Moselle alorscapable de recevoir des convois de3000 tonnes (deux barges et unpousseur). Cette usine s’approvi-sionnait en minerai à Maron Val deFer (430 salariés) jusqu’en 1968,

LUDRES. La sortie de la mine. Mine Steinbach

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par une petite voie ferrée serpen-tant à flanc de coteau.

Plus en aval, Sexey-aux-Forges, jadis appelée Sexey-la-Larnouse, rappelle l’existenced’une activité métallurgiqueancienne. En effet, des forges yfurent amodiées, le 18 décembre1495, par Olry de Blâmont, prono-taire du Saint-Siège et administra-teur de l’abbaye de Saint-Mansuy,propriétaire des forges, à Georgesdes Moines, receveur général deLorraine, pour 18 années, lequeldevait remettre en état hauts four-neaux, forge, halles, affinerie etmartelz. Puis, en 1535, le contrô-leur de l’artillerie de Lorraine vintvoir si l’on pourrait y fabriquer desboulets de fer pour certains bas-tions d’artillerie. Ces forges furentexploitées jusqu’en 1777 environpuis supprimées.

Cependant, en 1842, LouisPhilippe autorisa la création d’unhaut fourneau avec bocard et lavoirà minerai par François Joseph

Guion de Saint-Victor, propriétairedu Bois Monsieur. Mais, le 4 juillet1844, le pétitionnaire informa lepréfet qu’il renonçait à son projet.

En aval de Toul, à Fontenoyet à Aingeray, nous ne connaissonsnulle trace de métallurgie.Cependant, il a existé une conces-sion minière de 2437 hectaresappartenant à la Société AlsacienneLorraine de Recherches Minières !

Et nous atteignons Liverdunoù l’exploitation du minerai futimportante. Il convient d’abord designaler les vestiges d’industriesmétallurgiques dans le vallon de laFlie, foyers catalans, crasses, sco-ries, fonds de foyers, assez épars, ilest vrai, et dont nulle prospectionscientifique n’a été réalisée. Cen’est qu’en 1864 que les sieursBarbe présentèrent une demandepour établir, sur la rive droite, uneusine destinée à la fabrication defonte avec le minerai tout proche(Concession de la Croisette), lasortie de mine étant pratiquement

au niveau des hauts fourneaux (etl’exhaure alimentant en eau lesfamilles des cités !).

En 1868, furent créés quator-ze fours à puddler (de to puddle =brasser pour transformer la fonteen fer), dix chaudières et troistrains de laminoirs. Cependant, en1877, deux fourneaux sur quatreétaient éteints. En 1891, le cata-logue mentionnait : pièces en ferforgé, tampons, vis de pressoir etpièces de moulage, bâtis demachines, cylindres de laminoirs…

Mais, vers 1900, l’usinen’était plus qu’une unité de réserveliée aux sociétés deChampigneulles et de Neuves-Maisons et, vers 1970, on n’envoyait plus que des vestiges. Surl’autre rive, Monsieur Noël a créésa fabrique de pompes. Parailleurs, Liverdun comptait troisconcessions minières. La conces-sion d’Hazotte, rive gauche,exploitée par Vezin-Aulnoyejusque Pompey, la Voiltriche, vers

NEUVES-MAISONS

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Liverdun : monte charge d’un haut fourneau Liverdun : haut fourneau

Liverdun : vestiges du pied d’un haut fourneau

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Frouard, liée à la Société desForges de Champigneulles dès1882, la concession de Liverdun,vers Aingeray, dont le minerai étaitchargé en péniches près du pontcanal. A présent, toutes ces minessont fermées.

Poursuivant notre périple,nous atteignons Pompey où s’éten-dait une importante usine implan-tée sur un immense terrain appeléjadis le Champ des Tombes (gallo-romaines et mérovingiennes)) bor-dant la Moselle. L’annexion parl’Allemagne de l’Alsace-Lorraine

en 1870, provoqua le départ d’Ars-sur-Moselle de messieurs Dupontet Dreyfus, las des tracasseries del’occupant. Ils vinrent donc s’ins-taller à Pompey, construisant desfours à puddler, un laminoir et desateliers qui fonctionnèrent dès1873. Des cités, bâties aussitôt,

Vezin Aulnoye

Les hauts fourneaux et le port

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accueillirent le personnel venud’Ars. Les hauts fourneaux 1 et 2furent élevés dès 1874, une aciérieMartin en 1888, les hauts four-neaux 3 et 4 en 1894 et l’aciérieThomas en 1895. Mais l’usineavait déjà livré, avant 1889, 3600tonnes de fer pour la Tour Eiffel.

Peu à peu, la société étenditson emprise vers le pont de fer(ligne Nancy-Metz) et, grâce à soncentre de recherches, fabriqua desaciers spéciaux. Les années 1960-70 virent se réaliser d’importantesmodernisations : réfection des

trois hauts fourneaux, aciérie àoxygène, nouveau train de lami-noir, lequel entraîna le déplace-ment de l’atelier d’étirage surCustines. Cependant, la crise tou-cha durement cette usine quicompta jusque 5100 salariés etpouvait produire plus de 400 000tonnes. Sacilor la reprit en 1979mais la «boîte», comme la dési-gnait le personnel, était condamnéeet, dès 1980, on en commença, parphases successives, le démantèle-ment, terminé en 1988. On en étaitrevenu au Champ des Tombes dejadis, mais le béton des fondations

a remplacé les sépultures antiques.Quelques petites entreprises sont àprésent installées sur le site. Del’autre côté de la rivière, le train àfil et les ateliers de traitement ther-mique ont fait place à une fabriquede papier et à une société de litsmédicaux…

Notre descente des bouclesde la Moselle se termine près deCustines, au confluent de laMeurthe, appelé depuis des siècles«la Gueule d’enfer», un toponymequi contient encore un peu de fer !

BIBLIOGRAPHIE :

J-P LAGADEC, J-P HOPP, Ludres, Tome 1L. GEINDRE, La renaissance de la métallurgie, le bassin de Nancy auXIXe siècle, Le Pays Lorrain, janvier 1992, juillet 1992.L. GEINDRE, Liverdun, ville frontière, ville françaiseL. GEINDRE, Pompey sous l’Avant-GardeB. LEPAGE, Les communes de la Meurthe.

Haut fourneau abattu. Une grand usine qui va disparaître...