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© Masson, Paris, 2006. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:483-493 483 LETTRES LA RDACTION Malformation vasculaire du côlon et hémorragie digestive basse À propos d’un cas n homme de 42 ans, de nationalité française et sans antécédent particulier, était hospitalisé pour rectorra- gies. Il avait consommé en automédication 3 grammes d’aspirine durant les 5 jours précédant l’admission en raison d’un syndrome grippal. L’examen clinique à l’arrivée ne montrait pas de signe de choc hémorragique. Au toucher rectal, l’ampoule rectale était vide de matières mais retrouvait du sang rouge. Le reste de l’examen clinique était normal en particulier d’un point de vue cutané. L’hémoglobinémie était à 10,9 g/dL 12 heures après l’admission et restait ensuite stable. Il n’y avait pas d’autre anomalie biologique. La coloscopie réalisée 48 heures après l’admission, après préparation par 4 litres de PEG et avec anes- thésie générale, montrait que l’hémorragie était interrompue et que les derniers centimètres de l’iléon terminal étaient normaux sans trace de sang. Au niveau de la charnière recto-sigmoï- dienne, il existait une formation sessile, ronde, d’environ 7 mm de diamètre, légèrement ulcérée en surface évoquant un polya- dénome (figure 1). Cette lésion était réséquée en totalité à l’anse diathermique sans complication immédiate. L’endoscopie haute réalisée simultanément montrait une gastrite antrale ecchymoti- que non hémorragique. Le malade quittait le service 72 heures après son admission sans avoir été transfusé. Les biopsies antra- les ne montraient pas d’infection par Helicobacter pylori. L’exa- men histologique de la lésion réséquée montrait dans la sous- muqueuse et la musculaire muqueuse, l’existence de cavités vas- culaires sanguines, de moyen calibre, à paroi musculaire de type veineux, mais malformées, faisant poser le diagnostic de malformation vasculaire veineuse (figures 2 et 3). La muqueuse en regard était nécrosée et inflammatoire sur une petite zone. Le malade était revu à un mois après avoir reçu 20 mg par jour d’oméprazole pendant 15 jours. Il était asymptomatique et il n’y avait pas eu de récidive hémorragique. L’hémoglobinémie était à 14,5 g/dL. Dans cette observation le diagnostic de malformation vascu- laire veineuse du côlon révélée par une hémorragie digestive basse est affirmée par l’analyse histologique de la lésion résé- quée. L’ulcération en regard de la malformation vasculaire visible à l’endoscopie et histologiquement confirmée et la prise d’aspi- rine ont pu favoriser la survenue de l’hémorragie. La petite taille de la lésion, son aspect polypoïde et non vasculaire rendent compte du fait que le diagnostic n’a pas été évoqué avant les résultats de l’examen anatomo-pathologique. Dans la littérature, les anomalies vasculaires du côlon recouvrent différentes entités et notre propos est, à partir de cette observation, de tenter de les clarifier. Les anomalies vasculaires coliques sont classiquement classées en 3 types : le type I, correspond aux angiodysplasies dégénératives du sujet âgé, le type II, aux malformations vasculai- res congénitales du sujet jeune, et le type III aux lésions classique- ment punctiformes de la maladie de Rendu-Osler [1]. La tendance est souvent d’utiliser à tort systématiquement le terme d’angiodysplasie comme terme générique de toutes ces lésions, ou celui ambigu d’angiome, alors que l’examen anatomo-patho- logique permet de les reconnaître et ainsi de faire correspondre la terminologie utilisée à la nomenclature de ces lésions [2]. Les angiodysplasies coliques sont constituées d’ectasies veinulaires, donc dilatées mais de paroi normale, alors que les malformations vasculaires sanguines sont constituées de parois de type veineux, capillaires, voire artériel, mais de structure anormale. De plus, elles doivent être différenciées des vraies tumeurs vasculaires par exemple, des angiomes de l’enfant ou du sujet jeune, parfois dans le cadre d’un « blue rubber bleb nevus » syndrome, et du sarcome de Kaposi dont l’aspect macroscopique est le plus sou- vent typiquement vasculaire et des exceptionnels anévrysmes des artères digestives qui peuvent être révélées par une hémorragie digestive [3, 4]. D’un point de vue endoscopique dans le type I, l’aspect est celui d’anomalies planes souvent multiples et préfé- rentiellement situées au niveau du côlon droit et dans le type II de lésions polypoïdes de petite taille (comme dans notre observa- tion), ou plus volumineuses [5], voire d’allure tumorale [6], par- fois mais non constamment d’allure vasculaire. Au cours de la maladie de Rendu-Osler les classiques multiples anomalies punc- tiformes de petite taille peuvent être associées à des lésions plus larges, parfois pseudo-tumorales mais le contexte aide souvent au diagnostic. Une certaine ambiguïté est entretenue par la publi- cation d’observations d’angiodysplasies polypoïdes. Récemment, 7 cas de formations polypoïdes coliques siégeant au niveau du sigmoïde 4 fois et de l’angle colique droit 3 fois, dont 2 survenant chez des sujets de moins de 50 ans, ont été rapportés [7]. Il s’agissait de lésions pédiculées présentant souvent un aspect macroscopique évocateur d’une anomalie vasculaire du côté opposé au pédicule. Mais, la description histologique correspond à celle d’une malformation vasculaire veineuse avec présence de cavités vasculaires sanguines dilatées, de moyen calibre, à paroi musculaire lisse. Il en était de même dans un cas rapporté chez un homme de 59 ans [5]. Dans toutes ces observations, un traite- ment endoscopique par résection selon une technique classique était réalisé avec succès et sans complication comme cela a été le cas dans notre observation. Le caractère profond dans la muqueuse digestive de certains hémangiomes expose à un risque théoriquement plus important de complication après traitement Fig. 1 – Vue endoscopique : aspect polypoïde et ulcéré du rectum. Endoscopic polypoid aspect with ulceration. U

Malformation vasculaire du côlon et hémorragie digestive basse: À propos d’un cas

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© Masson, Paris, 2006. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:483-493

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LETTRES À LA RÉDACTION

Malformation vasculaire du côlon et hémorragie digestive basseÀ propos d’un cas

n homme de 42 ans, de nationalité française et sansantécédent particulier, était hospitalisé pour rectorra-gies. Il avait consommé en automédication 3 grammes

d’aspirine durant les 5 jours précédant l’admission en raison d’unsyndrome grippal. L’examen clinique à l’arrivée ne montrait pasde signe de choc hémorragique. Au toucher rectal, l’ampoulerectale était vide de matières mais retrouvait du sang rouge. Lereste de l’examen clinique était normal en particulier d’un pointde vue cutané. L’hémoglobinémie était à 10,9 g/dL 12 heuresaprès l’admission et restait ensuite stable. Il n’y avait pas d’autreanomalie biologique. La coloscopie réalisée 48 heures aprèsl’admission, après préparation par 4 litres de PEG et avec anes-thésie générale, montrait que l’hémorragie était interrompue etque les derniers centimètres de l’iléon terminal étaient normauxsans trace de sang. Au niveau de la charnière recto-sigmoï-dienne, il existait une formation sessile, ronde, d’environ 7 mmde diamètre, légèrement ulcérée en surface évoquant un polya-dénome (figure 1). Cette lésion était réséquée en totalité à l’ansediathermique sans complication immédiate. L’endoscopie hauteréalisée simultanément montrait une gastrite antrale ecchymoti-que non hémorragique. Le malade quittait le service 72 heuresaprès son admission sans avoir été transfusé. Les biopsies antra-les ne montraient pas d’infection par Helicobacter pylori. L’exa-men histologique de la lésion réséquée montrait dans la sous-muqueuse et la musculaire muqueuse, l’existence de cavités vas-culaires sanguines, de moyen calibre, à paroi musculaire detype veineux, mais malformées, faisant poser le diagnostic demalformation vasculaire veineuse (figures 2 et 3). La muqueuseen regard était nécrosée et inflammatoire sur une petite zone. Lemalade était revu à un mois après avoir reçu 20 mg par jourd’oméprazole pendant 15 jours. Il était asymptomatique et il n’yavait pas eu de récidive hémorragique. L’hémoglobinémie était à14,5 g/dL.

Dans cette observation le diagnostic de malformation vascu-laire veineuse du côlon révélée par une hémorragie digestive

basse est affirmée par l’analyse histologique de la lésion résé-quée. L’ulcération en regard de la malformation vasculaire visibleà l’endoscopie et histologiquement confirmée et la prise d’aspi-rine ont pu favoriser la survenue de l’hémorragie. La petite taillede la lésion, son aspect polypoïde et non vasculaire rendentcompte du fait que le diagnostic n’a pas été évoqué avant lesrésultats de l’examen anatomo-pathologique. Dans la littérature,les anomalies vasculaires du côlon recouvrent différentes entités etnotre propos est, à partir de cette observation, de tenter de lesclarifier. Les anomalies vasculaires coliques sont classiquementclassées en 3 types : le type I, correspond aux angiodysplasiesdégénératives du sujet âgé, le type II, aux malformations vasculai-res congénitales du sujet jeune, et le type III aux lésions classique-ment punctiformes de la maladie de Rendu-Osler [1]. Latendance est souvent d’utiliser à tort systématiquement le termed’angiodysplasie comme terme générique de toutes ces lésions,ou celui ambigu d’angiome, alors que l’examen anatomo-patho-logique permet de les reconnaître et ainsi de faire correspondrela terminologie utilisée à la nomenclature de ces lésions [2]. Lesangiodysplasies coliques sont constituées d’ectasies veinulaires,donc dilatées mais de paroi normale, alors que les malformationsvasculaires sanguines sont constituées de parois de type veineux,capillaires, voire artériel, mais de structure anormale. De plus,elles doivent être différenciées des vraies tumeurs vasculaires parexemple, des angiomes de l’enfant ou du sujet jeune, parfoisdans le cadre d’un « blue rubber bleb nevus » syndrome, et dusarcome de Kaposi dont l’aspect macroscopique est le plus sou-vent typiquement vasculaire et des exceptionnels anévrysmes desartères digestives qui peuvent être révélées par une hémorragiedigestive [3, 4]. D’un point de vue endoscopique dans le type I,l’aspect est celui d’anomalies planes souvent multiples et préfé-rentiellement situées au niveau du côlon droit et dans le type II delésions polypoïdes de petite taille (comme dans notre observa-tion), ou plus volumineuses [5], voire d’allure tumorale [6], par-fois mais non constamment d’allure vasculaire. Au cours de lamaladie de Rendu-Osler les classiques multiples anomalies punc-tiformes de petite taille peuvent être associées à des lésions pluslarges, parfois pseudo-tumorales mais le contexte aide souventau diagnostic. Une certaine ambiguïté est entretenue par la publi-cation d’observations d’angiodysplasies polypoïdes. Récemment,7 cas de formations polypoïdes coliques siégeant au niveau dusigmoïde 4 fois et de l’angle colique droit 3 fois, dont 2 survenantchez des sujets de moins de 50 ans, ont été rapportés [7]. Ils’agissait de lésions pédiculées présentant souvent un aspectmacroscopique évocateur d’une anomalie vasculaire du côtéopposé au pédicule. Mais, la description histologique correspondà celle d’une malformation vasculaire veineuse avec présence decavités vasculaires sanguines dilatées, de moyen calibre, à paroimusculaire lisse. Il en était de même dans un cas rapporté chezun homme de 59 ans [5]. Dans toutes ces observations, un traite-ment endoscopique par résection selon une technique classiqueétait réalisé avec succès et sans complication comme cela a été lecas dans notre observation. Le caractère profond dans lamuqueuse digestive de certains hémangiomes expose à un risquethéoriquement plus important de complication après traitement

Fig. 1 – Vue endoscopique : aspect polypoïde et ulcéré du rectum.Endoscopic polypoid aspect with ulceration.

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endoscopique. Toutefois, au moins dans les observationspubliées, aucun cas d’hémorragie n’a été rapporté [3, 4]. La liga-ture élastique pourrait être une méthode d’hémostase adaptée autraitement de ces malformations vasculaires [8]. Cette observationpermet de rappeler que toute hémorragie digestive en rapportavec une anomalie vasculaire du côlon n’est pas nécessairementen rapport avec une angiodysplasie.

Gilles LESUR (1), Catherine JULIÉ (2), Némia ROMDHANE(1), Patrick BRUNEVAL (3)

(1) Fédération des Spécialités Digestives, (2) Service d’AnatomiePathologique, Hôpital Ambroise Paré, 92104 Boulogne,

(3) Service d’Anatomie Pathologique,Hôpital Européen Georges Pompidou, 75015 Paris.

RÉFÉRENCES

1. Case records of the Massachusetts General Hospital. Weekly clinico-pathological exercises. Case 24-1991. A 16-year-old boy with orthos-tatic weakness and hematochezia. N Engl J Med 1991;324:1726-32.

2. Mulliken JB, Glowacki J. Hemangiomas and vascular malformationsin infants and children: a classification based on endothelial characte-ristics. Plast Reconstr Surg 1982;69:412-22.

3. Borum ML. Cavernous colorectal hemangioma: a rare cause of lowergastrointestinal bleeding and a review of the literature. Dig Dis Sci1997;42:2468-70.

4. Beck PL, Aspinall AI, Kilvert VM, Dort J. Blue rubber bleb nevussyndrome. Gastrointest Endosc 2002;56:598-600.

5. Kakushima N, Fujishiro M, Yahagi N, Oka M, Kobayashi K,Hashimoto T, et al. An unusual case of polypoid angiodysplasia. En-doscopy 2004;36:379.

6. Tanabe J, Abe T, Akamatsu H, Hayashi T, Tanimura H, Meren H, et al.Colonic polypoid angiodysplasia. Gastrointest Endosc 2003;58:96.

7. Sawada T, Kawamura O, Kodama T, Sanada H, Shimazaki S, Kuboi H,et al. Pedunculated angiodysplasia of the colon successfully treatedwith endoscopy: a new type of angiodysplasia. Gastrointest Endosc2003;57:602-5.

8. Witte JT. Band ligation for colonic bleeding: modification of multi-band ligating devices for use with a colonoscope. Gastrointest Endosc2000;52:762-5.

Néomutation germinale du gène p53 chez une malade présentant un syndrome de Li-Fraumeni et un adénocarcinome du pancréas

a mutation du gène suppresseur de tumeur p53 est décrite dans l’adénocarcinome du pancréas et dans le syndrome de Li-Fraumeni, qui est une forme rare de cancers héréditaires. Nous rapportons l’observation d’une malade porteuse d’une néomutation et chez laquelle est survenu

à l’âge de 32 ans un adénocarcinome du pancréas.

Observation

Une malade de 32 ans était hospitalisée en avril 2003 pourl’exploration de douleurs abdominales accompagnées d’uneélévation des enzymes pancréatiques. Ses antécédents étaientles suivants : un sarcome fibroblastique des parties molles du pli

du coude gauche, découvert à l’âge de 20 mois, traité par chi-rurgie, avec trois récidives locales en deux ans traitées par chi-rurgie et irradiation locale (iridium et cobalt), uncorticosurrénalome opéré à l’âge de 6 ans, de multiples tumeursovariennes bénignes bilatérales, un ostéosarcome radio-induitdu membre supérieur gauche nécessitant une amputation autiers supérieur de l’humérus à l’âge de 14 ans, un adénocarci-

Fig. 2 – Aspect histologique : cavités vasculaires sanguines de moyen calibre à paroi musculaire de type veineux, mais malformées, dans la musculaire muqueuseet la sous-muqueuse (x 4 trichome de Masson).Histological pattern : dysmorphic vascular cavities with venous-type muscular wall and blood located in the muscularis mucosae and in the submucosa(x 4 Masson’s trichoma).

Fig. 3 – Aspect histologique : nécrose muqueuse (N) en regard d’une section veineuse anormale dans le chorion (x 25 trichome de Masson).Area of necrosis (N) in the upper mucosa related to an abnormal veinous section in the lamina propria ( 25 x Masson’s trichoma).

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