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barreau.qc.ca/journal Poste-publication canadienne : 40013642 Janvier 2014 Vol. 46 n o 1 Mandela 1918-2013 Un legs de Justice Suivez le Barreau #JdBQ Table des matières PARMI NOUS 4 PROPOS DE LA BÂTONNIÈRE 6 DROIT DE REGARD 12 LES CONTES DE LA FÉE DÉONTO 13 CAUSE PHARE 14 VIE ASSOCIATIVE 16 PROJETS DE LOI ET COMITÉS 26 JURICARRIÈRE 34 ET 35 TAUX D’INTÉRÊT 37 PETITES ANNONCES 37 ET 38 Marc-André Séguin, avocat Prix Nobel de la paix, militant pour l’égalité et la dignité humaine, homme d’État ayant inspiré une génération entière de personnes politiquement et socialement engagées. Le nom de Nelson Mandela, décédé en décembre dernier au terme d’une longue vie de 95 années qui ont inspiré des millions de gens autour du monde, impose le respect et inspire l’admiration chez plusieurs. Retour sur le legs juridique d’un homme ayant changé l’Afrique du Sud, et marqué le monde. « On s’y sentait évidemment empreints de cette histoire », se rappelle M e Stéphanie Otou. À une autre époque, l’étudiante en droit de l’Université McGill qu’elle était s’était proposée pour un stage au Legal Aid South Africa, équivalent sud-africain de l’aide juridique. Le bureau du Legal Aid, qui a pignon sur rue dans l’ancien centre-ville de Johannesburg, se trouve en face des anciens bureaux de l’étude juridique Mandela & Tambo Attorneys, premier cabinet d’avocats noirs de la métropole sud-africaine, ouvert en 1952. À chaque jour donc, M e Otou avait une vue directe sur cet immeuble, certes en plus malheureuse condition que dans les années 50, mais non moins évocateur du passé de ce pays aujourd’hui parmi les plus influents d’Afrique. Suite page 8 Imprévu ? Pour que votre client ne soit plus pris au dépourvu en cas d’imprévu L’assurance juridique, environ 4 $ par mois Pour en savoir plus et obtenir gratuitement des outils d’information à distribuer dans votre cabinet : www.assurancejuridique.ca 1 866 954-3529

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barreau.qc.ca/journalPoste-publication canadienne : 40013642

Janvier 2014 Vol. 46 no 1

Mandela 1918-2013

Un legs de Justice

Suivez le Barreau #JdBQ

Table des matières

PARMI NOUS 4 PROPOS de lA BÂTONNIèRe 6 dROIT de RegARd 12 leS cONTeS de lA Fée déONTO 13 cAUSe PHARe 14 VIe ASSOcIATIVe 16 PROJeTS de lOI eT cOMITéS 26 JURIcARRIèRe 34 ET 35 TAUX d’INTéRÊT 37 PeTITeS ANNONceS 37 ET 38

Marc-André Séguin, avocat

Prix Nobel de la paix, militant pour l’égalité et la dignité humaine, homme d’État ayant inspiré une génération entière de personnes politiquement et socialement engagées. Le nom de Nelson Mandela, décédé en décembre dernier au terme d’une longue vie de 95 années qui ont inspiré des millions de gens autour du monde, impose le respect et inspire l’admiration chez plusieurs. Retour sur le legs juridique d’un homme ayant changé l’Afrique du Sud, et marqué le monde.

« On s’y sentait évidemment empreints de cette histoire », se rappelle Me Stéphanie Otou. À une autre époque, l’étudiante en droit de l’Université McGill qu’elle était s’était proposée pour un stage au Legal Aid South Africa, équivalent sud-africain de l’aide juridique. Le bureau du Legal Aid, qui a pignon sur rue dans l’ancien centre-ville de Johannesburg, se trouve en face des anciens bureaux de l’étude juridique Mandela & Tambo Attorneys, premier cabinet d’avocats noirs de la métropole sud-africaine, ouvert en 1952. À chaque jour donc, Me Otou avait une vue directe sur cet immeuble, certes en plus malheureuse condition que dans les années 50, mais non moins évocateur du passé de ce pays aujourd’hui parmi les plus influents d’Afrique.

Suite page 8

I mprévu ? Pour que votre client ne soit plus prisau dépourvu en cas d’imprévuL’assurance juridique, environ 4 $ par mois

Pour en savoir plus et obtenir gratuitement des outilsd’information à distribuer dans votre cabinet :

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Mandela 1918-2013

Un legs de Justice

PAGE 10 JANVIeR 2014 LE JOURNAL – BARREAU DU QUÉBEC

Le bâtiment, nommé Chancellor House, qui se trouve à l’angle des rues Fox et Gerard Sekoto, a été un lieu de travail acharné pour des façonneurs de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui. Nelson Mandela, bien entendu, mais aussi les avocats Oliver Tambo, Duma Nokwe, Mendi Msimang, et Godfrey Pitje. Ces derniers ont tour à tour été appelés à jouer un rôle dans l’étude juridique jusqu’en 1960, généralement pour des mandats liés de près ou de loin à une lutte pour une justice élémentaire et aux activités du congrès national africain (ANC), une organisation non-violente prônant l’égalité raciale. Leurs clients étaient souvent parmi les plus démunis de la société, auxquels le groupe offrait des services gratuitement ou à coût réduit. À l’occasion, cette même équipe d’avocats devait travailler ensemble pour affronter des accusations directement montées à leur endroit, telles que celles déposées lors du procès de la trahison, pour lequel ils furent arrêtés en 1956.

Bien que le bâtiment ait été rénové en 2011, Me Otou note que l’immeuble décrépit de l’époque – pratiquement abandonné pendant 10 ans et dans lequel nombre de familles défavorisées avaient élu domicile – constitue un rappel des progrès de l’Afrique du Sud, mais aussi du travail qui reste à faire. « Avec son cabinet, Mandela était en quelque sorte un précurseur de l’aide juridique pour le pays. Le Legal Aid est toujours dans le même quartier, celui de l’ancien centre-ville de Johannesburg. Les Blancs ont quitté ce secteur pour construire un autre centre-ville après l’abolition de l’apartheid. Aujourd’hui, ils ont donc un nouveau centre-ville, mais les populations noires, elles, sont demeurées dans l’ancien. Les besoins sont là, et le Legal Aid y est donc resté lui aussi. »

Un combat pour la justice et la dignité

Dès les débuts de sa carrière, Nelson Mandela, aussi connu sous le nom Madiba, lutte pour l’égalité et l’affranchissement des populations noires d’Afrique du Sud. Mais le droit a ses limites, et n’est pas synonyme de justice, estimera Mandela, alors jeune juriste. « Lorsqu’un homme se voit nier le droit de vivre la vie en laquelle il croit, il n’a d’autre choix que de devenir un hors-la-loi », écrira-t-il d’ailleurs plus tard.

D’abord un disciple de la non-violence, Mandela se tourne vers la lutte armée en guise de dernier recours, estimant que les campagnes pacifiques contre l’apartheid n’ont mené à aucune avancée, sinon à davantage de répression par l’État. Les campagnes de sabotage – menées afin d’éviter la perte de vies humaines – dont il sera l’un des responsables mènent ultimement à son arrestation, puis à son emprisonnement pendant 27 ans. Les actions de l’ANC lui vaudront par ailleurs la qualification d’organisation terroriste par Washington, imposant ainsi à plusieurs de ses dirigeants – dont Mandela – l’interdiction d’entrer en sol américain sans l’obtention préalable d’un visa spécial, et ce, jusqu’en 2008.

Cette réclusion forcée fera ultimement de Mandela un symbole unificateur pour le pays, et un point de ralliement international pour les opposants au régime de l’apartheid. Progressivement isolée dans le monde, particulièrement

après la chute du mur de Berlin, l’Afrique du Sud libère Mandela en février 1990, précipitant sa carrière politique qui le mènera ultimement à la présidence du pays en 1994.

L’adoption d’une nouvelle constitution en 1996, l’instauration d’un régime fondé sur l’état de droit, la défense de l’égalité sans égard, notamment à la race ou à l’orientation sexuelle, ne sont qu’une part des éléments qui, sous le président Mandela, transformeront l’Afrique du Sud, plaçant le pays à l’avant-garde des droits de la personne sur le continent africain.

« C’est que Mandela était lui-même très avant-gardiste, explique Me Hervé Penda, l’un des fondateurs de

l’Association des avocats africains du Québec (AAAQ), qui doit bientôt officiellement voir le jour. L’effet de ces réformes est que le pays a eu des positions très audacieuses. » Notamment, le pays a été le premier sur le continent africain à reconnaître le mariage gai, en 2006, devenant le cinquième pays au monde à adopter une telle reconnaissance.

Mais surtout, Mandela est devenu un modèle de l’homme d’État, réitère Me Penda. « Il est devenu l’icône des droits de la personne. L’apartheid était vécu dans le cœur de chaque Africain. Sa démarche pour l’adoption d’une nouvelle constitution, et le fait qu’il ait réussi en ce sens, a su inspirer d’autres républiques africaines.

Le caractère démocratique des institutions, la suprématie de la constitution sous sa présidence sont autant de symboles qui ont trouvé écho. » Tout comme ses positions illustrant son indépendance des grandes puissances occidentales, telles que son soutien à la Palestine, ou encore son opposition à la guerre en Irak, qui lui valurent un grand respect, ajoute l’avocat.Puis, il y a eu son style de gouvernance. « Mandela a non seulement gouverné avec une approche rassembleuse favorisant la réconciliation, mais il a aussi su laisser le pouvoir, et non s’y accrocher », affirme Me Penda.

Il va sans dire que l’Afrique du Sud est ressortie grandie de l’influence de Mandela. Malgré tout, des zones d’ombre subsistent. Sur le plan économique, le pays est encore aux prises avec une société parmi les plus inégalitaires sur le globe, donnant lieu à une série de défis pour l’avenir, notamment en matière de santé ou d’accès à l’éducation pour les plus démunis. « Sur papier, l’Afrique du Sud a fait des grandes avancées, remarque Me Penda, et c’est déjà un énorme progrès. En pratique, le pays devra bien entendu affronter son lot de défis. »

« On retrouve encore beaucoup de traces des conséquences de l’apartheid, observe pour sa part Me Otou. On n’a qu’à constater la nature des dossiers au Legal Aid. Ceux-ci sont souvent associés à des crimes lourds, dans des secteurs défavorisés. Les avocats n’ont pas forcément toutes les ressources nécessaires pour leur travail. Le Legal Aid n’a que 13 avocats à Johannesburg. Compte tenu de la population, on comprend que c’est très limité. On sent l’héritage laissé par Mandela, mais on doit aussi prendre la mesure du chemin qui attend l’Afrique du Sud. »

Chose certaine, bien qu’il ne soit plus parmi nous, l’esprit de Madiba est toujours bien vivant.

Suite de la page 1

« Au cours de ma vie, je me suis entièrement consacré à la lutte du peuple africain. J’ai  lutté  contre  la  domination  blanche  et  j’ai  lutté  contre  la  domination  noire.  Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous  vivraient  en  harmonie  et  avec  des  chances  égales.  J’espère  vivre  assez longtemps  pour  l’atteindre.  Mais  si  cela  est  nécessaire,  c’est  un  idéal  pour  lequel  je suis prêt à mourir. » 

Déclaration de Mandela lors du procès de Rivonia en 1964

« Si,  autrefois,  j’avais  considéré  la  loi  de  façon  idéaliste,  comme  l’épée  de  la justice,  aujourd’hui,  je  la  voyais  comme  un  outil  utilisé  par  la  classe  au  pouvoir pour  façonner  la  société  dans  un  sens  qui  lui  était  favorable.  Je  ne  m’attendais jamais à la justice dans un tribunal même si je luttais pour elle et même si parfois  je la rencontrais. » 

Citation tirée des mémoires de Mandela, Un long chemin vers la liberté

Nelson Mandela