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8 | france MARDI 9 AOÛT 2016 0123 lée à la richesse d’une zone, mais à sa « richesse » en monuments his- toriques ? Logique – la carte d’In- gress se base aussi sur une liste de monuments et autres points d’in- térêt –, cette supposition reste à tempérer, en fonction de l’échelle de l’analyse. A l’échelle de la France, il est certain que plus une zone est urbanisée et riche, plus elle est dotée en portails et pokéstops. Villes isolées désavantagées Difficile de chasser le Pokémon dans un parc naturel régional ou au beau milieu d’un openfield de la Champagne crayeuse. Pour maximiser la rencontre d’un pokéstop, il faudra préférer les zones urbaines, et encore, ces der- nières ne sont pas toutes égales – les villes plus isolées sont aussi désavantagées. L’analyse de la carte de Guéret, le chef-lieu de la Creuse où vivent 13 000 habitants, est rapide : le centre-ville ne compte que… huit pokéstops. Ces disparités peuvent être liées à de multiples facteurs, démogra- phiques – plus la population d’une ville est âgée, moins elle comptait, statistiquement, de joueurs d’In- gress – ou techniques – difficile de jouer à Ingress sans une bonne couverture de téléphonie mobile. Mais les villages et les villes isolés restent désavantagés dans quasi- ment tous les cas, ce qui rend l’ex- périence du jeu très désagréable pour leurs habitants. Niantic, le concepteur de Poké- mon Go, est bien conscient du problème. L’entreprise avait d’ailleurs mis en ligne, mi-juillet, un formulaire permettant aux joueurs de demander l’ouverture de nouveaux pokéstops, depuis supprimé – la société est débor- dée par le succès du jeu. Les ama- teurs de Pokémons qui veulent contribuer à corriger les inégali- tés géographiques devront s’ar- mer de patience : même sur In- gress, il n’est aujourd’hui plus possible de proposer l’ajout de nouveaux portails. p jules grandin, damien leloup et morgane tual d’une ville joue un grand rôle dans la présence de nombreux portails et pokéstops – Paris compte même plusieurs points de con- centration, regroupés dans des parcs et jardins touristiques : le ci- metière du Père-Lachaise, la butte Montmartre, le parc des Buttes- Chaumont, le parc Montsouris, les quais de Seine, le jardin du Luxem- bourg, le parc de la Villette… La répartition des portails et pokéstops ne serait donc pas corré- verse, certains arrondissements populaires de l’est parisien ont une densité importante de por- tails et pokéstops. De même, si la densité de points chute une fois franchi le périphérique parisien, la baisse est comparable dans toute la proche banlieue, que ce soit dans les communes très riches (Puteaux, Hauts-de-Seine) ou dans les plus pauvres (Saint-Denis, Seine-Saint-Denis). En revanche, la proximité du centre historique et les plus populaires à l’est appa- raît nettement sur la carte, tout comme, à Strasbourg, la limite du centre historique et des quartiers populaires du Neuhof et du Neu- dorf. Mais dans le détail, la réparti- tion des points montre aussi que les quartiers les plus riches sont moins bien pourvus que d’autres. A Paris, le 16 e arrondissement, le plus cossu, est quasiment vide de points, tout comme le quartier de la Robertsau à Strasbourg. A l’in- historiques ? Pour tenter de le com- prendre, Le Monde a collecté les données des portails Ingress de plusieurs communes, dont Paris. A première vue, la disposition des portails et pokéstops semble re- couper les lignes de fracture classi- ques de revenus : à Paris comme à Strasbourg, les quartiers pauvres sont nettement moins bien pour- vus en portails et pokéstops. A Paris, la ligne qui sépare les arron- dissements les plus aisés à l’ouest D epuis deux semaines, ils sont partout, ou presque : le nez sur leur téléphone porta- ble, dans les rues, les parcs et les jardins, les joueurs de Pokémon Go, le jeu en réalité augmentée à succès qui permet de chasser les petits « monstres de poche » dans la réalité, ont envahi l’espace pu- blic. Sorti en France le 24 juillet, le jeu développé par Niantic a battu en quelques jours tous les records de téléchargement – le jeu est d’ores et déjà installé sur plus de 100 millions de téléphones. En France, un sondage BVA publié vendredi 5 août indique que 5 % des Français ont installé le jeu. Un chiffre inédit. Mais malgré ce succès popu- laire, et l’agacement perceptible d’une partie du grand public face à ce phénomène commercial, le jeu met aussi en évidence des fractures géographiques, notam- ment dans la répartition des « pokéstops », des emplacements correspondant à des bâtiments ou à des œuvres, où les joueurs trouvent d’indispensables bonus. Ces pokéstops ne sont pas distri- bués de manière égalitaire. Il y en a beaucoup plus en ville qu’à la campagne, et certaines commu- nes ou quartiers en sont large- ment dépourvus. Les communes et quartiers pauvres en disposent souvent moins que les plus ri- ches. A tel point que l’éditeur du jeu, Niantic, a été accusé aux Etats-Unis de contribuer à la sé- grégation sociale. Lignes de fracture classiques Pour comprendre pourquoi ces inégalités territoriales existent dans le jeu, il faut se pencher sur le fonctionnement d’un autre jeu vidéo, Ingress. Egalement déve- loppé par Niantic, c’est le prédéces- seur de Pokémon Go : les joueurs y cherchent des « portails », le plus souvent situés à un endroit « inté- ressant » (statue, fresque urbaine, bâtiment historique…). Le but est de prendre le contrôle de ces por- tails, pour soutenir son équipe. Les portails n’ont pas été choisis par Niantic : l’entreprise s’est ap- puyée sur des bases de données lis- tant des sites ou bâtiments remar- quables, qui ont été complétées, au fil des ans, par les joueurs eux-mê- mes. La localisation des pokéstops de Pokémon Go (et les arènes, où l’on peut affronter d’autres joueurs) est basée en bonne partie sur les portails d’Ingress. Que dit cette répartition des frac- tures sociales, géographiques ou La proximité du centre historique d’une ville joue un grand rôle dans la présence de nombreux « pokéstops » La chasse aux inégalités de Pokémon Go Pour jouer à ce jeu, mieux vaut être citadin que rural et mieux vaut habiter en centre-ville qu’en périphérie (CREUSE) GUÉRET Limites de la ville de Guéret 1 km = un pokéstop Les 7 « pokéstops » de Guéret SOURCES : INGRESS, INSEE Le Rhin ALLEMAGNE FRANCE Limites de la ville de Strasbourg STRASBOURG Robertsau Neuhof = un pokéstop Les 1 483 « pokéstops » de Strasbourg SOURCES : INGRESS, INSEE 1 km Seine SEINE-SAINT- DENIS HAUTS- DE-SEINE VAL-DE- MARNE PARIS = 1 « pokéstop » Les 29 764 « pokéstops » à Paris et sa proche banlieue SOURCES : INGRESS, INSEE - INFOGRAPHIE LE MONDE 1 km A Paris, la police disperse quotidiennement les groupes de migrants La capitale connaît un nouvel afflux de réfugiés. Dans l’attente du futur centre d’accueil, le système est engorgé O rhan Majidi et Hamid Ah- madzai, deux jeunes Afghans, campent tant bien que mal, depuis deux mois, avec une dizaine de leurs compa- triotes, sur la même rampe du par- king de l’immeuble de France terre d’asile, boulevard de la Villette, dans le 19 e arrondissement de Pa- ris. A chaque voiture qui veut en- trer ou sortir, il faut déménager un matelas, des affaires… Etudiant, arrivé par la Turquie, Orhan ne veut pas s’éloigner, fût-ce de quelques mètres, du local de l’association qui lui a donné rendez-vous le 17 août pour lui fournir le précieux récépissé de dé- pôt d’une demande d’asile qui lui ouvrira probablement les portes d’un centre d’accueil. Hamid, lui, attendra dix jours de plus. A deux pas, près du bassin de la Villette, et de l’autre côté, rue Pajol, ce sont de petits groupes de Soudanais, Erythréens, Ethiopiens qui vien- nent compléter cette cartographie de l’exil du monde vers Paris. Les conditions sont précaires, sans toi- lettes, autour d’un point d’eau uni- que, et les migrants sont condam- nés à l’errance. Presque chaque jour, vers midi, la police les déloge, les emmène au commissariat pour identification et, parfois, déli- vre des obligations de quitter le territoire, avant même qu’ils aient pu formuler une demande d’asile. « Chasse à l’homme » Ce qui a changé, depuis juillet, c’est que les évacuations ne s’accompa- gnent plus de propositions d’hé- bergement : « Face à eux, les mi- grants n’ont plus que des policiers », constate Loïc Horellou, riverain et bénévole dans un collectif de sou- tien protéiforme qui prodigue re- pas, couvertures et tentes, et aide dans les démarches administrati- ves. Les forces de l’ordre ont, en ef- fet, pour mission de prévenir toute formation de nouveau regroupe- ment. Les pouvoirs publics n’igno- rent pas que la route venant de Li- bye via l’Italie jusqu’à Paris est très empruntée, comme en témoigne la tension à la frontière de Vinti- mille et Menton (Alpes-Mariti- mes), que, vendredi 5 août, à l’issue d’une manifestation, 140 mi- grants ont tenté de franchir : « C’était la chasse à l’homme dans les rues de Menton », témoigne Martine Landry, militante locale d’Amnesty International. « Entre 50 et 60 personnes arri- vent chaque jour à Paris, les ras- semblements se forment très vite et il n’est pas question, pour la ville, de revivre le scénario de l’été 2015, avec ses campements indignes », plaide Dominique Versini, adjointe à la maire de Paris chargée, notam- ment, de la solidarité. Depuis août 2015, la préfecture de la ré- gion Ile-de-France – l’accueil des migrants est une compétence d’Etat – a démantelé 26 campe- ments et mis à l’abri près de 15 000 personnes, un véritable tour de force, apprécié des mi- grants puisque seulement 80 d’entre eux en sont partis. La rumeur d’une évacuation, qui signifiait jusqu’à récemment la promesse d’un toit, attire les candidats : « Lors de la dernière mise à l’abri, le 22 juillet, nous avi- ons, la veille, recensé 1 500 person- nes et trouvé, avec beaucoup de difficultés, autant de places, mais ce sont 2 600 personnes que nous avons découvertes le matin », ra- conte Sophie Brocas, préfète de Paris, qui s’avoue à court de lits et a dû, en toute hâte, réquisitionner cinq gymnases. La préfecture cherche des solutions pérennes : entre 80 et 100 migrants partent, chaque semaine, vers des héber- gements en province. En 2016, 5 000 nouvelles places d’accueil temporaire ont été créées, dont 2 000 en Ile-de-France, et 216 millions d’euros ont été dé- bloqués. « L’Etat fait des efforts, mais notre système est engorgé et absurde tant qu’il n’y a pas de soli- darité entre villes. Bien accueillir 15 000 réfugiés par an est pourtant à notre portée, estime Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile, mais il faut des centres d’accueil dans une trentaine de grandes villes, après un recense- ment et une identification indispen- sables. » « Notre projet d’ouvrir, fin septembre, un lieu humanitaire de premier accueil, à Paris, est en mar- che, avec l’accord de l’Etat, mais, suggère M me Versini, il en faut d’autres, partout en France. » p isabelle rey-lefebvre Ce qui a changé, depuis juillet, c’est que les évacuations ne s’accompagnent plus de propositions d’hébergement 12)0%$" )0- 3*2+-’.6,- / Editions Amalthée 2 rue Crucy - 44005 Nantes cedex 1 Tél. 02 40 75 60 78 (((5$&6,602-#*3*4,!$$5’03 Vous éCriVEz ? ("$!"($!"+& #" &%*)$’*( ’*!$*#" .,%-&!0" !!" *#/&/)+’ !!" *#/&/)+’ .,%-&!0"

MARDI 9 AOÛT 2016 La chasse aux inégalités de Pokémon Go · PDF fileLa chasse aux inégalités de Pokémon Go Pour jouer à ce jeu, mieux vaut être citadin que rural et mieux

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Page 1: MARDI 9 AOÛT 2016 La chasse aux inégalités de Pokémon Go · PDF fileLa chasse aux inégalités de Pokémon Go Pour jouer à ce jeu, mieux vaut être citadin que rural et mieux

8 | france MARDI 9 AOÛT 2016

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lée à la richesse d’une zone, mais à sa « richesse » en monuments his-toriques ? Logique – la carte d’In-gress se base aussi sur une liste de monuments et autres points d’in-térêt –, cette supposition reste à tempérer, en fonction de l’échelle de l’analyse. A l’échelle de la France,il est certain que plus une zone est urbanisée et riche, plus elle est dotée en portails et pokéstops.

Villes isolées désavantagées

Difficile de chasser le Pokémon dans un parc naturel régional ou au beau milieu d’un openfield de la Champagne crayeuse. Pourmaximiser la rencontre d’unpokéstop, il faudra préférer leszones urbaines, et encore, ces der-nières ne sont pas toutes égales – les villes plus isolées sont aussidésavantagées. L’analyse de la carte de Guéret, le chef-lieu de la Creuse où vivent 13 000 habitants,est rapide : le centre-ville ne compte que… huit pokéstops.

Ces disparités peuvent être liéesà de multiples facteurs, démogra-phiques – plus la population d’uneville est âgée, moins elle comptait,statistiquement, de joueurs d’In-gress – ou techniques – difficile dejouer à Ingress sans une bonne couverture de téléphonie mobile. Mais les villages et les villes isolés restent désavantagés dans quasi-ment tous les cas, ce qui rend l’ex-périence du jeu très désagréable pour leurs habitants.

Niantic, le concepteur de Poké-mon Go, est bien conscient duproblème. L’entreprise avaitd’ailleurs mis en ligne, mi-juillet, un formulaire permettant aux joueurs de demander l’ouverturede nouveaux pokéstops, depuis supprimé – la société est débor-dée par le succès du jeu. Les ama-teurs de Pokémons qui veulent contribuer à corriger les inégali-tés géographiques devront s’ar-mer de patience : même sur In-gress, il n’est aujourd’hui plus possible de proposer l’ajout de nouveaux portails. p

jules grandin, damien leloup

et morgane tual

d’une ville joue un grand rôle dansla présence de nombreux portails et pokéstops – Paris compte même plusieurs points de con-centration, regroupés dans des parcs et jardins touristiques : le ci-metière du Père-Lachaise, la butte Montmartre, le parc des Buttes-Chaumont, le parc Montsouris, lesquais de Seine, le jardin du Luxem-bourg, le parc de la Villette…

La répartition des portails etpokéstops ne serait donc pas corré-

verse, certains arrondissements populaires de l’est parisien ont une densité importante de por-tails et pokéstops. De même, si la densité de points chute une fois franchi le périphérique parisien, labaisse est comparable dans toute la proche banlieue, que ce soit dans les communes très riches (Puteaux, Hauts-de-Seine) ou dans les plus pauvres (Saint-Denis,Seine-Saint-Denis). En revanche, laproximité du centre historique

et les plus populaires à l’est appa-raît nettement sur la carte, tout comme, à Strasbourg, la limite du centre historique et des quartiers populaires du Neuhof et du Neu-dorf. Mais dans le détail, la réparti-tion des points montre aussi que les quartiers les plus riches sont moins bien pourvus que d’autres.

A Paris, le 16e arrondissement, leplus cossu, est quasiment vide de points, tout comme le quartier de la Robertsau à Strasbourg. A l’in-

historiques ? Pour tenter de le com-prendre, Le Monde a collecté les données des portails Ingress de plusieurs communes, dont Paris. A première vue, la disposition des portails et pokéstops semble re-couper les lignes de fracture classi-ques de revenus : à Paris comme à Strasbourg, les quartiers pauvres sont nettement moins bien pour-vus en portails et pokéstops. A Paris, la ligne qui sépare les arron-dissements les plus aisés à l’ouest

Depuis deux semaines,ils sont partout, oupresque : le nez surleur téléphone porta-

ble, dans les rues, les parcs et les jardins, les joueurs de Pokémon Go, le jeu en réalité augmentée à succès qui permet de chasser les petits « monstres de poche » dans la réalité, ont envahi l’espace pu-blic. Sorti en France le 24 juillet, le jeu développé par Niantic a battu en quelques jours tous les records de téléchargement – le jeu est d’ores et déjà installé sur plus de 100 millions de téléphones. En France, un sondage BVA publié vendredi 5 août indique que 5 % des Français ont installé le jeu. Un chiffre inédit.

Mais malgré ce succès popu-laire, et l’agacement perceptibled’une partie du grand public faceà ce phénomène commercial, lejeu met aussi en évidence desfractures géographiques, notam-ment dans la répartition des « pokéstops », des emplacementscorrespondant à des bâtimentsou à des œuvres, où les joueurs trouvent d’indispensables bonus. Ces pokéstops ne sont pas distri-bués de manière égalitaire. Il y en a beaucoup plus en ville qu’à la campagne, et certaines commu-nes ou quartiers en sont large-ment dépourvus. Les communes et quartiers pauvres en disposent souvent moins que les plus ri-ches. A tel point que l’éditeur dujeu, Niantic, a été accusé auxEtats-Unis de contribuer à la sé-grégation sociale.

Lignes de fracture classiques

Pour comprendre pourquoi ces inégalités territoriales existent dans le jeu, il faut se pencher sur lefonctionnement d’un autre jeu vidéo, Ingress. Egalement déve-loppé par Niantic, c’est le prédéces-seur de Pokémon Go : les joueurs ycherchent des « portails », le plus souvent situés à un endroit « inté-ressant » (statue, fresque urbaine, bâtiment historique…). Le but est de prendre le contrôle de ces por-tails, pour soutenir son équipe.

Les portails n’ont pas été choisispar Niantic : l’entreprise s’est ap-puyée sur des bases de données lis-tant des sites ou bâtiments remar-quables, qui ont été complétées, aufil des ans, par les joueurs eux-mê-mes. La localisation des pokéstops de Pokémon Go (et les arènes, où l’on peut affronter d’autres joueurs) est basée en bonne partie sur les portails d’Ingress.

Que dit cette répartition des frac-tures sociales, géographiques ou

La proximité du

centre historique

d’une ville joue

un grand rôle

dans la présence

de nombreux

« pokéstops »

La chasse aux inégalités de Pokémon GoPour jouer à ce jeu, mieux vaut être citadin que rural et mieux vaut habiter en centre-ville qu’en périphérie

(CREUSE)

GUÉRET

Limitesde la villede Guéret

1 km

= un pokéstopLes 7 « pokéstops »de Guéret

SOURCES : INGRESS, INSEE

Le

Rh

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ALLEMAGNE

FRANCE

Limitesde la ville

de Strasbourg

STRASBOURG

Robertsau

Neuhof

= un pokéstopLes 1 483 « pokéstops »de Strasbourg

SOURCES : INGRESS, INSEE1 km

Seine

S E I N E - S A I N T-

D E N I SH A U TS -

D E - S E I N E

V A L - D E -

M A R N E

PA R I S

= 1 « pokéstop »Les 29 764 « pokéstops »à Paris et sa proche banlieue

SOURCES : INGRESS, INSEE - INFOGRAPHIE LE MONDE1 km

A Paris, la police disperse quotidiennement les groupes de migrantsLa capitale connaît un nouvel afflux de réfugiés. Dans l’attente du futur centre d’accueil, le système est engorgé

O rhan Majidi et Hamid Ah-madzai, deux jeunesAfghans, campent tant

bien que mal, depuis deux mois, avec une dizaine de leurs compa-triotes, sur la même rampe du par-king de l’immeuble de France terred’asile, boulevard de la Villette, dans le 19e arrondissement de Pa-ris. A chaque voiture qui veut en-trer ou sortir, il faut déménager unmatelas, des affaires…

Etudiant, arrivé par la Turquie,Orhan ne veut pas s’éloigner, fût-ce de quelques mètres, du localde l’association qui lui a donné rendez-vous le 17 août pour lui fournir le précieux récépissé de dé-pôt d’une demande d’asile qui lui ouvrira probablement les portes d’un centre d’accueil. Hamid, lui, attendra dix jours de plus. A deux pas, près du bassin de la Villette, et de l’autre côté, rue Pajol, ce sont depetits groupes de Soudanais, Erythréens, Ethiopiens qui vien-

nent compléter cette cartographie de l’exil du monde vers Paris. Les conditions sont précaires, sans toi-lettes, autour d’un point d’eau uni-que, et les migrants sont condam-nés à l’errance. Presque chaque jour, vers midi, la police les déloge, les emmène au commissariat pour identification et, parfois, déli-vre des obligations de quitter le territoire, avant même qu’ils aient pu formuler une demande d’asile.

« Chasse à l’homme »

Ce qui a changé, depuis juillet, c’estque les évacuations ne s’accompa-gnent plus de propositions d’hé-bergement : « Face à eux, les mi-grants n’ont plus que des policiers »,constate Loïc Horellou, riverain et bénévole dans un collectif de sou-tien protéiforme qui prodigue re-pas, couvertures et tentes, et aide dans les démarches administrati-ves. Les forces de l’ordre ont, en ef-fet, pour mission de prévenir toute

formation de nouveau regroupe-ment. Les pouvoirs publics n’igno-rent pas que la route venant de Li-bye via l’Italie jusqu’à Paris est trèsempruntée, comme en témoigne la tension à la frontière de Vinti-mille et Menton (Alpes-Mariti-mes), que, vendredi 5 août, à l’issued’une manifestation, 140 mi-grants ont tenté de franchir : « C’était la chasse à l’homme dans les rues de Menton », témoigne Martine Landry, militante locale d’Amnesty International.

« Entre 50 et 60 personnes arri-vent chaque jour à Paris, les ras-semblements se forment très vite etil n’est pas question, pour la ville, derevivre le scénario de l’été 2015, avecses campements indignes », plaide Dominique Versini, adjointe à la maire de Paris chargée, notam-ment, de la solidarité. Depuis août 2015, la préfecture de la ré-gion Ile-de-France – l’accueil des migrants est une compétence

d’Etat – a démantelé 26 campe-ments et mis à l’abri près de 15 000 personnes, un véritabletour de force, apprécié des mi-grants puisque seulement80 d’entre eux en sont partis.

La rumeur d’une évacuation,qui signifiait jusqu’à récemment la promesse d’un toit, attire les candidats : « Lors de la dernière mise à l’abri, le 22 juillet, nous avi-ons, la veille, recensé 1 500 person-

nes et trouvé, avec beaucoup de difficultés, autant de places, maisce sont 2 600 personnes que nous avons découvertes le matin », ra-conte Sophie Brocas, préfète de Paris, qui s’avoue à court de lits et a dû, en toute hâte, réquisitionnercinq gymnases. La préfecture cherche des solutions pérennes :entre 80 et 100 migrants partent, chaque semaine, vers des héber-gements en province.

En 2016, 5 000 nouvelles placesd’accueil temporaire ont été créées, dont 2 000 en Ile-de-France,et 216 millions d’euros ont été dé-bloqués. « L’Etat fait des efforts, mais notre système est engorgé et absurde tant qu’il n’y a pas de soli-darité entre villes. Bien accueillir 15 000 réfugiés par an est pourtant à notre portée, estime Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile, mais il faut des centresd’accueil dans une trentaine de grandes villes, après un recense-

ment et une identification indispen-sables. » « Notre projet d’ouvrir, fin septembre, un lieu humanitaire de premier accueil, à Paris, est en mar-che, avec l’accord de l’Etat, mais, suggère Mme Versini, il en faut d’autres, partout en France. » p

isabelle rey-lefebvre

Ce qui a changé,

depuis juillet,

c’est que

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