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Reference
Multiples modèles attentionnels et capture contingente
DUMAS, Tiffany Nathalie
Abstract
Alors que certains auteurs suggéraient qu’un seul élément à la fois pouvait agir comme
modèle attentionnel et guider l’attention visuelle, Irons, Folk et Remington (2012) ont
démontré que l’attention pouvait être guidée par deux modèles attentionnels maintenus en
mémoire. Comme la mémoire de travail visuelle a une capacité maximale de 3-4 éléments,
nous avons testé s’il était effectivement possible de maintenir deux modèles attentionnels à la
fois, mais également jusqu’à trois, avec un paradigme de capture contingente. Selon nos
résultats, les participants ne semblaient pas capables de maintenir plus d’un modèle
attentionnel pour guider leur recherche visuelle, contrairement à notre hypothèse et à ce
qu’avaient trouvé Irons et al. (2012). Cette différence de résultats pourrait s’expliquer par
l’utilisation de couleurs plus proches, donc plus difficiles à différencier. En conclusion, on
pourrait rechercher plusieurs couleurs et donc maintenir plusieurs modèles attentionnels à la
fois, mais que si elles sont assez distinctes.
DUMAS, Tiffany Nathalie. Multiples modèles attentionnels et capture contingente.
Master : Univ. Genève, 2019
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:123689
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
MULTIPLES MODÈLES ATTENTIONNELS ET CAPTURE CONTINGENTE
Plan d’études
PSYCHOLOGIE CLINIQUE INTEGRATIVE
PSYCHOLOGIE COGNITIVE
PAR
Tiffany Dumas Directeur du mémoire Dirk Kerzel Jury Dirk Kerzel Roland Maurer Nicolas Burra
Genève, août 2019
Université de Genève Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation
Section de psychologie
2
RÉSUMÉ
Alors que certains auteurs suggéraient qu’un seul élément à la fois pouvait agir comme
modèle attentionnel et guider l’attention visuelle, Irons, Folk et Remington (2012) ont démontré
que l’attention pouvait être guidée par deux modèles attentionnels maintenus en mémoire.
Comme la mémoire de travail visuelle a une capacité maximale de 3-4 éléments, nous avons
testé s’il était effectivement possible de maintenir deux modèles attentionnels à la fois, mais
également jusqu’à trois, avec un paradigme de capture contingente.
Selon nos résultats, les participants ne semblaient pas capables de maintenir plus d’un
modèle attentionnel pour guider leur recherche visuelle, contrairement à notre hypothèse et à
ce qu’avaient trouvé Irons et al. (2012). Cette différence de résultats pourrait s’expliquer par
l’utilisation de couleurs plus proches, donc plus difficiles à différencier. En conclusion, on
pourrait rechercher plusieurs couleurs et donc maintenir plusieurs modèles attentionnels à la
fois, mais que si elles sont assez distinctes.
3
Déclaration sur l’honneur Je déclare que les conditions de réalisation de ce travail de mémoire respectent la charte d’éthique et de déontologie de l’Université de Genève. Je suis bien l’auteur-e de ce texte et atteste que toute affirmation qu’il contient et qui n’est pas le fruit de ma réflexion personnelle est attribuée à sa source ; tout passage recopié d’une autre source est en outre placé entre guillemets. Genève, le 12 août 2019 Prénom, Nom Tiffany Dumas Signature :
4
Remerciements
Je souhaite avant tout remercier toutes les personnes qui m’ont accompagnée, aidée
et conseillée au cours de ce travail de mémoire.
Je tiens particulièrement à remercier le Professeur Dirk Kerzel pour sa disponibilité et
sa supervision à chaque étape de ce travail. Merci pour votre aide et vos conseils qui ont été
précieux afin de mener ce travail à terme.
Je remercie également le Professeur Roland Maurer et Nicolas Burra qui ont accepté
de faire partie du jury lors de ma soutenance.
Je suis également reconnaissante envers tous les étudiants qui ont participé à
l’expérience et sans qui cette recherche n’aurait pas été possible.
Finalement, je souhaite exprimer ma gratitude envers ma famille et mes amis qui m’ont
soutenue et apporté leur soutien moral tout au long de ce travail.
5
1. Préambule .................................................................................................... 7
2. Introduction ................................................................................................. 7
2.1 L’attention visuelle et la mémoire de travail visuelle .................................... 7
2.2 Théories de l’attention visuelle ....................................................................... 8 2.2.1 La théorie de la concurrence biaisée ........................................................................ 8 2.2.2 Autres théories de l’attention visuelle ........................................................................ 9
2.3 La capture attentionnelle ............................................................................... 10 2.3.1 Capture attentionnelle automatique ........................................................................ 10 2.3.2 Capture attentionnelle flexible ................................................................................. 12
2.4 Facteurs influençant la capture attentionnelle ............................................ 15 2.4.1 Cibles fixes vs. cibles changeantes ........................................................................ 16
2.5 Différents états des objets en mémoire de travail visuelle ......................... 17
2.6 Multiples modèles attentionnels ................................................................... 18 2.6.1 Preuves comportementales .................................................................................... 18 2.6.2 Mesure des mouvements oculaires ........................................................................ 22 2.6.3 La N2pc ................................................................................................................... 22
2.7 Objectif et hypothèse de recherche .............................................................. 24 2.7.1 Objectifs .................................................................................................................. 24 2.7.2 Hypothèse de recherche ......................................................................................... 25
3. Méthode ..................................................................................................... 25
3.1 Participants ..................................................................................................... 25
3.2 Matériel ............................................................................................................ 26
3.3 Stimuli .............................................................................................................. 26
3.4 Design expérimental ....................................................................................... 26
3.5 Procédure ........................................................................................................ 28
3.6 Hypothèse opérationnelle .............................................................................. 29
4. Résultats .................................................................................................... 31
4.1 Résultats principaux ...................................................................................... 31
4.2 Analyse des erreurs ....................................................................................... 33
5. Discussion ................................................................................................. 35
5.1 Interprétation des résultats ........................................................................... 35
6
5.2 Hypothèses explicatives ................................................................................ 36 5.2.1 Recherche de singleton vs. recherche de caractéristiques ..................................... 36 5.2.2 Mémoire à long terme vs. mémoire de travail ......................................................... 37 5.2.3 Différences de couleurs .......................................................................................... 38
5.3 Limites ............................................................................................................. 42
5.4 Contributions et perspectives futures .......................................................... 42
Conclusion .................................................................................................... 43
Bibliographie ................................................................................................. 44
Annexes ......................................................................................................... 48
Annexe I : Résultats des analyses des temps de réaction ............................... 48 ANOVA à mesures répétées ............................................................................................ 48 Tests T ............................................................................................................................. 52
Annexe II : Résultats des analyses des taux d’erreurs ..................................... 54 ANOVA à mesures répétées ............................................................................................ 54 Tests T ............................................................................................................................. 58
Annexe III : Feuille de consentement .................................................................. 59
7
1. Préambule
La question à la base de ce travail concernait la nature du lien entre la mémoire de
travail et l’attention visuelle. A quel point le contenu de la mémoire de travail peut-il influencer
notre attention visuelle ? Est-ce qu’il influence même automatiquement notre recherche
visuelle ? Par exemple, si l’on a l'intention d'acheter des raisins verts, la couleur "vert" sera
stockée en mémoire de travail, et quand nous passerons par le rayon des pommes, notre
attention sera-t-elle capturée par des pommes vertes, plutôt que par des pommes rouges,
même si nous n'avons pas l'intention d'acheter des pommes ?
En s’intéressant à cette thématique, on se rend compte que la nature de ce lien entre
mémoire de travail et attention visuelle n’est pas claire, et que la littérature n’est pas unanime
à ce sujet.
2. Introduction
2.1 L’attention visuelle et la mémoire de travail visuelle
Plusieurs raisons nous mènent à nous questionner sur le lien pouvant exister entre ces
deux concepts. Tout d’abord, on peut définir l’attention visuelle comme le mécanisme qui nous
permet de sélectionner les informations visuelles pertinentes pour nos buts actuels et de
supprimer celles qui ne sont pas pertinentes, et la mémoire de travail visuelle comme étant le
mécanisme nous permettant de retenir activement l’information visuelle pertinente et de
prévenir l’interférence des informations non pertinentes. On remarque que leurs définitions
sont semblables : les deux concepts traitent de manière sélective certaines représentations
visuelles prioritairement aux autres, la différence étant que dans le cas de la mémoire de travail
le stimulus est absent (Olivers, Meijer, & Theeuwes, 2006). De plus, il existerait un
chevauchement entre les régions du cerveau qui s’activent pour l’attention et celles qui
s’activent pour la mémoire de travail (LaBar, Gitelman, Parrish, & Mesulam, 1999). Ces
observations ont mené à l’hypothèse que ces deux concepts pourraient refléter une seule
fonction générale s’occupant d’un même type de contenu (Olivers et al., 2006). Mais ce qui
nous questionne principalement à propos du lien existant entre la mémoire de travail et
l’attention visuelle, c’est l’influence que l’une pourrait avoir sur l’autre.
Chaque jour, nous sommes confrontés à une multitude d’informations visuelles qui
nous entourent mais nous ne faisons pas attention à chacune d’entre elles. L’allocation de
notre attention peut être volontaire, mais peut aussi être involontaire. Les déplacements
d’attention volontaires sont appelés « top-down » et dépendent de nos buts, alors que les
captures involontaires de l’attention semblent être « bottom-up », c’est-à-dire que c’est le
8
stimulus lui-même, de par ses propriétés physiques saillantes, qui attire notre attention. Mais
certaines études ont suggéré que les captures involontaires ne sont pas toujours bottom-up,
et peuvent en réalité être parfois de nature top-down (Irons, Folk, & Remington, 2012). En
effet, on utiliserait les représentations maintenues en mémoire de travail pour contrôler notre
système perceptif, en biaisant l’allocation de notre attention vers des objets qui sont pertinents
par rapport à nos buts actuels (Woodman & Luck, 2007).
2.2 Théories de l’attention visuelle
2.2.1 La théorie de la concurrence biaisée
En 1995, Desimone et Duncan proposent une théorie du contrôle attentionnel afin
d’expliquer l’interaction entre les facteurs top-down en mémoire de travail et les facteurs
sensoriels bottom-up dans le contrôle de l’attention. Tout d’abord, comme ils l’ont démontré,
la division de l’attention entre deux objets, par exemple dans une expérience simple où l’on
présente dans le champ visuel deux objets desquels les participants doivent identifier certaines
propriétés et donner des réponses séparées, entraine une moins bonne performance par
rapport à la focalisation de l’attention sur un seul sujet, et ce autant pour des propriétés
simples, telle que la taille ou l’orientation, que pour des propriétés plus complexes, comme la
forme (Desimone & Duncan, 1995). Cette limitation semble se produire à l’entrée du stimulus,
et non pas pendant le stockage ou lors de la réponse. En effet, l’interférence liée au traitement
de deux objets en simultané disparaît si l’on présente les deux objets l’un après l’autre, et ce
même si les deux réponses doivent être mémorisées et données ensemble à la fin de l’essai.
Ainsi, selon Desimone et Duncan (1995), les différents objets de l’input visuel sont en
concurrence pour être traités par le système visuel, dont la capacité de traitement est limitée.
Cette compétition est biaisée en partie par des mécanismes bottom-up liés à la saillance de
l’objet (la façon dont il est séparé du fond), mais aussi en partie en faveur de l’information qui
est pertinente pour le comportement actuel (mécanismes top-down). Si l’on doit sélectionner
un objet parmi plusieurs en compétition dans notre champ visuel, on va préactiver une
représentation de la cible à partir de notre mémoire de travail. Ainsi, une fois que les objets
apparaitront, l’objet cible aura un avantage dans la compétition pour l’attention sélective, parce
que ses caractéristiques ont déjà été activées par la représentation en mémoire de travail. Ce
modèle pourrait prédire une capture attentionnelle automatique par la mémoire de travail : si
la mémorisation visuelle d’un élément implique inévitablement l’activation de ses
caractéristiques perceptives, cela devrait avantager automatiquement les objets du champ
visuel qui comportent ces caractéristiques (Olivers et al., 2006).
On peut mettre en lien cette théorie avec ce qu’ont étudié pour leur part Chelazzi, Miller,
Duncan et Desimone (1993). Ils ont étudié l’activité du cortex inféro-temporal grâce à
9
l’enregistrement unitaire de cellule chez des singes pendant une tâche de recherche visuelle.
Ils ont démontré que les neurones qui répondaient à la présentation initiale de la cible
maintenaient une activité neuronale accrue pendant l'intervalle de rétention, ce qui semble
refléter le maintien de la cible dans la mémoire de travail. Lorsque la cible était ensuite
présente dans l’affichage de recherche, ces neurones étaient déjà dans un état plus actif que
les autres neurones, ce qui leur donnait un avantage concurrentiel. Par conséquent, les
neurones déjà actifs qui réagissaient à l'élément cible répondaient fortement, tandis que les
neurones qui réagissaient aux éléments non cibles étaient supprimés. De cette manière, la
théorie de la concurrence biaisée propose que les inputs sensoriels reçoivent un avantage
concurrentiel lorsqu'ils correspondent à des représentations qui sont actuellement actives
dans la mémoire de travail (Woodman & Luck, 2007).
2.2.2 Autres théories de l’attention visuelle
Une relation similaire entre la mémoire de travail et l'attention est suggérée dans
plusieurs autres théories. La plupart des théories globales de l'attention proposent que
l'observateur utilise les caractéristiques de la cible recherchée pour biaiser l’allocation de
l'attention vers les stimuli entrants.
Par exemple, dans la théorie de l’engagement attentionnel de Duncan et Humphreys
(1989), il est suggéré que la sélection attentionnelle dépend du degré auquel une
représentation perceptive correspond au modèle de la cible qui est maintenu en mémoire. Par
ailleurs, selon le modèle de capture contingente involontaire de l’attention proposé par Folk,
Remington et Johnston (1992), on utiliserait nos buts, ou les buts de la tâche, pour créer des
paramètres de contrôle attentionnel ajustés par rapport aux propriétés pertinentes de la cible
recherchée. Leur rôle serait de s’assurer que l’attention est accordée aux objets qui peuvent
avoir de l’importance pour la tâche qui est en cours, et les stimuli qui correspondent à ces
paramètres de contrôle attentionnels attireraient alors automatiquement l’attention. La capture
de l’attention dépend donc des objectifs de l’observateur (Irons et al., 2012).
Ainsi, toutes ces théories proposent que la priorité attentionnelle d'une entrée
sensorielle est automatiquement déterminée par sa correspondance avec un ensemble de
propriétés définies par la cible. Si ces propriétés sont stockées dans la mémoire de travail,
alors ces théories prédisent que les entrées sensorielles qui correspondent au contenu de la
mémoire de travail provoqueront une allocation involontaire de l'attention (Woodman & Luck,
2007). Les représentations stockées en mémoire de travail jouent donc un rôle clé dans le
contrôle de l’attention en permettant le déplacement de l’attention vers les objets pertinents
pour nos buts actuels (Beck, Hollingworth, & Luck, 2012). La question qui se pose est alors de
savoir si cette capture de l’attention par la mémoire de travail est automatique.
10
2.3 La capture attentionnelle
2.3.1 Capture attentionnelle automatique
Plusieurs études ont eu pour but de tester si la capture attentionnelle par le contenu de
la mémoire de travail visuelle était automatique. Tout d’abord, Olivers, Meijer et Theeuwes
(2006) avaient pour hypothèse que l’attention visuelle et la mémoire de travail visuelle
partageaient les mêmes processus, donc que le contenu de la mémoire de travail devait
interférer avec la recherche visuelle en dirigeant automatiquement l’attention vers les stimuli
correspondants au contenu de la mémoire de travail. Leur paradigme de base, comme illustré
sur la Figure 1, était le suivant : les participants devaient tout d’abord mémoriser un élément
(couleur ou forme) avant la tâche de recherche visuelle, dans laquelle il y avait, lors de certains
essais, un distracteur de type singleton (qui saute aux yeux car il est l’unique élément coloré
ou de forme différente parmi les autres). Ce distracteur pouvait être soit lié à l’élément
mémorisé (couleur/forme semblable), soit non lié (couleur/forme différente). La tâche des
participants était de retrouver la cible, qui était d’une forme différente des autres éléments, et
de rapporter la lettre qu’elle contenait. A la fin de chaque essai, il y avait un test de mémoire
lors duquel il fallait rapporter la couleur ou la forme mémorisée au départ. Ce paradigme
subissait quelques modifications selon les différentes expériences, mais le principe de
recherche de singleton accompagnée d’une tâche de mémoire restait toujours le même.
L’hypothèse principale était que si la mémoire de travail active des représentations qui sont
partagées avec l’attention, on devrait trouver plus d’interférence (temps de réaction plus lent)
lorsque le distracteur est semblable à l’objet à mémoriser que lorsqu’ils ne sont pas liés. Ils
ont conduit sept expériences qui ont permis de démontrer plusieurs faits différents. Tout
d’abord, la charge de la mémoire de travail entraine une interférence de la part de distracteurs
singleton dans une tâche de recherche visuelle par rapport à une tâche de recherche visuelle
seule sans la présence d’une tâche de mémoire l’accompagnant. Cette interférence est accrue
lorsque le distracteur est identique ou lié au contenu de la mémoire de travail, ce qui signifie
que la mémoire de travail visuelle et l’attention visuelle partagent les représentations des
stimuli pertinents pour la tâche. Par contre, ils n’ont trouvé cette interférence liée au contenu
de la mémoire de travail que lorsque les participants étaient encouragés à utiliser un type de
mémoire plus visuel (en rendant le contenu de la mémoire difficile à verbaliser) plutôt qu’un
encodage verbal. Par ailleurs, seuls les éléments qui sont activement maintenus en mémoire
attirent l’attention visuelle : les éléments qui ne sont plus pertinents peuvent être supprimés
de façon sélective de la mémoire de travail et n’entrainent donc pas d’interférence. Finalement,
ils ont déterminé que l’augmentation des effets d’interférence est due au fait que les
mouvements oculaires sont plus fréquemment dirigés vers le distracteur lié à la mémoire, et
non pas en raison de fixations plus longues. En résumé, ce qui ressort de leurs résultats, c’est
11
une capture de l’attention par la mémoire de travail sur la base des représentations spécifiques
à son contenu.
Ces résultats ont confirmé et élargi d’autres constatations précédentes à ce sujet.
D’autres études, telles que celle de Farah (1989) ou de Downing (2000) avaient déjà suggéré
une interaction basée sur le contenu entre la mémoire de travail et l’attention visuelle, mais
aucune ne permettait de conclure à une automaticité de cette interaction, car dans leurs
tâches, l’attention portée au stimulus correspondant n’était pas néfaste pour la tâche. Les
participants pouvaient donc s’être volontairement intéressés à l’objet qui leur avait été
demandé d’imaginer ou dont ils devaient se souvenir, car ils pensaient que cela pourrait les
aider dans cette tâche. Le fait de déployer son attention sur l’objet en question afin de se
rafraichir la mémoire est appelé rééchantillonnage perceptif stratégique (Woodman & Luck,
2007), et dans ce cas la tâche peut amener une allocation volontaire plutôt qu’automatique de
l’attention. Dans l’expérience d’Olivers et al. (2006), afin d’éviter que les participants n’utilisent
le distracteur semblable pour rafraîchir leur mémoire de l’objet à mémoriser, le distracteur
semblable n’était jamais totalement identique à cet objet.
Figure 1 : Exemple de la séquence d’un essai dans le paradigme de base d’Olivers et al. (2006). Les différents
patterns correspondent à différentes couleurs.
Par ailleurs, bien que Pashler et Shiu (1999) avaient fourni une solide base pour la
capture attentionnelle automatique, ce n’était pas une preuve du rôle de la mémoire de travail
visuelle dans cette capture, car dans leur étude, la capture pouvait avoir été causée par
l’amorçage plutôt que par la mémoire. En effet, l’activation, même brève, d’une image peut
suffire à induire la priorisation d’un objet qui y correspond. Ainsi, pour contrôler l’effet
12
d’amorçage, Olivers et al. (2006) ont utilisé une condition dans laquelle les participants ne
devaient pas mémoriser l’objet, mais uniquement le regarder. Ainsi, comme ils ont trouvé une
capture uniquement dans la condition mémoire et pas dans la condition d’observation, cela
prouve que ce n’est pas un effet d’amorçage qui induit la capture attentionnelle. Ils ont ainsi
fourni une nouvelle preuve de la capture attentionnelle par la mémoire de travail tout en évitant
les interprétations alternatives précédemment apportées.
2.3.2 Capture attentionnelle flexible
Pourtant, Woodman et Luck, en 2007, ont pour leur part démontré le contraire. Leur
but était de tester si l’influence de la mémoire de travail sur l’attention visuelle était
effectivement automatique et rigide, comme l’avaient démontré Olivers et al. (2006), ou si elle
était contrôlée et flexible. Afin d’éviter une allocation volontaire de l’attention, il fallait éliminer
toute motivation pour les participants à porter leur attention sur le stimulus. Les participants
étaient donc encouragés à ne pas prêter attention aux éléments qui correspondaient à
l’information stockée en mémoire de travail, car les éléments correspondants n’étaient jamais
les cibles dans la tâche de recherche. Woodman et Luck (2007) avaient pour hypothèse que
si l’attention est capturée automatiquement par les objets qui correspondent au contenu de la
mémoire de travail, ces objets devraient capturer l’attention même s’ils ne sont jamais les
cibles. Par contre, si l’attention est déployée de façon stratégique, les objets correspondants
ne devraient pas capturer l’attention des participants. Leur paradigme expérimental était
quelque peu différent de celui d’Olivers et al. (2006). Comme illustré sur la Figure 2, les
participants devaient tout d’abord mémoriser un carré coloré présenté au centre de l’écran,
puis l’écran de recherche apparaissait, dans lequel il y avait six éléments de couleurs
différentes. Leur tâche était de retrouver la cible selon sa forme, différente des autres
éléments. A la fin de chaque essai, il y avait un test de mémoire dans lequel un carré coloré
était présenté et les participants avaient pour tâche de dire si c’était la même couleur qu’ils
avaient eu à mémoriser au départ, ou une couleur différente. Dans ce paradigme, la couleur
n’est pas pertinente pour la tâche de recherche, d’autant plus que la cible n’était jamais de la
même couleur que celle mémorisée. Dans la moitié des essais, un des distracteurs était de la
même couleur que celle retenue en mémoire, et dans l’autre moitié des essais, aucun
distracteur ne portait cette même couleur. Ainsi, si l’attention est automatiquement biaisée vers
les objets qui correspondent au contenu de la mémoire de travail visuelle, le distracteur de la
même couleur que celle qui est retenue en mémoire (distracteur correspondant) devrait
automatiquement attirer l’attention, ce qui entrainerait des temps de réponse plus lents vers la
cible. Afin d’éviter un encodage verbal de la couleur, les participants devaient effectuer une
tâche de suppression articulatoire pendant chaque essai. A travers cinq expériences faisant
varier légèrement le paradigme de base, Woodman et Luck (2007) ont démontré que lorsque
13
les participants savaient que la cible ne correspondra jamais à l’élément maintenu en mémoire,
ils étaient capables d’éviter de façon stratégique les éléments qui correspondent aux
représentations maintenues en mémoire de travail, ce qui leur a même permis de faciliter leur
réponse et d’être plus rapides.
Ces résultats démontrent que la relation entre les représentations en mémoire de
travail visuelle et ce qui est sélectionné par l’attention visuelle est plus complexe que ce qui
était proposé dans la théorie de compétition biaisée et d’autres théories de l’attention. Il semble
peu probable d’expliquer les résultats qu’ils ont obtenu en proposant que l’attention des
participants ait été attirée par l’objet correspondant, mais qu’elle ait ensuite été détournée très
rapidement, car cela nécessiterait des changements d’attention extrêmement rapides et des
études antérieures en électrophysiologie suggèrent qu’il est peu probable que l’attention
puisse se déplacer en moins de 100 millisecondes. La théorie de l’attention visuelle (TVA) de
Bundesen (1990) pourrait expliquer les résultats obtenus dans cette étude. Cette théorie
propose que les observateurs utilisent un modèle cible en mémoire de travail pour biaiser la
sélection perceptive et ainsi traiter les éléments similaires en augmentant le poids de l’attention
qui est accordée aux caractéristiques du modèle. Il serait aussi possible pour les observateurs
d’utiliser le contenu de la mémoire de travail pour accorder un poids de zéro (ou de valeur
faible) aux caractéristiques de l’élément en mémoire pour éviter que les éléments similaires
n’attirent l’attention. Ceci pourrait expliquer le fait que les participants aient été plus rapides à
identifier la cible alors qu’il y avait un distracteur semblable à l’élément maintenu en mémoire
de travail en sachant qu’il ne serait jamais la cible (Woodman & Luck, 2007). En plus d’avoir
démontré que les participants pouvaient éviter stratégiquement les éléments correspondants
au contenu de leur mémoire de travail alors qu’ils effectuent une tâche de recherche visuelle,
les auteurs suggèrent également qu’une fois cette tâche terminée, ils peuvent cette fois
concentrer leur attention de manière stratégique sur les éléments correspondants dans le but
d’actualiser leur représentation en mémoire de travail. Ils nomment cela l’hypothèse de
rééchantillonnage perceptif stratégique, et elle s’appuie sur deux constatations. Tout d’abord,
la précision de la mémoire augmentait plus il y avait d’éléments correspondants ; et lorsque,
dans leur dernière expérience, le contenu de la mémoire pouvait correspondre aux
caractéristiques de la cible, les participants étaient plus rapides à trouver les cibles qui
correspondaient à l’élément maintenu en mémoire, et ils se souvenaient aussi plus
précisément de cet élément. Cette hypothèse pourrait selon eux expliquer pourquoi dans des
études antérieures il a été constaté que l’attention était dirigée vers les éléments
correspondant au contenu de la mémoire de travail. Ainsi, si l’on reprend la théorie de
l’attention visuelle (TVA), les éléments correspondants au contenu de la mémoire de travail
reçoivent tout d’abord une pondération attentionnelle proche de zéro en prévision de la
14
recherche visuelle, mais une fois la recherche visuelle terminée, leurs pondérations
attentionnelles peuvent être ramenées à une valeur proche de 1, afin de procéder à une
stratégie de rééchantillonnage perceptif. L’attention visuelle passe donc de l’évitement des
éléments correspondants au contenu de la mémoire à l’orientation de l’attention vers ces
éléments dans le cadre de deux tâches différentes, la recherche visuelle puis le maintien de
la mémoire (Woodman & Luck, 2007).
Figure 2 : Exemples de séquences d’essais du paradigme de base de l’expérience de Woodman et Luck (2007).
A : Essai dans lequel les distracteurs sont non correspondants. B : Essai dans lequel il y a un distracteur
correspondant à l’objet en mémoire de travail.
Bien que l’étude d’Olivers et al. (2006) et celle de Woodman et Luck (2007) montrent
quelques similitudes, on peut surtout noter des différences qui pourraient potentiellement
participer à l’explication des différences de leurs résultats. Dans les deux cas, la dimension
pertinente afin de retrouver la cible était la forme alors que la dimension non-pertinente
(distracteur) était la couleur, et dans les deux études le contenu de la mémoire de travail ne
figurait jamais sur la cible. Par contre, si dans l’étude de Woodman et Luck (2007), l’écran de
recherche comporte plusieurs couleurs hétérogènes, chez Olivers et al. (2006), il n’y a qu’un
élément unique (singleton) qui est coloré et qui saute donc aux yeux. De plus, c’est aussi le
cas pour la cible, chez Woodman et Luck (2007) elle ne saute pas aux yeux car sa forme varie
très peu des distracteurs (seul le côté d’ouverture du carré diffère) alors que dans l’étude
d’Olivers et al. (2006), la cible saute aux yeux car elle est la seule d’une forme différente des
distracteurs autour d’elle, les tâches de recherche sont donc différentes. Est-ce que cette
différence participe à l’écart de résultats qui ont été obtenus entre les deux études ?
15
2.4 Facteurs influençant la capture attentionnelle
En 2009, Olivers s’est penché sur les résultats contradictoires tels que ceux de l’étude
d’Olivers et al. (2006), qui démontrent une capture automatique de l’attention par la mémoire
de travail dans la recherche visuelle, et ceux de Woodman et Luck (2007), entre autres, qui
n’ont pas réussi à trouver ces effets de capture, et ont même rapporté, à l’inverse, une
inhibition sur la base du contenu de la mémoire de travail. A travers sept expériences, il a
exploré un certain nombre de facteurs qui pourraient expliquer cette différence, dont
l’utilisation d’une tâche de suppression articulatoire, l’hétérogénéité de l’affichage, les effets
d’une recherche facile ou difficile, la similarité entre la cible et l’élément maintenu en mémoire,
la constance (par rapport à la variabilité) de la cible d’un essai à l’autre, l’influence de stimuli
de basse énergie, et l’effet d’instructions différentes sur l’apparition ou non d’une capture
attentionnelle par la mémoire. Parmi les différences existantes entre l’étude de Olivers et al.
(2006) et celle de Woodman et Luck (2007), Olivers (2009) a ainsi démontré que ce n’est pas
la présence ou l’absence d’une tâche articulatoire qui peut expliquer l’absence d’effets de
capture par la mémoire. Ce n’est pas non plus l’hétérogénéité de l’affichage de la cible, c’est-
à-dire le fait que chez Olivers et al. (2006), il y ait un unique distracteur coloré alors que chez
Woodman et Luck (2007) tous les éléments de l’affichage sont colorés. Le niveau de difficulté
de la recherche (facile ou difficile) ne jouerait pas non plus un rôle important dans l’apparition
des effets de capture attentionnelle, on ne peut donc pas dire que le fait que la recherche de
caractéristiques dans l’affichage de Woodman et Luck (2007), probablement plus sérielle et
plus difficile que la recherche d’élément unique dans l’affichage d’Olivers et al. (2006) soit une
raison de la différence de résultats. Olivers (2009) a également démontré que ce n’est pas
parce que chez Woodman et Luck (2007) la cible et l’objet maintenu en mémoire partagent
des similarités, alors que chez Olivers et al. (2006), la cible était différente de l’objet mémorisé,
que l’un ne trouvait pas de capture attentionnelle alors que l’autre oui, parce que dans son
expérience, quand les éléments étaient similaires, la capture attentionnelle restait présente.
Le nombre de distracteurs n’affectait pas non plus les résultats, et des instructions différentes
ont peu d’impact. Il a finalement identifié le changement de cible à chaque essai comme étant
le facteur principal influençant la capture attentionnelle basée sur le contenu de la mémoire.
Lorsque les participants devaient se souvenir activement de la cible de recherche à chaque
essai, l’élément à mémoriser perdait son effet sur la recherche visuelle. Il a également
démontré que l’énergie de surface des éléments de l’affichage pouvait aussi jouer un rôle sur
la force de l’interférence basée sur la mémoire : des stimuli très minces ne parviennent pas à
induire une capture de l’attention par la mémoire.
16
2.4.1 Cibles fixes vs. cibles changeantes
Ainsi, selon Olivers (2009), la différence cruciale serait donc le fait que la cible
changeait d’essai en essai (varied mapping) dans l’étude de Woodman et Luck (2007) alors
qu’elle restait fixe (consistent mapping) dans celle d’Olivers et al. (2006). Lorsque la cible
change à chaque fois, avant chaque essai on présente aux participants non seulement l’objet
à mémoriser, mais également la cible de recherche, et tous deux doivent être retenus. La cible
à rechercher est donc probablement prioritaire sur l’objet à mémoriser dans la mémoire de
travail, ce dernier prend alors une représentation plus passive et a donc peu d’effet sur la
recherche. Quand la cible reste fixe, cela permet de développer avec l’entrainement des
mécanismes de sélection de cible plus automatiques (Olivers, 2009).
Selon Olivers (2009), sa conclusion selon laquelle un objet en mémoire de travail
visuelle n’interagit avec la recherche visuelle que lorsque les participants ne doivent pas
mémoriser une nouvelle cible de recherche à chaque essai suggère que la mémoire de travail
visuelle ne peut maintenir activement plusieurs objets à la fois. Cela s’expliquerait par une
capacité limitée de la mémoire de travail visuelle qui ne pourrait réellement maintenir qu’un
seul objet à la fois. Ainsi lorsque la cible de recherche reste constante d’un essai à l’autre, la
charge sur la mémoire de travail est minimale, et il reste suffisamment de capacité pour
maintenir un autre élément. Cet élément est alors activé de manière suffisante pour interférer
avec la recherche visuelle. A l’inverse, lorsque la cible change à chaque essai, il faut faire
l’effort de la mémoriser et il n’y a plus assez de capacité pour que l’objet en mémoire n’interfère
sur la recherche. Pourtant, l’idée d’une capacité limitée à un objet va à l’encontre des
estimations de la capacité de la mémoire de travail de trois à quatre éléments en moyenne
(Cowan, 2001).
La priorité relative des tâches pourrait aussi être une explication. La mémoire de travail
pourrait jongler activement avec les différentes représentations nécessaires pour les
différentes tâches, de sorte que la cible soit prioritaire par rapport à l’objet à mémoriser lors de
la tâche de recherche visuelle. Lorsqu’il n’est pas nécessaire de mémoriser une cible, car elle
reste constante durant toute l’expérience, l’objet à mémoriser est le seul objet présent en
mémoire de travail et est donc automatiquement prioritaire. Olivers (2009) propose l’idée d’un
« foyer d’attention mnémonique », en se référant à ce qu’avait proposé Cowan en 1995, selon
qui les représentations en mémoire de travail sont en réalité des représentations de la
mémoire à long terme maintenues actives par le foyer de l’attention. Les représentations hors
de ce foyer seraient alors plus sujettes à l’interférence que celles qui sont dans le focus
d’attention. En accord avec Cowan (1995), Oberauer (2002) a pour sa part proposé qu’un
nombre limité de représentations de la mémoire à long terme seraient activées pour les rendre
disponibles, mais qu’un seul de ces éléments serait directement accessible. Ainsi, lorsqu’il faut
17
se souvenir d’une nouvelle cible à chaque essai, l’attention se porte sur sa représentation pour
la maintenir active en mémoire, ce qui se fait aux dépens de l’objet à mémoriser, qui est retiré
du centre de l’attention, mais qui reste disponible. Lorsque la cible reste toujours la même, il
est possible de faire passer la représentation de la cible dans le sous-ensemble des éléments
activés et potentiellement accessibles, en dehors du foyer d’attention. Le foyer est alors
disponible pour l’objet à mémoriser, ce qui le rend directement accessible et lui permet
d’interférer avec la recherche (Olivers, 2009).
2.5 Différents états des objets en mémoire de travail visuelle
Il semblerait donc que toutes les représentations en mémoire de travail n’aient pas le
même statut. L’élément qui s’applique à la tâche en cours est actif et directement disponible,
alors que les représentations stockées pour une utilisation ultérieure sont temporairement
périphériques aux manipulations mentales actuelles. Selon Olivers, Peters, Houtkamp et
Roelfsema (2011), bien que la mémoire de travail est capable de stocker plusieurs objets, on
ne peut en rechercher qu’un seul à la fois. Ainsi, comme illustré sur la Figure 3, il y aurait une
division entre plusieurs états représentationnels dans la mémoire de travail : quand un objet
est nécessaire pour une tâche visuelle imminente, il reçoit le statut de modèle de recherche,
ou modèle attentionnel. Il obtient alors un accès complet à l’entrée visuelle et biaise la sélection
en faveurs des objets correspondants par le biais de connexions de rétroactions au cortex
visuel. Bien que la capacité de la mémoire de travail visuelle permette de représenter plusieurs
objets, un seul modèle peut être actif à la fois. Par conséquent, les objets de mémoire
accessoires sont inactifs mais leur souvenir reste précis. Olivers et al. (2011) proposent que
ces différents éléments de mémoire interagissent entre eux, de sorte que plus le modèle
attentionnel est fort, plus l’influence des éléments de mémoire accessoires est faible. Le
blocage de l’élément accessoire peut ne pas toujours être complet, par exemple si la
représentation de la cible est faible, ou si l’élément accessoire est particulièrement fort. En
résumé, une seule représentation en mémoire de travail visuelle pourrait contrôler l’attention
à un moment donné. Ils ne sont pas les premiers à avancer une proposition de ce type :
plusieurs chercheurs avaient déjà suggéré que toutes les représentations en mémoire de
travail ne sont pas égales (Cowan, 2001), et qu’un seul objet serait entièrement actif (McElree,
2011 ; Oberauer, 2002 ; Beck, Hollingworth, & Luck, 2012).
Ce modèle permet d’expliquer pourquoi, dans les études où la cible changeait d’essai
en essai, et que les participants devaient donc se souvenir de deux objets à chaque essai, les
éléments de mémoire accessoires n’avaient pas d’effet sur la recherche. Étant donné que la
cible est nouvelle à chaque essai, les participants doivent maintenir un modèle fortement actif
en mémoire de travail, entrainant ainsi la suppression des éléments accessoires. A l’inverse,
les études dans lesquelles la cible restait fixe d’un essai à l’autre ont démontré un effet des
18
éléments de mémoire accessoires sur la recherche. Dans ces conditions, la recherche peut
devenir automatisée, l’activité de la mémoire de travail passe donc d’explicite et laborieuse à
des représentations plus implicites et moins exigeantes au niveau cognitif. Ainsi, avec la
pratique, le modèle attentionnel peut être partiellement déchargé vers d’autres systèmes, ce
qui réduit le blocage des éléments de mémoire accessoires, leur permettant d’affecter la
recherche (Olivers et al., 2011).
Figure 3 : Différents états dans la mémoire de travail visuelle : un modèle de recherche unique (T) avec une
influence directe sur la représentation de l’entrée visuelle, et des éléments de mémoire accessoires (A) inactifs
avec peu d’influence sur les zones sensorielles (Olivers, 2011).
2.6 Multiples modèles attentionnels
2.6.1 Preuves comportementales
Selon Olivers et al. (2011), une seule représentation à la fois de la mémoire de travail
peut servir de modèle de recherche, et cette représentation bloque l’effet des autres
représentations en mémoire sur l’attention visuelle. Certaines observations démontrant que la
détection de cible de conjonction de couleurs était très inefficace (Wolfe, Yu, Stewart, Shorter,
Friedman-Hill, & Cave, 1990), ont mené à la suggestion que la sélection attentionnelle de la
cible ne peut être guidée que par une seule caractéristique d’une dimension particulière à la
fois (Grubert & Eimer, 2016). Pourtant, des études ont ensuite suggéré qu’il pourrait être
possible de maintenir plus d’un modèle attentionnel à la fois, notamment pour rechercher
plusieurs couleurs simultanément. Par exemple, D’Zmura (1991) avait démontré une
recherche efficace de deux cibles colorées qui étaient linéairement séparables des
distracteurs. Étant donné que les représentations de la mémoire de travail visuelle peuvent
19
être stockées directement dans le système visuel lui-même (Luck, 2008), si plusieurs
représentations sont actives dans le système visuel, il devrait leur être possible de contrôler
simultanément l’attention (Beck et al., 2012).
Irons, Folk et Remington (2012), ont testé si l’attention spatiale peut être guidée par
des réglages de contrôle attentionnels pour deux couleurs différentes. En d’autres mots, s’il
est possible de maintenir deux modèles attentionnels simultanément pour guider la recherche
visuelle, contrairement à ce qu’ont proposé Olivers et al. (2011). Afin de mesurer les
déplacements de l’attention spatiale, Irons et al. (2012) ont utilisé la validité spatiale dans une
tâche d’indiçage spatial (Posner, 1980) qui avait déjà été utilisée dans de nombreuses études
sur la capture attentionnelle. Les participants devaient identifier une lettre cible colorée
apparaissant à l’un des quatre emplacements de l’affichage, accompagnée par deux lettres
blanches et une lettre de couleur non pertinente, le distracteur. Comme illustré sur la Figure
4, avant la cible, un indice coloré non prédictif était présenté dans l’un des emplacements.
L’indice pouvait être d’une des couleurs cibles, ou d’une couleur non pertinente. La tâche
d’indiçage spatial est fondée sur le raisonnement que si l’indice capture l’attention, il devrait
affecter le temps nécessaire à détecter la cible : si la cible apparaît ensuite au même endroit,
le temps de réponse sera réduit, car l’attention était déjà présente au bon emplacement. A
l’inverse, si la cible apparaît ensuite dans un emplacement différent de celui de l’indice, les
temps de réponse seront ralentis, car l’attention doit se déplacer une seconde fois de
l’emplacement de l’indice à celui de la cible. Une différence significative entre le temps de
réaction des essais valides et non valides est appelée effet de validité et est considérée
comme une preuve que l’indice a capturé l’attention. La théorie de la capture contingente prédit
que cet effet de validité ne se produit que pour les indices qui correspondent aux réglages de
contrôle attentionnels (Folk et al. 1992). Dans l’étude d’Irons et al. (2012), les participants
cherchaient une cible qui pouvait se présenter de façon aléatoire de l’une des deux couleurs
(ex. rouge et vert) et devaient réussir à ignorer la couleur distractrice (ex. bleu). Si les
participants peuvent adopter deux modèles attentionnels pour deux couleurs distinctes, des
effets de validité devrait être retrouvés pour les indices correspondants à ces deux couleurs,
mais pas pour les indices de couleurs non-pertinentes.
20
Figure 4 : Exemple de la séquence d’un essai dans l’expérience d’Irons et al. (2012). Dans une expérience, les
couleurs cibles étaient rouge et vert, et la couleur non pertinente bleue. Dans une autre version de l’expérience,
les couleurs cibles étaient bleu et vert, et la couleur non pertinente rouge.
Les résultats de cette expérience soutiennent l’hypothèse selon laquelle l’attention peut
être guidée par deux couleurs cibles : quand les participants cherchaient une des deux
couleurs cibles présentée avec un distracteur non pertinent, les indices de couleurs cibles
capturaient l’attention, alors que ce n’était pas le cas des indices de couleur non-pertinente.
Le fait que la couleur non pertinente ne capturait pas l’attention indique que les participants
n’appliquaient pas seulement une large recherche pour les singletons de couleur, mais qu’ils
cherchaient spécifiquement les couleurs cibles. Irons et al. (2012) se sont demandés si ces
résultats étaient limités aux couleurs linéairement séparables de la couleur distractrice (rouge
et vert sont linéairement séparables de bleu, bleu et vert sont linéairement séparables de
rouge). Stroud, Menneer, Cave, Donnelly, et Rayner (2011), avaient découvert que la
recherche de deux cibles était plus efficace quand elles étaient linéairement séparables des
distracteurs, suggérant ainsi que les participants adoptaient un seul modèle de recherche
général qui incluait les deux couleurs cibles avec les couleurs intermédiaires mais excluait les
couleurs extérieures. Pour cette raison, Irons et al. (2012) ont alors reproduit la même
expérience, mais en utilisant l’ambre comme couleur distractrice, qui est une couleur
intermédiaire entre le rouge et le vert (couleurs cibles). Ainsi, si les participants sont capables
de chercher spécifiquement pour deux couleurs, l’effet de validité devrait être observé pour les
indices vert et rouge, mais pas pour les indices couleur ambre. Les résultats ont démontré que
l’attention était bel et bien capturée par les indices de couleurs cibles, mais pas pour les indices
non-pertinents de couleur ambre. Le pattern de temps de réaction étant similaire à celui de
l’expérience précédente, cela suggère que les participants ont utilisé la même stratégie quand
les couleurs étaient linéairement séparables et quand elles ne l’étaient pas.
21
Irons et al. (2012) ont également écarté l’hypothèse selon laquelle au lieu de chercher
deux couleurs simultanément, les participants auraient simplement inhibé la couleur
distractrice, en ajoutant une expérience dans laquelle la cible était présentée avec trois
distracteurs au lieu d’un seul. Il serait peu probable que les participants aient été capables
d’inhiber les trois distracteurs avec un seul modèle d’inhibition.
Leur étude s’est également intéressée à l’influence de l’amorçage entre essais, car il a
été suggéré que l’amorçage entre les essais pourrait expliquer les effets de capture
contingente : les indices pertinents ne capteraient l’attention que parce qu’ils sont
fréquemment amorcés par la cible (Belopolsky et al., 2010 ; Theeuwes & Van der Burg, 2007
; Kristjansson, Wang, & Nakayama, 2002). Si les participants cherchent deux couleurs de
cibles différentes et ne peuvent pas maintenir deux modèles attentionnels en même temps, la
capture attentionnelle peut être amorcée par la cible de l’essai précédent : l’identification d’une
cible verte peut amorcer la capture par le vert, et donc un indice vert présenté lors de l’essai
suivant capterait l’attention. L’amorçage entre essais n’était pas l’explication des effets de
capture contingente lors de la recherche d’une cible unique (Folk & Remington, 2008), mais il
n’a pas été exploré lors de la recherche de cibles multiples. Afin d’évaluer l’amorçage entre
essais dans la recherche de deux cibles, Irons et al. (2012) ont évalué si la couleur de la cible
à l’essai N déterminait la capture par l’indice lors de l’essai N+1. Si la capture attentionnelle
est amorcée par la cible précédente, les effets d’indiçage ne doivent se retrouver que lorsque
la couleur de l’indice correspond à la couleur de la cible précédente. Si les participants peuvent
maintenir deux modèles attentionnels, tous les indices de la couleur des cibles devraient
capturer l’attention. Irons et al. (2012) n’ont trouvé aucune preuve d’amorçage entre les essais
dans leurs expériences, ce n’est donc pas l’explication de leurs résultats.
En conclusion, Irons et al. (2012) ont fourni une preuve de la possibilité de maintenir
deux modèles attentionnels simultanément dans le but de guider l’attention, contrairement à
la proposition d’Olivers et al. (2011), selon laquelle un seul modèle attentionnel à la fois peut
influencer la recherche visuelle. Leurs résultats à travers cinq expériences ont démontré de
façon consistante que quand les participants cherchaient deux couleurs cibles, seuls les
indices de couleurs cibles capturaient l’attention et entrainaient un effet de validité spatiale.
Les recherches tendent à démontrer que les paramètres de contrôle attentionnel peuvent être
plus précis, complexes et flexibles qu’on le pensait (Irons et al., 2012). Malgré tout, bien que
les participants soient capables de chercher deux cibles simultanément, Irons et al. (2012) ont
tout de même trouvé des temps de réaction plus lents et une moins bonne précision en
comparaison à d’autres études de capture contingente. Le fait que la recherche de deux cibles
soit moins efficiente que celle d’une seule cible pourrait potentiellement être due au coût
additionnel sur les ressources attentionnelles ou de mémoire de travail.
22
2.6.2 Mesure des mouvements oculaires
De leur côté, Beck et al. (2012), en étudiant les mouvements oculaires, sont également
arrivés à la conclusion que l’on peut utiliser plusieurs modèles attentionnels simultanément
pour guider la recherche visuelle vers des objets pertinents. Ils ont proposé aux participants
une tâche dans laquelle ils devaient soit chercher une couleur à la fois avant de chercher la
seconde, soit chercher les deux couleurs de manière simultanée. Dans leur étude, le fait de
rechercher de manière simultanée deux caractéristiques distinctes n’a pas entrainé de coût en
comparaison à la recherche séquentielle de ces caractéristiques. Selon eux, ces résultats
démontrent que deux représentations actives maintenues en mémoire de travail visuelle
peuvent guider l’attention simultanément.
2.6.3 La N2pc
Selon Grubert et Eimer (2016), l’absence d’effet comportemental d’indiçage spatial
pour les indices distracteurs dans l’étude d’Irons et al. (2012) ne signifie pas nécessairement
que ces indices n’ont pas capturé l’attention. En fait, l’attention aurait pu se porter initialement
sur ces indices là également, mais se serait ensuite retirée des indices qui ne correspondent
pas à l’une des deux couleurs pertinentes pour la tâche. Dans ce cas, l’absence d’effet
d’indiçage pour ces indices non pertinents ne serait pas le reflet de l’absence de capture
attentionnelle, mais plutôt la participation de processus de contrôle supplémentaires aux
étapes qui suivent l’allocation initiale de l’attention aux deux types d’indice. Cette possibilité
que les indices distracteurs attireraient l’attention lors d’une recherche multicolore peut être
testée avec des mesures de potentiels évoqués cérébraux (ERP) qui permet d’obtenir des
marqueurs temporels précis des processus de sélection attentionnelle (Grubert & Eimer,
2016).
La composante N2pc est particulièrement utile pour étudier l’évolution temporelle de la
capture de l’attention, car cette composante est un marqueur électrophysiologique lié à la
sélection attentionnelle (Grubert & Eimer, 2016). Mesurée par les électrodes pariéto-
occipitales et déclenchée environ 175 millisecondes après l’apparition du stimulus, la N2pc est
une négativité controlatérale à la cible présentée parmi des distracteurs (Luck & Hillyard,
1994).
Le but de l’étude de Grubert et Eimer (2016) était d’utiliser la composante N2pc comme
marqueur de la capture attentionnelle dans une tâche d’indiçage spatial semblable à celle
d’Irons et al. (2012) afin de tester si les processus de sélection attentionnelle peuvent être
contrôlés efficacement par des modèles de recherche simultanés pour différentes couleurs.
Dans leur première expérience, les participants cherchaient l’une ou l’autre de deux cibles
possibles définies par la couleur (rouge ou vert) qui étaient présentées parmi des objets gris.
23
Comme chez Irons et al. (2012), le tableau de recherche comportait un élément distracteur
coloré (bleu). Le tableau de recherche était précédé par l’affichage de l’indice qui contenait,
parmi des éléments gris, un indice non informatif coloré, soit correspondant à une des couleurs
cibles, soit à la couleur du distracteur (voir Figure 5). Alors que les auteurs s’attendaient à
confirmer les effets comportementaux rapportés par Irons et al. (2012), c’est-à-dire que les
indices de couleurs correspondantes capturent l’attention (temps de réaction plus rapides pour
les cibles apparaissant à l’endroit indicé et déclenchement d’une N2pc) alors que les indices
de couleur distractrice ne devraient démontrer aucun de ces effets, leur première expérience
a démontré la présence d’une N2pc en réponse aux indices distracteurs, malgré le fait que les
effets comportementaux reproduisent les résultats d’Irons et al. (2012). Cela suggère que les
couleurs non pertinentes à la tâche ne peuvent être complètement empêchées d’attirer
l’attention. Grubert et Eimer (2016) ont alors conduit une seconde expérience afin de
réconcilier les résultats comportementaux et électrophysiologiques apparemment
contradictoires, dans laquelle ils ont réduit l’intervalle entre l’affichage de l’indice et celui de la
cible de 200 à 100 millisecondes afin de tester si l’attention est en fait initialement attirée puis
retirée des indices distracteurs. Dans ce cas, l’affichage de recherche est traité alors que
l’attention n’a pas encore été retirée de l’indice non pertinent, les indices distracteurs suscitent
cette fois-ci des temps de réaction démontrant une capture de l’attention. Ces résultats
suggèrent que le contrôle de la sélectivité attentionnelle se fait en deux étapes temporellement
distinctes : une rapide capture attentionnelle initiale par toutes les couleurs, suivie d’un retrait
de l’attention des indices qui ne correspondent pas au modèle de recherche actif. Leur
troisième expérience, en comparant la recherche de deux couleurs et la recherche d’une seule
couleur, a permis de démontrer que la présence de la N2pc pour les indices distracteurs n’était
pas spécifique à la recherche de plusieurs couleurs, ce n’est donc pas une preuve de
l’altération de la sélectivité attentionnelle lors de recherche multiple. Finalement, une dernière
expérience postule que leur paradigme, avec un seul distracteur coloré en plus de la cible, ne
permettait pas de supprimer le mode de recherche par singleton. Ils ont donc conduit une
expérience dont l’affichage de recherche était hétérogène, afin de forcer les participants à
effectuer une recherche de caractéristique particulière (voir Figure 5). Dans ce cas, une N2pc
n’a été suscitée que pour les indices de couleurs cibles, et elle avait une amplitude similaire
qu’il y ait une ou deux couleurs à rechercher. Grubert et Eimer (2016) en concluent donc que
lorsque la demande d’une tâche requiert l’adoption d’une recherche de caractéristiques
spécifiques, la sélection de la cible peut être contrôlée par plus d’un paramètre de contrôle
attentionnel. Leurs résultats supportent l’affirmation d’Irons et al. (2012). De multiples réglages
du contrôle attentionnel pour différentes couleurs peuvent donc être activées simultanément
afin de sélectionner les objets qui y correspondent et d’exclure du traitement les objets non
correspondants, et comme les marqueurs comportementaux et électrophysiologiques de la
24
capture attentionnelle étaient semblables quand les participants cherchaient une seule ou
deux couleurs simultanément, cela suggère que les processus de contrôle attentionnel
peuvent opérer de manière autant efficiente durant une recherche de caractéristiques
multiples que lors de la recherche d’une seule caractéristique.
Figure 5 : déroulement des essais dans les expériences de Gruber et Eimer (2016)
2.7 Objectif et hypothèse de recherche
2.7.1 Objectifs
Alors qu’Olivers et al. en 2011 proposaient qu’il n’est possible de maintenir qu’un seul
modèle attentionnel à la fois pour guider l’attention visuelle, et que les autres éléments en
mémoire de travail, appelés « éléments de mémoire accessoire » ne peuvent influencer
l’attention, Irons et al. (2012) ont ensuite contredit cette théorie en démontrant que l’attention
pouvait être guidée par deux modèles attentionnels différents que les participants maintenaient
simultanément en mémoire. Résultats qui ont plus tard été confirmés par Grubert et Eimer
(2016).
C’est donc cette recherche et sa conclusion qui nous ont mené à notre étude. Nous
avons décidé de pousser plus loin leur recherche. Comme ils ont démontré qu’il était possible
de maintenir deux modèles attentionnels à la fois, et étant donné que la mémoire de travail
visuelle a une capacité maximale de trois à quatre éléments, notre but est de tester s’il est
effectivement possible de maintenir non seulement deux modèles attentionnels à la fois, mais
également jusqu’à trois.
25
Notre étude permet d’investiguer des questionnements proposés par des études
précédentes. Tout d’abord, Irons et al. (2012) proposaient qu’il serait utile que des recherches
ultérieures examinent s’il est possible pour les participants de chercher deux cibles non
linéairement séparables avec des différences de couleurs plus petites que celles utilisées dans
leur étude. Dans notre étude, les différences de couleurs utilisées sont effectivement bien plus
proches que dans la leur. De plus, Grubert et Eimer (2016) ont suggéré que de futures études
d’indiçage spatial pourraient utiliser des cibles changeantes plutôt que fixes comme ils l’ont
fait, ainsi qu’Irons et al. (2012) dans leurs études, afin d’étudier la possibilité que les cibles
fixes soient représentées dans la mémoire à long terme plutôt que la mémoire de travail, alors
que lorsque les cibles sont changeantes, elles sont stockées dans la mémoire de travail et
donc seraient pour leur part potentiellement soumises à des limitations du nombre de modèles
attentionnels actifs à la fois. Dans notre étude, les couleurs mémorisées par les participants
changent de manière aléatoire à chaque essai, donc ce sont bien des cibles changeantes.
2.7.2 Hypothèse de recherche
Comme Irons et al. (2012) ont pu démontrer qu’il était possible de maintenir deux
modèles attentionnels à la fois pour guider la recherche visuelle, et comme la capacité de la
mémoire de travail s’élève à trois ou quatre éléments, nous pensons qu’il devrait être possible
de maintenir jusqu’à trois modèles attentionnels simultanément.
Étant donné que le but de notre recherche est de reproduire et d’étendre la recherche
d’Irons et al. (2012), notre paradigme expérimental est inspiré du leur. Nous utilisons
également une tâche d’indiçage spatial afin de mesurer la capture attentionnelle. Nous nous
attendons donc à ce que les indices correspondants aux couleurs à mémoriser attirent
l’attention des participants, qu’il y en ait une, deux ou trois, mais que ce ne soit pas le cas de
la part des indices de couleurs distractrices.
3. Méthode
3.1 Participants
Dix-neuf étudiants (13 femmes et 6 hommes) en première année de Bachelor en
psychologie à l’Université de Genève ont participé à cette expérience avec un âge moyen de
20.21 ans. Ils avaient tous une acuité visuelle normale ou corrigée. Leur participation a été
récompensée par la validation d’heures d’expérimentations. La procédure de l’expérience a
été approuvée par la commission éthique de la Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Education de l’Université de Genève et tous les participants recevaient et signaient le
consentement éclairé avant le début de l’expérience.
26
3.2 Matériel
Les participants étaient assis en face de l’écran, la tête stabilisée sur une mentonnière,
leur permettant de maintenir une distance de 70 cm avec l’écran. Les stimuli étaient présentés
sur un écran 23.6-inch LCD à 100 Hz avec une résolution de 1,920 x 1080 pixels (VIEWPixx
Light, VPixx Technologies Inc., Canada). L’expérience était programmée sur Matlab (The
MathWorks Inc, Natick, MA, USA).
3.3 Stimuli
L’écran de mémorisation consistait en un disque coloré (rayon = 0.36°), potentiellement
entouré d’un anneau coloré (rayon = 0.72°), lui-même potentiellement entouré d’un anneau
coloré (rayon = 1.08°).
L’écran sur lequel s’affichaient l’indiçage ainsi que la cible était composé d’un écran de
fixation central entouré de quatre anneaux gris clairs. La distance entre le centre de la croix
de fixation et le centre des anneaux étaient de 3°. Les anneaux étaient composés d’un cercle
intérieur (rayon = 1.1°) et d’un cercle extérieur (rayon = 1.4°). La largeur de la ligne était de 1
pixel ou 0.03°. Lors de l’affichage de l’indice, chacun des anneaux étaient remplis : trois des
anneaux étaient gris clairs, et un anneau était coloré. Lors de l’affichage de la cible, une lettre
T, retournée à 90° dans le sens des aiguilles d’une montre ou dans le sens inverse des
aiguilles d’une montre, apparaissait dans chacun des anneaux. Les barres du T avaient une
épaisseur de 0,3°. Deux des lettres T étaient colorées (la cible ainsi que le distracteur) et les
deux autres lettres T étaient gris clairs.
Les couleurs étaient définies dans l’espace CIELAB car dans ce modèle d’apparence
des couleurs, les distances approchent les différences de couleurs perçues (Fairchild, 2005).
3.4 Design expérimental
Les participants mémorisaient de manière aléatoire entre une et trois couleurs avant la
recherche visuelle. Les couleurs à mémoriser changeaient aléatoirement à chaque essai, afin
que les participants utilisent bel et bien leur mémoire de travail, et non pas leur mémoire à
long terme. Les couleurs à mémoriser étaient présentées au sein d’un disque et non pas
séparées l’une de l’autre afin d’éviter de les présenter sur une ligne horizontale, ce qui pourrait
induire un biais d’exploration spatiale chez les participants qui risqueraient de plutôt chercher
leur cible dans les deux carrés horizontaux et non pas dans les deux carrés verticaux.
27
L’indice présenté avant la cible pouvait être correspondant, c’est-à-dire d’une des
couleurs à mémoriser, ou alors non-correspondant, d’une couleur qui n’est pas mémorisée par
le sujet. De plus, l’indice pouvait apparaître soit en position valide, c’est à dire au futur
emplacement de la cible, soit en position invalide, dans un emplacement différent de la cible.
Dans notre expérience, l’indice se trouvait en position valide dans un quart des essais.
Comme illustré dans la Figure 6 ci-dessous, les couleurs sont spécifiées par le degré
de rotation, il existe donc 360 couleurs différentes. Comme les couleurs sont séparées à
chaque fois de 60°, on en choisissait six de manière aléatoire à chaque essai (Figure 6). Quand
le participant mémorise une couleur (par exemple C1), l’indice peut être soit de la même
couleur (C1), soit d’une couleur distractrice (D1). Dans l’affichage de la cible, on retrouve donc
C1, le distracteur D1, et deux caractères gris. Quand il mémorise deux couleurs (par exemple
C1 et C2), l’indice peut être coloré soit comme C1, soit comme C2, ou alors de la couleur
distractrice D1, qui est non linéairement séparable des deux couleurs retenues en mémoire.
La cible pourra donc être colorée soit comme C1, soit comme C2, et dans les deux cas elle
sera accompagnée du distracteur D1, ainsi que de deux caractères gris. Quand le participant
mémorise trois couleurs (par exemple C1, C2 et C3), l’indice peut être coloré d’une de ces
trois couleurs pertinentes, ou alors d’une des trois couleurs distractrices (D1, D2 ou D3). Si la
cible est C1, elle sera accompagnée soit de D1, soit de D3 en tant que distracteur ; s’il s’agit
de C2, le distracteur pourra être soit D1, soit D2 ; et si la cible est C3, le distracteur sera alors
D2 ou D3. Dans chaque cas, la cible et le distracteur sont accompagnés de deux caractères
gris. En résumé, comme illustré sur la Figure 6, la différence de couleur entre la cible et son
distracteur reste toujours constante, fixée à 60°, afin que ce ne soit pas plus facile dans
certains cas que dans d’autres de différencier les deux couleurs et donc de retrouver la cible.
Si l’indice présenté était une couleur distractrice (non-correspondant), c’est ce
distracteur-là qui était ensuite présent pour accompagner la cible, afin qu’il n’y ait jamais un
distracteur de couleur différente entre l’affichage de l’indiçage et celui de la cible.
Il y a donc trois variables indépendantes : le nombre de couleurs à mémoriser (une,
deux ou trois), la couleur de l’indice (correspondant ou non-correspondant), et sa position
(valide ou invalide). La variable dépendante mesurée est le temps de réaction des participants
avant de donner leur réponse.
Les participants effectuaient deux passations lors de deux jours différents de trois blocs
de 192 essais à chaque fois, ce qui équivaut à un total de 1152 essais.
28
Figure 6 : Exemple des 6 différentes couleurs possibles lors d’un essai afin que la différence de couleur soit
toujours constante entre la cible et son distracteur. Entre chaque angle il y a une différence fixe de 60°.
3.5 Procédure
Comme illustré sur la Figure 7, chaque essai commençait par un écran de fixation
durant une seconde, suivi de l’affichage de l’écran de mémorisation pendant 306ms, puis d’un
écran gris vide pendant 706 ms. La croix de fixation entourée des anneaux vides
apparaissaient ensuite pendant 706 ms, avant l’affichage de l’indiçage qui durait 47ms. L’écran
de fixation et les anneaux vides apparaissaient à nouveau pendant 106ms avant l’affichage
de la cible pendant 50 ms. Après la présentation de la cible, l’écran de fixation reste affiché
jusqu’à la réponse du participant.
Les participants répondaient à l’orientation de la lettre cible correspondante à la couleur
qu’ils avaient en mémoire en cliquant sur le bouton droit de la souris dans le cas où le T était
retourné dans le sens des aiguilles d’une montre, et sur le bouton gauche s’il était retourné
dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. On donnait pour instruction au participant de
répondre le plus vite possible tout en étant le plus juste possible, et d’essayer d’ignorer l’indice.
L’expérience consistait en deux séances d’à chaque fois 3 blocs de 192 essais. Lors
de la première séance, le participant recevait les instructions puis effectuait un entrainement
d’au moins 20 essais jusqu’à montrer une bonne maitrise de la tâche avant de débuter
l’expérience. A la fin de la premières passation, nous vérifiions que le participant avait atteint
le seuil de réussite de 75% pour continuer l’expérience et revenir une seconde fois. Lors de la
seconde passation, le participant recommençait par un entrainement afin de se sentir à
nouveau à l’aise avec la tâche, et nous vérifiions à nouveau que le seuil de réussite de 75%
avait été atteint lorsqu’il avait terminé.
29
Les participants étaient informés visuellement de leurs erreurs, de leurs anticipations
(RT < 0.2 s), ainsi que de leurs réponses trop tardives (RT > 1 s).
Figure 7 : Séquence d’événements dans l’expérience, où les participants peuvent rechercher une, deux ou trois
couleurs.
3.6 Hypothèse opérationnelle
Lorsque l’indice est en position valide, comme c’est le cas ci-dessous sur la Figure 8
dans l’exemple du haut, la cible apparaît ensuite à ce même endroit, donc si l’indice a capturé
l’attention du participant, quand la cible apparaît, il n’a plus besoin de déplacer son attention
et la cible est traitée plus rapidement. Son temps de réaction est alors plus rapide. A l’inverse,
si l’indice est en position non-valide, comme dans l’exemple du bas (Figure 8), l’attention du
participant devra être redéplacée vers la position de la cible qui apparaitra ailleurs, et le temps
de réaction sera alors plus lent.
Si l’on trouve une différence significative entre les temps de réaction lors des essais
valides et non valides, c’est ce qu’on appelle un effet de validité, et cela signifie que l’indice a
effectivement capturé l’attention, car s’il n’y a pas de différence, c'est que l’attention ne s’est
30
pas déployée sur l’indice. C’est donc ce qu’on utilise comme mesure de la capture
attentionnelle dans cette expérience.
Ce qui a été démontré dans des études précédentes, notamment dans celle d’Irons et
al. (2012), c’est que cet effet de validité ne se retrouve que pour les indices correspondants,
c’est-à-dire pour les indices de couleurs maintenues en mémoire, et pas pour les indices non-
correspondants. C’est ce qu’on appelle la capture contingente, et c’est une preuve que le
modèle attentionnel est bien retenu en mémoire de travail car notre attention n’est capturée
que par les couleurs maintenues en mémoire et pas par les autres couleurs distractrices.
Notre hypothèse est donc qu’étant donné la capacité de la mémoire de travail (3-4
éléments), nous nous attendons à trouver un effet de validité pour les indices correspondants
lorsque les participants mémorisent une, deux et trois couleurs, mais pas pour les indices non-
correspondants. Cela signifierait qu’on peut maintenir jusqu’à trois modèles attentionnels
simultanément.
Figure 8 : Dans le premier exemple, l’indice est en position valide : la cible apparaît au même
emplacement. Dans le second, il est en position non valide : la cible apparaît dans un autre emplacement. Dans
les deux cas l’indice a une couleur correspondante.
31
4. Résultats
Trois participants n’ont pas atteint le seuil de réussite fixé à 75% lors de leur première
passation, et n’ont alors pas effectué la seconde passation. Ils n’ont donc pas été retenus pour
l’analyse des résultats. Les résultats sont considérés comme significatifs au seuil .05.
4.1 Résultats principaux
Nous avons effectué une ANOVA à mesures répétées à trois facteurs intra-sujets afin
de tester les effets du nombre de couleurs à mémoriser (une, deux ou trois), de la
correspondance de l’indice (correspondant ou non-correspondant), et de la validité de l’indice
(valide ou non valide). Les résultats ont démontré un effet principal significatif du nombre de
couleurs à mémoriser, F(2, 30) = 127.71, p < .001, ηp2 = .90. Cet effet indique, comme illustré
sur la Figure 9, que plus les participants avaient de couleurs à mémoriser, plus leurs temps de
réaction étaient lents : ils étaient le plus rapide quand ils ne mémorisaient qu’une seule couleur
(M = 538), ils étaient nettement ralentis lorsqu’ils devaient en mémoriser deux (M = 648), et ils
se montraient encore un peu plus lents avec trois couleurs à mémoriser (M = 676). En
revanche, les résultats n’ont pas démontré d’effet principal de la correspondance de l’indice,
F(1, 15) = 2.78, p = .116, ηp2 = .16, ni d’effet principal de la validité de l’indice, F(1, 15) = .77,
p = .393, ηp2 = .05. Bien que les temps de réaction des participants étaient légèrement plus
rapides quand l’indice était de couleur correspondante (M = 616) que quand il était de couleur
non-correspondante (M = 624), cette différence n’était pas significative, comme dans le cas
de la différence entre les temps de réaction quand l’indice était en position valide (M = 618) et
quand il était en position non valide (M = 622).
Figure 9 : Temps de réaction des participants (en ms) selon le nombre de couleurs à mémoriser.
L’ANOVA à mesures répétées a également démontré un effet d’interaction entre le
nombre de couleurs à mémoriser et la correspondance de l’indice, F(2, 30) = 6.24, p = .005,
0100200300400500600700800
1 couleur 2 couleurs 3 couleurs
Temps de réaction (ms)Selon le nombre de couleurs à mémoriser
32
ηp2 = .29, un effet d’interaction entre le nombre de couleurs à mémoriser et la validité de
l’indice, F(2, 30) = 3.64, p = .039, ηp2 = .20, et un effet d’interaction entre la correspondance et
la validité de l’indice, F(1, 15) = 17.64, p = .001, ηp2 = .54.
Finalement, nous avons trouvé une triple interaction entre le nombre de couleurs à
mémoriser, la correspondance et la validité de l’indice, F(2, 30) = 11.03, p < .001, ηp2 = .42.
Afin de comprendre cette triple interaction, nous avons effectué des tests t de Student pour
comparer les moyennes, ce qui a démontré qu’il y avait un effet de capture contingente comme
attendu lorsque les participants mémorisaient une couleur, mais pas dans le cas où les
participants avaient deux et trois couleurs à mémoriser à la fois. Comme illustré sur la Figure
10, quand les participants ne mémorisaient qu’une seule couleur, les temps de réaction étaient
plus rapides lorsque les indices correspondants étaient en position valide (M = 492) que quand
ils étaient en position non valide (M = 561), il y avait donc un effet de validité, mais ce n’était
pas le cas pour les indices non-correspondants, pour lesquels les participants étaient en fait
ralentis lorsque l’indice était en position valide (M = 566) par rapport à la position non valide
(M = 531). Par contre, quand les participants mémorisaient deux couleurs simultanément,
comme on peut le voir sur la Figure 11, bien que leurs temps de réaction étaient légèrement
plus rapides quand les indices correspondants se trouvaient en position valide (M = 645) que
non valide (M = 656), la différence n’était pas significative. Il n’y avait pas non plus de
différence significative entre les indices non-correspondants en position valide (M = 651), bien
que les participants étaient à nouveau légèrement ralentis dans ce cas, et en position non
valide (M = 639). Quand les participants avaient trois couleurs à mémoriser simultanément
(voir Figure 12), on ne trouve pas de différence pour les indices correspondants, qu’ils soient
en position valide (M = 674) ou non valide (M = 670). Pour les indices non-correspondants, il
n’y a pas non plus de différence qu’ils soient en position valide (M = 683) ou non valide (M =
675).
Figure 10 : Temps de réaction des participants (en ms) quand ils avaient une couleur à mémoriser, pour
les indices correspondants et non-correspondants, en position valide et non valide
33
Figure 11 : Temps de réaction des participants (en ms) quand ils avaient deux couleurs à mémoriser
simultanément, pour les indices correspondants et non-correspondants, en position valide et non valide
Figure 12 : Temps de réaction des participants (en ms) quand ils avaient trois couleurs à mémoriser
simultanément, pour les indices correspondants et non-correspondants, en position valide et non valide
4.2 Analyse des erreurs
Nous avons également effectué une ANOVA à mesures répétées à trois facteurs sur
les taux d’erreurs commis par les participants. Ces analyses ont démontré un effet principal
du nombre de couleurs, F(2, 30) = 113.63, p < .001, ηp2 = .88. Comme illustré sur la Figure 13,
le taux d’erreurs augmentait avec le nombre de couleurs à mémoriser : il augmentait fortement
entre la mémorisation d’une couleur (M = .05) et de deux couleurs (M = .18), et augmentait
encore avec la mémorisation de trois couleurs simultanées (M = .22).
34
Figure 13 : Taux d’erreurs moyen par participant selon le nombre de couleurs à mémoriser
Les analyses ont également démontré un effet principal de la correspondance de
l’indice, F(1, 15) = 15.9, p = .001, ηp2 = .52, ce qui signifie que les participants faisaient plus
d’erreurs quand l’indice était non correspondant (M = .17) que quand il était correspondant (M
= .13), et un effet principal de la validité de l’indice, F(1, 15) = 5.29, p = .036, ηp2 = .26, les
participants faisaient plus d’erreurs lorsque l’indice était en position non valide (.16) que valide
(.14). Il n’y avait pas d’effet d’interaction entre le nombre de couleurs à mémoriser et la
correspondance de l’indice, F(2, 30) = .4, p = .68, ηp2 = .03, ni entre le nombre de couleurs à
mémoriser et la validité de l’indice, F(2, 30) = 1.09, p = .35, ηp2 = .07. Par contre, nous avons
trouvé un effet d’interaction entre la correspondance et la validité de l’indice, F(1, 15) = 14.78,
p = .002, ηp2 = .5, signifiant que lorsque l’indice était correspondant, le participant faisait plus
d’erreurs s’il était en position non valide (M = .16) que valide (M = .11), il y avait donc un effet
de validité, alors que quand l’indice était non correspondant, il n’y avait pas de différence que
l’indice soit en position valide (M = .17) ou non valide (M = .16). Finalement, nous n’avons pas
trouvé de triple interaction entre le nombre de couleurs à mémoriser, la correspondance et la
validité de l’indice pour les taux d’erreurs, contrairement aux temps de réaction, F(2,30) = 1.63,
p = .21, ηp2 = .10. Comme ce résultat obtenu avec les taux d’erreurs est l’inverse de ce que
nous avions trouvé avec l’analyse des temps de réaction, c’est-à-dire qu’il y aurait
potentiellement un effet de capture contingente quand les participants mémorisaient deux et
trois couleurs étant donné que nous ne trouvons pas la triple interaction comme avec les temps
de réaction, nous avons refait les analyses des temps de réaction en corrigeant pour les
erreurs, mais ces résultats soutenaient les résultats obtenus avant pour les temps de réaction.
Nous avons donc décidé de nous focaliser sur les résultats que nous avions obtenus pour les
temps de réaction pour l’interprétation, d’autant plus que les erreurs ne sont souvent pas aussi
sensibles que les temps de réaction.
35
5. Discussion
5.1 Interprétation des résultats
Alors que nous nous attendions à trouver un effet de validité pour les indices
correspondants, mais pas pour les indices non-correspondants, lorsque les participants
mémorisent une, deux et trois couleurs, les résultats que nous avons obtenus ne nous ont pas
permis de confirmer cette hypothèse.
Tout d’abord, les résultats ont démontré que plus il y avait de couleurs à mémoriser à
la fois, plus les temps de réaction des participants pour donner leur réponse étaient lents. Ils
étaient déjà ralentis en ajoutant une seconde couleur, et se montraient encore plus lents avec
l’ajout d’une troisième couleur à rechercher. Cela laisse à penser que rechercher plus d’une
couleur à la fois est difficile, et donc coûteux, et cela plus on ajoute de couleurs. De plus, en
analysant les erreurs, nous avons trouvé le même effet : plus les participants avaient de
couleurs à rechercher à la fois, et plus leur taux d’erreurs augmentait. Il augmentait même
fortement dès l’ajout d’une seconde couleur par rapport à la recherche d’une couleur unique.
Ces résultats correspondent à ce qu’avaient également rapporté Irons et al. (2012), selon qui,
dans leur étude, les participants étaient plus lents et moins précis en comparaison à d’autres
études de capture contingente dans lesquelles ils ne cherchaient qu’une seule couleur. Pour
autant, selon eux, cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas capables de rechercher plusieurs
cibles simultanément, mais que cette recherche serait simplement moins efficace en raison du
coût additionnel sur les ressources attentionnelles ou sur la mémoire de travail. De plus,
comme l’ont proposé Menneer, Cave et Donnelly (2009), quand on maintient deux modèles
attentionnels simultanément, ils sont en compétition pour les ressources attentionnelles, ce
qui pourrait ainsi ralentir le processus d’orientation de l’attention ou occasionner des erreurs.
Par contre, bien que lorsque les participants recherchaient une couleur, il y avait un
effet de capture contingente comme attendu, ce n’était pas le cas lors de la recherche de deux
couleurs ainsi que de trois couleurs simultanément. Cela signifie que pour une couleur, les
temps de réaction des participants étaient plus rapides pour les indices correspondants en
position valide qu’en position non valide, mais ce n’était pas le cas pour les indices non-
correspondants. Cela prouve que les participants mémorisaient bien la couleur cible et qu’elle
attirait leur attention, contrairement aux couleurs distractrices, qui n’attiraient pas leur
attention. En revanche, quand les participants mémorisaient deux couleurs, le temps de
réaction était peut-être légèrement plus rapide quand les indices correspondants se trouvaient
en position valide plutôt que non valide, mais cette différence n’était pas significative, et quand
ils avaient trois couleurs à mémoriser, il n’y avait pas du tout de différence. Ces résultats sont
donc contraires à notre hypothèse de départ, étant donné qu’on pensait trouver une capture
36
contingente dans les trois cas. Il semblerait que dans le cas de notre expérience,
contrairement à celle d’Irons et al. (2012), les participants n’aient pas été capables de
maintenir plus d’un modèle attentionnel à la fois dans le but de guider leur recherche visuelle.
La question qui se pose est alors de savoir pour quelle raison nous ne sommes pas parvenus
à obtenir les mêmes résultats qu’Irons et al. (2012), en utilisant pourtant un paradigme
expérimental proche du leur.
5.2 Hypothèses explicatives
Beck et al. (2012), admettaient qu’il est difficile de savoir pourquoi certaines études
n’arrivent pas à trouver une preuve de multiples modèles attentionnels simultanés, d’autant
plus que leur étude démontrait que les participants pouvaient décider volontairement de
rechercher des éléments de deux couleurs séquentiellement ou simultanément. Ils proposent
que les études ne parvenant pas à démontrer le maintien possible de multiples modèles
attentionnels n’aient potentiellement pas réussi à encourager les participants à activer les
modèles simultanément. Il semblerait dans notre cas que les participants aient bel et bien tenté
de mémoriser et rechercher les couleurs multiples simultanément, mais que la recherche n’a
pas été efficace, compte tenu du taux d’erreur et des temps de réaction augmentant avec le
nombre de couleurs à rechercher. D’autres hypothèses pourraient donc potentiellement
expliquer les résultats que nous avons obtenus.
5.2.1 Recherche de singleton vs. recherche de caractéristiques
Selon Grubert et Eimer (2016), lorsque l’on veut étudier si des modèles attentionnels
pour de multiples caractéristiques cibles peuvent contrôler de manière efficace la sélectivité
attentionnelle, il est essentiel d’empêcher les participants d’adopter un mode de recherche de
singleton, qui est non spécifique aux caractéristiques recherchées. En effet, dans leur étude,
ce n’est qu’une fois que les participants ont été obligés d’adopter un mode de recherche de
caractéristiques spécifiques qu’ils ont pu démontrer la présence de multiples paramètres de
contrôle attentionnel capables de guider l’attention de manière sélective. Ils ont alors suggéré
que le fait d’ajouter un seul élément distracteur en plus de la cible dans un affichage de
recherche comportant six éléments pouvait ne pas être suffisant pour éviter une recherche de
singleton, et que des affichages de recherche entièrement hétérogènes pourraient donc être
nécessaires pour que les participants adoptent un mode de recherche de caractéristiques.
Pourtant, cela ne devrait pas être l’explication du fait que nous ne sommes pas
parvenus à démontrer la présence de multiples modèles attentionnels, car dans l’expérience
d’Irons et al. (2012), l’affichage de recherche ne contenait qu’un seul distracteur en plus de la
cible, comme dans notre expérience. La différence avec Grubert et Eimer (2016) est le fait
que, dans les deux cas, les affichages de recherche ne contenaient que quatre éléments et
37
non pas six comme les leurs. Ceci pourrait avoir réduit le statut de singleton pour les deux
objets de couleur présents, et ainsi diminué également la probabilité que les participants optent
pour une stratégie de recherche de singleton. L’ajout d’un unique distracteur en plus de la
cible dans un affichage de recherche ne contenant que quatre éléments au total devrait suffire
à les pousser à utiliser une stratégie de recherche de caractéristiques plutôt qu’une recherche
de singleton. Cela ne peut donc logiquement pas être l’explication de la différence de résultats
que nous avons obtenu en comparaison avec Irons et al. (2012).
5.2.2 Mémoire à long terme vs. mémoire de travail
Une autre explication potentielle des résultats que nous avons obtenus serait le fait
que dans l’expérience d’Irons et al. (2012), les cibles étaient fixes durant leurs expériences,
c’est-à-dire que les participants recherchaient toujours les mêmes couleurs à chaque essai,
alors que dans notre expérience les participants recherchaient de nouvelles couleurs à chaque
essai.
Le fait que les caractéristiques définissant les cibles soient restées les mêmes durant
toute l’expérience peut avoir des conséquences sur la façon dont elles ont été représentées
chez les participants pendant l’exécution de la tâche (Grubert & Eimer, 2016). Des études
comportementales et électrophysiologiques suggèrent que lorsque les participants
recherchent le même objet cible durant un certain nombre d’essais, les représentations des
attributs qui définissent la cible ne sont plus stockées en mémoire de travail mais sont
déplacées dans la mémoire à long terme (Carlisle, Arita, Pardo, & Woodman, 2011 ; Grubert
& Eimer, 2016).
Selon Grubert et Eimer (2016), les limitations du nombre de paramètres de contrôle
attentionnel peuvent être spécifiques à des situations où ces paramètres restent stockés en
mémoire de travail. Si la mémoire de travail ne peut maintenir qu’un seul modèle attentionnel
à la fois, la sélectivité de l’attention est diminuée lorsque les cibles peuvent être de différentes
couleurs. Quand les caractéristiques définissant les cibles restent les mêmes, comme dans
leur étude, elles pourraient être représentées en mémoire à long terme, où ce genre de
limitations de capacité n’existent pas.
Ainsi, selon cette théorie, le fait que dans l’expérience d’Irons et al. (2012) les cibles
étaient fixes d’un essai à l’autre devrait entrainer le stockage de leurs caractéristiques en
mémoire à long terme, et ainsi permettre l’efficacité de multiples paramètres de contrôle
attentionnel, alors que dans notre expérience, comme les cibles variaient à chaque essai, leurs
attributs sont restés en mémoire de travail, raison de la limitation du nombre de modèles
attentionnels pouvant guider l’attention.
38
Pour autant, cette hypothèse, bien qu’elle semblait probable, ne devrait pas être la
bonne. En effet, dans l’étude de Kerzel et Witzel (2019), également basée sur le paradigme
d’indiçage spatial d’Irons et al. (2012), les cibles changeaient aléatoirement d’essai en essai,
comme dans notre expérience, et leurs résultats ont malgré tout démontré des effets de
capture de l’attention uniquement par les indices correspondants aux couleurs cibles, et ce de
manière équivalente que les participants aient mémorisé une ou deux couleurs à la fois. Si
dans les précédentes études, les caractéristiques cibles pouvaient être transférées en
mémoire à long terme puisqu’elles ne changeaient pas entre les essais, ce n’était pas possible
dans l’étude de Kerzel et Witzel (2019) car elles changeaient à chaque essai et donc les
représentations devaient rester en mémoire de travail. Malgré ce fait, ils ont pu apporter une
preuve du contrôle de l’attention par des modèles attentionnels multiples.
5.2.3 Différences de couleurs
La dernière hypothèse, et la plus probable, serait le fait que la différence entre les
couleurs utilisées était beaucoup plus proche dans notre expérience en comparaison de celles
utilisées dans l’étude d’Irons et al. (2012). En effet, dans notre expérience, chaque couleur
cible avait une différence de 60° avec la couleur distractrice l’accompagnant, et donc de 120°
avec l’autre couleur cible dans le cas d’une recherche de deux couleurs. Dans l’étude d’Irons
et al. (2012), les différences de couleurs n’étaient pas précisées en degré afin de permettre la
comparaison, mais les codes couleur RVB des cibles et distracteurs étaient donnés, ce qui
nous a permis de reproduire les couleurs qu’ils ont utilisées. Comme illustré sur la Figure 14,
les couleurs cibles étaient le vert et le rouge chez Irons et al. (2012), et dans leurs premières
expériences le bleu était la couleur distractrice. Dans ce cas, les trois couleurs sont
visuellement très différentes les unes des autres et donc facilement différenciables. Ils ont
ensuite reproduit leur expérience en utilisant un distracteur de couleur ambre, non linéairement
séparable entre les deux couleurs cibles. Même dans ce dernier cas, bien que les différences
soient diminuées, les couleurs restent suffisamment différenciées. Par contre, dans notre
expérience, comme les couleurs cibles pouvaient être n’importe lesquelles sur l’espace
CIELAB, mais toujours avec une différence fixe, il s’agit sur la Figure 14 d’un exemple potentiel
de deux couleurs cibles pour un essai, avec leur distracteur non linéairement séparable. Pour
que l’exemple soit plus parlant, les couleurs cibles choisies sont proches de celles utilisées
par Irons et al. (2012). On remarque que les couleurs utilisées dans notre expérience sont
donc beaucoup plus proches que celles utilisées dans l’expérience d’Irons et al. (2012), il y a
déjà moins de différence visuellement entre les teintes des deux couleurs cibles, et surtout
entre chacune de ces couleurs et la couleur distractrice. Il est donc plus difficile pour les
participants de faire la différence dans ce dernier cas entre la couleur cible et la couleur
distractrice, que dans l’expérience d’Irons et al. (2012).
39
Figure 14 : Illustration des différences de couleur entre les deux couleurs cibles potentielles et le
distracteur accompagnant la cible, dans l’étude d’Irons et al. (2012) et dans la nôtre.
Par ailleurs, Moore et Weissman (2010) ont également conclu qu’il était possible de
maintenir de multiples modèles attentionnels simultanément avec une tâche de capture
contingente. Dans leurs expériences, les couleurs se montraient là aussi plus différentes que
dans la nôtre (voir Figure 15). Il semblerait donc que toutes les études étant parvenues à
démontrer la présence de multiples modèles attentionnels n’aient utilisé que des couleurs plus
éloignées que celles que nous avons utilisées, car elles ont seulement testé la possibilité de
maintenir deux modèles attentionnels simultanément, alors que nous avons également étudié
pour trois couleurs, ce qui nous a obligé à réduire la différence entre les différentes couleurs.
Figure 15 : Illustration des différences de couleurs entre les deux couleurs cibles et le distracteur dans
un essai potentiel de l’étude de Moore et Weissman (2010)
Il semblerait donc qu’il soit possible de rechercher plusieurs couleurs différentes en
maintenant de multiples modèles attentionnels, mais uniquement si les couleurs sont
suffisamment distinctes. Cette limitation pourrait bien être due à la capacité de l’attention
visuelle. D’après certains auteurs (Bacon & Egeth, 1994 ; Folk & Anderson, 2010 ; Folk &
Remington, 1998), le système attentionnel pourrait être plus largement ou plus finement ajusté
selon les objectifs du participant et de la façon dont la cible est différenciée des distracteurs.
40
Si la cible est un singleton, les paramètres de contrôle attentionnels peuvent être fixés selon
la propriété ou la discontinuité. Par contre, si la cible ne peut être discriminée qu’en fonction
de caractéristiques individuelles, on doit adopter un mode de recherche de caractéristiques
qui est plus exigeant en ressources (Bacon & Egeth, 1994 ; Irons et al., 2012). Cela voudrait
donc dire que comme la recherche dans notre cas était une recherche de caractéristiques et
non pas une recherche de singleton, exigeant donc plus de ressources, le système
attentionnel n’a pu être assez finement ajusté pour rechercher des couleurs semblables. Chez
Irons et al. (2012), la recherche consistait également en une recherche de caractéristiques,
mais la différence entre les couleurs était apparemment suffisante pour la recherche visuelle.
De son côté, le modèle de recherche guidée de Wolfe (1994 ; Wolfe, Cave, & Franzel,
1989) proposait que l’information de couleur est codée de manière préattentive en quatre
catégories : rouge, vert, jaune et bleu. Le contrôle top-down permettrait ensuite de pondérer
l’information d’un canal de manière plus importante que celle des autres canaux, attirant ainsi
l’attention sur les objets qui contiennent cette couleur-là. Ce modèle suggère plutôt une
précision moindre de l’attention, mais d’autres modèles suggèrent que l’attention pourrait être
ajustée sur des couleurs plus fines. Navalpakkam et Itti (2006) ont par exemple démontré que
les participants étaient capables de rechercher des cibles rouges à saturation intermédiaire
parmi des distracteurs rouges de saturation élevée et faible. Leurs résultats suggèrent donc
que l’attention peut être accordée sur des régions bien spécifiques de l’espace colorimétrique
si nécessaire (Irons et al., 2012). Pour autant, cette dernière théorie est contredite par d’autres
recherches utilisant des paradigmes d’indiçage spatial qui ont trouvé une capture
attentionnelle par les indices de couleurs similaires. Par exemple, dans l’étude d’Ansorge et
Heumann (2003), comme illustré sur la Figure 16, quand les participants recherchaient une
cible verte, les indices de couleurs similaires à la cible (bleu-vert) capturaient l’attention, alors
que les indices de couleurs plus éloignées (jaune-rouge) ne capturaient pas l’attention des
participants. Dans ce cas, les participants semblaient donc ne pas être capables de faire la
distinction entre des couleurs proches, la différence de couleur entre l’indice similaire et la
cible étant de 30°, alors que la différence entre la cible et l’indice éloigné était de 90°. Par
ailleurs, Anderson et Folk (2010) ont pour leur part démontré que le degré de capture par un
indice coloré était directement relié à son degré de similarité avec la couleur cible. Pour autant,
selon Irons et al. (2012), dans ces deux dernières études, contrairement à la leur, la cible que
les participants recherchaient était un singleton coloré. Ainsi, les participants pourraient avoir
adopté un large modèle attentionnel englobant les couleurs similaires à celle de la cible, alors
que dans leur étude, la cible était accompagnée d’un distracteur de couleur, obligeant les
participants à restreindre leur modèle de recherche sur une région colorimétrique plus fine.
Irons et al. (2012) en concluaient donc que les participants devaient être capables, selon la
41
tâche, de régler leur modèle attentionnel sur des régions larges ou plus fines de l’espace de
couleurs. A l’inverse, selon Ansorge et Becker (2014), au vu des études démontrant une
capture attentionnelle par les couleurs semblables mais pas par les couleurs différant
largement de la cible (Ansorge & Heumann, 2003), il semble clair que l’attention n’est pas
réglée sur une seul teinte particulière. De plus, Grubert et Eimer (2016) ont démontré que les
résultats comportementaux obtenus par Irons et al. (2012) n’étaient pas confirmés par les
mesures électrophysiologiques, car une N2pc était provoquée par les indices de couleur non
cible, ce qui signifie que ces couleurs attiraient tout de même l’attention, mais qu’elle se retirait
rapidement et donc l’effet de capture ne se reflétait pas dans les temps de réaction.
Figure 16 : Illustration des indices de couleur non similaire (qui ne capturaient pas l’attention) et similaire
(qui capturaient l’attention) avec la cible dans l’étude d’Ansorge et Heumann (2003)
Il n’y a pas de réponse définitive à la façon dont les couleurs sont utilisées dans la
recherche visuelle et comment elle sont liées les unes aux autres. Une possibilité serait que
les couleurs de différentes catégories (par ex. rouge, vert, bleu, jaune) représentent des entités
qui ne soient pas liées les unes aux autres dans la recherche visuelle. Des recherches
antérieures ont démontré que la recherche est plus rapide lorsque la cible et les distracteurs
appartiennent à des catégories de couleurs différentes que lorsqu’ils appartiennent à la même
catégorie, et ce même si les distances entre les couleurs étaient égales (Gilbert, Regier, Kay,
& Ivry, 2006). Il semble donc que les catégories de couleurs peuvent constituer des entités
spéciales dont la séparation facilite la recherche. La question qui se pose est de savoir qu’est
ce qui forme une catégorie de couleur. Ansorge et Becker (2014) ont étudié dans quelle
mesure les couleurs de différentes catégories sont reliées les unes aux autres pendant la
capture de l’attention en demandant aux participants de rechercher une cible d’une certaine
couleur tout en ignorant un indice non pertinent qui pouvait se présenter soit au même
emplacement, soit dans un autre. Leurs résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle un
modèle attentionnel est responsable du contrôle top-down, et que la couleur du modèle ainsi
que les couleurs ressemblantes seraient recherchées, alors que les couleurs différentes
seraient défavorisées, mais leurs participants ne sont pas parvenus à rechercher
spécifiquement les cibles vertes sans que les couleurs non pertinentes ne capturent leur
attention, alors qu’ils en étaient capables pour les cibles jaunes et bleues, pour lesquelles il y
42
avait un effet de capture contingente. Ces résultats laissent penser qu’ils avaient un contrôle
top-down plus faible pour la couleur verte. Dans notre cas, nous n’avons pas vérifié s’il existait
des différences entre les couleurs, mais des participants nous avaient dit avoir plus de peine
lorsqu’ils avaient pour cible une couleur dans les tons bleu-vert.
En résumé, il semble que dans notre expérience, les couleurs étaient trop proches pour
que l’attention des participants ne soient capturée que par les couleurs pertinentes mais pas
par les autres. Au vu de la littérature qui montre des résultats et des théories contradictoires,
il ne semble par contre pas très clair quelle différence est suffisante pour le système
attentionnel et quelle différence est trop proche pour permettre une bonne distinction. Par
ailleurs, il semblerait que cela soit plus difficile pour certaines couleurs que pour d’autres, ce
qu’avaient également rapporté certains participants à notre expérience, qui trouvaient qu’il
était plus difficile de différencier les couleurs dans les tons bleu-vert que les autres.
5.3 Limites
Il existe quelques limites à notre étude qui sont à prendre en compte dans
l’interprétation de nos résultats. Tout d’abord, contrairement à Irons et al. (2012), nous n’avons
pas différencié les indices de couleur pertinente de la même couleur que la cible apparaissant
ensuite, et les indices de couleur pertinente mais différente de celle de la cible subséquente.
Pour leur part, Irons et al. (2012) ont trouvé que l’identification de la cible était facilitée quand
l’indice était de la même couleur que la cible, et altérée lorsque l’indice correspondait à l’autre
couleur pertinente. De notre côté, nous n’avons donc pas de données à ce sujet.
Par ailleurs, les participants ont commis un haut taux d’erreurs dans notre expérience,
ce qui semble suggérer que la tâche était trop difficile, et ce qui impacte les résultats obtenus
et constitue donc une limite importante de notre étude. Il se peut que ce fort taux d’erreurs soit
dû aux couleurs trop proches les unes des autres, difficiles à différencier par le système visuel.
Nous aurions également pu nous interroger sur l’impact des différentes couleurs, étant donné
que plusieurs participants nous ont rapporté que lorsqu’il y avait dans les couleurs cibles une
teinte bleu-vert, la tâche était plus compliquée pour eux. Il est donc difficile d’interpréter nos
résultats, de savoir si les résultats que nous avons obtenus sont dus à des couleurs trop
proches les unes des autres pour le système attentionnel, ou est-ce que les essais avec des
cibles bleues-vertes ont impacté négativement les résultats des participants.
5.4 Contributions et perspectives futures
Si dans leur conclusion, Irons et al. (2012) proposaient qu’il serait utile que d’autres
recherches examinent s’il est possible pour les participants de rechercher deux cibles avec
des différences de couleurs plus petites, notre expérience semble démontrer que ce n’est pas
43
possible. Pour autant, les recherches dans ce domaine sont quelque peu contradictoires,
certains comme nous n’y sont pas parvenus, alors que d’autres oui. Il semble donc utile de
continuer les recherches dans ce domaine, afin d’avoir plus de connaissances à propos de la
précision du système attentionnel.
On pourrait essayer de mener une recherche dans laquelle les participants recherchent
deux cibles avec les mêmes différences de couleurs que dans notre expérience, mais en
supprimant les teintes proches du vert, si comme l’ont démontré Ansorge et Becker (2014), le
système attentionnel aurait une faiblesse avec la couleur verte. Cela permettrait de voir si cela
a pu impacter nos résultats.
Il pourrait également être intéressant de réutiliser le même paradigme qu’Irons et al.
(2012) pour tester la recherche de trois couleurs à la fois, mais avec des couleurs plus
différentes que les nôtres, afin de savoir si l’on est capables de rechercher trois modèles
attentionnels simultanément, pour autant que les couleurs soient suffisamment distinctes, ou
si cela n’est simplement pas possible. Malheureusement, il est difficile d’augmenter le nombre
de couleurs à mémoriser sans rapprocher les différentes teintes comme nous avons eu à le
faire.
Des recherches futures pourraient également tester si ce qui importe est réellement la
différence entre les couleurs pour le système attentionnel lui-même, ou si cela tient au fait que
quand elles sont de catégories très différentes, il est possible de les encoder verbalement, ce
qui n’est pas le cas lorsque les couleurs sont proches comme dans notre étude, car il devient
difficile de les nommer.
Conclusion
En conclusion, étant donné que nos résultats sont contraires aux résultats d’une étude
précédente pourtant similaire, bien que nous ne pouvons pas conclure qu’il est possible de
maintenir de multiples modèles attentionnels à la lumière de nos résultats, nous ne pouvons
pas non plus conclure que cela n’est pas possible étant donné que d’autres sont parvenus à
le démontrer avant nous. Les résultats de la présente recherche semblent donc suggérer qu’il
n’est possible de maintenir de multiples modèles attentionnels dans le but de guider l’attention
visuelle que si les différentes couleurs sont bien choisies et suffisamment différenciées, car le
système attentionnel semble manquer de précision pour certaines teintes, et pour les couleurs
trop proches les unes des autres.
44
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48
Annexes
Annexe I : Résultats des analyses des temps de réaction
ANOVA à mesures répétées
49
1. Moyenne générale Mesure: MEASURE_1
Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
620.622 9.818 599.696 641.548
50
2. Nombre Mesure: MEASURE_1
Nombre Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 537.652 6.999 522.733 552.571
2 647.934 12.502 621.288 674.581
3 676.279 12.957 648.663 703.896
3. Correspondance
Mesure: MEASURE_1
Correspondance Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 616.595 10.553 594.102 639.087
2 624.649 9.648 604.084 645.214
4. Validité Mesure: MEASURE_1
Validité Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 618.880 10.516 596.465 641.295
2 622.364 9.488 602.140 642.587
5. Nombre * Correspondance Mesure: MEASURE_1
Nombre Correspondance Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 1 526.507 7.570 510.372 542.642
2 548.797 6.965 533.951 563.642
2 1 650.603 13.718 621.364 679.842
2 645.266 12.754 618.081 672.450
3 1 672.674 13.119 644.711 700.638
2 679.884 13.535 651.034 708.734
51
6. Nombre * Validité
Mesure: MEASURE_1
Nombre Validité Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 1 529.140 8.124 511.824 546.456
2 546.164 6.929 531.395 560.932
2 1 648.112 14.597 616.999 679.225
2 647.756 11.042 624.220 671.293
3 1 679.388 13.361 650.910 707.866
2 673.171 13.509 644.377 701.965
7. Correspondance * Validité Mesure: MEASURE_1
Correspondance Validité Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 1 603.972 12.217 577.932 630.012
2 629.218 9.834 608.257 650.179
2 1 633.789 10.545 611.313 656.264
2 615.509 9.709 594.815 636.203
8. Nombre * Correspondance * Validité Mesure: MEASURE_1
Nombre Correspondance Validité Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 1 1 491.884 9.311 472.038 511.729
2 561.131 7.675 544.773 577.489
2 1 566.397 8.767 547.710 585.084
2 531.196 6.728 516.856 545.536
2 1 1 645.161 17.672 607.494 682.827
2 656.045 12.011 630.445 681.645
2 1 651.064 17.041 614.741 687.387
2 639.468 11.572 614.803 664.133
3 1 1 674.871 15.214 642.442 707.299
2 670.478 12.795 643.207 697.749
2 1 683.905 13.276 655.608 712.203
2 675.863 15.558 642.702 709.025
52
Tests T
Statistiques des échantillons appariés
Moyenne N Ecart type
Moyenne erreur
standard
Paire 1 N1CNV 561.130922783
024600
16 30.6987484510
32735
7.67468711275
8184
N1CV 491.883671688
321330
16 37.2429200380
35150
9.31073000950
8788
Paire 2 N1NCNV 531.196092515
587700
16 26.9120012578
32568
6.72800031445
8142
N1NCV 566.396928272
728600
16 35.0686605600
02920
8.76716514000
0730
Paire 3 N2CNV 656.044896807
469000
16 48.0422697624
81620
12.0105674406
20404
N2CV 645.160701791
961200
16 70.6866482641
02370
17.6716620660
25593
Paire 4 N2NCNV 639.467949282
521400
16 46.2873594997
37704
11.5718398749
34426
N2NCV 651.063572438
895800
16 68.1658005910
78350
17.0414501477
69588
Paire 5 N3CNV 670.478089671
211400
16 51.1781680093
20060
12.7945420023
30015
N3CV 674.870715792
756800
16 60.8576347134
69660
15.2144086783
67414
Paire 6 N3NCNV 675.863440321
719000
16 62.2323806977
25170
15.5580951744
31292
N3NCV 683.905232057
232200
16 53.1048171678
07600
13.2762042919
51900
Statistiques des échantillons appariés
Moyenne N Ecart type
Moyenne erreur
standard
Paire 1 N1CNV 561.130922783
024600
16 30.6987484510
32735
7.67468711275
8184
N1CV 491.883671688
321330
16 37.2429200380
35150
9.31073000950
8788
Paire 2 N1NCNV 531.196092515
587700
16 26.9120012578
32568
6.72800031445
8142
N1NCV 566.396928272
728600
16 35.0686605600
02920
8.76716514000
0730
53
Paire 3 N2CNV 656.044896807
469000
16 48.0422697624
81620
12.0105674406
20404
N2CV 645.160701791
961200
16 70.6866482641
02370
17.6716620660
25593
Paire 4 N2NCNV 639.467949282
521400
16 46.2873594997
37704
11.5718398749
34426
N2NCV 651.063572438
895800
16 68.1658005910
78350
17.0414501477
69588
Paire 5 N3CNV 670.478089671
211400
16 51.1781680093
20060
12.7945420023
30015
N3CV 674.870715792
756800
16 60.8576347134
69660
15.2144086783
67414
Paire 6 N3NCNV 675.863440321
719000
16 62.2323806977
25170
15.5580951744
31292
N3NCV 683.905232057
232200
16 53.1048171678
07600
13.2762042919
51900
54
Annexe II : Résultats des analyses des taux d’erreurs
ANOVA à mesures répétées
55
1. Moyenne générale
Mesure: MEASURE_1
Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
.149 .009 .131 .168
56
2. nombre Mesure: MEASURE_1
nombre Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 .045 .006 .032 .058
2 .183 .012 .156 .209
3 .220 .013 .192 .249
3. correspondance Mesure: MEASURE_1
correspondance Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 .134 .009 .114 .154
2 .165 .009 .145 .185
4. validité Mesure: MEASURE_1
validité Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 .142 .009 .124 .160
2 .157 .010 .136 .177
5. nombre * correspondance Mesure: MEASURE_1
nombre correspondance Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 1 .033 .005 .023 .043
2 .057 .009 .038 .077
2 1 .164 .013 .137 .191
2 .201 .016 .168 .234
3 1 .204 .016 .169 .239
2 .237 .013 .208 .265
57
6. nombre * validité Mesure: MEASURE_1
nombre validité Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 1 .044 .008 .026 .061
2 .047 .006 .033 .060
2 1 .175 .015 .143 .206
2 .191 .013 .163 .218
3 1 .208 .016 .174 .241
2 .233 .014 .204 .262
7. correspondance * validité Mesure: MEASURE_1
correspondance validité Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 1 .113 .011 .090 .136
2 .155 .010 .134 .175
2 1 .171 .011 .148 .194
2 .159 .011 .135 .182
8. nombre * correspondance * validité Mesure: MEASURE_1
nombre correspondance validité Moyenne Erreur standard
Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure
Borne
supérieure
1 1 1 .026 .007 .012 .040
2 .040 .005 .028 .052
2 1 .061 .013 .034 .089
2 .053 .009 .035 .071
2 1 1 .139 .016 .106 .173
2 .189 .013 .162 .216
2 1 .210 .022 .164 .256
2 .193 .014 .162 .223
3 1 1 .173 .021 .128 .218
2 .235 .015 .204 .266
2 1 .243 .019 .202 .283
2 .231 .015 .198 .263
58
Tests T
Statistiques des échantillons appariés
Moyenne N Ecart type
Moyenne erreur
standard
Paire 1 N1CNV .0400 16 .02191 .00548
N1CV .0263 16 .02655 .00664
Paire 2 N1NCNV .0531 16 .03420 .00855
N1NCV .0613 16 .05188 .01297
Paire 3 N2CNV .1888 16 .05097 .01274
N2CV .1394 16 .06266 .01566
Paire 4 N2NCNV .1925 16 .05675 .01419
N2NCV .2100 16 .08679 .02170
Paire 5 N3CNV .2350 16 .05877 .01469
N3CV .1731 16 .08388 .02097
Paire 6 N3NCNV .2306 16 .06071 .01518
N3NCV .2425 16 .07559 .01890
Corrélations des échantillons appariés N Corrélation Sig.
Paire 1 N1CNV & N1CV 16 .138 .612
Paire 2 N1NCNV & N1NCV 16 .415 .110
Paire 3 N2CNV & N2CV 16 .574 .020
Paire 4 N2NCNV & N2NCV 16 .486 .056
Paire 5 N3CNV & N3CV 16 .658 .006
Paire 6 N3NCNV & N3NCV 16 .207 .441
59
Annexe III : Feuille de consentement
60