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Institut de Formation des Cadres de Santé – CHU de Rennes
&
Université Bretagne Loire
Université Rennes 2
Centre de Recherche sur l’Education, les Apprentissages
et la Didactique (CREAD)
Master ITEF Parcours cadres de santé
Performance et qualité de vie au travail :
une alliance à construire ?
Annie-France LORAND-GUILLARD
Sous la direction de Monsieur Cédric ROQUET
Soutenu le 23 juin 2017
Année Universitaire : 2016-2017
Institut de Formation des Cadres de Santé – CHU de Rennes
&
Université Bretagne Loire
Université Rennes 2
Centre de Recherche sur l’Education, les Apprentissages
et la Didactique (CREAD)
Master ITEF Parcours cadres de santé
Performance et qualité de vie au travail :
une alliance à construire ?
Annie-France LORAND-GUILLARD
Sous la direction de Monsieur Cédric ROQUET
Soutenu le 23 juin 2017
Année Universitaire : 2016-2017
« Un seul mot usé qui brille comme une vieille pièce de monnaie :
MERCI ! » Pablo Nouda
Mes remerciements s’adressent à :
Mr Roquet, cadre de santé supérieur, du centre hospitalier de St Malo, pour la
guidance et l’accompagnement dans la réalisation de cette initiation à la recherche,
Aux universitaires de Rennes 2, qui m’ont prodigué des conseils sur la méthodologie
de recherche dans la réalisation de ce projet,
Aux personnes qui ont bien voulu se prêter aux interviews et qui ont enrichi ma
recherche de leurs expériences,
Aux formatrices de l’Institut de Formation des Cadres de Santé du CHU de Rennes qui
m’ont fait confiance, et qui m’ont conseillée et suivi dans ce parcours,
Mes amies qui ont participé à la retranscription des entretiens et à la relecture de ce
mémoire, m’ont accompagnée solidairement dans toutes les tribulations rencontrées,
A mon mari en reconversion professionnelle également, Anna et François pour leur
patience, qui nous ont apporté à chacun soutien et encouragements tout au long de la
réalisation de notre projet respectif,
A mon père dont la présence malgré l’absence m’accompagne chaque jour.
« De plus en plus de managers considèrent que la bienveillance est un ingrédient
tant du bien-être des salariés que de la performance de l’entreprise »
Jacques Lecomte1
1 Docteur en psychologie, président d’honneur de l’Association française de psychologie positive, auteur de
Les Entreprises humanistes. Comment elles vont changer le monde, Les Arènes, 2016.
SOMMAIRE
1. Introduction : ................................................................................................................................... 1
2. La problématisation ......................................................................................................................... 2
2.1. Ma situation de départ ............................................................................................................ 2
2.2. Partie exploratoire : mes expériences professionnelles et questionnement ......................... 3
2.3. Analyse pratique des constats ................................................................................................. 9
2.4. Question de recherche .......................................................................................................... 10
2.5. Hypothèses ............................................................................................................................ 10
2.6. Enoncé des concepts ............................................................................................................. 11
2.7. Enoncé du paradigme ............................................................................................................ 11
3. Le cadre conceptuel ...................................................................................................................... 12
3.1. La performance ..................................................................................................................... 12
3.2. La Qualité de vie au travail (QVT) .......................................................................................... 20
3.3. Le management ..................................................................................................................... 28
4. Méthodologie de recherche .......................................................................................................... 38
4.1. Choix de la démarche ............................................................................................................ 38
4.2. Les objectifs ........................................................................................................................... 39
4.3. Choix de la population ........................................................................................................... 39
4.4. Choix des outils de recherche ............................................................................................... 39
4.5. Le déroulement des entretiens ............................................................................................. 40
4.6. Les limites et critiques de l’enquête ...................................................................................... 41
5. Analyse et interprétation .............................................................................................................. 42
5.1. Analyse des populations interviewées .................................................................................. 42
5.2. Analyse et interprétation des données recueillies ............................................................... 44
5.3. Synthèse de l’analyse et interprétation ................................................................................ 69
6. Conclusion ..................................................................................................................................... 75
7. Glossaire : ...................................................................................................................................... 83
8. Liste des références bibliographiques : ......................................................................................... 84
1
1. Introduction :
Les organisations de travail connaissent de grandes transformations depuis plusieurs
décennies, en lien avec la crise économique et financière. Les réorganisations touchent tous
les secteurs privés et publics et notamment le secteur de la santé et l’hôpital public. Ces
bouleversements organisationnels, légitimés par des lois récentes2, engagent les hôpitaux
entre autres à l’optimisation de leurs organisations, impliquant un impact sur l’ensemble des
acteurs de la santé. Les logiques d’amélioration de la qualité et de certification imposent aux
établissements publics de santé une exigence de niveau de compétence des professionnels afin
de satisfaire l’usager dans sa prise en charge globale. S’ajoutent les progrès rapides induits
par la révolution technologique accélérant le changement et provoquant des modifications
profondes des pratiques des soignants. Dans ce contexte politico-médico-socio-économique
émergent des notions, telles que performance et efficience. Ces notions apparaissent dans le
champ de la santé, défendant traditionnellement les valeurs humanistes, ceci remettant en
cause l’adage : « la santé n’a pas de prix ». L’organisation, les pratiques et les valeurs ainsi
bousculées risquent d’impacter la qualité de vie au travail, le bien-être du soignant et de fait la
qualité de prise en charge globale des patients.
Le cadre de santé, rouage incontournable des organisations hospitalières se trouve
particulièrement concerné par le changement des organisations dans son travail au quotidien.
En formation pour devenir cadre de santé je m’interroge légitimement sur l’impact de ces
mutations dans mes futures fonctions. Dans le cadre de mes recherches, je me positionne en
apprentie chercheure visant à cerner et à mesurer la place du cadre de santé dans ce contexte
exigeant auquel il doit faire face, l’obligeant à une gestion plus rigoureuse orientée vers la
performance. Comment le cadre de santé manage avec bienveillance une équipe dans ces
nouvelles règles de fonctionnement ? Mais comment garantir la bienveillance quand la
pression sur le travail prédomine aujourd’hui ? Cette alliance de performance et de qualité de
vie au travail est-elle possible à mener pour un cadre de santé ? Prendre soin des soignés, et de
ceux qui soignent, dans cette course à la performance : un challenge atteignable ? Sur quelles
pratiques managériales le cadre de santé peut-il s’appuyer face à cette double injonction
semblant paradoxale ?
A partir de mon ancrage professionnel, divers questionnements sur cette problématique,
j’émettrai les hypothèses découlant de ma question de recherche. Au fil de mes investigations
exploratoires et littéraires j’aborderai le cadre conceptuel. En seconde partie je poursuivrai
2 La Nouvelle Loi de Santé 2016, Loi HPST du 21 juillet 2009, l’ordonnance de 2005, la loi 2004 sur la
certification
2
mon cheminement par une enquête de terrain, une analyse des données recueillies afin de
croiser la théorie et la pratique sur le terrain. Je conclurai par ma projection professionnelle :
quelle cadre de santé serai-je pour répondre à ces enjeux ?
2. La problématisation
2.1. Ma situation de départ
Les métiers de la santé sont porteurs de valeurs humaines telles que l’altruisme et le respect
de l’être humain. Mon dévouement, mon envie de partager m’ont naturellement dirigée vers
un métier de soignant au service de la personne. Mon parcours de soignant est l’aboutissement
d’un projet d’orientation professionnelle qui arrive aujourd’hui à maturité. Le métier de
manipulatrice en électroradiologie médicale (MEM) m’a permis de concilier mon aspiration à
travailler en équipe au service d’autrui et mon intérêt pour les sciences et la technicité. J’ai
opté pour un poste dans la fonction publique qui m’a garanti l’accès à un travail diversifié au
travers de pathologies et technologies variées. Travailler en équipe pluridisciplinaire s’est
révélé d’autant plus épanouissant que je suis encline à écouter l’autre, le soutenir, voire le
réconforter. Au fil des ans, j’ai bâti mon identité professionnelle. Avancer, donner du sens à
ma pratique restent des préoccupations dominantes. J’assiste à de profondes mutations
organisationnelles qui impactent les établissements de santé, particulièrement leur
financement et gouvernance. L’hôpital doit faire face à moult évolutions au niveau structurel,
économique et politique, auxquelles les professionnels de santé doivent s’adapter. Malgré un
épanouissement intact au sein de mon service, je ressens le besoin d’évoluer dans cette
mouvance. La préoccupation de mettre la personne soignée au cœur des projets et des
organisations m’a orientée tout naturellement vers la fonction de cadre de santé. Selon
Hesbeen (2002, p.84), docteur en santé publique,
Devenir cadre procède d’un choix. En premier lieu d’un choix personnel qui reflète d’une certaine
ambition… qui témoigne de la confiance qu’à un professionnel en ses capacités personnelles de
manager une équipe, ou même un groupe plus vaste pour ensemble accomplir une œuvre.
Dans cette dynamique personnelle et collective, je souhaite devenir cadre pour accompagner
les soignants dans l’institution en mouvement. En effet, être cadre de santé, c’est une autre
manière d’aborder le soin auprès du patient ; ce n’est plus en présence (face à face) sur le
terrain, mais de manière plus théorique ; contrairement aux manipulateurs travaillant en
direct auprès du patient, je travaillerai davantage sur les organisations permettant aux agents
de soigner au mieux près du patient. Comme le déclare Mintzberg, professeur en management
« toute activité humaine organisée (…) doit répondre à deux exigences fondamentales et
3
contradictoires : la division de travail entre les différentes tâches à accomplir et la
coordination de ces tâches pour l’accomplissement du travail » (2005, p.18). Ainsi le cadre
s’implique dans la coordination de la prise en charge du patient et crée un lien avec les
équipes médicales, paramédicales, intra et extra-hospitalières. Il doit faciliter le travail de
l’équipe pluridisciplinaire en lui donnant les moyens d’une prise en soin de qualité.
Aspirante au poste de cadre, je cherche sur quel management m’appuyer, quand l’économie
rejoint l’humain ? En effet dans ce contexte médico-économique contraint, l’objectif du
Nouveau Management Public (NMP) est de tendre vers « l’hôpital- entreprise », terme
apparaissant dans les propos des analystes des reformes hospitalières. Par exemple, Pierru,
sociologue de l’état et de l’action publique, écrit « cette thématique va connaître une fortune
considérable jusqu’au début des années 90. Diffusée par de multiples agents, elle opère un
véritable coup de force symbolique qui légitime l’importation des technologies managériales
et industrielles de « l’entreprise performante » dans les hôpitaux. » (1999, p.7). La nouvelle
gouvernance hospitalière incite les cadres à une performance accrue : en augmentant
l’activité, optimisant les ressources, rationnalisant les équipements... Dans cette dimension
gestionnaire, je m’interroge sur ma posture managériale afin de préserver, autant que possible,
la santé et la qualité de vie au travail (QVT) des soignants. « Nul doute que le constat d’une
certaine atteinte à la santé psychique du fait des transformations du travail ne peut être nié
désormais » énonce l’anthropologue Gresy (2002, p.174). Je constate que tout s’accélère : de
multiples injonctions politiques amènent nos établissements à se restructurer. Ces
changements désorganisent nos pratiques : celles des cadres de santé mais aussi celles des
agents. J’observe que le cadre de santé a davantage de pression hiérarchique pour gérer son
équipe. La réduction des moyens limite les soignants dans l’exercice de leur métier, des
conditions de travail altérées risquent de les exposer à un mal-être. Face à cette intensification
d’activité souhaitée, je pose alors la question de départ suivante :
Dans cette accélération et cette course à la performance, comment tendre vers une
meilleure prise en compte de l’humain ?
2.2. Partie exploratoire : mes expériences professionnelles et questionnement
Je partirai de mon expérience professionnelle de MEM pour illustrer mon questionnement à
partir de trois constats récents. A cette étape de mon travail, je fais le choix de ne pas réaliser
d’entretien exploratoire. Les trois situations suivantes vécues reflètent à elles seules
parfaitement mon cheminement.
4
En 2013, suite à un appel à candidature j’ai été membre actif du comité de pilotage du projet
de téléradiologie entre le Centre Hospitalier de Ploërmel (CH2P) et le Centre Hospitalier de
Vannes (CHBA), coordonné par le GCS e-Santé Bretagne. L’objectif du groupe de travail
était d’étudier les diverses coopérations possibles entre les deux sites pour faire face à la
pénurie des radiologues. Suite à un audit externe, j’ai travaillé pour ce projet en collaboration
étroite avec le médecin responsable du service, et le cadre de santé sur divers axes de travail.
A l’écoute du groupe, ce nouveau cadre MER à mi-temps partagé avec le CHBA, a tenté
d’apaiser certaines appréhensions en expliquant l’intérêt de cette évolution afin de faciliter la
mise en place de cette notion « du travailler ensemble sur le territoire » profitable à tous.
Cette expérience souligne l’importance de l’échange entre le cadre de proximité et l’équipe
pour améliorer les conditions de travail de chacun, et la collaboration avec le médecin
responsable du service essentielle au succès de cette mutualisation. Le cadre est l’interface
entre l’équipe soignante, les médecins, les patients et les instances : il doit être en capacité
d’entendre, de réfléchir, de savoir se remettre en cause pour progresser : « le travail des
cadres se caractérise par des activités multiples de mise en relation, de mise en cohérence,
d’intermédiaire entre des logiques, des personnes et des groupes. Il s’agit d’un travail
d’articulation » (Bourret, 2008). Parallèlement, Mintzberg (2012, p.60) utilise une
comparaison en citant la « position du Cadre comme la partie centrale d’un sablier ». Ce
dernier appelle un cadre « toute personne qui a la responsabilité d’une organisation formelle
ou d’une de ses sous-unités ». Il met en lumière les principales subtilités du travail et des rôles
du cadre. Celui-ci travaille sur l’organisation, ne s’arrête jamais, travaille sans cesse et est en
réflexion permanente. Mais j’ai envie de dire que « font-ils vraiment ?. L’auteur met en
exergue 10 rôles répertoriés comme étant similaires pour tout cadre. Il est un organisateur
avec une autorité hiérarchique respectée, capable de prendre des décisions idoines au moment
opportun, selon les logiques de chacun s’exprimant par le biais de la communication.
En 2014, l’installation du Système d’Informatisation Radiologique (RIS) fut la première
étape nécessaire dans la dotation d’outils communs, préalable à la coopération engagée avec
les radiologues du CHBA. L’arrivée des Technologies d’Informations et Communication
(TICS) dans la fonction hospitalière a modifié en profondeur les conditions de travail des
agents en entraînant des modifications organisationnelles. Les outils de travail étant très
différents, les façons de travailler devaient évoluer et pour ceci il était nécessaire de mieux
comprendre le fonctionnement de ces nouvelles technologies. Cette nouvelle manière de
travailler a entraîné une remise à plat de l’organisation du service. Nommée référent « RIS »,
5
j’ai bénéficié d’une formation personnalisée de sorte que je puisse d’une part réaliser des
requêtes utiles pour des statistiques indispensables à ma fonction de gestionnaire des risques
en radioprotection et d’autre part, dans l’exercice futur de cadre de santé, à savoir suivre et
évaluer l’activité d’imagerie, et mettre en adéquation l’organisation du service en optimisant
les ressources humaines avec l’activité réelle, ce que l’on appelle l’efficience. Mon rôle a
consisté d’une part à anticiper activement à l’harmonisation préalable des outils,
indispensable à la mutualisation, et d’autre part à assurer un relai d’informations entre le
groupe projet et l’équipe du service tout en l’accompagnant d’un travail d’explications et de
partage pour fédérer l’équipe autour de l’intérêt du projet. En raisons de craintes exprimées
par des agents, j’ai donc été amenée à préparer certains agents psychologiquement afin qu’ils
surmontent ces « peurs ». Cela a nécessité un accompagnement de proximité pour faciliter
aussi l’appropriation de ce logiciel suscitant également des craintes quant aux connaissances
diverses de l’informatique pour l’accueil du patient.
Au travers de ce projet, j’ai pu observer les compétences du cadre à gérer cette importante
mission qui a nécessité, de sa part, aussi un accompagnement à court et moyen terme pour
faciliter cette évolution des pratiques professionnelles. D’une part, l’organisation de sessions
approfondies destinées aux référents techniques, dans la conception du projet informatisé
adapté aux besoins spécifiques de notre domaine d’activité, et d’autre part, par la mise en
place de formations pratiques pour favoriser l’appropriation de ce logiciel spécifique, en
fonction des besoins de chaque agent en lien étroit avec le service informatique. Des réunions
régulières, par la suite, ont été planifiées et menées par le cadre pour sa mise en place et le
suivi de ces évolutions. Bourret (2011, p.124), illustre cet accompagnement par le fait de
« s’intéresser au travail, c’est s’intéresser au travail en train de se faire, aux professionnels
et aux ressources (environnement, équipements) impliqués dans ce travail ainsi qu’aux
interactions entre ces différents éléments : personnes, équipements et organisation. »
Au final, l’introspection via ce travail d’accompagnement, a représenté une charge importante
et la remise en question a parfois été délicate et douloureuse par certaines personnes, mais
nécessaire pour aboutir à une organisation stable du service. J’ai mesuré les stratégies du
cadre afin d’impliquer l’ensemble des catégories pluridisciplinaires. Le travail en équipe avec
un groupe hétérogène fut bénéfique pour garantir la bienveillance des professionnels de
terrain dans leurs conditions de travail, et veiller à la meilleure efficience possible. J’ai pu
constater ainsi que la résistance au changement a été surmontée grâce au dialogue et à la
persuasion. La communication est ce « travail de lien invisible » presqu’indicible que doit
exercer le cadre entre les différents acteurs.
6
Afin de réussir ces changements, informer le personnel semble nécessaire, or informer n'est
pas communiquer : « Communiquer un projet, c’est d’abord être informé, mais informer n’est
pas communiquer » (Raynal, 2003, p.188). Je prends de plus en plus conscience de
l’importance d’une bonne communication autour d’un projet. Mais qu’est-ce qu’une bonne
communication ? Est-ce permettre au plus grand nombre de s’exprimer ? Doit-elle être
réciproque ? « Il faut communiquer dans les deux sens, et aller au-delà de la simple
information hiérarchique descendante » (Ortega et al., 2013, p. 607).
La manière de communiquer est-elle le garant de l’adhésion à un projet? Une façon de mieux
intégrer la dimension humaine pour réussir le processus du changement ? Quels rapports doit
entretenir le cadre d’imagerie face aux évolutions techniques incessantes tout en préservant au
mieux le bien-être au travail de son équipe ?
En 2015, un Contrat de Retour à l’Equilibre (CRE) a été signé à l’établissement par l’Agence
Régionale de la Santé (ARS). L’une des principales mesures concernaient dans ce CRE la
réduction du recours au personnel contractuel par la diminution du nombre de RTT
(Réduction du temps de Travail). L’ARS demandait également la mise en place rapide de la
téléradiologie pour limiter le recours à l’intérim médical. L’objectif de ces directives
clairement exprimés par l’ARS et appliquées sur le terrain est d’ordre économique. Les
conséquences de ces maîtrises de coût se font sentir directement dans les pratiques
professionnelles avec un impact d’ordre psychologique sur le personnel. Une nouvelle
manière de travailler implique des changements difficiles à intégrer chez certains avec en plus
une altération de leurs conditions de travail : diminution de RTT, des effectifs,
déshumanisation de l’outil de travail.
S’impose dès lors la notion de performance dans le milieu hospitalier avec une connotation
peut-être inhabituelle dans un milieu où l’humain est régulièrement mis en avant. Les valeurs
des soignants sont perturbées : la performance économique s’installe et devient de plus en
plus apparente et concrète aux yeux des professionnels. J’ose dire qu’il s’agit de la
performance économique car Voyer, décrit la performance sous différents aspects. Ce
professeur expert en gestion annonce dans cette phrase « nous découvrons que la définition de
la performance est complexe et largement tributaire de son contexte d’application et
d’utilisation, de celui qui évalue… » (1999, p.13). Il semblerait qu’il faille distinguer la
performance sous différents champs : la performance économique, la performance sociale, la
performance professionnelle, la performance psychologique, managériale… D’ailleurs Voyer,
cite deux auteurs, Lynch et Cross pour éclairer cette notion de la performance.
7
Selon Lynch et Cross, les dimensions de la performance seraient les suivantes : la vision (innovation,
différenciation, qualité du service, disponibilité, qualité des intervenants, ….), les finances ; la
satisfaction du client et la qualité du service (fiabilité, temps de réponse, esthétique, propreté, confort,
convivialité, communication, courtoisie, compétence, accès, disponibilité) ; la flexibilité (adaptabilité
aux besoins liée à la satisfaction du client, efficience de la réponse du système liée à la productivité) ;
la productivité (efficience de ressources mesurée en degré de valeur ajoutée, par le volume de pertes et
de gaspillage) ;la qualité du produit (caractéristiques, performance du produit-service, fiabilité,
esthétique, qualité perçue) ; la production et la livraison (quantité et ponctualité) ; le temps du cycle (la
somme des divers délais) ; les pertes et le gaspillage (coûts et effort à valeur non ajoutée, reprises de
travail , ignorance, échecs, surplus). (p.119)
La performance n’est pas un item généraliste, il existerait différents types de performance. A
ce stade, pour moi, la performance signifiait performance économique. Je découvre à travers
cet auteur l’existence de plusieurs dimensions de cette notion ; il conviendra de détailler ce
concept qu’est la performance au moment du cadre conceptuel.
Pour revenir à la décision de l’ARS dans le cadre du CRE, il s’agissait d’une révolution
technologique à mettre en place en imagerie. Le personnel qu’il a fallu préparer en l’espace
de trois mois vers ce nouveau métier de « téléradiologie-MER » a manifesté son
mécontentement. Cette solution exige une organisation rigoureuse reposant sur des protocoles
validés par les téléradiologues et implique un changement important pour le manipulateur, en
particulier un temps de transmission des informations plus fastidieux par le biais de réseau
informatique. Le service a beaucoup changé avec ces progrès technologiques pour en faire un
lieu de compétence professionnelle afin de s’adapter aux attentes des patients et à la
permanence des soins. Selon Parmentier « l’évolution technique des métiers implique
l’adaptation individuelle et collective des salariés aux nouveaux outils » (2013, p. XIII). Le
cadre a dû régulièrement faire le point sur les différentes difficultés rencontrées lors de cette
mise en place. J’ai observé la patience, la sérénité du cadre, qualités essentielles pour
résoudre au fur et à mesure chaque dysfonctionnement, et pour accompagner le personnel afin
d’améliorer le fonctionnement et la communication avec la société de téléradiologie.
Le cadre doit faire preuve de persévérance, de conviction, afin de garder le cap malgré les
difficultés éprouvées par le personnel. Sur un temps de travail limité, membre actif du COPIL
de téléradiologie, j’ai joué le rôle d’un leadership pour réussir cette mutation du service. Ma
coopération dans des actions non missionnées a contribué à la bonne marche du service avec
ce responsable aguerri, dont le dessein est d’offrir aux usagers une permanence des soins de
qualité en toute sécurité sur le territoire santé n°4. Je réalise très vite que ce projet de service
n’arrive pas forcément à un moment propice : diminution de RTT, restructuration du pôle,
manque de temps à l’apprentissage, recherche de maitrise des dépenses…
La réussite d’un projet est-elle conditionnée par le moment idoine ?
8
Les collectifs s’approprient ces technologies exigées pour limiter les coûts de production, et
assurer la permanence des soins. Mais cette robotisation implique des logiciels qu’il faut
maîtriser pour répondre à la commande. Ce temps d’adaptation diffère selon chaque individu,
est plus difficile pour certains, sans compter les aléas informatiques (pannes, incidents …).
Aussi le rapport homme-machine déstabilise les habitudes de travail avec cette organisation
en réseau : il n’y a plus personne près du soignant ; il faut aller chercher l’information sur un
serveur au lieu de communiquer de visu avec un médecin. Ces adaptations à des relations
désincarnées sont vécues diversement et plus ou moins douloureusement.
Face aux exigences politiques, à ces techniques de plus en plus prégnantes dans le monde de
la santé, le développement de la performance permet-il le maintien de la bienveillance envers
l’équipe ? Comment le cadre en imagerie donne-t-il sens, motive l’équipe face à ce
challenge : stratégie de performance et de bien-être au travail ?
Enfin dans ce processus du changement, j’ajouterai qu’un service médico-technique comme
l’imagerie est appelé à renouveler ses équipements radiologiques comme le scanner
régulièrement ; lorsque tous les MEM sont en phase de « pilotage automatique » sur une
installation, il faut à nouveau s’adapter à un nouvel équipement en acquérant de nouvelles
compétences. Ils sont confrontés à la permanence et à l’accélération des changements. Le
changement organisationnel est défini comme « un processus de transformation radicale ou
marginale des structures et des compétences qui ponctue le processus d’évolution des
organisations » (Chagué, 2004). Changer n’est pas d’ordre naturel, les « établissements de
santé changent le plus souvent parce qu’ils y sont contraints ». L’obligation de s’adapter aux
exigences de l’environnement induit des mutations. « La fréquence du changement, c’est-à
dire le temps entre deux évolutions de l’environnement, qui par leur nature et leur ampleur
nécessitent un changement d’organisation, ne cesse de se contracter ». Le changement n’est
pas nouveau, c’est la cadence à suivre. Le rythme de ces changements impacte le
management.
Néanmoins, je sais à quel point le changement, vécu comme un saut vers l’inconnu, effraie,
mais peut également être source de stimulation, d’interrogations, d’échanges, de remises en
question et d’une nouvelle dynamique d’équipe. La motivation et l’implication de l’agent
dans un projet semblent déterminants pour porter ce projet jusqu’à sa maturité.
Mais comment créer les conditions de réussite d’un projet sans risque de dégrader la QVT?
Comment le cadre peut-il accompagner les professionnels en limitant le stress? En quoi le
management du cadre peut-il être source de motivation à la performance du travail ?
9
2.3. Analyse pratique des constats
Suite à ces cas concrets, afin d’illustrer au mieux le cheminement de ma pensée et
l’élaboration de ma question de recherche voici l’analyse pratique de cette situation de départ.
Cette accélération des changements m’a fait prendre conscience des qualités du cadre en
terme d’organisation et de ses capacités à mener à bien un projet, de se rapprocher encore
davantage de l’équipe pour apaiser des appréhensions…Ces constats de réalité économiques
et institutionnels, soulignent l’importance de l’échange entre le cadre de proximité et l’équipe
pour améliorer les conditions de travail de chacun malgré la croissance de l’activité. Hesbeen
indique le rôle fondamental du cadre dans une relation proximale avec les soignants : « le
cadre de santé de proximité a pour fonction d’organiser et d’accompagner la relation
singulière de soin au sein des pratiques du quotidien » (2011, p.95). Dans cette relation il ne
faut pas oublier la collaboration utile avec le médecin responsable du service dans la
complexité et la difficulté de situations de soins. Devant l'importance des changements encore
à venir, subsiste toujours le risque de stress...
Comment développer la performance sans risque de générer davantage de mal-être au travail ?
Je me suis intéressée à diverses lectures dans cette enquête exploratoire, dont celles de
Bartoli et Blatrix sur le « Management dans les organisations publiques » (2015,
p.112) ; ceux-ci proposent de réfléchir à la question de la performance du secteur public et
s’interrogent sur l’accomplissement d’un « bon résultat » pour une organisation publique. Je
me pose la question suivante en tant qu’aspirante à la fonction de cadre de santé dans un
service hospitalier public : par quelles méthodes de management et d’organisation du travail
peut-on conjuguer bien-être et efficacité au travail dans un contexte financier contraint ? En
poursuivant mes premières lectures exploratoires, Gresy évoque ces enjeux dans son ouvrage
« gérer les risques psycho-sociaux- Performance et bien-être au travail » :
La dimension psychosociale s’appréhende dans le rapport de l’individu à son travail (avec ses
collègues, sa hiérarchie, les évolutions organisationnelles,…). Ce rapport est l’objet de tensions :
créatrices de valeurs et de bien-être lorsqu’elles sont bien gérées ; vecteurs de contre ou sous-
performances et de souffrances lorsqu’elles sont mal gérées. (2012, p.177)
Ainsi, le cadre, interface entre l’équipe soignante et les instances doit être en capacité de
répondre aux objectifs institutionnels (efficience) et respecter les conditions de travail de
l’équipe (bien-être au travail). Professeur à l’université Paris-Dauphine, Fermon (2015)
m’éclaire quant aux différents rôles des responsables vers cette évolution de la « Performance
et innovation dans les établissements de santé ». En découle ma réflexion sur le management
10
à adopter dans ce défi entre la cadence de travail, la qualité des soins, la bienveillance envers
l’équipe… Il me semble difficile d’allier performance d’un service et respect de la QVT d’une
équipe. Quels sont les atouts, les compétences d’habileté du cadre pour réussir à placer le
curseur, et trouver le juste équilibre entre ces deux notions semblant antinomiques ?
2.4. Question de recherche
Quand les changements s’accélèrent, les professionnels de santé sont amenés à s’adapter en
permanence. De plus un contexte économique contraint induit une conduite de changements
complexifiée pour le cadre de santé afin de concilier performance et QVT. J’espère pouvoir
comprendre via ce questionnement sur quels critères (sens, motivation, communication,
reconnaissance…) je pourrai m’appuyer lors de ces changements inéluctables au sein de
l’organisation du service pour associer performance et bienveillance envers l’équipe.
Ces expériences vécues, observations et analyses, liés aux premiers éclairages théoriques ont
démontré toute la complexité de la fonction de cadre sur le terrain pour faire cohabiter
performance et QVT. Au fil de ma réflexion je cherche à explorer cet apparent paradoxe.
Comment tendre vers une meilleure considération de la dimension humaine dans le
changement vers la performance ? Dans ces évolutions hospitalières, le développement de la
performance respecte-t-il la bienveillance envers l’équipe soignante ?
Parmi ces problématiques émises, au regard de mon cheminement, je reformule ma question
de départ en question de recherche me semblant plus pertinente :
Quand les changements s’accélèrent, en quoi le management du cadre de santé
peut-il concilier la performance avec la qualité de vie au travail ? Ces deux
notions sont-elles compatibles ?
C‘est à ce questionnement que mon mémoire propose de répondre.
2.5. Hypothèses
1) La qualité de vie au travail facilite la performance.
2) En adoptant un style de management le cadre de santé peut améliorer la
performance du service.
3) La proximité du cadre de santé avec son équipe favorise la performance et la qualité
de vie au travail.
11
2.6. Enoncé des concepts
Cette première partie, consacrée à l’exploration de ma question de départ, m’a permis
d’élaborer ma question de recherche accompagnée d’hypothèses. Il est à présent nécessaire
d’en éclairer les notions principales pour la construction d’un cadre théorique.
Dans ces évolutions incontournables, la gestion des ressources doit donc relever de nouveaux
challenges face à cet écosystème changeant. Mais la solution face à ces différents enjeux
serait-elle de s’appuyer sur des nouvelles compétences comportementales pour le cadre de
santé ? Dans un contexte d’intensification du travail et de logiques d’amélioration de la
qualité et de certification comment s’organise le travail au sein d’un collectif tout en
respectant chacun. Dans cette quête à la performance, le management du cadre de proximité
ne doit pas pour autant oublier la bienveillance professionnelle des agents immergés dans un
environnement de plus en plus high-tech, facilitant la coordination de ces réseaux de travail,
pour répondre aux besoins de la population.
En termes de pertinence dans ce contexte établi, j’en dégage des grandes notions comme la
performance, la qualité de vie au travail et le management. Pour l’élaboration de mon cadre
théorique, je fais donc le choix de ces trois concepts me semblant plus intéressant pour
répondre à ma question de recherche. Traiter de la communication, de la motivation, du sens,
de la reconnaissance… me paraît plus comme des leviers de management pour le cadre pour
atteindre de la QVT et la performance.
2.7. Enoncé du paradigme
L’évaluation de la performance des hôpitaux s’installe progressivement dans les structures de
santé conduisant les responsables à adopter le mode de gestion à l’entreprise. Pour le cadre de
santé en particulier, l’hôpital devient un lieu de paradoxes et de contradictions, où la maîtrise
des coûts prédominerait sur la notion de bienveillance dans la gestion des ressources
humaines, l’administration des soins. Ce travail de recherche m’amène à présent à considérer
ces concepts essentiellement sous l’angle de la psychodynamique du travail, des sciences de
la gestion. Le champ de la professionnalisation ou science de l’Homme et Société semble
aussi nécessaire face à cet un enjeu socio-économique au vu des mutations du monde travail
et des besoins d’adaptation des acteurs aux contextes. Les auteurs sont en partie des
universitaires, gestionnaires, sociologues, psycho-sociologues, pour la plupart des spécialistes
du champ de la santé et du travail.
12
3. Le cadre conceptuel
3.1. La performance
3.1.1. Le culte de la performance
Il semble nécessaire pour savoir où l’on va, de comprendre d’où l’on vient et les situations
problèmes qui vont se présenter à nous dans un système hiérarchique. Nous présenterons donc
l’évolution des champs professionnels pour tenter de mieux comprendre le culte de la
performance avec l’évolution de l’homme dans les systèmes d’organisation.
Au XIXe siècle, la révolution industrielle conséquence de l’innovation technique marque les
débuts de l’individualisme au travail et de la production en grande série. La classe sociale des
ouvriers non qualifiés issus des campagnes apparaît; cette force de travail placée dans les
usines répond au besoin d'hommes-machines. Cependant, il faut accompagner l'évolution
technique d’où besoin d’ouvriers qualifiés. Les industriels se méfient d’eux d’où la mise en
place d’une structure hiérarchique : des contremaîtres qui connaissent très bien la catégorie
des ouvriers émergent du groupe, engendrant des relations dures de domination. Enfin, l’ère
industrielle s’identifie à une organisation semi militaire, un commandement avec soumission
aux chefs : un système pyramidal. Cela entraîne des relations sociales dures qui amènent
rapidement le syndicalisme pour combattre ce qui est jugé comme abusif.
En 1911, Taylor invente l’Organisation Scientifique du Travail, une organisation rationnelle
du travail permettant une meilleure rentabilité. Le meilleur moyen est de les faire travailler sur
une ligne, mais pas trop près les uns des autres pour qu'ils ne se dissipent pas. Le contexte de
fort développement de part le taylorisme se caractérise par une conception mécaniste de
l'homme ; l'homme est une horloge, une machine seule façon d'accélérer la production à
l’image de Charlie Chaplin. L'homme n'a ni cœur ni cerveau (aliénation). La question
humaniste n'a pas vraiment d'importance à l'époque.
En 1924, Mayo démontre l’importance de la vie de groupe sur le comportement de chacune
des ouvrières ainsi que le rôle essentiel du contremaître se révélant plus à leur écoute. C’est
aussi le précurseur des études sur la motivation. Si on améliore les conditions de travail
(chauffage, éclairage…) on augmente la production (cf. études Hawthorne de la Western
Electric de 1927 à 1933). La considération influe sur l’implication des ouvriers. La cohésion,
la solidarité, la communication améliorent la sensibilité des gens, et alors la production. C’est
le tout début de la motivation, et on découvre du sens au travail, de l’efficacité au travail.
Valoriser les liens sociaux, engendre un meilleur résultat : on tient compte donc de l’avis des
13
salariés. Le groupe démocratique a le meilleur résultat. Ainsi, la vie sociale est prise en
compte au travail, mais pour obtenir des rendements meilleurs.
Vers les années 1960, Crozier analyse les interrelations des travailleurs et décrit les rapports
d’autorité et de pouvoir entre eux. Un de ces principaux concepts est que tout le monde a des
pouvoirs ; le pouvoir formel peut être neutralisé par le pouvoir informel. Le système
représente des zones d’incertitudes et des marges de liberté. Une organisation n’est pas aussi
bien normée qu’on veut bien le dire. C’est un lieu de confrontations de pouvoirs. Il faut être
habile et savoir jouer pour maintenir son pouvoir.
Vers les années 1980, viennent les cercles de qualité : les clients sont de plus en plus
exigeants quant à la qualité, aux délais de livraison. C’est une société plus
concurrentielle avec une compétition entre les salariés. C’est ne pas s’asseoir sur les habitudes
et les plans mais les questionner en permanence afin de repenser l’action de manière optimale.
Il faut être gestionnaire dans les ressources humaines : une période plus dure où apparaissent
déjà des plans sociaux, une augmentation du chômage; des ouvriers spécialisés sont laissés
sur la route.
En 1991, apparait le « Benchmarking » avec Kearns. Plutôt que d'inventer ou innover soi-
même, on va prendre le meilleur de ce que font les autres (gain de temps, de développement et
d'investissement). On saute l’étape de la recherche.
En 1993, le « reengenereering » (Champy) consiste à réduire considérablement le temps pour
produire un service ; L’entreprise est décloisonnée : on assiste à une suppression des
hiérarchies, des secrétaires, des comptables… et ce grâce à l’informatique ; les informations
sont contenues dans des données accessibles à tous en un clic. Tout le monde est capable de
faire n'importe quelle fonction pour attirer le nouveau client. Tout cela dans le but de la
réduction des délais et augmentation de la qualité pour satisfaire le client. Une intelligence
collective à travers une informatisation lourde et donc une formation lourde. C’est
l’innovation mise au service de la performance.
A partir des années 2010, apparait un management désincarné…qui réunit les données, crée
des profils de salariés qui permettent un suivi personnalisé dématérialisé, fait par une machine
avec l’apparition de l’évaluation (indicateurs). Le développement de l’informatique remplace
le travail du cadre intermédiaire. Cette innovation managériale, considérée comme un facteur
de performance bouleverse le travail: il est tout sauf humanisant (RPS, TMS,…), et des effets
pervers. Sous l’angle sociologique, Ehrenberg parle du « culte de la performance » dans notre
société contemporaine, et selon Dejours la performance est un concept « rationalisateur »
14
capable de détruire l’emploi (licenciements). De nouvelles contraintes s’imposent dans les
organisations entrepreneuriales. La montée des exigences (coût, qualité, flexibilité, délais…)
conduisent les entreprises privées comme publiques à « intensifier le travail en réduisant les
effectifs, en exigeant une disponibilité permanente aux individus ».Ces évolutions majorent
leurs risques pour leur santé, qui « émergent du décalage entre les impératifs économiques et
les attentes sociales. » (Alis et al., 2010, p.3). L’installation progressive d’un culte de la
performance fait que le travail peut envahir nos vies avec pour certains plus de distinction
entre vie privée et vie professionnelle. Une menace ainsi pèse en s’investissant corps et âme
dans leur travail ; certains doivent être plus performants, travailler davantage, plus vite et
encore mieux…un engagement professionnel excessif au détriment parfois de leur santé.
3.1.2. Qu’est ce que la performance ?
L’étymologie du terme performance est « parformer » et remonte au 13 ème siècle. C’est un
mot d’ancien français qui signifie « accomplir, exécuter ». Cette notion renvoie donc à l'idée
d'accomplir une action. Aujourd’hui, il ne suffit plus d’agir, il faut agir « avec performance ».
La performance dépasse le savoir-faire de l’acteur pour l’obtenir, elle dépend d’autres acteurs
dans son environnement. D’après Bartoli (1997), la performance recouvre trois logiques
possibles, rattachées chacune à trois notions différentes : une logique d'efficience faisant
référence aux moyens mis en œuvre par l’organisation, une logique de budgétisation liée à la
notion d’objectifs, et enfin une logique d'efficacité faisant référence aux résultats à obtenir.
La performance dans sa complexité :
Selon Salgado, maitre de conférences HDR, la notion de performance semble être centrale
dans les démarches d’évaluation des entreprises et des organisations. Il déclare dans sa
prépublication (2013,p.1) que « dans les dictionnaires de langue française, elle est définie
comme un constat officiel enregistrant un résultat accompli a un instant « t », toujours en
référence à un contexte, à un objectif et un résultat attendu, et ce quel que soit le domaine. »
La performance peut prendre ainsi diverses formes entre la performance sportive d’un
athlète, la performance d’une machine, la performance d’une personne, la performance
économique, la performance sociale, la performance qualitative et quantitative, la
performance psychologique et managériale, la performance organisationnelle, juridique…peu
importe le contexte la performance est liée à l’idée de tension ou de contrainte ; il s’agit de
faire mieux dans son domaine, davantage. La performance se rattache à des idées de
15
« dépassement », « d’ambition », de « maximisation du potentiel ». Salgado parle de la
performance comme un « fourre-tout ». Il dit en effet que « la performance est un “mot-
valise“, un concept multidimensionnel qui en définitive ne prend de sens que dans le contexte
dans lequel il est employé » (p.1). Il considère que le concept de performance constitue « un
des fondements majeurs des recherches effectuées en sciences de gestion, puisque leur finalité
consiste à l’amélioration des performances des organisations ». Il faut savoir qu’au tout
début, la performance fut « longtemps un concept unidimensionnel, mesuré par le seul profit »
(p.2). Ce concept s’instaure au départ donc dans le sens de rentabilité, où la mesure de la
performance a pour but principal la création de valeur. Cependant, Salgado déclare que
Cette logique purement financière fait l’objet de fortes critiques dans la littérature existante (Dohou-
Renaud, 2007 ; Bouquin, 2004), car elle n’intègre pas les différents acteurs qui participent au
développement de l’entreprise (dirigeants, salariés, clients, etc.). Ainsi, pour mieux appréhender toute
la complexité et la richesse du concept de performance organisationnelle, certains auteurs (Kalika,
1988 ; Kaplan et Norton, 1992, 1993 ; Morin et al. 1994) proposent une vision plus large de la notion
de résultat, en proposant d’intégrer des indicateurs variés tels que la qualité du produit et du service, la
mobilisation des employés, le climat de travail, la productivité, la satisfaction de la clientèle, etc.
Dans ce concept, si l’on pose comme prérequis l’hypothèse de divergences d’objectifs et des
participants à l’organisation, il en découle alors autant de significations qu’il y a d’acteurs qui
l’utilisent. Ainsi selon la place des acteurs (responsables, salariés, clients,…) la perception de
la performance change. Par exemple, la performance évoquée dans un établissement de santé
peut-être évaluée par la qualité des soins, l’efficacité de l’institution à répondre aux besoins de
ses usagers,…Néanmoins les missions des établissements, leurs modes de gouvernance, leurs
tailles, les différentes parties prenantes font qu’il est complexe de comparer les performances
de ces organisations. Les éléments découlant du « benchmarking » aident les hôpitaux à
identifier sur quels points ils sont moins performants et sur quels leviers agir en vue d’une
amélioration qualitative et quantitative. Celui-ci est susceptible de créer une émulation, une
dynamisation interne. Cependant la comparaison de la performance entre des hôpitaux de
tailles différentes doit être réalisée avec prudence. Voyer, (1999, p.85) confirme en disant :
Les objectifs qui servent de référence à la mesure de la performance sont souvent multiples, divergents,
voire contradictoires ou difficilement conciliables. La multiplicité des critères d’appréciation et des
jugements sur la performance sont souvent tributaires d’un cadre de référence de valeurs, de balises
diverses, quand ce n’est pas d’un contexte souvent subjectif d’interprétation et d’évaluation.
Hachimi, universitaire des sciences de l’administration, présente la performance, telle une
notion liée aux objectifs fixés par une organisation variant selon la taille de l’entreprise, de sa
nature, de l’environnement sociopolitique et économique autour d’elle. Ainsi « l’entreprise
publique ou encore les entreprises coopératives n’ont pas les mêmes critères de performance
que l’entreprise privée conventionnelle » (2003, p.6). L’auteur retrouve dans la littérature
16
« des définitions de la performance qui vont de l’efficience, à la robustesse, de la
productivité, au rendement sur le capital investit, du ratio input/output d’une entreprise, à ses
résultats financiers et sociaux » (p.4).Quelle que soit la grille de lecture pour définir, mesurer
la performance, elle est indissociable des notions : efficacité, efficience, cohérence, pertinence
mettant en relation les objectifs ou les moyens avec les contraintes environnementales.
La performance comme évaluation :
Elle peut résulter d’une évaluation. Hachimi (2003, p.9) dénonce que l’évaluation de la
performance d’une organisation ne devrait pas s’arrêter à l’information financière pure.
Les aspects sociaux, politiques, culturels et écologiques devraient être pris en considération. Les
auteurs proposent une méthode pratique pour mesurer les quatre dimensions de la performance
organisationnelle : la pérennité, l’efficience économique, la valeur des ressources humaines et la
légitimité de l’organisation auprès des groupes externes (Morin & al., 1996).
Le tableau (annexe 1) présente les quatre dimensions et les treize critères nécessaires selon
eux dans l’évaluation de la performance. Ainsi Hachimi résume le processus de réalisation
des résultats économiques et sociaux,
… en évaluant d’une part le niveau de productivité et de croissance atteint par l’entreprise et d’autre
part, le niveau de satisfaction des employés. Le bon fonctionnement du processus de planification
consiste à pouvoir disposer des meilleures informations possibles pour prendre les décisions qui
permettront d’atteindre les objectifs fixés (…) le fonctionnement du processus d’animation consiste à
assurer une bonne motivation des employés, notamment en leur fournissant des informations de qualité
et en entretenant la meilleure confiance …(2003,p.12)
La performance est aussi une question de perception.
Hachimi écrit qu’ « il peut y avoir plusieurs décideurs, chacun ayant des critères de jugement
et une vision du modèle de causalité qui lui sont propres, d’où la difficulté de trouver une
définition de la performance » (p.7). Pour illustrer le problème de perception par la différence
entre la réduction de coût et de l’amélioration de la qualité, nous prenons l’exemple de la
chirurgie ambulatoire : elle peut être perçue comme performante car favorable d’un point de
vue financier pour l’établissement de santé mais peut à la fois témoigner d’une amélioration
qualitative de la santé rendue possible par les progrès technologiques opératoires. Comme
précise Hachimi « Il y a autant de définitions de la performance que de parties prenantes à la
vie de l’entreprise, ce qui fait dire que la performance est une notion subjective » (p.7). On
peut trouver autant de critères d’évaluation de la performance que d’acteurs au sein d’une
organisation, autant d’aspects à évaluer que de missions à remplir.
L’ARS, par exemple, a entre autres pour mission de veiller à la performance économique dans
le cadre d’un retour à l’équilibre, tel un comptable responsable du bilan financier. Un
17
directeur d’établissement se préoccupe davantage de la performance administrative en
cherchant à optimiser l’allocation des ressources. Le cadre de santé répond à ces injonctions
de performance tout en assurant la performance opérationnelle et professionnelle de son
service, garant de soins de qualité et pertinents. Le cadre se préoccupe de la performance
sociale par la recherche d’une meilleure qualité de vie aux usagers, sans oublier celle des
soignants. Le terme de performance est souvent mal interprété par les professionnels, l’aspect
financier étant généralement mis en avant dans le monde du travail. Dans le service public
hospitalier la performance sociale étant une mission en soi, elle n’est pas prise en compte dans
les critères d’évaluation de performance. L’équipe soignante assure en priorité la qualité du
service rendu au patient tout en souhaitant aussi dans de bonnes conditions. La mission de la
performance du cadre de santé se décline par conséquent sous quatre aspects :
Economique : il sera vigilant sur les dépenses et l’activité (recettes)
Professionnel : la pertinence et la qualité des soins
Psychologique : il protégera la qualité de vie au travail de l’équipe
Social : il veillera à la satisfaction des besoins des usagers
La somme de ces performances implique une exigence du cadre pour aboutir à une
performance globale. Ces points seront développés dans le volet conceptuel : le management.
3.1.3. La performance dans les organisations publiques de soins
Dans le contexte actuel de la réduction du déficit public, l’évaluation de la performance des
établissements publics prend tout son sens. Ceux-ci doivent répondre concrètement à cet
impératif de performance. Cependant une organisation publique n’a pas vocation à réaliser
des profits, mais à satisfaire les citoyens et les employés de la fonction publique, ce qui rend
la performance multidimensionnelle. L’OMS donne une définition de la performance en
santé : « procurer le meilleur état de santé possible aux populations en étant réactif par
rapport aux besoins de ces dernières tout en restant économiquement supportable pour la
nation » sur la performance globale de notre système. L’injonction à la performance apparait
ainsi permanente dans le système de santé. Comme dit Fermon (2015, p.2) « il n’est pourtant
pas illégitime de chercher à bien soigner tout en cherchant à utiliser au mieux les ressources
des contribuables et des cotisants. C’est l’objectif du nouveau management public ».
18
Comment allier performance et motivation des professionnels ? Comment conjuguer
performance et respect de bonnes conditions de travail ? Comment maintenir qualité de vie au
travail en promouvant l’innovation technologique et numérique ? Un système de santé
performant dans tous les aspects, le social, le sociétal, et l’économie, passe par une évaluation
efficace dans les hôpitaux. Grandjean, fait remarquer (2015, p.17) « Le secteur de la santé
combine plusieurs caractéristiques qui rendent illusoire une définition de La performance. »
La notion de performance avec l’histoire des établissements de santé
La recherche de l’équilibre financier a de tout temps été une priorité affichée du monde
politique. Plusieurs lois récentes ont ciblé une plus grande performance des hôpitaux et se
sont traduites par un certain nombre de dispositifs.
o La loi LOFL, n°2001-692 du 1er
août 2001 : appel à une responsabilisation des
administrateurs dans le cadre d’une « culture du résultat ». C’est la loi de régulation
financière des dépenses publiques (acte fondateur du NMP de la fonction publique)
o Les ordonnances Juppé de 1996 obligent l’évaluation des établissements par
l’accréditation, devenue en 2002 la certification : contrôle, incitation à la qualité (HAS)
o De l’ordonnance 2005 découle la tarification à l’activité (T2A) : l’acticité doit financer
les dépenses, avec parfois pour effet pervers une priorisation vers des activités
génératrices de recettes par rapport à d’autres moins « rentables ».
o La loi HPST, du 21 juillet 2009 réaffirme le principe de coordination contractuelle
entre les niveaux de gouvernance du système de santé (Etat, régions, établissement,
pôle) ; elle envisage de pouvoir réguler des dépenses de santé sur un niveau territorial
dans un mécanisme qui associe les établissements publics et privés. Elle a aussi pour
vocation de renforcer les pouvoirs du directeur : rationaliser la décision (seul circuit).
L’histoire des politiques hospitalières met en exergue cette injonction à la performance
pour les établissements de santé. La performance, pour les pouvoirs publics, se mesure en
fonction des objectifs des politiques de santé (amélioration de la qualité des soins, égalité
et accessibilité des soins, équilibre financier des structures…) ; c’est soigner tout le monde
avec le maximum de qualité au meilleur coût.
Mais qu’est ce que la performance dans les organisations de soins ?
Le concept de performance intègre d’abord la notion d’efficacité. Pour l’OMS (2008, p.70), la
performance dans les organisations de soins se définit et s’évalue selon trois axes : la qualité
des soins et du service rendu au patient, la qualité des conditions de travail et l’efficience.
19
Abad, manager responsable des projets (ANAP), dit que la notion d’équipe est l’élément
fondamental de l’organisation des soins. Elle précise qu’« il s’agit plutôt d’une alchimie
subtile qui fait que la gestion des interfaces est un enjeu particulièrement complexe mais
primordial du management d’équipe ». Elle explique que le management d’équipe prend tout
son sens lorsqu’ « il est en général peu efficace de poser l’efficience des organisations comme
objectif principal : la plus-value du service rendu aux malades et la performance sociale
tirent l’efficience, et non l’inverse». (2014, p.22)
Nous mesurons le rôle majeur du cadre de santé au niveau managérial, organisationnel,
opérationnel dans le succès de cette démarche de la performance médico-économique des
services en assurant la qualité et la sécurité des soins, ainsi que la qualité des conditions de
travail des soignants. Marion (2012) illustre cette idée sur l’étude du rôle joué par les
capacités organisationnelles en déclarant « l’évaluation de la performance repose sur
l’appréciation de la qualité des ressources et celles de leurs modes de coordination ».
SYNTHESE : Tout d’abord, il ressort une certaine prudence quant à la définition de la
performance : c’est un mot «valise», un concept flou et multidimensionnel, qui intègre
différents indicateurs de mesure. Les trois principales sources de performance sont
identifiées : la position stratégique, les ressources et la capacité à mettre en œuvre ces
dernières. Plusieurs auteurs, Donnadieu, Desbiens, Drucker… parlent de la performance en
ces termes : « La performance globale d’une organisation, c’est de faire bien, les bonnes
choses. » Être performant semble alors comme atteindre les buts que l’on s’est fixés, et les
manières dont on les atteints, en ayant au préalable choisi la nature de ces objectifs que
l’organisation doit se donner. Plusieurs notions, enjeu clientèle, démarche qualité,
concurrence avec des éléments du « benchmarking », rationalisation, ont été développés et
sont à rapprocher du NMP puisque ce sont des déterminants de celui-ci à savoir :
Optimisation, efficience, maîtrise des coûts, suivi des activités
Réédition de compte précise (contrôleur de gestion, et comptable externe)
Incitation et contrôle de la qualité par la certification
Evaluation des résultats, indicateurs de « performance », benchmarking
rendre compte aux usagers de la qualité des prestations des soins délivrés
Pour clore ce concept complexe, nous citerons Grandjean (2015, p.28) :
La performance n’est pas unique, mais plurielle. Son évaluation dépend d’un référentiel
kaléidoscopique dans lequel interviennent le temps, la position des évaluateurs, les buts qui étaient
visés au départ, la perspective de reproduire la performance dans le futur, la manière dont les moyens
ont été mobilisés. Il n’y a donc pas UNE performance, mais DES performances.
20
Après avoir clarifié d’un point de vue théorique les différentes dimensions de la performance
dans les organisations, il est souhaitable désormais de définir le concept de la qualité de vie au
travail, notamment dans les établissements de santé. En effet je souhaite répondre au mieux
aux besoins des soignés et des soignants avec les moyens mis à ma disposition dans mon
service. La recherche de la performance amène les agents à exercer dans un cadre socio-
économique plus contraint, devant faire face à des demandes sociales grandissantes. Pouvons-
nous garantir la QVT des soignants en respectant tous les critères de la performance globale ?
3.2. La Qualité de vie au travail (QVT)
Au départ, j’hésitais entre les notions suivantes le « bien-être », la « bienveillance » et la
« qualité de vie au travail ». Cependant je me suis rendue compte que le cadre de santé n’avait
pas tous les leviers du bien-être : on peut avoir un cadre bienveillant mais un agent qui n’est
pas dans le bien-être. De surcroit, la notion de bienveillance a été difficile à repérer dans mes
lectures (concepts non défini dans des ouvrages), j’ai donc finalement opté pour la qualité de
vie au travail, où la littérature parait plus riche.
3.2.1. Pourquoi cette inquiétude ?
Tout d’abord, le travail s’intensifie, avec des nouveaux modes d’organisation de travail et de
gestion des ressources humaines qui semblent générer de plus en plus de problèmes. Jorro,
confirme en écrivant ceci: « imposition de nouvelles normes relatives à la qualité et au temps
de la production, exigences de polyvalence et d’autonomie à tous les niveaux de qualification,
individualisation des relations salariales » (2014, p.334). A ceci s’ajoute selon les enquêtes
de l’INSEE (2012) sur les conditions de travail, « le travail est aujourd’hui jugé moins
pénible physiquement qu’auparavant, grâce à la diffusion de nouveaux processus de
production automatisée et des technologies de l’information et de la communication, il
produit beaucoup plus de stress en raison des injonctions de performances imposées aux
salariés». L’édition 2013 de la DARES, le service de recherches et d’études du ministère du
Travail, montre que le travail n’a jamais été aussi intense depuis trente ans : « la proportion
de salariés dont le rythme de travail est imposé par un contrôle ou un suivi informatisé est
également en forte hausse (35% contre 25% en 2005), en particulier chez les cadres (+12%)
et les professions intermédiaires (+13%)» (2014, p.9). L’enquête met en évidence aussi que
toutes ces évolutions sont davantage prononcées dans la fonction publique.
21
Ainsi, entre 2005 et 2013, la part de salariés subissant au moins trois contraintes de rythme y a
augmenté de 8 points (de 21 à 29 %), contre trois seulement dans le secteur privé (de 34 à 37%). Le
niveau atteint même 41%...dans la fonction publique hospitalière !
En outre celle-ci, suite à une enquête sur les risques professionnels en 2010, annonce que
38% des salariés sont exposés à une contrainte physique intense auxquels les ouvriers sont les
plus astreints tels les aides-soignants. Et plus de 50% des employés travaillent sur écran de
façon continue ou discontinue. Aussi, « 88% des salariés indiquent, malgré tout, qu’ils sont
dans l’ensemble satisfaits de leur travail. Parmi les moins contents : les caissiers et employés
des libres-services et les catégories intermédiaires de la fonction publique » (DARES, 2014).
Au vu de ces résultats, il est possible que les risques professionnels s’accroissent dans le futur
pour les personnels soignants. C’est pourquoi dans ce contexte, avant de définir ce concept de
QVT une condition incontournable de la qualité de la prise en charge des patients, il semble
essentiel d’en savoir plus au préalable sur les RPS. Ces derniers correspondent en effet à des
altérations de la santé physique et mentale en raison des conditions de travail. Je fais le choix
tout d’abord d’une approche des RPS comme des symptômes de mal-être au travail et d’en
diagnostiquer les causes, car c’est par une prise de conscience de ce que sont les RPS dans le
monde du travail que l’on peut créer un cadre améliorant la QVT.
3.2.2. Approche de la notion des Risques Psychosociaux (RPS)
Vers 1980, les RPS émergent dans les préoccupations des professionnels de santé au travail.
Suite à un début de médiatisation des suicides au travail, c’est dans les années 2000 que les
notions de « santé mentale », de « harcèlement moral » entrent dans le Code du travail (loi du
17/01/2002). Pour l’Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des
accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), plusieurs types de
phénomènes sont d’ordre des RPS :
Le stress devient l’un des principaux fléaux du travail contemporain. En 1946, Hans Selye,
pionniers dans la recherche sur le stress a distingué le « bon » stress maintenant l’humain à un
niveau de motivation, du « mauvais » stress s’avérant dangereux pour l’équilibre de
l’organisme. La situation devient préoccupante lors que le salarié est exposé de manière
répétée ou permanente à une situation stressante (surcharge, fatigue, dispersion, tensions).
Le « burn-out » est définit en 1974, par Freudenberg, comme « un état causé par l’utilisation
excessive de son énergie et qui provoque le sentiment d’être épuisé et d’avoir échoué » : un
syndrome d’épuisement professionnel physique et psychologique lié à un stress professionnel
22
prolongé. Les professions « aidantes » caractérisées par un fort engagement personnel sont
particulièrement touchées : les professions médicales sont les premières.
Le harcèlement moral est définit dans le Code du travail et le Code pénal : « Le harcèlement
moral se manifeste par des agissements répétés qui ont pour objet ou effet une dégradation
des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits du salarié, au travail et à
sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ». Une violence interne venant du supérieur hiérarchique envers un subalterne,
ou l’inverse, voire entre collègues. Cette notion fait l’objet d’un accord national
interprofessionnel (ANI du 26 mars 2010) ayant pour objectif d’améliorer la sensibilisation, et
d’apporter aux employeurs, aux salariés et leurs représentants un cadre concret pour
l’identification, la prévention et la gestion des problèmes de harcèlement et de violence au
travail. Il est reconnu comme un délit depuis la loi de modernisation du 17 janvier 2002 et fait
l’objet de l’article L.222-33-2 du code pénal.
Les RPS sont à déconnecter des problèmes liés à la vie personnelle. Le concept de
« souffrances professionnelles » vise à souligner les effets des nouvelles organisations sur la
subjectivité et sur le corps des travailleurs. Selon Dubet, celles-ci se manifestent dans trois
univers professionnels dans lesquels il diagnostique un déclin de l’institution (2004, p.5) : la
santé, le travail social, l’éducation. Il fait l’hypothèse que ces souffrances viennent du fait
que, pour compenser le déclin institutionnel, les professionnels « sont obligés d’avoir de plus
en plus de vitalité ».
Les RPS bien que non définis juridiquement, font 1’objet d’une définition
consensuelle : « Les risques psychosociaux seront définis comme les risques pour la santé
mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs
organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental »
(Rapport 2011 sur le suivi des RPS au travail). Dans la fonction publique, ce sont un accord
du 22 octobre 2013 et une circulaire ministérielle du 20 mars 2014 qui imposent un plan de
prévention des RPS. Ces derniers, assimilés aux accidents du travail ou maladies
professionnelles, résultent de facteurs, dont l’organisation du travail, qui peut être responsable
du mal-être au travail. Le dernier plan 2016-2020 met l’accent sur « le développement de la
santé et du bien-être au travail et l’amélioration des conditions de travail ». Il promeut le
travail en faisant en sorte qu’il soit « facteur de santé ». Ce plan vise à diminuer les accidents
du travail et les maladies professionnelles, à prévenir les risques professionnels, l’usure au
travail, la dégradation de la santé, ainsi qu’à faciliter le maintien de l’emploi.
23
Les principales causes de RPS au travail sont :
Les exigences du travail :
- intensité : les RTT visant à améliorer le bien-être des salariés, ont souvent mis les
organisations en tension par une intensification du travail avec toutes les conséquences
induites : absentéisme, pénibilité augmentée, diminution du travail collectif…
- complexité des tâches, double injonction (multiplier les actes professionnels tout en
augmentant les exigences de qualité,) interruptions fréquentes dans l’exercice de leurs
responsabilités, objectifs flous difficilement atteignables, pression du temps, horaires décalés
- Les exigences émotionnelles : le personnel soignant doit supporter la souffrance, peut
redouter l’erreur et craindre des violences externes. D’après Davezies (2011, n°73) le burn-
out se manifeste par« l’épuisement des capacités relationnelles, la perte de l’intérêt de la
sympathie pour celui qu’on est censé aider, la perte de l’estime envers soi-même »
- Le manque d’autonomie et de la marge de manœuvre : Lantheaume (Jorro, 2014, p.302),
indique que les travaux de psychodynamique (Dejours, 1993) et de psychologie du travail
(Clot, 1995) montrent que les employés « doivent se réappropriés les contraintes techniques,
les mettre « à leur main » et qu’ils ne se contentent pas d’appliquer des consignes. Cette
opération peut-être source de souffrance, mais aussi de plaisir et de développement
psychologique, de socialisation professionnelle. » La monotonie des tâches, les procédures,
l’absence de formation, la non-participation aux décisions sont sources de dégradation de la
QVT. A l’inverse, les groupes projet favorisent l’intégration des activités, une meilleure
qualité de conception des actions, de mieux comprendre les choix faits, stimulent la créativité.
- Les relations de travail et de management recouvrant les relations,
avec l’équipe, les collègues et le public (non coopération, absence de soutien dans des
situations difficiles, manque de concertation au sein de l’équipe dans les prises de décision,
isolement, violences internes…) la mise en œuvre des 35h a eu pour contrecoup de réduire les
temps de transmissions, des réunions et même les temps de pause (des moments de régulation,
d’échanges, de respiration pour les agents) : reconnaissance de la structure informelle. « 64%
des salariés souhaiteraient, pour mieux être entendus, développer les occasions d’échange
informel avec leur supérieur hiérarchique immédiat. » (Grésy, 2012, p.69)
avec la hiérarchie : manque de communication, du respect des valeurs, de reconnaissances des
résultats mais aussi des efforts fournis, d’une inadéquation entre les exigences du travail et la
qualification requise, d’une méconnaissance des modalités du travail, d’une attention
insuffisamment portée au développement des compétences, absence d’écoute des projets du
salarié, de difficultés à gérer les conflits…« la reconnaissance au travail est un élément
24
essentiel pour préserver et construire les individus, donner un sens à leur travail, favoriser
leur développement et contribuer à leur santé et à leur bien-être. » (Brun, 2008, P.65)
- Les conflits de valeur : écarts entre ce que le salarié identifie comme travail bien fait et
performance exigée du travailleur (objectifs imposés en opposition avec ses normes
professionnelles, sociales ou subjectives. Clot (2010), illustre cette souffrance au travail
lorsque l’activité est « empêchée », un travail « ni fait ni à faire » compte tenu de la nature du
travail ou des moyens disposés (temps). Il la décrit comme la mauvaise fatigue lorsqu’il
n’arrive pas à dormir…à se reconnaitre dans ce qu’il fait. Des conflits éthiques interviennent
lorsqu’une organisation adopte des méthodes ou valeurs en contradiction avec ses convictions
(la sphère publique qui emprunte des façons de faire à la sphère privée).Un sentiment de perte
de sens s’installe : être constamment débordé ou sous-utilisé, avoir l’impression de ne pas
produire de la « qualité » impacte négativement la QVT. « Le sens au travail est une
construction complexe qui dépend de l’activité elle-même, des relations entre salariés, de
l’organisation et des missions de l’entreprise ; et, enfin, des attentes nouvelles que les
salariés ont à l’égard de leur vie professionnelle. » (Autissier, 2008, p60)
- L’insécurité liée à l’emploi, aux changements : fréquence, défaut d’accompagnement dans
la conduite de changement (défaut de participation des travailleurs à la conception du projet,
aboutissant à un changement inadapté ou à une mauvaise appropriation par les salariés). Les
chercheurs tels Holmès et Rahe ont déclaré que le stress était occasionné par les changements
de vie auxquels les humains devaient faire face et auxquels ils devaient s’adapter. Autre que la
communication, vue par Giroux (2000) comme « un facteur clé de succès du changement »,
selon Carton « le temps » est élément aussi à considérer pour remédier contre la résistance au
changement. Ce facteur fait son travail pour se projeter dans un projet et l’intégrer dans les
esprits. Les changements s’installent et les résistances s’affaiblissent avec le temps. (Carton,
2006, p.23) « selon que nous sommes promoteurs ou sujet d’un changement, le temps estimé
nécessaire pour nous y adapter peut-être très différents » : la subjectivité du temps, « les
émotions que le changement suscite » sont à prendre en compte pour réduire les risques au
niveau social (grèves, conflits, blocage, climat social dégradé…) pense aussi Caille.
En guise de conclusion à cette approche sur les RPS, Ravon dit ceci (Jorro, 2014, p.343) :
Quelle que soit la méthode envisagée, l’usure professionnelle doit être saisie comme un processus
collectif imputable à une organisation et comme un état individuel propre au salarié. Le modèle de la
profession s’étant construit autour de la revendication de l’autonomie de la définition du travail bien
fait, et non pas autour du souci du « bien-être » des professionnels – ce dont témoignent les
perspectives énoncées en termes de souffrances ou de risques psychosociaux – il importe d’analyser
non pas tant le mal-être professionnel que les conditions d’ « empêchement » du travail.
25
Le monde de la santé bouleversé par des transformations majeures dues aux multiples
réformes, est l’un des plus exposés aux facteurs de RPS. Pour les éliminer ou les réduire, il est
nécessaire d’impliquer l’ensemble des personnels, de façon à ce que chacun puisse identifier
et agir sur les sources. Les enjeux des RPS sont nombreux : humains (atteinte à la santé),
économiques (coût liés à l’absentéisme, au turn-over, à la baisse de qualité du service à
l’usager…), collectifs (augmentation des accidents de travail, problèmes de disciplines,
dégradation du climat social et de l’ambiance au travail …), et juridiques (responsabilité
pénale de l’employeur engagée). Dans une organisation de soins, cela suppose la mobilisation
de différents acteurs dont le cadre. Nous développerons dans le dernier chapitre de ce travail
différents managements favorisant la QVT des soignants en lien à la performance globale
définie précédemment. En effet, Jorro (2014, p.361) rappelle que « Les travaux de Mayo
(1933) sont les premiers à avoir mis en évidence l’importance du moral des employés sur les
performances d’une organisation ». Elle ajoute que les travaux de Lewin et ses collaborateurs
(1959), qui font toujours références dans le domaine, ont démontré l’effet des climats sociaux,
créés par trois types de leadership (autocratique, démocratique, et laisser-faire) ayant des
manifestions différentes sur l’individu, le collectif, et l’organisation. Elle déduit de ces
chercheurs que « le climat professionnel représente donc un enjeu, pour toute structure, en
termes de performance, mais aussi pour inciter les phénomènes d’innovation, pour la qualité
et la quantité des communications, la satisfaction des individus, etc. ». Placer la QVT au cœur
de ces organisations hospitalières en mouvance, ce qui génère du stress, c’est améliorer
l’environnement et les conditions de travail des professionnels garantissant leur performance.
3.2.3. Approche du concept de la qualité de vie au travail (QVT)
L’hôpital évolue pour s’adapter aux nouveaux modes de prise en charge des usagers, et pour
se renforcer dans un contexte budgétaire contraint. Dès lors, se dégage un sentiment
d’inquiétude face au développement de la performance (économique) exigée dans ces
évolutions, et de maintenir, voire améliorer la QVT dans les organisations de soins. Nous
venons de démontrer les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les
conditions d’emploi, les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec
le fonctionnement mental. En effet, un sentiment de malaise des professionnels de santé
s’exprime, associé au sentiment de travail mal fait (conflit de valeurs) qui peut être à l’origine
des RPS. Pour répondre aux enjeux identifiés, s’est déployée une stratégie nationale
d’amélioration de la qualité de vie au travail. Le ministère des affaires sociales et de la santé
en fait une priorité politique. Le 05 décembre 2016, il écrit qu’il convient « de repenser dans
26
sa globalité la qualité de vie au travail, pour la placer au cœur de nos organisations et en
faire un fondement indispensable à l’atteinte des objectifs de l’hôpital, en termes de qualité
des soins et de performance sociale » (p.1).Cette stratégie nationale, fruit d’échanges avec des
professionnels de la santé et des experts de la QVT, dégage trois axes majeurs :
1) Donner une impulsion nationale pour porter une priorité publique
2) Améliorer l’environnement et les conditions de travail des professionnels au quotidien
3) Accompagner les professionnels au changement et améliorer la détection des RPS
Des mesures ayant l’ambition de valoriser, de partager, généraliser les bonnes pratiques, voire
de susciter de nouvelles initiatives pour développer la QVT au bénéfice des professionnels de
la santé. Mais qu’entend-t-on exactement par le concept de qualité de vie au travail ?
Ce concept a progressivement évolué depuis les années 1960, avec l’idée qu’une amélioration
de la QVT des travailleurs favoriserait non seulement une meilleure productivité mais encore
leur propre bien-être, en tenant compte particulièrement de leurs besoins. Selon Laflamme
(1994), la QVT accentue les relations entre les individus et leur travail, à partir du postulat où
l’on admet que le travail est une activité possédant un sens propre, et que l’environnement de
travail ne tient pas seulement à un système technique pure, mais aussi à une organisation
complexe dite sociale. La notion de QVT suggère donc une façon de concevoir le travail et
son organisation, basée sur des principes humains. Elle signifie un mode de vie valorisant
davantage l’être humain plutôt que les objets.
Selon l’OMS (1993) la qualité de vie peut se définir comme « la perception qu’à un individu
de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans
lesquelles il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et inquiétudes ».
Mieux mesurer les perceptions et les attentes des soignants par rapport à leurs conditions
d’exercice, en matière de QVT, favoriserait le développement du bien-être, mais limiterait
aussi le turn-over des agents, contribuant ainsi à une meilleure efficacité de l’organisation.
Concernant les caractéristiques organisationnelles théoriques, les modèles conceptuels de
Lawler (1986) et de Wils et al. (1998) proposent quatre processus pouvant améliorer la QVT :
la communication, la formation, le partage du pouvoir (démarche participative), et la
reconnaissance. Des experts en psychologie sociale et du travail, estiment que « la qualité de
la mise en œuvre de ces pratiques aurait un effet déterminant sur la satisfaction et le niveau
d’implication des salariés, affectant également la QVT » (Colombat, 2012, p.55). Ces auteurs
ajoutent que ces interventions sur la QVT « peuvent également limiter le turn-over de ces
agents, contribuant ainsi à améliorer l’efficacité de l’organisation ». Ces quatre processus
27
sont à envisager comme leviers dans les pratiques managériales déterminants pour améliorer
la QVT des professionnels au quotidien.
Les différents bilans des 35h au Sénat en 2014 (commission d’enquête de la fédération
hospitalière de France-FHF) recommandent la nécessité de repenser les organisations de
travail dans le contexte actuel de tension financière et de détérioration des conditions de
travail. Tout un arsenal d’outils existe pour sécuriser le travail du soignant dans son
environnement professionnel (Code du travail 4ème
partie sur l’hygiène et la sécurité,
document unique d’évaluation des risques, respect du planning…). Le CHSCT, la médecine du
travail, les partenaires sociaux, des ingénieurs en gestion des risques professionnels, des
psychologues du travail y veillent. En externe, l’ANACT / ARACT aident à l'analyse des
conditions de travail et à l'étude d'axes d'amélioration.
Une bonne QVT assure le bien-être de l’agent, lui procure de la satisfaction, le rend plus
performant au travail, ce qui contribue à l’efficacité de l’organisation. Et de fait améliore la
qualité de prise en charge des patients. En effet « le lien est fait entre ce qui relève
globalement des conditions de réalisation de travail et les différentes dimensions de la qualité
des soins : sécurité et efficience centrées sur le patient. » écrit Ghadi suite à des travaux en
partenariat depuis 2010 entre l’Anact et la HAS, en s’appuyant sur la littérature internationale.
« dans d’autres secteurs d’activité, les liens entre amélioration des conditions de travail et performance
sont mis en exergue et conduisent à faire émerger le concept de « qualité de vie au travail », comme des
démarches permettant de concilier à la fois les enjeux économiques, techniques organisationnels, et
sociaux » (2015, p.141).
Depuis 2013, la HAS et l’Anact continuent leurs travaux sur les enjeux et le contenu de la
QVT. Le double but poursuivi par les deux institutions est d’une part d’identifier des leviers
d’action grâce aux rapports présumés entre QVT et performance, et d’autre part, aider les
établissements de santé à mieux appréhender la QVT qui fait désormais partie des
thématiques obligatoires du compte qualité dans la nouvelle certification. Cette thématique
prioritaire devient un prérequis pour une bonne qualité des soins (2015, p. 141).
La HAS en investissant sur le sujet fait le pari qu’une dynamique impulsée par la qualité de vie au
travail dans les établissements de santé permettra d’identifier des marges de manœuvre pour faire
progresser la qualité et la sécurité des soins.
Ce projet souligne le caractère politique auquel les acteurs ne semblent plus prêts à appliquer
« une norme supplémentaire qui promettait de concilier la satisfaction des professionnels et
des patients, le « bien-être au travail » et la performance des établissements » dans un
contexte défavorable (restructurations, effectifs, rémunérations, RPS…).Enfin, Grésy décrit
« le monde du travail n’est ni une salle de relaxation uniquement axée sur le bien-être, ni un
enfer carcéral axé uniquement sur la performance. » (2012, p68). Il précise que « l’un ne va
28
pas sans l’autre ». Et c’est dans ce raisonnement de deux logiques semblant complémentaires
et opposées que se trouve la complexité et la richesse du management.
SYNTHESE : Les entreprises comme les établissements de santé, sont confrontés à une
diversité et grande complexité de risques professionnels. Les RPS sont des axes prioritaires
pour la médecine du travail. Le travail peut devenir une souffrance d’où l’intérêt de renforcer
la QVT au sein de ces organisations. Il apparait comme un défi majeur à relever. Au-delà
d’être un enjeu de santé publique, la QVT des soignants est aussi un gage de qualité des soins,
et donc de la performance. La connaissance des principaux facteurs de risques des RPS
permet de mieux les détecter. L’amélioration de la QVT nécessite une mise en place de
stratégies impliquant une mobilisation de nombreux acteurs. Pour ce faire, il convient de
prendre compte non seulement les caractéristiques individuelles des salariés, les relations et
conditions de travail, mais encore les caractéristiques organisationnelles au travail, la
dimension managériale jouant un rôle primordial. La communication, la reconnaissance, la
formation, la motivation, la dynamique de groupe sont identifiés comme des leviers de la
QVT. La signature de l’ANI sur l’égalité professionnelle et la QVT (13 juin 2013), le travail
avec l’HAS inscrivant la QVT dans la certification, peuvent rassurer les soignants. De plus, le
ministère des affaires sociales et de la santé est en recherche de solutions en formalisant une
stratégie d’amélioration de la QVT afin de « prendre soin de ceux qui nous soignent »
Développer la qualité de vie au travail, c’est être attentif à la qualité des relations sociales et
professionnelles, au contenu du travail, à son organisation, aux possibilités de parcours professionnel
offertes à chacun et à la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Développer la qualité
de vie au travail, c’est donc améliorer le quotidien des personnes, c’est leur redonner la fierté du travail
bien fait, ce qui permet in fine de renforcer la qualité de la prise en charge des patients (2016, p.1).
Après une réflexion critique sur la performance et avoir étudié sous différents angles la QVT,
le dernier concept traitera de la théorie du management dans le champ sociopolitique-
économique actuel, dans lequel le secteur de la santé vit de profondes mutations. L’objectif de
ce travail de recherche est de déterminer le rôle du cadre, ses pratiques managériales, et ma
projection professionnelle future dans ce contexte, qui sera développée à la fin de ce dossier.
3.3. Le management
3.3.1. Qu’est-ce que le management ?
Le management s’est développé au XXème siècle avec l’ère industrielle amplifiant les
procédures de gestion dans laquelle des « grands dirigeants » comme Taylor, Fayol, Simon, et
Drucker ont étudié le management des équipes. Abdelaäli (2009) « on ne peut réellement
29
manager les équipes et les ressources humaines que si on sait les ménager ».Ménager signifie
régler avec soin et adresse. Weiss définit ce concept avec une équipe de quinze professionnels
de la gestion des Ressources Humaines, (2002), La fonction ressources humaines :
La notion ne possède pas d’équivalent en français. Elle inclut certains termes comme gestion, pilotage,
direction. Elle peut être définie comme la manière de diriger et de gérer rationnellement une structure,
d’organiser les activités, de fixer les buts et les objectifs, de bâtir des stratégies. En utilisant au mieux
les hommes, la technologie et les ressources matérielles, le management parviendra à accroître la
qualité et l’efficacité du collectif de travail. Il se fonde également sur l’innovation, la créativité et la
responsabilité. Il s’efforce de faire converger les intérêts personnels et l’intérêt général. Amener les
hommes à donner le meilleur d’eux-mêmes fait bien partie de « l’art du management ».
Derrière cette notion, on entend donc le pilotage de moyens humains, financiers, matériels,
patrimoniaux. Manager n’est pas seulement encadrer mais aussi maitriser les situations
problèmes sous un cadre de responsabilité juridique, de dépasser ces situations en développant
sa créativité, en inventant des solutions nouvelles. Thietart considère même cette notion
comme un art combinatoire du management : « une action ou art ou manière de conduire une
organisation, de la diriger, de planifier son développement, de la contrôler, s’applique à tous
les domaines d’activité de l’entreprise. » (2004, p.13). Le manager serait donc un alchimiste,
avec des connaissances et des aptitudes (charisme) contribuant au fonctionnement de son
organisation, de son service. Dans un guide pour l’autodiagnostic des pratiques de
management en établissement hospitalier (2005, p.9), la HAS distingue cinq fonctions
essentielles caractéristiques du management : prévoir, organiser, décider, motiver, évaluer. Il
est précisé que le cadre utilise la motivation, en faisant adhérer les agents aux objectifs et aux
missions afin d’assurer qu’ils soient atteints, par le biais de la responsabilisation, la
participation, la reconnaissance des compétences, la valorisation de la créativité, la
communication. Ces fonctions s’inscrivent dans le NMP ayant pour visée la performance
globale. Dans son rapport de la « mission cadres hospitaliers », De Singly décrit le NMP :
Avec le « nouveau » management public est introduit le concept de performance dans le service public.
Pour l’hôpital, il s’agit d’analyser le résultat en termes de qualité de soins pour les patients et d’impact
sur le système de santé, tout en mesurant les ressources mobilisées pour atteindre ce résultat. La
performance d’un service public est une manière de juger la bonne gestion des ressources socialisées
pour en garantir la qualité ; elle conjugue efficience et efficacité et conduit tous les professionnels à
s’interroger sur leur manière de travailler. Il s’agit de définir des objectifs précis, de créer des
indicateurs fiables, de mesurer le résultat, d’évaluer les ressources mobilisées, de rendre compte
(reporting) et bien entendu d’en déduire les transformations nécessaires. (2009, p.40)
L’art s’efface devant la pratique où l’on mobilise des savoirs, des systèmes de valeurs (une
conception de l’autre), voire des normes professionnelles avec la mise en œuvre de principes,
de règles visant une fin (finalité du patient). Le management accompagne la notion du travail
bien fait (soins de qualité): une production certes mais valorisée (donner du sens à son
travail). Les outils de gestion, les démarches qualités apparaissent ainsi progressivement à
30
l’hôpital dans le but de mesurer les résultats escomptés et de réajuster au besoin, à la
recherche de performance qualitative et quantitative. C’est l’entrée de nouvelles procédures,
d’audits, d’indicateurs de performance, de tableaux de bord…Selon Belorgey (2009) :
les pouvoirs publics français ont également de plus en plus recours aux outils du Nouveau
Management Public (NMP), cette doctrine d’origine entrepreneuriale visant à importer dans
le secteur public les outils du secteur privé : indicateurs de « performance », benchmarking,
« responsabilisation » des professionnels, indicateurs financiers au rendement, recours à des
consultants privés, dédifférenciation entre les secteurs public et privé (notamment par la mise
en cause des statuts de la fonction publique), enfin recours à des agences spécialisées et
présentées comme purement techniques.
Les agences spécialisées auxquelles l’auteur fait référence sont :
- l’ANAP, créée par la loi HPST (2009) ayant pour objet :
d’aider les établissements de santé et médicosociaux à améliorer le service rendu aux patients et aux
usagers, en élaborant et en diffusant des recommandations et des outils dont elle assure le suivi de la
mise en œuvre, leur permettant de moderniser leur gestion, d’optimiser leur patrimoine immobilier et de
suivre et d’accroître leur performance, afin de maîtriser leurs dépenses.
- la HAS, créée en 2002, étant selon la DGOS, un « dispositif d’appui innovant et
opérationnel aux services des établissements ». Elle réalise la certification, dont la dernière
version, « Patient traceur », a pour objectif « d’évaluer au travers de l’expérience de soins
d’un patient les modalités de sa prise en charge et donc les processus et les organisations qui
s’y rattachent. » Cette méthode au cœur des parcours de soins vise à mobiliser tous les acteurs
pour garantir la qualité et la sécurité des soins, et pour ce faire, évoluer les pratiques.
Néanmoins, Molenat, journaliste et sociologue, y voit un écueil (2011, p.36) :
L’accent est mis moins sur le respect des procédures que sur le résultat de l’action, sous forme de
mesures chiffrées de l’efficience et de mise en place d’objectifs quantitatifs. Un esprit de
compétition est instillé en généralisant la comparaison entre services, sur la base d’indicateurs de
performance.
Manager pour le cadre consisterait à coordonner, communiquer, informer, réguler et ce par la
mise en œuvre d’actions de contrôle et d’arbitrage. Mais avant tout, manager nécessite de bien
connaître l’environnement hospitalier (bassin d’attractivité, catégories de population, besoins de santé
et offre de soins), de mettre en place une démarche qualité continue et une gestion des risques, et d’être
capable de s’adapter au changement sous toutes ces formes (innovations technologiques ou
organisationnelles, évolution de la population, démographie médicale et paramédicale, orientations
politiques). (Deplanque, 2007, p.40-41)
Le NMP, face à la crise financière, envisage de maîtriser les dépenses publiques par un
management utilisant des nouveaux outils privilégiant le jeu des chiffres à celui des lettres
(tableaux de bord de gestion). Selon Amar et Berthier, l’objectif du NMP est de quitter un
système « inefficace, excessivement bureaucratique, rigide, coûteux, centré sur son propre
développement, non innovant et ayant une hiérarchie trop centralisée » (2007)
31
dans le contexte, pour mieux répondre aux attentes et aux exigences des citoyens (qui sont aussi, selon
les cas, des usagers, des contribuables, des bénéficiaires et des électeurs) et dans le but d’encadrer, de
rationnaliser voire de réduire les coûts, des solutions ont été envisagées en terme de management (p.2)
Par les réformes successives, le système hospitalier évolue donc vers un univers
entrepreneurial. Pierru confie alors que « cette thématique va connaître une fortune
considérable jusqu’au début des années 90. Diffusée par de multiples agents, elle opère un
véritable coup de force symbolique qui légitime l’importation des technologies managériales
et industrielles de « l’entreprise performante » dans les hôpitaux (1999, n°46, vol.12).
3.3.2. Les types de management
Au début des années 70, deux psychologues du travail américains, Blake et Mouton,
établissent une « grille » avec cinq types de management : permettant de mesurer
l’importance que les dirigeants portent au facteur humain au sein de leur organisation (Cf.
annexe 2). Des styles de management se sont développés comme le management directif,
persuasif, participatif, déléguatif, situationnel, le management par les valeurs, le management
de proximité…Ils sont définis en fonction de leur degré d’autorité, leur dominante
relationnelle, organisationnelle, participative, le rapport à l’autonomie, l’engagement, la
coopération…le degré de maturité des subalternes. Face à une crise économique, des
techniques managériales traditionnellement utilisées dans le secteur privé se sont
progressivement étendues dans le secteur public. Des notions telles la flexibilité, l’efficacité
se sont développées pour apporter plus d’efficience dans les organisations publiques. Ainsi un
management entreprenarial apparaît au sein des hôpitaux pour rationaliser leur
fonctionnement, c’est l’émergence du NMP. Il existe des types de management facilitant la
performance et la QVT. Pour des universitaires de Rennes 2, le management participatif,
situationnel, de proximité serait plus efficace pour essayer d’allier au mieux ces deux notions.
Le management participatif
Ce courant émerge avec force au cœur des trente glorieuses, période de plein emploi, pendant
laquelle règne l’optimisme. Le rapport de force est favorable aux salariés qui ne sont plus
seulement considérés comme des forces de travail mais comme des acteurs de l’activité qui
grâce à des niveaux de qualification en hausse significative contribuent eux aussi à
l’amélioration du système. Aujourd’hui, on sait qu’il est important de ne pas se priver de cette
intelligence qui est au contact direct de la réalité. On comprend l’avantage de la participation
des subordonnés, c’est un moteur de motivation et de production. Selon Devillard (2005),
« afin de maintenir l’équipe en état de performance, le manager doit utiliser des moyens
32
participatifs ».Ces moyens dont parle ce psychothérapeute, seraient des conditions
nécessaires pour expliquer ce qu’on appelle un management type participatif ; selon les cours
de Mr Brémaud, universitaire de Rennes 2, existeraient sept conditions, à savoir :
o Savoir fédérer les énergies en communiquant sur un sens commun à donner au travail,
aux valeurs : Clot défend cette idée du bien-être indissociablement lié au bien-faire, au
sens donné à l’action (« Le Travail à cœur. Pour en finir avec les RPS », 2010).
o Un engagement réciproque de tous sur les objectifs et les moyens : ce qui suppose une
implication et adhésion de chacun ; il faut communiquer et se mettre d’accord sur les
finalités du travail. Donner place à l’écoute, à l’expression : la communication
o Une information partagée : le devoir est d’informer les gens, condition de la
participation, pour installer une relation de confiance
o Un processus de décision clair et accepté, qui doit être d’abord explicité, encourageant
les remontées d’informations pour éclairer les décisions. Un management participatif
incompris devient du « laisser faire »
o Une culture de la confiance et encourageant le développement du salarié est vu comme
une ressource à respecter et qui peut s’épanouir dans le travail. Il faut entretenir et
développer la richesse humaine, et donc une ambiance propice à la liberté de parole
o Une disponibilité de la hiérarchie pour résoudre les situations- problèmes : pour rester
légitime le responsable doit avoir le souci de traiter rapidement les problèmes, et
améliorer constamment le cadre de travail de son équipe ; Il sera reconnu alors comme
une personne aidante, utile en facilitant le développement professionnel de salariés.
o Une évaluation du travail prévue, acceptée et partagée : l’entretien d’évaluation est un
facteur de réussite de remise en question s’appuyant sur l’auto-évaluation mais aussi
sur la valorisation et la reconnaissance. Le responsable s’interroge lui aussi et vérifie
qu’il a donné toutes les chances à l’activité d’être performante (ouverture de débats sur
l’analyse de l’activité). Le cadre assure des régulations.
Le management participatif serait ainsi une idéologie du bien commun. La motivation, la
communication, le sens du travail, la reconnaissance, la délégation de responsabilités
sont le fondement de cette théorie. Déléguer consiste à accepter que les gens aient une
autonomie définie, contrôlée par le responsable. Déléguer permet de démultiplier l’action.
Sans autonomie, les subordonnés se tourneront sans cesse vers le manager. Ne pas « laisser-
faire » mais responsabiliser. Dans cette vision positive, règne une confiance faite aux
subordonnés, pouvant développer leurs capacités créatives, leur implication. La participation à
la décision est moteur de motivation, même si le manager prend la décision finale. C’est
33
laisser la discussion ouverte, mais pas à la négociation. Le pouvoir ne se négocie pas. Du côté
des progressistes, l’ancien monde serait bureaucratique, patriarcal, dominateur et peu créatif.
Le management participatif est venu en opposition au management militaire, des
organisations tayloriennes. On comprend que si l’on se prive de l’intelligence des salariés on
se prive d’idées, d’arguments dans les prises de décisions ; le responsable plus en retrait, doit
être proche des salariés pour échanger sur les situations problèmes ; ils ont en effet une
visibilité plus fine du terrain. Impliquer le plus grand nombre pour tout projet : « Dans un
monde de réseaux, la récompense sera de réussir avec les autres et non pas contre les
autres » (Raynal, 2003, p.62). Une approche partagée aussi par Chaudron (2003, P.77) « si
vous organisez soigneusement le changement, que vous communiquez avec les collaborateurs
affectés et que vous impliquez le plus grand nombre dans le processus, vous augmentez
considérablement les chances d’arriver à un consensus ». Enfin le responsable profite de
cette participation utile à la production, à une meilleure gestion des conflits favorisant ainsi la
performance et une bienveillance par ce «degré d’intérêt porté aux relations humaines»
(Blake et Mouton). Fermon parle de « pilotage de la performance en mode projet » (p.369).
Likert, psychologue américain, réalise des études sur le comportement des individus dans les
organisations. Il étudie les rapports entre chefs et subordonnés : les relations de pouvoir sont
plus complexes qu’il n’y parait. Les « quatre systèmes » de management sont :
- Le système 1 ou système autoritaire exploiteur : menace, crainte et sanctions
- Le système 2 ou système autoritaire paternaliste : récompenses et sanctions (chef qui
donne de la voix sur ses ouvriers mais reste bienveillant et protecteur)
- Le système 3 ou système consultatif : recherche d’implication des subordonnés mais
sans véritable influence de ceux-ci. On ne les associe pas vraiment aux décisions. Les
communications sont à la fois ascendantes et descendantes et transmises avec fidélité.
- Le système 4 ou système participatif par groupe : utilisation des groupes pour prendre
des décisions afin de régler les conflits et établir des objectifs. La communication est
réellement dans les deux sens ; la participation de chacun à plusieurs groupes donne sa
cohésion à l’organisation.
A noter que, indépendamment du support de communication, la notion d’échanges est
primordiale pour partager, coordonner de façon descendante, ascendante et transversale entre
les individus. Promouvoir la diffusion d’une communication multidirectionnelle permet de
34
créer le sentiment d’appartenance à un corps, et aussi la coordination du travail entre entités
spécialisées, redonnant le sens du travail.
il est important d’utiliser une gamme large de moyens de communication, et tout spécialement des
moyens nouveaux lancés par la circonstance, afin de bien souligner que l’on est face à un problème
nouveau. (Ortéga et al., 2013, p .607)
La bascule s’est faite dans les années 70 et commence à être remise en question dans les
années 80-90, avec un autre type de management, appelé management situationnel. Le
management participatif est jugée trop idéologique (marge d’autonomie et de liberté). La
question de l’illusion d’un management participatif se pose : est-ce réalisable ? Pourquoi
faire participer des gens qui ne veulent peut-être pas participer ? Un nouveau courant : le
management du « bon sens », s’appuyant sur la situation des salariés se développe alors.
Le management situationnel
Ce nouveau modèle s’appuie sur la situation réelle. On sort de l’idéologie du management
participatif et d’une vision comportementale des dirigeants. Différents degrés d’autonomie
sont acceptés et pris en compte dans les propositions du manager, la participation dans
certains cas (situation de crise, incompétences…) peut même être contreproductive: le cadre
doit, non pas instituer un modèle pour tous mais adopter son mode de management à chacun.
Pour Hersey et Blanchard, le style approprié de leadership ne dépend que d’un seul critère: le
degré de maturité des subalternes. On distingue 4 styles de management situationnel appelé
management du « bon sens » :
Style directif : le subordonné ne sait pas, ne veut rien. C’est un style très organisationnel et
peu relationnel, où le dirigeant structure, organise, donne des instructions et contrôle.
Persuasif : le subordonné sait un peu, veut bien. C’est un style alors très organisationnel et
relationnel, où le responsable mobilise, conseille, et prévoit des formations.
Participatif : le subordonné sait et veut (autonomie intéressante) ; le subordonné a une
maturation pour mieux comprendre les enjeux (conviction); c’est un style très relationnel et
peu organisationnel dans lequel le responsable mobilise, associe chacun et négocie.
Délégatif : le subordonné sait, veut beaucoup (autonome).Style peu organisationnel et peu
relationnel. Travailler en mode projet est possible, et valorise les compétences. Le dirigeant
responsabilise, délègue avec confiance : une délégation mais avec un pouvoir conservé dans
lequel le responsable exerce des points de contrôle.
Comme le présente le schéma en annexe 3, du processus à suivre pour aller vers l’autonomie,
déclinant les grandes actions qui viennent supporter chaque style et ses dérives, il faut faire
évoluer le maximum de gens du niveau 1 au niveau 4.
35
Ce management situationnel, autrement dit adaptatif, est à géométrie variable. On est plutôt
dans l’équité que l’égalité. C’est aussi dans le groupe que les personnes peuvent progresser, le
cadre est organisateur de la professionnalisation. De même, selon Tissier (1988), le manager
doit faire preuve d’adaptabilité aux circonstances, aux hommes, à leur personnalité. Parce
qu’il gère une équipe composée avant tout d’individualités, le manager doit adapter sa gestion
à chacun des acteurs du système en fonction de chaque tâche.
Le management de proximité
A l’hôpital, le cadre est un manager, appelé désormais le cadre de santé de proximité. D’après
le référentiel interministériel de formation relatif aux fonctions managériales transverses du
cadre intermédiaire de la fonction publique (2001, p.2), le manager opérationnel ou de
proximité « sous la responsabilité du manager intermédiaire, assure l’encadrement de
proximité d’un service et anime une équipe d’agents. Il pilote les processus administratifs et
techniques pris en charge par cette équipe pour atteindre des objectifs opérationnels ». Le
management est alors un métier consistant à conduire, dans un contexte donné, un groupe de
personnes dans le but d’atteindre en commun des objectifs fixés, selon plusieurs niveaux de
management : ainsi à l’hôpital, on distingue le management stratégique concernant la gestion
des orientations par la stratégie imposée par les institutions. Le management opérationnel
concernant la gestion des processus propres à l’organisation, tournée vers la production de
soins, est appliqué à l’hôpital par les cadres de proximité. Ils sont le relais entre les équipes
soignantes et la direction au service du patient : « au sein de la filière soignante l’expression
« cadre de proximité » renvoie très majoritairement à une fonction d’encadrement de
personnels de terrain exerçant au plus près du patient. » (De Singly, 2009). Il se situe au
niveau opérationnel, concernant le management des professionnels et des activités du soin. Il
organise et coordonne les actions d’une équipe dans le cadre de la démarche qualité : accueil
des patients, apprentissage de bonnes pratiques, information des familles, coopération avec les
autres institutions. Hesbeen met l’accent sur l’éthique dans la relation proximale du cadre :
S’éveiller, s’étonner, se laisser surprendre, découvrir, admirer, identifier, distinguer, reconnaître, voilà
autant d’expression qui nos semblent particulièrement propices pour caractériser le management du
cadre, lui permettre d’exercer une autorité aidante et bienfaisante en vue d’œuvrer à être bien ensemble
pour ensemble aller loin. La visée de ce management du cadre de proximité est celle de permettre, de
faciliter, d’accompagner dans ses multiples composantes une éthique au quotidien. (2011, p.95)
Il préconise une « clinique managériale de proximité » où le cadre tâtonne pour s’adapter au
mieux à la situation des agents, en intégrant chaque paramètre afin « d’établir avec autorité
des priorités » :s’affirmer en gardant le partage. « La bienveillance n’est pas la complaisance,
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et ni l’autorité ni la fermeté n’empêchent de se vouloir, de se montrer bienveillant » (p.113).
Sa conception du cadre constitue une « rupture » avec la logique gestionnaire.
si cette abondance d’activités dévolues aux cadres de santé reflète sans doute l’évolution des structures
et les contraintes qui sont les leurs, elle témoigne néanmoins d’une fonction exercée au profit de la
structure et non prioritairement, au profit des hommes et des femmes malades et des professionnels qui
leur prodiguent des soins. (2011, p.95)
Dans un contexte d’intensification du travail du cadre, Detchessahar pense que « le
management est tout entier tourné vers le haut et vers l’extérieur » pris dans les « machines
de gestion » (2009, p.35). La vocation première du système de santé est de soigner des
patients, or les nouvelles réformes impliquent davantage de tâches administratives. La
réforme de la T2A cherche à donner une lisibilité de pilotage, par la création de tableaux de
bord de gestion (indicateurs) améliorant son efficacité. La participation du cadre au contrôle
de gestion le positionne au carrefour des enjeux : la création d’une synergie médico-
administrative en matière de gestion lui incombe : soigner avec le maximum de qualité au
meilleur coût. L’auteur évoque « un management de proximité empêché », « happé » par les
directions et attiré vers d’autres scènes que celle de la régulation du travail » (2011, p.99).
SYNTHESE : Il appartient au manager d’organiser, de motiver, d’équiper, de diriger des
gens, pour atteindre le meilleur niveau possible (la performance). Le cadre de santé doit
manager son équipe. Il fait appel à divers leviers pour aménager la QVT des soignants et
répondre aux objectifs professionnels fixés. Les multiples systèmes de management évoqués
proposent des outils tels la communication, la motivation, la reconnaissance, la valorisation,
la formation qui contribuent à donner du sens au travail, ce qui apparait comme la clé de
voute d’un management performant sachant allier réussite des projets et bien-être des agents.
Le cadre joue un rôle prépondérant pour l’équilibre et l’épanouissement personnel du
soignant. Sa posture managériale au plus près des salariés, ses valeurs influent sur l’action de
son équipe et de son travail. Il faut considérer à la fois les hommes, le matériel, les finances,
combiner des moyens : manager est l’art de connaitre son environnement, d’anticiper sur les
événements afin de définir des stratégies favorisant la mise en place de processus de travail
adapté, la capacité à mobiliser des ressources humaines et des techniques adéquates.(Peyre, 2006)
l’encadrement des équipes soignantes est une fonction de proximité, un métier de contact, qui exige un
ensemble de compétences pour assurer la qualité et la sécurité ses soins en milieu sanitaire et social.
(…) manager les soins dans le domaine de la santé publique et encadrer les professionnels qui
dispensent ces soins, c’est être capable et responsable à la fois dans un milieu en mutation accélérée.
Le cadre de proximité, proche des réalités, représentera alors le pilote d’objectifs motivants,
mesurables, et réalisables afin d’atteindre la performance. Ce versant stratégique dans la
conduite de projets en cohérence avec les orientations stratégiques institutionnelles, impose au
37
cadre de plus en plus de contraintes administratives (tableaux de bord d’indicateurs…). Le
cadre se voit ainsi confier progressivement des missions différentes avec de nouvelles
exigences. Pour certains professionnels, cela est ressenti comme un éloignement du cadre de
santé vis-à-vis de l’organisation du travail sur le terrain : un éloignement du cadre de
proximité non seulement pour les équipes soignantes, mais encore pour les soignés… et donc
une « désertion » de son management de proximité au profit de la structure au service d’une
certaine performance. « Au final, les deux tendances s’entrechoquent : partout il faut être à la
fois plus humain et plus performant, faire travailler dur avec des méthodes douces.
L’équation est loin d’être évidente. » (Dortier, 2015, p.65)
« L’art de manager » consisterait de choisir le « bon » mode de management adapté à chacun.
Même si la qualité des soins reste privilégiée, les réformes issues du NMP, engendrent
restructurations, réorganisations, optimisations des dépenses, demandent d’utiliser des outils
de contrôles de gestion. La nouvelle gouvernance hospitalière implique alors un
bouleversement des pratiques impactant non seulement l’exercice des soignants, mais encore
celui des cadres de santé. Ce que témoignent Divay et Gadéa (2008) dans ce contexte de
gestion par objectifs, centrée sur l’efficience, la performance et la qualité, qui implique la mise en
œuvre de nouvelles procédures et démarches de plus en plus formalisées (…) ces nouvelles attributions
sont intervenues comme des facteurs d’évolution et de redéfinition du rôle des cadres soignants (p.677)
Néanmoins dans cette quête inexorable du « meilleur » le cadre de santé ne doit pas perdre
de vue les conditions de travail des professionnels. Son management doit veiller non
seulement à la performance mais encore à la QVT. Dans ce jeu de tensions permanentes, il
adopte ainsi différents styles managériaux en fonction du méta-contexte. Son management
s’adapte aux situations nouvelles (technologiques, politico-médico-socio-économique…) et
aux soignants (niveau de compétence, d’engagement et degré de motivation et d’autonomie).
Le cadre de proximité commande moins, s’attache davantage à un management relationnel : il
anime, écoute, communique, motive, régule. Sensibilisé aux dimensions humaines du
travail il redonne plus de place aux échanges au sein de l’équipe, aux initiatives individuelles
ou collectives. En parallèle, la stratégie nationale d’amélioration de la QVT (2016) souhaite
améliorer les conditions de travail des professionnels en renforçant la communication, et la
reconnaissance. Confiance, sens du travail sont des leviers d’efficacité dans les relations
managériales facilitant le quotidien des professionnels. Dans « entre le marteau et l’enclume :
les cadres pris au piège » (2012), Bouilloud propose aussi de s’appuyer sur la « logique de la
reconnaissance » et l’ « esthétique du beau travail » qui rejoint encore là une approche
humaniste des relations d’équipe et met la bienveillance au cœur de nos pratiques.
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Pour conclure, «l’art de manager » deviendrait donc l’art d’utiliser des pratiques managériales
capables de développer à la fois la performance et la QVT des soignants.
Sur quelles pratiques managériales, compétences comportementales et relationnelles
s’appuyer quand l’économie rejoint l’humain ? L’usage de la bienveillance est désormais une
prérogative dans le management : serait-elle un enjeu fondamental de la QVT pour adoucir la
dureté du travail ? Quels compromis trouver entre la nécessaire humanité et les pressions liées
à l’obligation de résultats (plus de qualité et de sécurité des soins)? Dans un contexte de
réorganisation, de précarité de l’emploi, de fortes exigences budgétaires, d’une charge de
travail toujours plus lourde, engendrant une hausse du stress, comment faire place à la
bienveillance ? Pour répondre à ce questionnement après cet éclairage théorique, une enquête
de terrain s’impose afin d’approfondir cette réflexion.
4. Méthodologie de recherche
4.1. Choix de la démarche
Une enquête auprès de cadres de plusieurs établissements de santé, contribuera à mettre en
évidence leurs priorités dans leur service. A quoi s’attachent-ils dans la manière de piloter
leurs équipes avec ce durcissement environnemental (économique, certification…) ? Observer
et analyser l’expérience d’autrui enrichira ma réflexion et m’aidera à repérer des méthodes de
management respectueuses de la QVT des salariés, tout en répondant aux injonctions
institutionnelles. Tirer les leçons de l’expérience, un moyen efficient pour adopter un
management idoine ?
Suite aux cours de Mme Roby et Mme Rouillard, universitaires de Rennes 2 sur la
méthodologie de recherche, la démarche retenue pour mener cette investigation est
hypothético-déductive. Je dois m’attacher à vérifier in situ la corroboration des hypothèses
émises sur différents éléments ayant retenu mon attention dans le cadre conceptuel.
J’emploierai la méthode qualitative plutôt que quantitative pour éclairer mes recherches. Je
m’appuie sur le postulat selon lequel les cadres font des choix motivés. La singularité des
acteurs enrichira ce travail de recherche par une approche plus empirique. Les particularités
de chacun sur leur expérience ouvriront de nouveaux champs non explorés ou de converger
vers les apports théoriques déjà émis. J’essaierai de rendre compte de l’universalité des
travaux malgré la singularité de chacun en cherchant à identifier une tendance, tout en restant
39
prudente. Je veillerai à retirer des caractéristiques individuelles propres à chaque situation, ce
qui peut conduire vers une généralisation des mécanismes de fonctionnement.
4.2. Les objectifs
Cet étonnant paradoxe m’interroge sur la place du cadre et sa façon de manager.
Quand les changements s’accélèrent, en quoi le management du cadre de santé peut-il
concilier la performance avec la QVT? Ces deux notions sont-elles compatibles ?
Via la méthode hypothético-déductive, la recherche s’appuie sur les hypothèses suivantes :
1) La qualité de vie au travail facilite la performance.
2) En adoptant un style de management le cadre peut améliorer la performance du service.
3) La proximité du cadre de santé avec son équipe favorise la performance et la QVT.
4.3. Choix de la population
Dans un souci de représentativité, j’ai choisi de diversifier le panel en interrogeant tout
d’abord des cadres de santé de proximité et de mixer l’aspect filière (médico-techniques et
soins) avec 6 entretiens dans des structures de tailles différentes afin d’avoir une vision la
plus large possible. Leur moyenne d’âge est de 44 ans. Ce choix se justifie par la recherche
d’outils en termes d’action et de solutions dans ces situations semblant paradoxales. Réaliser
cette enquête de surcroît auprès de cadres supérieurs m’apporte un nouvel éclairage avec cette
vision polaire et plus globale en interviewant deux cadres supérieurs de filières différentes,
l’une provenant d’un CHU et l’autre d’un CH. La moyenne d’âge de ces derniers est de 55
ans. Concernant le choix du périmètre, j’ai réalisé ces entretiens dans la région Bretagne sur 3
sites différents. Je me suis volontairement abstenue d’interviewer des cadres de mon
établissement d’origine dans un souci de neutralité. J’ai ciblé le secteur public car les
déterminants de performance (nomenclature budgétaire) et de management (mise en œuvre du
NMP) diffèrent du management dans les structures de type privé.
4.4. Choix des outils de recherche
J’ai invité ces personnes à parler en instaurant au maximum la confiance. Pour réaliser le
recueil de données auprès de la population ciblée, j’ai choisi d’utiliser la méthode de
l’entretien semi-directif. J’ai élaboré un guide d’entretien avec des questions ouvertes dans un
40
but de laisser la liberté d’expression afin d’obtenir un matériau le plus riche possible sur le
vécu et le ressenti des agents interviewés. Après avis de mon directeur de mémoire, j’ai
modifié ce guide en reformulant mon questionnement afin d’éviter d’orienter les réponses. Je
me suis aidée d’ouvrages sur le recueil de données en sciences sociales. J’ai recentré alors
mon guide autour de 5 questions plus ouvertes sur les thématiques leviers de paroles. J’ai
prévu des relances possibles en fonction des réponses. Un guide d’entretien est semi-directif
lorsqu’« il n’est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions
précises. Généralement, le chercheur dispose d’une série de questions-guides, relativement
ouvertes » (Quivy, 2011, p.171). J’ai pris soin de tester ce nouveau guide auprès d’un de mes
collègues, étudiant à l’IFCS. La redondance de certaines questions m’est apparue. Cependant
j’ai choisi de toutes les garder pour une éventuelle reformulation. L’interviewé a ainsi le
temps de réfléchir, de réajuster, de compléter et de développer son propos. Après validation
par mon directeur de mémoire de ce guide d’entretien (annexe 4), je m’apprête à explorer le
terrain avec cet outil affiné essentiel pour recadrer l’entretien sur les objectifs, qui doivent
éclairer ma réflexion sur mes fonctions à venir. « Si l’entretien est d’abord une méthode de
recueil des informations, au sens le plus riche, il reste que l’esprit théorique du chercheur
doit rester continuellement en éveil de sorte que ces propres interventions amènent des
éléments d’analyse aussi féconds que possible » (Ibid, p.170).J’ai pris le soin d’informer
chacun de l’enregistrement, de l’anonymat de l’échange. Ces entretiens sont retranscrits en
intégralité afin de faciliter l’analyse. La durée moyenne de ces entretiens est de 48 minutes.
4.5. Le déroulement des entretiens
En février, les entretiens ont tous été planifiés et réalisés dans les bureaux des cadres
respectifs. La majorité des cadres interviewés ont coupé leur ligne téléphonique afin de
respecter ce temps d’échanges. Avant de démarrer chaque entretien, j’ai précisé qu’il n’y avait
« ni bonnes ni mauvaises réponses » à mon questionnement et j’ai invité chacun à prendre le
temps nécessaire ; Chaque entretien a commencé par des questions générales sur le parcours
professionnel, porte d’entrée de l’échange visant à les mettre à l’aise. Cette technique a opéré
excepté pour une personne selon mon ressenti (E3). Des cadres n’ayant pas coupé leur
téléphone ont été momentanément dérangés : certains n’ont pas répondu, d’autres si pour des
raisons estimées importantes (E4 par son directeur des soins et E3 par une IDE de nuit) et ont
alors repris le fil de l’entretien par une relance de ma part ensuite. Un cadre supérieur (E7) a
été dérangé trois fois : l’horaire matinal de l’entretien n’est peut-être pas le moment le plus
41
propice, celui-ci semblait préoccupé. Au cours des entretiens, j’ai laissé chacun avancer à son
rythme, respectant les silences nécessaires à la réflexion, et tenté de ne pas influencer leur
réponse en maintenant une attitude d’écoute empathique. Certaines personnes ont
spontanément abordé une partie des thèmes du guide. Le dernier entretien d’un cadre
supérieur (E8), planifié en soirée, est marqué de longs monologues. J’ai essayé de m’adapter à
chaque auditoire en m’émancipant progressivement de mon guide. « L’ordre des questions est
préfiguré selon une logique de déroulement de l’entretien, mais il conserve sa dynamique et
spontanéité. » (Combessie, 1999, p.25). Le guide a une fonction de support mais ne détermine
pas le séquencement des échanges. Les entretiens enregistrés sont retranscrits dans leur
intégralité afin de repérer les arguments. Afin de simplifier la recherche des verbatims, les
entretiens sont codées à la manière suivante : E1L307 ce qui correspond à l’entretien n°1,
ligne 307. Des acteurs m’ont manifesté leur intérêt pour ce thème qui rejoint leurs
préoccupations quotidiennes.
4.6. Les limites et critiques de l’enquête
Ce type d’exercice exige une technique rigoureuse : utiliser une trame de questionnements,
s’effacer peu à peu pour laisser l’autre libre dans son expression, être à l’écoute active,
relancer ou recadrer si besoin pour garder le cap sur les objectifs des entretiens des entretiens.
Peu familiarisée à l’exercice d’enquête, j’ai peut-être manqué d’aisance et de réactivité dans
mon questionnement face à des cadres chevronnés. J’ai été tentée par moment de précipiter
mon analyse, et n’ai pas systématiquement approfondi toutes les pistes. Par ailleurs,
questionner sans orienter ni juger n’est pas chose aisée. Connaître le cadre théorique risque de
suggérer des réponses. J’ai parfois précipité la reformulation. J’ai par moments vécu mes
relances comme des risques de fausser l’analyse.
Un troisième entretien avec un cadre supérieur a dû être annulé après un premier report en
raison d’une surcharge de travail, la reprogrammation de l’entretien n’a pas été possible en
raison des contraintes de temps. J’ai ressenti des réticences de sa part quant à la forme de
l’entretien. J’ai alors sollicité un autre cadre supérieur pour obtenir une analyse reposant au
moins sur deux personnes pour plus de représentativité.
Néanmoins une analyse objective de la QVT demeure incomplète sans le regard des
professionnels de terrain : c’est dans cette catégorie de personnel qu’on trouve les indicateurs
de proximité du cadre de santé. Interroger des professionnels in situ managés par ces mêmes
cadres aurait été un pendant intéressant à exploiter afin de confronter les données recueillies.
Infirmer ou confirmer les données de cette investigation aurait permis de préciser, élargir
42
l’angle de vue de cette étude. Je me suis engagée à respecter l’échéancier du guide mémoire,
c’est pourquoi je décide de poursuivre, consciente des limites du cadre choisi. Dans cette
démarche qualitative, prenons désormais le temps de confronter les données recueillies lors de
ces entretiens à l’analyse théorique du cadre conceptuel.
5. Analyse et interprétation
5.1. Analyse des populations interviewées
Entretiens
durée mn
Etablis. Age Grade Expérience cadre
en années
Ancienneté
dans le service
Filière
N° E1
52 mn
CHU 57 ans CS
17 ans 2 ans IDE
N°E2
50 mn
CHU 43 ans CS 3 ans ½
+3ans ½ FF
3 ans ½ MER
N°E3
37 +5mn
CHU 42 ans CS 11 ans 4 ans MER
N°E4
11+ 45mn
CHU 41 ans CS 3 ans ½
+ 18 mois FF
3ans ½
IADE
N°E5
49 mn
CHU 48 ans CS 9 mois +4 ans FF 3 mois MER
N°E6
1h 06mn
CH 44 ans CS 8 ans + 3ans FF 2 ans
IDE
N°E7
39 mn
CH 53 ans CSS 3 ans ½
(avant 12 ans CS)
3 ans ½
MER
N°E8
1h 20mn
CHU 58 ans CSS 7 ans
(avant 20 ans CS)
7 ans IDE
Au vu du tableau réalisé, les 6 cadres interrogés exercent dans différents domaines
professionnels (soins hôpital de jour, imagerie, réanimation, urgences, soins hôpital
conventionnel). Le corpus de cadres est volontairement diversifié afin de tendre vers une
vision transversale de la problématique de recherche. Tous exercent dans la filière de leur
formation initiale (3 en services imagerie, 3 en services de soins). Je fais le choix de ne parler
qu’au masculin pour des raisons de neutralité. Un IDE a fait une spécialisation en tant
43
qu’IADE avant d’être cadre de santé (donc 3 filières différentes). Les deux cadres supérieurs
sont volontairement issus de filières différentes (soins, imagerie) ; l’un exerçant au CHU et
l’autre dans un CH. Au final, le panel est suffisamment large et représentatif des cadres de
santé de ces institutions hospitalières publiques pour cette initialisation à la recherche. La
finalité est de dégager des réflexions qui pourraient différer en fonction de la posture de
chacun. Les cadres de santé interrogés ont en moyenne 9 ans d’expérience professionnelle
dans cette fonction. La majorité d’entre eux a exercé dans plusieurs services sauf le cadre E5;
cependant ce dernier a réalisé 4 années de Faisant-Fonction (FF) dans 2 unités différentes. Les
cadres E2 et E4 exercent aussi dans le même service depuis leur nomination cadre mais ils ont
exercé en tant que FF pour l’un 18 mois dans une autre unité et l’autre 3ans ½ dans 2 unités
différentes. In fine, nous sommes en présence d’une population de cadres se différenciant par
sa composition, son degré d’expérience, ses secteurs d’activité, son type de service et
d’établissement.
Dans la seconde phase, l’analyse des différents entretiens a nécessité une démarche dont la
première étape est la retranscription in extenso : une période chronophage au vu de la densité
des entretiens (48min. en moyenne). Même si à la commande de ce travail, il n’est pas
obligatoire de retranscrire tous les entretiens, je me suis néanmoins astreinte à ce travail
fastidieux car plus visuelle qu’auditive. Cette étape a facilité une lecture et une analyse plus
efficaces. Le détail des entretiens est disponible dans un second livret d’annexes.
Vient ensuite l’étape du classement des informations recueillies. Je bâtis une grille d’analyse.
Les données sont ainsi classées dans un tableau avec des parties descriptives classées en
catégories en lien avec les concepts, elles-mêmes parfois divisées en sous catégories
permettant par la suite d’affiner l’analyse. « Faire une analyse thématique consiste à repérer
des « noyaux de sens » qui composent la communication et dont la présence ou la fréquence
d’apparition pourront signifier quelque chose pour l’objectif analytique choisi » (Bardin,
2001, p.137). Cette analyse catégorielle permet d’extraire les verbatim extraits des entretiens :
« Je vois, je décris sans interprétation sans faire appel à mon cadre conceptuel ». Elle
fonctionne par « opérations de découpage du texte en unités puis classification de ces unités
en catégories selon des regroupements analogiques » (Ibid, p.207). Ces propos répertoriés en
thèmes et items sont classés dans un tableau à double entrée. J’ai sciemment séparé dans un
premier temps les cadres de proximité des cadres supérieurs pour une raison de présentation
plus agréable. Mais sur le fond de mon analyse, je croise les données, et me suis employée à
garder une logique sur les thèmes principaux afin d’éviter la dispersion (cf. Annexe 6).
44
5.2. Analyse et interprétation des données recueillies
Je cherche à comprendre le sens donné par les personnes interrogées en analysant ce corpus
de données. Il s’agit de dégager le ressenti des cadres sur la signification de ces concepts et
d’en ressortir les leviers à leur disposition dans leurs pratiques managériales face à ces enjeux.
Une nouvelle approche empirique m’aide à une distanciation m’éclairant pour chercher à
vérifier mes hypothèses; cette méthode hypothético-déductive permet de rassembler un
nombre de faits, de leur donner une signification qui ne peut être trouvée que dans le recours à
la théorie. Plus fondamentalement encore, il n’existe pas d’observation qui soit dépourvue de
théorie. Dès lors, la théorie peut être vérifiée, corrigée pour tenir compte de la confrontation
aux faits, réfutée. Comme le précise Bardin (p.31) il s’agit de « se faire méfiant » à l’égard
des prénotions, de lutter contre l’évidence du savoir subjectif, détruire l’intuition au profit du
« construit ».Selon l’auteur, « parmi les différentes possibilités de catégorisation,
l’investigation des thèmes, ou analyse thématique, est rapide et efficace à condition de
s’appliquer à des discours directs (significations manifestes) et simples » (ibid, p.207). Dans
le souci du respect d’une démarche inductive, le choix de nos têtes de chapitre à la recherche
d’arguments est guidé au regard des matériaux obtenus afin de chercher à répondre à nos
hypothèses successives ; en partant des entretiens des regroupements sont ressortis et ont
construit ce plan partant du particulier pour aller vers le général. Le parti pris est aussi de
mêler l’analyse et l’interprétation sur les thèmes, qui apparaitront par ailleurs grâce à notre
plan pour faciliter la lecture du travail. A présent, il convient donc d’analyser ce contenu
catégorisé comme suit en relation avec la théorie.
5.2.1. La performance, en fait une affaire de qualité de vie au travail
5.2.1.1. Représentations par les cadres
J’ai tout d’abord souhaité connaitre ce que signifiait l’expression « qualité de vie au travail »
pour les cadres interviewés. Le thème QVT parait pour la majorité des cadres reposer sur les
relations de travail avec l’équipe, la hiérarchie. Tous les cadres mettent en effet en avant
les rapports et valeurs humaines comme des conditions centrales pour que règne une QVT :
« l'esprit d'équipe, la solidarité au sein de l'équipe, l'entente peut-être aussi avec notre hiérarchie ... la
collaboration » (E2L27). Dans mon cadre conceptuel, Laflamme traite de la QVT, dans le sens de
l’intérêt de travailler ensemble, basée sur des principes humains. la QVT, renvoie selon
l’auteur à l’importance des relations de travail avec son environnement social (les collègues,
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l’équipe, les interprofessionnels, la hiérarchie…) dans son activité proprement dite. Le cadre
(E6) résume cet aspect relationnel fort représenté dans la QVT en y intégrant la valeur du
respect partagé par tous les responsables interrogés, y compris le respect venant du patient et
de ses proches envers le personnel soignant. Il dit : « La QVT, que le patient respecte et que les
proches respectent les professionnels » (E6L120)
L’épanouissement au travail passe par les valeurs mais aussi par la satisfaction de besoins
(autonomie, formation, maintien des compétences, attentes personnelles) précisent quelques
cadres : « il faut être acteur de sa progression professionnelle pour une QVT, … chercher ces centres
d’intérêts » (E2L41). Les travaux de psychodynamique (Dejours) et de psychologie du travail
(Clot) démontrent aussi que le plaisir au travail et de développement psychologique, de
socialisation professionnelle vient de la marge de manœuvre laissée aux employés à
s’approprier des compétences par la formation, à évoluer, participer aux décisions…
L’inverse est source de dégradation de la QVT, de souffrance au travail selon les auteurs. En
parallèle, l’OMS définie la qualité de vie par le système de valeurs dans lequel vit l’individu
en relation avec ses objectifs, ses attentes, et la place qu’on lui donne. Un cadre supérieur (E8)
préconise que « cette vie au travail soit satisfaisante avec les besoins du professionnel et les besoins de
l'institution ». Dans sa fonction hiérarchique, il définit la QVT en intégrant aussi les exigences
de l’institution à obtenir en plus des attentes des salariés dans un équilibre qualifié de juste :
« c'est toujours ce juste équilibre entre ses aspirations personnelles, ses aspirations professionnelles et puis les
besoins de l'institution. » (L47 à 50) tout en se portant garant de la QVT des agents de part son
positionnement au niveau du pôle : « en tant que cadre de pôle, si vous voulez, je veille et je dois être
garant de la QVT c'est-à-dire que c'est moi qui fait barrage si on a des exigences trop importantes » (E8L65).
Quelques cadres évoquent dès le début des entretiens le rôle du projet dans la QVT : « les
projets c'est aussi ... un allié je pense pour la QVT et parce qu'en fait il permet je pense aux professionnels de
s'investir. (E4L111). Les autres cadres l’abordent au cours de la discussion, me laissant penser
qu’un projet n’est pas l’unique prérequis de la QVT ? Fermon déclare que « travailler en
mode projet est encore peu courant en milieu hospitalier. » (2015, p.369). Lors de
l’exploration des concepts cette facette du projet semble utile à l’épanouissement au travail en
favorisant la participation des travailleurs aux projets pour mieux se les approprier. « Les
professionnels trouvent plaisir au travail s’ils ont un projet à servir » ; C’est lui donner des projets … faire
appel à leur intelligence, à leur créativité, à leur qualité personnelle »(E1L152).Hersey et Blanchard,
expliquent que tout le monde ne peut pas participer de la même façon. Selon le degré de
maturité des subordonnés, c’est-à dire de leur autonomie, le cadre délègue à certains soignants
46
désireux de s’impliquer pour réussir les projets et répondre à leurs besoins de créativité,
d’épanouissement dans leur travail. Nous avons vu que la non-participation aux projets, aux
décisions peuvent être sources de dégradation de la QVT, comme le confirment les travaux de
Dejours et de Clot montrant que des employés ont besoin d’être acteurs. L’implication dans
les projets est un élément majeur de la performance selon Fermon. Après avoir envisagé les
représentations, il parait intéressant maintenant de se situer sur les priorités de la QVT.
5.2.1.2. Deux priorités dans la QVT : le planning et la communication
Il est souhaitable de connaitre les priorités principales du cadre dans la QVT. Le but était de
savoir à quoi ils portent plus d’attention pour faciliter celle-ci dans un service de soins. Tous
les cadres évoquent deux aspects primordiaux : la communication et l’activité via le
planning : « ya la base, le planning... l'enjeu stratégique du planning ou multi-planning »(E4L93).
La spontanéité de tous les cadres à évoquer le planning comme critère prioritaire de la
QVT rejoint la stratégie nationale d’amélioration de la QVT (2016) s’engageant à favoriser la
conciliation entre vie privée et vie professionnelle. L’objectif de cet engagement n°7 est de
« permettre aux professionnels d’organiser plus sereinement leur vie personnelle, en
redonnant de la stabilité et de la visibilité en matière de plannings ». Le cadre E3 s’inscrit
dans ce respect d’assurer la continuité du service tout en veillant à cette stabilité et visibilité :
« Je pense que dans la qualité de vie c'est aussi le planning, le roulement, pas avoir des horaires complètement
différents chaque jour ou des choses comme ça, ne pas modifier du jour au lendemain par exemple » (E3L55).
J’identifie ce facteur comme très impactant sur l’équilibre de la vie privée des agents qui font
l’objet de rappels. Cela constitue un sujet particulièrement sensible stipulé par différentes
enquêtes nationales, et par le cadre conceptuel où les exigences du travail, causes de mal-
être dont la nouvelle organisation du travail est en partie responsable : RTT, pression du
temps… (marqués davantage pour ceux qui travaillent les jours fériés, en soirée, la nuit, le
week-end : difficile de vivre à contretemps de la norme sociale). Les résultats en France dans
la fonction publique (DARES 2013-2014) confirment ces contraintes de rythme et physique
intense engendrant une dégradation de la santé en particulier dans le milieu hospitalier. Les
cadres associent la QVT au respect du planning pour la QVT. Là où les cadres supérieurs
semblent rattacher la QVT aux manques de coordination au sein des équipes. « QVT …ça
passe aussi par des organisations de travail, vous voyez, on a beaucoup travaillé nous dans le pôle sur la
synchronisation des temps médicaux et paramédicaux, je ne dis pas que c'est parfait hein, on l'a fait avec
l'ANAP »(E8L123). Ce constat rejoint l’ensemble des travaux consultés et des auditions conduites
dans le cadre de la stratégie nationale mettant en exergue l’importance « d’aider les
47
établissements à améliorer la synchronisation des organisations de travail médicales et non
médicales. »(p.13). Marion (2012) converge aussi vers cette idée de coordination nécessaire,
critère d’évaluation de la performance. L’objectif de la stratégie nationale en lien avec les
travaux de l’ANAP, est de « réduire les conséquences en termes de perte de temps et de
crispations interprofessionnelles liées aux inadéquations entre les organisations de travail
médical et non médicales.» (p.13). Compte tenu des bénéfices sur la QVT des soignants
(réduction des interruptions de tâches, des débordements horaires) et de meilleures prises en
charge des patients (réduction des délais d’attente ou des reprogrammations d’interventions),
il semble essentiel de poursuivre cette synchronisation des temps au sein des équipes médico-
soignantes dans un but de satisfaction des usagers (performance sociale), des professionnels
(performance psychologique par moins de tensions), d’amélioration de l’image du service
(performance professionnelle et organisationnelle). Voyer parle de performance sociale, et
psychologique quand le cadre de santé veille à la QVT de l’équipe. Le projet de la HAS et
l’ANACT démontre le lien entre amélioration des conditions de travail et performance, faisant
de la QVT un enjeu essentiel à la performance globale.
En second, tous les cadres considèrent que la communication occupe une place
prioritaire dans les conditions favorisant la QVT : « un bon exemple de QVT, c'est de rassembler
les gens dans un même local pour pouvoir échanger les transmissions professionnelles ou autres personnelles,
avoir des horaires de pause communes » (E6L239). Dans le cadre conceptuel, des enquêtes de
l’INSEE (2012) montrent que des technologies de l’information et de la communication
favorisent les conditions de travail. Ortega et al., s’accordent aussi sur le fait qu’il faut
dépasser le stade de la simple information via divers outils de communication. Les cadres
supérieurs considèrent la communication aussi comme un élément majeur : « on fait des
réunions informelles tous les jours et des réunions formalisées on va dire tous les 15 jours après la réunion des
cadres sups avec la direction des soins » (E7L27). La relation n’est plus directe, dans un cadre tant
formel qu’informel. Notre recherche conceptuelle parle de la reconnaissance de la structure
informelle, de l’importance des temps de péri-travail (lieux de pause, restauration collective :
facteur d’ambiance de travail plus harmonieuse, de confiance plus grande, de sentiment
d’appartenance qui se structure dans une organisation à visage humain. Nous nous sommes
aperçus que la communication est intimement liée à un processus non seulement de QVT,
s’inscrivant dans une relation de groupe, mais aussi de performance. En plus de la qualité des
conditions de travail, la performance dans les organisations de soins se définit par l’OMS
selon deux autres axes : la qualité des soins, du service rendu au patient et l’efficience. Notre
48
recherche conceptuelle place le management participatif comme l’un des plus efficaces.
Devillard en donne une vision humaniste confirmant la communication comme une des
conditions sine qua non de manager « afin de maintenir l’équipe en état de performance ».
En plus d’une information installant une relation de confiance, la communication est aussi un
moyen participatif facilitant un consensus minimum donné au sens du travail. Tous les
interviewés déclarent de façon unanime que « la QVT, c’est donner du sens c’est que chacun trouve du
sens à ce qu’il fait tous les jours, ça c’est important mais qu’ils s’épanouissent tous ici » (E1L151).Clot ajoute
que l’activité « empêchée » est responsable de la souffrance au travail. « y a de la déception je
pense aussi de pas trouver toujours un sens à leur travail… de faire des radios complètement aberrantes, on ne
peut pas trouver un sens au travail » (E3L311). Cela confirme ce que dit Clot « faire un travail de
cochon nuit à la santé ». Réhabiliter le sens du travail est une autre condition du management
participatif. La vision de la qualité du travail n’est pas la même selon les parties prenantes, il
suffirait d’échanger sur ces controverses pour aboutir à une conciliation commune, et une
coopération interprofessionnelle : la souffrance laisserait ainsi place au plaisir (QVT) via la
communication et le sens donné au travail. Les interviewés, sans exception, partagent cette
notion du sens : « les gens ont besoin de savoir, d’avoir des repères, un cap, un sens, on va bien »(E5L376).
De plus ce bien-être au travail favorise la performance comme le précisent des cadres ; en
effet, la lisibilité et le sens donné à l’action instaurent confiance et sérénité dans l’équipe, ceci
favorisant des initiatives pouvant aboutir à une performance : « redonner le sens aussi à ce qui doit
se faire, donc voilà, là on va être plus performants je pense,… pour que les choses prennent sens»(E4L402). Un
cadre supérieur va encore plus loin dans ce consensus:
« il faut aussi parfois recentrer sur le cœur de métier, rappeler quelles sont nos missions, ça aussi c'est
important, ça aussi ça fait partie de la QVT de remettre du sens dans ce qu'on fait »(L186) « Donner
du sens, anticiper, accompagner les équipes aussi dans les évolutions et ça fait partie aussi de la qualité
préparée le demain, le futur, je peux pas laisser en l'état » (E8L271).
Cela rejoint Autissier sur la signification du « sens au travail » comparé à une « construction
complexe » dépendant entre autres « de l’organisation et des missions de l’entreprise ».
A ces moyens participatifs s’ajoutent la disponibilité de la hiérarchie pour résoudre
rapidement les situations problématiques et améliorer le cadre de travail de son équipe.
L’ensemble des cadres sont unanimes sur l’intérêt de la disponibilité du cadre qu’ils prennent
soin d’appliquer : « L’écoute est importante et donc la disponibilité aussi. Je pense qu’il faut aussi être
accessible, avoir la porte ouverte. Maintenant cela demande que cette écoute soit active, mais aussi surtout prise
avec une certaine prise de recul pour pouvoir bien cerner les soucis » (E5L17).On se rapproche selon les
interviewés de la notion de management de proximité, ne souhaitant pas s’éloigner du terrain
pour faciliter la QVT. Gresy confirme que « cette notion de « porte ouverte » peut être
49
explicitement évoquée comme la première étape dans un Système de Prévention des RPS »
(2012, p.123). Les cadres souhaitent donc être des cadres proches de terrain et de ses réalités
favorisant l’application des décisions. « J’essaie d’être vigilante aussi et comme je vais les voir tous les
jours et quand je les ai au téléphone, il faut être vigilante, dans leur façon de parler, dans leur façon de voir.
(E5L138). Cela converge vers le rôle du cadre de santé décrit par Hesbeen souhaité comme une
relation proximale : le management du cadre de proximité joue de la bienveillance afin de
faciliter « dans ses multiples composantes une éthique au quotidien » au bénéfice des
soignants. La communication permet au cadre d’accompagner l’équipe vers une meilleure
QVT et une performance plurielle. Comme l’explique Grezy « le manager vise à accroître la
performance de son équipe et les profits de l’entreprise mais cela ne fonctionne pas
durablement si cela se fait au détriment du bien-être au travail » (2012, P.68). Entre la
performance et le bien-être au travail, Morin rejoint Gresy dans ses propos « l’un ne va pas
sans l’autre » en déclarant que c’est « dans cette dialectique du complémentaire et de
l’antagonisme que se trouve la complexité et la richesse du management ».
Concernant les caractéristiques organisationnelles, les modèles conceptuels de Lawler et de
Wils et al. proposent 4 processus améliorant la QVT : la communication, la formation, le
partage du pouvoir (démarche participative), la reconnaissance. Même si la reconnaissance
est citée par l’ensemble des cadres, excepté un, elle n’est pas développée autant que les outils
tels la communication, le sens donné au travail, la participation (implication). Cependant je
repère une corrélation entre la reconnaissance comme levier de la performance, et à l’inverse
une performance (mesurée) qui peut être renvoyée à l’agent comme forme de reconnaissance,
impliquant encore davantage de performance : un cercle vertueux. Je remarque que le cadre
supérieur E8, avec qui j’ai eu l’entretien le plus long (1h20), a insisté sur la reconnaissance
des professionnels : « C'est de reconnaitre aussi le travail de chacun, ça c'est important, c'est que chacun
existe, chacun existe dans le regard de celui qui le voit, personne n'est anodin, mais à tous les niveaux vous
savez, même le cadre de pôle (L192) Est-ce le fruit du hasard ? L’entretien où la reconnaissance est
le plus développé vient de l’autre cadre supérieur E7 : « mais que les directions se déplacent, aient
les agents en face d'eux…voilà, pas à chaque fois bien entendu mais peut-être une fois par an faire un bilan
peut-être et puis c'est une reconnaissance aussi pour les agents »(L156). Il parle de reconnaissance et de
valorisation des soignants qui répondent au besoin d’être digne d’estime et de considération
de sa hiérarchie, sur une base régulière ou ponctuelle avec des manifestations collectives ou
individuelles. L’Humain est un élément primordial selon Caillé : « lorsque la dimension
humaine est insuffisamment prise en considération, différents risques peuvent se produire
encourus, notamment au niveau social. En effet, il apparaît lors des grèves ou des conflits, un
50
rejet ou un blocage, mais aussi un climat social dégradé » (2011, p.11). La reconnaissance est
une clé conceptuelle favorisant leur épanouissement et contribuant à leur santé au travail selon
Brun. Je reste prudente sur cette observation objectivée par une minorité de cadres, dans la
mesure où tout ne peut pas être dit sur une moyenne d’une heure d’entretien. Enfin, j’ajouterai
que la reconnaissance est un indicateur du « baromètre social » mené par les enquêtes
nationales, un exemple celui du CHU de Rennes en 2016. « Cette enquête pour nous aussi un outil de
la mesure de la QVT… on leur demandait s'ils étaient satisfaits de leur poste, donc c'était un outil de vision de la
QVT » (E4L469).
De même la formation semble être un levier moins prioritaire à la QVT. Ce thème est évoqué
par la moitié des interviewés apparaissant davantage comme des facteurs de « gestion » pour
assurer la polyvalence et la polycompétence facilitant la gestion de l’absentéisme. J’analyse
des silences synonymes d’une insuffisance portée au développement des compétences, en
excluant la cadre E2 priorisant d’emblée cet aspect dans la QVT. Cependant le cadre E3 dit :
« c’est pas QVT si on vient travailler avec la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas répondre à la demande,
aux besoins des patients, des radiologues. » (E3L233). La formation serait alors une solution pour ne
pas avoir à redouter l’erreur, surmonter ses limites professionnelles, avec moins de stress à
travailler pour exercer son métier avec les compétences requises, assurer donc une
performance professionnelle. Seul le cadre supérieur s’étend sur le sujet :
« Ce qui est très motivant aussi et qui fait partie de la QVT, c’est de grandir au travail, tout le monde
ne veut pas grandir au travail mais malgré tout ya une part, on est des professionnels, on sait que c'est
dans nos règles professionnelles, on est, on a une obligation d'évolution et de maintien des compétences
et ça c'est important vous voyez de pouvoir motiver, faire grandir les équipes en impulsant une
dynamique, en impulsant des travaux, des projets. »(E8L239).
Il poursuivra par des exemples concrets. La reconnaissance des compétences est mise en
valeur par Brun qui déclare qu’elles contribuent à leur santé et leur bien-être, ou par Grezy qui
écrit qu’elles donnent du « zèle et l’envie de progresser ».
5.2.1.3. Conditions de travail défavorables : causes de perte de QVT
Je viens d’expliciter les aspects favorables à la QVT en passant par multiples volets
techniques, relationnels… émanant des entretiens des cadres. Les points défavorables à la
QVT les plus repérés dans les entretiens par l’ensemble des cadres sont :
- la pénibilité du travail : « par exemple la charge de travail importante, on a mal partout, on se
met en arrêt de maladie… troubles musculo squelettiques (E1161)», l’intensification du travail :
« c'est par exemple le non-remplacement des arrêts, ça c'est dur …sur 2017 la direction ne remplace
plus les arrêts de moins d'1 mois mais sollicite le reste de l'équipe pendant 1 mois…un climat social
difficile, du stress »(E3L130)
51
- les horaires : décalés « Les nuits, les jours décalés, les week-ends,…bon le port de
patients, »(E8475), les changements d’horaires : « ce qui est peut être difficilement vécu et des
fois fatiguant et épuisant c’est les changements d’horaires, les rappels, les passages en effectifs réduits.
ça aussi c’est des choses qui peuvent être vécues et qui peut être affecté à la QVT. Parce que il y a de
l’épuisement, parce-que il y a beaucoup de changements. » (E5L55)
- l’environnement : « on les a fait retravailler ensemble…Le fait d'être divisé comme ça par les
locaux, y avait plus de proximité, moins dynamique de groupe ça freinait ce bien-être au
travail. »(E6198)
- les exigences émotionnelles : supporter la souffrance : « ils vivaient avant du stress et de
la pression de la part des familles qui arrivaient stressées… » (E4L150), craindre des violences
externes : « les urgences, quand ya des agressions, on sent très bien qu'il y a un taux d'arrêt de
travail qui peut monter en flèche, pas forcément tout de suite, des risques psychosociaux oui. »
(E6L657), redouter l’erreur : « un peu de stress mais qui est lié à l’activité pure… »(E5L100),
être sous pression : « y a comme une certaine pression parce qu'on est quand même dans un
secteur où c'est de l'urgence et faut faire un diagnostic rapidement(E3L237)
- les conflits de valeur : être constamment débordé : «au scanner là c'est à la chaîne quand
même hein les patients, ya pas le temps de discuter avec les patients » (E3L223),avoir l’impression
de ne pas produire de la qualité : «Alors l’infirmière c’était un manque de sens à ce qu’elle
faisait, un manque de sens à son travail quotidien (E1L178), en opposition avec ses valeurs,
«quand dans les rapports humains il y a une forme d'agressivité permanente de non-respect entre les
diverses catégories professionnelles, c'est insupportable »(E6L154) ou pratiques
professionnelles : « Il faut quand même qu’il y ait un certain socle où les professionnels se
retrouvent. » (E5L233)
- l’insécurité lié aux changements : mauvaise appropriation du projet : « le bien-être je
trouve qu'il a du mal à s'associer avec le mot changement et dès lors où on change quelque chose dans
une équipe, même si en prenant un peu de distance ce changement c'est une bonne chose, souvent ce
changement c'est mal perçu et pas bien compris au départ… automatiquement ça influe sur le bien-être
au travail (E2L86), avec le défaut d’accompagnement dans la conduite de
changement : « il y a des projets qui sont mal vécus car on a pas expliqué aux gens quelles étaient
les étapes, la finalité.(E5L262), un défaut de participation au déroulement du projet :
« quand on ne nous donne pas les informations ou qu'on ne travaille pas en cohésion avec les cadres »
(E7L3), la temporalité :« que ce changement soit une évolution des choses et non pas quelque
chose de brutal. Dans le temps déjà et en intégrant les gens »(E5L72), la fréquence : « Des
changements mais pas trop mais pas tout le temps, en tout cas s’il y en a, il faut que ce soit ponctuel,
on peut avoir des changements mais qui vont évoluer dans le temps. »(L236), un changement
52
inadapté : « j'ai une AS qu'est en burn-out parce que…, on leur a demandé beaucoup par rapport à
la restructuration comme en diminution des postes, charge de travail plus importante »
Les principales causes de RPS au travail énumérées ci-dessus, émanant des entretiens,
concordent avec celles du cadre conceptuel. L’analyse théorique quant aux origines du mal-
être au travail et confirmée par l’analyse des pratiques (terrain). Cerner les causes permet
d’atténuer ces souffrances et par conséquent d’améliorer la QVT. Ces souffrances deviennent
pathogènes physiquement et psychologiquement. Dans les interviews, le manque d’autonomie
et de marge de manœuvre des agents supposé déclencheur de mal-être dans le cadre
conceptuel, n’a pas été évoqué dans les entretiens. Cela sous-entend-il que les cadres
interrogés font participer les professionnels aux décisions, impliquent les agents dans les
projets ? Appliqueraient-ils davantage un management participatif, ou situationnel, plus que
persuasif ou directif ? Je vous propose d’étudier le type de management employé par ces
cadres en fin d’analyse. Mais auparavant je souhaite terminer cette analyse sur la recherche
des causes des RPS impliquant des conditions de travail défavorables. En effet, je constate
lors de l’enquête que les relations de travail conditionnent la QVT : elles peuvent être
bénéfiques au climat de travail et à la performance du service, comme les altérer. Mayo a mis
en évidence le lien entre le « moral des employés sur les performances d’une organisation ».
A l’inverse de mauvaises relations de travail, facteur de risques détecté au niveau conceptuel,
engendrent des tensions diverses dégradant non seulement l’ambiance de travail et la QVT,
mais encore la performance de l’équipe. Ces deux notions semblant incompatibles au début de
notre recherche, paraissent intrinsèquement liées par ce noyau de sens. Grésy déclare que « le
manager se trouve sur une ligne de crête, tiraillé entre ces deux tensions qui génère la
dynamique de son équipe lorsqu’elles sont bien gérées ou au contraire de sérieuses
difficultés » (2012, p.68). Il semble dès lors intéressant d’affiner ce dernier item, la
dynamique d’équipe susceptible d’être responsable de QVT et performance.
5.2.1.4. Une dynamique d’équipe portée aux nues
Les relations de travail et de management recouvrant les relations :
- Avec l’équipe : « des fois des médecins qui sont très désagréables, ça va totalement nuire à la
qualité du travail pour les soignants parce qu'on travaille avec une chape de plomb ce jour-là, avec la
pression sur les épaules »(E4L609). Quelques cadres vivent des situations de tension avec
les médecins. Selye évoque le « mauvais » stress par cette tension venant d’un
hiérarchique fonctionnel. « Si les médecins avaient une position, que le cadre n'ait pas la même
53
position ... ya des services comme ça aussi où ya des conflits entre les cadres, les médecins, ça nuit à la
QVT » (E4L607). Des positions contradictoires provoquant des conflits nuisibles à la
QVT, que l’on peut retrouver à tous les niveaux. « Le contexte et la conjoncture n'est pas très
favorable pour, nous aider à trouver du temps pour les échanges ou essayer d'échanger en équipe pour
améliorer certains points »(E2L46).La dynamique d’équipe peut s’altérer aussi par un
manque de régulation.
- les collègues : « le cadre il est là aussi dans la gestion des conflits,… je pense que dès qu'on vient
au travail en sachant qu'on travaille avec un tel avec qui on s'arrange pas ou c'est un tel qui met
pression sur l'équipe ou on a pas la même façon de faire que tel autre, c'est aussi une QVT qui n'est pas
satisfaisante » (E4L278). Dans ce jeu de tensions permanentes, le cadre « se doit de
maîtriser un certain nombre d’inutiles , non seulement pour aider ses collaborateurs à
exprimer leur mal-être, le plus en amont possible, mais aussi se protéger des violences
internes dont il peut faire l’objet.» (Grésy, 2012, p.69)
- la hiérarchie : « Le problème, c'est que les cadres sont aussi confrontés évolutions économiques et
... avec les activités, tâches qui augmentent, et ce temps qui a tendance à se réduire dans le temps
accordé aux équipes. » (E2L101). Le manque de concertation avec les cadres de proximité,
sous la pression du temps, sont des conditions de travail défavorables à la QVT
réduisant les temps d’échanges (temps de transmissions avec les équipes, réunions…).
- le management : «un cadre laxiste, ça va pas être une bonne QVT » (E4L615), « si je suis pas
bien dans mon travail, si la QVT n'est pas bonne pour moi, je vais pas être bien, je vais pas suivre les
équipes, je vais pas être avec eux, je vais pas jouer mon rôle, je laisse une chaise vide et "terminé,
débrouillez-vous" » (E8L99) « Bon y avait un défaut d'encadrement donc là on n'est pas dans la qualité
de vie au travail c'est certain ». (E8L636). Un défaut d’encadrement venant du cadre de
proximité ou du cadre de pôle est délétère pour le collectif.
- les conflits de valeur : «on sent que l'ambiance est meilleure, … après forcément la notion de
soin était meilleure enfin voilà, c'est important le respect entre agents dans les couloirs. (E6L636). Les
tensions diverses deviennent des maux communs : l’éthique comme ciment essentiel
tant dans les pratiques courantes de management qu’au sein d’une équipe.
- le public : « d’énormes situations d'agressivité, de violence à destination des professionnels et ça
pour les professionnels qui exercent par exemple au sein des urgences, c'est aussi de ne pas se faire
agresser verbalement, physiquement »(E6L122).Davezies traite du burn-out des professionnels
de la santé exerçant sous des tensions accrues, se manifestant par «la perte de la
sympathie pour celui qu’on est censé aider, la perte de l’estime envers soi-même. »
- les interservices : « je pense que pour avoir une QVT, s'il y a des difficultés entre divers services
et quand ça « clashe » et ben justement ce qui faut retenir de ça c'est qu'une équipe a à visiter aussi
54
l'autre service pour comprendre la difficulté, la complexité, leur manière de faire a un sens pour eux
qu’il faudrait chercher à comprendre » (E6L113).
Des tensions diverses pouvant émaner du collectif risquent d’induire des RPS : dans le cadre
conceptuel on parle de mal-être au travail fluctuant du stress au harcèlement moral. Des
souffrances professionnelles causées du supérieur hiérarchique, voire des collègues, une faible
dynamique d’équipe, peuvent altérer la santé du professionnel, et par conséquent la QVT,
comme relaté dans la définition des RPS dans notre recherche théorique. Le climat
professionnel représente donc un fort enjeu pour la performance et la satisfaction des
individus. Peut-on alors annoncer qu’une dynamique d’équipe est synonyme de performance
psychosociale, et plus largement de performance globale ? Au cours de l’enquête les cadres
s’accordent sur la primauté des relations de travail, du moral, de la notion d’équipe. « Mais c'est
surtout, au travail, je trouve de ne pas se sentir seul et qu'on fasse tous équipe, que ce soit les agents, la
hiérarchie, mais voilà, que ce soit pour les bons projets ou les moins bons. Cet esprit d'équipe, ça pour moi c'est
primordial. »(E2L66). D’où l’intérêt d’une dynamique d’équipe améliorant l’ambiance de travail
et la coopération au sein de l’équipe.
« quand on entend du rire encore dans les équipes, c'est un service qui va bien, qui vit bien. Un service
où les gens sont capables de se revoir à l'extérieur du travail parce qu'il y a un départ en retraite …se
retrouver pour échanger, c'est un signe de bonne santé pour l'équipe alors faut pas confondre l'exercice
professionnel et l'extérieur mais ça me semble important » (E6L147).
La « bonne santé » de l’équipe permet aux professionnels « d’éprouver un sentiment
d’appartenance et de convivialité au sein du collectif » (Gresy, 2012, p.87). Mais aussi la
performance : « Quand les gens sont bien dans une équipe tout ça, sur la qualité de vie, le travail est fait de
façon beaucoup plus naturelle et avec plus de volonté donc la QVT ou du service rendu au patient s'en ressent »
(E6L65). Je décode que lorsque le collectif s’entend bien à travailler ensemble, la QVT est
meilleure et le service rendu aux usagers aussi. Il est ainsi mis en évidence un lien entre la
QVT et la performance sociale avec la performance des soins (qualitative) découlant de la
performance professionnelle. « C’est "tout seul, on va vite mais à plusieurs on va loin" et donc si le cadre
il fait tout seul, peut-être que ça va aller vite mais peut-être que ça ira moins loin ou moins
bien. »(E4L402).Cela rejoint les travaux de la HAS et l’Anact sur les enjeux de la QVT qui
établissent un rapport entre la QVT et la performance et s’attachent à repérer des leviers
d’actions. Ils imposent dans la nouvelle certification la thématique de la QVT dans le compte
qualité, un prérequis pour une bonne qualité des soins ; la HAS « fait le pari qu’une
dynamique impulsée par la qualité de vie au travail » en faveur de la performance
professionnelle (qualité et sécurité des soins) par l’identification des marges de manœuvre.
« Des soignants qui sont heureux de travailler ensemble et qui sont heureux d'être en contact avec les
patients ou les médecins, clairement pour moi ils vont mieux faire leur travail qu'un soignant qui vient
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en traînant les pattes, qui s'arrange pas avec ses collègue, … qu'a des conflits avec les médecins, qui
n'est plus dans son travail enfin qui n'est plus intéressé par son travail »(E4L84).
Cette relation QVT et performance qualitative annoncée sera interprétée dans la prochaine
partie de cette analyse.
SYNTHESE : L’ensemble des cadres associent la QVT aux conditions de travail, d’une part
sur le plan technique (planning, exigences du travail …) et d’autre part sous l’éclairage
relationnel. « Le respect de l'autre, l'écoute… Et la communication » (E7L53). La communication est le
levier le plus évoqué comme propice à la QVT (favorisant la coopération dans le travail, la
cohésion d’équipe, la coordination, la valorisation, la reconnaissance). Il est montré
l’importance de tenter de remédier au mieux aux causes des RPS pour améliorer la QVT.
Maîtriser les situations problèmes, trouver des solutions nouvelles pour réduire ces risques
d’altération de QVT relève du rôle du cadre. Mettre l’accent sur les relations de travail semble
essentiel dans la gestion des conflits néfastes à la QVT, pour mieux accompagner les
changements. « Le changement, c'est aujourd'hui un véritable fléau au bien-être des équipes (E2L99). Le
travail sur les valeurs guidant les actions contribue à donner du sens aux pratiques de chacun,
aux choix, aux décisions. L’évaluation de la QVT est pour tous les cadres subjective « c'est
simple hein c'est le ressenti de l'équipe, vous savez tout de suite, ça va ou ça va pas c'est clair, on vient vous le
dire, vous le voyez. » (E7L377). Les cadres interrogés n’utilisent pas d’emblée des outils objectifs
pour évaluer la QVT mais s’appuient sur le ressenti.
«les professionnels sont épuisés, on a essayé, … mais on va être obligés de faire marche arrière un
peu, il va falloir que la direction lâche sinon j'ai des professionnels qui vont aller en burn-out et ça c'est
pas la qualité, je le vois, je le sens, je les écoute, faut être à la fois dans la distance et à la fois dans la
proximité, c'est des jeux vous voyez, toujours des jeux d'équilibre et pour tout le monde (E8L83).
La proximité du cadre favorise cette mesure du bien-être au travail ou non de son équipe.
Quel style de management parait le plus approprié pour créer un cadre améliorant la QVT
sans oublier de concilier la performance exigée ? Pour aller plus loin, nous développerons en
dernière partie le management employé par ces cadres facilitant la QVT et la performance
dans ce contexte où tout s’accélère. Mais auparavant je vous propose d’analyser la
performance perçue par les cadres interrogés.
5.2.2. Mais de quelle performance parle-t-on ?
5.2.2.1. La performance, une histoire de représentations
Je cherche ensuite à connaître les modèles de performance. Les cadres de proximité semblent
surpris par cette question de définir la performance. Répondre à cette question parait plus
difficile pour eux. Néanmoins ils expriment spontanément leur sentiment sur ce concept en le
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classant pour la plupart comme un « gros mot » dans un service de soins, la performance
semble être une notion « choquante » voire « effrayante », à connotation négative.
« ça devient presque un gros mot maintenant, à l’heure actuelle, parce que la performance on voit bien
que c’est… l’efficience çà s’entend bien sûr, on peut toujours réorganiser les choses pour faire mieux
avec l’existant. Oui. La performance pour moi, …, mais c’est un côté péjoratif parce que c’est écraser
encore plus l’existant, donner encore plus de pression pour sortir du jus mais à quel prix »(E1217).
La performance définie par l’OMS équivaut à « procurer le meilleur état de santé possible »
au patient et satisfaire ses besoins tout en veillant à la maîtrise des coûts pour les
contribuables et les cotisants. Néanmoins, il existerait des limites à la performance selon
certains cadres au risque de l’épuisement des agents: « La performance d’accord mais je pense qu’il y
a des limites. » (E1L233). Existerait-il un compromis entre performance et QVT ? « L’efficience c’est
l’optimisation et la performance c’est la formule faire mieux faire mieux. A la limite on ne s’arrête jamais »
(E5L189). Dans le concept performance apparait une incitation à se surpasser sans fin dans le
quantitatif et le qualitatif, avec un risque d’épuisement pour le professionnel. Cette
performance impacterait négativement sur la qualité de vie des travailleurs. Garantir les
conditions de travail des soignants dans la performance semble un défi pour le cadre de santé
en cherchant à obtenir un jeu d’équilibre entre performance et QVT.
A noter que peu de cadres s’expriment sur la performance par les compétences. Cette notion
nous ne l’écartons pas , mais mon choix est de ne pas la développer, car abordée à la marge
dans les entretiens, même si nous lui reconnaissons une place de choix dans la sphère des
ressources humaines, « Sans compétences, pas de performance » (Fermon, 2015, p.106).
Les résultats de cette enquête présentent l’instabilité des définitions de ce concept : Grandjean
parle de performance plurielle. En analysant les entretiens, je remarque essentiellement trois
représentations identifiables :
Une performance psychosociale synonyme de dynamique d’équipe : où la
performance du cadre de santé selon Voyer est de veiller à la QVT.
Une performance qualitative, équivalente à la performance des soins, appelée
performance professionnelle par Voyer. « Je la rejoindrais au projet du patient » (E4L273)
Une performance économique : le mot « efficience » serait préférable à entendre
d’après certains cadres interviewés.
5.2.2.2. La performance économique, ce qu’en pensent les cadres
«Est-ce qu'on prend assez de malades pour que ça nous rapporte un peu ? Est-ce qu'on a une
cadence ? si c'est la cadence ... j'aime pas du tout, c'est bien pour ça que j'ai choisi de travailler dans le
public car en tant que manip, j'avais fait 5 ans de privé et ça me plaisait pas trop quoi »(E3L182).
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Pour ce cadre la performance est d’ordre productif avec une logique financière. Cependant je
constate une performance pas forcément synonyme de performance économique pour tous. En
effet, sur six entretiens de cadres de proximité trois sont venus spontanément sur le champ
économique. Des auteurs parlent de la performance économique comme le fondement de la
performance. Salgado évoque la performance comme étant au tout début « longtemps un
concept unidimensionnel, mesuré par le profit ». II semble qu’il faille prendre avec mesure
cette affirmation car la perception de la performance change selon les acteurs et les
organisations. Dans le cadre conceptuel, nous avons développé dans ce sens l’exemple de la
performance des organisations de soins avec les diverses parties prenantes. « La direction des
affaires financières, enfin l’EPRD, souhaitait savoir un petit peu les rémunérations parce qu'on est en
tarification de l'activité, ils me demandaient si je pensais qu'on ferait le même nombre de séjours en réanimation
l'année suivante »(E6L365) ; la performance est évaluée selon différents critères et parties
prenantes à la vie de l’hôpital : direction, cadres, médecins, salariés : « Mais, c’est les médecins
qui donnent le ton de la performance ! »(E1L401). Voyer précise qu’il faut même prendre avec
précaution la comparaison de la performance des hôpitaux de tailles différentes. En tout cas
dans les hôpitaux seule la moitié des cadres de terrain interrogés nous parlent de performance
économique. Certes, la performance est souvent basée dans le domaine des sciences de
gestion, néanmoins les organisations publiques sont plus à la recherche de l’efficacité, la
qualité, l’intérêt général. Il est vrai que notre approche conceptuelle sur la QVT par les RPS
met en évidence ce lien entre les souffrances professionnelles, les injonctions de performance.
« Ça irait beaucoup mieux si on me donnait un tout petit peu plus de moyens et vous voyez ça se calcule
à long terme et pas à court terme, si on ne remplace pas et qu'on se retrouve avec beaucoup plus de
TMS, où est l'économie là-dedans ?(L481)…je me dis quand même qu'économiser un poste d'ASH pour
la manutention et se retrouver avec 5 TMS et 5 arrêts, j'arrive pas trop à voir l'économie » (E3L492).
La notion de performance est sujette à controverses, tiraillée entre différentes logiques
(financière, qualité, QVT…). Dans la logique économique hospitalière il y aurait un enjeu à
combattre le gaspillage : « un indicateur de performance c'est la qualité d'entretien des matériels, enfin pas
de dégradation» (E6L383). En plus de la maîtrise des coûts vient un enjeu majeur à la prise en
compte des RPS. « Performance c’est bien faire plus avec moins de moyens mais un moment donné,
l’équation elle tient pas et c’est là qu’on a les arrêts de maladie, c’est là qu’on a l’épuisement professionnel,
c’est là qu’on a tout ça, les burn-out » (E1219). Les pouvoirs publics s’engagent à améliorer les
conditions de travail des salariés (ANI), plans et stratégie nationale d’amélioration de la QVT.
L’aménagement du fonctionnement interne combine recherche de performance et quête
d’efficience, d’efficacité, de QVT, d’intérêt général. A noter que les cadres supérieurs
semblent plus sensibles aux enjeux économiques :
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« au niveau administratif, direction on va dire les pressions lorsqu'il faut faire des économies, moins
remplacer ou pas de remplacement pour les arrêts maladies, les congés d'été c'est la même chose
…trouver la solution pour travailler avec moins de personnes tout en gardant la même
chose.(L117).C’est vrai que c’est pas très simple aujourd'hui… C'est toujours faire plus avec moins ...
c'est ce que ressentent les agents et donc à force de demander, et ne pas avoir l'impression de recevoir
en contrepartie,… au bout d'un moment ils s'essoufflent. » (EL180)
Ils prennent conscience de l’influence de cette performance économique (l’efficience) qui
impacte sur la QVT de l’équipe, comme exploré dans notre démarche conceptuelle. Ils
soulignent la difficulté à gérer aspect financier et qualité du service rendu aux usagers :
« C’est un peu compliqué parce qu'il faut savoir gérer et le financier …et les soins apportés au patient
et c'est plutôt pas toujours très simple et on est de plus en plus confronté au financier. Effectivement,
quand on monte dans la hiérarchie, on l'est encore plus quoi. Là, le financier il nous lâche pas, c'est les
rebudgétisation ...le plus, le moins, le taux de remplacement, les arrêts, l'absentéisme…c'est essayer
d'avoir un budget à la clef. »(E7L136).
Pour ces deux cadres de pôle la qualité de la prise en charge du patient prévaut. Tel
l’éclairage conceptuel, ils portent un regard sur la performance dans sa complexité :
«c'est à la fois des soins adaptés au bon patient au bon moment... adaptés aussi dans le temps enfin
qu'on est pas dans la productivité ….c'est aussi d'être performant dans le temps ... après ya des limites
dans la performance parce que enfin quand on regarde les indicateurs de l'ANAP…c'est ça aussi la
performance»(L308)…Maintenant, la performance elle est liée aussi donc à l'activité, on suit l'activité,
les réunions plénières de pôle on a toujours un point sur l'activité du pôle, c'est important »(E8L397)
Mais un cadre supérieur accepte la nécessaire performance économique :
« Oui, on en a besoin parce que on peut pas non plus travailler n'importe comment, je veux dire, on a
aussi une responsabilité vis-à-vis de l'Etat, vis-à-vis de la collectivité, c'est les usagers qui payent hein
voilà donc on doit rendre compte, on peut pas gaspiller l'argent public comme ça donc c'est normal
qu'il y ait des indicateurs, qu'on suive ces indicateurs-là, qu'on essaye de les rentrer, on parle de
l'IPDMS aussi beaucoup, donc c'est un indicateur de performance » (E8375).
Rendre compte aux contribuables converge vers les propos de Fermon à ce sujet : « il n’est
pas illégitime de chercher à bien soigner tout en cherchant à utiliser au mieux les
ressources. » Ce cadre précise dans cette logique tant sanitaire propre aux établissements de
santé qu’économique liée à la mise en place du nouveau management en disant: « D’accord vous
avez pas la ressource humaine suffisante d'accord mais on a d'abord une mission première c'est la qualité de
prise en charge des patients" » (E8L632). Finalement le NMP est implicite ; en effet, la majeure
partie des interrogés nous parlent d’un système imposant paradoxalement la rationalisation
des moyens, l’efficience, et dans le même temps de plus en plus d’évaluation de la qualité.
Cela nous rappelle les piliers qui font le NMP. Analysons désormais cette existence fidèle de
la performance des soins relevée dans tous les propos des cadres.
5.2.2.3. La constante présence de la performance qualitative (soins)
« la première performance c'est d'être à l'écoute du patient et d'aller vers ce que le patient souhaite
(L278).La performance technique et après bien sûr la performance relationnelle parce qu'on est dans
un service hautement relationnel avec des situations difficiles qu'ils vivent au quotidien que ce soit avec
les patient ou avec leur famille » (E4L313).
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La performance n’est pas seulement réduite à la performance économique. A l’hôpital public,
au contraire davantage de cadres parlent de la performance synonyme de la qualité des soins ;
« c'est la base, que la qualité de la prise en charge du patient soit assurée. Voilà, pour moi c'est déjà ça c'est de
la performance » (E8L308).Tous les cadres interrogés évoquent la performance par la qualité des
prestations produites. Assurer une prise en charge de qualité du patient est l’objectif de
chacun : Voyer parle de la performance professionnelle dans nos concepts. Ils l’atteignent en
maitrisant diverses compétences (relationnelles, techniques…) ; les cadres abordent pour la
plupart la sécurité du patient par l’expertise développée de certaines vigilances.
«La performance, qu’est qui me vient à l’esprit tout de suite ? pour moi, c’est une qualité de
prestations, …une qualité de prestations avec tout ce qui va avec le respect, le respect de la sécurité,
l’optimisation des procédures, l’optimisation des protocoles, ça peut être en radioprotection par
exemple…en terme d’hygiène, en termes de qualité relationnelle, ça c’est ce qui doit être mis en œuvre
pour optimiser et assurer une prise en charge de qualité du patient …(E2L156)
En comparant les réponses des cadres sur les critères d’évaluation de la performance, tous
sauf un, iront sur des indicateurs liés à la mesure de la qualité des soins. A l’inverse de la
mesure subjective de la QVT, chacun utilise des critères objectivés avec la notion de résultats.
« Je vois performance, résultat, du coup évaluation parce que performance, c'est un mot fort, on voit
une évaluation avec des niveaux de performance, des résultats, quelque chose de rigoureux,
d'objectivé… on a les indicateurs, plein de choses qui permettent de mesurer, on est constamment dans
les audits, les EPP, l'évaluation des résultats donc des choses très objectives (L258)… critères, hygiène,
identitovigilance, douleur enfin tous les items que l'on a mais qui sont vraiment objectivés » (E4296)
Selon Fermon le concept « performance » s’étend dans le secteur de la santé à tous niveaux,
avec une incitation à passer d’une « culture des moyens » à une « culture du résultat ».
« on a un nombre de lettres impressionnant, …la performance c'est de savoir ... depuis que je suis
arrivé en réanimation, je n'ai eu qu'une lettre de plainte par rapport à une situation où la famille et le
patient estimaient ne pas avoir été bien pris en charge, or quand j'étais aux urgences, des lettres j'en
avais tous les jours (E6L382).
Presque tous les cadres interrogés mesurent la performance de leur service à la recherche de la
satisfaction des usagers via le questionnaire institutionnel ou une fiche de sortie
personnalisée ; ils n’attendent pas la certification pour connaître et remédier aux insuffisances.
Certains rajoutent la déclaration d’évènements indésirables comme un élément de mesure de
qualité d’organisation du service impactant la performance de la prise en charge :
« quand on en a 2-3 médecins qui commencent à râler parce qu'il y a des choses qui ne vont pas, ça
peut aussi être un indicateur de dysfonctionnement, de problèmes d'organisation, de problèmes du coup
de qualité de travail (L.377)… si ya pas d'événement indésirable, on peut estimer que les choses
fonctionnent bien, si on n'a pas d'événement de d'autres unités ou de patient, on peut estimer aussi que
la prise en charge est de qualité,…donc ça c’est de la performance (E2L388)
Si l’ensemble des cadres ressentent par eux-mêmes le besoin de mesurer objectivement la
performance da qualité des soins, d’autres déclarent mesurer la performance organisationnelle
du service à la demande des instances par le taux de sortie avant 11h, la Durée Moyenne de
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Séjour, la Durée Prévisionnelle de Séjour, le Taux d’Occupation, l’Indice de Performance de
Durée Moyenne de Séjour. On appelle à la responsabilisation des cadres le côté gestionnaire
avec la « culture du résultat » sous forme de tableaux de suivi : « on s'est fait des rapports
automatiques qui tombent tous les mois, on a une vision, une photo chaque mois de notre service… il me manque
encore c'est l'indicateur de charge de travail en soins »(E6L493). Les enjeux des indicateurs, la logique
de la T2A…cela rappelle la logique sanitaire et économique. Reste à mesurer comme dit le
cadre la charge en soin : l’ANAP met à disposition des établissements des repères pour les
aider à mieux apprécier les moyens humains nécessaires aux différents services dans le but
d’améliorer les conditions de travail des professionnels au quotidien. En général, à l’hôpital
public la performance est plutôt liée à l’évaluation de la qualité des soins, avec l’objectif
d’une qualité au meilleur coût : principe de non gaspillage en plus du principe de qualité.
Dans cette enquête, la mission de la performance du cadre se décline sous l’aspect
économique, où il sera vigilant à la maîtrise des coûts et au suivi de l’activité, mais encore à la
performance professionnelle à visée de soins pertinents de qualités en toute sécurité dans le
souci de la satisfaction de l’usager. Grandjean dit que l’évaluation de la performance « dépend
d’un référentiel kaléidoscopique dans lequel interviennent le temps, la position des
évaluateurs, les buts qui étaient visés au départ, la perspective de reproduire la performance
dans le futur ». A noter le verbatim suivant : « je dois veiller aux professionnels de terrain parce que ça
conditionne la sécurité des soins, ça conditionne la qualité de la prise en charge des patients »(E8L95). Cela
m’amène tout naturellement vers la notion de performance psychosociale.
5.2.2.4. La performance psychosociale synonyme de dynamique d’équipe
« Quand les gens sont bien dans une équipe tout ça, sur la qualité de vie, le travail est fait de façon beaucoup
plus naturelle et avec plus de volonté donc la QVT ou du service rendu au patient s'en ressent » (E7L65).
D’une manière ou d’une autre, la majorité des cadres interviewés s’accordent à lier la QVT à
la performance qualitative. Le bien-être au travail favorise la qualité des soins. A partir du
cadre conceptuel, un lien est mis sur les RPS impliquant une diminution de la performance :
« c’était quelqu’un qui ne dégageait plus, qui voulait plus travailler qui soufflait pour tout, pour lequel j’avais
des plaintes des patients, des familles et des médecins. » (E1L181) ; La prévention des RPS représente
une entrée privilégiée pour allier la QVT et l’efficacité au travail. Des experts en psychologie
sociale et du travail associent efficacité et rentabilité de l’organisation se mesurant à la
préservation des ressources mais aussi au bon emploi de celles-ci. Si les conditions de travail
sont défavorables, les conséquences pour les professionnels, mais aussi pour le service,
61
peuvent être catastrophiques : absentéisme, turn-over, accidents du travail, baisse de
satisfaction. La moitié des cadres abordent cela :
« on a recensé alors j’ai une aide-soignante qui a été arrêtée six mois, la première et la deuxième qui a
été arrêtée deux mois, là, dans la même année, en 2016., six mois et deux mois. Ça veut dire que pour
2016, j’ai eu vingt-cinq pour cent de taux d’absentéisme, ce qui est vraiment énorme » (E1L196).
« Prendre soin de ceux qui nous soignent », soit placer la QVT au cœur de nos organisations,
est selon la stratégie nationale « indispensable à l’atteinte des objectifs de l’hôpital, en termes
de qualité des soins et de performance sociale. » (2016, p.1). Dans notre recherche
conceptuelle nous avons évoqué la disposition de nombreuses organisations et outils
permettant d’évaluer la charge en soin et d’améliorer l’environnement des professionnels au
quotidien. Par exemple, «c'est les conditions de travail, ya les CHSCT, ya les syndicats, ya la législation, ya
la réglementation… c'est aussi une prérogative de l'ARS, dans la certification aussi je crois qu'il y avait un
élément dans le management des équipes sur la QVT » (E4L47). La performance psychosociale découle
donc de la QVT, favorisant la performance d’équipe, et par conséquent la performance
professionnelle (qualité des soins), la performance économique, la performance sociale.
Placer la QVT au cœur de l’hôpital non seulement avec les instances mais avec le cadre de
proximité au plus près de l’activité de l’équipe devient donc fondamental. L’ensemble des
cadres interrogés s’attachent à cette dynamique d’équipe, synonyme de performance : «on les a
fait retravailler ensemble. Le fait d'être divisé comme ça par les locaux, y avait plus de proximité, moins
dynamique de groupe ça freinait ce bien-être au travail (E6L212). Compte-tenu de l’importance
reconnue à la cohésion d’équipe, renforcer la communication et les échanges entre les
professionnels est primordial. Néanmoins, « C'est que ya moins de cadres et du coup on a plus d'équipes
à gérer donc plus de temps à passer aussi et voilà, plus de temps à passer mais avec moins de moyens, enfin
voilà c'est devenu plus compliqué donc, oui on communique moins » (E2L133). A la recherche de la
maitrise des coûts, le ratio cadre /personnel se réduit. Une diminution du nombre de postes de
cadres impliquant une proximité du cadre réduite avec moins d’échanges auprès des équipes,
au risque d’une baisse de QVT et donc de performance d’équipe : « la performance, bah c'est
l'équipe, c'est eux qui portent tout donc la performance c'est l'humain » (E4L303). Ce verbatim rejoint le
projet de la HAS avec l’Anact sur les enjeux de l’équipe préservant la QVT, « un pari
qu’une dynamique impulsée par la qualité de vie au travail dans les établissements de santé »
en faveur de la performance de la qualité des soins. Cet item sur la performance psychosociale
se symbolise par la « boucle » du cadre supérieur qui reprend cette roue sans fin démontrée
tout au long de cette analyse. « Oui, quand on a une QVT qui est bonne, la performance sur le terrain des
équipes, elle est meilleure et inversement .... quand justement l'équipe est bien on peut encore gratter sur le côté
financier, sur la performance financière »(E7L174). Ces échanges me conduisent à traduire de façon
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très schématique le développement ci-dessus en l’équation suivante :
S’il existe une QVT alors existe une performance d’équipe (psychosociale), impliquant une
performance professionnelle = performance soins + performance économique
La somme de ces performances individuelles identifiées exige du cadre de santé des méthodes
managériales performantes pour aboutir à une performance collective et globale dans un
service de soins dont la finalité est de satisfaire les usagers (performance sociale). Quelle
performance managériale peut concilier ces performances avec la QVT ?
La dimension psychosociale s’appréhende non seulement dans les relations humaines
(collègues, hiérarchie, usagers) mais aussi de l’individu à son travail, dans son rapport à
l’évolution de la structure et son organisation. « Ce rapport est objet de tensions : créatrices
de valeurs et de bien-être lorsqu’elles sont bien gérées ; vecteurs de contre ou sous-
performances et de souffrances lorsqu’elles sont mal gérées.» (Grésy, 2012, p.177). Le
management du cadre représente la clef de voûte de la performance ou des performances.
Comme l’écrit Sennett : « un régime qui n’offre pas aux être humains de raisons profondes de
veiller les uns sur les autres ne sauraient durablement conserver sa légitimité.» (Ibid., p.109).
En quoi le management du cadre de santé peut-il concilier la performance avec la QVT ?
Cette analyse montre la pertinence de l’équation : il s’agit désormais d’en trouver la
péréquation. « On est dans deux mots, deux phrases, enfin deux mots "performance", "qualité de vie au
travail" qui peuvent être pour certaines personnes en opposition alors que je pense que non » (E2L461). Dans
cette compatibilité démontrée, le cadre orchestre l’alliance entre la performance et la QVT.
5.2.3. Allier performance et QVT, aussi une histoire de management du cadre
J’ai cherché à connaître quels styles de management ces cadres pratiquent pour faciliter cette
alliance. En analysant les entretiens, je remarque une technique de management plus
pratiquée pour allier la QVT et la performance : le management participatif. Je repère
également un modèle de management de proximité se rapprochant du management par la
bienveillance. Le management directif utilisé par peu des cadres interviewés ne serait que
ponctuel et n’est pas favorable à la QVT : « tout ce qui peut être directif quelques fois est en opposition
au bien-être au travail » (E2L105).
5.2.3.1. Une réflexion éthique dans le management de proximité…
L’éthique, poumon dans les pratiques de management des ressources humaines, ressort de
tous ces entretiens et invite à conjuguer QVT et performance. Unanimement les personnes
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interrogées incitent au respect des valeurs dans le travail qui se traduisent par des mots clefs
communs : le respect, l’équité, la solidarité.
« c'est toujours respecter l'autre… ne pas tolérer que l'autre ne nous respecte pas donc pour moi ça
c'est un levier majeur, le manque de respect que ce soit verbal…, ça c'est rédhibitoire »(E2L335),« c'est
important, l'équité dans la QVT »(E4L616). « la qualité c'est la solidarité dans l'équipe » (E6L273).
Ils sont en accord avec Hesbeen pour qui l’éthique est une clé pour « une autorité aidante et
bienfaisante en vue d’œuvrer à être bien ensemble pour ensemble aller plus loin ». L’analyse
des propos recueillis met en évidence pour la moitié d’entre eux que l’image donnée par le
cadre dès son entrée dans le service à une certaine influence sur l’équipe au travail. « Le cadre
donne le ton un peu pour la semaine »(E2L249). Le cadre se doit d’être exemplaire, souriant, disant
« bonjour », se préoccupant de chacun à son activité, renvoie une image positive à son
équipe : prendre soin de agents en considérant chacun peu importe sa fonction sont des
méthodes de communication non violente relevant du management par la bienveillance.
« Les valeurs peuvent être utilisées comme un des leviers permettant d’agir sur les
performances professionnelles. Dans cette lecture de la professionnalisation-efficacité, le
« management par les valeurs » est ainsi confirmé par Claude (2001) (Jorro, 2014, p.347).
« La performance du cadre, ça va être je pense un peu tout ce que j'ai dit "est-ce que l'organisation
fonctionne bien ? Est-ce que les soignants ont l'air heureux dans leur job ? Est-ce que les patients sont
bien pris en charge …après, la performance du soignant » (E4L369)
Les finalités de ce management bienveillant sont de « prendre soin de ceux qui nous
soignent » pour une prise en soin de qualité pour le patient. Tous les cadres interviewés ont
pour priorité l’activité de la gestion du personnel via le planning pour favoriser la QVT.
Concilier vie personnelle et professionnelle constitue en effet une préoccupation centrale des
professionnels. Des mots entendus comme «l’anticipation », « la rigueur », « l’équité » dans
la réalisation des plannings est capitale au fonctionnement efficace d’un service, et assure un
bien-être des personnels pour une implication de qualité dans leur activité demandée. La
stratégie nationale d’amélioration de la QVT appuie dans ce sens et va même plus loin en
demandant aux responsables de concerter les équipes, pour « assurer la continuité du service
face à l’absentéisme impromptu de courte durée ».Ce sujet est considéré sensible et délicat
mais identifié comme « un facteur très impactant sur l’équilibre de la vie privée des agents
qui font l’objet de rappels » (2016, P.14). Tous les cadres déclarent les exigences du travail
(planning, diminution du travail collectif, intensité…) à prioriser pour prévenir l’usure au
travail et la dégradation de la santé.
« Tout cadre, cadre sup, cadre de pôle, on est tous sensibles à la QVT pour les équipes, parce qu’avant
tout, on a choisi un métier de l'humain et qu'on veut pas être insensible quand il y a des souffrances au
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travail parce que si on n'a pas de QVT c'est qu'on est en souffrance ou en difficulté mais c'est
compliqué » (E8L660).
Respecter ainsi de bonnes conditions de travail engendre une satisfaction des soignants : une
dynamique d’équipe préservée entrainant ainsi une QVT et un bénéfice premier aux patients
et de leurs proches (performance sociale et performance qualitative).
« il y a beaucoup d’informel, il y a beaucoup de communication. Ça, fait partie d’un management de
bienveillance : écouter chacun, écouter, prendre en compte, faire en sorte que chacun soit compris et
que chacun ait une réponse à son problème, à sa problématique. (E1L147) …manque de
communication ça c’est sûr, freiner le bien-être au travail ».
La place du cadre dans les relations humaines traduit ce management de bienveillance.
Plusieurs auteurs du cadre conceptuel préconisent la communication, sans privilégier un mode
à un autre, mais l’identifiant comme un outil essentiel du cadre pour se situer à proximité de
son équipe, ce qui « va avoir son importance justement après dans la performance de l'équipe et de cette
qualité d'équipe » (E2L257).
De plus, les cadres se préoccupent de la santé de chaque membre de leur équipe en accordant
beaucoup de leur temps. Beaucoup parlent du facteur temps, élément prépondérant dans leur
exercice quotidien : «je me préserve pour ma QVT à moi aussi parce qu'on peut faire 24h/24sans problème
... donc c'est une question aussi de responsabilités de chaque professionnel (E8L233).Le cadre supérieur E8
sensibilise à la notion du temps de travail des cadres ; une présence progressive s’installant
dans leur travail au risque de leur QVT en s’investissant corps et âme. Il signale l’importance
de prendre du recul pour éviter ce dérapage au détriment de leur propre santé. Le cadre E4
nous éclaire qu’ « Un cadre qui vit bien dans son travail renvoie cette image à son équipe. On ne l’a pas
évoqué mais c’est vrai aussi. ». Il parait ainsi essentiel aux dires de plusieurs cadres de se préserver
en tant que responsable d’une part pour soi même, mais d’autre part pour l’équipe. En effet,
être dirigé par un cadre ayant une QVT correcte, et donc épanoui dans son travail, est plus
favorable pour la dynamique d’équipe pour le fonctionnement du service. De cette notion du
temps accordé à l’équipe par le cadre découle la notion de proximité : selon Detchessahar ce
«management de proximité est « empêché », « happé » par les directions et attiré vers
d’autres scènes que celle de la régulation du travail », vu dans notre cadre conceptuel. Or
dans ce contexte d’intensification du travail, les cadres interrogés ne semblent pas prioriser
leurs missions transversales aux dépens du terrain. Même s’ils évoquent leur caractère
multifonction avec des tâches administratives grandissantes, la plupart des cadres annoncent
ne pas négliger ce temps précieux partagé avec leur(s) équipe(s) : « un cadre de proximité, tout en
étant un vrai manager, tout en étant un gestionnaire financier parce que c'est important, tout en étant un
négociateur financier avec l'ensemble des prestataires, voilà, nous sommes le couteau suisse » (E6L394).Un
65
cadre précise que le fonctionnement en binôme permet en leur absence d’accompagner
l’équipe en cas de besoins afin de maintenir un lien d’encadrement de proximité permanent.
Ces cadres confirment l’opinion du sociologue Peyre « l’encadrement des équipes soignantes
est une fonction de proximité, un métier de contact,…encadrer les professionnels qui
dispensent ces soins, c’est être capable et responsable à la fois dans un milieu en mutation
accélérée ». Il serait utile de confronter cette déclaration des cadres avec le ressenti des
professionnels sur cette proximité évoquée, ou plutôt de cette tendance à l’éloignement du
terrain selon Destchessahar. C’est une des limites de mon enquête : vérifier auprès des
équipes si elles sont bien « encadrées et accompagnées grâce à la présence, au cœur du soin,
d’un cadre de santé de proximité » comme le souligne Heebeen. J’ajouterai même en guise
d’ouverture, que certes la volonté des cadres interrogés est d’être toujours au contact des
équipes, en revanche est- ce perçu de la même manière par la direction ? Comme le souligne
par exemple la cadre E1 :« En fin de compte performant, c’est le travail, c’est surtout un souci de proximité,
j’ai pas l’impression que c’est vraiment pris en compte au niveau de, des directions mais des DG »(L638).
Dans la première partie de cette analyse, les leviers, outils utilisés par l’ensemble des cadres
interrogés dans leur démarche d’amélioration de la QVT et de la performance sont la
communication, les valeurs, le sens donné au travail, la reconnaissance, le projet…la
formation. Pour allier au mieux ces deux concepts, le management participatif est le plus
utilisé par ces responsables. Devillard dit qu’« afin de maintenir la performance, le manager
doit utiliser des moyens participatifs ».
5.2.3.2. …Mais c’est également du ressort du management participatif
Ayant d’abordé la plupart des outils nécessaires au management participatif, en amont de
cette analyse. Je propose donc de développer d’autres outils : des stratégies de management.
Stratégie managériale par la délégation, l’implication selon le degré d’autonomie
Sans exception tous les cadres de l’enquête, déclarent impliquer les professionnels dans la
prise de décisions, la participation aux projets, la délégation de tâches …« donner de l'autonomie
au maximum, c'est au cadre de le faire donc c'est tout simplement en nommant peut-être des responsables de
certaines choses, toujours en lien avec leur expertise, il n'est pas question bien sûr de les mettre en difficulté »
(E2L273) . Ces cadres délèguent sous leur responsabilité diverses activités selon le degré
d’autonomie. L’organisation passe par la délégation contrôlée avec la nomination et la mise
en avant de référents volontaires au sein du service ce qui permet à chacun de s’impliquer, de
développer des compétences diverses, de responsabiliser les professionnels, en impulsant une
66
dynamique dans la continuité de l’organisation. « Quatre référents, les autres savent à qui s'adresser
s’ils ont une difficulté. (E3L268). Le cadre E6 précise qu’il est prêt à expliquer à certains de ses
agents s’ils ne savent pas faire afin qu’ils acquièrent de l’autonomie et d’assurer ainsi le
fonctionnement du service. La coordination inhérente à ce fonctionnement contribuera à des
conditions de travail propices à des prises en charge de qualité au bénéfice du patient :
performance qualitative (organisationnel, soins). Au fil du temps, la gestion directive du cadre
a évolué vers une gestion plus participative aussi par un processus de décision clair et
accepté par tous. « Avant tout il faut d'abord attendre les propositions et encore une fois bien souvent ils ont
les réponses, il faut commencer par là, ça me paraît évident, c'est ce qui fera d'ailleurs évoluer les choses et
accompagner au mieux le changement » (E2L311). Le système participatif par l’échange pour prendre
des décisions afin de gérer des conflits, établir des objectifs est probablement plus anxiogène
pour le cadre, mais ce système serait le plus efficace selon Likert comme étudié dans le cadre
conceptuel. Tous les cadres sont favorables à ce style de management dans la démarche
d’amélioration de la QVT et de la performance, illustré par exemple par ce verbatim : « Des
équipes non impliquées ne s'investiront pas dans la prise en charge et donc forcément on décline en termes de
performance de prise en charge » (E6L406)
Stratégie managériale par la coopération, la coordination interprofessionnelle
Cet élément vient renforcer ce que nous avons déjà abordé sur la « dynamique d’équipe » ;
cela suppose que la cohésion d’équipe est fondamentale sous l’angle managérial pour la QVT.
Le verbatim suivant « Le cadre qui pense qu'il est omniscient et qu'il doit décider de tout, …c'est une
catastrophe parce que de toute façon soit c'est extrêmement autoritaire, ce qui est délétère en termes de
QVT »(E6L283) corrobore bien que si le cadre est directif cela étiole la QVT. « Le cadre est un peu
le capitaine du bateau, et donc il ne peut pas conduire le bateau tout seul » (E5L375). La cohésion d’équipe
est une condition à la performance de l’équipe, et donc de la performance globale au vu de
l’équation précédemment démontrée. L’équipe, perçue comme une cellule de base, est au
regard de l’ensemble des cadres interrogés un lieu de vie, d’expression renforçant la
performance organisationnelle exigée du cadre vers un fonctionnement meilleur de service, et
comme s’exprime un cadre « les faire travailler ensemble, ça, ça monte en performance »(E6L622). « La
HAS met l’accent sur l’importance des pratiques collaboratives interdisciplinaires (2014, p.6)
comme facteur de qualité et de sécurité de prise en charge pour les patients ainsi que comme
facteur de santé et de bien-être au travail pour les professionnels » déclare Abad (2014,
p.22). Je prends davantage conscience de l’engagement du cadre de santé à travers son
management participatif pour accompagner au mieux la performance collective. Tous les
67
interviewés insistent sur le sens donné au travail par la participation via diverses actions,
missions, ou projets…renforçant la QVT et la performance globale. Par exemple, « la
performance de l'équipe est un élément important, c'est leur collaboration, leur entente, la pluridisciplinarité…
les projets de soins partagés, voilà avant c'était beaucoup moins le cas, maintenant les infirmiers, ils viennent au
STAFF tous les matins…(E4L329).
« C'est aussi ça la performance, faire le lien entre le service et les partenaires, donc être performant
c'est que les organisations soient bien posées avec tout le monde, les organismes, tous les satellites
extérieurs au service (E4L354)…la majorité des cadres interrogés soulignent l’importance de la
coordination interservices, interprofessionnels. ».
D’après l’OMS (rapport sur la santé publique 2008), la performance dans les organisations de
soins se définit et s’évalue selon trois axes dont celui de « La qualité des conditions de travail
qui recommande des éléments bien connus des salariés tels que la valorisation des
compétences, la stabilité du planning et le respect des rythmes de travail, la synchronisation
interprofessionnelle des actions ; » (soins cadres, 2014, p.22). De plus, le cadre supérieur E8
déplore des pertes de temps et des tensions interprofessionnelles liées aux inadéquations entre
les organisations de travail médicales et paramédicales, encourage à la synchronisation des
temps au sein des équipes médico-soignantes pour de meilleures conditions de travail et une
performance des soins : une démarche participative dans le champ managérial conduisant à
une synchronisation des organisations de travail médicales et non médicales visant la QVT du
personnel (réduction des interruptions de tâches, des débordements horaires) comme la
performance qualitative des soins (réductions des délais d’attente ou de reprogrammations
d’interventions). «Dans le dialogue commun sur la même longueur d'onde ici en réa on a la chance que c'est
toujours un discours partagé entre les médecins, les soignants pour qu'ils soient sur la même longueur d'onde »
(E4L336). Le responsable, les médecins mettant en œuvre le participatif dans les relations
hiérarchiques, associent parfois les soignants dans la prise en soin du patient, ce qui rejoint la
stratégie nationale d’amélioration de la QVT souhaitant évoluer pour « permettre d’améliorer
la satisfaction des patients ainsi que l’image du service et de développer des dynamiques
fédératrices » (2016, p.13) : la création de nouvelles organisations par la collaboration et la
coordination engendrant une performance psychosociale en plus d’une performance
qualitative via ce management participatif, qui n’est pas dans du laisser faire, mais
collaboratif, où les responsables gardent le pouvoir de décision finale après échanges
pluridisciplinaires dans ce travail d’équipe reposant sur une culture de confiance.
Autre stratégie managériale : la participation par le mode projet
« Faut que le cadre soit toujours mobilisé sur des choses qui vont faire avancer les soignants et donc moi je l'ai
vu ici par les projets, avant de rentrer à l'école des cadres, j'entendais ça le management par le projet »(E4L103)
68
J’ai déjà abordé ce thème dans l’analyse de la QVT où le projet serait source de QVT. Dans le
champ management, je renforce mon analyse où le projet est évoqué dans les entretiens par
la plupart des cadres dans un processus de changement constant source soit de « bon » ou
« mauvais » stress comme le distingue Selye (restructurations, réorganisations, évolutions…).
« C'est un processus d'évolution mais quand les cadres, les repères changent, faut en créer de nouveaux mais
dans l'entre-deux, voilà la zone d'instabilité »(E6L192). Dans l’accélération de cette mouvance
hospitalière, le changement des habitudes de travail n’est pas toujours aisé à s’approprier,
d’où la nécessité sous l’angle managérial d’accompagner, d’écouter l’expression des besoins
des agents pour mieux les impliquer dans le processus d’amélioration de la qualité des soins,
sans pour autant éclipser celle des conditions de travail. « Ces échanges-là, ça permet d'entretenir
une certaine dynamique et ces moments d'écoute aussi permettent d'avancer dans une équipe, dans les projets et
dans l'évolution » (E2L54).Dans le changement, le rôle du cadre à manager l’équipe est de
l’accompagner dans chaque étape du déroulement du projet en expliquant les modalités pour
y parvenir, et le but à atteindre. Veiller aux collectifs en travaillant en mode projet. A partir de
notre cadre conceptuel, plusieurs auteurs mettent l’accent sur la nécessité de la
communication, du facteur « temps » dans leur pilotage… pour lutter contre le stress que les
changements peuvent provoquer chez certains professionnels. Comme l’illustre ce verbatim :
« Le changement tout court, ça peut jouer sur la QVT si le changement n’est pas accompagné, s’il est brutal.
(E5L55)… tout dépend des délais que l’on va avoir aussi de ces changements (E5L63). A ces facteurs,
s’ajoutent la considération humaine, levier important dans le processus confirmé par Caillé :
« si le temps nécessaire à l’appropriation est sous-estimé, c’est d’abord parce que les
émotions que le changement a suscité sont complètement niées » (2011, p.11). Tous les cadres
parlent de l’intérêt de la concertation en fixant un cap, expliquant le sens de ces évolutions,
de ces changements, suscitant parfois du stress.
« On explique aux gens, il y a le temps mais aussi les objectifs qu’on s’est donné et que eux aussi on
leur explique, …s’il y a une adhésion et si les gens trouvent ouais cela a du sens, ils adhèreront aussi et
ce sera moins dur pour eux, moins contraignant pour eux. Il y aura un vrai accompagnement au
changement aussi » (E5L250).
Travailler en mode projet favoriserait la QVT et la performance psychosociale en donnant du
sens au travail, et conduirait à une réussite de la performance de pilotage. « Je me rends compte
aussi que les projets qui améliorent la QVT, c'est les projets qui participent à l'amélioration des soins en général
quoi, ça c'est un élément important. » (E4L155). C’est un élément à repérer puisque l’on constate
encore un lien entre QVT et qualité des soins. Le cadre de santé utilise un mode de
management participatif intégrant le projet, la proximité pour réussir à allier la QVT avec une
performance plurielle :
69
« quand on a des projets ça fait avancer tout le monde, ça fait avancer le cadre dans son
travail de management et ça fait avancer les équipes et ça fait aussi avancer les soins aux
patients donc tout ça c'est plus de satisfaction pour les soignants donc plus de satisfaction, on
va dire que c'est plus de QVT »(E5L106)
Le projet par son approche participative contribue à une performance managériale du cadre
par la mise en mots du travail, où chacun peut débattre sur divers axes de progrès des
pratiques organisationnelles. « Il faut chercher plus loin pour montrer en quoi le rôle des
cadres dans l’organisation est probablement la clé de la réussite d’un projet de
performance…Les cadres portent dans l’exercice de leur fonction un potentiel d’innovation et
de performance dont il faut tirer parti. » (Fermon, 2015, p.368). Ce que pense aussi un cadre
supérieur aguerri responsable d’une équipe de huit cadres de santé de proximité « dans un projet
de restructuration, une des clefs de la réussite, c'est aussi les capacités, performances et compétences du cadre
parce que c'est elle qu'est au quotidien tout le temps donc moi je m'appuie beaucoup sur les cadres »(E8L586).
Pour conclure, la performance du cadre par ses valeurs, ses aptitudes, ses capacités, ses
compétences est une des clés du succès de la performance collective et individuelle. Fermon
ajoute : « il consiste à reconnaître aux cadres un profil de chef de projet » (p.369). Le
management via le pilotage en mode projet serait donc aussi une pierre angulaire pour le
cadre de santé dans ces changements perpétuels à gagner cette quête vers l’alliance
performance et QVT.
5.3. Synthèse de l’analyse et interprétation
A l’issue de ce travail d’analyse et d’interprétation, je suis en mesure de répondre à ma
question de recherche en vérifiant mes hypothèses de départ. Pour rappel, ma question qui a
initié cette démarche de recherche est :
Quand les changements s’accélèrent, en quoi le management du cadre de santé peut-il
concilier la performance avec la QVT ? Ces deux notions sont-elles compatibles ?
Les hypothèses associées sont :
1) La qualité de vie au travail facilite la performance.
2) En adoptant un style de management le cadre de santé peut améliorer la
performance du service.
3) La proximité du cadre de santé avec son équipe favorise la performance et la QVT.
Pour chacune d’elles je vous propose une synthèse.
70
En reprenant ma première hypothèse, je remarque que les cadres interviewés associent la
QVT aux conditions de travail d’une part d’ordre technique (planning, charges et exigences
du travail …) et d’autre part relationnel. La communication est un des leviers le plus évoqué
renforçant la QVT (favorisant la coopération dans le travail, la cohésion d’équipe, la
coordination, la valorisation, la reconnaissance). Mettre l’accent sur la qualité des relations de
travail semble essentiel pour tous les cadres interrogés sur la QVT, dans l’organisation
quotidienne des soins, dans la gestion des conflits, l’accompagnement des changements... A
travers cette enquête, les valeurs qui jalonnent le travail permettent de donner du sens à
l’action de chacun, aux choix et décisions prises. Dans le concept performance apparait une
injonction incessante à se surpasser dans le quantitatif et le qualitatif, avec risque
d’épuisement pour le professionnel. Il existerait ainsi des limites à cette performance.
Respecter les conditions de travail (satisfaction des soignants : une dynamique d’équipe
préservée) engendre une QVT avec un bénéfice premier aux usagers (performance sociale et
performance qualitative). Garantir cette QVT serait un défi pour le cadre de santé pour
atteindre cette performance : un jeu d’équilibre entre performance et QVT. « On est toujours dans
l'équilibre, un cadre sup doit être là-dedans, on doit être très intuitif, sensible à ce qui se passe, aux ambiances,
aux paroles, sentir vraiment, faut être là-dedans, sentir l'équilibre et ne pas faire basculer d'un côté ou de l'autre
(E8L454). Il est vrai que notre recherche sur la QVT par les RPS met en évidence ce lien entre
les souffrances professionnelles et les exigences de performance. « En définitive, les RPS doivent
être compris comme une nouvelle grille de lecture dans la façon d’appréhender le travail. Ils ne sont
ni une fatalité ni une sanction. Ils sont un simple rappel au bon sens » (Gresy, 2015, p.175). Il est
souligné l’importance de tenter de remédier au mieux aux causes des RPS pour améliorer la
QVT, et par conséquent la performance. La majorité des cadres s’accordent à lier la QVT
avec la performance qualitative : le bien-être au travail favorise la qualité des soins. La
prévention des RPS représente un abord privilégié pour allier qualité de vie des travailleurs et
efficacité au travail. Des experts en psychologie sociale et du travail se rejoignent sur l’idée
que l’efficacité et la rentabilité de l’organisation se mesurent à la préservation des ressources
mais aussi au bon emploi de celles-ci. « Que l’on peut ne pas être bien traitant quand on n’est mal
traité » (E5L29) « Prendre soin de ceux qui nous soignent » est donc essentiel : placer la QVT
au cœur de nos organisations est selon la stratégie nationale « indispensable à l’atteinte des
objectifs de l’hôpital, en termes de qualité des soins et de performance sociale » (2016, p.1). Il
a été vérifié que la performance psychosociale synonyme de dynamique d’équipe découle de
la QVT, favorise alors la performance d’équipe, et par conséquent la performance
professionnelle (qualité des soins), la performance économique, la performance sociale. Cela
71
rappelle le projet de la HAS avec l’Anact sur les enjeux d’une dynamique d’équipe préservant
la QVT, en faveur de la performance des soins mais plus largement encore sur une
performance globale. « L’une influence l’autre je pense. Quand les gens sont bien au travail, ils sont
certainement performants et inversement quand ils ne sont pas bien, ils sont moins performants, ils s’engagent
plus. » (E5L350). La QVT doit faire battre le cœur de l’hôpital sur un rythme impulsé par les
instances ; le cadre de proximité doit en permanence prendre le pouls de l’équipe. Le postulat
d’une QVT impactant une performance d’équipe s’est vérifié au cours de ce travail, ce
qui valide l’équation posée :
S’il existe une QVT alors existe une performance d’équipe (psychosociale), impliquant
une performance professionnelle = performance soins + performance économique
La deuxième hypothèse postule que le style de management du cadre de santé peut améliorer
la performance du service. J’ai cherché à connaître de quel style de management on se
rapproche pour mobiliser les équipes à la performance sans altérer la QVT. A présent, selon
Fermon, « l’accent est mis non plus sur la surveillance, mais sur le management », elle
rappelle le sens du mot « manager » : « manager, c’est stimuler, coordonner, accompagner,
faire prendre des décisions, confier des missions, améliorer l’existant, innover, gérer, animer
une équipe » (2015, p.369). La majorité des cadres interrogés appelle au management de
proximité, proche des réalités pour atteindre cette performance globale. Je retiens ce modèle
se rapprochant du management par la bienveillance. L’intégration de l’éthique dans les
pratiques managériales des ressources humaines ressort des entretiens, visant à concilier QVT
et performance. Tous les cadres interrogés privilégient respect, équité, solidarité dans le
travail, comme Hesbeen pour qui l’éthique est une clé pour « une autorité aidante et
bienfaisante en vue d’œuvrer à être bien ensemble pour ensemble aller plus loin ». Prendre
soin des soignants en manageant proche de la base est essentiel pour non seulement une QVT
mais encore contribuer à la performance individuelle et collective : une prise en soin de
qualité pour le patient (performance sociale et professionnelle). « Les valeurs peuvent être
utilisées comme un des leviers permettant d’agir sur les performances professionnelles.
Claude (2001) » (Jorro, 2014, p.347). En analysant les entretiens, je remarque que le
management participatif est plébiscité pour allier QVT et performance. Selon Devillard,
« afin de maintenir la performance, le manager doit utiliser des moyens participatifs ». De
ces moyens, l’implication, la participation via la communication prédominent dans ce
management humaniste où l’équipe est au cœur des projets. Sans exception tous les cadres de
72
l’enquête délèguent sous leur responsabilité diverses activités selon le degré d’autonomie.
L’organisation passe par la délégation contrôlée avec la nomination et la mise en avant de
référents volontaires au sein du service ce qui permet à chacun de s’impliquer, de développer
des compétences diverses, de responsabiliser les professionnels, en impulsant une dynamique
dans la continuité de l’organisation. La coordination inhérente à ce fonctionnement
contribuera à des conditions de travail propices à des prises en charge de qualité au bénéfice
du patient. La gestion directive du cadre (altérante pour la QVT) est délaissée ainsi vers une
gestion plus participative afin de s’adapter aux réformes, aux évolutions… J’ai retenu que le
management participatif vise à créer des conditions favorables à la QVT, aboutissant à une
performance professionnelle, et donc performance qualitative plurielle au niveau des soins
pour les soignés mais aussi pour les soignants : un système plus efficace selon Lickert et plus
favorable pour l’ensemble des cadres dans la démarche d’amélioration de la QVT et de la
performance. Enfin, mettre l’accent sur la dynamique des projets est vecteur de satisfaction
(bien-être au travail), de QVT et de performance. Tous les cadres interviewés insistent sur le
sens donné au travail partagé par la participation des professionnels à divers projets.
Travailler en équipe par le projet renforcerait la QVT et la performance managériale à visée
d’une performance plurielle.
Ainsi, le cadre de santé articulerait un management par la proximité (les valeurs), le
participatif intégrant le projet pour réussir à allier la QVT et la performance globale. Au final,
dans cette quête effrénée du « meilleur » le cadre de santé adopterait ainsi différents styles
managériaux en fonction de l’écosystème. Son management s’adapterait aux évolutions
(technologiques, politico-socio-économiques…) et aux soignants (niveau de compétence,
d’engagement et degré de motivation et d’autonomie).
« L’art de manager » consisterait alors à choisir le « bon » mode de management adapté à
chacun : un management du « bon sens » selon la situation des salariés et le contexte. Serait-
on alors dans un management situationnel ? L’approche socio-dynamique du management
situationnel, de Hersey et Blanchard, montre l’adaptabilité du type managérial selon les
professionnels et le contexte. Il se définit comme étant l’adaptation d’un «style de
management à l’individualisation et à la complexité croissante de nos sociétés et de nos
organisations…Pour prouver son efficacité le management doit se personnaliser » (Tissier,
2001, p.11). In fine, au cadre d’adopter son mode de management au cas par cas en
appréciant le niveau d’autonomie de la personne et la situation, et non pas d’instituer un
modèle commun à tous pour faciliter la performance de son service. Pour autant, si l’on
retrouve différents aspects du management participatif sur la globalité des entretiens, nous
73
pouvons aussi nous poser la question de la préférence peut-être d’un management par le
projet. Je validerai donc cette seconde hypothèse dans la mesure où il n’existe pas qu’un seul
style de management facilitant la performance du service mais plusieurs. En effet, plusieurs
méthodes managériales favoriseraient l’alliance de la performance et de la QVT : c’est
l’association du management participatif au management de proximité du cadre par la
bienveillance, encore dénommée le management par les valeurs, auxquels s’ajouterait la
dimension projet ; ce qui est tout à fait en phase avec la vision de Tissier : le manager choisira
son style de management en fonction de sa situation. Il semble donc possible de dire
qu’adopter le management situationnel semblerait alors le style de management
recommandé au cadre de santé pour améliorer la performance du service.
En ce qui concerne la troisième hypothèse, l’enquête met en exergue la présence du cadre sur
le terrain comme une pratique de management nécessaire pour répondre à différents besoins
(les siens et ceux de l’équipe). Un temps de présence sans véritable limite du cadre au sein de
son service semblerait pratique courante pour quelques cadres observés. « je privilégie la qualité
de vie des autres au détriment de la mienne, et ça c’est pas bien parce qu’un cadre qui est épuisé et un cadre qui
n’en peut plus, euh..ben ne peut plus être un bon coach puisqu’il n’a plus assez de réserve d’énergie » (E1L464).
L’étude du cadre conceptuel permet de contester en partie cette relation entre la proximité du
cadre et ses activités en particulier administratives et gestionnaires. Detchessahar évoque
« un management de proximité empêché », où l’approche managériale du cadre serait
davantage « tourné vers le haut et vers l’extérieur » que vers « la régulation du travail » à la
base. Au regard des différents propos des cadres interviewés, la proximité et le temps de
présence permet de travailler en équipe, de ne pas perdre de vue les conditions de travail des
professionnels, de mieux appréhender le volume d’activité dont ils ont la charge. Une
intensification du travail du cadre certes, mais qui ne serait alors pas aux dépens de l’équipe et
des patients ni de tâches administratives. Dans les activités prioritaires des cadres interrogés,
la gestion des ressources et d’organisation (planning) et les techniques de communication
démontrent bien la volonté de proximité du cadre pour améliorer la QVT et la performance de
l’équipe. Tous évoquent des technologies d’information et de communication en termes
d’optimisation des organisations et de QVT permettant d’entretenir un lien permanent entre
les cadres et leurs équipes. Cela rejoint La HAS insistant sur les techniques collaboratives
interprofessionnelles porteuses de performance des soins et performance psychosociale de
l’équipe. La majorité des cadres interrogés s’attachent à cette dynamique d’équipe ensemble
sur le terrain, synonyme de performance. Compte-tenu de l’importance reconnue à la cohésion
74
d’équipe, ils consacrent beaucoup de temps aux relations humaines. Nous notons que tous les
cadres consacrent du temps à l’écoute et l’observation des professionnels afin d’instaurer un
climat de travail favorable : une présence « physique » pour un meilleur climat social dans le
travail. L’idée est donc d’être sur le « terrain », « être à l’écoute de la base » pour allier QVT
et performance. Allier performance des soins et QVT implique une proximité du cadre. Dans
le cadre conceptuel plusieurs auteurs mettent l’accent sur la nécessité de la communication, le
facteur « temps », et la considération humaine pour faire face aux RPS devant les
changements « le gros point de l’époque » (E2L343). D’après les entretiens, repérer des causes de
mal-être par la connaissance des équipes en étant proche de la base, favorise non seulement la
confiance mais encore la délégation de missions aux personnes volontaires les rendant ainsi
plus autonomes. Cette autonomie sera bénéfique autant pour le soignant, l’organisation du
service que pour le cadre. Comme l’écrit Sennett : « un régime qui n’offre pas aux être
humains de raisons profondes de veiller les uns sur les autres ne sauraient durablement
conserver sa légitimité. » (Grésy, 2012, p.109). A la recherche de la QVT et du « meilleur »
pour l’équipe et le service, les cadres se rendent donc disponibles, ceci pouvant même
s’apparenter à un engagement perçu excessif aux dires de certains cadres : un investissement
professionnel au détriment de leur santé au travail. Le cadre conceptuel souligne l’installation
progressive d’un culte de la performance qui fait que les cadres s’investissent corps et âme
dans leur travail. Je me pose alors la question sur cette inquiétude légitime sur la QVT des
cadres. « C’est la QVT des cadres ça s’est un sujet aussi ? il n’y a pas que la qualité de vie d’une équipe, la
qualité de vie du médecin, des cadres. C’est vrai, c’est un peu global » (E5L377). De leur discours
transparait un risque pour la QVT des cadres qui expriment un sentiment de débordement :
une remise en question de leur propre organisation serait-elle utile? Ou s’appliquer à soi-
même un management bienveillant ? En effet, les finalités de ce management de proximité,
bienveillant est de « prendre soin de ceux qui nous soignent » pour une prise en soin de
qualité pour le patient, néanmoins il ne faut pas oublier aussi de se ménager et prendre soin de
soi. Une vigilance est alors de mise pour parer au risque de dérives par rapport à la notion de
la QVT du cadre de santé dans sa volonté de respecter ses engagements sur l’alliance entre la
performance et la QVT de l’équipe.
Cependant, pour nous recentrer sur la troisième hypothèse, nous pouvons désormais
valider celle-ci : les cadres de santé interviewés nous confirment que la proximité du
cadre de santé avec son équipe favoriserait la performance et la QVT.
75
6. Conclusion
Ce premier travail d’initiation à la recherche est issu de situations rencontrées et observées
lors de ma pratique professionnelle de MEM. Ma démarche a consisté tout d’abord à réaliser
une introspection professionnelle. Après divers questionnements, j’ai posé ma question de
recherche, avancé des hypothèses à vérifier avec la théorie et l’expérience. L’objectif de ce
travail est de trouver des éclairages sur la dichotomie de l’alliance de la performance avec la
QVT : ces deux concepts me paraissant au départ incompatibles dans cette mouvance
hospitalière.
le sentiment d’une diminution de la qualité des soins et d’une perte de sens dans le fonctionnement
hospitalier est également mis en avant dans de nombreux propos. Ainsi, le rapport Couty de 2013
considère que en une dizaine d’années l’hôpital public a perdu progressivement ses repères, et donc
une tension grandissante : « Les hospitaliers se sentent sous pression constante et toujours plus forte
entre contrainte économique d’une part, qualité et quantité des prises en charge d’autre part ». cette
situation paradoxale, entre confiance et désillusion, illustre sans doute la difficulté de l’équilibre à
trouver entre d’une part les objectifs de performance globale et d’autre part la qualité de la prise en
charge attendue par le patient et souhaitée par les soignants…(Bartoli et Blatrix, 2015,p.221)
Le but était de chercher comment le cadre de santé dans un contexte médico-socio-
économique contraint peut relever ce défi dans l’accélération des changements. J’ai mis à
profit l’année de formation à l’IFCS pour prendre le temps de la réflexion et explorer ce
thème qui me tenait à cœur. Apprentie chercheuse, j’ai pris plaisir dans cette initiation à la
recherche, à interviewer des professionnels, grâce auxquels j’ai pu étoffer ma réflexion en
confrontant le terrain à la théorie conceptuelle. Cette technique inductive m’a éclairée sur les
stratégies managériales du cadre de santé permettant d’allier la performance et la QVT de
l’équipe dans ce processus de changement accéléré. Les résultats de notre analyse montrent
d’une part que ces deux notions fondamentales dans un service de soins sont compatibles.
D’autre part, à la lumière des réponses apportées aux trois hypothèses, il semble possible de
répondre à la question de recherche : lorsque les changements s’accélèrent le management du
cadre de santé via ses valeurs et par un management situationnel, combiné à une proximité
avec son équipe pourrait allier la performance et la QVT. Néanmoins, la limite de cette
recherche est qu’il manque le regard de l’équipe sur l’objectivation de cette proximité du
cadre auprès des professionnels de terrain, en faveur de la QVT et de la performance. Il
semble alors important de poser une limite à l’affirmation de la troisième hypothèse. Vérifier
cette assertion me semble donc nécessaire auprès des soignants afin d’approfondir cette
proximité du cadre encore avec la base malgré l’intensification de leurs missions. En
revanche, comme stipulé dans le cadre de la méthode de recherche, je n’ai ostensiblement
interviewé que des cadres (de proximité et supérieurs) au vu des différentes contraintes. De
76
plus, il est à noter que dans le cadre de ce travail, nombre de notions ont été évoquées mais
n’ont pas été reprises ni détaillées au profit d’idées majoritaires ou plus pertinentes. Malgré,
des éléments externes et indépendants de sa fonction, la bienveillance du cadre peut favoriser
la performance de l’équipe et son bien-être au travail. Même si le cadre n’a pas le contrôle
exclusif sur l’équilibre performance et QVT, son pragmatisme teinté d’humanité participera à
allier le plus possible cette double injonction.
La volonté de m’engager institutionnellement est empreinte d’un fort sentiment
d’appartenance et d’attachement à l’établissement. Il est prévu en principe que j’occupe un
poste de cadre en imagerie médicale. Veiller sur l’équipe dont je suis issue, construire
ensemble et conduire vers la performance est un engagement fort, même si je reste humble
face à la complexité de cette mission. Je mesure l’exigence de cette nouvelle posture
professionnelle à double entrée : le cadre de santé au confluent des relations avec l’équipe du
service (médical, paramédical) et de la hiérarchie. Pour tendre vers cette exigence, je
m’inscrirai dans les nouvelles orientations de la direction à la recherche de la performance
globale par la mutualisation des ressources en intégrant des processus de coopération en lien
avec les projets institutionnels (GHT) : trouver des modes de fonctionnement communs dans
la construction des parcours de soins. Nous nous devons de garantir au patient, le cœur de nos
préoccupations soignantes, qualité et sécurité à chaque étape de son parcours depuis son
accueil jusqu’à sa sortie.
Je m’appuierai sur la synthèse des résultats de cette recherche en quête de la performance
globale : économique, professionnelle (soins), psychosociale pour assurer cette permanence
des soins qualitative en toute sécurité. Pour cela garantir la QVT des professionnels est
primordial afin d’atteindre la satisfaction des usagers, des soignants, des responsables
institutionnels. Ce cheminement a défini des contours de mon rôle cadre de santé m’incitant à
assurer une performance organisationnelle permettant l’alliance de cette performance plurielle
et de QVT. Je m’inscrirai dans une dynamique managériale intégrant des dimensions
gestionnaires et d’animation d’équipes, en connaissance des contraintes budgétaires et
humaines. Suite à ce travail de recherche, ma performance de cadre sera de m’adapter au
niveau des professionnels, à la situation du service, de son environnement en adoptant de
préférence un management situationnel. En effet, forte de ces nouvelles compétences acquises
dans ce processus de formation cadre, je m’engage à adapter au mieux un management en
fonction de chaque catégorie professionnelle (médical, paramédical), selon les évolutions
structurelles, règlementaires, politiques. Travailler sur divers axes en partenariat avec les
77
médecins, en collaboration étroite avec le médecin responsable du service et plus largement
avec les médecins radiologues du CHBA de Vannes afin de poursuivre ce projet
d’établissement, en cours vers une mutualisation. De part mes nouvelles responsabilités dans
cette future fonction de cadre de santé mon souhait est de partager plus encore avec les divers
responsables au sein du GHT pour développer des coopérations afin de maintenir et
développer les activités du service. Ma volonté est de m’ouvrir sur le partenariat : nous
travaillerons ensemble dans une démarche constante d’amélioration du service rendu au
patient en lien avec le projet médical afin de garantir notre avenir professionnel sur le
territoire. « Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la
réussite » Ford.
Ma prise de recul au cours de cette année de formation m’a permis d’objectiver de multiples
valeurs présentes au cœur des activités du cadre : être au service du patient, l’équité, la
loyauté, les rapports humains de qualité (le respect, la tolérance, la bientraitance…). Je
souhaite être garante, en lien avec la direction et le responsable de l’unité, de la qualité de
l’accueil et des soins prodigués aux patients. Pour atteindre le meilleur niveau possible (la
performance), le cadre de santé actionne divers leviers pour aménager la QVT des soignants
et répondre aux objectifs professionnels fixés. Les multiples systèmes de management
évoqués proposent des outils tels la communication, la reconnaissance, la valorisation, la
formation contribuant à donner du sens au travail, ce qui apparait comme la clé de voute d’un
management performant sachant allier réussite des projets et bien-être des agents. J’œuvrerai
pour que chaque membre de l’équipe trouve sa place et s’épanouisse. La cohésion d’équipe
est la condition sine qua none à la performance d’équipe, et donc de la performance globale.
Par sa posture managériale au plus près des salariés, ses valeurs, le cadre influe sur la
dynamique d’équipe dans leur travail (performance psychosociale). Il faut considérer les
ressources, combiner des moyens. Manager est l’art de connaitre son environnement,
d’anticiper sur les événements afin de définir des stratégies favorisant la mise en place de
processus de travail adaptés : le cadre sait mobiliser des ressources humaines et des
techniques adéquates.
Adepte du partage et de la communication avec les équipes pour donner du sens à leurs
pratiques quotidiennes, je m’épanouirai à travailler en équipe pluridisciplinaire via le mode
projet, source d’innovation et de créativité, valeur ajoutée favorisant le bien-être au travail.
Rendre les soignants acteurs développe leur autonomie, leur procure du plaisir au travail et
permet leur développement personnel. De part mon positionnement au sein de l’institution,
78
j’assurerai le lien entre les directions, les équipes soignantes et médicales qui ont parfois des
logiques divergentes. Je travaillerai avec le médecin responsable du service dans le cadre du
projet de service et au quotidien. Je devrai être aussi bien un manager, un responsable, qu’un
expert dans mon domaine, sans occulter le côté sociologue et psychologue pour le bien-être de
tous. Je consulterai l’équipe lors des prises de décisions importantes pour le service (échanges
formels, informels, points réguliers). Prendre en considération l’expérience et l’opinion des
autres pour construire mes décisions. Je remarque tout au long de ce travail de recherche la
primauté de la notion d’équipe : confiance, empathie, entente, solidarité se répercutent
positivement sur la qualité des soins. « Faire bien son travail ne suffit pas. Encore faut-il être
capable de faire bien ensemble, Etre mobilisé sur un développement commun » Sainsaulieu.
La formation est indispensable à chaque agent afin de pouvoir actualiser ses connaissances
et améliorer ses compétences professionnelles. Les évolutions technologiques des
équipements, des matériels et des pratiques rendent prégnantes la veille sur les évolutions
techniques et la formation d’adaptation des équipes à l’utilisation des nouveaux matériels. A
mon sens, la formation continue, en interne, doit davantage être développée. Chaque agent en
tant qu’individu doit y trouver un intérêt professionnel, qui doit également bénéficier à
l’équipe. Le cadre est alors au cœur du processus qui va se décliner en trois étapes : primo,
identifier les besoins du personnel en étant attentive aux demandes de formation des agents au
cours d’entretiens individuels annuels. Secundo, identifier les personnes ressources qui, dans
un souci de partage des expériences, de formation, transmettront leurs nouvelles
connaissances à l’équipe. Tertio, organiser des temps de communication réguliers pour
mutualiser les savoirs, soulever des points à débattre sur les pratiques afin d’améliorer celles-
ci, en favorisant la coopération pour une dynamique de groupe procurant QVT et
performance.
Je ferai preuve de bienveillance et de reconnaissance envers les salariés, valoriserai leurs
compétences et leurs efforts. L’entretien annuel, en plus du bilan et du suivi des objectifs
fixés, contribuera à la considération de l’agent. La porte de mon bureau sera ouverte
régulièrement pour signifier ma disponibilité et faciliter les échanges. Un cadre accessible
(proximité) est vecteur de QVT et la performance.
De plus, dans un contexte budgétaire contraint, je participerai à l’objectif financier de
l’établissement. Je rechercherai une organisation optimisée et une gestion de l’unité alliant
cette performance qualitative des soins et cet équilibre médico-économique que le résultat de
79
ce travail de recherche permet désormais d’envisager. Mon investissement à la
radioprotection depuis 17 ans me sensibilise encore davantage à la sécurité des professionnels
en s’assurant de la qualité de fonctionnement des installations radiologiques. Ma fonction en
tant que PCR m’a apporté aussi une vision plus transverse de l’établissement.
Stratégiquement, dans cette double fonction j’ai tout intérêt à améliorer la sécurité des soins
aux patients en partageant dans cette continuité avec les gestionnaires de risques, les
responsables de vigilances sans oublier ma collaboration avec l’ingénieur qualité. Je serai
attentive au respect des textes réglementaires, des procédures et des protocoles, afin que la
qualité des soins soit optimale.
Etre en poste dans une unité revient à intégrer un groupe cadre de santé au sein d’un pôle
sous la responsabilité du cadre supérieur de santé. Je devrai évidemment avoir le sens du
« reporting » vis-à-vis de l’encadrement supérieur afin de faire le lien entre les démarches du
service, et la démarche institutionnelle afin de garantir une cohérence des projets de pôles. Le
cadre de santé doit être en mesure d’accompagner l’équipe dans ses bouleversements
organisationnels. La prise en considération des ressources est aujourd’hui incontournable.
Cependant, ces évolutions ne sont concevables qu’avec les équipes soignantes, au cœur des
problématiques, et un management attentif aux conditions de bien-être et de motivation au
travail. La performance dépend aussi du travail de coopération avec l’équipe des cadres. La
capacité des cadres à s’épanouir dans leur travail semble menacée dans ces mutations
accélérées. En effet, « Le cadre est de plus en plus confronté à une obligation très forte en
termes de performance » (Chagué, 2007, s8). Le partage avec le cadre supérieur et le collectif
cadre contribue à dynamiser le travail en équipe et à créer le climat ad hoc : je m’appuierai
sur l’expérience de mes futures collègues cadres afin d’enrichir mes connaissances autour du
management, prendre du recul et consolider mes apprentissages. J’ai pu au cours de cette
année de travail individuel, mais surtout collectif, constituer un véritable réseau entre mes
pairs et professionnels, qui me garantira un soutien social évitant l’isolement inhérent à la
fonction: s’ouvrir vers l’extérieur, favoriser le décloisonnement, la coopération.
Dans ma nouvelle fonction cadre de santé, je prioriserai certains axes de projection :
Au vu de l’importance à respecter de bonnes conditions de travail, je m’engage à gérer les
personnels avec réactivité avec un principe d’équité. L’anticipation et la rigueur dans la
réalisation des plannings tout en respectant les rythmes de travail est d’une importance
80
capitale au fonctionnement efficace d’un service, et assure un bien-être des personnels pour
une implication de qualité dans leur activité demandée (performance sociale et individuelle).
La synchronisation interprofessionnelle des actions est selon l’OMS, un axe recommandé
pour la qualité des conditions de travail dont le but final est la performance dans les
organisations de soins. La rareté du temps médical disponible (changement fondamental), fait
que je dois envisager l’organisation des soins en tenant compte de ce paramètre passant par la
coordination des temps de travail médico-soignant, clé de voute de la QVT et la
performance organisationnelle. Pour ce faire je dois travailler en collaboration étroite avec le
médecin responsable du service dans le cadre d’un projet de réorganisation des prises en
charge, l’adaptation des moyens humains et matériels à l’activité soignante via ce noyau
central de synchronisation des temps médicaux et paramédicaux. La refonte des organisations
passera par la sensibilisation l’accompagnement médical pour le développement des vacations
en imagerie. Engager une réflexion sur le redimensionnement de certaines activités et
l’adéquation des ressources dédiées afin d’assurer non seulement le maintien mais aussi le
développement indispensable et attendu de l’activité. Impliquer en amont de cette démarche
les médecins pour revoir les organisations afin que les efforts qui seront demandés soient
partagés le plus équitablement possible donc, perçus comme justes. « Ce n’est pas parce que
les choses sont difficiles que nous n’osons pas, mais parce que nous n’osons pas qu’elles sont
difficiles » Sénèque. Toutefois, la condition première de la réussite de ce projet passe, à mes
yeux, par des préalables incontournables : la transparence des échanges dans le cadre de la
concertation, le respect sur le long terme des engagements pris par les parties prenantes aux
négociations, la prise en compte de l’intérêt de la collectivité dans son ensemble comme
prévalent sur les préoccupations individuelles, et enfin le respect de chacun et la
communication.
Par ailleurs, accentuer la gestion participative en cours par la nomination de référents
volontaires. A mon sens, il convient de définir des rôles car l’enjeu est de garantir une
pérennité des actions, portées au sein de l’organisation du service. La coordination inhérente à
ce fonctionnement contribuera à des conditions de travail propices à des prises en charge de
qualité au bénéfice du patient avec une autonomie, sous ma responsabilité de cadre. Les
professionnels de terrain sont pourvoyeurs d’idées ; un responsable performant, ayant moins
de moyens aujourd’hui, innove et optimise par la compétence collective pour de meilleurs
résultats. J’identifierai d’autres référents pour les tâches de gestion récurrentes, afin de me
81
permettre des temps de gestion de projets polaires et de me recentrer sur ma fonction
managériale de l’unité. De la capacité de l’ensemble de l’équipe à s’interroger sur leurs
pratiques, à accepter une remise en cause concertée et validée de certaines organisations
dépendra l’avenir du service, et plus largement de l’établissement.
Rechercher l’efficience est une de mes principales missions de cadre en élaborant un
rapport d’activité annuel afin d’objectiver l’activité au sein d’un service et d’un pôle. Il fera
également l’état des lieux des ressources, s’ils ont été facilitants ou non. Il faut aller au-delà
du rendre compte, et analyser les résultats pour évoluer. A l’aide de tableaux de bord, il
traduit la performance du fonctionnement de l’unité : un moyen pour communiquer et
négocier avec la direction ; ce rapport donne sens en apportant une réponse aux activités sur
un plan qualitatif et quantitatif. Un regroupement d’un certain nombre d’indicateurs
contribuant à vérifier notre positionnement par rapport à l’objectif à atteindre. Les retours des
questionnaires de patients sont autant d’indicateurs à considérer pour réajuster des
dysfonctionnements dans un souci d’amélioration de la qualité du service rendu au
patient (performance sociale) : rechercher une optimisation de l’organisation via la
transmission aux équipes.
Je veillerai à être force de propositions pour améliorer l’environnement et les conditions
de travail des professionnels facilitant une meilleure QVT, ainsi que les structures d’accueil
pour les personnes soignées (optimiser flux du patient) dans une dynamique de performance,
d’innovation en modifiant ses structures et ses organisations.
A la croisée des différentes logiques hospitalières, sans faire fi de la réalité économique,
mettre l’humain au cœur de mon mode managérial fera de moi un cadre de proximité
favorisant la QVT et la performance : m’adapter aux situations, aux personnes, privilégier un
management pragmatique en sachant m’affirmer tout en proposant du participatif de
préférence. Je privilégierai la performance de l’équipe par de bonnes conditions de travail en
reconfigurant les activités entre elles si nécessaire, quitte à revoir si besoin les organisations
en adéquation avec la charge en soin, en lien avec les temps médicaux. Ma démarche
s’inscrira dans le temps. La performance, c’est à présent pour moi un travail de coopération
efficiente, et de coordination interprofessionnelle par une stratégie managériale situationnelle
intégrant la dimension projet, tout en restant une gestionnaire vigilante sur les dépenses des
ressources. Je profite de cette participation utile à la production, à une meilleure gestion des
performances : importance des pratiques collaboratives interdisciplinaires considérées comme
82
facteur de qualité dans la prise en soin et comme facteur de santé et de bien-être au travail.
Travailler en mode projet favoriserait la QVT : la proximité et la disponibilité du cadre pour
mobiliser l’équipe concourent à faire du projet, son projet au service d’une performance
plurielle.
Ce travail d’initiation à la recherche nourrit ma réflexion, m’interroge sur la possible alliance
entre performance et QVT et m’invite à la tempérance, à m’accorder le temps de réfléchir,
d’analyser, d’agir et de construire. La patience semble être une des pierres angulaires de
l’acceptation du changement. La communication permet d’avancer en donnant du sens aux
orientations prises et aux pratiques. L’écoute de l’expression des besoins des agents
accompagne le changement des habitudes de travail, pour mieux les impliquer dans le
processus d’amélioration de la qualité des soins, sans pour autant éclipser celle des conditions
de travail.
J’ai identifié tout au long de cette recherche des ressources mobilisables in situ. Désormais
sortie d’une incertitude, j’aborde avec sérénité et confiance ma future mission de cadre de
santé de proximité pilotant par la bienveillance son équipe dans l’objectif de construire cette
alliance en adoptant un positionnement, un management le plus adapté possible à la situation
dans la finalité de performance globale. Il me faudra allier détermination et patience,
orchestrer avec doigté actions et projets, insuffler dynamisme et motivation, partager et
expliciter pour donner sens aux tâches et pratiques de chacun. Le mot « sens » est considéré
par Cheng comme le « diamant du lexique français » : « Prendre soin de ceux qui nous
soignent » pour une prise en soin de qualité pour le patient, tel est le modus vivendi de
l’hôpital.
Cette recherche se poursuivra au-delà de la soutenance : nous nous interrogeons désormais sur
le regard des professionnels concernant l’importance accordée à la proximité des cadres : aller
à leur rencontre pour vérifier sur le terrain la réalité, connaitre leur ressenti afin de croiser ces
données dans le but d’approfondir cette réflexion sur les attentes, les besoins de chacun afin
de construire le mieux possible cette alliance de la QVT et de la performance. Quid de la
QVT des cadres de santé, oscillant « entre le marteau et l’enclume : les cadres pris au piège »
dans cette roue « sans fin à la quête du « meilleur » (la performance) ? Dans un hôpital sous
tension, le cadre de santé travaille à un rythme trépident. Santé et qualité de vie au travail des
cadres doivent-ils dès lors être mis en observation ? « Dès demain » je chercherai à respecter
un équilibre : trouver l’alchimie entre la performance et la QVT de mon équipe et la mienne.
83
7. Glossaire :
ANAP : Agence Nationale d’Appui à la Performance
ANACT : Agence Nationale pour l’Amélioration des conditions de Travail
ANI : Accord National Interprofessionnel
ARS : Agence Régionale de la Santé
COPIL : Comité de Pilotage
CRE : Contrat de Retour à l’Equilibre
DARES : Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques
DMS : Durée Moyenne de Séjour
DPS : Durée Prévisionnelle de Séjour
DGOS : Direction Générale de l’Offre de Soins
GHT : Groupement Hospitalier de Territoire
HAS : Haute Autorité de Santé
HPST : Hôpital, Patients, Santé et Territoire
INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
INRS : Institut National de Recherche et de Sécurité
IPDMS : Indice de Performance de Durée Moyenne de Séjour
MEM : Manipulateur en Electroradiologie Médicale
NMP : Nouveau Management Public
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PACS : Picture Archiving & Communications System
QVT : Qualité de Vie au Travail
RIS : Système d’Informatisation Radiologique
RPS : Risques Psychosociaux
RTT : Réduction du Temps de Travail
TICS : Technologies d’Informations et Communication
TO : Taux d’Occupation
84
8. Liste des références bibliographiques :
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SITES :
Commission d’enquête relative à l’impact sociétal, social, économique et financier de la RTT,
FHF, fichiersacteurspublics.com/redac/pdf/septembre/etude_FHF_35h.pdf
[pdf]document de base hors rime - portail de la fonction publique
www.fonction-publique.gouv.fr/.../fonctions_manageriales_cadre_intermediaire.pdf
http://travail-emploi.gouv.fr/informations-pratiques-du-droit-du,91/sante-conditions-de-
travail,115/le-harcelement-moral,1050.html Article 222-33-2 du Code pénal
http://www.sante-et-travail.fr/horaires-decales---salaries-a-
contretemps_fr_art_674_35084.html
http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/pst3.pdf
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www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2002/1/17/2002-73/jo/texte Article 222-33-2 du Code pénal
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1733417/fr/lancement de lexperimentationpacte
Haute Autorité de Santé. Cahier des charges de l’expérimentation du programme
d’amélioration continue du travail en équipe PACTE, février 2014, p.6,
COURS :
Brémaud L. (2016-2017). Cours de sociologie des organisations, cours de conduite de projet
et conduite du changement- sociologue, maître de conférences Rennes 2.
TABLE des MATIERES
1. Introduction : ................................................................................................................................... 1
2. La problématisation ......................................................................................................................... 2
2.1. Ma situation de départ ............................................................................................................ 2
2.2. Partie exploratoire : mes expériences professionnelles et questionnement ......................... 3
2.3. Analyse pratique des constats ................................................................................................. 9
2.4. Question de recherche .......................................................................................................... 10
2.5. Hypothèses ............................................................................................................................ 10
2.6. Enoncé des concepts ............................................................................................................. 11
2.7. Enoncé du paradigme ............................................................................................................ 11
3. Le cadre conceptuel ...................................................................................................................... 12
3.1. La performance ..................................................................................................................... 12
3.1.1. Le culte de la performance ............................................................................................ 12
3.1.2. Qu’est ce que la performance ? .................................................................................... 14
3.1.3. La performance dans les organisations publiques de soins .......................................... 17
3.2. La Qualité de vie au travail (QVT) .......................................................................................... 20
3.2.1. Pourquoi cette inquiétude ? .......................................................................................... 20
3.2.2. Approche de la notion des Risques Psychosociaux (RPS) .............................................. 21
3.2.3. Approche du concept de la qualité de vie au travail (QVT) ........................................... 25
3.3. Le management ..................................................................................................................... 28
3.3.1. Qu’est-ce que le management ? ................................................................................... 28
3.3.2. Les types de management ............................................................................................. 31
4. Méthodologie de recherche .......................................................................................................... 38
4.1. Choix de la démarche ............................................................................................................ 38
4.2. Les objectifs ........................................................................................................................... 39
4.3. Choix de la population ........................................................................................................... 39
4.4. Choix des outils de recherche ............................................................................................... 39
4.5. Le déroulement des entretiens ............................................................................................. 40
4.6. Les limites et critiques de l’enquête ...................................................................................... 41
5. Analyse et interprétation .............................................................................................................. 42
5.1. Analyse des populations interviewées .................................................................................. 42
5.2. Analyse et interprétation des données recueillies ............................................................... 44
5.2.1. La performance, en fait une affaire de qualité de vie au travail ................................... 44
5.2.1.1. Représentations par les cadres .................................................................................... 44
5.2.1.2. Deux priorités dans la QVT : le planning et la communication ................................... 46
5.2.1.3. Conditions de travail défavorables : causes de perte de QVT ...................................... 50
5.2.1.4. Une dynamique d’équipe portée aux nues .................................................................. 52
5.2.2. Mais de quelle performance parle-t-on ? ..................................................................... 55
5.2.2.1. La performance, une histoire de représentations........................................................ 55
5.2.2.2. La performance économique, ce qu’en pensent les cadres ......................................... 56
5.2.2.3. La constante présence de la performance qualitative (soins) ..................................... 58
5.2.2.4. La performance psychosociale synonyme de dynamique d’équipe ............................ 60
5.2.3. Allier performance et QVT, aussi une histoire de management du cadre .................... 62
5.2.3.1. Une réflexion éthique dans le management de proximité… ....................................... 62
5.2.3.2. …Mais c’est également du ressort du management participatif ................................ 65
5.3. Synthèse de l’analyse et interprétation ................................................................................ 69
6. Conclusion ..................................................................................................................................... 75
7. Glossaire : ...................................................................................................................................... 83
8. Liste des références bibliographiques : ......................................................................................... 84
Institut de Formation des Cadres de Santé
Centre Hospitalier Universitaire de Rennes
Mémoire réalisé en vue de l’obtention du diplôme de Cadre de Santé en juin 2017
Titre du mémoire
Performance et qualité de vie au travail :
une alliance à construire ?
Auteur : Annie-France LORAND-GUILLARD
Directeur de mémoire : Monsieur Cédric ROQUET
Depuis des décennies, les hôpitaux sont confrontés à des exigences contradictoires, à savoir
soigner mieux en répondant aux exigences règlementaires de plus en plus fortes tout en
maîtrisant leurs dépenses. Dans un contexte médico-socio-économique contraint émerge le
terme de la performance : enjeux d’efficience des organisations dans un contexte financier et
humain contraint dans le champ de la santé, défendant traditionnellement les valeurs
humanistes. L’organisation, les pratiques et les valeurs ainsi bousculées risquent d’impacter la
qualité de vie au travail, et de fait la qualité de prise en charge globale des patients. Cherchons
à explorer cet apparent paradoxe. Est-il possible de construire cette alliance entre qualité de
vie au travail et performance ? Face à cet écosystème changeant, sur quelles pratiques
managériales le cadre de santé peut-il s’appuyer pour relever ce défi et trouver le juste
équilibre entre ces deux notions semblant antinomiques ?
Mots clés : Performance, Qualité de Vie au Travail, Cadre de Santé, Management