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8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 1/128
ME'-smS
niFt
i
1- /X JLi
histoire
¿¡Ä
YALES
1- /X JLi
histoire
I
¿¡Ä
^
LE SOUCI
DU^CORPS
Tjsf* Revuepubliée vec le concours u C.N.R.S. JJ
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 2/128
©
PUV,
Saint-Denis,
1984
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 3/128
MEDIEVALES
Revue semestrielle
publiée par
les Presses et
Publications
de l'Université de Paris
VIII
-
Vincennes à Saint
Denis,
avec le concours
du Centre
National de la Recherche
Scientifique
COMITE
DE REDACTION
^
^
^
Jérôme
BASCHET
7 fi
i
François-Jérôme
EAUSSART
7
ļļlj ffjļ
fi
I
Bernard
CERQUIGLINI
l
i_
IM
'
ļLi^^kulI^pi
l
Ilan HIRSCH
III
1
François JACQUESSON -^ ļ //jļj ļ ļļĻ**3
ChristlneELAPOSTOLLE
r~jtj f
i
iBl
'f
I
WZ
¡
-
Orlando
de RUDDER I
Jjļ^
WkTrÙ
-
Le
numéro
44 F
Abonnements
-
2 numéros
82
F
(étranger
95
F)
-
4 numéros
155
F
(étranger
180
F)
Les manuscrits
dactylographiés
ux normes
habituelles
ainsi
que
les
ouvrages
pour
comptes
rendus doivent
tre
envoyés
:
MEDIEVALES
Centre
de
Recherche
Université
aris
VIII
2,
rue
de
la Liberté
93526
aint-Denis
edex
02
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 4/128
SOMMAIRE N* 8
/
PRINTEMPS
1985
LE
SOUCI DU
CORPS
Page
Avant-propos
Jacques
BERLIOZ
et Michel
SOT
3
Méprisdu mondeet
résistance
des
corps
aux XI* et
XI P
siècles
Michel OT 6
Eve,
Marie
ou Madeleine
La
dignité
du
corps
féminindans
l'hagiographie
médiévale
Jacques
DALARUN
18
Soin
du
corps
et
médecine ontre
a
souffrance
l'Hôtel-Dieu e
Laon au
XIIIe siècle
Alain SAINT-DENIS 33
Le
corps
des
saints
dans
les
cantiques
catalans
de la
fin du
MoyenAge 43Edition t traduction « Los
goixs
del
pare
nostre ane
Domingo
54
Dominique
de
COURCELLES
Le
corps
des saints
ermites n Italie centrale ux XIV* et XV*
s.
:
étude
d'iconographie
Daniel RUSSO
57
L'argument
'Anselme t la
genèse
de la
dialectique
François
JACQUESSON
74
La «Merveille dans es EnfancesLancelot
AnneBERTHELOT
87
JEUX
(jeux)
:
la
marelle
Patricia
MULHOUSE
103
Notes
de
lectures
Alain
BOUREAU,
La
légende
dorée
Jacques
CHIFFOLEAU,
Les
justices
du
pape
Délinquance
et criminalité
ans
la
région
d'Avignon
u XIV
9
siècle;
Groupe
de la
BUSSIERE,
Pratiques
de
ta
confession
Des
pères
du désert
à Vatican II
;
Approches
du
Lancelot
en
prose,
études recueillies
par
Jean
DUFOURNET
« Le corpssouffrantmaladieset médications,Razo,Cahiersdu
Centre
d'études
médiévales
e
Nice
107
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 5/128
3
AVANT-PROPOS
Le
corps
de
de
recherches
e la
aussi. Les
la
psychanalyse
relayée
pologie,
provoqué
du
»
le
corps
^
H
au centre
même
de leur Dans le
même
on en
Occident un retour
voire à un
repli
sur le
corps
comme
dernier
lieu
d une identité
ou de
quelque
plénitude
erdue.
Le
Groupe
de
Recherche n
Histoire
Religieuse
Groupe
^
W
de La
Bussière)
a
consacré sa
rencontre
e l été
1984
à
ce
thème.
Ce
n était
pas
céder
à une
mode mais se
confronter
une
question
fondamentale
ans
l histoire u
christianisme,
eligion
e
l incarnation ivine.
es
rencontres
des
années
précédentes
vaient été
consacrées
à :
visions
et
apparitions1983) pratiques
de la
confession
1982) imagesde
Wf
Jésus-Christ1981) liturgies t rituels (1980).D une façon ou
d une
autre,
à
propos
de
chacun
de ces
thèmes,
e
corps
appa-
raissait
commeun
enjeu capital
et il était
donc
logique qu il
devînt
à
part
entière
objet
d une
session de
travail.
Session
de
travail
t non
colloque,
ar
une des
spécificités
u
Groupe
de La
Bussière,
qui
rassemble
aujourd hui
plus
de
cent
historiens
concernés
par
l histoire
religieuse,
st
d être un
lieu
de
propositions
et
d échanges
ur des
travaux n
cours,
à
partir
d un
document
répa-
ratoire
laboré
chaque
année en
vue
de la
rencontre
stivale.Ce
n est
qu exceptionnellement
ue
le
résultat e
ces
rencontres onne ieu à
une
*
En
illustrationun
malade
présentant
es
symptômes
une
fracture u
poignet,
nluminureirée un
manuscrite
médecinetalien
u
XIII*
siècle,
conservé
ans la
bibliothèque
e
Laon
(voir
article
e Alain
Saint-Denis).
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 6/128
4
publication
ensemble,
t
la décision
n est
prise qu à
l issue
de la ren-
contre,
i bien
que
les textesne sont
rédigés u après
avoir
été
mutuel-
lement
onfrontés
1).
L amicale nvitation
e Médiévales
permet
ujourd hui
a
publication
d une
partie
des
contributions
iscutées
été dernier.Nous remercions
chaleureusement
a
revue
pour
son
hospitalité.
Mais
afin
que
le
lecteur
ne
se
trompepas
sur l identité
u
groupe
et sa volonté de travailler
dans
la
longue
durée,
l
faut
rappeler
u outre
es dossiers
ci
présentés,
la
rencontre
comporté,
ntre
utres,
es interventions
ur
usage
spiri-
tuel des cinq sens chez les Réformés u xvr* iècle, e corps glorieux
dans la
catéchèse
ridentine,
a
présence
des
corps
Saints
ous
forme
e
reliques
ou
d images
u
xvie
omme
u xx®
iècle,
t
le
sport
atholique
en France
dans
l entre-deux-guerres.
Les contributions assemblées
partent
du
lieu
commun
du
mépris
du
corps
dans
le
christianisme,
ien attesté
dans les écrits
monastiques
du
XP
siècle,
mais contestédans la
pratique.
Un nouvel
examen
de
la
tradition
montre
u en
fait le
corps
chrétien
st
ambivalent
Michel
SOT).
Particulièrement
éprisé,
e
corps
féminin
xclu du
monastère
voire
de
l église
st réhabilité
ar
Robert
d Arbrissel omme
tabernacle
de
l eucharistie,
omme
réceptacle
du
corps
du
Christ
Jacques
DALA-
RUN).Au toposde la souffranceonsidérée ommerédemptricet de
l impuissance
des médecins
médiévaux
à
soulager
et
guérir,
Alain
SAINT-DENIS
oppose,
plans d hôpital
et manuscrits
de
pharmacopée
en
main,
action
nettement
hérapeutique
es médecins
de Laon
au
XIÎP
siècle
qui
réussissent
atténuer
a
souffrance,
oujours
consi-
déréecomme
un mal. Ce
corps soigné
st
capable
de
proférer
a
louange
des saints
par
le chant
qui
s exprime
ur
une
musique engageant
une
activité
du
corps
les
cantiques
catalans de
la
findu
MoyenAge
sont
aussi
dansés
(Dominique
de
COURCELLES).
Enfin e
corps
de
l ermite
dans les
fresques
d Italie
centrale st
d abord
caché: Mais
plus
l ermite
s individualise, lus
aussi
il
se
rapproche
de la
figure
u
Christ, lusil se dévêt.Car le corpspar excellence, elui que l on représente ans
sa nudité
t
que
l on
contemple
u
XVe
siècle,
c est
le
corps
du
Christ,
le seul
véritable
orps
(Daniel
RUSSO).
Faut-il
lors en
finir
vec le
mépris
du
corps
et dénoncer n lui
quelque
aberration
étrospective
e
la
pensée
post-nietzschéenrie
Sans
doute
pas.
Les
documents,
ont
certains
ont
analysés
ci,
ne sont
pas
1. Ont
été
publiés
-
Histoire
u texteRecherches
ur
la
place
du livre
ans
e
christianisme
présenté ar
Jacques
e
Brun,
publication
e l Université
e Paris
XII,
19741975).- Chrétiensevant e
fait uif.
Jalons
historiquesprésentés
ar
Jacques
Le
Brun,
aris,
Beauchesne,
979.
-
Pratiques
e
la
confession.
es
Pères
du Désert
Vatican
L
Quinze
études
d histoire
présenté ar
Michel
ot,
Paris,
Cerf,
983;
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 7/128
5
d ordre
purement
déologique.
Mais
il
faut sortir
d une
interrogation
opposant mépris
du
corps
à
valeur du
corps,
interrogation ue
l orthodoxie
médiévale
aurait
qualifiée
de
manichéenne.Ce
qui
est
tenté
ci,
c est
de
saisir
le
corps
dans sa
complexité,
omme lieu
de
contradiction.
Jacques
BERLIOZ et
Michel SOT
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 8/128
Michel SOT
MÉPRIS DU
MONDE ET RÉSISTANCE
DES CORPS
AUX XIe ET XIIe SIÈCLES
Les
lignes
qu on
va lire
partent
de
la constatation
uivante
alors
que
le XP siècle est
le
premier
grand
siècle
d essor
démographique
de
l Occident,
t donc
de
multiplication
es
corps,
il est aussi
celui
où
la
spiritualité
monastique
emble
avoir
particulièrement
éveloppé
la
doctrine
u
mépris
du
corps.
C est
l occasion
de
poser
le
problème
général
de la
place
du
corps
dans
l idéologie
t
la
pratique
chrétiennes
pour
introduirees
études
qui
vont suivre.
XI* et XIIe
siècles,
ces
deux siècles
s incrivent
ans
le
«
grand
essor» de l Occident,mais le XIIe siècle marque une flexurempor-
tante. C est
le moment ù
l on
passe
d un monde
dont
la
dynamique
est
essentiellement
urale
à un
monde dont
la
dynamique
st
de
plus
en
plus
urbaine,
avec ce
que
cela
comporte
dans
le domaine
de
l histoire
eligieuse
t culturelle
le
passage
d une
église
monastique
à
une
église
cléricale
où
l école
joue
un
rôle
important.
ous
sommes
donc
à
un
point
d observation
rivilégié,
l articulation
ntre e
Haut
et
le
Bas
MoyenAge,
voire entre
Antiquité
hrétienne
t la chrétienté
moderne.
Sur
le
problème
du
corps,
la réflexion
hrétienne
u cours
des
âges
semble évoluer
entre deux
pôles.
Un
pôle positif
où l on
verra
que le corpsde l homme st créé à l imagede Dieu,que Dieu a prisce
corps
d homme
en
Jésus-Christ,
ue
ce
corps
mort
et ressuscité
est
source de salut.
Un
pôle
négatif
le
corps
est chair
de
péché,
pesant,
corruptible
t
pour
cela
méprisable
omme
obstacle
au salut
(1).
La
pratique
sociale
quant
à
elle,
y
compris
a
pratique
religieuse,
a
toujours
fait
ouer
les
corps.
Plus
simplement
it,
tous
les
actes
de
la vie
quotidienne
ont
à la fois
commandés
t
accomplis
dans ou
par
le
corps.
1. Ce
problème
u
corps
a
été abordé
par
le
Colloque
du
Groupe
de
Sociologie
es
Religions,
aris,
19-21
vril
1982.
Voir le
compte
endude
L.-V.THOMAS
t
al.,
Archives
e Sciences
ociales
des
Religions
1982, 3/2
(avril-juin),
.
167-192.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 9/128
7
C est
d un examen
de ces
pratiques
sociales
et
religieuses
u
corps
aux XI* et
XIP siècles
que je
partirai
pour
poser
ensuite
a
question
de
l importance
cette
époque
de
la doctrine
u
mépris
du
corps,
par
rapport
à
la tradition
ui
le
valorise,
et
par
rapport
aux
pratiques.
J essaierai
nfin
e voir
comment
a réflexion
octrinale
u
XIP siècle
rejoint
es
pratiques
ur
certains
points
comme
a
place
de l union
des
corps
dans
le
mariage,
uvrant
insi
de
larges
brèches
dans
l idéologie
du
mépris
u
monde,
eut-être
oins
dominante
u on
ne l a souvent
it.
Présence
des
corps
aux
XIe
et
XIIe siècles
La
première
bservation
ue
nous
puissions
faire sur
les
corps
aux
XI*
et
XIIe siècles
est
leur
multiplication.
n assiste
à un
puissant
mouvement
e hausse
démographique,
e
plus
puissant
de
l histoire
de l Occident
elon
Robert Fossier
qui
estime
que
la
population
de
l Europe
a été
multipliée ar
2,5
(2).
Sans
entrer
dans
le
débat
sur
les
causes
et les effets
e
cet essor
démographique,
e
sa
priorité
ar
rapport
d autres
phénomènes
conomiques,
ociaux
ou
techniques,
l
faut retenirpour notresujet, que cet essor est lié à une révolution
énergétique
le
corps
humain
cesse d être
la seule
source
d énergie.
Les
perfectionnements
e
l attelage
des
chevaux
et
des
bœufs,
la
multiplication
es moulins
à
eau,
permettent
e
soulager
les
corps
d une
partie
de
la
production
énergie.
Certes
les
corps
nous
apparaissent
toujours
comme
fragiles
et
menacés.
La hantise
de
la faim
demeure.
La maladie
et
la
mort sont
omniprésentes.
t
si
le nombre
des
hommes
augmente
omme
on
l a
dit,
cela se
fait
malgré
un
énorme
déchet
même
dans
les
familles
royales,
un enfant
ur
deux meurt
en
bas
âge.
Pourtant,
es
famines
s espacent
les
épidémies
aussi.
D une
façon générale,
es
corps
sont
mieux nourris,plus robustes et donc capables d une plus grande
production
énergie
u
moment
ù
d autres
ources
d énergie
iennent
les
relayer.
Multiplication
t amélioration
ualitative
des
corps
sont
à
la fois
signes
et
facteurs
ssentiels
du
grand
essor
de
l Occident.
La société
de
cette
époque
est une
société
où
les rites
ouent
un
rôle
majeur.
On
sait
qu un
rite met
en
jeu
trois
catégories
d éléments
symboliques
paroles,
gestes
et
objets.
Si l on
considère
vec
Jacques
Le
Goff n
rituel
aïc,
celui
de la
féodalité,
n
est
frappépar
l impor-
tance
donnée
au
geste
qui
accompagne,
voire
précède
la
parole
(3).
2. R. FOSSIER, Enfancede l Europe.Aspects conomiquest sociaux
(Nouvelle lio,17),
.
1,
L homme
t son
espace
Paris,1982, .
87-108.
3. J.
LE
GOFF,
«
Le
rituel
ymbolique
e la
vassalité
,
tn
settimane
t
studio...
XIII, Spolète
1976, .
679-788,
t
Pour un
autre
Moyen
Age,
Paris,
1977, .
349-420.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 10/128
8
Pour
l hommage,
e vassal
s agenouille
t
place
ses
mains
dans celles
du
seigneur
ui
les étreint
t
le relève.Puis
les
deux
hommes
changent
un baiser.
Le
vassal
prête
ensuite
erment,
a main
sur les
reliques
ou
les Ecritures.
Enfin
investiture
u fief se
fait
par
la remise
d un
objet
symbolique
bâton,
motte
de
terreou
fétu de
paille)
qui passe
de la
main du
seigneur
celle
du vassal.
Notons
ici
l importance
e
la main comme
expression
e toute
a
personne.
Ce
rituel
se
déroule
devant une foule
de témoins
qui
gardera
la mémoire
de
ces
gestes.
S il
y
a
un texte
écrit,
l
ne
viendra
que
confirmer
es
engagements
mutuels xpriméspar les gestes.
Les
corps
signifient
e
contrat
vassalique.
Ils
peuvent
ignifier
ussi
le
pouvoir.
Le
corps
du roi en
particulier
st
mis en
scène.
Robert
le
Pieux
distribue
ux
indigents,
ave
les
pieds
des
clercs
et
se
présente
entouré
de douze
pauvres,
figurant
e
Christ
parmi
es
apôtres
(4).
Le
sacre avec
onction
du
corps,
les
audiences,
les
obsèques royales
témoignent
un
égal
souci
du
corps
comme
lieu de
l autorité.
Et le
roi n exerce
vraiment
son
pouvoir
que
là où
il est
physiquement
présent
d où ses
nombreux
déplacements
t
l importance
our
l his-
toriende ses
itinéraires.
Société
du
geste,
a société
médiévale
est
aussi
une société
de
la
parure.Le vêtementémoigne e la qualitéd unpersonnage il signifie
son
rang,
son
appartenance
socio-professionnelle
ans
le
cas
par
exemple
des vêtements
cclésiastiques,
on
engagement
omme
pèlerin
ou comme
croisé,
voire
son exclusion
comme
juif
ou
comme
ancien
hérétique.
On voit sur
ces
quelques
exemples
que
les
corps jouent
un
rôle
décisif
dans
l expression
des
relations
des
hommes
entre
eux.
Qu en
est-il
maintenant e
la
place
du
corps
dans
les relations
des
hommes
avec l au-delà
On
pense
d abord
à l ascèse
qui
comporte
des
aspects
corporels
essentiels jeûnes, abstinencesexuelle, refus
de
sommeil,port
du
cilice ou
pratique
de la
flagellation.
n pense évidemmentussi à la
liturgie,
ituel
religieux
ui
nous renvoie
ce
que
l on
disait
plus
haut
des
ritesde
la
féodalité.
a
liturgie
ait
ntervenir
e
corps
de
multiples
façons
par
des
gestes
du
célébrant
qui
étend
les
bras,
tourne
ses
mains vers
le
ciel,
touche
les
offrandes,
aise
l autel,
etc.
par
des
déplacements
es
prêtres
t des
fidèles
n
procession
par
des
paroles
et des
chants.
La
liturgie
omporte
umière,
musique
et
parfums.
lle
fait
ntervenir
uatre
des
cinq
sens,
seul
le
goût
n étant
pas
sollicité.
Enfin a
liturgie
olennise
es
grandes
étapes
de
la vie des
corps
la
naissance,
e
mariage
et
la mort.Toutes ces
pratiques*
eligieuses
du
4.
HELGAUD
E
FLEURY,
Vie
de Robert
e
Pieux,
d. et
trad.
R.-H.
BAU-
TIER et
G.
LABORY
Sources
e
l histoire
édiévale
1),
Paris, 965,
.
103-106.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 11/128
9
corps
ont
leur
importance
ux
XIe
et XIIe
siècles comme à toutes es
époques.
Plus
spécifique
pparaît
l importance
u
corps
dans le
culte des
saints.
En
suivant André
Vauchez,
on
peut
soulignerqu aux
XIe et
XIIe
siècles,
e saint
est
encore,
de
façon
privilégiée,
e
martyr
celui
qui
a
souffert
ans son
corps
(5),
même
si,
dans le contextede la
réforme
régorienne
n
passe
du
roi-martyr
evenu
suspect
à
l évêque-
martyr
ont le
prototype
st Thomas
Beckett
(f
1170).
La
virtus
du
saint
s exprime
dans tout un
langage
du
corps
le
corps
saint est
incorruptiblet sa bonne odeur est preuvede sainteté.Les reliques
continuent vivre
elles
saignent
t refusent e
se laisser transférer
on les
humilie
pour
obtenir
l intervention u saint. La
vénération
de ces
reliques,
eur
efficacité
ussi,
supposent
un
contact
physique,
n
corps
à
corps
avec
elles. Avant
1200,
l
n y
a
pas
de
miracle
distance
il
faut être
déplacéauprès
des
reliques,
es
avoir
touchées,
voir
parfois
dormi
uprès
d elles
pour que
le saint
agisse.
Enfin
es miracles
dans
leur
majorité opèrent
ur
les
corps
des
quelque
5 000 miracles
nven-
toriés
par
Pierre-André
igal pour
ces deux
siècles,
2 700
sont des
miraclesde
guérison
es
corps
(6).
Arrêtons-là et
inventaire
our
conclure
à
la
forte
présence
des
corps dans ce que nous pouvons percevoirdes pratiques sociales et
religieuses
ux
XIe
et XIIe
siècles. J enretire
impression
une bonne
intégration
u
corps
qui exprime
a totalité
de
la
personne
vivante
ou morte omme
c était
e
cas dans
le
Haut
MoyenAge.
Le
corps
n est
pas
isolé d un
esprit
ou d une âme il
parle.
Un
exemple parmi
bien
d autres l assassin de
l évêque Foulques
de Reims en
900 est excom-
munié et anathémisé
par
les
évêques
du
royaume.
«
Il
est de
plus,
nous dit l historien lodoard
au
milieu du
Xe
siècle,
frappépar
Dieu
d une
blessure
nguérissable
i bien
que
ses
chairs
pourrissent
t
un
pus
abondant écoule
il
est dévorévivant
par
les vers
et
nul
ne
peut
s approcher
e lui à cause
de
son odeur fétide
(7).
Le
corps exprimela sanctionde Dieu et celle de la société.
Mépris
du monde
et
mépris
du
corps
au
XIe siècle
Le
mépris
du
corps
(
contemptus orporis),
ur le
plan
doctrinal,
n est
qu un aspect
du
mépris
du
monde
(contemptusmundi),
cette
5.
A.
VAUCHEZ,
a sainteté n Occident
ux derniers
ièclesdu
Moyen
Age d après
es
procès
de
canonisation,
t les
documents
agiographiques,
Rome, 981,
.
499-514.
6. P.A.SIGAL,Les miracles ux XIe et XIIe siècles ur le territoireel ancienne
Gaule,
d après
les sources
hagiographiques,
hèse
polycopiée,
Paris
,
1981.
7.
FlodoardiHistoria
Remensis
cclesiae,
V, § 10,
éd. I. HELLER et
G. WAITZ.
MGH SS
XIII,
p. 575,
. 33-36.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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11
Conséquence
de
cette
conception,
out
plaisir
du
corps
est
perver-
sité.
La
sexualité t le
mariage
doivent
tre
rajetés
parce
que
la
pro-
création,
eule
fin
égitime
u
mariage,
st
nécessairement
orrompue
par
le
plaisir.
Car le
plaisir qui accompagne
exercice
de la sexualité
est
signe
de la faute c est
par
«
l immonde
hideur de notre
origine
que
le
péché
originel
e
transmet. t
de célébrer e
vautour u
l abeille
qui
se
reproduisent
ans
la
«
corruption
du
coït,
et
l éléphant
qui
détourne
a tête
quand
il
fait
amour,
ellement
l trouve
ela
répugnant.
Cette
dépréciation
adicale
du
corps engendre
a
distinction
onda-
mentale entredeux formes de vie et deux groupessociaux la vie
charnelle
qui
est celle des
laïcs la
vie
spirituelle
ui
est
celle
des
moines. a chasteté
evient,
ans cette
perspective,
a
vertu
primordiale
de la
vie
religieuse.
e moine
approche
a
pureté
des
anges
et
rejoint
ainsi
la condition
primitive
e
l homme
créé,
rappelons-le,
our
rem-
placer
es
anges
déchus.
Cette
conception ngélique
de l homme
parfait
(que
le moine est
appelé
à
être)
implique
à
la limite
qu il
n ait
pas
de
corps.
Le
laïc
lui
en a forcément
n d où
sa condition
dépréciée
et le
doute
sur
la
possibilité
pour
lui
de
parvenir
u salut.
Cette
analyse
sommaire
de ce
qui
concerne
e
corps
chez Pierre
Damien
appelle
au moins deux
questions.
La
première
est d ordre
méthodologique. historien eut-ilégitimementsoler dans uneœuvre,
en
l occurrence
elle de Pierre
Damien,
e
qui
n est
qu un aspect
de cette
œuvre
On
a
reproché
Robert
Bultot de ne
conserver
ue
le versant
anthropologique
une
théologie
n
soulignant
ue, pour
les
auteurs
monastiques
u
XIe
siècle,
e monde
et donc le
corps,
n est
pas
rejeté
à
cause de son absence
de
valeur
intrinsèque,
mais
parce
que
la
recherche
e Dieu
a une valeur
nfiniment
upérieure
10).
La
réponse
à
cette
objection
n est
pas
facile. Il faut
certes
revendiquerpour
l historien,
omme
pour
tout homme de
science,
e droit d isoler les
phénomènes our
les
étudier,
t s intéresser
u
mépris
du
corps
chez
PierreDamienn estpas nier es
motivations
pirituelles ui
l animent.
Mais c est sans doute s exposer à mal comprendre homme Pierre
Damien
et la
spiritualité
monastique
du
XIe
siècle
que
de ne
pas
réintégrer
e
mépris
du
corps
dans l ensemble
du
système
de
pensée
qui
le détermine.
l
n en
reste
pas
moins
que
cette
doctrine
u
mépris
du
corps
a été
largement
xprimée
t diffusée
il faut se
demander
quel
a été son
impact
au XIe siècle.
Et c est la seconde
question s agit-il
d une doctrine
purement
monastique,
éservée
ces hommes
inalement
eu
nombreux t
séparés
du monde
que
sont
les
moines,
ou bien cette doctrine
-t-elle
agné
l ensemble
de
l Eglise
jusqu à
en devenir
«
l idéologie
dominante
?
10.Cf. F.
LAZZARI,
Saint Pierre
Damien t le
contemptus
undi.
A
propos
d un livre
récent»,
n Revue
d Histoire e la
Spiritualité
40,
1964,
p.
185-196.
Discussion vec
R. BULTOT
,
ibid.,p.
481-494.
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12
La
réforme
grégorienne
ans
la
deuxième moitié du
XIe
siècle,
marque
e
passage
d une
église
où
ce
qui
relève
des clercs et
des
laïcs,
du
temporel
t du
spirituel,
est
pas
clairement
istingué,
une
église
cléricale,
oigneusement
istinguée
e
la
masse des fidèles.
Les
réfor-
mateurs
grégoriens
voyaient
dans les
pratiques
habituelles
à leur
époque,
deux abus
dénoncés ous
le
nom
de simonie t
de nicolaïsme.
Le
premier
ésignait
e
trafic es choses sainteset
en
particulier
inter-
ventiondans
l église
d un
pouvoir impérial
ou
royal
qu on
voudrait
désormais considérercomme strictementaïc. Le second
dénonçait
le mariagedes clercs.
L objectif
des réformateurs st donc d amener
le
clergé
à
se
constituer n société
séparée
du
pouvoir
aïc sous l autoritédu
pape.
C est à ce moment à
que
l église
prend
a forme
hiérarchique u elle
conservera
par
la suite. C est à ce moment à
surtout
que
le mot
«
église
en vient à
désigner
e
clergé
et non
plus
l ensemble des
fidèles.
Cette
église
est une société d hommes hastes.
La
chasteté
parfaite
définit
ésormais e
prêtre
n Occident. t les communautés e
prêtres
(chanoines)
vont se
multiplier.
une certaine
façon,
n
peut
dire
que
l église
tend
à se
«
monachiser
:
l ascèse
monastique
est étendue à
tout e clergé.
Séparé
du
pouvoir
aïc,
distingué
ar
son
attitude
l égard
de la
sexualité,
e
«
nouveau
clergé
n entendcertes
pas
se
couper
de la
société
aïque qu il
s efforce u contraire
de
mieux encadreren
ache-
vant a mise en
place
du
réseau
paroissial,
t
de mieux
enseigner
ar
la
prédication.
e
ce
fait,
e
mépris
du
corps
semble
bien
être
devenu
l idéologie
ominante
es milieux léricaux u moment
ù
ils affirment
leur
pouvoir
autonome
et leur
autorité
dans la
société
occidentale.
Il faut donc constater ci
une
discordance
ntre
es
pratiques
du
corps
évoquées
dans la
premièrepartie
de
cet
exposé
et la
logique
de l idée de méprisdu corps.Or il y a place dans la tradition hré-tienne
pour
une autre lecturedoctrinale u
corps.
L ambivalence
du
corps
chrétien
Pour
poser quelques jalons
de la
genèse
d une
doctrine hrétienne
du
corps,
on
peut
dire
que
la
philosophie
ntique
lègue
au christia-
nisme
a
distinction ntre
corps
et
âme,
et d une
façon générale
idée
de
supériorité
e
l esprit.
Des
pythagoriciens
Platon et aux
stoïciens,
11.
D.
GORCE,
rt.
«
Corps
,
Dictionnairee
Spiritualité,
I
2,
Paris, 953,
col. 2338-2378.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 15/128
13
on considère
ue
le
corps
est une
prison
dont
l esprit
doit se
libérer,
un esclave
qui
doit se soumettre
12).
Dans l Ancien
t
le
Nouveau
Testament,
e
corps
est
omniprésent.
L homme et la femmeont été créés
à
l image
et
à la ressemblance
divine
et cette
œuvre
fut
«
très bonne
(Gen.
1,
26-31).
Mais
par
le
péché
sont ntervenuesa souffrance
t la mort.Le Verbe
a
choisi
un
corps
pour
naître
c est dans
un
corps que
Dieu
a
été
vu,
entendu,
touché. C est
par
ce
corps
qu il
rachète tous
les
corps qui
seront
glorifiés
u
dernier
our.
C est en
mangeant
ce
corps
que
l homme
s unit Dieu.
Pour
Paul,
le
corps
du chrétien st
incorporé
u
Christ. l ne lui
appartient
donc
plus.
«
Ne savez-vous
pas que
votre
corps
est
le
temple
du
Saint-Esprit ui
est
en
vous,
que
vous avez
reçu
de
Dieu,
et
que
vous n êtes
plus
à vous-mêmes
Car
vous
avez
été rachetés
à
grand
prix.
Glorifiez onc Dieu
dans votre
orps
/
Cor.
6,
13-20).
Mais
Paul,
formédans la culture
grecque,rejoint
aussi les
philosophes
t
l affrontement
u
corps
et
de
l esprit.
Le
corps
est un obstacle à
franchir
our parvenir
à Dieu
«
tant
que
nous sommes dans
le
corps,
nous
voyageons
oin du
Seigneur
(II
Cor.
5,
6).
L ambivalence
historique
du
corps
dans
le
christianisme enracine
dans les textes ondateurs,réation t incarnationignifianta noblesse
du
corps.
Mais le seul véritable
orps,
celui
auquel
les autres doivent
s identifier,
est
le
corps
du
Christ,
orps
souffrant
t
chaste
avant
de devenir
orps glorieux.
Les Pères auront
à
répondre
deux
grandes
hérésies dualistes
qui
l une et l autre nient e
corps.
Les
gnostiques
ondamnent u néant a
matière,
compris
e
corps,
t
les
manichéens
onsidèrent
ue
les
corps
ne
sont
pas
créés
par
Dieu,
mais
par
l esprit
du
mal.
C est contre
es
premiers u Irénée, vêque
de
Lyon,
morten
202,
donne son Adversus
haereses. l met l accent sur
l unité du
corps
et de
l âme
qui
«
s en-
seignent mutuellement,ui sontpécheurs nsemble t qui ne peuventêtre sauvés
qu ensemble
c est
pour
cela
que
Dieu a
pris corps.
Le
baptême
garantit
ce destin
spirituel
du
corps
«
Nos
corps par
le
baptêmereçoivent
unité
qui
mène à la vie
incorruptible
.
Unité
de l âme et
du
corps
créés et sauvés
en
même
temps
ou
dualité
du
corps
pesant
et de l âme
qu il
faudrait ibérer
Les
XI*
et
XII* siècles n ont
pas
échappé
à cette
interrogation
mais
c est
la
dualité
qui
domine,
d autant
plus
qu on
lisait
la
Bible en traduction
latine
dans la
Vulgate
où l antithèse
sémitique
entre
la Chair
et
l Esprit
était
réduite
un
antagonisme
ntre e
corps
et
l âme,
alors
12.Notons ue cela contreditussi bien les pratiques que l on pense
à
l importance
u
corps
dans
l art
antique,
mais aussi dans l éducation
(cf.
H.-I.
MARROU,
istoirede l éducation ans
l Antiquité,
aris,
1948.
dans
l éd.
1981,
.
177-201)
ui
fait
de la
gymnastique
n
élément ssentiel
de l initiation
u
jeune
grec
la
vie
civilisée.
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14
qu elle
recouvre
n fait
des réalités
beaucoup plus
complexes
13).
Ces
deux
siècles
allaient avoir
aussi leurs dualistes
absolus
que
l église
désigne
omme
hérétiques.
a
position
radicale
de
Pierre
Damien
était
difficilementenable.
Des
brèches dans
l idéologie
du
mépris
du
corps
Des élémentspour une appréciationmoins négativedu corps se
font
our
à
la findu
XI
siècle
et surtout
u XII*. Les uns
sont d ordre
doctrinaux,
iés à la réflexion
ur les
textes
fondateurs
voqués plus
haut
dans
e cadre de
l importante
utation ntellectuelle
ui
donne
la
dialectique
un rôle croissant
dans la
connaissance aux
dépens
de la
mystique.
es
autres sont
plus
liés
à la
pratique
du
corps
et de
la
sexualitédans
un
effort
e réflexion
ui
aboutit à
une valorisation u
mariage
hrétien.
Anselme,
moine et abbé
du Bec en
Normandiede
1060
1093,
uis
archevêque
de
Cantorbery
usqu à
sa
mort en
1109 st souvent
ppelé
«
Père de
la
Scolastique
pour
avoir le
premier
ntroduit
a
raison
au
cœur de la foi. Il est célèbre en particulier omme inventeur e la
preuve
ontologique
e l existence
e Dieu. Ce
«
théologien
hilosophe
ne le cède
en
rien
à ses
prédécesseurs
ur le
mépris
du
corps
(14).
Le
péché
a soumis e
corps
d une
part
à
la
corruption,
autre
part
aux
appétits
charnels
qui
ont infecté
âme.
Il
est
déchu au niveau
des
bêtes. Non
pas
parce
que
le semen humainest
impur
n lui-même
selon
ime tradition
émitiquereprisepar
Pierre
Damien comme nous
l avons
vu
plus
haut,
mais à cause
du
plaisir
qui
l accompagne.
Or le
plaisir
est irrationnel
t
donc
bestial
il
s oppose
à
la
volonté,
u
rationnel
t à l humain
voluptas
voluntas irrationalis rationalis
bestialis
humānus).
Anselme
dépend
ici
d Augustin,
ui
lui-même
dépendde la tradition latonicienne ia Cicéron le plaisir rrationnel
vient
perturber
exercice
e la
pure
ntelligence ui
devrait ommander
le
corps
s il
n y
avait
pas
le
péché.
C est
donc
bien
toujours
l esprit qui
est
privilégié.
C est lui
qui
porte
image
de Dieu.
Mais
pour
Anselme,
esprit
e caractérise
ussi
13.
A.
VAUCHEZ,
a
spiritualité
u
Moyen
Age
occidental
VIII-XII9
iè-
cles
,
Paris,
975,
.
47. Le
Nouveau
estament
éveloppe
n faitdeux
types
d oppositions
le
«
siècle
présent opposé
au
«
monde
venir
(dualisme
temporel)
t la
«
chair
opposée
à 1
«
esprit
(dualisme
thique}.
Dans
le
climat
schatologique
ui règne
ux
origines
e
l Eglise,
es
apotres
t
Paul en particulier
elativisent
e
«
siècle
présent parce que
le
«
monde
à venir» est imminent. r ce derniern arrivepas et on glisse,sous
l influence
es
philosophes,
un dualisme
emporel
t
éthique
un dualisme
ontologique
yant
pour
corollaire
a
dépréciation
u
corps,
ssimilé
la
«
chair».
14.R.
BULTOT,
p.
cit.
t.
2,
p.
73-142.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 17/128
15
par
l usage
de
la
raison,
ce
qui
allait donner
un meilleur
outil
pour
l approche
des réalités
humaines.
D autre
part, anthropologie
Anselme
st
moins
négative
ue
celle
de ses
prédécesseurs
mmédiats.
Quand
il
reprend
le thème des
hommes
réés
pour
rétablir e nombre
primitif
es
anges,
l
le
fait
de
manière
personnelle.
our
lui les êtres créés
à
l origine
pour jouir
de
Dieu
par
la
contemplation
taient
es
anges
et
les hommes.
es hommes
n ontdonc
pas
été créé comme
imples
ubstituts es
anges,
mais
pour
eux-mêmes,
a
nature
humaine
parachevant
a
perfection
e l univers.
EnfinAnselme,n bon abbé, invite es moinesà une certainemodé-
rationdans
l ascèse
«
Prend
a
comparaison
du
cavalier
qui
tient es
guides
attachées
u mors. S il
tire sur l une
plutôt
que
l autre,
amais
son cheval ne
tiendra
a
voie
droite...Par ces
deux
guides,
il faut
entendre
es
limites extrêmes
de la
mortification
orporelle
le
relâ-
chement t l austérité
outrée...
l lui
reste
donc
à
prendre
e
parti
de
la
modération,
enant
on
corps
en bride
d une main discrète
(15).
Dans
son monastère
du
Bec,
Anselme
a ouvert
a voie à l huma-
nisme
du XII* siècle.
C est dans
les
villes,
Chartres t
à Paris notam-
ment,
qu il
va
s épanouir
dans
des
écoles
et
auprès
de maîtres
qui
promeuvent usage
de
la
dialectique,
u
premier ang
desquels
Abélard.
Dans ce contexte, n peut dire que la naturese désacralise.Si pour
les hommes
du Haut
Moyen
Age
et encoreau
XIe
siècle,
l
était
mpos-
sible de
se
penser
en
sujet
face à
une nature
objet,
comme
le
montre
Aaron
J.
Gourevitch,
u
XIIe
siècle
la
nature
«
s autonomise
.
Elle
prend
un
intérêt
n
elle-même
t devient
objet
d étude
(16).
Le
corps
en fait
partie,
ommence
devenir
bjet
d investigation
cienti-
fique
mais
surtout
bjet
de réflexion
our
les
canonisteset les théo-
logiens
qui
doivent
ui
assigner
une
place
conforme
la raison
et à
la
foi.
Significatif
ans
cette
perspective
m apparaît
e traitement
ccordé
au mariage t
à la sexualité
17).
Les canonistes
emettent l honneur
le
principe
du droit romain selon lequel « le consentement ait le
mariage
(consensus
facit nuptias).
ls
s opposent
insi au
principe
du
droit
germanique
t à la
pratique
aïque
selon
lesquels
c était
a
dation
de
la
fille
par
son
père
à
son futur
poux
et l accord des
lignages
qui
faisaient
e
mariage.
Mais
dans les deux
cas,
était
posé
le
problème
de la
place
de l union
des
corps
(
commixio
exuumou
copula
carnalis)
dans
la formation
u
mariage.
Dans le
droit
germanique
t
dans
la
15.
De
similitudinibus,
h.
193,
.L.
159,
h. 704.
16.A.J.
GOUREVITCH,
es
catégories
e
la culture
médiévale, oscou,1972,rad, rançaise,aris,1983, . 47-95.
17.
G. LE
BRAS,
rt.
«
Mariage
,
Dictionnaire
e
Théologie
atholique,
t.
IX, 2,
Paris,
1927,
ol.
2134-21366.
DUBY,
Le
chevalier,
a
femme
t
le
£rêtre,
mariage
e
mariage
vu
par
les
ans
moines
a
France
au
XII*
éodale
siècle,Paris,
aris,
1983.
981 J.
LECLERCQ,
£rêtre,
mariage
u
par
les
moines u
XII*
siècle, aris,
1983.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 18/128
16
pratique,
lle était essentielle.
Dans
la tradition
anonique,
on
avait
tendance
la considérer
omme
secondaire.
Mais
le Décret de
Gratien
chevé vers 1140
Bologne
qui
est
alors
le
grand
centre
du
renouveau
des études
uridiques,
ne
sépare
pas
le
consensus
entre les
deux
personnes
de la
copula:
le
mariage
n est
parfait
ue
par
l unité
de la chair
(
unit s
carnis).
Ce sera
finalement
la
doctrine
eçue par
les
théologiens
ussi.
Quand
PierreLombard
dans
ses
Sentences
vers
1150)
nscrit
définitivement
e
mariage
parmi
les
sept
sacrements,
l
reconnaît
ntre
es
époux
une double
conjonction
« selon le consentementes âmes,et selon le mélangedes corps . Le
Décret
et les Sentences
allaient
être
les deux
manuels de
référence
des décrétistes
t
des
théologiens
u
XIIIe
siècle
ime
place
légitime
était
assignée
au
corps
dans le
mariage
chrétien.
Cela
n est
pas
allé de soi
étant
donnée
a tradition
e
mépris
u
corps.
Dans le
bouillonnement
uridique
et
théologique
u tournant
es
XI*
et
XII* siècles
on
a
hésité.
Le canoniste
Yves
de Chartres
dans les
années
1090 nsiste sur
le côté
spirituel
du
consentement
mutuel
des
époux qui
doivent
avoir
l âge
de
raison,
c est-à-dire
ans.
Ce
qui
conduit
videmment
désincarner
utant
que
faire
e
peut
le
mariage.
Et
quandHugues
de
Saint-Victor
f
1141)
donne
e
premier
rand
xposé
de théologiedu mariage, il écrit « Le consentement pontané et
légitime
ar
lequel
l homme
t
la femme
e constituent
ébiteurs
un
de
l autre voilà
ce
qui
fait le
mariage
. Il
distingue
accord
de
charité
consensus
aritatis)
de
l accord
charnel
consensus
arnalis)
ce
dernier
eut
cesser,
e
premier
emeure.
On reste
dans
une
perspective
qui privilégie
esprit
le
mariage
est
«
sacrement
e
l amour
spirituel
entre
Dieu et
l âme ». Mais
il
ajoute
tout
de suite
après
«
L union
charnelle
entre les
époux
est
le sacrement
de l association
réalisée
entre
e Christ t
l Eglise
par
l effet
e l Incarnation
.
Outre
la tradition
monastique
de
mépris
du
corps,
il
faut
tenir
comptedans ce débat sur la place du corps dans le mariage,de la
multiplication,
ux XP et XIIe
siècles,
d hérésies
qui
sont
presque
toutes
antimatrimoniales
18).
Pour
ne
retenir
que
la
plus
célèbre,
l hérésie
cathare
considère
tout
lien
charnel comme
impur.
Il est
œuvre
du
diable
parce qu il
fait descendre
dans
un
corps
misérable
ime âme
qui
vivait
heureuse
n Dieu.
Ces
attaques
radicales
ont
amené
les
théologiens
réexaminer
a
tradition,
n
particulier
es
Pères
qui
s étaient
trouvés
confrontés
des
hérésies
analogues
sur
ce
point,
comme
nous l avons
vu
plus
haut,
et à
légitimer
t valoriser
union
des
corps.
De
cette
valorisation
n
a des
témoignages
clatants
dans la litté-
rature pirituelle. ans les 86 sermonsde Bernardde Clairvaux f1153)
18.H.
TAVIANI,
Le
mariage
ans
hérésie
e l an mil
,
Annales
.S.C.
32,
1977,
.
1074-1089.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 19/128
17
sur le
Cantique
des
Cantiques
l union des
corps
est
pleinement
reconnue,
t le
prédicateur
istercien
voque
avec
précision
es baisers
et
l étreintemutuels. l en fait a
métaphore
e l amour
qui
s échange
entre les
personnes
de
la
Trinité,
ntre le Verbe et l humanité
du
Christ,
ntre Dieu et l homme
(19).
Que
le
plus grand
des
auteurs
monastiques
du XII* siècle
parle
avec tant
de clarté de l union
charnelle
pour exprimer
es
mystères
es
plus
élevés de la
théologie
chrétienne st au moins un
signe
d une transformationadicale des
attitudes
n face
du
corps.
Les différents ossiers entrouverts ous ont permis de montrer
qu il
existait
u XIe
siècle,
dans
les milieux
monastiques
n
mépris
du
corps
inscritdans le cadre doctrinal
plus
large
du
mépris
du monde.
Le
succès de la réforme
régorienne
st
en
partie
a victoirede cette
doctrinedans
l église
et
dans
la
société
qu elle
contrôle.Mais dans
le même
temps,
n constate
que
les
corps
se
multiplient
t,
de bien
des
façons,
ont
le
moyen
d expression
rivilégié
des
hommes
de la
société de
cette
époque,
y
compris
ur le
plan religieux.
est à cette
contradiction
ue
j ai
cherchédes solutionschez Anselmede Cantor-
bery
et dans la définition u
mariage
chrétien.
l
me semble
que
l évolution
u on
observe au XIIe siècle va dans le sens d ime recon-
naissance par la culture chrétiennedes pratiques du corps. Cette
reconnaissance tait
déjà engagée
de fait
par
le
développement
e la
liturgie
ou du culte des
saints.
Pour
qu elle
le soit en
doctrine,
l
fallait attendre
ue
le XIIe siècle isole
rationnellement
e
corps,
lui
confèreune valeur
propre,
t
s interroge
lors à nouveaux frais sur
ses
rapports
vec l âme et avec
Dieu. Il fallait
peut-être
ussi
que
les
doctrines
dualistes
poussent
à leur
conséquence
extrême
e
mépris
du
corps
pour que
les
pasteurs réagissent
t
proposent
une
doctrine
orthodoxe
cceptable par
les fidèles
t
conforme
la
tradition.
ans
cette
dernière nous
avons vu
que
le
corps
était
ambivalent les
deux siècles d où je l ai examinée ne le font pas sortir de cetteambivalence.
19.J.
LECLERCQ,
p.
cit.,
h.
7, p.
105-123.
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Jacques
DALARUN
EVE,
MARIE
OU
MADELEINE ?
LA
DIGNITÉ
DU
CORPS
FÉMININ
DANS L'HAGIOGRAPHIE MÉDIÉVALE
(VP
-
XIIe
siècles)
La femme.
Le
corps.
Deux
sujets
sur
lesquels
le sentiment
de
l'Eglise,
au cours
des
siècles,
est
pour
le moins
complexe.
Le
corps
féminin,
fortiori,
'est
pas
pour
elle une
question simple.
L'Ecriture
inaugure
ette
polyvalence
Eve,
maudite
t
vouée
aux
peines
de l'enfan-
tement
1)
;
Marie,
dont
«
le
fruitdes entrailles
est
bénie
(2)
;
la
pécheresse,qui
ose toucher
e
corps
du
Christ,
auvée
pour
avoir
«montré eaucoupd'amour (3).On rêve de déroulercette diachronie.Contentons-nous'exhumer
de
l'hagiographie
me anecdote
elle
permet
d'esquisser
le
conflit
dont
e
corps
de
la femme st
l'enjeu,
à l'orée
du XII* siècle.
L'épisode
se trouve
ans les
Miracles
faisant uite à
la Vie de Robert
d'Arbrissel,
le
célèbre
fondateur e
l'ordre
de Fontevraud.
e récit nous
est
livré
dans
une traduction
n
moyen
français
dont l'authenticité
e fait
cependant
ucun
doute
4)
:
«
Comme
quelque
jour
estant
en
Aulvergne,
n
ung
lieu nommé
Menelay
'Abbaye,
rmé d'une
ferveur e
foy,
Robert
d'Arbrissel]
vint
pour
prescher
n ceste
abbaye.
Lors
les habitans
du
pays luy
dirent ue les femmes 'entroyentoincten l'egliseet,sy en avoict
aulcune
qui
eust
présuméy
entrer,
ncontinent
ourroyt.
e
voyant,
le bon serviteur
e
Dieu,
ainsy
qu'il
voulut ller
prescher,
ntroduict
avecque luy
plusieurs
femmes,
oultre le
vouloir de ceulx
qui
gardoient
es
portes,
t
leur demonstra
evant tous comment
eurs
mensonges
estoient
prophanes.
Alors les
portiers
se
prindrent
devotement
implorer
ainct
Menelay
et commencèrent
haulte
voix crier
qu'i luy
pleust
telle
presumption
epris
et
injure
venger.
Adoncque
le sainct
homme,
riche
d'esperit
et de
discretion,
respondit
"Las,
simples
gens,
ne faictes
poinct
en vain de telles
sottes
prieres
Mais
saichés
que
les
sainctz
ne
sont
pas ennemys
1. GenèseIII, 16.2. Luc I, 42.
3. Luc
VII,
36-50.
4.
«
La
vie
de Robert
d'Arbrissel
,
éd. J.
DALARUN
ans L
impossible
sainteté.
a
vie
retrouvée
e Robert
d'Arbrissel
Paris, Cerf,
oll.
«
Cerf-
Histoire
,
1985.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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19
des
espouses
de
JhesusCrist.
Car
ce
que
vous
dictes est
une chose
absurde
t
la
pureté
de
la
foy
atholique ongnoist
ien e contraire
comme
l
est
dit,
en
l'Evangille,
de ceste
beate
peccatrice,
aquelle
a
baisé les
piedz
du
Redempteur,
t de ses larmes
avés,
et
de ses
chevaux
tergés,
t
espandu l'unguent
ubz
son tres
digne
chef.
Et
pourtant
ui
est
celuy
qui
oseroyt
ire
qu'il
y
auroict ulcune
eglise
en
laquelle
ne seroict
icite
femme
entrer,
y
par
ses
faultes et
coulpes
ne
luy
estoict
prohibé
Qui
est
plus
grand
chose,
ou
le
temple
materiel e
Dieu,
ou le
temple
pirituel
uquel
Dieu habite
Sy
la femme
prent
et
menge
e
corps
et
le
sang
de Jhesus
Crist,
pensés
quelle
follie
'est
de croire
que
ne doibt
entrer n
l'eglise
"
Par ainsy, près qu'il eust manifesté a vérité, est erreur essa et
fut totallement
staincte.
C'est bien
le
corps
de la femme
qui
est ici
en
jeu
:
corps
tabou,
exclu du
sanctuaire,
u
corps
sacré,
temple
de
l'Esprit.
Le
discours
de
Robert st d'une telle
richesse
u'il
faudra
y
revenir
mais
essayons
auparavant
de mieux onnaître
es
protagonistes
nonymes,
es tenants
des
«
mensonges
prophanes
,
de la culture
folklorique
urions-nous
envie
de dire.
L'exclusion des femmes : archéologie d'un tabou
L'enquête
a de nombreuses
amifications.
n en
indiquera simple-
ment
es
points
forts,
a filiation
e textes
qui
permet
de
comprendre
le sens
du
combat
ivré à
Ménelay.
L'épisode
se situe donc
en
Auvergne.
obert
doit
y
passer
vers
1114,
deux ans avant sa mort.
Ménelay 'Abbaye
peut
être dentifié omme
e
monastère
de
Menât,
dans l'actuel
Puy-de-Dôme.
l
abrite,
au moins
depuis
le
IX*
siècle,
les restes
de saint
Ménelé,
en
qui
on a vu
le
fondateur
u le restaurateur
u lieu.
Le
nom
du saint et
du
monastère,
non sans ressemblance,ont souvent onfondus.Si l'on se
reporte
sa
Vie,
Ménelé auraitvécu au VIP siècle,mais
le récit
date au
plus
tôt du
Xe
et
a
sans doute
peu
de
valeur histo-
rique
(5).
Qu'y
trouve-t-on
yant
rapport
au tabou
pesant
sur
les
femmes
Ménelé est
originaire
'Anjou.
Son
père
veut
le marier contre
son
gré
à la
fille
d'un
seigneur
mportant,
arontus,
mais notrehéros
a en
secret
fait
vœu de chasteté à
l'âge
de
sept
ans.
Il s'enfuit
donc
quelques
jours
avant
son
mariage.
Dans
la
vallée de
Menât,
l
ren-
contre
Théofrède,
moine et
futur bbé du monastère
de
Chaumillac.
Celui-ci ntraîne
Ménelé et
ses
compagnons
dans son monastère
pour
les y éduquer.Au bout de sept ans, ils retournent Menât.Mais la
mère,
a sœur
et la
fiancée e
Ménelé,
ui
le cherchaient
n tous
lieux,
5.
«
Vita
Menelei
bbatis
Menatensis
,
MGH,SRM,
V,
p.
129-157.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 22/128
20
viennent
'y
rejoindre.
On
les
établit
dans
une
solitude,
à
l'écart.
Barontus,
la tête d'une
troupe
en
armes,
tente
n vain
de
reprendre
sa fille.
Après
un
incendie,
Ménelé
réédifie
'église,
consacrée
en
pré-
sence
de
Théofrède.
Puis construit
«
des
demeures
conformes
la
ségrégation
monastique
et des
divisions
utiles
pour
les
hôtes
de
passage
».
Si
l'on sent
bien,
dans tout
cela,
une
défiance
l'égard
des
femmes, ien,
i ce n'est
en
forçant
e dernier
passage,
ne
permet
de
repérer
explicitement
e tabou
rencontré
u
XII*
siècle
par
Robert
d'Arbrissel.
Une pisteest donnéepar l'interventione Théofrède,nitiateur e
Ménelé. Tournons-nous
ers
cet
autre
saint,
réformateur
e
Chau-
millac
auquel
il
donnera
on
nom en
langue
vulgaire
Saint-Chaffre
u
Monastier,
ans
l'actuelleHaute-Loire.
en
croire sa
Vie,
il aurait
été
massacré
en 732
par
les Sarrasins.
Le récit
ui-même
e remonte
pas
en-deçà
du
XIe siècle
(6).
On
y
trouve
'épisode
de
la rencontre
vec
Ménelé,
qui
est
ensuite
éduqué
pendant
sept
ans
au monastère
de
Chaumillac.
De
même,
on
voit
Théofrède
venir consacrer
'église
de
Menât
à
la
Vierge.
Entre
ces
deux
épisodes,
Théofrède
été
promu
abbé
de Chaumillac.
Parmi
les
mesures
qu'il prend
dès
le début
de
son
abbatiat,
n
trouve
elle-ci
«
Il veillait
ur son
oratoire
vec
une
telle
prudence
u'il
n'était
permis
personne
de
faire
en ce
lieu
quoique
ce soit
de
superflu
les femmes
ui
voulaient
ntrer
vaient eur
siège
au
loin,
utour
de
la
porte
du
temple.
Et
quoique
certains,
ne
tenant
pas
compte
de cette
bservance,
ensent
ue
c'est
une interdiction
ivine
d'antan,
on la
conservera
nchangée
perpétuité
(7).
Voilà,
sans
conteste,
a coutume
rencontrée
uelques
siècles
plus
tard
par
Robert
d'Arbrissel.
Mais
la
piste
ne s'arrête
pas
là.
Quand
bien
même
Ménelé
aurait
vécu,
comme
le
dit sa
Vie au
VII*
siècle,
il
n'a
aucune
chance
d'avoir
été le
fondateur
de
Menât
dontGrégoirede Tours faitmentiondès le VI* siècle (8). Ceux qui
s'en sont
aperçu
ont
cherché
en amont
les
mentionsde
Menât
dans
les
Vies
d'autres
saints.
Le texte
hagiographique
e
plus
ancien
qui
fasse
allusion au
monastère
d'Auvergne
st
la
Vie de saint
Calais.
Ecrite
dans la
première
moitié
du IX*
siècle,
répandue
n trois
versions
différentes,
lle
prétend
rapporter
des
événements
u
VI*
siècle
(9).
Dans les
trois
versions
de ce
récit
apparemment
ans
valeur,
mergent
6.
«
Vita
sancti
Theofredi
, AASS,
ct.
VIII,
p.
515-533.
7.
Op. cit., 14,p.
529.
8. GREGOIRE
de
TOURS,
«
Vita
patrům
, MGH,
S
RM,
,
p.
714.
9. «Vita sanctiCarilefi 1) BHL 1568, d. L. SURIUb,De probatis
sanctorum
istoriis,
II, Cologne
1579,
.
32-39
éd. B.
KRUSCIi,
MGH,
SRM,
II,
p.
389-394.
)
BHL
1569-1570,
d.
MABILLON, SOSB,
,
p.
642-650
AASŠ,
ul.
I,
p.
90-98
PL,
74,
col.
1242-1262.
)
BHL
1571,
oir
par
exemple
BN,
ms. lat.
5280,
. 280v.-284r.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 23/128
21
cependant
des
renseignements
récieuxpour
notre
enquête.
Calais est
originaire 'Auvergne
il a fait son
apprentissage
monastique
Menât,
précise
a
deuxième ersionde
sa Vie
(Notons
u
passage
qu'il
n'a
donc
aucune chance
d'en être
le
fondateur).
Après
de
multiplespéripéties,
il
fonde e monastère
ui
portera
on
nom,
Saint-Calais
ans
le
Maine,
et,
peu
de
temps
avant sa
mort,
l
est soumis
à
une
bien
gênante
demande.
La
reine
Ultrogode,
emme de son
bienfaiteur
hildebert,
fils de
Clovis,
envoie des
messagerspour
lui demander
d'être admise
auprès
de lui.
Calais,
comprenant
e
danger
qu'une
telle
visite consti-
tuerait, ui refuse cette faveur et décrète que son monastèresera
dès lors interdit ux
femmes,
outume
respectée usqu'à
ce
jour
avec
l'aide de
Dieu,
nous dit-on.
l
faut effectivement
'aide
de Dieu
pour
que
cette
coutume
reste
inviolée. C'est ce
que
révèlent
es Miracles
post
mortemde Calais
(10).
On
y
apprend
qu'une
femme,
Gunda,
voulut touteforcebraver
'interdiction
qu'elle
se
déguisa
en
homme
pour tromper
a
surveillance
es frères t
pénétrer
ans le sanctuaire
où
reposait
e
corps
de Calais. Mais
au
moment
d'entrer,
n terrible
châtiment
a
s'abattre
ur elle. Nous voilà dans
le
vif
du
sujet.
Au
terme de
cette
première
partie
de
l'enquête,
on doit se
poser
encore
une
question
comment ette coutume
s'est-elle
répandue
en
trois ieuxdistincts,ous l'autorité e trois aintsdifférentsLorsqu'on
sait
la
fragilité
es
textes
hagiographiques
rétendant
emonter
la
période
mérovingienne,
a
premièrehypothèse
st de
penser
que
les
hagiographes
e sont
plagiés
les uns
les autres et
que
cette trans-
mission st d'ordre
ittéraire.
'hypothèse
ourtant
e tient
guère.
Que
l'interdit
it une existenceréelle à
Menât,
'épisode
de
Robert
d'Arbrissel
ous
en
convainc.
Or c'est le seul
lieu
pour
lequel
il
n'y
ait
pas
de trace de la coutume
dans la Vie
du
saint
local,
hormis
une
allusion
quasi
indéchiffrable.
La rédaction
de la Vie de
Théofrède
st
postérieure
la
Vie de
Méneléet,
très
certainement,
'en
inspire.
L'allusion
énigmatique
la
ségrégationmonastiquedans la Vie de Ménelé prouveque l'interdit
existait
Menât
avant
d'être
explicité
ans la Vie de
Théofrède
t
que
c'est donc certainement
es
gens
de Saint-Chaffre
ui
ont
emprunté
la coutume
ux
gens
de
Menât.Mais
l'hagiographe
e
Théofrède
'a
pu
la décrire à
partir
du
passage
elliptique
de la Vie de Ménelé
lequel
ne s'éclaire
que
quand
on lit la Vie de
Théofrède
Ces
arguties
éta-
blissent un
point
d'importance
l'interdit 'est transmis
de
Menât à
Saint-Chaffre
ar
une
tradition
arallèle
et distincte es
textes
hagio-
graphiques.
Le
saut
d'Auvergne
u
Maine,
de
Menât à Saint-Calais st
encore
10.
Trois
versions,
orrespondant
ux troisversions e la Vita
1)
éd.
SURIUS,
p.
cit.,
p.
39.
2)
éd.
MABILLON, p. cit.,
p.
650-654.
)
BN,
ms. at.
5280,
. 284.
La troisième
ersion
e la Vie et des Miracles
st un
abrégé
de la seconde
t
ne
sera
donc
pas analysée
ci.
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23
première
ersion,
lus
rude,
plus
brève et
plus
proche
sûrement e la
tradition u
lieu,
Calais refuse
de
recevoir
Ultrogode
ans
«
la crainte
que
les
esprits
de ses
disciples
en
soient
en
quelque
manière
agités
et
il
se contente e décréter
ue
«
le
sexe
féminin e
peut
avoir
accès,
à
l'avenir,
la
clôturede ce monastère»
14).
La deuxièmeversion
est
plus
bavarde.
Calais
commence
par
s'in-
terroger
«
Comment e
fait-il,
e
dit-il,
ue
la reine souhaitetant me
voir,
moiqui suis affublé e longuedatedes couleursdu caméléon, enduhideuxpar la crasse des jeûnes,rien d'autreque rustiquepar mes
mœurs
rurales,
enlaidi
de
vils
haillons,
affaibli
par
l'absence
de
prudence
Je connais
certes,
e
connais a
chaleur violentedu
vieil
ennemi
par
laquelle
il
brisa,
dans la douceur du
paradis,
a
force
de
l'homme
par
l'entremise e la faiblessede la femme. l
me
faut
{>rendre
s lacs
de
arde
l'ennemi,
à
l'aspect
moi
de
qui
la
demeure
emme fin
dans
e
l'âpre
ne
pas
désert,
être
alors
ris
dans
que
s lacs
de
l'ennemi,
moi
qui
demeuredans
l'âpre
désert,
lors
que
fut éduit
par
sa
persuasion
elui
qui jouissait
au
paradis
de
l'agré-
ment de la vie et
même
de
la
compagnie
divine».
C'est
pourquoi,
mettant in sa
prompte
élibération,
l
répondit
insi aux
envoyés
de la reine
«
Allez,
dit-il,
meilleurs es
jeunes gens
et
rapportez
es
paroles
à votre
maîtresse.
i
j'ai quelque
efficacité,
e prierai pour
elle.
Qu'elle
tienne
cependantpour
sûr
que,
tant
que je
serai
en
chairet enos, e ne verraipas le visaged'une femme t ce monastère
que,
Dieu
aidant,
'ai
construit,
e
livrera
amais
accès
à une
femme.
Car il ne convient
as
que
nous
qu'on
croit
de
la familledu
Christ,
nous
vendionsnotre
aspect
aux femmes
u
que
nous
prostituions
notre
me à l'ennemi u
genre
humain
pour
nous
emparer
de
terres.
Qu'elle
s'ôte donc cette
dée
de
l'esprit
t
qu'elle
attribue
a
partie
de
son
fisc
à
qui
elle veut.
«
Et cette coutume
reste
nviolée
dans
ce monastère
usqu'à pré-
sent,
vec l'aide de Dieu
»
(15).
De
la
première
la
deuxième
ersion,
e
jeu
des
regardsréciproques
sur le
corps
du
sexe
opposé,
e
jeu
du
désir,
pris
une densité
upplé-
mentaire.Mais
surtout,
lors
que,
dans la
premièreversion,
e
désir
est dans le cœurdes frères, ans la réécriture,'est la femme, gent
du
serpent, ui
devient e
moteur
de la
tentation.
Plus
ou moins hostiles
au sexe
féminin,
es deux
versions
puisent
à la même
source
ittéraire les Pères
du
désert.
Prenons
par
exemple
ce
passage
des
Apophtegmes
epris
dans la
Légende
dorée
«
Une dame noble et vieille
vint
par
dévotionvoir 'abbé Arsène.
Celui-ci
ut
prié par
l'archevêque
Théophile
de se laisser
voir,
mais
il
n'y
consentit
as. Cependant
ettedame alla à
la
cellule de
l'abbé,
où
elle le trouvadevant a
porte
et se
prosterna
ses
pieds.
L'abbé
la
releva avec une extrême
ndignation
n disant
"Si
vous voulez
voir ma
figure, egardez."Or,
cette
dame confuseet intimidéene
14.
«
Vita
prima
ancti
Carilefi
,
éd.
KRUSCH, 11, p. cit.,p.
393.
15.
«
Vita secunda
anctiCarilefi
,
éd.
MABILLON, 28,
op.
cit.,
p.
649.
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25
vêtir
d'habits
d'homme,
montrait
u
grand
our
son
sexe
à tous
ceux
qui
voulaient
e
voir.
Cela arriva
afin
qu'ensuite
es femmes
n'osent
plus
s'assembler
en ce lieu
et
qu'il
soit
évident
que
la
prédiction
du
bienheureux
vait été vraie
(17).
Cet
épisode
est tellement
ru
que,
dès
la seconde
version,
une
réécriture
'impose.
On insiste
beaucoup plus
sur
les
préparatifs
Gunda
non seulement
ndosse
des habits
d'homme,
mais elle se
coupe
les cheveux.
C'est
surtout
e
châtiment,
t
pour
cause,
qui
diffère
« En effetomme a dite Gundaavait atteint'oratoire ù le corps
du saint
homme
vait
été
inhumé t est
vénéré
usqu'à
ce
jour,
et
que
les
frères
rrivaient
our
chanter
es
louanges
dues au
Seigneur
selon
a
coutume, elle-ci,
vec une
grande
udace
mêlée de
témérité
fit
rruption
ans
la demeure
par
les
portes
ouvertes
et voulut
atteindre
ans
pudeur
l'urne
qui
abritait
es os
du saint homme.
Mais,
comme
elle cherchait
gagner
'intérieur
u
sanctuaire
et
voulait
scruter
avec
avidité,
ses
yeux
sont
frappés
d'un
brusque
éclair
et,
elle
qui
voulut
contempler
rrévérencieusement
es choses
interdites,
lle
perdit
le
droit de
voir les
objets
ordinaires.
En
même
temps
ussi,
pénétrée
ar
le
démon,
ne cavité
de sa
poitrine
lui fitrendre
oudain
un flot
de
sang
très
noir
par
la bouche.
Et
coulant
abondamment,
lle arrosa
la terrede
son
sang»
(18).
D'une versionà l'autre,on voit nettementes permanences t les
variantes.
Au
rang
des
permanences,
e tabou
bravé
du
travestissement
des sexes
et
celui
de
la
limite
magique.
Ces éléments
se
retrouvent
dans
de nombreuses
égendes
hagiographiques,
n des
compositions
changeantes.
omme
toujours
orsqu'on
est
dans l'univers
du folklore
et,
plus
encore,
dans le
domaine
du
tabou,
ce
qui frappe,
'est
l'ambi-
valence
des
signes.
D'innombrables
épisodes
des Vies
des
Pères
montrent,
u
contraire,
es
femmes e
déguisant
n homme
pour
entrer
dans
un monastère
t assurer
insi
eur salut
Eugénie,
élagie,
Margue-
rite,
Marine,
toutes
accusées d'avoir
mis
enceinte
une
jeune
fille et
qui devront évoiler eursexepourse disculper 19).La limitemagique
joue
aussi dans les deux sens.
Ainsi,
dans les Miracles de sainte
Frideswida
voit-on
des débauchés
qui
ne
peuvent
pénétrer
dans
le
sanctuaire
mais,
en
retour,
es malades
guéris
dès
qu'ils
en
franchissent
le
seuil
(20).
De
même
Marie
'Egyptienne
e
peut-elle
ranchira
porte
d'une
église
de Jérusalem
ant
qu'elle
est
hantée
par
la
dépravation
mais
elle
la franchit
ans
obstacle
sitôt
repentie
21).
17.
«
Vita
prima
anti
Carilefi
,
éd.
SURIUS,§ 17,
op.
cit.,
p.
39.
18.
«
Miracula
ancti
Carilefi
,
ed.
MABILLON, 12,
op.
cit.,p.
653.
19.
Voir
a
reprise
e
ces
récits
ans La
légende
orée,
ur a tradition
grecque,
oir
E.
PATLAGEAN,
L'histoire
e la
femme
éguisée
n moine
et l'évolutione la sainteté éminine Byzance, Studi Medievali3® érie,
T.
17,1973, .
597-623.
20.
«
Vita
sanctae
Frideswidae
, AASS,
oct.
VII,
§
46 et
44,
p.
578.
21.
«
Vita
sanctae
Mariae
Aegyptiacae
eretncis
, PL,
73,
§
aV-äVII,
col.
681-683.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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26
Enfin,
ans
les
deux versions e la Vie de Calais
la femme st
punie
dans son
corps
mais
c'est
à
partir
de ce
point
commun
que
com-
mencent
es variantes.
La
première
version semble
la
plus proche
de
la
tradition rale
populaire.
La femme est
humiliée,
on
corps
tordu
est
ridiculisé,
a
punition
st de dévoiler
on sexe.
La sanction
est
le
rire,
e
rire
gras
de
la
farce,
de la
gaudriole,plaisanteries
de
mâle
contre le sexe
inférieur,
aillé
comme
un sexe infirme.
On
retrouve es châtiments
e ce
genre
dans de
multiples
égendes jamais
avec une telle
audace. Mais
le
sens
reste
le même. Un
vent
violent,
par exemple, oulève es jupes de femmes oulantentrerdans le sanc-
tuaire où
repose
le
corps
du saint
(22).
Ce rire
conjure
une
peur
et,
là
encore,
règne
l'ambivalence
la
peur
de
la
profanation,
e
la
femme
ui
vient
se
débaucher,
danser ou
se dénuder
dans
les lieux
saints
23).
Le
geste
actifdu
défidevient ne
sanction
ubie,
e
mue en
châtiment.
ans un cas comme
dans
l'autre,
a foule se
range
du
côté
des
voyeurs.
La deuxièmeversion
témoigne
'abord
du
même
déplacement
ue
dans l'affaire
d'Ultrogode.
L'hagiographe
xacerbe le désir
qu'a
la
femme
e voir e
corps
saint
et elle est
punie
par
le
sens
qui
a
péché
la vue. C'est encore
une fois
déplacer
le
désir
coupable
du cœur
de
l'homme vers le regard de la femme.Bien plus, le corps féminin
n'est
plus frappé
de
ridicule,
mais
d'impureté.
e
mystérieux
lot
de
sang
noir
qui
arrose
le
sol,
revers de la
fécondité,
rige
à
coup
sûr
le
sang
menstruel
n
punition
du Ciel.
L'interdit
e
Calais,
puisé
dans la tradition ittéraire
es Pères
du
désert
pour
conforter
ne des
règles
de base
du
monachisme,
éinter-
prété
en tabou
par
la tradition
populaire
sur le mode
grotesque,
trouve
là
une
ultime
réécriture,
mythique,
ui
entre en
résonance
avec
la malédiction
d'Eve. Ce cheminement
e la
légende
semble
s'efforcer
e suivre
mot
à mot
le
propos
de
Georges
Duby:
« Jepenseque ce nousappelons culturepopulaire"est la forme
vulgarisée
de modèles
qui
se
sont formésdans les couches
domi-
nantes
de la société
avant de s'enfoncer
ar
degrés,
n
une diffusion
progressive,
ien
sûr en se
déformant,
usque
sous les soubassements
de
l'édifice ocial.
Je crois à
une sorte de va-et-vient
d'une
part,
l'inexorable
dégradation
de
la culture
aristocratique,
'autre
part,
les constants
empruntspar
la haute culture
aux cultures sous-
jacentes,
par
une tendance
ermanente
u
populisme.
Je
ne
crois
pas
beaucoup
à
la
créativité
aux
niveaux les
plus
bas
de
l'édifice
social
»
(24).
22.
Voir
pièces
nnexes
la
«
Vie de
Jean
Népomucène
,
AAS
,
Mai
III,
§ 24,p.
675 t
C-E,p.
679.Voir
aussi
«
Historia ranslations
.
Cuthberti
,
AASS Mart. II, § 25,p. 133.
23.
Voir
«
Miracula anctiAbbonis
,
PL,
139, 2,
col. 413.
Sur tous ces
aspectsfolkloriques,
oir
C.G.
LOOMIS,
White
magic,
An
introduction
o the
folkloref
christian
egend, ambridge ass.,1958, .
97.
24.Le
Magazine
ittéraire,
89,
nov.
1982,
.
23-24.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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27
Que
subsiste-t-il
e
cette élaboration
lorsque
Robert d'Arbrissel
s'approche
de
Menât,
en
1114?
L'interdit
garde
la même base: les
femmesn'ont
pas
le droit d'entrerdans
l'église.
La
défense est-elle
particulièrement
iée
à
la
présence
d'une
relique
dans le
sanctuaire
L'appel
des
portiers
à
saint
Ménelé
le
laisse
supposer.
Auquel
cas,
Ménelé,
saint
quasi
éponyme
du
lieu,
aurait
récupéré
sur son
nom
et
sur son
corps
le
tabou
qui
lui
est sûrement
ntérieur.
a
tradition
locale
a
simplifié
t radicalisé a sanction
un seul
châtiment,
a mort.
Les trouvailles
raveleuses
u
mythiques
e
Saint-Calais
n'ont
ici
pas
faitfortune.
Pour
passer
de
la
légende
une
approcheplus
positiviste,
l
faut
un
instant 'intéresser
la
configuration
es
lieux et
poser
une
question
de
bon sens
où
les
habitantesde
Menât allaient-elles la
messe
?
Le
tabou
aurait-il u
pour
effet
e les en
dispenser?
On
repense
à
l'oratoireconstruit
pour
les femmes de
la famille de Ménelé. Mais
Mabillon
'a
identifiéomme
Sainte-Marie e
Lisseuil,
neufkilomètres
de
là
(25).
C'est
un
peu
loin
pour
nos
paroissiennes.
'église
de Menât
elle-même,
uoique
fort
endommagée
t restaurée
en
dépit
du
bon
sens,
conserve ses
bases romanes.
On
est
frappé,
l'entrée,
par
la
présence
d'un
porche
mmense,
n date du
XIII*
siècle,
mais certaine-
mentréédifié ur un plan antérieur. a Vie de Théofrède claire cette
particularité
rchitecturale les
femmesdevaient tationner
utour de
la
porte
du
temple
et
ce vaste
porche
es
abritait,
out en les tenant
hors du sanctuaire.
C'est une
enquête archéologique
ur les
porches
d'église qu'il
faudrait
ntreprendre
partir
de
là.
Quel
est
le
statut
de
l'Eglise
de Menât
en
1114 C'est l'abbatiale
du
monastère,
epris
en 1107
par
les Clunisiens
26),
et
sans
doute
aussi
l'église paroissiale.
Notons
que
dans
l'épisode
de
Robert,
e
sont
les habitants
u lieu
-
les
laïcs
apparemment
qui
annoncent
'interdit
à
la
troupe
rrante t
que
ce
sont les
portiers
sans
doute donc
les
moines
qui appellent
a
vengeance
e Ménelé.
La
rigueur
lunisienne
en matièrede clôture 'accommode ortbien de la légendefolklorique.
Comme
d'Ultrogode
Gunda,
voici
reconstituée,
ur
cet
interdit,
ne
union acrée des
traditions
monastiques
t
populaires.
Robert 'Arbrissel
a affaire forte
partie.
La chair et
le
Verbe
Son
premier
défi urait
dû
suffire
lui
assurer a victoire
il fait
entrer es
femmes
ui
ne
meurent
as.
Ordalie
positive
qui
n'ébranle
25.
«
VitaMenelei bbatisMenatensis
,
MGH,
RM,
V,
p.
142,
. 6.
26.
bid.,
p.
130.
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28
en rien les tenantsde
la
superstition,
ant elle
est
ancrée
dans leurs
crânes.Dieu merci Car leur résistance ous
vaut
une
admirable irade
«
Las,
simples
gens,
ne faictes
poinct
n vain telles ottes
prieres
Mais
saichés
que
les sainctz
ne
sont
pas
ennemys
es
espouses
de
JhesusCrist.
Les
femmes
ui
suiventRobert sont en effet es
moniales,
Depuis
quinze
ans,
son ordre
double de Fontevraud st
alors
fondé,
e
qui
ne
l'empêche
pas
de
parcourir
ncore
la
France,
prêchant,
isitant ses
établissements, rospectantpour en fonder d'autres. On peut très
longuement
iscuter
e
sens
de la
promotion
u'il
va
accorder 'année
suivante
à
Pétronille
de
Chemillé,
n la
plaçant
à la tête de l'ordre
et en lui
soumettant
es frères
27)
mais
il
est
hors
de doute
que
ce
début
du XIIe
siècle
correspond
un
essor
mportant
u
monachisme
féminin,
ui
vient
à mon sens
partiellement
ésoudre
a
crise matri-
monialedécrite
par Georges
Duby
(28).
La
défense
de la femme
ntre-
prise par
Robert
va
cependant
bien au-delà
des
seules
religieuses.
A la tradition
ocale,
à
ce
que
le texte
appelle
des
«mensonges
prophanes
et
de
«
sottes
prieres
,
Robert
ppose
«
la
pureté
de
la
foy
catholique
. La tradition ur
laquelle
il
s'ancre,
c'est
l'Evangile;
La
femmequi ouvre aux femmes a voie du salut, c'est Madeleine, a
«
beate
peccatrice
.
Voyez
'insistance ur son lien
physique
u
Christ
«
laquelle
a
baisé les
piedz
du
Redempteur,
t de ses larmes
lavés,
et
de
ses
cheveux
tergés,
t
espandu l'unguent
ur
son
tres
digne
chef
(29).
Dans
la bouche
de
Robert,
cet
éloge
des caresses
a
peut-être
es
allures
de
plaidoyer
pro
domo
On sait
qu'il
a
défrayé
a
chronique
pour
avoir
inventé un
supplice
d'un
genre
nouveau
,
selon
Geoffroy
de
Vendôme
éprouver
a chasteté
en se
plaçant
la
nuit au milieu
des femmes, n partageant
eur
couche (30).
Ce
supplicen'est pas sinouveau que cela. Lui aussi dérivedes Pères du désert,tant il est
vrai
qu'il y
a,
si l'on
peut
dire,
à boire et
à
manger
dans cette
littérature.
assien
raconte
qu'un
ancien conseille à un novice
pour
savoir
s'il a en
lui maté le
désir,
de
prendre
ne
jeune
fillenue et de
la serrer contre
lui
(31).
Robert s'est
livré,
me
quinzaine
d'années
27.
Sur
ce
débat,
oirJ.
DALARUN,
Robert 'Arbrisselt
les
femmes
,
Annales
.S.C.
1984,
°
6.
28.G.
DUBY,
Le
chevalier,
a
femme
t le
prêtre,
aris,
1981.
29.
Luc,
VII,
36-50.
oir aussi
Matthieu, XVI,
6-13
Marc,
XIV,
3-9
Jean,XII,
1-8.
30. GEOFFROYDE VENDOME, . 47, ivre V, PL, 157, ol. 181-184.oir
aussi
les accusations
e MARBODE
DE
RENNES,
p.
6,
PL,
171,
ol. 1480-
1492.
31.JEAN
CASSIEN,
Conférences,
d. et
trad.Dom
PICHERY, I,
Paris,
1958,
.
219.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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29
auparavant,
cette ordalie de la
chair,
où la femme n'est
encore
qu'un
objet,
l'instrument u
supplice pour
être
celui de
la
tentation.
En
1114, Menât,
l
est bien au-delà de cette vision.
«
Qui
est
celuy
qui
oseroyt
ire
qu'il
y
auroict
auculne
eglise
en
laquelle
ne
seroict icite femme
ntrer,
y
par
ses
faultes t
coulpes
ne
luy
estoict
prohibé.
Aux
yeux
de
Robert,
l
n'y
a
plus
la
femme,
'essence de
la
fémi-
nité
il
y
a autantde
cas
que
de
personnes, riomphe
e
l'individualité,
de l'intériorité,e la responsabilité. t on comprend out le sens de
l'invocation
Madeleine la
femme
terrestre
'est
ni Eve ni Marie
elle est
de ces
pécheurs ue
le
Christ st venu
sauver.Mais le combat
n'est
pas
encore
dans sa
phase
décisive.
La
femme st
reconnue omme
conscience
t
pourtant,
obert sent
que
l'obstacle
e
plus
lourd reste
à
lever
l'image
de
son
corps.
«
Qui
est
plus grant
chose,
ou le
temple
materiel
de
Dieu,
ou
le
temple
pirituel uquel
Dieu
habite
Sy
la femme
rent
t
menge
le
corps
et
le
sang
de
Jhesus
Crist,
pensés
quelle
folie
c'est de
croire
ue
ne doibt entrer
n
l'église
»
Au XVI* siècle, ces mots-là uraientdoublement enti le bûcher.
Robert
y prend
pourtant
de front
a
question
centrale,
celle de
la
dignité
u
corps
féminin.l balaie le tabou
d'une
référence
l'Apôtre
la femme st
sacrée,
temple
de
l'Esprit,
tabernacle
de
l'Eucharistie.
L'appel
à saint Paul n'est
pas
sans
poser problème.
Dans
les E
pitres
aux
Corinthiens
le
corps
est
défini omme sanctuaire
spirituelpour
appuyer
eux mises
en
garde
«
Fuyez
a fornication
(32)
«
ne formez
pas
avec les infidèles
'attelage
disparate»
(33).
Bien
plus pertinent
est
ici le mouvement e
VEpître
ux
Ephésiens
(34).
Juifset
païens
(«
vous les
païens
-
qui
étiez tels
dans
la
chair,
vous
qui
étiez
appelés
"prépuce" par
ceux
qui s'appellent
"circoncision",
d'une
opération
pratiquéedans la chair - ) étaientmorts u salut, « vivant elon les
convoitises
harnelles,
ervant
es
caprices
de
la chair et
des
pensées
coupables
.
Mais
c'est aussi
dans la
chair
que
se
joue
le
salut
le
Christ réuni
es
deux
peuples,
détruisant
a barrière
ui
les
séparait,
supprimant
n sa chair
a haine
»
pour
faire
d'eux
«
un
seul
Corps,
par
la Croix
.
Ainsi
es
païens
sont-ils evenus
«
concitoyens
es
saints
,
membres de
la maison de
Dieu
»
qui
a
«
pour
pierre
d'angle
e Christ
Jésus ui-même».
C'est
bien
dans
cette filiation
u'il
faut
replacer
le
discours
de
Robert
lui
qui, après
avoir
pratiqué
au désert
e
mépris
du monde
32./
Cor.,
VI,
18-19 voir
aussi
III,
16-17.
33.
I
Cor.,
VI,
14-16.
34.
Ephésiens
II.
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30
et
du
corps,
par
une ascèse
qui
n'était
pas exempte
e
pélagianisme,
st,
semble-t-il,
rrivé,
u
terme de
sa
vie,
aux
antipodes
de tout
mani-
chéisme entre
la chair et
l'Esprit.
Le
chapitre
II de
YEpître
aux
Ephésiens
'inscrit ans
la
perspective
u salut
mais,
très
précisément,
du
salut
par
la
grâce
tout
se tient.
Cohérence
profonde
ussi
entre
l'évocationde la
«
beate
peccatrice
et l'allusion
à la
Cène la femme
qui
«
prent
t
menge
e
corps
et le
sang
de Jhesus
Crist
est,
comme
Madeleine,
promise
à la
rédemption.
'Eucharistie
célèbre
l'union
au
Corps
du Christ Béthanie
35).
Cette audacieuse défensede la femme- conscienceet chair -
dépasse
de fait
son
objet.
Rien
de tout
cela
qui
ne
puisse
aussi
s'appliquer
ux hommes
35).
Robert
renouvelle sa
manière
'antique
idée
le
salut
est venu
au monde
par
la
femme
en
elle,
il
a
pris
corps.
Mais,
comme
e Christ
risant es
barrières ntre
uifs
et
païens,
Robert
ne connaît
plus
de frontière
ntre
les sexes.
André
Vauchez
définit a
spiritualité
spécifique
d'une
époque
«
comme
me relation
ntre ertains
spects
du
mystère
hrétien
arti-
culièrement
mis en valeur
...]
et des
pratiques
lles-mêmes
rivilégiées
par rapport
d'autres
pratiques
possibles
de
la
vie
chrétienne.
'Ecri-
ture
sainte,
n
effet,
éhiculetant
d'éléments
ivers
que chaque
civili-
sation est amenée à y opérerdes choix,en fonctionde son niveau
de culture et
de ses besoins
spécifiques
(36).
Ajoutons
qu'au
cœur
d'une
même
époque,
des sensibilités
parfois
contradictoires
e diffé-
rencient
e la
même manière.
Au-delà
de
l'anecdote,
'affaire
e Menât
illustre e
propos.
Car les
deux
images
antinomiques
e la
femme
qui
s'y
affrontent
nt
bel et
bien
puisé
à
la
même
source,
celle des Pères
du Désert.
Or,
dans
la
tradition
même des
Pères,
a fuite
perdue
oin de la
femme t
le test
de la
couche
partagée
procèdent
d'une
même ascèse et
n'en sont
que
les
deux
temps
successifs
après
l'entraînement
ui
fait taire
le
désir,
le
combat, orps
à
corps,
a
preuveaprès l'épreuve.
Robert
ui-même
brise son corps au désertde Craon, tout comme Calais ou Ménelé
dans leurs
solitudes,
vant d'aller
affronter
e feu de
la chair.
Robert
aurait
pu,
à
certains
moments
de sa
vie,
faire à
une
Ultrogode
a
même
réponse
que
Calais,
mais
il
ne
pourrait
supporter
e
sort
de
Gunda.
C'est
là où
deux
courants
se démêlent.
Dans
le tourment
ingulier
t
la
culpabilité
ui l'agitent,
e fondateur
de Fontevraud
etrouve
e sens
premier
de l'interdit
e Calais et
de
la
rigueur
du
monachisme
riental
que
la tentation
ousse
l'homme
vers e
corps
de
la
femme,
ertes
Mais
le
moteur
n est dans
le
cœur
de l'homme.
Confrontée
la défiance
monastiquepour
la
chair,
tra-
35.
Je
remercie
. Sot
de m'avoir
ait
part
de
ces réflexions.
36.
A.
VAUCHEZ,
La
spiritualité
u
moyen
âge
occidental
VIIIe-
XIIe
siècles),
aris,
1975,
.
6.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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31
vaillée ainsi
par
de
confuses dées de
culpabilité,
a
culture
folklorique,
suivant on
économie
propre,
xtrapole,
u sens
strict le
corps
de la
femme,
e
corps
différent
ui
fait
rire
parce qu'il
fait
peur,
qu'on
redoute
parce qu'il
attire,
ortera
'impureté
ont on
discuple
ainsi le
mâle. Cette
malédiction e
consolera
-
mal sans doute
-
de l'infé-
riorité
u'il
ressent
n matièrede fécondité.
L'Ecriture
lle-même ournit
a manne à
chacune des
deux sensi-
bilités Madeleine
pour
les
uns,
Eve
pour
les autres
pour
ne rien
dire
de
l'ambiguïté
es
Epitres
de Paul ou du
personnage
même de
Marie.Mais opposer ci,bloc contrebloc,une culturepopulaire t une
culture avante tiendrait e
la
mauvaise
foi.
Plus d'un
prélat
contem-
porain
de Robertbrode
avec
une
incroyablemisogynie
ur
le thème
de
la
malédiction 'Eve
(37)
tandis
que
le
peuple
et,
au
premier
rang,
les femmes
es
plus
méprisées
pour
avoir
vendu
leur
corps,
suivent
Robert
sur
le chemin
du
salut.
A des déterminations
ociales
de
l'image
de la femme se sont
superposées
aux
XP-XIP
siècles,
des
stratégies
ecclésiales.
L'Eglise
post-grégorienne
xploite
ce
que
les
Ecritures t
la Tradition
ui offrent
our
monachiser
es clercs sécu-
liers et les détacher
de la
femme tentatrice.
Elle entre
ainsi
en
résonance vec
les forces
obscures
de la
culture
folklorique.
Robert,
dans un mouvement e balancier, ompenseces outrancesdu temps
par
ses
propres
udaces. Mais
au-delà
du
clivage
socio-culturel
t des
divergences
astorales,
deux
sensibilités
e font
our
et
s'affrontent
celle
du bouc-émissaire
t celle
de la conscience.
Pour
en revenir
n
guise
de conclusion
l'anecdote
ui
nous
a
guidé,
quel
fut,
dans
ce
cas,
l'issue du
combat
La reconstruction
Menât
d'un
porche disproportionné,
n
plein
XIIIe
siècle,
laisse
songeur
sur
l'extinction
otale
de
la
superstition
dont se vante
Tiagiographe
e Robert.
Ecrite
au
XIe
siècle,
a
Vie
du
voisin
Théofrède
rouve
que
l'interdit,
ême si certains
ommençaient
à le trouver ésuet, tait
encore à
cette
époque
bien
vivace.
Quant
au
sermonde Robert, ensurépar l'ordrede Fontevraud vec toute a fin
de
sa
Vie
il
est
resté
usqu'à
ce
jour
inédit,
umière
cachée
sous
le
boisseau.
Paradoxalement,
'est à
Saint-Calais
ue
la
coutume
dut
s'éteindre
le
plus
tôt Robert
n'y
est
pour
rien.
Les
reliques
du
fondateur
n
furent
éplacées
dans
la dernière
moitié
du IX* siècle.
Elles
réinté-
grèrent
'abbatiale
à la
période
moderne,
rop
tard sans
doute
pour
ressusciter
a
légende.
Sur
l'autel
où
reposent
es restes
du
corps
jadis
interdit
ux
regards
des
femmes,
n
a
aujourd'hui
placé
un
cahier
pour
nscrire
es intentions
e
prière.
nstinctivement,
es cœurs
se sont tournésvers le saint mérovingiensaint Calais exauce-nous
Au milieudes
oraisons
pour
l'obtention
u
permis
de conduire
t
pour
37.
Voir
en
particulier
a
lettre
e
Marbodede Rennes
itée ci-dessus.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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32
le retour
de
l'être
aimé,
des
gamines
sont
venues,
n
bande,
exprimer
leurs
désirs
les
plus
chers
avoir
le
C.A.P. et
un
petit
ami
pour
la
boum
du samedi
suivant.
ronie de
l'histoire
et ultime
avatar
d'un
dialogue
de sourds.
Réveillant
e
temps
d'une
colère les
échos
concentriques
de la
mémoire
es
siècles,
notre
ffaire
e
Menât
a,
il
faut
bien
l'avouer,
es
allures
de
coup
d'épée
dans
l'eau.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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Alain SAINT-DENIS
SOINS DU CORPS ET
MÉDECINE
CONTRE LA SOUFFRANCE A
LHOTEL-DIEU
DE LAON
AU
XIIIe
SIÈCLE
*
Exaltation
de
la souffrance
et médecine
impuissante
Le
Moyen
Age
classique
a mauvaise
répu-
en
matière de
lutte contre la
souffrance u
corps.
Cela
tient à deux
idées
cesse
reprises
celle
de la
souffrance
édemptrice
celle
de l'im-
puissance
des
médecins
médiévaux sou-
ou
«
Je
rends
grâce,
Seigneur
Dieu,
pour
toutes ces douleurs
que j'éprouve, e
te
demande, monSeigneur, e m'enenvoyer entfois
plus
encore si tel est
ton bon
plaisir
».
Cette
prière
m de
saint
François
d'Assise,
diffusée
argement
vec les
descriptions
e ses
tourments
1)
est considérée
par
beaucoup
comme
particulièrementaractéristique
u
mépris
du
corps propre
à
cette
époque.
Elle
exalte,
n
effet,
'idée d'une
souffrance
ranscendée
ar
la
prière
et
l'adoration,
moyen
de
partager
e
Mystère
u Calvaire
et de
participer
l'œuvrede
Rédemption.
Cette attitudeface
à
la
souffrance,
a de
pair
avec
la
réputationd'incompétencedes médecins apparemmentB démunisde
moyens
érieux
pour
combattre a maladie et
la
douleur. Ceux-ci
eraient absents des
hôpitaux
décrits
comme de
simples
asiles où étaient
reçus
indistinctement,
pauvres,
ieillards,
andicapés, èlerins
t malades.
L'hôpital,
institution
cléricale,
n'aurait donc
pas
offert
VF
d'autre
moyen
de vaincre
a
souffrance,
ue
la
prière
ssidue
et
la
participation
ux saints
offices élébrés au
chevet
des
W
malades.
m
L'incapacité
soigner
es
corps
aurait été
compenséepar
une
w
vie
spirituelle mniprésente.
*
Cet article
reprend uelques
conclusions e
ma thèse
L'Hôtel-Dieu
de Laon
(1150-1300),
nstitution
ospitalière
t
société
publiée
ux Presses
Universitaires
e
Nancy
n
1983,
nrichie
'études écentes ur les manus-
critsmédicaux
aonnois.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 36/128
34
Ces
conceptions
ommunément
dmises fournissent
es
arguments
à ceux
qui
taxent
le
Moyen
Age
classique
d'obscurantisme
et
d'inhumanité.
Les sources
de l'histoire
hospitalière
:
un monde à
explorer
A y regarderde près,l'hôpitaldu XIIIe siècle est mal connu.On
ignore
eaucoup d'aspects
de
la
vie
quotidienne
es
assistés
et,
fortiori,
des
égards
réservés
u
corps
malade
et souffrant.
La
documentation
ermettant
'approcher
ette réalité
ne
manque
pourtant
as,
même
si
les
longues
séries
de
registres
e
comptes
qui
éclairent
e
fonctionnement
es
établissements
ospitaliers
es XIV*
et
XVe siècles
n'existent
as pour
le
XIII*.
On
a,
cependant, égligé
es
collections
de titres
de
propriétés, 'y voyant
qu'une
source
classique
de
l'histoire
u domaine.
L'attention
'est surtout
portée
sur
les
règle-
ments des communautés
hospitalières
et,
plus
récemment,
ur
les
donnéesde l'archéologie 2).
L'Hôtel-Dieu
de Laon
a
conservé
dans
ses
archives,
un
peu
moins
d'un
millierde titres
1180-1280)
t
il
subsiste
d'importants
estiges
de
ses
bâtiments
u
XIIe siècle.
A
cela
s'ajoutent
quinze
manuscrits
médicaux
(IXe
-XV*
siècle)
ayant
appartenu
ux chanoines
du
chapitre
cathédral,
es
fondateurs
et
patrons
3).
La
conjonction
e
ces sources
variées révèle
a
qualité
d'un
accueil
différencié,
dapté
aux différentes
atégories
d'assistés
et l'existence
d'une
pratique
efficace
e la
médecine
4).
1. F.O.
TOU
ATI,
«
François
'Assise
t
la
diffusion
'un modèle
héra-
peutique
u
XIIIe siècle dans
Histoiredes
sciences
médicales
T.
XVI,
n*
3,
Paris
1982,
.
175-184.
2.
M.-Th.
ACROIX,
'hôpital
aint-Nicolas
u Bruille
de
Tournai,
e
sa
fondation
sa
mutation
n cloître 1230
nv.-lóll.
ouvain,
977, vol.,
Publications
e
l'Institut
'Etudes
Médiévales,
e
série,
n°
1.
3.
L'ensemble
es manuscrits
st
conservé la
Bibliothèque
unicipale
de
Laon.
Ms
147,
03, 07,
12 426
bis.
Inventaire étaillé
ans
A.
SAINT-
DENIS,
op.
cit.,p.
21-2.
4. Cette
onjonction
'est
pas
rare,
M.
MOLLAT,
es
pauvres
u
Moyen
Age, aris,1979, . 116, ignale ue
«
un
nombre
on
négligeable
e manus-
crits médicaux ctuellementonservésproviennente bibliothèque e
chapitres
uprès
desquels
onctionnaient
es
hôpitaux
'unecertaine
mpor-
tance
. Voir
aussi
A.
SAUNIER,
es
malades
dans les
hôpitaux
u
Nord
de
la France
la
fin
du
Moyen
Age,
v. 1200-v.
500,
hèse
de Doctorat
d'Etat
dactylographiée,
aris,
1982.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 37/128
35
Un
accueil différencié des assistés
Le
préambule
de
la
Règle
des
Hospitaliers
de Saint-Jean e Jéru-
salem
présente
'assisté comme un
prince
à
qui
l'on doit servir ce
que
l'on
peut
trouver
de
mieux,
car
le Christ
vit
en
lui. Ce texte
représentatif
e
l'esprit
charitabledes
XIIe
et
XIIIe
siècles
a
connu
un
succès
considérable t
a
imprégné
n
profondeur
e mouvement
de
renaissance
des établissements 'assistance dans
toute
l'Europe.
Jacquesde Vitry 'est plu à souligner es efforts éalisésdans le sensde la
qualité
des services
par
nombred'institutions
5).
La recherche
du
bien-être
hysique
des assistés
est
donc
générale.
A
Laon,
toutefois,
apparaît
une
préoccupation supplémentaire
celle de
séparer
les
malades des
autres
assistés. Une salle
particulière
eur est réservée
ainsi
qu'un
traitement
articulier.
A l'entrée
de
l'établissement,
n
distingue
es malheureux
qui
peuvent
tre
secourus
par
une
simple
distribution e
nourriture
u de
vêtements,
eux
qui
doivent être
simplement
hébergés
-
pauvres,
pèlerins
et
vagabonds
-
et
ceux
qui
souffrent,
écessitant
des soins
particuliers.
Le plan des deux hôpitauxconstruits ar les chanoines de Laon
en
1177 t
1273
orrespond
ces
besoins.
On
trouve
dans les deux cas
une
salle de
malades
-
«
gisants
-
et une salle des
pauvres
-
«
passants
-
.
Fin
XIIIe
siècle,
vinrent
'ajouter
des chambres
particulières
tilisées
par
les malades de
marque
bourgeois,
lercs et
nobles
gravement
tteints
6).
Le
bien-être des malades
Les salles de malades de l'Hôpital de Notre-Damede Laon se
présentaient
omme
deux
vastes nefs
hautes
de
plafond.
La
première,
construite
ers
1170,
utilisée
usqu'en
1209,
pouvait
recevoir de
20 à
40 malades dans un
volume
de
1 100 m3
(fig.
1
et
2)
(7) ;
la
seconde,
construite
près
1273 et utilisée
usqu'en
1806
permettait
'accueillir
5. L.
LE
GRAND,
tatuts
ď Hôtels-Dieu
t
de
léproseries
recueilde
textes
u
XII*
au
XIV
siècle,
Paris
1901,
.
15.
6.
G.
MONTIGNY,
Les
comptes
de
l'Hôtel-Dieu
e
Laon,
1389-1400,
Mémoire e Maîtrise, eims, 972, . 100 q.
7.
L'hôpital
u
XIIe
siècle
comportait
eux
niveaux.
u
bas,
se
trouvait
la salle
des
passants
«
transeuntes
),
voûtée
d'ogives.
Au-dessus tait la
salle des malades
L.
21,50m,
1.
10,50m,
h. env. 5
m).
Le bâtimentssez
bien conservé
st
en cours de
restauration.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 38/128
36
Fig.
1
L'Hôtel-Dieu
e
Laon
vers 1180.Au
rez-de-chaussée,
a salle
des
passants
au
dessus,
a salle des
malades,
ien éclairée.
On
remarque
es
niches
reusées ans
e mur
t
correspondantchaque
it.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 39/128
37
Fig.
2
L'Hôtel-Dieu,
onstruitn 1167.
açade
récemmentestaurée
ar
les
Monumentsistoriques.
Fig.
3 Plan
de
1
Hotel-Dieu,
onstruit
la
fan
u
XIIIe
siècle.On retrouvea
séparation
oulue ntre
es malades t les
autres
atégories
'assistés.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 40/128
38
60
à
80
personnes
ans
un volume
pproximatif
e
5
000
m3
fig.
)
(8).
Les
fenêtres,
xposées
au sud dans
l'une
et
au sud-est
dans
l'autre,
diffusaientne lumière
douce.
Les murs étaient
couvertsde
fresques
et
de tentures
eintes.
Le
sol
dallé,
maintenu rès
propre,
tait
onché
d'herbes
odorantes.
Les
lits,
placés
contre es
murs,
taient
lignés
perpendiculairement
au
grand
axe
des salles.
Au
XII*
siècle,
ils
étaient
séparés par
de
petites
llées de un
mètre nviron.
la
tête
de chacun d'eux
se trouvait
une nichecreusée
dans le
mur
qui pouvait
recevoir
emèdes,
ampes
et
effets ersonnels e chacun des malades (9). L'écartementntre deux
niches
suggère
'utilisation e lits d'environ
,40
m
de
large.
A
la findu XIII*
siècle,
es lits
furent
roupés
par
deux dans des
sortes d'alcôves
peu profondes
10).
D'autres
pouvaient
être
disposés
dans
la
partie
centrale
de la
nef,
ce
qui
laissait encore de
larges
allées de
circulation.
Chaque
couche de malade
était
dotée
d'un sommier t
d'un
matelas
de
laine,
d'un
matelas
de
plumes,
de
draps
de laine et
de toile
fine,
de couvertures e
laine,
de couvertures oublées
de
fourrure,
'un
édredon de
plume,
de
plusieurs
oreillers et
de
coussins
décorés
(cussini
picti
pour
maintenir
e
patient
en
position
confortable
11).
Au pied de la couche,étaitplacé un coffre ecevant es vêtements
et le
linge
propre.
l
y
avait,
de
plus,
quantité
de bibelots
boîtes,
coffrets
écorés, vaisselle,
objets personnels
offerts
par
des
bien-
faiteurs,
ui
devaient donner
une touche d'intimité
t
de
confort
rassurant
une si vaste salle
(12).
En
hiver,
a
température
tait adoucie
par
des
cheminées
monumen-
tales alimentées n bois sous
la
responsabilité
e
la
maîtresse. 'éclai-
rage,
très
coûteux,
faisait
'objet
de fondations
articulières.
ertains
bienfaiteurs hoisissaient
e financer 'entretien
'une
ou de
plusieurs
lampes
à huile
mobiles,
lacées
au chevetdes malades es
plus
atteints.
D'autres finançaient'entretien es veilleusesqui éclairaient a salledurant oute a nuit 13).
7. Cette alle n'est
onnue
ue par
le
plan
dressé n 1926
ar
l'architecte
des
Monuments
istoriques
. HANROT. rch.
Aisne,
iroir 9.
Dimensions
50
m,
10,20m,
10 m.
9. Ces
niches,
écouvertes
ors des
travaux
e
restauration enés
par
M. A.
GIGOT,
architecte
n chef
des
Monuments
istoriques,
ont au
nombre e
10 sur
la
paroi
sud,
seule ntacte. eurs dimensions
1.
0,80
m,
h.
1,05m,
p.
0,30
m.
10.
Les alcôves ont
dessinées ur e
plan
de L.
HANROT
ui
a reconnu
un appareil e la findu XIIIe siècle.11.Arch.Aisne,nombreuses éférencesHôp. Laon (1259)B 20, 12
(1266)
B
80,
6
(1273),
A
2, 481,
ntre utres.
12. d
(1278)
B
81,
24.
13. d.
(1229)
A2 93 et G
1851,
» 49.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 41/128
39
Sans aller
jusqu'aux
descriptions
dylliques
de
Jacques
de
Vitry,
évoquant
atmosphères
arfumées
t
pétales
de fleurs
onchant
e
sol,
on
peut
affirmer
ue
les
hospitaliers
aisaientdes efforts
méritoires
pour
offrir
ux
pauvres
malades un
peu
du
confort
d'une
maison
bourgeoise
de
l'époque.
La
nourriture
es
«
gisants
était
l'objet
d'attentions
outes
parti-
culières.Les fondateurs e
pitances
distinguaient
es rationsdes
«
pas-
sants»
de
celles,
plus
riches,
des malades. Ces
derniersn'étaient
pas
nourris seulementde
pain,
de
vin
et
de
soupe
(14)
mais aussi de
viandesfines, e poissonet de légumesfrais. Certainsrichesperson-
nages
ont
légué
à leur
usage
exclusifdes
pièces
de
vignes
dont le
vin
était
d'une
qualité réputée.
ls
ajoutaient
même cuve
de
stockage,
tonneau,
hariot t animauxde trait
pour
e
transport,
fin
ue
le nectar
ne
soit
pas
mêlé à d'autres
vins et
conserve es
qualités
propres
15).
Les
dépenses
considérables
ngagées
pour
l'achat de
nourriture e
sont
pas
seulement ne manifestation e
naïve bonne volonté.
On ne
gavait pas
les mourants
our
leur
faire oublier eur
malheur n vertu
d'un
élémentaire
principe
de
compensation.Chaque portion
était
distribuée
n
fonction
e l'état
physique
du
malade et cela
se faisait
sous
la
responsabilité
e
la
maîtresse,
ur les indications
u
chanoine
médecin.L'alimentation es malades obéit à des règlesde diététique
et
répond
ux nécessités
du traitement
médical
prescrit
16).
Hygiène
et
dignité
du
corps
Les sœurs et les
converses
de
la communauté
ospitalière
vaient
pour
tâche
essentielle
e maintien de
la
propreté
des lieux
et des
assistés.
Toute
personne
dmise
dans la
salle des
malades
était
soumise,
dans
un
vestibule
de
véritables
ites
d'entrée,
estinées
purifier
on
corpset son âme. Dépouilléede ses vêtements,lle était d'abord avée
puis
revêtue
'ime
chemiseblanche.
Elle
recevait
lors
le sacrement
e
pénitence.
Cet état
de
pureté
était
maintenu
par
des soins
matériels
attentifs
utant
que par
des
confessions
épétées.
Ce souci
de
préserver
hysiquement
t moralement
a
dignité
des
malades
va de
pair
avec
la lutte
contre
a
maladie et
la souffrance.
14.
Ces
produits
ont a base
de la nourriture
es
«
passants
,
id.
B
63,
f° I.
15. d. (1241)A2 84,f° 55 et (déc. 1244)A 2 348,f° 170r°.
16.
«
Puisque
la maladie
est un
déséquilibre
es
humeurs,
'est en
restaurant
'harmonie
rimitive
l'aide
de
pratiques
douces,
d'aliments
appropriés
ue
l'on
retrouveraa
santé .
M
J.
IMBAULT-HUART,
a Méde-
cine au
Moyen
Age,
Paris,1984, .
33.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 42/128
40
La
lutte
contre
la
souffrance
Les manuscrits
médicaux
annotés localement
depuis
le
IXe
siècle,
la
réputation
e l'école
cathédrale
n
matière
de
médecine
et
la
liste
connue
des
chanoines
médecins
prouvent
que
l'art
de
guérir
était
enseigné
t
pratiqué
à
Laon,
dès
le
Haut
Moyen
Age
(17).
Les chanoines
médecins
ui,
selon
Hermann
de
Tournai,
oignaient
les
malades
au
long
des
processions
de
reliques,
ont exercé
leur art
dans l'hôpital apitulaire.
'examen
des
manuscrits
adis
en
leur
posses-sion et, surtout,des annotationsqui s'y trouvent, émoignent e
l'efficacité
e leurs
pratiques.
Les textes
utilisés
par
les
médecins
de
Laon
appartiennent
deux
catégories.
En
premier
ieu,
on trouve
es
grands
classiques
d'Hippocrate
t
de
Galien
accompagnés
de
commentaires
es
maîtres
de
Salerne
Cons-
tantin 'Africain
t
Gérard
de
Crémone.
Quatre
volumes
groupent
es
extraits
'Avicenne,
braham
e Juif t
Averroes
insi
que
le traité
de
médecine
éminine e
Trotula*
18).
Ces
ouvrages,
ont a
plupart
ont
théoriques
nt été
utilisés
pour
'enseignement
t
l'étude.
ls
présentent
de nombreuses
nnotations
ervant
u
repérage,
mais aussi
des
réflexions
personnelles,es remarques ritiques t des corrections19).
Cet ensemble
st
complété
d'une collection
de traitésde
diététique
et
de
matière
médicale.
Certains
d'entre
eux
sont
présents
dans
les
collections
es chanoines
depuis
le
IXe
siècle,
comme,
par
exemple
e
«
De
Medicamentis
de
Marcellus
de
Bordeaux
qui
contient
700 for-
mules de
remèdes
20).
Au XIIIe
siècle,
la collection
'est
enrichie
d'un
«
Thesaurus
pau-
perum
et
d'un
«
Liber de
Practica
de
Roger
de
Barone. Tous
portent
aussi des
ajoûts
et
des corrections
ui prouvent
ue
leur contenu
été
mis
à
l'épreuve
de
l'expérience.
nfin,
ujourd'hui
relié à
un traité
de
philosophie,
n
petit
aide-mémoire
u
praticien,
crit
au
XIIIe
siècle,
fournit'essentiel e la symptomatiquet de la matièremédicaleainsi
que
des
recettes
ourantes
21).
*
On
trouvera
eproduit
es
enluminures
u manuscrit
13 de la
Biblio-
thèque
municipale
e
Laon,
n tête
de
l'avant-propos
e ce
numéro,
u début
du
présent
rticle
«
Un
médecin
rend
e
pouls
d'unmalade t
lui administre
une
potion
)
et
à la
fin e
l'avant-propos
«
Malade
présentant
es
symptômes
de
coliques épatiquesiguëes ).
17.J.
CONTRENI,
The formation
f
Laon cathedral
ibrary
n
the
ninth
entury
dans Studi
Medievali
1972,
.
919-39
t,
du
même,
The
cathedral
chool
of
Laon,
850-930.
ts
manuscripts
nd
masters,
München,
1978.
18.
B.M.
Laon,
ms
412,
14,
18.
Trotula:
ms
417 f°
27
r°.
19.
Ms
415 t
417.Corrections
renant
n
compte
autres
xemplaires
u
même uvrage,mises u pointdonnantu sujetd'uneanalyse,es concep-
tions
des
autres
grands
uteurs.
x. ms
413
«
queritur
e
hoc
quod
dicit
Avicenne
uper
hoc
,
f° 17.
20.
B.M.
Laon
ms
420.
21. B.M.
Laon,
ms
418
et
147
°
198
q.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 43/128
41
Les
signes
t annotations elevésdans les
traités e matière
médicale
montrent
ue
les
médecins aonnois n'ont retenu
que
les formules
d'intérêt
hérapeutique
ertain.
Ainsi,
dans le
Marcellus
ont-ils
prouvé
430
recettes
qui,
jugées
efficaces,
nt été
regroupées
par
spécialités
dans
des
manuels
abrégés
(22).
L'étude
des
recettes utilisées
par
les
médecins
laonnois
apporte
quatre
certitudes
1.
«
La
formemédicamenteuse
st
déjà
élaborée
(F. Vial).
Si l'on
ignore
es
cachets
et les formes
njectables,
outes
es
autres
présen-
tations ontrecommandéessuppositoires,vules, ollyres, e formules
souvent
très
délicates,
onguents,
pommades,
collutoires,
avements,
pastilles,
tc.
2. La
pratique
'étend tous
es domaines
de la
médecine,
to-rhino-
laryngologie,
neumo-phtisiologie,astro-entérologie,
ynécologie
t der-
matologie,
vec une nette
prédilection our
la
médecinede
la tête
et
des
yeux.
3. La
maîtrise
pragmatique
es
principes
ctifs,
minéraux
u
végé-
taux,
s'avère
remarquable
et
plusieurs
recettes
prouvent
a connais-
sance
empirique
e l'interaction
édicamenteuse.
ans
le
chapitre
XXI
consacré aux
maladies de
cœur,
a recette
6
déconseille
a consom-
mationd'alimentsgras en mêmetempsqu'un remèdeaux propriétés
veinotropes,
base
d'aiguille
de
pin.
Il est connu
aujourd'hui
que
les
flavones
ontenues ans
l'aiguille
de
pin
sont
mal absorbées
n
présence
de
corps
gras
(23).
4. L'action des médecins
aonnois n'est
pas
seulement
pronostique
ou
diagnostique,
lle s'avère nettement
hérapeutique
t
prend
en
compte
au
premier
hef
a
souffrance
u malade.
Evoquée
en
termes
trop
généraux
our
être
significatifs
ans
la
documentation
ospitalière
proprement
ite
(24),
la douleur
du
corps
est
désignée
avec
précision
dans
le
lexique
médical comme
dans les livres
de
recettes.
Dolor ou labor sontremplacésdans les cas aigus par maleficio uacuta
passio.
La forme
rise par
la souffrancest quelquefois ndiquée
par
les mots
spasmus
ou
contractio
25).
La
prise
en
compte
de la souffrance es
patients
a
pour
consé-
quence
l'usage
fréquentd'analgésiques,
d'antispasmodiques
t d'anes-
22.
B.
MERLETTE,
F.
VIAL,
R. RULLIERE
«
Le
Marcellus
e
Laon,
observations
aléographiques
t
critiques
dans Histoire
es
Sciences
Médi-
cales t.
XIV,
n°
1,
Paris,
1980.
23. F.
VIAL,
B.
MERLETTE,
R.
PARIS,
Cl.
ROUSSEL,
R.
RULLIERE,
«
Les
recettes etenues
ar
les
Laonnois,
bservations
médicales dans
Histoire
es Sciences
Médicales
t.
XIV,
n°
1, Paris, 980, .
61-8.
24.Les malades ontdésignés ar les termesnfirmidebiles, grotantes,
jacentes,
u
languentes,
eux
qui
rédigent
eur testament
l'hôpital
ont
dits
«
jacentes
n domo
Hospitale
uaaam
infirmitate
erentus
ou
«
labo-
rantes
n extremis
.
25.Ms
147,
° 198
q.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 44/128
42
thésiques
locaux.
Pour traiter
les toux
laryngées
douloureuses
on
prescrivait
ne
préparation
base de
lierre.
Celui-ci,
n effet
ontient
de la
saponine
aux vertus
ntispasmodiques.
e
pas
d'âne utilisé
dans
le même
cas
contient
ne
lactonedont es
effets
ntispasmodiques
ont
supérieurs
ceux de
la
papavérine
26).
L'opium
entredans
la
compo-
sition de nombreux
remèdes,
insi
que
la
jusquiame
(recommandée
contre es
douleurs
de rein
et de
vessie),
e marrube
t
l'hysope
contre
les
maux
d'estomac) 27).
Malgré
es
insuffisances
raves
du
savoir
médical,
es
pratiques
ssues
de l'expérience e générations e médecinsgrecs,romains,byzantins,
arabes et locaux
ne
peuvent
tre tournées
n
ridicule.Les donations
réalisées
en faveur
de
l'Hôtel-Dieu
de Laon
par
d'anciens malades
guéris
ppartenant
toutes
es
catégories
ociales
et venus
de
tous
les
points
du
diocèse,
uffisent
en
prouver
'efficacité
28).
Tous ces
efforts
aits
pour procurer
ien-être,
oulagement
t
guéri-
son
du
corps
malade
étaient
accompagnés
d'une
vie
spirituelle
de
grande
ualité
destinée
rendre
u
«
gisant
sa
dignité
t
donnant la
souffrance
t à
la
pauvreté
une
valeur
noble.
Cependant,
ie
spirituelle
et
soins
du
corps
forment
n tout harmonieux.
a
souffrance,
uelle
que
soit
la
valeur
spirituelle
ui
pouvait
ui
être
donnée,
était
consi-
dérée comme 'expression u mal et combattue ans équivoque,avec
tous
les
moyens
dont
on
disposait
alors.
Si l'on
admet
que,
de nos
jours
encore,
'hôpital occupe
une
place
particulière
ans
la vie
d'une communauté
humaine,
révélant avec
acuité
les
tensions,
es
angoisses
et les
équilibres qui
y
régnent,
l'hôpital
de
Notre-Dame
e nous
livre
pas
de
la
société laonnoise
au
XIIIe
siècle,
une
image
pleine
de
pessimisme
et
d'inhumanité
29).
26. F.
VIAL, p. cit.,p.
65.
27.
biâ.t p.
67.
28.
Arch.
Aisne,
Hôp.
Laon
parmi
es documents
voquant
es
paysans
de
villages
ointains enus
recevoir es soins à
l'Hôtel-Dieu,
n
dépit
de
la
présence 'hôpitaux
ans
les
bourgs
voisinants,
n
peut
citer: A2
245,
î°
124;
A2
79,
f°
50
r° A2
358,
f* 174
v° A2
357,
174 r
A2
373,
f°
179,
tc.
pour
les autres
catégories,
e
reporter
mon
livre, p.
cit.
cartep. 116 t références. 117-8.
29.
Une
enquete
renant
n
compte
es memes
ypes
e documents
our
des établissements
e même
mportanceermettrait
eut-être'élargir
es
conclusions.
es
travaux
'A.SAUNIER
v.
note
)
tendraientles confirmer
pour
une
époque
égèrement
ostérieure.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 45/128
Dominique
de COURCELLES
LE
CORPS DES SAINTS
DANS
LES
CANTIQUES
CATALANS
DE
LA FIN DU MOYEN AGE
Tels
que
nous les livrent es
manuscrits atalans de la findu
Moyen
Age,
es
cantiques
des
saints
bien loin d'occulter
'existence
e la
chair
ne cessentde
rappeler
on
importance
ans le
comportement
umain,
qu'il
s'agisse
de la démarche
scétique
des saints ou
de
celle,
misérable
et
souffrante,
es
populations.
Les
cantiques
des
saints,
véritables
morceauxde
littérature
agiographique,
mettent n effet
n
parallèle
les
exploits
de saintetéet les humbles
besoins
des
hommes
qui
sont
éprouvés
par
la
faim,
es
intempéries,
es
maladies
et la
mort.
Le
corps apparaît donc comme une évidence en lui s'incarnent es
croyances,
es
peurs,
es désirs.
l
est le lieu
par
excellencede
l'expé-
rience vécue. Présent
par
ses
manifestations,
l
est
présent
dans
le
discours.
Comment
'expriment
lors
la
dévotion t la
piété
en
Catalogne
D'une
façon générale,
la
fin
du
Moyen Age,
a
religion
emble être
l'affaire es laïcs et
les
pratiques
'effectuentans un
contexte
hrétien
assez
homogène
t orthodoxe. es
fidèles es
plus
zélés
prennent
es
initiatives
riginales,
e
regroupant
n
confréries
vec
les clercs.
Les
Ordres mendiants rès influents nt certainement
oué
un
grand
rôle
dans le
développement
e
la
production
agiographique.
es
premiers
recueilsde cantiques ou goigs (joies en langue catalane) conservés
encore
aujourd'hui
contiennent e nombreux
antiques
en
l'honneur
des
saints
mendiants,
urtoutdominicains. ette littérature st cléri-
cale,
certes,
mais la culture
folklorique
'en
est
pas
absente. L'intérêt
pour
les réalités
tangibles
du
monde,
'attachement u vécu
quotidien
et
au
pittoresque
e manifestent ans
beaucoup
de
domaines.
Sources
utilisées
Il s'agitd'un ensemblede deux centscantiquesenviron, egroupés
en recueils ou écrits sur de
simples
feuilles,
ous
rédigés
en
langue
catalane
et
datant essentiellement u
XVe
siècle et du
début du
XVI*
siècle. Ces
cantiques appelés
cobles
(couplets)
ou
goigs (joies)
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 46/128
44
s'apparentent
des récits
hagiographiques
plusieurs
sont
encore
chantés t donc
opérationnels
ujourd'hui.
Cette étude se fonde
princi-
palement
ur deux
recueils le
ms. 3 et le ms.
1191
de
la
Bibliothèque
de
Catalogne
Barcelone.
Les
corps
mortifiés
Les livres de dévotionde
la
fin
du
MoyenAge
en
Catalogne
citent
fréquemmentt abondamment ne œuvrede saint Jérôme ntitulée
L'escala
per pujar
al cel
dans
laquelle
figure
e
texte
suivant,
très
commenté
ar
les
prédicateurs
«
Saint
Paul dit
qu'il
n'est
pas possible
que
ceux
qui
vivent elon
la chair
puissent
plaire
à Dieu...
car Jésus
Christ
dit si vous vivez selon
la chair vous
mourrez,
mais si
vous
mortifiez
ar l'esprit
es
œuvres de
la chair vous
vivrez».
Tel
est
le
paradoxe qui
commande
es mortifications
es
corps
des
saints,
le
paradoxe
initial étant
l'incarnation 'un
Dieu
tout
puissant
dans
une
chair
d'homme
pour
le
salut
du monde.
Qu'il
s'agisse
de l'ascèse ou des
tortures
du
martyre,
a chair ne
cesse
grâce
à
la
souffrance
e
rappeler
on
existence mais
cette souf-
francequi pourraitn'êtrequ'une performancendividuelle e réfère
à celle du Christ
t est
endurée,
isent es
cantiques, pour
obtenir
e
salut
»,
«
pour
entrer
n
paradis
».
Les
vies des saints et
des saintes ascètes
comportent
oujours
le
même cheminement
entrée u
désert,
e
«
saint désert
qui
sanc-
tifie,
t abandon des
biens et des
avantages
d'un noble
lignage,
e
qui
est
une
marque
de la culture
folklorique.
e
jeûne
ést la
première
condition
e la sanctification
vec
le
port
du cilice.
La
prière
est très
rarementmentionnée.
och dès
l'âge
de
douze
ans ne
fait
plus
aucun
cas
de
sa noblesse
ni
de ses
richesseset
revêt e cilice. Marthe
eûne
chaque
jour.
Marie
l'Egyptienne
'emporte
ue
trois
pains
pour
son
longséjour au désert.Dominique« châtie avec dureté sa chair et sa
sensualité,
n se
disciplinant
rois
fois
par jour
»,
et ce sont
les
anges
qui
le nourrissent.
uant
à Nicolas de
Tolenti,
es
goigs
racontent
u'il
méprise
es tissus
précieux,
ort sur
la
paille,
est vêtu d'une robe
gros-
sière
il
jeûne
quatre ours
par
semaine
au
pain
et à
l'eau,
discipline
sa
chair,
veille
plus
qu'il
ne dort
il
frappe
son
corps
de
chaînes,
ne
veut
amais
manger
ni
œufs,
ni
viande,
ni
poisson,
ni lait
une
pierre
sertde
coussin
à
ses
genoux.
Nous
sommes
à en
pleine Légende
dorée.
Mais tandis
que
Jacques
de
Voragine
t,
après
lui,
les
prédicateurs
e
la fin u
MoyenAge
ne cessentde
dénoncer
a
part
animale,
bestiale
de
l'homme,
es
cantiques
ne font
pas
état de cette division
1).
1.
En ce
qui
concerne a
Légende
orée,
voir
plus précisément
arie-
Christine
OUCHELLE,
Représentations
u
corps
dans a
Légende
orée
,
dans
Ethnologie
rançaise,
.
VI,
n° 3-4
1976),
.
293-308.
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 47/128
45
Ces
épreuves
ui
sont
contraires
ux
penchants
e l'homme
rdinaire
rendent
e saint
nhumain
t
mènent
ogiquement
sa
mort
corporelle,
à
la limite
du suicide
interdit
2).
Mais
du moins
a-t-il
vaincu
«
la
chair,
le diable et
le monde
. L'état
corporel
des
saints
est
alors
dépassé,
et
le dévoilement
e leur
corps,
eur
mise
à nu
par
un
tyran
satanique
les
revêt
de
gloire
et
ne révèle
pás,
somme
toute,
leur
mystère.
Hippolite
s'adresse
ainsi à son
persécuteur
«
...tucrois
me
découvrir
le corpsen m'ayant insi dénudési seulement u savaiscombien u m'as
vêtu,
je
crois
que
tu ne
m'aurais
pas
enlevé
mon vêtement
car
je
te le
dis,
en
vérité ans
mentir,
en me
dénudant
u m'as
bien
davantage
vêtu,
car
si
tu me
donnes
a mort
en ce
jour
mon
esprit
sera
revêtude
gloire
»
(3).
Les
peintres
des
retables
de
l'époque
ont bien
exprimé
'impassi-
bilité des saints
en
leur donnant des
visages
immobiles,
dépourvus
d'individualité,
ors du
temps.
En
revanche,
es flots
de
sang
qui
s'écoulent
de leurs
corps
provoquent
n
phénomène
de
l'ordre
de
la
fascination,
t les
cantiques
sont
empreints
e
l'admiration
motive
t
non imitative es foules.Seule la décapitation ientfinalement bout
des
corps
insensibles
t
détachés
des
martyrs,
a tête
du
saint
étant
le
point
d'enracinement
u
spirituel
dans
le
corporel.
Le
mystère
t
la
gloire
des
corps
des saints
se
marquent
par
l'exhalaison,
ymbolique
u
non,
de
parfums
uaves,
s'opposant
ainsi
à
la
puanteur
aractéristique
u diable.
«
Vous
avez été
comme
un
palmier
fleuri,
donnant
e
parfum
de vos
vertus,
avec votre
foi
vive et votre
charité
vous
avez
vaincu l'ennemi
,
disent es
goigs
de saint Just
4).
Les Onze mille
Vierges
ontqualifiées
couramment e fleurs
rèsodorantes.
t de nombreux
ermons
atalans
comparent
es saints à des
fleurs
parfumées.
Citons
par
exemple,
e
sermon
rononcé
ar
un frère
rêcheur
la
findu
XVe
siècle,
Seu de
Urgell
«
Celui
qui
est
pris
par
l'amour
du Christ
un
corps
doucement
parfumé,
ar
il
est comme
une fleur
u
milieudu
monde
(5).
La souffrance
ient alors
lieu de
jouissance.
Augustin
ui afflige
son
corps
afin d'éviter es
tentations 'est
«
rendu très
agréable
et
plaisant
à Jésus Christ
. L'amitié
de Jésus
est
précieusepour
le saint
ou
la
sainte
qui
conversent
vec
lui
Catherine,
prement
mortifiée,
reçoit « l'hostie dans la bouche mystérieusement. L'équivalence
fantasmatique
e la douleur
et de
la
jouissance
apparaît particulière-
mentdans la
joie
et
la confiance
émoignées
ar
les
martyrs
u
milieu
des tourments.
ébastien,
Ferréol,
Cosme
et
Damien
ne cessent
de
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46
louer Dieu
pendant
eurs
supplices,
t Sébastien
guéri
«
contre toute
raison
naturelle»
retourne
oyeux
auprès
du
tyran
qui
lui
fait
subir
un
second
martyre.
'huile
bouillante ù
Jeandevait
périr
e transforme
miraculeusement
n bain tiède.
Lorsque
l'ermite Gilles
est
frappé
d'une
flèche
la
poitrine,
e
roi désire
le
soigner,
mais
le
saint
le
supplie
de lui laisser sa
blessure, ar,
disent es
goigs
en s'adressant
au
saint,
«
vous désiriez
toujours
souffrires peines pourJésus» (6).
Le
pouvoir
acquis
par
les saints
sur
leur
propre
corps
fonctionne
comme
a
garantie
de
leur immortalité.
a mort n'est
pour
eux
qu'un
passage,
aussi est-elle
«
joyeuse
,
et
le
deuil est
impensable.
Ainsi
pour
l'évangéliste
ean
«
Votre
mort
précieuse
fut
oyeuse,
ans
tristesse,
excellente,
merveilleuse,
car vous avez
fini
ans
douleur...
(7).
La
grande
majorité
des saints
bénéficient
e visions
qui
leur révèlent
l'heurede leurmortet,au moment inal,es angesou Jésus ui-même
viennent
hercher
eur âme
en
grande
iesse
et
musique.
Ainsi
pour
l'ermite
Gilles
«
Vous
fut
révélée 'heure
de votre
ainte
mort...
et
quand
l'heurefut
accomplie,
vous
avez ressenti
n très
grand
bonheur,
car en cette
ournée
vous
vous êtes
envolé
droit
au
paradis
»
(8).
Et
pour
Marthe
«
Jésus
vint
l'heure
de votre
mort,
..
en
les
mains
de
qui
vous
avez remis
avec
grande
oie
votre
esprit
»
(9).
2.
Brigitte
AZELLES,
dans Le
corps
de sainteté
'après
Jehan
Bouche
d'Or,
Jehan
aulus
et
quelques
vies
des XII*
et XIII*
siècles,
Genève,
roz,
1982,
crit
que
le
saint
entretient
vec
son
corps
«
un
âpre
rapport
d'absence».Cette
xpression
st
tout
fait
loquente.
3. Cobles
fetes
n
laor del
glorios
martyr
ent Y
polit,
ms. 3.
4. Los
goixs
del
glorios
anctJust
ms. 1191.
5.
La Seu
de
Urgell,
rxiu
apitular,
ms.
2582/138.
6. Coblesfetes n laor del beneytentGil,ms. 3.
7. Cobles
fetes
n
laor
del
glorios
entJohan
vangeliste,
s.
3.
8.
Voir
note
6.
9.
Cobles
n laor de
la
beneyta
enta
Marta,
ms. 3.
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47
Quant
à
Sébastien
«
Et
les
anges
avec de
grands
chants...
vous
emportèrent
riomphant
(10).
Dominique
meurt,
«
contemplant
es
félicités
du
grand
Roi
de
paradis
qui
reçut
votre âme
netteet
pure comme 'or
»
(11).
Dans ce
contexte,
a
mort
naturelledes
saints,
si
historique
oit-elle,
n'est
nullement
erçue
sous
l'angle
biologique.
Les
cantiques
en
s'atta-
chant à
décrire
'ensevelissement
e
leurs
corps
«
dignes
reflètent
surtout
une
obsession
portant
ur le
désir de ne
rien
perdre,
e
tout
conserver»
12)
de ce
qui
a
été
le
corps
vivant et
si
peu
vivant du
saint et
qui
désormaisva
être
encore
davantage
porteur
de vie.
C'est
la
mort
oyeuse
des
saints
qui
fait
de
leurs
corps
mortifiés es
reliques,
affirme
a
victoire ur
e
corps
décomposable,
bolit e
temps
t
promet
l'intégration
éleste en
des
demeures
«
situées dans
des lieux de
grand
agrément
,
répètent
es
cantiques.
Car
les
saints
morts à leur
corpsde chairpendant eurséjour terrestre ontconnaître u paradis
la
félicité
rès
matérielle
de leur
âme,
en
attendant
a
résurrection
promise
des
corps.
Dans le
temps
t
dans
l'espace,
l
reste e
cadavre
du
corps
mortifié,
de
la
chair
de
désir
et
d'angoisse,
ui
est
désormais ieu
de
miracles.
Les
corps
de
pouvoir
ou
le
passage
du
récit au rite
Les
cantiques
des
saints en
Catalogne,
comme les vies en
prosede la mêmeépoque, sonttrèsanthropocentriques.a séquencenarra-
tive
qui
retrace es faits
et
gestes
passés
du
saint
ouvre
rapidement
à la
séquence
rituelle
t au
quotidien
des
dévots
(13).
Il
est remar-
quable
que,
dans tous
les
goigs
du XV*
siècle,
e
récitdu
vécu
religieux
du saint ne
comporte
pratiquement
ue
des
traits
pittoresques
par
lesquels chaque
fidèle
peut
évaluer un
perfectionnement
pirituel
t se
trouve
beaucoup plus
restreint
ue
le récit
des
bienfaitsmiraculeux
qui
concerne e vécu
quotidien.
Ceci
dénote la
folklorisation e
pra-
10.
Los
goixs
del
glorios
mártir
anct
Sabastia
ms.
1191.
11.Cobles
fetes n laordel glorios onfessorentDomingo,ms. 3.12.VoirBrigitte AZELLES. v. cit.
13.Les
cantiques
es
saints
pparaissent
omme
es lieux
privilégiés
e
la
pastorale
l'importance
es
sacrements,
a
nécessité
e
faire
pénitence
et de bien se
préparer
la
mort,
e
rôle
des bonnes
œuvres
y
sont clai-
rement
ffirmés.
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48
tiques
chrétiennes,
ui
consiste à
préférer
n
système
rituel
plutôt
que spirituel.
e vécu
religieux
éservé u saint mortifié
'est
apparem-
ment
pas
l'affaire es fidèles
qui invoquent
urtout
a
«
virtut
du
corps
saint à leur
profit uotidien
et
avec une certaine émotivité.
Projetés
hors
de la vie
par
l'ascèse
ou le
martyre,
es
corps
mortifiés
des
saints ont
en effetune
«
virtut
,
un
pouvoir inégalable
sur
la
chair et l'âme maltraitées
par
le
diable. Leurs
miracles
constituent
autant de
preuves
de
leur
propre
détachement,
e leur
imitation
des souffrances
e
Jésus,
de
leur
mort
oyeuse.
Car le
public
n'évalue
que difficilement'ascèse ou le martyre n termesspirituels.Comme
l'implique
la reconnaissance médiévale
de l'unité
psychosomatique
de l'être
humain,
es
corps
souffrants es hommes sont souvent es
reflets
e
souillures
morales,
de
péchés
graves.
Aussi le
pouvoir
du
saint se
manifeste-t-il
oujours
à
deux
niveaux,
orporel
et
spirituel.
Les
cantiques
disent
tous le double
souci
des
saints
guérir,
ertes,
mais
aussi convertir. es
miraclesde
guérison
ont sans cesse assortis
de
prédications
t de
prières.
Les
goigs
de saint
Hippolite ndiquent
«
L'âme
et le
corps
de tous vous avez
guéri
(14).
Le
corps
du
saint
autant
que
sa
prière
sont
porteurs
de
grâce.
Mais
la
prière
est
plus
forte;
elle
seule,
dans
les
cantiques,
père
des
résurrections.
es
goigsde saint Pierrerappellent
«
Avec
votre
ombre
vous
guérissiez
les malades de toutes
sortes
et vous
ressuscitiez es
morts
en
priant
Dieu
pour
eux»
(15).
Les miracles
de
François
d'Assise sont dus à
:
«
la sainteté
ue
vous
possédiez,
saint,
n
esprit
et
dans
votre
digne
corps...
(16).
Et les goigsde saint Jean disent encore
«
vous
avez réalisé des miracles
et
donné e salut à tout
homme,
..
vous
avez converti es
infidèles
en faisant
miracles
et
sermons
(17).
Le
pouvoir
des saints est
une
marque
de
la relation
étroite
qui
s'établit
ntre
eurs
corps
mortifiést les
corps
souffrantses
hommes.
Il
y
a
entre
eux une sorte
d'analogie.
Ainsi,
tandis
que
les
corps
des
ascètes
et
des
martyrs,
urant
eur vie
terrestre,
e
dépouillent
ans
rien
perdre
de
leur
intégrité,
es
corps
souffrants es
pauvres
et
des
14.Voir
note3.
15.
Los
goixs
él
glorios
ancì
Pera.ms. 1191.
16.Cobles
fetes
n laor
del
glorios
ent
Frances,
ms. 3.
17.
Voir
note .
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49
malades
de tous
genres
ont
amenés,
dans diverses
circonstances
ien
décrites
par
les
cantiques,
à revêtir es vêtements
de
tel saint
ou,
au
moins,
à les toucher.Avec
un
simple
morceau
du manteau
de
Ramon de
Penyafort,
es malades trouvent
e réconfort. illes
voyant
un
pauvre
dans
l'église
ui
donne
son manteau
«
qui
a
une telle
vertu
que
le
pauvre
en le revêtant
eçoit
a
guérison
de ses maux et
obtient
le
salut.
De
façon
plus symbolique,
mais avec des
conséquences
concrètes,
l
y
a
analogie
entre
François
d'Assise blessé
par
les
cinq
marques
des
clous et de la lance
du
Christ
t
les
hommesblessés
par
les coups infinis ue leur porteSatan. Le saint stigmatisé oit parti-
culièrement
mpêcher ue
les hommes
ne
soient blessés
et
prier pour
qu'ils
aiment
Jésus avec une ferme
espérance.
De
même,
Ramon
Nonat,
dont a
mère
meurt la naissance
lui
faisantainsi don
de
sa
vie,
décide de suivre la voie de
la
mortification
orporelle
et est
invoqué
surtout
pour
les
femmes
enceintesou
parturientes
t
pour
les
petits
enfants.
Quant
aux Onze mille
Vierges
décapitées
si
horri-
blement
Cologne,
lles
sont
priées
d'éviter leurs dévots des morts
effrayantes,
mors
espantosas
(18).
La vertu
des
corps
des saints
compense
donc la
non-mortification
des
corps
des hommes ordinaires.
En
ce
sens,
les
cantiques
ne
témoignent as, sans doute,d'un désir de perfectionnementpirituel,
mais d'un désir de santé et de
l'angoisse
devant a
mort.
ls
s'adressent
d'ailleurs directement ux
saints,
de
façon
insistante,
n
employant
toujours
la
deuxième
personne,
u'il
s'agisse
de
la
commémoration
de
la
vie,
de
la
mort et des bienfaitsdu
saint,
ou de son invocation
proprement
ite
qui
revient
près
chaque couplet.
La
répétition
u
nom
du
saint
qualifié
de
glorieux
ou de
bienheureux une
double
fonction
'exorcisme,
ontre
a
maladie et
contre
a
mort.
«
Saint
martyr
e
grande
vertu,
glorieux
aint Ferréol
»
(19).
Les refrains es
cantiquesexpriment
rès clairement es
intentions es
dévôts
qui
veulent
obtenir,
ans
prendre
a
peine
de
se
mortifier,
a
18.
Le même
type
de raisonnement
ar
analogie
e retrouve ans
un
poème
édigé
n
catalan,
ui
semble voir onnu ne
grande
iffusion
t
une
grande
opularité,
i l'on en
Juge
ar
e nombre e
manuscritsu
XVe
iècle
et
du
début
u
XVIe
iècle u
il
figure.
n voici a
premièretrophe
«
Sacré couteau
ui
as taillé
la sainte hairde JésusChrist,taillenos malfaisances
et
enlève os mauvaises
ensées.
19.
Los
goigs
del
gloriosmartyr
ant Ferriol
prop
Besalu
(Barcelone,
Archivese
la
Cité,
euillet s. du XVIe
iècle,
ans
cote).
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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50
récompense
destinée
aux saints. Le
refrain
des
goigs
de saint Gilles
demande
20)
«
Puisque
vous avez fait un si
grand
vol
quand
vous êtes
parti
de ce
monde,
faites-nous
aire une aussi
grande
montée,
afin
que
nous
obtenions
a
récompense
es saints
»
Et
celui des
goigs
de
saint
Augustin
21)
« Puisqu'unetellerécompense ous est donnéeet
que
vous l'aurezéternellement,
faites
que
nous
atteignions
a cité
par
vous
gagnée,
ù
règne
Dieu.
»
Les fidèlesont donc en mémoire
e
nom
du
saint,
a
nature
de son
efficacité ans l'existence
quotidienne
et la valeur
de cette
protec-
tion
contre es tourments e l'enfer.
Cette mémoire e
fonde
sur les
corps
des
saints matériellement
onservésdans
le monde et
devenus
des
reliques,
véritables
objets
de
«
virtut
,
de
pouvoir, qui
doivent
protéger
e monde.
Tous
les
cantiques soulignent
'importance
de l'ensevelissement
honorable, e la bonne conservation e la tombedu saint et donc de
ses
reliques.
La
«
femme
romaine
qui
désire ensevelir
e
corps
de
Sébastien
est
«
mue
par l'Esprit
;
de
même,
e
prêtre ui emporte
avec
grande
révérence le
corps d'Hippolite
est
«
mû
d'un
pur
amour .
Marthe,
morte eule dans le
désert,
st enterrée
ar
Jésus
«
avec de
nombreux
anges
qui
tous
chantaient
.
Les tombes des
saints sont en effet
les
lieux
privilégiés
ù
les
pôles opposés
du
Ciel et de
la
Terre se ren-
contrent
,
comme
'a
écrit Peter
Brown
(22).
Leur
présence
physique
dans les
reliques
paraît
en
elle-même
onvoyeuse
de vie.
Lorsque
le
tombeaude saint Just st
découvert l'occasion d'un tremblement e
terre Vie,les goigsrappellent
«
On ne
peut pas
énumérer
ce
que
vous
avez fait en notre
temps
depuis
que
vos os sacrés
ont été
déposés
dans le
tombeau
(23).
La
«
corporéalité
es
saints
,
pour reprendre 'expression
e
Brigitte
Cazelles
(24),
garantit
es
expériences haumaturgiques.
'où
les rituels
liés aux
corps
de
pouvoir
des saints
et
une certaine violence dans
l'intégration
es
reliques
à
la vie
quotidienne.
20. Voirnote6.
21.
Cobles
fetes
n
laor
del
glorios
ent
Agosti
ms. 3.
22. PeterBROWN. e cultedes
saints
Pans, Cerf, 984,
re
édition,
981.
Voir n
particulier
e
chapitre remier,
Le
sacréet la tombe
.
p.
13.
23.Voirnote4.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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51
La
présence
du
corps
du
saint
est si intensément
essentie,
on
pouvoir
st si fortementésiré
par
les
populations
ui
souffrent,
ue
la
violence s'inscrit
n
contrepoint
e
toute vie
de
saint.
A la violence
de
l'ascèse
répond
a violencedes
persécuteurs
utant
que
la violence
retenue e la foule
qui, pourrait-on
ire à
la
suite
de René Girard
25),
attend e sacrifice
our
récupérer
a victime
t en faire
des
reliques.
Paul
Zumthor
crit
à
propos
d'un chanteurde
jazz,
mais
son
analyse
vaut
aussi bien
pour
e saint
réputé
omme tel durant
a
vie
«
L'inter-
prète,
dans
la
performance
xhibant son
corps
et son
décor,
n'en
appellepas à la seule visualité. l s'offre un contact (26).
Les
corps
des saints sont
par
nature
destinés à
être déchirés
et
démembrés,
eur
présence
t
leur
pouvoir
es
vouent devenir
eliques,
dans des circonstances
arfoistragiques.
Les
goigs
de saint
Eudalt
de
Ripoll
donnent
n curieuxrécit du
martyre
u saint
(27).
Après
avoir
longuement
écrit es extraordinaires
miracles
d'Eudalt
qui guérissait
les
malades,
ressuscitait
es morts
et
délivrait
es
possédés
grâce
à sa
«
virtut
,
ils
rapportent
rès brièvement
t
sans
donner
ucune
expli-
cation
que
le
peuple
devenu
«
foil
,
c'est-à-dire
ou,
mit à mort
le
saint dont e
corps
fut
transporté Ripoll pour
le
plus
grand
profit
e
l'abbaye,mais sans doute au détriment e ceux qui auraient voulu
se
partager
es
reliques
et le
pouvoir
du saint.
Ce
schéma
de mise
à
mort
relativement
lassique
-
on en trouve d'autres
exemples
dans
la chrétienté
e
la fin du
Moyen
Age
-
exprime
bien
l'importance
primordiale
onnée à
l'intégration
es
corps
des
saints
dans la vie
quotidienne.
Tous les
cantiques,
après
avoir relaté
la
vie
pleine
d'enseignements
'un
saint,
mentionnent
es
visites à ses
reliques
et
les offrandes
aites à son sanctuaire.
«
...d'Urgell
t
de
Samarra
et
de tout
'archeveché,
on vient
avec des
offrandes,versvous,saint Ramon Nonat (28).
Il
semble
bien
qu'au
XVe
siècle,
en
Catalogne,
es
pèlerinages
ers les
corps
des
saints
soienttout
faitcouramment
ratiqués
t s'inscrivent
parmi
les nécessités
de
l'équilibre
économique,
ocial
et
religieux
du
pays.
C'est sur
les
reliques
que
se
portent
lors toutes es
angoisses
et tous
les désirs
des
populations.
24.
Voir
Brigitte
AZELLES,
p.
cit.
25.RenéGIRARD, a Violence t le sacré Paris,Grasset,972.26. PaulZUMTHOR,ntroductionla poésie raleParis, euil,1983. oir
en
particulier
e
chapitre
1
«
Présence
u
Corps
,
p.
193.
27.Los
goixs
el
glorios
anct
Eudalt
ms. 1191.
28.
Los
goixs
del
glorios
are
sanctRamon
Nonat,
ms. 1191.
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52
En
guise
de
conclusion : âme et
corps,
les
joies
des
saints
Qu'il
soit
corps
mortifié t
corps
de
pouvoir
ou,
en
contrepoint,
corps
de désir et de
souffrance,
e
corps apparaît toujours
dans les
cantiques
des saints de la
fin du
Moyen
Age
en
Catalogne
comme
le
modèle nécessaire
de l'être
moral. Les meurtrissures
es
ascètes
et
des
martyrs
eur
vaudront
e salut
et
les
joies
du
paradis,
tandis
que
ceuxqui aurontéchappéà la mortificationur la terremais non à la
misèredue à leur
péché
connaîtrontes
supplices maginés
omme
des
châtiments
orporels après
leur mort. Les tourments
de l'enfer
se
marquent
n effet ans
la
chair,
car
il
y
a
une étroite
ressemblance
entre e
monde
des vivants t
celui des
morts,
t
la
survie
corporelle
dans la damnation est redoutable.
La mort
spirituelle
n'est donc
nullement
erçue
comme
une souffrance
morale. Le
corps
et l'âme
semblent n
fin
de
compte
absolument iés.
D'ailleurs,
'absence
de
corps,
orsque
'âme s'envole
à la
mort,
n'est
que temporaire,
uisqu'il
y
aura la résurrection es
corps.
Certains
aints sont
déjà
au ciel
en
esprit
t en
corps,
el saint
Jean
'Evangéliste,
ont
'esprit
«
a retrouvé
le corps au paradis,« par grâceinsigne . Ainsi e meilleurdes sorts
est-il
d'être en
corps
et en
esprit auprès
de Dieu.
Cette unité fondamentale
e l'être
humain,
saint ou
pécheur,
se
révèle
particulièrement
ans
l'expérience
uotidienne
t
bien réelle de
la souffrancet
de la mortet dans
le
désir
de
paradis.
Les
cantiques,
en
décrivant
a
vie des
saints,
eurs
corps
mortifiés,
eur
abstinence,
leur utte
ontre es
instincts,
eur méditation onstante
es souffrances
du
Christ,
permettent
'approfondissement
'une
expériencepascale,
la
prise
de
consciencede
la
résurrection ans le Ressuscité.
Tous
se
terminent
ur
'évocation
e la
«
gloire
future
,
celle des
saintset
celle,
également, es fidèlesqui implorent. ans ce contexte,e chantdes
goigs
qui
s'effectue
oujoursprès
des
reliques
des saintset commémore
à
chaque
fois leur
vie,
leur mort et leur
vertu,
tient véritablement
en échec
la
maladie et
la
mort et se fait annonce du salut et de
la
résurrection.
e fait
peut
expliquer
l'extraordinaire iffusion e la
forme e littérature
agiographique
ue
constituentes
goigs
catalans
de
la fin du
Moyen Age,
en même
temps que
l'essor
du
culte
des
reliques
et le
développement
oisonnant es lieux de
pèlerinage
en
Catalogne.
Le chanté se vérifie
lors
dans la
propre
chair
des fidèles trans-
formésen dévots inconditionnels. es saints mortifiés,arfaitement
différentsmais
accessibles,
devenus
corps
de
pouvoir
et
objets
de
rituel,
ont
désormais
pourvoyeurs
e vie
et de ciel.
Libérés de
la
mort
parce
qu'ils
sont morts à
eux-mêmes,
oyants
dans leur chair
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53
parce qu'ils
voient
e
mystère
e leurs
corps
souffrants
t
torturés,
ls
peuvent
leur
tour
faire
surgir
des
hommes
ibérés de la
mort.
C'est cette
expérience
de
libération
que
les
cantiques proposent
à
chaque
homme
qui
chante.
Ainsi es
cantiques
des saints
méritent-ils
pleinement
eur
appellation
de
«
joies
»,
«
goigs
en
langue
catalane.
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54
EDITION
ET TRADUCTION
:
LOS
GOIXS
DEL PARE
NOSTRE SANC
DOMINGO
LES JOIES
DE NOTRE PERE
SAINT
DOMINIQUE
(XV»
siècle)
SOURCE
BARCELONE,
Bibliothèque
de
Catalogne,
ms.
1191,
.
25 r°-26 v°.
HISTORIQUE
Dominique
naît dans les années
1170 dans
le
diocèse
d Osma,
en
Nouvelle Castille.
Il meurt en
1221 à
Bologne, ayant
accompli
une
tâche
immense
de
prédication
t de
lutte
contre es
hérésies.
l est
canonisédès 1234.Ses disciplesétendent influence e la spiritualité
dominicaine
n
Catalogne,
n
développant
n
particulier
a
récitation
de
Y
Ave Maria et
du Rosaire.
De nombreux
ouventsdominicains
ont
fondés dans les villes
catalanes,
et
plusieurs
grands
saints
catalans,
canonisésou non au
Moyen
Age,
ppartiennent
l ordre
des
Prêcheurs.
ANALYSE
Les
goigs
nomment
oujours
aint
Dominiquepar
son
nom
castillan,
Dômingo
Ils ont
ici huit
strophes sept
évoquent
a vie extraordinaire
et exemplairedu saint,la huitième st une demanded intercession.
Les
aspects thaumaturgiques
e la sainteté
de
Dominique
ont
présents
mais ne
paraissent
pas
essentiels,
a
prédestination
ivinedont
l
jouit
dès ce mondeest
davantage
oulignée
tout cela
correspond
ssez
bien
à la
conception
e
l Eglise
en
matièrede sainteté
à
la
fin
du
Moyen
Age,
comme
a montré
André
Vauchez
(1).
Le
titre du
cantique
laisse
penser que
l auteur
ou,
au
moins,
e
copiste
peut
être
un
religieux
de l ordre des
Prêcheurs,
puisque
l expression
notre
père
»
qui qualifie
Dominique
n est
employée
dans
aucun autre
cas.
1. André
VAUCHEZ,
a sainteté
n
Occident ux
derniers
iècles
du
Moyen ge
pp.
585-587.
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55
Le
cantique
comporte
une entrada
(entrée)
de
quatre
vers et une
tornada
refrain)
de
quatre
vers
également
les
vers sont
heptasylla-
biques.
Strophes
de six
vers,
complétées
par
les
deux
derniersvers
de
1
entrada,
ce
qui
fait
en tout
huit
vers,
ababcdcd entrada et
tornada
bab. Catalan
archaïque.
Vers
souvent
rréguliers
u
elliptiques.
TEXTE
Abgrangoixyalegría
cantaremostres
iaos,
sant
Domingo,
lum
y
guia
dels
f
ares
predicadors.
Mostra
Deu
omnipotent
cer vos
dichosa
lanta
ans
y
en vostre
axament
com
de vos la
Iglesia
canta
dénotant
a
que
volia
que
entra os
sanctsfosseu
os
sant
Domingo...
La strella antresplandent
y
laxa
que
envos fonch ista
era
senyall
vident
de
vostra
ida
prevista,
la
qual
fonch
ant anta
y
pia
que
en tot sou maravellos
sant
Domingo...
Ab voluntaria
obresa
guardareu irginitat
castigant
b
aspresa
la earn
y
sensualidat,
tres
disciplinas
l dia
donaveul vostre ossantDomingo...
La doctrina
ue ensenyaveu
obrareu
erfetament
y
ab lo zel
que
predicaveu
convertireu olta
gent,
curant ota
malatia,
febres,
rets
y
altresdolos
sant
Domingo...
Quant
dels sancts
a
gloria
ereu,
ab
aquella
alta
visio,
moltgrancontentoebereudels de vostra
eligio,
vent
que
la
Verge
ls tenia
bax
del
seu manto
recios
sant
Domingo...
Avec randeoie et bonheur
nous
chanteronsos
ouanges,
saint
Dominique,
umière t
guide
des Frères
rêcheurs.
Dieu
tout
puissant
montra
que
vous
étiezune
plante
ienfaisante
avant
t
lors de votre
naissance,
aussi à votre
ropos
Eglise
hante
et
souligne ue déjà
II voulait
que
vousfussiez
armi
es saints
saint
Dominique...
L étoile i resplendissanteet
large ue
l onvitsur vous
était e
signe
vident
de
votre
ie
prédestinée,
laquelle
ut i sainte
t
pieuse
que
vous
êtes
en tout
admirable
saint
Dominique...
Avecune volontaire
auvreté
vous
avez
gardé
a
virginité
en
châtiant
vec
âpreté
votre hair t votre
ensualité,
trois
disciplines ar our
vous vezdonné votre orpssaintDominique...
La doctrine
ue
vous
enseigniez
vous l avez
appliquée
parfaitement
et
grâce
u zèlede
votre
rédication
vous avez converti
eaucoup
de
gens,
vous
avez
guéri
oute
maladie,
fièvres,
roids
t
autres ouleurs
saint
Dominique...
Quand
ous vezvu
a
gloire
es
saints,
grâce
à cettehaute
vision,
vousavezreçugrande atisfactionde ceuxde votre rdre,
car vous vezvu
que
a
Vierge
estenait
sous son
précieux
manteau
saint
Dominique...
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56
Los
dos
angels
ueus portaren
pa
no tenint
ue
manyar
tornant-sen
os
saludaren
per
vostra
alor
mostrar,
o
quant
gran
ocor
o
envya
Deu
per
vos
als
peccados
sant
Domingo...
No tiraal
mon as
tres lansas
de
la divina
usticia
Deu volent ergranmatansas
vent
dels homens
a
malia,
sols
perque
n lo
mon
tenia
dos
sirvens,
rancesh
vos
sant
Domingo...
Compliu,
ara,
a
promesa
que
fereu ls
vostres
ills
aiudarnostra
laquesa
deslliurant
os de
parills,
y
alcansau
nos
de Maria
los
acustumats
avos
santDomingo...
Pus
lo mon
en vos
confia,
oyu
llus
suspis y
plos,
sant
Domingo,
um
y guia
dels
f
ares
predicados.
Les deux
angesqui
vous ont
apporté
du
pain,
arvousn aviez ien
manger,
en
repartant
ous ont salué
pour
démontrerotre
aleur,
oh,
quel
grand
ecours
nvoie
Dieu
grâce
vous aux
pécheurs
saint
Dominique...
Il ne tira
pas
sur
le
monde
es
trois
flèches
de la
justice
divine,
Dieuquivoulait aire randsmassacres
en
voyant
a méchanceté
es
hommes,
seulement
arce
qu il
avait dans
le
monde
deux
serviteurs,
rançois
t
vous
saint
Dominique...
Accomplissez,ère,
a
promesse
que
vous avez faite
vos
fils
d aidernotre
faiblesse
en nous délivrant
es
périls,
et obtenez
ous
de Marie
les faveurs
ccoutumées
saintDominique...
Puisque
e monde
confiance
n
vous,
écoutez
es
soupirs
t ses
pleurs,
saint
Dominique,
umière
t
guide
des
Frères
prêcheurs.
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58
santo à Pise
(fig.
1)
(2).
Il
s'agit
seulementd'un
des
volets
du
grand
triptyque
onstruit
utour du
Jugement
ernier
qui
occupe
tout le
mur du fond.
Par la
suite,
ces
fresques
sont
reprises
usqu'en
plein
XVe
siècle,
à
Sienne,
à Florence et
dans les cités
de
l'Ombrie
(3)
:
chaque
fois,
les ermites sont saisis en
groupe
à
leurs
occupations
quotidiennes
'artisanat,
e
prière
t de
jeûne.
Or,
ces
images
montrent
un
rapport
u
corps que je
voudrais
analyser
à
partir
de la
fresque
pisane.
-
Corps
et
image.
Les
personnages
e
répartissent
pparemment
dans le plus granddésordre certains isent,d'autresméditent ur la
vanité
du monde
représenté ar
le
crâne sur
le
sol,
d'autres
encore
Fig.
1
Buonamico
uffalmacco,
hébaide,
ise,
Camposanto,
ers1330-1335.
sontoccupés à de petitstravauxd'artisanat, ous à des niveaux diffé-rents, ans ordre
(4).
A
peine
distingue-t-onarfois
une
composition
narrative
ui
regroupeplusieurs
de
ces
figurines
dans
le
coin droit
par
exemple,
n
horrible
ragon
assaille un moine
monté
sur un
âne,
sans doute cet
Hilarión
dont
saint
Jérôme
raconté l'histoire
dans
un roman
édifiant
crit à la findu IVe
siècle
dans
la
partie gauche,
sont
représentés
uelques
épisodes
de
la vie de
saint
Paul
ermite,
notammenta
rencontre
vec AntoineAbbé
(fig.
1)
juste
au-dessous,
3. Au
XVe
iècle
par
exemple,
a Thébaide
e
Gherardo
tamina,
ujour-
d'hui à
Florence,
Musée
des
Offices Fra
Filippo Lippi
peint
aussi une
Thébaide our 'église ainteMarie n Carmine Florence. e citerai ncorela Thébaide
einte
vers1460
ar
Paolo
Uccello,
our
les
sœurs
du Saint
Esprit
du couvent
e
Vallombreuse,
la
Costa San
Giorgio
aujourd'hui
Florence,
aleries e
l'Académie).
4.
Voir
e
numéro
pécial
Ordre
t
désordres
dans Médiévales
4,
1983.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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59
la Madeleine communie
5).
Ce
sont autant
de
séquences
narratives
superposées
es unes aux
autres,
ou isolées comme
celle
d'Hilarion,
qui
structurent
e tableau de
la
vie
ascétique
menée
dans
le désert.
Les
épisodes proviennent
ous des
romans de saint Jérôme
ranscrits
sous la
directionde
Domenico Cavalca dans
le couvent des
Frères
Prêcheurs
de
Sainte-Catherine,
Pise. Les
fresques
furentd'ailleurs
commandées
par
la
confrérie es
Pénitents
lacée
sous
la
protection
du couvent
6).
Buffalmacco
disposé
ses
figures
ur
de
légers
reliefs
formant
support,uivantun procédéemployé ans l'enluminuree manuscrits
les
personnages
ont
placés
sur
un faisceau
de deux
ou
trois courbes
qui,
en se
recoupant,
essinent
n dos
de
terrain
eur
servant
d'appui.
Ainsi,
ur
un
manuscrit
'époque
carolingienne,
e Psautier
d'Utrecht,
l'enlumineur
egroupe
es
figurines
ur des reliefs
u autour de formes
géométriques,
e cercle
par exemple
7).
De
même,
dans
l'illustration
donnée en
marge
du
Physiologus,
oujours
un
manuscrit
d'époque
carolingienne,
e
petit personnage
st
placé
sur ces
reliefs
squissant
un
paysage
8).
Sur la Thébaide du
Camposanto
de
Pise,
les ermites
e distribuent
aussi
sur ces
lignes
de
relief,
e
plus
souvent sur des
plate-formes
rocheuses u sur le gradin e plus élevé d'escalierspratiquésà même
la roche.
Chaque
personnage
st
disposé
en
aplat
sur le fond de
la
composition,
oïncidant
vec le
plan
de
son
support.
La
fresque
se
présente
onc comme
un
rouleau
crit
u'on déplierait
t dont
es
signes
sauteraient
mmédiatementux
yeux
elle est un
catalogue
nimé de
la
vie
érémitique
9).
Selon ce
procédé,
es
petites figures
des
ermites
entrent n
contact vec ceux
qui
les
regardent
au début du
XV*
siècle,
sur
un
panneau
d'armoire,
ans
la
sacristie e
l'église
de
la
Sainte Croix
à
Florence,
Gherardo
tamina utilise
a
même
technique
our
illustrer
la Thébaïde
10).
Dans cette
présentation
lanimétrique
a
place
du
corps
est réduite
l'extrême.
5.
L'épisode
de
saint Hilarión ur son âne
et celui
mettant
n scène
saint Paul
et
saint
Antoine bbé sont
repris
ux romans crits
par
saint
Jérôme
la
fin u IV*
siècle.Voir
P. de
LABRIOLLE,
ie de Paul de Thèbes
et Vie de
saint
Hilarión,
aris,
1907,
assim pour
une traduction
talienne
récente,
.
LANATA,
ite
di
Paolo,
Ilarione
e
Maleo,
Milan,
1975,
46
p.
L'historicité
es
Vies
est tenue
our
ertaine
ar
E. COLEIRO.
aint
Jerome's
Lives
f
the
Hermits
dans
Vigiliae
hristianae.
1,
1957.
.
161-178.
6.
A.
CALECA,
G.
NENCINI et
G.
PIANCASTELLI,
isa. Museo delle
Sinopie
el
Camposanto
onumentale,
ise,
1979,
.
55 et s.
7. Psautier
Utrecht,
trecht,
ibliothèque
e lUmversite.
e
manuscrit
a été enluminé ans l'atelier
e
Hautvillers,
ers
820-830.
8.
Physiologus,
uj Epernay, ibliothèque
unicipale.
e
manuscritst
aussi
enlumine
ans
'atelier e
Hautvillers,
ers830.
9. Pourunecomparaisonvec une œuvreittéraire,a Légende oréede
Jacques
e
Voragine ar
exemple,
oirA.
BOUREAU,
a
Légende
orée.Le
système arratif
e
Jacques
de
Voragine,
aris, 1984,
82
p.,
en
part.
III*
partie,
h.
2
Le récit abulaire.
10.
Florence,
usee
des
Offices.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 62/128
60
-
Hommes t bêtes.
D'autant
que
les ermites ne sont
pas
seuls
à vivredans le désert
ils se trouvent ans
la
compagnie
de tout
un
bestiaire
fantastique
dragons
ailés,
démons
cornus,
bêtes
sauvages.
La frontière 'est
pas
nette
entre e
corps
de l'hommeet
celui de la
bête le
tentateur des
pattes griffuesuand
il
rend
visite à Antoine
dans sa cellule
(fig.
1).
Le
fouillis
de
l'image
vient aussi du
fouillis
des
corps
et du
mélange
indistinctdes hommes et des animaux.
Davantage
même,
e
règne
animal et le
règne végétal
se confondent
en
la
personne
de certains
rmites
ouverts
de leur
longue
chevelure,
tel Onophrius u la Madeleine, ui les fait ressembler ux palmes et
roseaux
du décor.Le
corps
du
solitaire
du mal
à
apparaître
dans cet
ensemble
mêlé.
C'est
d'ailleurs a loi
du
genre,
un
cliché habituelaux
images
de la Thébaïde
le cadre de l'actionne se réfère
as
au monde
des hommesmais à
un univers ur la limite
ntre
'ici-bas
t
l'au-delà
c'est
un
monde
enchanté ù tout s'avère
possible
11).
La
nature,
'homme t la bête
ne
sont
pas
seulement
uxtaposés
par
touches
la surface
de
l'image,
mais
forment ne même
composition.
Ainsi,
'homme
t l'animal
sauvage appartiennent
une seule
séquence
Hilarión
t
le
dragon
ilé
qui
le
poursuit,
aint
Antoine,
aint
Paul
et les
deux lionsvenus du fonddu désert, ous sont unis et ne peuvent tre
séparés.
L'unitéde
composition
st encore
plus
forte les
corps peuvent
s'emboîter,
omme celui
d'Hilarion monté à califourchon
ur son
âne ils
peuvent
aussi
se
correspondre
n un
jeu
formel,
eux de
saint
Antoine
t de
saint
Paul couché
à
terre et
ceux des
deux
lions
disposés
en
parallèle
juste
au-dessus.
De
même,
e
corps
de
l'ermite
vit
en
symbiose
vec
le
décor
naturel,
rottes,
avernesou
anfractuo-
sités
saint Antoine
ppartient
sa cellule
rocheuse,
l
y
est
comme
incrusté
la
Madeleine
et
Onophrius
ne se
distinguent as
de
la
végé-
tation
uxuriante
ui
les
entoure.
Cettecomplémentaritéormelle e double d'une profonde nité de
sens.
Aux confins u monde
habité,
dans les déserts de
la
Thébaïde,
moines
et bêtes
participent
nsemble
à un
vaste
travail sur
les
appa-
rences
pour
en découvrir
'ordre
caché. La bête
est
en fait
cette
autre
moitié
du
moine,
on
effroyable
is-à-vis
u'il
découvredans
la
solitude
de ses
pensées
et
qu'il
s'efforce
u
prix
d'une
ascèse
sévère,
d'extirper
au loin.
Quand
AntoineAbbé
reçoit
Satan aux
pattes
griffues,
l
se
trouve
ainsi en
présence
de l'autre
partie
de son
être,
jusque-là
inconnue
sur le
registre
u-dessus,
l
chasse
le
diable
à l'aide d'un
long
bâton
et le force
prendre
a
fuite
par
ses
jeûnes
et
ses
prières,
il
a eu raison
de
sa nature
mauvaise,
l
a
domestiqué
son
corps.
Il
11.
Je
reprends
ette
xpression
e
«
monde
nchanté
à
C.
ERICKSON,
The
Medieval
Vision.
ssays
in
History
nd
Perception
Oxford
niversity
Press, 976,
.
15
sq.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 63/128
61
apparaît
à
présent
en
buste,
l'autre
moitié,
a
plus
dangereuse,
e
trouvant
ésormais
mise à
distance,
epoussée
l'entablement
ocheux
coupe
la
figure
la
taille et devient a citadelle
inexpugnable
ui
l'abrite du
danger
des sens
(12).
Le
corps
est
contraint,
cié
en deux
par
cette utte sans relâche
contre es forces
du
mal
de
là
vient
a
pose particulière
e
ces
personnages,
arement
igurés
ien
droits,
mais
toujours
repliés
sur
eux-mêmes,
ovés
dans une
grotte
ou
une hutte
de bois même si d'aventure ls
se
tiennent
ebout,
ls conservent
ur
leur
corps
voûté
l'empreinte
e
leur
ascèse intérieure.
A ce
prix,
e
corps-bustee l'ermite etrouve necomplicitédénique vec la nature
les
lions
domestiquéspar
son
charisme,
ident Antoine
creuserune
fosse
pour y
déposer
e
corps
mortde saint Paul
(13).
Les
dragons
ont
disparu
de
cette
partie
de
la
fresque,
es démons aussi une
tranquille
sérénité
aigne
a
scène,
et Marie-Madeleine
eçoit
e
corps
du
Christ,
juste
en
bordure de
l'image
les
solitaires abordent
le
Jugement
Dernier
représenté
ur le mur
du
fond),
'âme
en
paix
(14).
-
Saint
Macaire. La
représentation
u
corps
de
l'ermite
st
toujours
l'image
d'un
corps-limite,
la
frontière ntre l'humain et le
bestial,
sur l'ourlé
qui sépare
la culture de la nature.
C'est
que
l'ermite ui-
même est un personnage omposite, n situationd'écartpar rapport
au
reste de l'humanité
15).
Saint Macaire résume à
lui
seul
cette
étrange
position.
Très souventcité
par
les
prédicateurs
e
l'époque,
il
occupe
une
place
de
choixdans
une
séquence
conographique articulière,
e Dit des
Trois Morts t des Trois
Vifs
il
est ce
personnage
ui
tendun
rouleau
couvert
d'inscriptions
ux
jeunes gens qui
forment
e
brillant
ortège.
Vieillard
barbu,
semblanthésiter ntre a
vie et
la
mort,
l
livre
son
12.Le personnageemble e faire u'unavec a roche. ur le rôle de laceinturedans l'économiedu désir, les remarquesde E. LEMOINE-
LUCCIONI,
La robe.
Essai
psychanalytique
ur le
vêtement, aris,
1983,
161
p.,
en
part.p.
15-23.
13.
Le bestiaire
antastique
ntourantes reresdu
desert
st un veritable
lieu commun
e la littérature
onastique.
oir
G.
PENCO,
l
simbolismo
animalesco
nella letteratura
monastica dans Studia Monastica
6,
1964,
p.
19-20.
14.
Quelques
nnées
avant 'exécution
e ces
fresques,
n
1329,
ietro
Lorenzetti
peint
pour
le couventdu Carmel
Sienne
un
polyptyque
monumental
dans
la
prédelle
racontant 'attribution
e
la
Règle,
l a
représenté
n
paysage
u des moines rmites
rient
t lisent
es
Ecritures
saintes
evant es
grottes
non oin
d'eux,
n
aperçoit
eux ions.Par cette
Thébaïde n
raccourci,
e
peintre
voulu
rappeler
a double vocation e
l'Ordre,
ntégrant
a
pratique
de l'érémitismeans ses statuts.
ci
aussi,
les bêtes
auvages
ont es
fidèles
ompagnons
es solitaires.
15.Sur ce point,J. LE GOFF et P. VIDAL-NAQUET,évi-Straussn
Brocéliande.
squisse
pour
une
analyse
'un
roman
ourtois ans Textes
e
et
sur
Claude
Lévi-Strausséunis
ar
R. Bellour t C.
Clément, aris,
1979,
p.
265-319;
. LE
GOFF,
Le
Désert-forêt
ans
l'Occident
médiéval,
ans
Traverses,
9,
1980,
.
23-34.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 64/128
62
message
de
pénitence
ux cavaliers arrêtésde
stupeur
devant es
trois
tombeaux
uverts
fig.
)
(16).
A
Pise,
il
tient e rôle sur l'autre
grand
volet
du
triptyque
ù l'on voit
l'ange
de la Mort menacerune société
mondaine
réunie
dans
un
jardin,
et
sur
la
gauche
la rencontre es
Trois
morts
et des
Trois vifs
Mâcaire est
figuré
out
au
bord de la
fresque, réparant
e
spectateur
la vision de
la
Thébaïde.
Au-dessus
Fig. Buonamicouffalmacco,riomphe
de la
Mort,
ise,
Camposanto,
ers 1330-
1335.
étail
SaintMacaire.
de
l'austère
figure,
e
peintre
placé
un
ermitage
devant
equel
deux
vénérables
Pères conversent
ils
complètent
e rôle
joué par
Macaire.
A
peu près
vers
es mêmes
nnées,
n le
rencontre ur
la
fresque
peinte
16.S.
Macaire st
le
personnage
bligé
du Dit des Trois
Morts
t des
TroisVifs. ur es liens ntreMacaire t l'iconograçhiee la DanseMacabre,
voir
'ouvrage
ncien
mais fondamental
e
P.
VIGO,
Le
Danze
Macabre
n
Italia,
Bergame,
901,
eprod.
nastatique
ologne, 978,
81
p,.
en
part,
p.
51-59. 'auteur
appelle u'on
a
parfois
ait
deriver
'adjectif
macabre
u
nomde Macaire.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 65/128
63
pour
e monastère
énédictin
e
Subiaco,
et
qui
traite
ussi
du Dit
des
Trois morts t
des Trois
vifs
17).
Immobilisé
dans cette
posture,
l'ermite
Macaire
condense
les
effets btenus
par
l'emploi
dans l'art
des Pères
du désert.
l est
un
corps-limite,
'abord
au niveau
le
plus
matériel,
arce
qu'il
assure
la
transition vec
la
scène
suivante
surtout,
arce
qu'il
se situe
dans
une
zone de forte
urbulence,
ntre
a vie
et la mort d'un
âge
fort
vancé,
il
n'est
plus
du monde des
vivants,
as
encore
cependant
de
celui des
morts.
C'est
de cet
entre-deux
u'il
tire
sa
légitimité
ce rôle
de
prophète nvitantà la pénitence bientôtmême, par transfert,l
désigne
a vertu
de
pénitence
Jacopo
Passavanti
'utilise
insi
dans
un
recueil de
sermons
qu'il
réunit
sous
le
titre
de
Miroir
de
la Péni-
tence
18).
A travers e
vieil
ermite,
'Eglise
récupèrepour
les besoins
de
sa
pastorale
e statut
mbigu
de cet
étrange
personnage
stable
au
seuil de
la
mort,
l
parle
aux vivants t
les
enjoint
à se convertir
la
vraie
foi
pour
gagner
eur salut.
Or,
Macaire
a le
corps
recouvert
d'un
ample drapé,
voûté
par
le
poids
de
l'âge
et
la
fatigue
des
jeûnes.
Il
apparaît
à l'intersection
e
la vie et
de la
mort,
dans cet
espace
mouvant
qui
est
fait
d'empiéte-
ment.
A cet
endroit,
l se
montre,
érangeant
e
cours
de
la
chevauchée,
introduisanta valeurde pénitence armi es membres u cortège 19)
il
est
ce
corps
défaillant et
courbé,
mais
qui parle toujours.
Il
s'échappe
de ce
corps
ramassé sur lui-même
n
imprescriptible
lan
vers
'éternel,
ne fuitehors
de la vanité
terrestre,
t
déjà plus
que
la
simple promesse
du salut
d'un seul
coup,
Macaire
dévoile l'autre
monde et
agit
sur l'âme des fidèles.
l
appartient
ces
images
que
naguère
F. A.
Yates a
qualifiées
d*
«
agissantes
,
capables
de toucher
et de
persuader
eux
qui
les
regardent
20).
17.Saint
Macaire
y
tient xactement
e mêmerôle
que
sur
la
fresque
du
Camposanto
e Pise.
La
seule
variante,
mais
elle
est
importante,
éside
dans le récitqu'on faitdu sort advenu ux troiscavaliers deux d'entreeux passent utre l'avertissementt meurent e mortviolente uelque
temps
près
l'autre n
revanche,
e
repent
t demeure vec Macaire.
La
fresque éveloppe
onc u
maximume
message
scétique,
n donnant
voir
la
glorification
e
la vie
cénobitique
n
dehors
de
laquelle
l n'existe
as
de
salut.
18.Le Miroir
de
la Vraie Pénitence
assemble es
sermons
rononces
pendant
e Carême
e l'année
354. aint
Macaire
st cité
plusieurs eprises
dans
des
«
exempla
.
Jacopo
Passavanti
apporte
insi
comment
'ermite
fait
parler
e crâne
d'un
païen
qui
avoue
e malheur
e ceux
qui
n'ont
pas
connu
e
Christ. ur
les
exempla
e
Jacopo
Passavanti,
.
MONTEVERDI
dans
Giornale
torico
di lettere
taliane,
1, 1913,
.
266-344
t
63,
1914,
p.
240-290.
uffalmacco
t son
atelier nt
représenté
et
épisode
e la
légende
de
saint
Macaire
ur la
Thébaïde
l'ermite
ouche e
crâne de
son
bâton
et
montre
a vanité es
choses
errestres.
19.
De
même,
e monstre
érange,nquiète,
t on
se le
montre
monstrevientde «monstrare). Voir les réflexionse G. LASCAULT, e Monstre
dans Vart 'Occident
Pari .
1973,
.
21 le monstre
...se
présente oujours
comme
n écart
par rapport
la nature
.
20. F.
A.
YATES,
The Art
of Memory
Londres,
966,
e
éd.,
1978,
23
p.,
en
part.
p.
93-114
trad.
r.L'Art
e la Mémoire
Paris,
1975,
.
104-114).
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 66/128
64
Le
personnage
e saint
Macaire
exprime
donc
en raccourci
ce
que
le rassemblement
e la Thébaïde
montre
plus
en
détail,
a vertu
de
pénitence.
e
corps
de l'ermiten'a
de sens
que
dominé,
dépassé
dans
l'ascèse,
pour
ouvrir a voie
du
salut.
C'est aussi
sa fonction ur
les
retables,
partir
des années
1330-1340.
Corps
ordonnés
:
le retable
Vers
1330-1340,
n
peu plus
tôt,
un
peu plus
tard
suivant
es
régions
et les
ateliers,
es saints
ermites
pénètrent
ur les
panneaux
des
retables
d'autel
pour
s'insérer
armi
es
figurants
ui
formenta cour
céleste
21).
Par
rapport
la
fresque,
e retable
est une mise
en
ordre,
un classement
de l'informationt
des
informateurs,
es saints.
Quelle
est donc
a
place
réservée
ux saints ermites
t à
quelles
fins
-
La
hiérarchie
des corps
sur le retable. Dans
le cadre
élargi
du
retable,
es saints ermites
prennentplace
à
l'intérieur
'une stricte
hiérarchie.
ls
n'apparaissent
pas
encore
détachés,
seuls
sur
un
panneau,mais dans la nombreuse ompagnie es figurants,ien souvent
au
deuxième,
oire
troisième
ang.
Ainsi,
ur le
Couronnement
e
la
Vierge
peintpar
Giotto t son atelier
pour
'autel
de la
chapelle
Baron-
celli,
dans
l'église
de la Sainte
Croix,
à
Florence,
saint
Macaire
et
saint
Antoine
Abbé
figurent
errière es
anges
musiciens,
ans
la
foule
des saints
(22)
on ne voit
d'eux
que
leur
buste,
et Antoine
Abbé est
presque
caché
par
les
personnages
ui
l'entourent.
Les
saints
ermites
ppartiennent
n fait à
la
catégorie
des
person-
nages
représentés
n
buste,
à
mi
corps,
et donc
placés
sur les
marges
du
retable,
out en
haut,
dans les
gables
et les
pinacles,par
côté,
ou
bien
encore
dans
les
cartouches
es
prédelles.
ls se
rangent
armi
es
figures ompartimentées.ur le polyptyque e Giottodéjà cité, saint
Onophrius
occupe
le
cartouche
placé
à
l'extrême
droite
de la
pré-
delle
son
buste recouvert
e ses
longs
cheveux,
merge
à
peine
des
motifs écoratifs.
el
est
bien
parfois
e destin de ces
figurines
elles
finissent
ar
se
confondre
vec les détails de
l'ornementation,
t
échappent
ainsi au
regard
(23).
Pourtant
avec
l'individualisation u
rôle de
la
prédelle
après
1350,
n
prend
soin
de
détacher es
figures
21.
Depuis
a
seconde
moitié u
XIIIe
siècle,
uivant
'élargissement
es
tables
d'autel,
es retables
eviennent
e
plus
en
plus
chargés
à
un,
puis
deux
étages,
ls
se
compliquent
e touteune architecturee
galbes
et de
pinacles.
22.J.
GARDNER,
he Decoration
f
the Baroncelli
Chapel
in
Santa
Croce,
ans
Zeitschriftür
Kunstgeschichte
34,
1971, .
89-114.
23.A.
Th.
BROWN,
Non
narrative
lements n TuscanGothic
rescoes,
Ph.-D.,
issertation,
niversité
u
Michigan,
980, vol.,
476
p.
+
planches.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 67/128
65
de
leur
support
le
peintre
Giovanni
del Biondo
par
exemple,
ctif
vers
1370-1380
Florence,
dispose
au bas de ses
retables
les saints
ermites
n les caractérisant
e
leurs attributs
24).
Par leur
emplacement
dans
l'architecture
u
retable,
par
leur
aspect
aussi,
es
saintsermites ont
ourtant 'objet
d'un
regard
ntense
de la
part
d'un certain
public.
Dans
la
prédelle
ou sur les
montants
du
polyptyque,
ls sont
vus de
près,
par
le
prédicateur,
e
prêtre
ou
les dévots
qui
savent
les
y
trouver.Placés
au bas
du
retable,
ls
servent,
omme ur les
œuvresde Giovanni
el
Biondo,
l'intention e
l'officiantans un but d'édificationpar côté, ls satisfont l'exigence
nouvelle
qui
consiste à
vouloir
s'approprier
a
figure
de son saint
patron
ou du saint
favori en la détachant
de la série des autres
personnages
25).
-
Caractères
et
attributs
des
saints ermites.Très
vite
cependant,
vers
1360-1370,
urtout
Sienne
et dans
les
environs,
es saints ermites
parviennent
u
registre
entraldu
retable.Saint AntoineAbbé revient
fréquemment
cette
place
sur les
polyptyques
eints par
les
Siennois
Niccolo di Ser Sozzo et
Luca di Tommè
par
exemple
26)
il
s'impose
aussi sur les œuvresproduitespour les paroisses rurales autour de
Sienne
et
de Florence
ainsi,
ce
panneau
d'un
triptyque
émembré
provenant
e l'atelierflorentin es
frèresCione dans une
petite
église
de San Miniato
27).
Dans le
contexte
du
second
XIVe,
où le marché
des
œuvres
peintes
s'est
déplacé
du fait de la
saturationdes
églises
urbainesvers celles
du
«
contado
,
saint Antoine
rmite
toutes es
chances
de
l'emporter
flanqué
de son
cochon,
l
plaît
à un
public plus
rural,
moins
policé
(28).
24. Giovanni
el Biondo
disposeparfois,
mais
plus
rarement,
n saint
ermite u registre entral ainsi sur ÌAnnonciation,eintevers 1380
(auj.
Florence, aleries e
l'Académie)
ntoine bbé
occupe-t-il
e
panneau
à droite
u
sujet principal.
25. Sur
l'évolution
t le rôle de la
prédelle
ans le cadre du
retable,
H.
HAGER,
ie
Anfänge
es talienischen
ltarbildes,
unich, 962,
.
113
q.;
J.
GARDNER,
he Louvre
tigmatisation
nd theProblem f
the Narrative
Altarpiece,
ans
Zeitschriftür
Kunstgeschichte,
5,
1982,
.
/17-247,
n
part,
p.
225
q.
Sur
a
tendance
vouloir
'approprier
es
corps
des saints
résents
sur
les
retables,
.W.
van
Os,
Marias
Demut und
Verherrlichung
n der
Sienesischen
alerei,
a
Haye,
969,
assim.
26.
Ainsi,
ur le
polyptyque
e SainteAnne
peint
n
1367,
aintAntoine
Abbé
occupe
e
compartiment
droite u
sujet
central.
27.
Fragments
e
polyptyque,
rovenant
e l
eglise
des Saints
Jacques
et
Lucie,
ujourd'hui
an
Miniato,
Musée diocésain.
28.
Sur
ce
passage
de 1
«
urbanitas
à la
«
rusticitas
,
voirH.W.
van
OS,
The Black
Death
and Sienese
Painting:
A Problem
f Interpretation,
ans
ArtHistory, , 1981, . 237-249,n part. p. 244 sq. L'attribut abituel
saint
Antoine,
e
cochon,
ondense
lusieurs
trates
e
significations
reste
du
bestiaire
igurant
ur les
représentations
e
la
vie
érémitique
mais
surtout
ndice
de la seule
activité
conomique
utorisée
our
les
Frères
ermites e saint
Antoine
ui
élevaient
es
cochons
our
es
revendre
n ville.
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 68/128
66
Sur
ces
retables,
'ermite
Antoine
n'a rien
perdu
de son
aspect
austère.Sur ce
panneau
de l'atelierdes
Cione,
l
exhorte
oujours
à
la
pénitence
enfermé
ans une
longue
robe
brune,
l
porte
e
bâton
du
pèlerin
t
les clochettes
u
prêtre
tinérant
ui
sur son
chemin,
nvite
les fidèles
venir
entendre a
parole
du Christ à
ses
pieds,
blotti
tout contre
ui,
le cochon.
Appuyé
sur son
bâton,
Antoinene
laisse
rien
paraître
de
lui-même,
t
se maintient distance
du
spectateur
comme
pour
mieux 'inviter suivre son
exemple.
Redressé
à
présent
et
pourvu
de ses
attributs,
Antoine
Abbé, l'ermite,
est seulement
intégréux catégories e la description,ellequ'on la met en œuvre ur
les retables.
Même sans être cherchés du
regard,
es saints ermites
retiennent
l'attention
es
fidèles. ls se situent
plutôt
sur
le
versant
gothique
de
la
peinture
talienne
peu présents
dans la
peinture
de
Giotto
et des
grands
giottesques,
e Maso à
Giottino,
u
réduits
un
rôle
de cheville
dans la
composition
29),
ls connaissent
n revanche
un franc succès
dans le
premier
Trecento,
ur les œuvres
d'un
Buffalmacco,
u d'un
Maître de
Figline,
'est-à-dire hez des
peintres
travaillant
n dehors
du
paradigme iottesque.
es histoires
ittoresques
es
Thébaïdes,
es
personnages
ors
du commun insi mis en
scène,
ne s'adressent
as
à
l'intellectmais au cœur ils touchent,ls émeuvent our convertiru
salut le
plus
grand
nombre.
D'une certaine
façon,
ils
sont
donc
à
l'opposé
des recherches e Giotto et de sa
boutique
(30).
Largement
représentés ar
les Siennois ouverts
au
gothique,
ls
figurent
ussi
dans le
répertoire
es
pseudo-giottesques
ui
sévissent
Florence ntre
1360
t 1390
par
leur
aspect
compact,
ls
conviennent des
peintures
archaïsantes,
ans
profondeur
t à
usage
didactique.
Cette
parenthèse
une
fois
refermée,
'est
bien
dans le filon de la
peinture gothique
que
certains
ermites
d'un
nouveau
genre,
'affirmerontu cours du
XVe
siècle.
- Saint Jean-Baptiste,n personnage part. Un ermiteun
peu
particulier
'est
individualisé
lus
tôt,
dès 1340-1350
il
s'agit
de saint
Jean-Baptiste,
e Précurseur u
Christ,
ernier
des
Prophètes
t
initia-
29.
Ainsi,
ur
e
Couronnement
e
la
Vierge
dans a
chapelle
aroncelli,
Giotto tilise es
figures
es saintsermites omme
hevilles
our
unir
a
composition
saint
Jean-Baptiste
st
repris
ans
a
prédelle,
t
saint
Onophrius
(predelle)
épond
saint Macaire
panneau
de
gauche).
30. La littérature
e l
epoque
considere ailleurs art
de
Giotto omme
plus
sérieux,
mais aussi
comme
lus
difficile
ue
celui
qui
l'a
précédé.
n
connaît a
remarque
'un des
personnages
u
Decaméron
ur
cette
peinture
qui plaît
à
l'intellect es savants t non aux
yeux
des illettrés
6e
ournée,
5e
nouvelle,
d.
C.
Salinari, ari,1979, .
444
q).
Le contrat
'une
peinturefaite ar Lippodi Benivieniers 313,ontientneexpressionssez semblable
à celle
qu'utilise
e
personnage
e Boccace on
parle
en
effet
e
figures
«
...que
multumlluminant
t aelectant
orda
t oculos
ivium
t
singularum
personarumspicientium
as
»
(dans
G.
MILANESI,
Nuovi Docuenti
per
la storiadell'arte
oscana,
lorence,
901,
.
19).
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67
teurde
la vie
érémitique
31).
Il est le
premier
apparaître
égèrement
dénudé,
a
peau
de mouton
aissant ses
bras à
découvert.
n
compagnie
de l'Enfant
Jésus,
ui-même
eprésenté
dans son
plus jeune âge,
il
évoque
l'innocence
des
premières
nnées Giovanni
Dominici recom-
mande
aux
patriciennes
lorentines
e
mettre
de telles
images
sous
les
yeux
de leurs enfants
our
leur éducation.
Adulte,
Jean-Baptiste
e
dévêt n
partie
pour
tenir la surface
du retable
e rôle du
personnage
qui indique
aux
spectateurs
a
scène
principale
il
pointe
de
son
index la
Vierge
à
l'Enfant
ou
le
Couronnement,
t
y
renvoie
les
regards 32). Sa nuditéhirsuteréponddonc aussi à la nécessitéde le
détacherde
la
morne
érie des
figurants
il
occupe
d'ailleurs
presque
toujours
le
panneau
de
gauche
dans
la
composition
33).
Ainsi,
es
saints
ermites e
sont
peu
à
peu imposés
sur le
retable,
d'abord
dans les
gables
et
les
pinacles,
puis
les
cartouches
de
la
prédelle,
nfin,
u terme du
parcours,
u
registre
entral.
Toutefois,
ils
n'ont rien
perdu
de leur
premier aspect
et sauf
Jean-Baptiste,
ils
agissent
ur le
cœur
des fidèles n cachant
eur
corps.
Corps
dénudés et
corps
contemplés
au XVe
siècle
Pourtantdans les dernières
nnées du
Trecento,
n
nouveau
type
d'image
se
répand.
Les saints ermites traditionnels
estent à
leur
place,
sans
grand
changement
en revanche s'affirment
es
person-
nages
ayant
un
rapport plus
lointain avec
la vie menée
au
désert
saint
Benoît,
et à
partir
du
XVe,
saint Jérôme.
Leur
public change
aussi,
et ne se reconnaît
lus
tout à fait
dans le
monde enchanté
de
la
Thébaïde.
- Vieux ermites,nouveauxpénitents.C'est à Florence,vers 1380-
1390,
que
la
représentation
es saints ermites
change.
Des
peintres
commeLorenzo
Monaco,
Spinello
Aretino,
iés aux vieuxOrdresmonas-
tiques
alors
en
plein
renouveau,
laborent
une veine
iconographique
différente.
31.
Sur
saint
Jean-Baptiste,
oir l'étude
de
M.
AROMBERG-LAVIN,
Giovanni
Battista
A
Study
in Renaissance
ReligiousSymbolism
dans
The Art
Bulletin,
6,
1955,
.
88-101.
32.
Saint
Jean-Baptiste
ient
insi sur
le
retable e rôle
que
joue
dans
les
pièces
de théâtre e
l'époque,
e
«
festaiuolo
,
qui
montreux
spectateurs
la scènequi se joue devant ux.M. BAXANDALL,aintingnd Experiencein Fifteenthenturytaly Oxford niversityress, 972, . 71-72.
33.
E.H.
GOMBRICH,
Moment nd
Movementn
Art dans
The
Journal
of
the
Warburg
nd Courtauld
nstitutes,
7, 1964,
.
301-302,
nsiste ur
la
place
privilégiée
e la
gauche
dans une
histoire
e la
perception.
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68
Sur les
fresques qui
ornent
'église
Sainte
Félicité,
e
camaldule
Lorenzo Monaco
rapportequelques
épisodes
de la
vie de saint Ono-
phrius,
notamment a
tentation ans
le désert.
Le vieil ermite
d'ordi-
naire recouvert
de
ses
longs
cheveux,
gît
à
présent
nu sur
le
sol,
devant sa hutte une
douce
pénombre
baigne
la
scène,
tandis
que
Dieu
apparaît
au-dessus
d'un
rocher
pour
soutenir
'ascète.
Fig.
3
Spinello
Aretino,
énitence
e Saint
Benoît,
lorence,
San
Miniato l
Monte.
Vers la mêmeépoque, SpinelloAretinopeint à fresques 'histoire
de saint Benoît
sur les murs
du couvent
bénédictin
de
San Miniato
al
Monte,
u-dessus
de Florence.
l
traite
en
particulier
'un
épisode
jusque
là
peu
abordé,
sauf
dans
la
miniature
la
pénitence
que
s'inflige
aint
Benoît
en se
jetant
nu
sur un
buisson de
roses
(34).
Ayant
ôté
ses
vêtements,
amassés
en tas
dans
le coin
de
l'image,
saint
Benoît est
allongé
sur
ce buisson
épineux
dans
un
médaillon
au-dessus
de
la
scène,
il
reçoit
miraculeusement
a nourriture
'un
corbeau
(fig.
3).
Comparée
aux
autres
peintures
llustrant
a
vie du
34. Sur
un
manuscrit
atin
du
MontCassin
Vat.
Lat.
1202,
ers
1072),
n
voit saint
Benoît
nu se
jeter
sur le
buisson
de roses
M. INGUANEZ
t
M.
AVERY,
Miniature
assinesi
el
secolo
XI illustranti
a vita
di S. Bene-
detto,
Mont
Cassin,
934.
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69
saint,
a
fresque
nnove
jamais
en
effet,
aint Benoît
n'avait
été ainsi
dénudé
(35).
Le
monastère
de
San
Miniato
al
Monte
est à
la
fin du
XIV*,
un
foyer
rtistique mportant our
le
gothique
international.
En
outre,
a clientèle
e
compose
de riches marchands
florentins,
n
général
retirés
des affaires
olitiques
de leur cité
ainsi,
Benedetto
degli
Alberti ommissionne es
fresques peintes par
Spinello
Aretino.
C'est
à ce
milieude
culture
t de richesse
que
s'adressent
es
histoires
de
saint
Benoît,
omme
une
conversationmondaine
qui
se déroulerait
dans la villa du
Paradis,
omptueuse
maison de
campagne ppartenant
à AntoniodegliAlberti 36). Dans ce contexteprécis, a vieillefigure
de
l'ermite
'adapte
aux
goûts
nouveaux,
e transforme
n celle
plus
à
la
mode,
du
pénitent
u
désert les valeurs
de l'Observance
rem-
portent
n vif
succès
dans
ce
public
averti.Et le courant
du
gothique
international'avèreun
excellent
upport our
es
ascètes
de
la nouvelle
spiritualité.
Les vieux
ermites,
el
saint
Antoine
Abbé,
ont
du mal à
répondre
ces
exigences.
ls continuent
ourtant
eur carrière
conographique,
plus
souvent
relégués
dans
les
compartiments
es
retables.A
Sienne,
sur
le
polyptyque
es
Jésuates
peint
vers
1444,
ano
di Pietro
place
AntoineAbbé dans
une
petite
cellule
du
pinacle
gauche
ce n'est
pas
l'ermitequi présenteGiovanniColombini,patron de l'Ordre,à la
Vierge
mais saint Jérôme
37).
Les autorités
monastiques
e
substituent
maintenant
leurs
personnages
auteur
de romans édifiantsmis en
fresque
ur
la
Thébaïde de
Pise,
Jérôme e
glisse
à la
place
d'Hilarion,
de Paul
et
d'AntoineAbbé.
-
Saint
Jérôme énitent u la
juste place du corps.
Saint
Jérôme,
austère docteur de
l'Eglise,
s'affirme
ès
la fin
du
XIVe
au centre
du nouveau
courant
de
dévotion.
l
devient très vite
la
figure
de
référence
apable
d'entraîner sa suite
les
vieux
Ordres
monastiques,
mais aussi les Jésuatesdu Bienheureux olombinide Sienne,puis ses
propres
Frères
ermites
qui
le choisissent
our
patron
(38).
Jérôme
passé
deux années
dans
les
solitudes
de
Chalcis,
non
loin d'Antioche
en
proie
aux
assauts
démoniaques, 'imposant
eûnes
et
macérations,
35.
Par
exemple,
a
prédelle einte ar
Giovanni el
Biondo
u
bas d'un
polyptyque
estiné u
mêmemonastère
e
San
Miniato,
e
représente
as
l'épisode
de la
pénitence
ue
s'inflige
aint Benoît.
Voir F.
ZERI,
Una
predella
d altre
cose di Giovanni el
Biondo,
dans
Paragone,
49,1962,
p.
14-20.
36.
F.
ANTAL,
lorentine
ainting
nd Its
Social
Background,ondres,1947,rad,tal.,Turin 960, . 301n. 188. e typeconographiqueu pénitent
au désert 'affirme
our
un
public
ourtois.
37. Sano
di
PIETRO,
Polyptyque
es
Jésuates,
ouventdes
Jésuates,
Sienne
auj.
Pinacothèque
Nationale),
444
P.
TORRITI,
La Pinacoteca
Nazionale
i
Siena.
dipinti
al XII al
XV
secolo,
Gênes,
977,
.
254
sq.
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70
il a
lui-même
squissé
le
portrait
urable du
pénitent
u
désert,
dans
une lettre
sa
fidèle
isciple
Eustochium
39).
Le
programme
conogra-
phique
est dès lors trouvé.
Fig.
Maître e a Madone
e
Buckingham
alace,
Retable
e Saint
Jérôme,
Avignon,
uséedu Petit
alais,
1460.
Au
toutdébut du XV'
siècle,
dans
la
mouvancede
Lorenzo
Monaco,
saint Jérôme st représenté ous les traitsdu pénitent 40). Pendanttout e siècleet bien
au-delà,
a fortune u
type
ne sera
pas
démentie.
38. Plusieurs
roupes
d'ermites e
placent
ous le
patronage
e
saint
Jérôme,
ès les années 1370
Pietro
Gambacorta
e
Pise fonde
insi
une
première
ommunauté
e
Frères
rmites e
saint
Jérôme,
rès
d'Urbino,
à
Cessano,
vers 1377 de
même,
Fiesole,
Carlo
de
Montegranelli
t un
Tertiaire ranciscain
egroupent
uelques
disciples.
'appellation
e Hiéro-
nvmites era
conférée
ces
groupusculeslus tard,
ous le
pontificat
e
Martin
(1417-1431).
e me
permets
e
renvoyer
our plus
de
détails ma
thèse,
conographie
t
Spiritualité
le
culte de
saint
Jérôme n
Italie
du
nord t du centre la
fin
du
MoyenAge,Paris, uin 1983,
x.
dactyl.,
h.
5
39.Emst.
XXII,
7,
dansJ.
LABOURT,
aint
Jérôme.ettres
Paris, 949,
,
p.
117-118.
érôme'est retiré ans le
désert
e
Chalcis,
ntre
76et
378.
l
rédige
ette
ettre
ers 384.
40.Ainsi,d'un peintre lorentin,ers 1400, n Saint Jérôme énitent,
auj.
Princeton,
usée d'Art
de
l'Université.
oir M.
MEISS,
Scholarship
and
Penitencen the
Early
Renaissance
The
Image of
Saint
Jerôme,
ans
Pantheon,
2, 1974,
.
134-140,
epris
ans The Painter's
hoice. roblems
n
the
nterpretationf
Renaissance
rt,
New
York-Londres,976,
.
189-203.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 73/128
71
Sans
vouloir
ci
retracer oute on
évolution,
e
me bornerai
indiquer
la
place
faite au
corps
dans ces
représentations.
e
pénitent
e
s'offre
pas
aux
regards
complètement
u
il
découvre
seulement
ne
partie
de son
corps,
la
poitrine qu'il frappe
de sa
pierre.
Ainsi,
sur le
retable
dit
de Saint Jérôme
vers
1460,
e
peintre
e
place
à
gauche
de
la
Vierge
à l'Enfant
fig.
) (41)
Jérôme
porte
la
tunique
brune des
Fig.
5 Carlo
Crivelli,
ala
Odoni,Londres,
National
Gallery,
490. étail
de
la
prédelle
Saint
Jérôme
énitent.
Hiéronymites,
ouée
par
une
ceinturede cuir
l'échancrure u vête-
ment
délimite
un
triangle
de chair
nue sur
lequel
il
s'administre
a
pénitence.
a nuditéest donc fonctionnelle.
41.Maître
e
la
Madone e
Buckingham
alace,
Retable e
SaintJérôme
1460,
glise
des Moines e S.
Jérôme,
iesole
auj.
Avignon,
usée
du
Petit
Palais).
Je me
permets
e
renvoyerour
un
plus
long
commentaire ma
thèse,
conographie
t
Spiritualité,
p. cit.,
h. 6.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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72
En
1490,
ans la
prédelle
de la
«
pala
»
Odoni,
Carlo
Crivelli
figure
le
pénitent
fig.
)
(42).
Jérôme
écouvre on
buste,
et
s'apprêtre
se
frapper
a
poitrine
agenouillé
devant e
corps
du
Christ tendu
ur la
croix,
l
se fait à son
image.
Autourde
lui,
le
peintre composé
par
touches
successives
e
bestiaire
fantastique ui
peuple
le désert les
forcesdu
mal,
le
serpent
t le
dragon
soufflant
e feu sur
la
colombe
posée
au-dessusde la
croix
43)
puis,
es animaux
bienfaisants,
a
grue
s'abreuvant
u
ruisseau,
e cerf
et le chien endormi
au
fond de la
caverne
(44)
aux
pieds
du
saint,
l'imposant
lion
témoigne
de la
maîtrise ue sonpatron obtenue ur son propre orps.Saint Jérôme
présente
une
nudité
fragmentée
t
contrôlée.
-
Le
corpsdu
Christ. Le
pénitent
uit
'exemple
du
Christ
rucifié
dans
l'iconographie
u second XVe
siècle,
Jérôme
st
agenouillé
devant
le
corps
du
Christ
qu'il
regarde
ntensément. ur la voie
difficile
e
l'ascèse,
l
tourmente a chair
sans atteindre e sacrifice
uprême.
La
nudité
fragmentée
e
Jérôme,
nlassablement
épétée
de
panneau
à
panneau,
xalte e
corps
nu
du Christ ur la
croix,
e
modèle
qui
reste
à
jamais
hors
d'atteinte.
C'est le seul corps que le peintredénude en respectant outefoisa
fragile
toffe
ouée autourdes
reins.Et ce
corps,
Jérôme eul
l'aperçoit
comme
prix
de son effort le
Crucifié ourne e
dos au
spectateur
évot
qui
contemple
a
scène. Très vite en
effet,
e
support
du
pénitent
u
désert n'est
plus
le lourd
polyptyque,
mais le
panneau
de
dévotion
individuelle
u'on place
dans sa
chambre
ou
dans
son cabinet de
travail,
u'on
regarde
en
privé.
Dans ce
nouveau
cadre
de
vision,
e
pénitent
ert
d'intermédiaire
u
dévot
qui
le
regarde
une
relation
triangulaire 'esquisse
entre e
pieux
commanditaire,
on
saint
patron
42. Carlo
CRIVELLI,
Saint
Jérôme énitent
prédelle),
uj.
Londres,
National
Gallery.
a Pala Odoni
fut
placée
dans 1
glise
Saint
François
e
Matelica
Vénétie).
43. Le
dragon
cherchant
atteindre
a colombe
l'âme
du
chrétien)
réfugiée
ur le bois de la
croix,
e trouve
déjà
sur une
miniature 'un
canon
vangélique
nluminé
l'époque
arolingienne
ans
l'atelier
e Haut-
villers
la colombe
st ci
disposée
u sommet
u
fronton,
ur
'arbre e vie
qui
couronne
e
canon
vangélique
sur es
côtés,
deux
dragons
ssaient e
l'atteindre.
44.
La
grue
t le chien
ymbolisent
es vertus e
loyauté
t de fidélité
le
cerf
st l'âme du fidèle
d'après 'interprétationatristique
u
Cantique
des
Cantiques) ui
sur
l'image,
e tourne ers e
refuge
ûr de la
grotte.
Pour une étude détaillée au bestiaire hiér
nymien,
H.
FRIEDMANN,A BestiaryorSaintJerome. nimal ymbolismn EuropeanReligious rt,
Washington,
980,
.
97-98.
e
reporter
maintenant
M. LATTANZI
t
M.
MERCALLI,
l
tema del San Girolamo ell'eremo ella cultura eneta
tra
Quattro
Cinquecento
dans
I San Girolamo i
Lorenzo
otto Castel
Sant'Angelo,
ome, 983,
.
71-107.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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73
et le Christ
mais,
l'humble
personnageque
parfois
on
représente
dans
l'image,
ne voit
que
Jérôme
énitent
il
ne
peut
encore
parvenir
à la
contemplation
u
corps
du Christ
45).
Au début
du XVIe
siècle,
e
corps
du
pénitent
'efface
our
laisser
place
au riche
dévot
qui
contemple
e
Christ mort
sur la croix.
La
relation
irecte e
passe
désormais
de son intermédiaire
il
ne
lui
reste
plus
qu'à
se fondre
dans
la nature uxuriante
ui
l'entoure.Ainsi
le
Saint Jérôme
énitent
e LorenzoLotto
est-il éduit
cette
petitefigure
sur
le devant
de la
scène,
qui disparaît
dans
le
paysage
(46)
mais
ne
retrouve-t-ilas de la sorte 'unité déniquedes Théb ides ?
Ainsi
donc,
es
saints
rmites,
lus
tard
pénitents
u
désert,
montrent
très
peu
leur
corps.
Seulement l'extrême
indu XIVe
siècle,
pour
un
public
choisi,
les
pénitents
découvrent
une nudité
coupable
saint
Benoît se
jette
sur
un buisson
de
roses,
et l'austère
saint
Jérôme
e
frappe
a
poitrine.
ls ne
méritent
as
d'apparaître
nus
aux
yeux
de
leurs
dévots,
mais ils leurs
servent
d'intermédiaire
ans
la contem-
plation
du
corps
du
Christ
étendu sur
la croix. Très vite
cependant,
la relation
e
fera
sans
eux
retournés u
paysage
dont ils
sont sortis
par
leur
ascèse,
ils avouent
'histoire
'un échec.
Mais sur
le
panneau
de Lotto, e paysageque parcourt n cavalier, ue regarde ntensément
le
spectateur,
st-il
bien de
ce monde
45.Ainsi,ur e polyptyqueeZara,peint arCarpaccio ers1487,e com-
manditaire,
e chanoineMartinMladosich,st représenté genoux aceà
saint
Jérôme
ui prie
e Christ ur
a
croix.Jérôme son buste
découvert.
46.
Lorenzo
OTTO,
Saint Jérôme
énitent, eint
n 1506
our
'évêque
de
Rossi,
uj.
Paris,
Muséedu
Louvre.
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François
JACQUESSON
L'ARGUMENT
D'ANSELME
ET LA
GENÈSE
DE
LA
DIALECTIQUE
Anselme
découvre la
formulation
de
sa
découverte
même
Convincitur
rgo
etiam
nsipiens
sse
vel in
intéllectu
aliquid
quo
nihil
ma
us cogitavi
otest,
uia
hoc cum
audit
intelligit,
t
quidquid
intelligitur
n
intellectu
est
Et certe
id
quo
majus cogitavi
nequit
non
potest
esse
in solo
intellectu
1).
Proslogion,
I.
Isoler
l'Argument
ans
sa saisissante
concision,
dissimule
ce
que
le livre
qui
le contient
évèle
aussi soudain
que
son
effet
uisse
être,
à
tel
point
qu'il
semble
physiquement
ynamiser
'intelligence,
l
est
le fruit
des
cloîtres.
l est
certainement
n mouvement
u
génie,
et
Anselme
s'est
expliqué
là-dessus,
mais
parce
que
son
inventeur
lucidement
omposé
ce
qui
n'était
usqu'alors,
comme
il
l'a
ressenti
1.
«
Même
'insensé,
onc,
oit
dmettre
u'existe
ans
'intellect
uelque
chosequi est plus grand ue toutce qu'onpeutpenser, uisquequand lentendela, l le comprend,t que ce qu'oncomprendxiste ans 'intellect.
Or,
ce
qui
est
plus
grand
ue
ce
qu'on
peut
penser,
e
peut
pas
exister
seulement
ans
l'intellect
tel est
l'Argument.
oyré
traduit
«
Or,
donc,
l'insensé
ui-même
oit
convenir
u'il
y
a dans
l'intelligence
uelque
chose
dont
on
ne
peut
rienconcevoir
e
plus
grand,
arce
que
lorsquil
entend
(cette xpression),
l la
comprend,
t
tout
ce
que
l'on
comprend
st dans
l'intelligence.
t certainement
e dont
on
ne
peut
rien
concevoir
e
plus
grand
ne
peut
être
dans
l'intellect
eul.
(
Proslogion
introd.,
d. et
trad.
Koyré,
Vrin,
e
éd., 1967).
. Ward
«
So the
fool has
to
agree
that
the
concept
f
something
han
which
nothing reater
an
be
thought
xists
in his
understanding...
(
Prayers
nd
meditations
f
St. Anselm
Penguin
Classics,1973).
Les
traductions
u
passage-clef,
liquid
quo
nihil
majus
cogitari
otest
en
copiant
a
syntaxe blique
du
quo
majus
me semblent
manquer
u naturel
ui
est
en latin.
De
plus,
t
j'espère
voirmontré
our-
quoi,
es
deux
versions
uccessives
e la formule
e sont
pas
tout
à
fait
identiquesans e texte. L'insensé en question,outes es éditions'indi-
quent,
st celui
du
Ps.
14, (Vulgate,
3,
)
«
L'insensé
dit dans
son cœur
Il
n'y
a
pas
de
Dieu . Jérôme
raduit
nsipiens,
t les
Septante phrôn,
l'hébreu
abal,
ui
est
nsensé
u
plan
moral
lutôt
u'intellectuel
u mental.
Quelque
hose
u
genre
«
le
libertin
ui-même
oit
reconnaître...
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76
mieux
tenir,
l
aveugle
le désir
pour
mieux
étreindre son
Argument
n'est
pas
moins
étrange,
ollicitant e
néant comme un
détour
pour
l'évidence e
la
Présence enfin
a
«
méthode
,
cette
patience
nfiévrée,
rassemble es
deux
termes,
e déclic résonant
dans
le vide
accueilli,
qui
dans 'oubli reformaita
mémoire,
t
découvrait lors ce
qu'il
savait
avoir
toujours
su.
Et
nous,
en le
lisant,
réalisons
l'impact
de
l'Argument,
e
même
qu'on
comprend
n raisonnement
arfois,
n une
fois,
presque
bruta-
lement,
ussi
longs
et laborieux
u'aient
été nos
essais et nos
circuits,
notre iminaire émarche, en un éclair de sortequ'il nous semble
que
c'est
au
moment
précis
où
le
problème
st enfinbien
posé
qu'il
se
résout,
t
à
jamais.
Ou
encore,
omme un
mot
qu'on
cherchait,
t
qui
semblait
fuir
d'autant
mieux
qu'on s'appliquait
à le
poursuivre,
parce
qu'on
abandonne
à
la fin
a
recherche t
qu'on
rend à
l'esprit
une
liberté,
e mot
revient, oudain,
ntact,
doublé
ou même
mprégné
de cette sensation
que,
tout au
long, depuis
le
début,
on a
su
quel
il
était,
qu'il
aurait
toujours
été
là,
mais comme derrièreun
voile
qui
s'épaississait
ous
le
regard,
e
voile de
Poppée
que
le désir
opacifie
et
qu'il
a
suffi
'un nstant e rétention
our
rendre
ransparent.
omme
s'il était 'écho
inattendu
'un
son
inexistant,
e
net reflet 'une
image
imperceptible.
Ouverture de
l'espace
mental
Au lieu d'insister
d'abord sur
lui-même,
e
se décrire
saturé
de
désir,
Anselme
creuse
son
vide,
avant
même
qu'il
ne
devienne un
manque.
l
tient
part
es
deux termes
e
l'alternance,
omuncio/Deum,
et c'est cette
différence
cquise qu'il explore,
n
gouffre éjà-là,déjà
su,
sinon
déjà
connu.
«
L'état
de
recherche où
il
se
place,
sinon l'état
d'esprit,est justement a différence ui se découvre entre su et
connu
la foi
d'emblée sait
que
ce
gouffre
xiste,
mais elle
ne
peut
que
le
savoir.
La foi est
un savoir d'avant e
savoir,
lle est
l'aiguillon
nécessaire
du
voyage
de la connaissance
de
Dieu,
elle n'est
pas
ce
voyage.
Neque
enim
quaero
intelligere
t
credam,
sed
credo ut intel-
ligam
3).
3. Ibidem
n
fine
«
car enfin
e
ne cherche
as
à
comprendreour
ustifier
ma
foi,
mais
e
veux
une foi
qui
m'aide
comprendre.
Mot à mot
«
Car
je ne cherche as à comprendreourcroire,mais e croispourcomprendre
(
=
trad.
Koyré).
a suite
et
findu
chapitre)
st Nam et hoc credo
quia
nisi
credidero,
on
intelligam.
Car
je
crois
aussi
que
sans avoir d'abord
cru,
e
n'aurais
pu
comprendre.
Koyré
«
Car,
e
crois
aussi
que je
ne
pourrais
omprendre
i
je
ne
croyais as.
»
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77
Ce
peut
n'être
u'une
substitution e termes ur
un
schéma
préexistant
l'ermite
voyait
Dieu
au
loin,
et
chaque
mouvement
u'il
faisait
pour
se
rapprocher
e
lui,
ui montrait
nouveau,
u seul fait
du
mouvement,
la
distance la foi seule n'est
qu'une
ancinante
ostalgie
l'ascète nves-
tissait
'expérience
ans
la vérité
lutôt ue
dans les
usages
ou
le
modè-
lement
des
habitudes,
mais
de
ce
fait sa vérité était
sentimentale,
puisqu'il
ne
pouvait
l'atteindre
que par
le ressentiment.
Anselme
quant
à
lui
«
objective
Dieu dans ce
qu'on
sait,
d'un savoir
qui
précède
son
contenu,
ans
l'intuition,
andis
que
l'ascèse
anselmienne
c'est la volonté qui se revigore dans sa tentativemême, c'est
l'intelligence.
Mais
dans ces
termes,
e schéma
ascétique
était
métamorphosé.
n
somme
et
c'est
déjà
la
substance
de
l'Argument)
'ascèse
érémitique
peut
bien ne
prouver
que
la
douleur de
l'homme
perdu,
et
pousser
à
la
folie,
u
suicide,
u
mépris
tandis
que
l'ascèse
de
l'intelligence,
au lieu
de
risquer
de
n'être
que
l'insistance
marteléed'un
corps
perdu,
l'exercice
d'intelligence ésigne
sa finalité
nvisible,
out
comme une
perspective,
même au-delà de tout
dessin,
de tout
tracé,
dessine l'évi-
dence de son
point
de fuite.L'ascétisme
pouvait
n'être
qu'une
lutte
avec l'Ange, u une monstrueuse entation comprendrest une Tenta-tive
qui,
aussi
imparfaites u'en
soient les formes
circonstancielles,
n'est
jamais
un échec.
L'intelligence
e
Dieu,
aussi minuscule
qu'elle
puisse
être,
est la
preuve
de
Dieu,
tout
de même
que
deux
points
seulement
uffisent
définir ette nfinité e
points
qu'est
une
droite.
Dans
cette
perspective,
'est
l'espace
de la foi
qui
change,
et
qui
allait
en effet e transformer
ans l'élaboration
du
«
style gothique
.
L'homme
le
plus pieux,
ce
n'était
plus
le
plus
triste,
ou
celui
qui
tuait
le mieux son
corps
dès cette vie douloureuse
le
corps
n'était
plus
forcément
oûté dans
la vallée de
larmes,
ni le
signe paradoxale-
ment
exalté du salut
la
souffrance
llait se
désacraliser,
n allait
pouvoirguérir.La portée des formulations nselmiennes st aussi
ambitieuse
que
celle
des
arcs
gothiques
dont les verticales démul-
tipliées,
u-delà des
toits,
visent
t
désigent
e
point
du
ciel.
Si Anselme est ordinairement onsidéré
comme l'initiateur
e
la
scolas
ique,
c'est
parce
que
celle-ci
est,
ni
avant-goût
es
Lumières,
ni
dogmatique
bscurantiste,
'espace
ntellectuel ù
la foi
génère
'intel-
ligible
ou mieux le moment ù l'évidence
de la
foi est
exactement
corollaire
de la
démarche
d'intelligibilité
e son
contenu.En
somme,
toute
ntelligence
evenant
a
preuve
en
acte
de
sa
foi,
devient
espon-
sable
de sa
croyance.
Déjà
Anselme
se sent
obligé
de
signaler
que,
malgré ertaines pparences, on discoursest orthodoxe. n sait quels
procès
l'on
fera,
un siècle
plus
tard,
à Abélard.Et finalement
ue
la
personnalisation
e la
croyance
débouchera à la
fois
sur les
protes-
tantismos
t les
tribunaux
'Inquisition.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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78
Car
ce
qui
apparaît
d'abord comme
«
libération
,
impose
ses
exi-
gences
si
l'intelligence
e Dieu est une démarche
ntérieure,
avantage
que
la
simple
révélation e la
foi,
enfin i
la
religion
st
intellectuelle
et
pas
seulement
ensible,
lors le contenu
de la foi
ne
tient
plus
dans
les
symboles
des
conciles,
ni même dans les
définitions
u Credo.
Il
ne
suffit
lus
de
croire.
Selon
Anselme,
u
début l
n'y
a
qu'un espace
-
et
quelqu'un qui
regarde
depuis
l'autre côté.
Au
début,
comme une
vacuité,
à
quoi
il
convie l'intellectuel vaca
aliquantulum
Deo... Intra in
cubiculum
mentistuae) parce que c'est de l'existence u de la résonancede ce
vide
qu'il
tire sa
Preuve si tu
peux imaginer
uelque
chose
quo
nihil
majus
cogitari
otest,
ela
signifie
ue
tu
peux
imaginer
u'il
y
a
cette
chose et
que
cette
chose
n'est
pas
seulement n intellectu
puisque
cette
restriction
st contraire
sa condition 'existence
donc dès
que
tu
peux
imaginer
u'il y
a
cette
chose,
c'est
que
cette chose est
-
il
s'agit
d'un exercice
de
«
raison
pure
»
et l'être
auquel
aboutit 'exercice
est
un
être-de-raison-pure
ui
se
découvre
être-pur.
l
n'est
pas
un
objet
créé
(Anselme
montre ans le
Monologion
omment
l
ne saurait
être
qu'e*
nihilo et
per
nihilum)
parce
qu'on
n'est
pas
parti
de
quelque
chose,
liquid,
mais de
aliquid quo
nihil
majus
cogitari
possit
L'être d'Anselme st d'abordun algorithme.
Aussi
la démarche
nselmienne,
on
Argument,
e
part-elle as
du
Vide comme
chose,
qui
ne serait
qu'un
autre
aliquid
une autre
fixation
obsessionnelle,
mais bien du
premier
cart d'une démarche
ui
s'engage
dans un
espace
du même
coup
libéré.
La foi
d'Anselme st
un
enga-
gement,
mais non
pas
comme un vœu
qui
se fixe aussitôt
qu'il
se
prend,
t
qui
n'était
donc
qu'un signe,
plutôt
c'est,
si l'on
veut,
plus
humble)
comme
un
sens,
quelque
chose
par
exemple qu'on
entend
avant même de
le
comprendre,
mais dont on verra
en le
comprenant
qu'on
l'avait entendu
parce qu'on
écoutait.
Le
«
mauvais
ou le
«méchant dans la théologied'Anselme, t ses prièresle montrent
bien,
ne sont
pas
tels
parce qu'ils
nient,mais
parce
qu'ils
sont
super-
ficiels
puisque,
au cœur même de la
négation,
u
néant,
'intelligent
comprend ue
cette
négation
st;
et
que
cette volonté
même
de nier
est
une
affirmation
non
possim
non
int
iliger
(4).
Mais
comprendre,
ncore une
fois
(et
malgré
la
scolastique
qui
repliera
l'un sur l'autre
pour
mieux exciser l'élan de
l'intelligence,
toujours
«
indiscipliné
,
des
«
résultats
acquis
»,
qu'il
faut
«
conso-
lider»:
lexique
scolaire...),
ce n'est
jamais
seulement
avoir-compris.
Comprendre,
'est
comprendre
n
acte,
c'est
m'engager
dans
la
com-
préhension,
n intellectu.
out de suite
je
ne
pars plus
de
rien,
et le
« vide intérieur où je me suis retiré, utant qu'une métaphoredu
néant,
est
une condition
du calcul. Commencer e
comprendre,
'est
4.
Prosi. V
in
fine
«
Je ne
pourrais
e
pas comprendre.
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79
dégager
es conditions
e
compréhension
in
intellectu
e
signifie
as
seulement
n
«
domaine
,
même
nouveau,
n
quoi quelque
chose
aurait
lieu,
un secteur ncertain
our
un être
immobile,
mais
le
mouvement
où cette
«
chose
»
se donne ieu
se révèle
être.
L'algorithme
'est
pas
seulement a table
d'un
calcul,
mais le
calcul aussi
bien les
conditions
et
l'effectuation,
e schème
dans l'action.
Aussi
ma
façon
de
comprendre
st-elle
une
façon
de me-faire-com-
prendre,
vec un
«
me
»
à la fois
accusatif
et datif.
Et
l'expression
de mon
intelligence
de
Dieu
est-elle
autant
l'intelligence
de
mon
expression.
Gratias
tibi bone
Domine,
gradas
tibi
quia
quod prius
credidi
te
donante
jam
sic
intelligo
e illuminante
..
(5)
L'intelligence
'est
pas
tant
quelque
chose
qui
est
là,
quelque
Chose,
que quelque
chose
qui
devient,
uelque
affirmation.
e
illuminante
c'est-à-dire
ue
bien sûr
j'y
suis,
et
qu'il
ne
me
reste
qu'à
trouver
de même
s'agit-il
moins
d'un
aliquid que
d'un
aliquid
quo...,
d'une
méthode.
La
phrase
ne dit
plus
tant
des
choses,
saisies
avant
elle,
qu'elle
n'est,
omme
ors de l'invention
xemplaire
e
l'Argument,
eur
processus
d'intellection
in intellectu.
es
conditions
pistémologiques,
ou gnoséologiques, e ce qu'on appellera le concept sont là : dans
ces
premières
ormulations es
logiques
de
l'intériorité,
ans
le
dégage-
ment
d'un
«
espace
mental
explorable,
dans
l'intuition
'une liberté
en recel où
penser
à
part
soi,
réveiller 'étonnement.
Et
peut-être
à encore
y
a-t-il
un
coup oblique.
La
posture
d'exi-
gence
où Anselmemet le
discours,
outre
qu'elle
évoque
en
effet
es
traits
pparemmentllogènes
ue
sont
e
développement
e la
médecine
et
des
mathématiques
lgébriques,
oncentre
a réflexion
ur ce
Dieu
abscons
qui
pourrait
n'être comme
chez
Spinoza
(mais
certainement
pas
chez
Pascal)
qu'une géante
t
puissante
provocation.
t
pour
cette
raison
elle allait
refermer ans
un
propos
unifié
a culture
latine
médiévale, ui allait s'identifiere plus en plus largement la scolas-
tique
à mesure
que
celle-ci e
sclérosait
ainsi n'est-ce
eut-être
as
un
hasard
si
c'est
vers le
temps
d'Anselme
ue
la
latinité,
ommençant
de se contracter
omme
a Peau
de
chagrin,
onne
ieu
aux
expressions
vernaculaires.
Le
dépassement
de la
logique
La
scolastique
anselmienne
articipe
n
même
temps
d'une
logique
et d'une
magie
l'algorithme
st
un morceau
de
logique
découvert
ar
caprice
-
ou plus exactement la singularité fficace, ésomptive, e
5. Ibidem
«
Merci
généreux
eigneur,
merci
ce
que
j'ai
cru d'abord
parce
que
tu le
donnais,
e
le
comprends
aintenant
arce que
tu
m'illu-
mines.
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81
Sic
quippe
semper
es ultra lia cum
semper
bi sis
praesens
seu
cum illud
semper
sit
tibi
praesens
ad
quod
illa nondum
perve-
nerunt
7).
La
Situation st d'autant
plus
intéressante
u'Anselme
ut au moins
un
contradicteur,
ans la
personne
de Gaunilon.L'idée
d'Anselme st
donc
que
quand
nous disons
aliquid
quo
nihil ma
us cogitari pos
it,
nous
comprenons
e
que
nous disons cette
phrase
a un sens
le sens
existe dans notre
ntelligence
t de ce fait cet
aliquid-quo-nihil-majus-
cogitari-possit
comme une
existence ntellectuelle.
r,
dit
Anselme,
dès qu'onadmetqu'unêtre llimité une forme uelconqued'existence,
il
faut ui reconnaître ne existence
llimitée,
onc
pas
seulement ans
l'intellectmais aussi bien
en réalité.
Gaunilonbien
sûr
réplique
sur les deux
temps.
Fait observer
u'il
ne suffit
as
qu'on
puisse
concevoir
uelque
chose
pour qu'elle
existe
l'existence
oncrète
e se
superpose
as
à
l'existence ntellectuelle
et ce
d'autantmoins d'ailleurs
pour
Dieu,
dont on ne saurait se
faire
d'idée.
En
fait,
omme dans les
paradoxes
éléatiques,
vec
qui
cette situa-
tion a
psychologiquement
eaucoup
en
commun,
'opposition
emble
irréductible s'il
s'agit
d'un raisonnement
oint
par
point,
c'est Gau-
nilon
qui
va avoirraison mais
l'Argument
st
plus qu'unraisonnement,il n'estpas linéaire, t ne se peut décomposer ans une successionde
ses
parties.
Ainsi le
dernier
point qu'objecte
Gaunilon,
que
de Dieu
on ne saurait avoir
d'idée,
a
priori,
montre
que
Gaunilon n'a
pas
saisi le fait central de
la
théologie ogique
d'Anselme
que,
de ce
fait
que
Dieu
s'échappe,
u
mieux,
de cet étonnement evant
'impossi-
bilitémême de
percevoir
ieu,
nait la
possibilité
e le concevoir
Dieu
est
au
bout de
cet
étonnement.
Non tento
Domine,
penetrare
ltitudinem uam
quia
nullatenus
comparo
Uli intellectum
meum,
ed desidero
aliquatenus
ntelligere
veritat
m
tuam
quam
credit
et
amat cor meum
8).
Gaunilon considère
que
toute
pensée
est réductible
des
objets
de
pensée,
t
qu'il
y
a
dans
un monde
d'objets
la
possibilité
d'une
logique
d'organisation.
our
Anselme,
et c'est l'essentiel de son
œuvre,
la
7.
Proslogion,
X,
extrait
«
Tu
es
toujours
u-delàdes
choses,
uisque
ce
point
où elles n'ont
pas
encore
tteint,
oi
justement
u
y
es
présent
depuis oujours,
t il t'a
toujours
té
présent.
La
différencentre es deux
cas
passablement
ubtile,
mais
remarquable
tandis
ue
les choses doivent
suivre e cours du
temps,
t
qu'en
somme
lles
ne sont
coprésentes
u'à
elles-mêmes
ou qu'elles
n'ont
pas
d'autre
tempsque
le
leur),
Dieu
est
constamment
oprésent
e
tout, u'on
e le
représenteccompagnantoujoursun pointdu temps, oit accompagnanthaque pointdu temps la fois
8. Prosi
I
extrait
«
Je ne
prétends as, Seigneur,
énétrer
oute ta
profondeur,uisque e
ne
saurais en
rien
ui
comparer
mon
intelligence,
mais
je
désire
quelque
ntelligence
e ta
vérité, ue
croit
et aime mon
cceur.
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82
pensée
commence
dès celui
qui
pense.
Et dès lors
la
logique
devient
plus
sensible,
oute
pensée
devient
perspective
ur la
pensée.
Anselme
invente,
u sens moderne
du
mot,
la théorie.
Il faut
nsister
ur ce
changement
e
perspective.
aunilon
n'a
rien
d'un sot
sa mise au
point
est
claire,
et fine.
Objectant
que
Dieu est
insaisissable
a
priori,
l
met en cause immédiatement e
qui
lui
apparaît purement hétorique
hez Anselme
Cur
contra
neganiem
ut
dubitantem,
uod
sit
aliqua
talis
natura,
tota ista disputadoest assumpta Postremo, uod tale sit illud ut
non
possit
nisi mox
cogitatum
ndubitabilis xistentiae uae certo
percipi
intellectu,
ndubio
aliquo probandum
mihi est
argumento,
non
autem sto
quod jam
sit
in
intellectu
meo
cum auditum
nteU
lego
(9).
Le
«
rationalisme
de Gaunilon sent
parfaitement
e
point
sensible
d'Anselme
que
si le sentiment
e l'homme
participe
de la démonstra-
tion
de
Dieu,
celui-ci finira
par
s'intérioriser
ans
celui-là,
t n'être
plus qu'une
humeur.
La
réplique
de
Gaunilon
possède
une
élégance
dialectique,
u sens
ancien du
mot,
t
une clarté
d'allure
souvent,
ui
soutiennent
a com-
paraison avec l'expression oncentréed'Anselme.Par exemple,dans
sa
discussion
ointpar point,
our
montrer
ue
la
preuve
d'Anselme
'a
pas
d'ossature
ogique
Si
esse
dicendum est in
intellectu,
uod
secundum
veritatem
cujusquam
rei
nequit
saltem
cogitari,
t hoc in meo sic esse
non
denego.
Sed
quia
per
hoc esse
quoque
in
re non
potest
ullatenus
ob iner
,
illud esse
ei adhuc
penitus
non
concedo,
quousque
mihi
argumento robetur
ndubio
10).
Il
explicite
a
critique
dans
un autre
passage
de sa
brochure,
ui
est
particulièrement
ntéressant
Nam si de
homine
liquo,
mihi
prorsum gnoto,
uem
etiam esse
nescirem,
dici tarnen
liquid
audirem,
per
illam
specialem gene
ralemve
notitiam,
ua
quid
sit homovel homines
novi,
de
ilio
quoque
secundum
rem
ipsam,
quae
est
homo,
cogitare
possem
et tamen
fieri posset
ut,
mentiente
lio
qui
diceret,
pse, quem
cogitarem,
9.
Gaunilon,
ro
Insipiente,
I,
extrait
«
(car
si l'on
ne
peut
même
as
penser ue
cela n'existe
as) pourquoi
oute ettediscussion
vec
ceux
qui
nient u doutent
u'existe
ne tellenature
De
ce
qu'on
ne
pourrait,
ussitôt
qu'on
'a
pensé,
u'être
ssuré
de l'existence
ndubitablee
cela dans 'intel-
lect,
l
m'en
fautune
preuveplus
solide
que
celle-ci
que
cela existerait
dansmon sprit èsque, 'ayantntendu,e le comprends.
10.
bidem,
V,
extrait
«
S'il faut roire
u'existe
ans
l'intellecte
qui
ne
peut
être
pensé
eulement
omme ne vérité
bjective,e
l'admets ussi
bien.
Que
de
là,
cela
existe
ussi
objectivement,
'est
impossible
t
je
ne
peux
pas
aller
usque
à,
jusqu'à
ce
qu'on
me le démontre.
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83
homo non esset
cum
tarnen
go
de ilio secundum
veram
nihilo-
minus
rem
non
quae
esset
Ule
homo,
ed
quae
est homo
quidlibet,
cogitarem
11).
Les
virgules
e
la
Patrologie
Koyré
dans
son
édition n
supprime lu-
sieurs,
vec
raison)
rendent
lus
sensible
a
manière ont
pense
'auteur
le schéma de
la
phrase
est
«
si
de nomine
liquo
aliquid
audirem,
e
ilio
cogitare
possem
et
tarnen
ieriposset
ut
homo non esset
De
ilio
non
quae
esset
Ule homo
sed
quae
est
homo
quidlibet, ogitarem
. Et
on
pourrait
ondenser
ncore
e
résumé mais
ce
qui
est
remarquable,
c'est qu'on peut parfaitementésumer a phraseen utilisant a propre
syntaxe
il
suffit
'enlever
es
incidentes
participiales
pposées,
rela-
tives,
irconstancielles
ominales)
t
de
simplifier
'armature
yntaxique
(nam,
tarnen, um,
quoque,
sed).
De sorte
que
la
phrase
entière
apparaît
ommeune
pensée
assez
simple
où
s'agrègent,
n alvéoles
sépa-
rables,
'instrumentation
xplicitée
de la
pensée,
qu'on peut
voir soit
comme
un effort
édagogique,
soit
comme
une
précaution
d'école.
En
somme
la
complication
des
phrases
de
Gaunilon,
qui peut
être
aussi
impressionnante
ue
leur
simplicité
eut
être
charmeuse,
st
une
complication
xtrinsèque,
t non
pas
une
complexité.
De même
que
Dieu existe
déjà, pour Gaunilon,
ans
une antériorité
ogique
en
deçàmême de la logique,de même a penséeexistedéjà, et sa formulation
n'est
que pour
s'assurer
de sa
forme,
érifier.
Tandis
qu'Anselme
nvente.
Le
processus
de l'intellection
st
sa
curiosité
t
le
ferment
e sa
curiosité,
t
l'objet
de
sa curiosité.
Mais
l'ambition
d'Anselme
n'est
pas
de classer
des
formesdans
des caté-
gories,
ni de
marquer
es
moments
uccessifs
t
donc
séparables
des
procédés,
mais de
découvrir
a
clef
qui
les
mette n
marche...
11.
bidem,
V,
P.L.
158,
ol.
245,
xtrait
«
Car d'un
ndividu
ont
'aurais
tout
gnoré,
usqu'à
son
existence,
i
j'entendais
ourtant
ire
quelque
hose,
je pourrais, race
à cette
notion
u'on
a de
l'espèce
ou du
genre, uim'apprenduec'estunhomme,u l'Homme, propos e cet ndividuussi,
par
cela
qu
l est
homme,
e
pourrais
onc
penser.
t
pourtant
l
pourrait
se faire
ue,
si mon
nformateur
'a
menti,
elui à
qui
je
pensais
ne soit
pas
un
homme
puisqu'à
ui
je pensais
omme un
homme,
hose
qui
n'en existe
as
moins,
t non
pas
de
lui individuellement.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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84
cepi
mecum
quaerere
si
forteposset
inveniri
num
argumentum
quod
nullo
alio
ad
se
probandum uam
se
solo
indigeret
12)
comme
pour
ces automates
qui
allaient
devenir à
la mode
à
l'âge
gothique voyez
Baltrusaïtis)
parce qu'on
était
stupéfié
u'un
mouve-
ment nitial
unique,
a
clef ou
le
courant
iquide,
ngendrât
es
mouve-
ments
divers,
nimât une
multiplicité
'oiseaux
dans
un arbre
factice,
et
fîtsentird'une
façon
si
aptement
aradisiaque
que
la forêt
ntière
ne
vivait
que
d'une
âme.
Cela
impliquequ'en
retrait e la série
numérique,
xiste
un nombre
d'avant l'un, car le permieroiseau n'est déjà plus tous-les-oiseaux,
mais seulement e
premier
d'une série
et l'Un
de la
démultiplication
car
ce
qui
multiplie
n
mouvement
ans
une
répétition
e
l'identique
mouvement,
st autre chose
qu'un
mouvement.
e sorte
que
le zéro est
bien dans
l'addition e
qu'est
'un dans
la
multiplication,
a clef
de
toute
opération
de cohérence.
Quo
nihil
ma
us.
Trajectoire
et
puissance
de la
négativité dialectique
Si les automatesviennent, omme la médecineet sa chimie, es
mathématiques
t
leur
zéro,
de
l'extérieur
et
«
l'extérieur
,
à ce
moment,
st
surtout
e monde
politiquement
rabe,
avec
ses
compo-
santes
multiples),
ela
signifie
'abord
qu'il
leur
a été fait une
place,
qu'il
s'est
opéré
très
«
anselmiennement
une ouverture
ntérieure
ù
accueillir
a nouveauté.
Rien d'étonnant
ue
ce fûtcette
nouveauté
ui,
elle
aussi,
magnifiait
t
expérimentait
es
opérations
synthétiques.
Mais sous
un autre
angle
la démarche
d'accueil,
'invention
nsel-
mienne,
st
réellement
ndogène,
t même
représente
e dernier
point
possible
d'un
parcours ogique,
a dernièremue
et
la
métamorphose.
12.
Proslogion,
réface,
xtrait
«
Je
commençais
me demander
'il
était
possible
de
découvrir
n
argumentndépendant,
ui
soit
à lui-même
sa
preuve...
L'ensemble
e
la
phrase,
itée
plus
loin
dans
l'article,
st
«
...qui
oit à
lui-mêmea
preuve,
t
qui
suffise
assurer e
lui-même
u'en
vérité ieu
existe,
u'il
est
le bien
suprême,
épendant
e nul
autre,
mais
dont out
dépend
our
tre t être
bien,
y
compris
e
que
nous
croyons
e la
divine ubstance.
La suite
est très
remarquable
«
Alors,
ouvent, 'y
consacrais
oigneusement
a
réflexion,
t
tantôt
l
me semblait
ue
ce
que
je
cherchais
llait
pouvoir
tre
saisi,
tantôt
ela
échappait
otalement
ma
pénétration;
inalement,
bandonnant
out
espoir,
e
voulus m'arrêter
à,
puisqu'il
semblait
ue je
cherchais
ne chose
dont
la
découverte
tait
impossible.
our
que
mon
esprit,
ccupé
nutilement,
e
soit
pas
empêché
de se
consacrer
d'autres
objets profitables,
arce
que je
voulais
me
débarrasser
otalement
e cette
recherche,
lle
se
mità s'incruster
e
plus
en plus avecune importunensistance.nfin onc,un jour,alors que ie
m'étais
puisé
résister
igoureusement
cette
mportunité,
u milieu
de
cetétat
ontradictoire
e
mesréflexions
e
présenta
e
dont
'avais
désespéré,
suffisamment
our
que je
saisisse
soigneusement
'ensemble
de
cette
réflexion
ue
j
avais
repoussée
vec ennui.
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85
Anselme
«
utilise deux
expressions-clefs
d'une
part
quand
il décrit
le statut
épistémologique
e son
argument
unum
argumentum
uod
nullo alio ad se
probandum
quam
se solo
indigeret
premium
du
Proslogion)
d'autre
part
dans
l'argument
ui-même
credimus e
esse
aliquid quo
nihil
majus cogitati
possit, repris
aussitôt
comme
une
formule
synthétique
insipiens,
cum audit hoc
ipsum quod
dico
aliquid
quo
nihil
majus cogitari
potest
(ibid., I).
Dans
les
deux
cas la
complexité
e la formulation
st un
ressort
pour
a suite
de
l'expression.
u lieu de unum
argumentumuod
nullo
alio ad se probandum uam se solo indigeret,ui paraît plutôtredon-
dant
(Gaunilon
y
a vu du
bluff
n'y
a-t-il
pas
là trois
expressions
différentes
e la réflexivité
solo,
nullo alio
quam
se,
quod
ad se
/),
Anselme urait
pu
dire
argumentum
uod
se solo ad
se
probandum
indigeret,
u même
quod
ad
probandum
eipso indigeret,
tc. Ainsi
penserait
un
Gaunilon
qui
raisonne
à
partir
de sa
propre
syntaxe.
Mais c'est oublier
que l'Argument
'inscrit
dans
un
développement
quod
nullo
alio
ad se
probandum
quam
se solo
indigeret,
t
solum
ad
astruendum,
uia
Deus
vere
est,
et
quia
est
summum
bonum nullo
alio
indigens
t
quo
omnia
indigent
ut sint
et
bene
sint, t quaecumquede divinacredimus ubstantia, ufficeret
où
se
retrouvent
uccessivement
olo,
dans
solum,
d
probandum
ans
ad
astruendum,
ullo alio
indigeret
ans nullo
alio
indigens,
t le se
dans
l'expression
énérale
de
la totalité
ous trois formes
summum,
omnia,
quaecumque
ou
dans
sufficeret.
'Argument
st
devenu
méta-
phore
de Dieu.
Notre
Gaunilon
(ou
l'analyste
swiftien
qui
s'abrite
derrière
ui)
aurait
pu
remarquer
que
les
expressions
multiples
de la
réflexivité
composent
bien
une
complexité,
t
ne sont
pas
seulement
ne
juxta-
position
ompliquée
nullo
alio,
au
départ
de
la
formule,
quilibre
e
quam se solo à la fin,mais selon une pente subtilequi èst comme
une version
du
se
probandum,
ar
si nullo alio
peut
être considéré
comme un
équivalent
de se
solo,
il
y
a dans le
alio
l'ouverture
u
quam
de
sorte
qu'en
effet
ullo
alio,
sémantiquement
t
syntaxiquement
en
attente,
ia le se
probandum,
st
bien l'ouverture
e ce
qui
va se
refermer
ur le se solo. Un
mouvement st à
l'œuvre u cœur de cette
apparente
ymétrie.
Cette
syntaxe
du
quam
est
dans la droite
igne
de
l'évolution
ui
mène
du
classique
non
aliud nisi
au
non
aliud
quam impérial,
ù alius
est
considéré
omme
un
comparatif.
ourquoi
Parce
que quand
Plaute
dit longealiterest amicus atque amator (13) il pose les deux termesamicus
atque
amator
puis
la différence« un ami et un amant,c'est
13.Tru
171,
itédans
Ernout
t
Thomas.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 88/128
86
tout différent
;
aussi dans
ce cadre
l'expression
e
la
différence
st-
elle
homologue
de celle
de la
similitude
virtuseadem
in homine
c
deo
est
(Cicéron,
eg,,
,
25)
«
chez les hommeset
chez
les
dieux,
a
vertu
st
la même . Mais
quand
on se
met
à observer
des différences
plus
fines,
es nuances
ou,
ce
qui
psychologiquement
st
fort
proche,
qu'au
lieu de
poser
d'abord
la
différence,
n la
parcourt
n
la
disant,
les
deux momentsde
la
comparaison
'opposent
moins
qu'ils
ne se
complètent,
t l'on
rejoint
e
cadre
d'une
syntaxe
discursive,
u lieu
d'une
parataxecatégorique.
l est
remarquable
ue
les tournures
éga-
tives aient eu dans cette transformationn rôle essentielcar, s'il est
logique
que
la
parataxe
du
type
de
longe
aliter
est amicus
atque
amator,
oit
déséquilibrée ar
la
négation
et
l'on retrouve
ci
le
sens
de la «nuance» : non
longe
aliter...),
t évolue
en
syntaxe,
a
négation
va
traverser oute
'évolution e
cette
syntaxe
usque
chez Anselme ù
elle est
fondamentale
nullo
alio ad se
probandum
quam
se
solo
indigeret.
ci la nuance
a
rejoint
l'essentiel.
La
négation
sur
quoi
démarre
Y
Argumentum,
st devenue on
moteur
même,
t
la
dynamique
de sa
syntaxe,
u
de sa
pensée
et comme
l'Argument
st
une méta-
phore
de
Dieu...
L'Argument,
liquid
quo
nihil
majus cogitari
possit,
ou
bien sa
méthode, uod nullo alio ad se probandumquam se solo indiceret,
se fondent
ans cette
puissance
spéciale
de la
négation,
dans
l'inflé-
chissement
dynamique
qu'elle
donne
à
la
pensée.
«
Contempler
u
penser
rien a
donc
une
signification
dira
Hegel
dans la
Logique
de
l'Etre et Descartes
avait
réagi
semblablement,
nfermé
ans
son
poêle.
Mais
l'impulsion
ue
donne
la
puissance
de nier vient
de
plus
loin
elle
affleure
ettement
hez
Anselme,
t
comme u
termede la
carrière
souterraine
u'elle
a menée à travers
a
syntaxe
atine.
La
latinité,
oin
de s'effondrer
ous les sabots
des
Attila,
procède
loin
au-delà,
t inversement
es
Lumières,
e
Rationalisme,
rouvent
eur
sourcebien en-deçàde la Renaissance.
La latinité
politique,
de toute
évidence, 'a
pas
été la seule latinité, as plus que la Grèce n'avait été
seulement
olitique
le
pouvoir
d'autres
ressorts
ue
ceux
qu'il
s'ima-
gine,
d'autres
visages
que
ceux
qu'il
se donne.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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Anne
BERTHELOT
LA « MERVEILLE »
DANS
LES
ENFANCES LANCELOT
Dans
le
Chevalier
la
Charrette,
hrétien
de
Troyes
ntroduit
n
nouveau
personnage,
usqu'alors
inconnu dans
la
littérature
arthu-
rienne
: il
s'agit
de
Lancelot
du
Lac.
Parfait
représentant
e
la
«
fin'
amor»,
il
accomplit
a libérationde
la reine
Guenièvre,
nlevée au
pays
de
Gorre
par
le
chevalier
Méléagant
et
la
reine,
près
avoir fait
jouer
sa
toute-puissance
e
«
domna
courtoise,
lui accorde son
amour. Le
couple
Lancelot-Guenièvre
st dès lors
promis
à
un
bel
avenir
ittéraire,
t va rivaliserde célébrité
vec
celui
que
composent
Tristan
et Yseult. L'intérêt
pour
Lancelot
est si
grand
qu'il
est le
personnage rincipal si tantest que cettenotion it un sens au Moyen
Age)
et
éponyme
du volet central du
cycle
du Lancelot-Graal.
es
amours
avec
la
reine
y
sont racontées
onguement,
t
il devient 'autre
part
le
père
de
Galaad,
le chevalier
parfait
voué à
accomplir
les
merveilles u
Graal,
que
met au monde
a
«
Belle
fille du roi
Pêcheur,
se faisant
passer grâce
à des
artifices
magiques
pour
Guenièvre.
Roman-fleuve
t
roman-somme,
e Lancelot
proprement
it com-
mence avec les
«
Enfances de
Lancelot,
au
moment
où celui-ci
est
enlevé
par
une
«
fée
après
la
mort
de son
père,
«
déshérité
par
son
ennemi e roi Claudas. Les cousins de
Lancelot,
redoublant
e
fil de
la
narration, ejoignent ientôt 'enfantmerveilleux ans l'AutreMonde
mais leur
jeune âge
les exclut
du
champ romanesque,
qu'occupent,
jusqu'à l'âge
de
l'adoubement,
es combats
menés au nom des
enfants
par
des barons
fidèles leurs
pères
contre
'usurpateur,
laudas
de
la
Déserte.
Devenu
chevalier,
Lancelot
est
immédiatement
ésigné
comme
devant
être le meilleur hevalier
du monde
les
épreuves
es
plus
difficiles
ui sont
réservées,
t
parmi
elles,
celle
de la Doulou-
reuse
Garde,
où
le
chevalier
vainqueur pprend
son
propre
nom,
qu'il
ignorait
usqu'alors,
en soulevant
dans un
cimetière
magique
la
pierre
de
sa
future tombe sous
laquelle
est
gravée l'inscription
ui
le
baptise
1).
La critiques'est intéresséede manièreprioritaire ce que l'on
appelle
«
effet e réel
dans le cours du Lancelot
l'exactitude
e la
1. Noustravaillons
ur e tomeVII de
l'édition
Micha,
roz,
1980.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 90/128
88
chronologie, articulièrement
ans
la
première
partie
du
roman,
a
transformatione Lancelot
en
modèle
des
amants
courtois,
e tableau
saisissant d'un
conflit éodal...
Cependant,
out
un
aspect
du roman
et de la
personne
de Lancelot est
passé
sous
silence,
et
peut-être
l'écriture u
texte lle-même
ésite-t-ellentre
me
«
version
réaliste,
courtoise, éodale,
t une
«
version toute
mprégnée
e
surnaturel,
ui
se
souvient
que
le
«
Livre
de
Lancelot
n'est
qu'une
«
branche
du
grand
«
Livre du Graal ».
Certes,
dans ce début
du Lancelot
le
Graal
est bien
loin a-t-on ssez
glosé
sur
le tour
de force
qui
consistait
à réunir n un toutdes œuvresd'inspirationussi différentesue le
Lancelot t
la
Queste
del Saint
Graal le roman
de la
chevalerie
rofane
et
celui de la
chevalerie
celestielle
? Mais les
«
merveilles
du Graal
même si elles ne sont
pas présentes
ous
un
quelconque déguisement
dans cette
première
artie,
ont
en tout
cas
pressenties, réfigurées
our
reprendre
ne formule
ui
s'accorde à
la mentalité
médiévale,
ar
les
merveilles
de
Lancelot,
celles sans
lesquelles
le fils du
roi Ban
de
Bénoïc,
et
plus
tard le chevalier
«
nouveau
,
ne seraient
rien,
rien
qu'un
«
vallet hardi dont le
«
conte
ne
parle
guère,
parce
qu'il
en
ignore
e
nom.
C'est la merveille ui crée Lancelot c'est elle qui le baptise, deux
niveaux,
en lui révélant
son
nom et en
lui
procurant
on
surnom.
C'est elle
qui
le
désigne
comme
1'
«
Elu ». Et
pourtant
ette
merveille
fondatrice 'ose
pas
dire son nom.
Partout
où
l'énigme,
e
mystère,
e
surnaturel,
ourraient
'introduire,
u
auraient outnaturellement
roit
de
cité,
un discours
rationalisant
rassure le lecteur
tout
ceci
est
très
normal,
l
ne
s'agit
que
d'un
problème
de vocabulaire.
Cependant,
il
n'est
pas
aisé de maîtriser
'exubérancede
la matière
merveilleuse.
Là
où l'on croit
que
toutes es traces
ont
été
effacées,
éapparaissent
des
images,
des
structures,
es
souvenirs
d'un texte
autre,
qui
ne
fonctionnait
as
selon cette
logique
de la
psychologie
umaine.Alors
le romanpeut renoncer un effortpparemment ain, pour choisir
clairement e
parti
de
la merveille...
mais
en lui conférant n
«
sens
»
déjà
recensé,
une orientation
schatologique
ui l'apparente
u mer-
veilleux
hrétien, u,
au
moins,
au
merveilleux
érétique
mais tacite-
ment
dmis du Graal et des
prophéties ui
en annoncent
a révélation.
Nous
nous
attacherons
lus
précisément
ci au
temps
de
la mer-
veille
sauvage,
qui
ne s'avoue
pas
comme
telle,
dans ces
«
Enfances
où tous les
fils e
nouent,
ui
dessinent e roman
usqu'à
La Mort
le
roi
Artu,
et où
pourtant
rien ne
s'est
encore vraiment
passé.
La
merveille tteint
Lancelot à
deux momentsde sa
formation,
orsqu'il
est enlevépar la Dame du Lac et passe dans l'AutreMonde, t lorsqu'il
est
confronté
ux
épreuves
de la
Douloureuse
Garde,
à l'issue
des-
quelles
il
conquiert
son
identité et sa
fonction.La Dame du
Lac
présente
outes es
caractéristiques
e
a
«
fée :
apparaissant
sur
la
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 92/128
90
Manifeste
xagération,
ui
rend Merlin
usticiable
d'une
accusation
de
sacrilège,
mais
porte
u
compte
de la naïveté t de son
public
toutce
qui,
dans
les
«
merveilles de
Merlin,
xcède sa fonction
rophétique,
admise seulement
our
être
intégrée
un
système
héologique ui
se
veut
«
scientifique
et
«
orthodoxe sans réussir à
l'être vraiment.
Reste
la
question
délicate de la
naissance de
Merlin
le texte
passe
rapidement
ur
ses
activités
ultérieures,
la fois
parce
qu'elles
ne
cadreraient
as
avec
l'image qu'il
veut donnerdu
personnage
t
parce
que trop
de merveilles ntrent n
jeu
dans
la
version
officielle. u
contraire l prendbien soin de « banaliser autant que possible les
origines
e
Niniane,
damoisele
de Petite
Bertaigne
,
qui
n'a rien
que
de
très humain
et
prétend
devoir
prendre
des
précautions our
éviter
que
son
père
ne la
tue
en la trouvant vec un amant.
La
science
que
Merlin ui
communique,
lle
1'
«
escrit n
parchemin
,
car avant même
d'entreprendre
es
«
études
supérieures
,
«ele savoit
assés de lettres
:
sa culture
magique
ne vient
qu'en
second lieu
et
passe par
la mise
en
écrit
qui
d'une
certainemanière
a
rachète
t l'officialise. ucun détail
-
prudemment
-
n'est donné sur
la
méthode
utilisée
pour
«
engi-
gnier
t seeler Merlindans
la
forêt
de Damantes les termesmêmes
employés
dans
ce
passage
ne
font
pas
référence
un
enchantement,
mais peuvent oncerner me ruse toutehumaine, t plus précisément
toute
féminine,
uisque
dans ce
passage
c'est le souvenir
du
«
Sage
trompé ar
une femme
(2)
qui
domine 'élaboration
omanesque.
Après
l'identification
aconique
de
Niniane avec la demoiselle
du
Lac,
les
difficultés
ecommencent,
ar
il
faut
de fait
prendre
n
compte
ce
lac et
par conséquent ntégrer
n motifde
folklore
eltique,
celui
de
la
fée
au
bord
de l'eau et
de
l'Autre
Monde,
dans le cadre
nettement
moins
poétique
d'une
guerre
e successionféodale.
i Lancelot 'avance
trop
oin dans l'univers
urnaturel,
l deviendra
ifficile
e
l'en
ramener
ensuite
pour
défendre t
exhausser a cour d'Arthur.
Le lac ne peut donc être une véritableporte sur un univers sur-naturel, ne sorte d'Avalonenclavé au cœur mêmede la Petite Bre-
tagne
il
est alors
réduit à un
mirage
c'est la
signification
ouvelle
qu'acquiert
le
mot
ď
«
encantement
: il n'est
plus
question
de
«
nigremance
et de
magie
à
proprement arler,
mais d'un
art
de
modifier
es
apparences,
ans
que
la réalité soit réellementmodifiée.
L'évolution
st
analogue
à
celle
que
subit
Mandrake
3),
le
magicien
e
bandes
dessinées
dans ses
premières
ventures,
l
accomplit
n certain
nombre
de
prouesses
exceptionnelles, ui
font
appel
à des talents
2. Voir
ce
sujet
e Lai d'Aristotet tous
es textes
ui
s'y
rattachent,
ù
un « sage (Aristote, alomon,Virgile...),malgrétoute sa sagesse,estfinalementéduit merci ar «engin de femme.'exceptionnelleéputation
de la femme e
Salomon
st
même
ondée ur ce talent
articulier
ui
lui
permet
e
supplanter
n la
personne
e son
mari
oute
a
sagesse
du monde.
3.
Cf.
Mandrake,
ol.
3
(années 142),
Paris,
Futuropolois
984.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 93/128
91
variés,
inon
expliqués
en
détail...
Puis,
au fil des
années,
une sorte
de
volonté
e rationalisation
'empare
des scénarios
ui
mettent
'importe
quel
haut fait
du
«
magicien
(qui
ne
l'est
plus
guère)
sur
le
compte
de sa
«
puissance hypnotique
:
l'hypnotisme
st
apparemment
la
mode,
et
il
est
perçu
comme rassurant
pour
le
lecteur
«
sérieux
qui
ne saurait croire
à des
pouvoirs
magiques
nexpliqués.
e dessinateur
use et abuse
dès lors des dessins
en
pointillé,
ui
montrent
u
lecteur
ce
qui
se
passe
«
en réalité
(le
texte
d'accompagnement
nsiste
là-dessus)
ependant
ue
le dessin normal
reproduit
e
que
les
malfai-
teurs de servicecroientvoir sous l'influence e Mandrakedont les
yeux
ou
les mains
lancent
de
petits
éclairs
supposés
représenter
a
force
hypnotique.
'
«
encantement
devient
de
la même
façon
la
«
force
hypnotique
du
Lancelotet
permet
la Dame du
Lac et à ses
damoiselles
d'aveugler
eurs
adversaires
par
des
«
semblances
mer-
veilleuses,
t
au texte
de conserver
ous
les
avantages
dramatiques
de
la merveille
out
en restantdans
les
limites
du réalisme.
Et
c'est
ainsi
que
l'énigme
du Lac
est
cavalièrement
xpliquée
en
quelques
lignes
«
La
dame
qui
le nourisoit
nule fie
s'en forest
non,
grandes
et
parfondes,ne li lays ou ele sali atout lui, quant ele l'enporta,n'estoit e d'encantement on.
(...)
En chel lieu ou il sambloit
que
li
lays
fust
plus grans
et
plus
parfons
voit la
dame moult
beles
maisons
et
moult-riches.
t
el
plin
desous
corut
une riviere
mout
plentiveuse
e
poison
si estoit
chis
herbergemens
i chelés
que
nus
ne
le
peust
trover,
ar
la samblanche
del lac le
covroit i
que
veus
ne
pooit
estre
(p.
44).
Le lac est
ainsi
ramené
u
rang
d'artifice
tratégique,
ui permet
la
Dame
de rester
l'abri
dans son
fief
n cette
période
troublée.
Cependant
une
fois
que
le
principe
du
lac
comme
mirage,
«
sam-
blance
»
trompeuse,
st
posé,
on
a
tendance
l'oublier
Lancelot
certes
est élevé
à l'écart
des barons
de
Petite-Bretagne,
ais
il
ne
semble
paspasser ses journées entières l'intérieur u Lac. Sa rencontre vec
le
chevalier ans cheval
et le
vavasseur
à la venaison
en
témoigne
il
n'y
a
pas
de
solution
de continuité
ntre
le monde
extérieur
t
l'univers
e
la
Dame du
Lac,
qui
a
bien oublié
entre
emps
a
première
nature
féerique.
A croire
que
ce
mirage
disparaît
en
cours
de
récit,
auf au
cas
où
pour
une
raison
esthétique
l
paraît
ntéressant
e
le faire
réapparaître,
d'ailleurs
comme
simple
topos.
Le
motif
folklorique, près
avoir
joué
un rôle
plus
ou
moins
habile
dans
le
démarrage
du
récit,
devient
un
pur
ornement,
t dans
une certaine
mesure,
n
ornement
mbarrassant,
témoind'un stade antérieur u textequi correspondait une signifi-
cation
différente,
ésormais
ncompréhensible.
e lac reste résolument
hétérogène
la matière
hevaleresque
u Lancelot
Il
n'est
pas
utilisé
au
maximum
de
ses
possibilités,
l
reste
en
quelque
sorte
«
hors-
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 94/128
92
texte
,
hors
du
véritable
temps
romanesque
qui
commence
quand
Lancelot
quitte
le lac
pour n'y
plus
revenir,
t
ne
plus
en
garder
d'autre souvenir
ue
le surnom
ue
lui attribue
par
un
coup
de
force
complice
une autre manifestation
e la
merveille
mal
domestiquée,
c'est-à-direa tombe
de la Douloureuse
Garde.
Plus
significatif
ncore
du
statut
ambigu
de l'élément
merveilleux
dans cette
partie
du
cycle
de
la
Vulgate
4)
est le traitement
éservé,
toujours
dans
la mouvance
du Lac
et
des ses
habitants,
la
métamor-
phose
en
lévriers
des
deux enfants
Lionel
et
Bohort.
L'épisode
a en
lui-même ne portéeconsidérable il est à l'origine es luttes féodales
entre Claudas
et les
barons
fidèles,
'est-à-dire
u'il
rend
possible
le
discours
théorique
ur
la
chevalerie,
t autorise
le manuel
de
droit
féodal
llustré
par
des
exemples
que
constitue
a série
de
batailles,
de
débats,
de
promesses
t de
trahisons
ournant utour
du meurtre
es
enfants
par
Claudas.
Au moment
de
faire
la
paix,
le
serment
que
réclame
encore
celui-ci,
'est
que
les
barons et
Pharien
n'aient
pas
eu
de nouvelles
des enfants
5).
On
peut
partir
de
ce serment
par
l'inter-
médiaire
de Léonce
de
Paerne,
es
barons de
Gaunes
et
Pharien
ui-
même ont des
nouvelles
des
enfants,
t des
nouvelles
excellentes
pourtant, e chevaliermodèle qu'est Pharien,toujours parfaitement
respectueux
es lois de la chevalerie
et,
contrairement certains
de ses
«
alliés
»,
respectueux
non
simplement
e
la lettre
mais
de
l'esprit
de
ces lois
-
ne semble
pas
en tenir
compte
on
continue
à accuser
Claudas,
et on continue
se battre.
Peut-être
arce
que
la
situation
de
crise
a révélé
l'antagonisme
fondamental
ntre
l'usurpateur
t
les vassaux
de
l'ancien
roi. Mais
peut-être
ussi
parce que
l'enlèvement
es
enfants,
eur
métamorphose
et
leur salut
ne sont
pas
compatibles
vec
l'universoù
se
meuvent
en
général
Pharien
t les
barons.
La
disparition
es
enfants
st
expli-
quée
et
donnée
à voir
au
lecteur,
qui
l'interprétation
agique
est
donnéed'embléecomme a seule correcte.Mais la natureromanesque
de
personnages
comme
Pharien,
Lambègue,
Claudas,
leur interdit
l'accès
à cette
nterprétation.
elon
leur
lecture
du
texte,
es
enfants
ont
bel
et bien été
enlevés
par
le
roi,
dissimulés
uelque
part
ou
tués.
Claudas,
en raison
de ses
rapports
avec
l'Autre
Monde,
est
à
même
non seulement
de constater
e
phénomène
magique,
mais
de
le com-
prendre
ou du
moins
de
comprendre
u'il n'y
comprend
ien
et
qu'il
4.
Autre
om donné
u
cycle
du
Lancelot-Graal,
ui
comporte
stoire
del Graal
n
prose,
n
Merlin
vec
sa
Suite,
e Lancelot
la
Qeste
del Saint
Graal
t
la MortArtu.
5.
p.
217
«
...mais
vant
vous
requier
om a
mes
hommes
ue
vous
les .III. prisons ue vous avésde moimefaites endre,u vousme urerés
sor sains
que
vous des
enfans u
roi
Bohort e
savés
rien,
ne
de
lor
mort
ne
de lor vie.
-
Sire,
fait
Leonches
c'est-à-dire
elui
qui
a en
personne
rencontré
es
enfants
uprès
de la
dame
du
Lac],
des
enfants
e savons
nous
rien
t
enseurquetout
ous ne nous
baillastes
mie
vos
prisons.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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93
n'est
pas responsable
Les
autres
refusent
'impossible
e
la
magie
qui
s'est
produit
devant
eux,
l'effacent
e
leur
conscience
et
agissent
«
comme si de
rien n'était
,
comme si les
faits s'étaient
déroulés
conformément
leurs
présupposés.
eux-ci
omposent
ne
grille
d'inter-
prétation
xtrêmement
élective
l'irruption
e
la
logique
de
l'autre
monde,
u
sens
propre,
u
Lac
de
la
fée,
ne
peut
y
trouver
lace.
Deux
matières
romanesques
e
croisent
l'une structure
'autre,
mais à son
insu elles
ne
s'interpénétrentamais,
et continuent
fonctionner
parallèlement,
veugles
et
sourdes
l'une à
l'autre.
Il fautnoterpar ailleurs que l'enchantementui-même, ui reste
naturellement
nexpliqué
6),
est traité
avec une
grande
rapidité,
t
supplanté
d'emblée
dans
l'esprit
du lecteur
par
l'acte
courageux
de
Saraïde deux
lignes
à
peine
sont
consacrées à
l'enchantement,
lors
que
l'attaque
de
Claudas et
la blessure
de la damoiselle
ont
toutà fait
circonstanciées
«
...mais
neporquant
el
commandement
a damoiselle
i
sovient,
si
jete
son enchantement
t
fait
resambler
es.II.
enfans
s .11.
evrier
et
li doi levrier
rent
a samblance
s. .11.
enfans
che
fu
avis
a tous
chaus
qui
les veoient
Et
li
rois
vient,
i court
as. .II.
enfans
que
ele tenoit
t haucha
'espeepor
ferir. t ele se
lanche
encontre,
ont
ele fisthardement ropoutrageus et li caus deschent or son vis
si
pres
des
puins
le
roy
que
li
heus
l'en
fiert
n
mi
le
vis,
si
li
trenche
out
e cuir
et la char
tout
contreval
armi
e destre orciel
dusques
el
pomel
de
la
joe,
si
que
onques
puis
ne
fu nul
jour
qu'il
n'i
parut
apertement
(p.
119).
Si l'on
compare
une
illusion,
de surcroît
peu
durable,
et la blessure
dont
témoignera
oujours
une
cicatrice,
l
paraît
évident
ue
la seconde
pèse
d'un
poids beaucoup
plus
lourd
pour
l'avenir
du roman.
L'atta-
chement
ltérieur e
Lionel
pour
Saraïde
n'est
pas
fondé ur
'enchante-
ment
qui
l'a
dérobé
à
la colère
de
Claudas,
mais
sur
«
la
plaie
»
qu'elle
a
reçue
«
por
[le]
desfendre
e mort
et
garandir
:
l'aspect
magique
de l'aventure st passé sous silence,pour faire place à un système
idéologique
basé sur
le
«
guerredon
:
le
roman
affecte
e
n'être
que,
toujours
t
exclusivement,
hevaleresque.
Il reste
ainsi
une zone
d'ombre,
n
mirage
ustement,
ur
l'origine
du
roman
la
chevalerie,
n
la
personne
de
ses
représentants
es
plus
accomplis,
t
le texte
qui
en constitue
a
mémoire,
oivent
a
vie,
au
sens
propre,
l'intervention
e
la
magie
et du
surnaturel.
'est
un
peu
comme
si
le roman
avait
changé
de
dimension
dans
un autre
monde,
6.
D'ailleurs,
es
membres
e l'escorte
e la damoiselle
u
Lac
ignorent
tout
du
projet
e leur
dame,
t sont
tout
«
esbahi
au
moment
ù
Saraïde,
levant 'enchantement,eur montrees enfantsp. 122 «Lorsdescovria
damoisele
on
enchantement
t monstra
s
chevaliers
es
.11.
enfans t
lor
dist
«
Signor,
ue
vous
en samble
Dont n'a
il chi
moult
bele
proie
et
assés
riche
(...)
Lors sont
tou esbahi
ou ele les
pooit
avoir
trouvés,
i
li
demandent
t
enquerent
oult
urement
.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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94
Lancelot enlevé
par
une
sirène est mort
noyé,
ou,
condamné
à l'exil
avec la reine
Elaine,
est devenu
un
orphelin
ans nom
ni
avenir;
les
enfantsLionel et
Bohort
sont effectivement is
à mort
par
le
roi
Claudas,
«
félon ou
en tout cas
prudent.
Avant même
d'avoir
pu
réellement
ommencer,
e roman est contraint
de
prendre
fin,
de
s'évanouir
vec
ses
personnages.
l faut
un véritable
tour
de
passe-
passe
pour
es
retrouver,ntacts,
mais toutefois ffectés
'un coefficient
surnaturel
ui pèsera
sur leurs aventures
ltérieures,
ans
un imi ers
parallèle
où les
prophéties
e Merlinet
les merveilles u Graal
pour-
ront de concerts'accomplir vec leur aide. Si habile que soit cette
pirouette
hétorique ui permet
e franchir
a faille
menaçante,
'est-ce
pas
un
aveu d'échec
que
ce
mélange
non
pas
des
genres
mais des
tons,
uquel
le
roman en tant
que
tel doit sa
«
continuation
?
Le
prix
à
payer,
quelle que
soit
la
réponse
à cette
question,
est
relativement
ourd
c'est la
persistance,
a survivance
e motifs
nté-
rieurs à
l'âge
du
roman,
qui
y
obtiennent
roit de cité
puisqu'ils
en
sont
a
condition ine
qua
non. Le
merveilleux
evient,
t ce n'est
pas
un
merveilleux
hrétien.
e miracle
est
d'ailleurs
plus
aisément
«
récu-
pérable
:
eschatologiquement
rientés,
l
s'inscrit
naturellement ans
la duréeduroman son existence stcanalisée,décomposée n plusieurs
stades
qui
interviennentans le cadre
d'un schéma structurel
omplet.
Et
puis,
les
tendances
centrifuges
u
miracle,
s'il en
a,
rejoignent
finalemente
fleuve u
Graal,
qui
ne fait
que poser
le
problème
ternel
de la
merveille
ans le
roman,
mais le
pose
avec un tel
aplomb
qu'on
le croitrésolu
du même
coup.
Au contraire
e merveilleux
e Lancelot
et de
ses cousins
a l'honnêteté
e rester
une
énigme
il est
fuyant,
insaisissable, ncertain,
l
s'avance
masqué
et se laisse
oublier
parfois.
C'est
pour
cela
que
Lancelot
ne
peut pas
être le héros
du
Graal, ou,
plus
exactement,
e héros d'un roman
qui
se termine.
a
merveille
laquelle
ressortit
ancelot est celle
d'Avalon,
ù le
temps
s'arrête
et
cesse d'exister.C'est dire que Lancelot est nécessairemente héros
d'un
roman
cyclique,
d'un roman
nterminable,
e
qui
est,
en matière
de
littérature,
a meilleure
pproximation
ossible
de l'éternité.
Le
moment
ù
Lancelot atteint
sa
plus grandegloire
est
aussi le
moment ù
il
perd
toutechance
de devenir e héros
du Graal.
L'amour
pour
a
reinen'est
qu'une
modalité
de cet
échec,
voire
mêmeune ratio-
nalisationou
une
compensation.
e n'est
pas
parce que
Lancelot est
adultère
qu'il
ne
pourra
pas conquérir
e
Graal,
c'est
parce
qu'il
ne
ressemble
pas
au Graal.
En
exagérant
n
peu
les
choses,
on
pourrait
dire
que
la
Joyeuse
Garde
est Corbenicet
que
Lancelot
ne
se
rend
compte aucunmoment u'il côtoie le plus grand« secret du siècle.La réalitéde Lancelot est
toujours
floue ses aventures ont à cheval
sur
ime
frontièremouvante
entre le réalisme
et le surnaturel.A
Corbenic,
plus
tard,
pour
la
conception
de
Galaad,
tout
est
simple
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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95
on
sait une fois
pour
toutes
qu'on
est dans le château de
la
merveille,
tout ce
qui
s'y
passe
est résolument
merveilleux
selon
les
visiteurs,
les merveilles
euvent hanger, orrespondre
un
degré
plus
ou
moins
élevé de
compréhension
es
mystères,
mais
leur naturereste a même
l'enchantement
ui permet
à
la
fille
du roi Pêcheur de
passer pour
Guenièvre
'est
peut-être as
fondamentalement
ifférente
celui des
lévriers
mais,
hâtivement
aptisépar
le Roi-Pêcheur
7),
il
est
éminem-
ment
normal,
ttendu
dans
un cadre
qui
a délibérément
pté pour
un
genre
bien défini. a Douloureuse
Garde
n'opèrepas
ce choix.
D'emblée, cette malencontreuse venturepose un problème au
texte. D'une certaine
manière,
l
a tout fait
pour
l'éviter l'élection
de
Lancelot,
ses
qualités
exceptionnelles
nt
déjà
été
rendues mani-
festes
par
des
épisodes typiques,
ue
ce soit
le chevalierdéferré
u
la
bataille de la
dame
de Nohaut.Mais
il
reste
'insoluble
problème
du
nom,
et on vient
d'apprendre
8)
que
les
épreuves
initiatiquesqui
tournaient utour de la dame
de Nohaut étaienten
fait
des
comédies,
des
mensonges
ce n'était
pas
«
pour
de
vrai
»
;
de là à
mettre
n
doute
la valeur de la bataille
elle-même,
l
n'y
a
qu'un
pas
que
le
lecteur st
tenté
de franchir.
l
faut donc
autre chose
quelque
chose
de plus impressionnant,ignedu héros sans pairque doitêtreLancelotet
digne
aussi
(et
hélas
)
de son
originalité
remière,
on éducation
au
sein de
la merveille.
ependant
ette
aventure
privilégiée,
ui
doit
désigner
Lancelot
comme
l'Elu
-
du
roman
-
,
est d'abord
à
peine
présentée
omme un
épisode
à
part
entière.
C'est
«
par
hasard
»
que
Lancelot rencontre
ne damoiselle
menant
grand
deuil
et loin
d'être
d'humeur
ommunicative,
omme
a
plupart
de ses
pareilles
en
sem-
blable
situation,
lle s'en va
«
grant
leure
,
sans
se soucier
d'accom-
pagner
e
chevalier
urieux,
peut-être
usceptible
de la
venger.
Et
le
moins
que
l'on
puisse,
dire,
c'est
qu'elle n'encourage
pas
Lancelot à
faire
'expérience
«
Se vous
volés,
fait
ele,
l'aventure
avoir,
i
i
ales,
car ch'en est la voie» (p. 312).Au lieu d'une voie royaleouverteau
héros
prédestiné,
'est
ici un sentier
de traverse
ui
semble
détourner
le chevalier
de son
chemin.
Lancelot entre
par
le biais
à la Douloureuse
Garde
il en sort
de
même,
u
point qu'on
ne
peut jamais
être sûr
qu'il
en
est bien
sorti,
c'est-à-dire
u'il
y
était bien entré.
Le château
lui-même
participe
directement
e
cette
ambiguïté
il
est,
de
par
sa
situation,
emblable
7.
Pour la
conception
e
Galaad,
voir
le tome
V de l'édition
Micha,
p.
203
et suivantes.
e Roi-Pêcheur
e montre
rès
pragmatique
ors de la
visitede Lancelot
«
Je
ne
sai,
fait
l,
que
l'an an
doie faire
il
s'agit
de
Lancelot], ors ue il avra ma fille faire a volenté....) Or en esploitiez,fait i
rois,
i com vousvous
voudrez,
ar il covient
u'il
soit
fait
.
8.
Cf.
les
excuses
du chevalier
ui
a
«
convoyé
Lancelot,
.
304-5
«
Or vous ai
dite
'ocoison
or quoi
chist
gait
furent
asti,
i vos
pri por
Dieu
que
vous
me
pardonés
e mesfai
.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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96
au
château
du Graal
(9),
tel
qu'il apparaît
chez
Chrétien.Mais
il est
aussi localisé
géographiquement,
vec un effet e
réel immédiatement
contredit
ar
l'introduction
'un élément
«
irréel :
placé
entre
deux
rivières,
dont l'une
est Hombres
(il
n'y
en a
pas
d'autres et on
peut
e
vérifier),
t l'autre
naît de
quarante
fontaines
à
chaque
fontaine
sa
fée...),
l
ne
peut
être
plus
explicitement
u confluent
u
roman
réaliste
t du roman de
la
merveille.
Même ambivalence u niveau
de
la
«
coutume du château
un
premier
temps
la décrit
comme
une
simple
«
maie coutume
telle
qu'en
instaurent
ans
les romans
les
chevaliers félons, raîtres t déloyaux .
Un
degré
zéro de la
«
maie
coutume en
quelque
sorte
«
...car
l i
avoit.
II.
paire
de
murs
et
a
chascun
mur avoit
une
porte
et
a
chascune
porte
covenoit
e
chevalier combatre
a
.X.
chevaliers
mais che estoit
en
une
mout
estraigne
maniere,
ar
si
tost
come i.
.1.
des
chevaliers stoit
as et
il
ne voloit
plus
combatre,
si
estoit
pareilliés
uns
autres
et venoit
n
son
lieu,
si se
combatoit
por
lui et
quant
chil estoit
as si venoit
uns autres
et ensi nes
pooit
uns seus chevaliers
utrer,
'il
n'estoit
de tel
proeche
t
de
si
grant
forche
ue
tous
les
peust
ochire
'un
après
l'autre
(p.
313).
En un
sens,
une telle aventure
st
idéalement aite
pour
le
«
meilleur
chevalier du monde,dans la mesureévidemmentù cettesuprématie
ne se situe
que
sur
le
plan
mondain.
Mais
la
description
e la coutume
ne s'arrête
pas
là,
et
bientôt
après apparaît
le redoutable
terme
ď
«
enchantement
: il
s'agit
du chevalier
e cuivre
qui
appartient
la
série
des
automates
plus
ou
moins teintés
de
«
nigremance
ou
condamnés
pour
leur
origine
«
sarrasine
:
«
...si
avoit. 1.
chevalier ormé
e
cuevre t
fu
grans
t
corsus
sor
son
cheval,
rmés
de toutes
armes,
et tenoit
n ses.
.II. mains
une
grant
hache,
si
estoit
lasus
drechiés
par
enchantement
(p.
313).
A première ue ce chevalier une valeuravant toutsymbolique,t sa
nature
«
enchantée
ne devient
perceptible
u'au
momentde la chute
de
la Garde
mais
la
suite
du texte
raffine
d'ailleurs
mensongèrement)
sur cette
donnée
minimale
le chevalier
magique
n'est
que
la clé
qui
permet,
de
manière
énigmatique,
de
voir
«
apertement
«
tout
li
enchantement
el
chastel,
dont
l estoit
tous
plains
(p.
314).
Sur
ces
enchantements,
as
de détail
mais
une
condition
subsidiaire
à
la
conquête
définitive
e
la
Douloureuse
Garde,
condition
qui
rend
la
victoire
par
les
armes moins
importante,
u
regard
de
la véritable
épreuve
9. Pour tre out faithonnête,l faut econnaîtreue la situationéogra-
phique
'un
grand
ombre
e châteaux
st
analogue
celle de
Corbemc,
oit
dans
une ntention
xplicite
'imitation,
oit
parce
qu'il
est
difficile
'éviter
les éléments
ui
caractérisent
e
château
du
Graal
(Rivière
ncerclante,
position
n
surplomb,
tc.).
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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97
«
mais
del
tout ne
remandroientl mie
devant
que
chil
qui
le
Castel
conquerroit
demorast. XL.
jors
sans
jesir
hors
nule nuit
tele
estoit
a
forche es
enchantemens el castel
»
(id).
Avec cette
condition,
l
semble bien
qu'on
ait
changé
de monde
la
DouloureuseGarde
n'est
plus
un
château
féodal
qu'il
est
possible
de
conquérir par
la
prouesse,
elle
requiert
plutôt
les
services
d'un
magicien.
Quelle
est d'ailleurs a
portée
d'une
victoire
ui
rend
néces-
sairement
recréant
pour quarante
ours
l'un
de ces chevaliersdont
la
quête
perpétuelle
st la raison
d'être Victoire décidément
déce-
vante Mais commetout châteaumagiquequi se respecte, a Doulou-
reuse
Garde
reste vide
pour
ce
premier
descriptif
n
quelque
sorte
touristique.
Ce
n'est
qu'après que
Lancelot
a
fait
savoir et clairement
manifesté
par
ses
premières
nterventionson
intention e s'
«
éprouver
contre
les
merveilles
e la
Douloureuse
Garde
qu'on
en
découvre es habitants.
Dès
lors,
es
remords t les
contradictions u
textevont se
multiplier
tout
ce
qui
est dit
à
propos
des
coutumes u des
enchantements de
bonnes
chances d'être
contredit n
peu
plus
loin
le récit
mpersonnel
se
trompe
ans ses
«
annonces
,
d'habitude
crupuleusement
bservées
les
personnagesparaissent
sur le
point
de
réagir
d'une
façon, puisadoptent neautre ignede conduite, t leurnaturemême semble ssez
floue
sont-ils
humains,
ou
appartiennent-ils
l'Autre
Monde
Que
doit faire
Lancelot
Qui
est le
seigneur
e la
DouloureuseGarde
(10)
?
Autant
de
questions
auxquelles
l
est
difficile
'apporter
ne
réponse,
y compris
à
la fin de
l'épisode.
Dans un
premiertemps,
e
combat
contre
es
vingt
hevaliers,
'est-à-diren
théorie a
partie
non surna-
turellede
l'aventure,
st
contaminé
ar
la
proximité
es élémentsmer-
veilleux au
lieu de
combattre vec
ses seules
forces,
ancelot
utilise,
sans
protester
outre
mesure,
trois
«
écus
»
magiques
qui
doublent,
triplent
u
quadruplent
es
forces.Une
attitude
ussi
surprenante
e
la part d'un chevalier en général très sourcilleux ur son honneurest hautement
ignificative l'épreuve
de la
Douloureuse
Garde ne
relève
pas
de la
chevalerie,
mais de la
magie
là
où
les armes
sont
insuffisantes
our
remporter
a
victoire,
nterviennentes
«
arts
»,
c'est-à-dire
e
Lac : la
DouloureuseGarde
est un
degré
dans une
initia-
tion de nature
fondamentalement
urnaturelle,
on
pas
une
démons-
tration e la
force
guerrière
e
Lancelot.
La
victoire ur les
chevaliersdes deux
portes
n'est
nullement
ne
fin
n soi
:
d'abord
la
seconde n'a
pas
à
être
gagnée,
a
moitié de
ses
10.
Le
«
seigneur
de
la Douloureuse
arde emble
'abord rèsbien
se
passerdenom, ommel estrelativementormal ourunpersonnage'une
part
econdaire,
t d'autre
art
ssu de
l'AutreMonde ù
on n'a
guère
esoin
de
dénominations
récises.
u détour 'une
phrase
p.
351),
n
apprend u'il
s'appelle
Brandis es liles
,
ce
qui
est
un souvenir
éformé u
Perlesvaus,
et ouvre a voie
un
autre hevalier
aé ssu ď
«
liles
Lointaines
,
Galehaut.
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98
défenseurs
'enfuyant
ans demander on reste
ensuite,
lors
que
les
«
bourgois
affirment
Lancelot
qu'
«
il
ne
vous en covient
faire
plus
que
fait en
avés,
puis
qu'il
vous
ont
guerpie
a
porte
(p.
330),
on
apprendque
le
seigneur,
écrit
quelques pages plus
tôt comme
mpa-
tientde
pouvoir
ntervenir
t
sauver
son
château,
vient
de
s'enfuir,
e
qui
interdit a
libération otale
et définitive
e
la
Douloureuse
Garde,
ou au
moins
de
ses
habitants.
e
lecteur st
livré
lui-même n
face de
ces données
confuses,
ont
Lancelot,
ui
n'est
manifestement
as
régi
par
une
logique
rationnelle,
emble très
peu
soucieux.
Tout
au
plus
peut-on onclure ue ces « bourgeois qui attendent ne hypothétique
délivrance ont semblables
ux
prisonniers
e Gore
que
Chrétien
fait
délivrer
ar
le libérateur e la reine.Prisonniers
ur
parole,
contraints
à
un silence
perturbant
n
ce
qui
concerne es
«
merveilles
de la
Douloureuse
Garde. Merveilles
qu'on
n'a
pas
encore
vues,
à moins
qu'elles
ne se réduisent
un chevalier
e cuivre
qui
s'effondre
t à une
porte qui
«
crie
»
quand
on l'ouvre...
Elles se
présentent
ependant,
ous
la forme u
cimetière
uquel
on
conduitLancelot les
bourgeois
moult
dolant
n'en font
pas
moins
à
Lancelot
es honneurs
de
l'espèce
de
«
no man's
land
»
que
constitue
le
cimetière.
a
description,
ui
se situe
dans le droit
fil
d'une
tradition
littéraire otée d'un bel avenir, st apparemment omogène tout y
ressortit un
système
magique
qui
culminedans
l'inscription
u nom
de Lancelot
la merveille est encore
plus spectaculaire
que
chez
Chrétien
ui
rattache
implement
a
victoire
n Gorre
11)
à la
prouesse
de
la
lame
à
soulever,
ans
pousser
aussi
loin la
prophétie.
Mais
cette
merveille
'est, finalement,
u'un
hors-d'œuvre,
u
plutôt
un
pis-aller,
pour
les
habitants u château.
En
ce
qui
concerne
Lancelot,
'aventure
est
finie,
ès
qu'il
a
appris
son nom
et
conquis
aux
yeux
du monde
la
Douloureuse
Garde. D'un
point
de
vue
romanesque,
elle-ci
n'a
plus
rien à offrir
il
ne
s'agit
plus
désormais
que
de mettre
'épisode
«
en
écrit , dans les archivesd'Arthur,t de continuer n romanqui soitde chevalerie t de courtoisie.
Mais alors se manifeste
'entropie
e
la
«
merveille .
L'aventure st
finie
pour
tout le
monde,
auf
pour
elle. En
lui
ouvrant
a
porte,
n
lui concédant e droit
de
cité
pendant quelques
pages pour
conférer
son statut
entral un
personnage
ui
garde
de son enfanceun reflet
surnaturel,
e récit s'est
embarrasséd'une rivale
possible
que
la seule
linéarité
omanesque
ne
peut
surmonter. es
«
enchantements
de la
Douloureuse Garde
ne sont
pas
encore
«
faillis
;
pire,
Lancelot n'a
encore
rien fait
pour
eux.
A vrai
dire,
l
était nécessaire à
l'économie
11.
Cf.
Le
Chevalier e
la
Charrette,
d. M.
Roques, Champion,
974,
vers
1900
t suivants
«
Cil
qui
leverà/
ele
amme
eus
par
son
cors/
itera
ces
et celes
fors/
ui
sont an
la terre n
prison,/
ont n'ist
ne clers
ne
gentix
on/
es l'ore
qu'il
i
est antrez
.
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99
du
roman
que
la
Douloureuse Garde soit une
épreuve exceptionnelle-
ment
diffìcile elle a donc été
parée
de
tous les charmes
du
mystère
au
fur t à mesure
ue
le
«
meilleur hevalier u monde
menait bien
avec une facilité
dérisoirece
qui
avait d'abord été
présenté
comme
presque impossible,
e
texte se
devait
de surenchérir ur
la difficulté
initiale,
pour
éviter de
produire
'effet nverse de celui
qu'il
recher-
chait,
'est-à-dire e rendremédiocre
'épreuve,
t médiocre e chevalier
qui
en
triomphe.
A
force
d'annonces,
l
se crée
au
centre
du roman
une
sorte
de
tourbillon
ue
la
merveille
ne demande
qu'à emplir.
l
n'yaura pas d'annonces rréalisées le récit se pique au jeu, et entre-
prend
de
donner
corps
à
ces
«
enchantements
vagues
et
en
quelque
sorte
génériques
ont on a
maintesfois menacé Lancelot.
Coûte
que
coûte,
il
faut
que
le roman
ralentisse,
u'il épuise
les
ressources de la
«
merveilleuse Douloureuse
Garde. Malencontreu-
sement,
ce sont deux
logiques
totalement
ncompatibles
qui
sont
confrontées d'une
part,
e roman
qui,
quoi qu'il
en
ait,
se
dirige
vers
quelque
chose,
et
le
plus
souventune
fin,
par exemple
a
sienne
de
l'autre,
un
système tautologique
et
circulaire,
qui
peut
fonctionner
indéfiniment,
n
rejouant
es mêmes scènes. La
merveille,
'après
sa
définition ême
par
la
bouche de
Merlin,
st l'intervalle es aventures
qui autorisente règned'Arthur,vant que l'avènement u Graal ne
supprime
e
barrage
sur le
temps
et ne
contraigne
e roman à se
confondre
vec l'histoire.Par
conséquent,
e
que
veut
la
merveille,
c'est en
rester u
même
point,
ans
qu'il
se
passe
rien
d'où ce
que
l'on a
pris pour
de la monotonie
ans les aventures
magiques, ejouées
trois fois
pour
le
plaisir jusqu'au
succès
final,
c'est-à-dire
mieux
Lancelot
«
accomplit
les
aventures,
lus
il
se hâte vers celle
qu'il
ne
pourra
achever,
mais
qui
achèvera,elle,
le roman. La
merveille
st
répétitive ar
essence,
parce qu'elle
est
unique.
De ce
fait,
il est
normal
que
la
Douloureuse
Garde fonctionne omme un
piège pour
Lancelot,
t
pour
la
cour.
D'un côté, on a les efforts u récit linéaire aidé par les person-
nages
pour
se sortir
de
l'impasse,quitter
a Douloureuse
Garde,
aller
de combat
singulier
n
assemblée
courtoise,
onformémentu modèle
éminemment
omanesque
de la
quête
de
l'autre,
es efforts
nigma-
tiques
des
mystérieux
bourgois
de la Garde
pour
garder
Lancelot,
ou
d'autres
chevaliers,
t
suppléerpar
une
«
merveilleuse
abondance
d'aventures ur
place
au désir
qu'ils
ont
d'en
chercher illeurs.
Et ces
efforts
e
se soucient
pas
de la
logique
du
récit
qui
s'est
construit
usqu'alors
les
«
héros n'en
finissent
pas
de marcher
sur leurs
traces,
t
d'apprendre
eur
mort.Le Lac
était une
métaphore
facile de la mort, t une métaphore ont on pouvaitaisémentrevenir.
La merveille es
tombes
dit
plus
franchement
on nom
pour
entrer
dans l'éternité e
l'île
d'Avalon,
l
faut
absolument tre mort
et
qui
est
mort,
ne doit
pas
chercher
revivre,
e
doit
pas
sous
peine
de
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100
tomber n
poussière
chercher
rejoindre
e monde
qu'il
a
quitté.
l
est
vrai
que
Lancelotest
mort,
uisqu'il
va
rester
uarante
ours
dans
la
DouloureuseGarde il
est
vrai
que
Gauvainet ses
compagnons
ont
morts,
uisqu'ils
sont enfermés
ans
la
prison
de Brandis
des
liles,
et
que
cette
prison
est si
proche
de
la
mort
que
Lohot,
e fils du roi
Arthur,
prendra
«
le mal de la
mort
;
et avec sa
disparition,
ispa-
raît
l'avenir du
roman,
condamné à la stérilité u à une
génération
monstrueuse
ui
se referme ur
elle-même
Mordret fils
et frère
d'Arthur,
ans
parler
des incestesde la
génération
récédente.
La tentative u romanpourfaireentrer a merveille ans le moule
de
l'aventure
hevaleresque
choue. Les
catégories,
nstauréesnon
sans
mal,
éclatent le
système
de
causalité se
dérègle
les
«
bourgois
qui
rêvent
d'être délivrés ont une curieuse manière d'avancer
leur
libération,
n en
rajoutant
ur le
mystère
t la
merveille
u
cimetière,
c'est-à-diren
falsifiantes tombes
pour
y
inscrire
de
nouveaux
noms.
Le
«
bourgois
,
au
lieu de s'en tenir
son rôle de victime
du
«
cheva-
lier
faé
»
qu'est
Brandis,
trafique
ui
aussi
du
côté de
la
merveille,
non
pour
a
résorber,
mais
au
contraire
our
en
assurer
a
prolifération.
Le
pire
est ici
que
de
«
tout
li
encantement t
toutes les
merveilles
que par
nuit
que par jour
i
venoient
,
la
seule à
prendre orps
est
produite ar de simples«bourgois : quelle rationalité eut-on ncore
espérer
dans un
univers ù les
frontières
ntre
es
mondes,
'est-à-dire
entre es
registres,
ont si
peu
étanches,
i terriblementloues
Lancelot est
sans
s'en rendre
compte
enfermé
dans
le
manège
infernal e la
merveille
certes,
l
semble
pouvoir
ortir
de la Doulou-
reuse Garde durant e
jour,
et on
perçoit
mal
d'abord les
limites
de
son
autonomie
mais
durant
ces excursionshors des
murs,
personne,
parmi
les habitants du
monde
ordinaire,
ne le
voit
il
est devenu
une sorte de
fantôme,
t
l'universdans
lequel
il
évolue,
où
il combat
plus
ou moins e
seigneur
u nom
marqué par
le
surnaturel
t
où
il
rencontreGauvain et ses compagnons, 'est pas l'universdu romanle
passage par
la DouloureuseGarde l'a situé sur un autre
plan,
dont
font
partie
les
fausses aventures
ui
ont trait
aux
prisonniers.
insi
s'explique
non
pas
l'extase
de Lancelot devant
Guenièvre,
ui
ressortit
à
un
autre
registre,
mais
l'incapacité
du chevalier
communiquer
vec
sa
dame
un
topos
de la
littérature ourtoiseest ici transformé e
l'intérieur
our
s'adapter
à
l'hétérogénéité
e la
merveille.
t
quand
Lancelot réussit en
apparence
à
quitter
a
Douloureuse Garde
et à
reprendre
e
cours du
roman,
l
laisse
derrière
ui un
otage,
garant
de son retour
la damoiselle
du
Lac,
toute
désignée pour
«
tenir
prison
dans
un
lieu entaché de
surnaturel,
t soumise
aux
mêmes
règlesétranges ue Lancelotdurant on séjour ainsi ne peut-elle as
parler
à la reine
autrement
qu'à
distance,
de
part
et d'autre de
«
fenestres
,
alors
qu'en
théorie outes es
portes
sont ouvertes u
roi
Arthur t à sa suite.
Au furet à
mesure
que
les
barrières ombent
n
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101
s'aperçoit
u'il
y
en a
d'autres
derrière ien
plus
inexplicables.
e
qui
est
en
jeu,
après
le
départ
de
Lancelot,
c'est
bien sûr
la
libération
de
la
damoiselle,
mais aussi et
toujours,
«
le covine
de
chaiens
...
que
le
roman
prétendait
voir
exposé
d'entrée.
Les soixante
pages
qui
viennent e se déroulern'ont servi
à
rien
les
merveilles
e la
Doulou-
reuse Garde
sont intactes
elles ont
rempli
eur
fonction
omanesque,
mais le roman
n'a
pas rempli
on
rôle à leur
égard.
La seule
issue
est
alors le recours
à
une
nouvelle
citation
la
merveille
diffuse
e la Charrette
'avère
incontrôlable,
'autant
que
l'épisodene constitue u'une répétition énéralede la véritable ven-
ture la
matièrede
la
Charrette,
artagée
en deux
pour
des raisons
d'économie du
récit,
ne laisse
plus
à
la Douloureuse
Garde
qu'un
cadre
vide,
dont
'énigme
st
évidemment
nsoluble
puisqu'elle
n'existe
pas
;
afinde surmonter
ette
aporie,
l
faut
plaquer
sur
cette structure
en
creuxun
contenu,
e
préférence
ssez
spectaculaire
our
être
mmé-
diatement
epéré
comme
«
merveilleux
,
et
pour
pouvoir
être
«
mené
à
fin
sans
doute
possible.
Les éléments
«
fantastiques
,
au
sens
où
l'entend a
critique
moderne,
ont
ici
inutilisables,
ar on
ne
peut
les éliminer. ls restent
par
définition
ux
frontières
u
récit,
sans
jamais avouer franchementeur nature. Pour éviter ce danger, es
quatre
pages
qui
achèvent es
enchantementse la DouloureuseGarde
-
les achèvent ans
tous les sens
du
terme
constituent
n
florilège
de tous les motifs
u merveilleux
it
celtique que
l'on
a
pu
rencontrer
dans des textes
antérieurs,
t
qui
se
survivront
endant
au moins
un
siècle souterrain
ui
rappelle
e
«
sidh
»
et
le
palais
sous
la
terre
d'Yonec,
chevaliers
de cuivre
qui
redoublent
e
premier
utomate
mal
exploité, puits
d'enfer
qui
vient
tout droit
des Visions
de
l'Autre
Monde,
chevalier
rdent
qui
n'est
pas
sans
rappeler
e
chevalier
au
dragon
que
combat Perlesvaus
dans
le
roman
du même
nom,
diables
invisibles
mais
qui
mènent
n bruit
nfernal omme
on
en
rencontrera
dans YAtre érilleux..
Et
pour
rendre
plus
claire
encore la
fonction
du
passage, pour
mettre es
points
ur les
i
à
l'usage
des lecteurs
hésitants,
a
métaphore
de la
«
clé
des
enchantements
prend
corps
Lancelot trouve
«
réelle-
ment
un
trousseaude
clés,
avec
lesquelles
l
ouvre
e
coffre,
emblable
au
coffret e
Pandore,
et les
enchantements,
roduit
éminemment
volatil,
'envolent
n
fumée
«
Et
il
met el cofre a
cleif
et com
il
l'on
ouvert,
i en sailli.
.1.
grans
estorbellons t une si
grant
noise
qu'il
fu avis
que
tout
li
diable
i
fussent,
t
por
voir si estoient
l
deable.
Et
chil caï
pasmés
et com il fu revenus, i prent a clef del coffre, i l'emporteetchel del pilier (...) et il se regarde, i voit le piler fondretout
jusqu'en
terre t
la
damoisele
de coevre autresi et les .II. chevalier
qui
l'uis
gardoient
ous debrisiés.
Et
il
vient
hors
a
tous les
clés,
si voit
toutes
es
gens
del castel
qui
li
vienent
l'encontre. t com
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102
il vint
n le
chimentiere,
i
ne
voit nule des tombes
ne des
hiaumes
qui
sor les creniax
oloient stre
(p.
418).
Toute
trace
de la
merveille st
supprimée,
y
compris
celle
qui
donnait 'identité
u
héros,
ui
aurait
dû
disparaître
u récit
bien
plus
tôt,
après
avoir
joué
son rôle.
La
pâmoison
de Lancelot
est
symbo-
lique
il
se
réveille,
non d'un
simple
évanouissement,
mais du som-
meil de
mort
qu'il
vientde rêver
pendant
tout
'épisode
de la Doulou-
reuse
Garde,
t
qui
rendait es aventures
arallèles
bizarrement loues
et
impossibles
achever.Mais
pour
être ainsi
maîtrisée,
l
faut
que
la
merveille hange de nature,qu'elle soit assimilée aux catégoriesdu
surnaturel
hrétien,
'est-à-dire
iabolique
si ce sont des diables
qui
hantaient a
Douloureuse
Garde, celle-ci,
soumise
à l'exorcisme du
roman,
peut
devenir
un
lieu
stable et
assurer
la fonction erritoriale
que
ni le
royaume
e
Ban,
perdu parce qu'inféodé
Arthur,
i
le
Lac,
pure
merveille
irrécupérable
,
ne
pouvaient
remplirpour
Lancelot.
En
fin de
compte,
e traitement
roblématique
de l'aventure
de
la
Douloureuse
Garde,
pivot
des
Enfances
Lancelotet dernière
mergence
explicite
d'un
surnaturel
ui
ne
soit
pas,
de
près
ou de
loin,
celui du
Graal,
manifeste ne tentative
'épuisement
u
paradigme
ui marque
la difficulté,oirel'impossibilité, our le romanchevaleresque, 'arti-culer
syntagmatiquement
a merveille.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 105/128
Patricia
MULHOUSE
JEUX
(jeux)
:
La
marelle
Parmi
les
innombrables
eux
de
société
pratiqués
dans l Occident
médiéval,
e
plus
répandu,
elui
auquel
on
joue
partout,
tout
moment,
dans toutes es
classes de la
société,
n est
pas
le
jeu
de
dés
-
contraire-
ment ce
qui
est souvent ffirmé
mais
bien le
jeu
de
marelle
1).
C est le
jeu
de société
par
excellence,
celui
qui pendant
plusieurs
siècles emblématise e mieux activité
udique
de la civilisation uro-
péenne.
Contrairement
ux
dames,
aux
échecs
et aux tables
(un
des
ancêtres du
backgammon
ctuel),
il
ne
doit en
effet ien
à
l Orient.
Il
est
en outre
plus
ancien
que
tous
les
jeux
de cartes et moins
réprouvéque les jeux de dés. A l époque moderne, l prendle nom
de
jeu
du
moulin;
et ses
épigones
contemporains
ont
le
morpion
(avec
toutes ses
variantes)
et le
jeu
dit
«
du
drapeau
anglais
. Ainsi
la
marelle,
nconnue de
la
plupart
des
historiens t des
anthropo-
logues,
et
très
souvent absente des
répertoires,
manuels ou
encyclo-
pédies
consacrés
aux
jeux
de
société,
est-elle
bien,
dans
la
longue
durée,
e
jeu
de l homme
uropéen.
A la
différence
es
dés,
la marellen est
pas
un
jeu
de hasard mais
un
jeu
de
réflexion. lle
oppose
deux
joueurs
possédant
chacun trois
ou
cinq (parfois
neuf)
pions qu ils
doivent
ssayer
d aligner
verticale-
ment,horizontalementu diagonalement)ur une figure éométrique
de forme
variable et
dont les versions es
plus
employées
u
Moyen
Age
sont
reproduites
ci. Les
joueurs jouent
à
tour
de
rôle en
ne
plaçant
ou
déplaçant
qu un pion
à la fois sur
la
figure.
e
vainqueur
est celui
qui
le
premier
réussi à
aligner
ses
trois ou
cinq pions
sur ime des
lignes
de cette
figure.
u
moins tels
sont
les
principes
généraux
u
jeu
car
il
y
a évidemment
e
nombreuses
ariantes,
t
une
évolution
es
règles
allant
vers
la
diversification.
1.L étymologie
u mot marelle
emeure ontroversée.
hypothèseui,comme ourméreau,e ferait enird undérivé u latin matriculaemble
abandonnée. n
tend
plutôt ujourd hui
rattacheres deuxmots
un
pré-
roman
marr
pierre).
oir
opinion
uancée e
O. Bloch
t
W.von
Warburg,
reprise
t
complétée ar
J.
PIOCHE,
Nouveaudictionnaire
tymologique
u
français
Paris,
971,
.
412.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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104
L avantage
de la marelle
sur les autres
eux
de société
réside
dans
la
possibilité
de
jouer
sans aucun accessoire ou instrument
réparé
à
l avance.
On
peut
y
jouer
absolument
partout
un
doigt
dans le
sable ou dans la
poussière,
n
bâton
dans
la
terre,
ne craie sur
de la
pierre
suffisent
our
tracer
la
figure
ur
laquelle
on va
jouer.
Des
cailloux,
des
fragments
e
bois,
de
feuillles,
e tissu ou de
n importe
quoi
suffisent
our
matérialiser
es
pions.
Pour
distinguer
es deux
camps,
on les
choisit
grands
et
petits,
lairs et
foncés,
irculaires u
carrés,
u
bien,
plus simplement
ncore,
n
oppose
des
cailloux à des
morceaux de bois, ou des fragments e feuilles à des fragments
d écorce. La
simplicité
des
règles,
l absence
de
«
matériel et
la
brièveté du
jeu n empêchentpas que
la
marelle soit
un
jeu
de
réflexion rès
subtil,
urtout
orsque
l on
joue
sur une
figure
n
peu
complexe par exemple
es
types
2
et 4 et leurs
variantes)
avec
pour
chaque camp
a nécessité
aligner
inq pions.
Avectrois
pions
à
aligner,
le
jeu
est en effet
lus simple occuper
e centre favorise ouvent a
victoire
t,
de
ce
fait,
e
joueur
qui
joue
en
premier
est
avantagé.
Ce
qui
frappe
historiendes
jeux
de
société
médiévaux
c est
le
silence
des textes
ur
le
jeu
de marelle.Très rares sont les
mentions
qui
en
sont faitesdans les textes ittéraires
u narratifs
alors qu elles
sont,comme on sait, trèsnombreuses our les dés, les échecs et les
tables).
Plus rares encore les
exposés
des
principes
du
jeu
et
les
recueils de
parties
ou de
problèmes
(ce
qui
n est
pas
le cas des
échecs,
du
moins
pour
ce
qui
concerne
e
Moyen Age
finissant).
n
revanche,
es
documents
d archives,
es
comptes
et
les
inventaires n
font
quelques
mentions,
otamment
u XIVe
siècle. Et
l iconographie
également
ne
l oublie
pas
qui
montre
parfois,
u revers d une boîte
à
jeux comportant
ur l une de ses faces un damier ou un
échiquier,
une
figure
e marelle
voisine
de
celles
qui
sont
reproduites
ci. Les
fouilles
archéologiques,
lles
aussi,
mettentde
temps
en
temps
au
jour des pions de marelleen os ou en bois. Non pas des pions ordi-
naires,
bien
sûr,
mais des
pions
de
jeux d apparat
(fig.
5),
semblables
aux
pions
de dames
quoique
un
peu plus
larges,
moins
épais
et
montrant n décor
presque
toujours
géométrique
et
non
pas
historié).
Michel
Pastoureau
a
récemment tabli la
typologie
e
ces
pions
(2)
et montré
omment,
lus que
les
couleurs
blanc/rouge
usqu au
milieu
du
XIIIe
siècle,
blanc/noir
nsuite)
ou même
que
le décor
(croix
ou
rosace
/orle
ou semé de
besants),
étaient es
cannelures e la tranche
qui
aidaient le
plus
souventà
distinguer
es
pions
de
chaque
camp.
2. M.
PASTOUREAU,
es
pions
de
jeux
médiévaux essai de
typologie,
dans Bulletin e la Société
rançaise
e
numismatique,
980/no,
p.
681-685
repris
ans
L herminet le
sinopie,
aris, 982,
.
343-347.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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106
Il
serait souhaitable
que
cette
enquête
soit
poursuivie
t
qu un
ou
plusieurs
chercheurs
ous donnent nfin
une solide
monographie
ur
cette
marelle médiévale si méconnue
3).
Monographie
ui pourrait
ensuite servir
de
point d appui pour
une réflexion
lus large
ou
plus
largement nthropologique
ur ce
jeu
qui
a
vraiment
été,
pendant
plusieurs
iècles,
e
jeu
occidental
par
excellence.
Un
jeu
de la
ligne
et de
l intersection,
n
jeu
du
centre
et
de
la
périphérie,
n
jeu
de
positionnement
t
de mise en
rang
de
mise en ordre
),
auquel
l histo-
rien
et le
sémiologue
e
peuvent
pas
ne
pas
s intéresser.
Problèmes
(modernes)
:
a. En
jouant
sur
la
figure
(la
plus
utilisée
par
la
marelle médié-
vale)
et en
supposant ue chaque joueur
dispose
de
cinq pions,
alculer
le nombre
e
coup
minimum écessaires
pour
que
le
joueur
ayant oué
le
premier
t
ayant
placé
son
premier
ion
à l intersection
,
réussisse
avant son
adversaire
aligner
trois
pions.
b En jouant sur la figure avec cinq pions, essayer de trouver
au
moins
une solution
permettant
u
joueur n ayant
pas joué
le
premier,
t
de ce fait
n ayant
pas
réussi
à
occuper
e
centre,
aligner
néanmoins rois
pions
avant
son adversaire.
c.
En
jouant
sur
la
figure
,
un
joueur
ne
disposant
que
de
trois
pions
mais
jouant
le
premier, eut-il
vaincre
un
joueur
disposant
de
cinq pions
(le
vainqueur
étant celui
qui
aura le
premier ligné
trois
pions)
?
Solutions
ans a
prochaine
ivraison e Médiévales
3. Il n existe ma connaissance ucune
étude
consacrée
la marelle
médiévale. on eulementucune
monographie
avante,
mais
non
plus
aucune
présentationapide,
i même ucun
paragraphe
ans es
quelquesouvrages
consacrés ux
jeux
médiévaux u consacrant un de leur
chapitre
ces
jeux (ainsi es Viesquotidiennes).u pointqu il est parfois ermis e se
demanderi ce
jeu,
«
le
plus pratiqué
ans Occidentmédiéval
,
n est
pas,
tel
que
nous le connaissons
ujourd hui,
orti en
partie
de
l imagination
de Michel astoureau
voir
ci-dessus
a note
2)
et
des
archéologuesui
lui
ont mboîté
e
pas.
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107
NOTES
DE LECTURE
Alain
Bourreau,
La
Légende
Dorée
Le
système
narratif
e
Jacques
de
Voragine
Préface e
Jacques
Le
Goff,
ditions
du
Cerf,
aris,1984,
83
p.
La
Légende
Dorée est un
gros
recueil
de
légendeshagiographiques
compilé
à la
fin du XIIIe siècle
par
un dominicain
talien,
Jacopo
da
Varazze,
plus
connu
sous le nom
de
Jacques
de
Voragine.
Celui-ci,
loin
d être un
personnage
bscur,
finira,
l issue
d une carrièrebril-
lante,
par
devenir
rchevêque
de Gênes.
Dès
le début
de
son
étude,
A.
Boureau
signale
avec
raison
que
le
destin
de cetteœuvre st assez
fabuleux
«
best-seller
dès
sa
parution,
constamment
éimprimée
epuis
le
XIII siècle
jusqu à
nos
jours,
traduite,
ouvent
fort
mal,
à
de nombreuses
eprises.
Ce
fait est assez
exceptionnel ans l histoire ittéraire,urtoutpour ce typede textes,
pour qu on
tente d en
analyser
les
causes
profondes.
D autant
que
La
Légende
Dorée n a
rien d un
textenovateur
«
Jacques
donne
dans
le
merveilleux hrétien
e
plus
archaïque»,
affirme
A. Boureau
qui
relève
e
paradoxe
de
cette œuvre
qui
intègre
ertains
aspects
de ce
qu il
est
convenu
d appeler
la
«
culture
populaire
,
alors
même
que
l Eglise
officielle
riomphe.
A. Boureau
insiste
tout d abord sur
la
spécificité
e la
Légende
Dorée
Celle-cin est en
rien
comparable
aux autres
textes
hagiogra-
phiques
de
l époque.
En
effet,
on
origine
n fait
une œuvre
vant tout
doctrinale,
n
«
corpus
de
dogmes
destiné,
ertes,
la
vulgarisation,
mais qui ne saurait être confonduavec la littérature difiante.A
partir
de ce
constat.
A.
Boureau
va donc
étudier es
formesnarratives
de
la
Légende
Dorée
S attachant,
omme
l
le dit
lui-même,
la
forme
plutôt
qu à
la
substance,
l
émet
hypothèse
ue
la
Légende
Dorée
est
un
ensemble
ohérent,
n
«
universde
signification
chevé et
complet,
où
chaque
élément
renvoie
la
totalité,
nivers
qui
rend
compte
de
tout,
ui
trace
une
origine
t une
fin,
nivers
ù tout est
dit
et
où
tout
chrétien
trouve sa
place
». Cet
aspect
est
un
élément
susceptible
d expliquer
e succès extraordinaire
e ce texte
n tant
qu
«
instrument
de contrôle
e
l Eglise
».
Le travail d A. Boureau se divise en troisgrandes partiestraitant
respectivement
u
«
cadre narratif
,
des
«
éléments
du récit et de la
«
rhétorique
u récit . Parties extrêmement iches
qui,
à
partir
d un
examen
minutieux u
texte,
noncent
vec
prudence
mais avec fermeté
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 110/128
108
toute
une
série
d interprétationsriginales
ropres,
ous
le
souhaitons,
à
permettre
ne lectureneuve de cette œuvre
et
à
stimulerd autres
chercheurs.
A.
Boureau
s interroge
out d abord sur la fonction e
la
Légende
Dorée
probablement
estinée
à
l origine
à servir de matériau
aux
sermons
pédagogiques.
ont
ensuiteétudiées
a
chronologie
t la com-
position
u
recueildont
a
successiondes
chapitres
uit
celle de l année
liturgique
tablie
au
XIII*
siècle. Dans
Jacques
de
Voragine
e
perçoit
l écho
de la mise en
place par l Eglise
du
calendrier
iturgique,
écou-
pagedu temps u il faut nterpréterommeunevolontéd appropriation
de ce dernier.D autre
part,
des tableaux
fort
éclairants mettent
n
évidence
une
quasi-absence
tout à fait
signifiante
celle
des saints
contemporains.
e
choix,délibéré,
e ne
traiter
ue
des vies
de
saints
«
antiques
ainsi
que
la
pauvreté
nformative
t le
manque
de
relief
de ces
biographes
nscrivent es
dernières dans
l intemporalité
t
l interchangeabilité.
l
s agit
moins d écrire histoire
un individu
ue
de
mettre n
scène des
«
modes de manifestationu divin .
Le textede
la
Légende
Dorée
se veut
authentique
t
homogène
et s attache à
démontrer
ue
la variété
des destins
ndividuels
est
qu une apparence.
Toutes es tribulations errestresonten réalité oumises à un
«
vastedessein
providentiel
ont
l Eglise
militante
uis triomphante
nnonce
l accomplissement
.
Dans un
second
temps,
A.
Boureau,
utilisant es travaux e
sémiotique
narrative e
Claude Brémond
enteune
analyse
structurale es
récits
rapportéspar
la
Légende
Dorée afin d en
dégager
es modèles fonda-
mentaux.Tâche
malaisée étant donné la nature bien
particulière
e
ces
textes.
Le
modèle dominant
st évidemment elui
du
martyre
ui
fascine,
n le
sait,
a mentalitémédiévale.
ncore faut-il
ue
le
martyre
corresponde
u
modèle strictementlaboré
par Jacques
de
Voragine,
à
savoir
qu il
ne
subsiste aucune
ambiguïté uant
aux conduites
qui
ont pu motiver es violences subies. A. Boureau dégage 81 épreuves
différentes
u il
recense dans des tableaux
très clairs.
Il
met ainsi en
évidence ne
«
première
oi
»
:
celle
de
la variétédans
les
combinaisons
des éléments
des
supplices,puis
une
«
seconde oi
»
:
celle de
l épuise-
ment des
ressources
narrativesdu
système
combinatoire
e
Jacques
de
Voragine
insi
qu une
troisième,
elle de la
succession
mprévisible
des
supplices,
otalement rbitraire. l
n y
a
pas
d échelle des
peines.
Une
fois
encore se
vérifie
omnipotence
e la
providence ui,
seule,
décide du
moment ù
doit
périr
e
martyr
l hommene
dispose
amais
de
lui-même
ans
la
Légende
Dorée.
Finalement, . Boureaudémontre ue l analysestructurale st peu
opérante, uisque
le
jeu
narratif
st,
par
avance,
faussé
par
la
«
mise
en scène
providentielle
.
Les
possibles
narratifs e réduisent
peu
de
chose et
le
trajet
habituel
du
héros
est ici
inexistantdès
lors
que
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109
celui-ci abandonne
otalement
la volonté
ivine.
eut-on
même
parler
de
«
récit à
propos
de la
Légende
Dorée
?
Ceci
n empêche
pas
A.
Boureau
de formuler
éanmoins
d intéressantes
emarques
sur
le
système
hiérarchique
es
rôles
religieux
ui
tend
à
légitimer
a
place
privilégiée
u occupent
es
prêcheurs
l intérieur
e l œuvre.
Il
semble donc
que
les récits
rapportés
par
la
Légende
Dorée
n aient
d autre
rôle
que
celui de
supports
de
la vérité
doctrinale.
a
véritéde l œuvre élabore
par
le
procédé
de l accumulation
le
souci
d efficacité émonstrative
e substitue
la cohérence
esthétique.
Le
récithagiographiquemime le plaidoyerdu promoteurd une canoni-
sation
classement
t
accumulation
es
témoignages
t
des
arguments
sont mis en évidence
par
A. Boureau
qui
étudie très
précisément
e
système
es
renvoisde textes texteset
la circularité
e
la
Légende
Dorée La
rhétorique
e
cetteœuvre
est
une
«
rhétorique
e
la liste
:
il
s agit
de
rassembler,
e
fixer t
donc
de contrôler.
omme e
souligne
A.
Boureau,
«
la liste bien ordonnée conduit
au tableau
dogmatique
et
édifiant
.
La
Légende
Dorée
s inscrit onc dans ce
mouvement e
popularisation
d une
religionqui,
jusqu au
XIIIe
siècle,
restait surtout
affaire
des
clercs.Mouvementui se caractérise ar la mise en place de procédures
de
surveillance iverses
enquêtes,
recension
du savoir
et
du
devoir,
promotion
e
la
somme
la
place
du
commentaire,
alendrier
iturgique
venant
upplanter
e
découpage
«
païen
»
du
temps.
Le récit
vaut
donc
par
autrechose
que
lui-même,
ffirme
.
Boureau
dans
une conclusion
brève mais dense.
La
Légende
Dorée
n est
pas
un
recueil
d histoires,
est un
livre de lecture
ontant
une
seule
histoire
celle du
salut.
«
Le
mystère
e la
Légende
Dorée
demeure
.
Son
succès
est
probablement
û à la nature
apologétique
du
recueil. C est
cela
que
les fidèles ont sans
doute
apprécié.
La
Légende
Dorée
se situe
à mi-cheminntre
exposé
doctrinal
t la
narration,
ntre orthodoxie
et les croyances opulaires, ntre es certitudes rovidentiellest l in-
quiétudeeschatologique.
L œuvre de
Jacques
de
Voragine
exhume et
transfigure
es
«
ves-
tiges
. Elle est ime
sorte
«
d herbier
,
assure
A.
Boureau,
à l intérieur
duquel
se sont desséchées
a
multiplicité
t
la richessedu
christianisme
primitif. estiges
d une foi
offrant
image
appauvrie
d un catholicisme
doctrinal ermé la nouveauté
héologique,
estiges
de récits
«
théâtre
d ombre
où se
projettent
es
gestes
divins
.
Mais,
au-delà
du
conser-
vatisme,
e devine
peut-être,
insi
que
le
suggère
A.
Boureau,
a trace
de
ce
rêve
qui
fut celui des
ordres
prêcheurs,
«
rêve
d un ordre
théocratique, une milice chrétienne oumettant u ministèrede sa
parole
une société
regroupée
ans
une hiérarchie
acrée
».
François-Jérôme
eaussart.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 112/128
110
Jacques
Chiffoleau,
es
justices
du
pape.
Délinquance
et
criminalité
dans
la
région
d'Avignon
u
XIVe
siècle
Publication
de la
Sorbonne,
Paris,
1984.
Dans les
profonds
bouleversements
e
structures
ue
connaissent
les
XIV* et
XV*
siècles,
deux
institutions
e
développent
l'Etat
princier
t
l'Eglise.
L'essor
de cette
dernière
a été
particulièrement
sensible
pendant
'exil
avignonais,
t dans cet
ouvrage,
J.
Chiffoleau
se propose de mesurer es effetsde la centralisation ontificale
travers
'appareil
judiciaire,
essentiellement
e 1320
à
1380,
dans
le
Contât.
Dans
un
premier
temps,
'auteur se
penche
sur la
machine
udi-
ciaire en
délimitant on
aire de fonctionnement.
es conflits
e
juri-
diction sont nombreux
et
les
accusés
profitent uelquefois
de
cet
enchevêtrement
es différentes
ustices,
n'hésitant
as,
à
l'occasion,
à
se tonsurer
finde
bénéficier
u for
ecclésiastique
les
officialités
tant,
sauf
exception,
lus
clémentes
ue
les
tribunaux
aïques).
J.
Chiffoleau
tudie ensuite
minutieusementes hommes
qui per-
mettent cettemachine de fonctionnerjuges, procureurs, vocats,
notaires,
lavaires,
sergents,
ourreaux...
l note
que
les
juges
sont
formés
e
plus
en
plus
sur
place,
tandis
que
leur
compétence
'accroît.
La
seconde
partie
de
l'ouvrage
nous
plonge
dans
le
monde
des
délits et
des
crimes
la
violence
explique
les
deux tiers des
condam-
nations.Les rixes sont
spontanées
t rarementmeurtrières
t suivent
un rituel ien
précis
on
commence
ar
s'insulter
l'insulte
met
toujours
en
cause
l'intégrité
morale,
physique
ou sexuelle de
l'adversaire)
puis,
on
se
menace,
et
enfin n
se
frappe.
L'auteur
explique
ces
«énerve-
ments
par
la difficulté e sociabilité
ainsi
que par
le
besoin
de
défoulement. es vols sont
moins nombreux
3
à
20
des
condamna-
tions)
et
particulièrement
es vols d'aliments ar l'effort 'assistance
des
papes
dans
ce domaine st
important
La
Pignotte
istribue
usqu'à
15
000 rationsde
pain
par
semaine.
Parmi es
délits,
l
faut
galement
anger
es
transgressions
exuelles
si les
couples
illégitimes
ont
rares,
es adultères
sont
beaucoup plus
fréquents. 'âge
au
mariage
ardif,
t
par
conséquent
e nombre
mpor-
tant
de
jeunes
hommes sans
épouse,
explique
en
partie,
'importance
des
viols.
Ces
derniers,
ien
entendu,
ont
argement
ous-évalués
ans
les
sources,
à cause du silence
des
victimes
qui
ont
peur
des
repré-
sailles
ou du scandale
cet
état de
fait
n'a
guère
changé
puisque
les
sociologues stimentu'aujourd'huies quatrecinquièmes es viols sont
tus.
L'homosexualité
st
de
plus
en
plus
fermement ondamnée
l'auteur
parle
d'une
véritable
phobie
de
l'homosexualité
la fin du
Moyen
Age.
L'alliance
de deux
êtres
qui
ne débouche
pas
sur
la
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Ill
procréation
st
d'autant
plus
condamnable
dans
ces siècles
de
dépeu-
plement.
La sodomie
mène directement
u
bûcher,
et
J.
Chiffoleau
montre
des
exemples
de
querelles
de
clan dans
lesquelles
traiter on
ennemi de
«
sodomite
est
un des
moyens
les
plus
sûrs
pour
se
débarrasser e
lui.
Derniers
délits
enfin
l'offense
Dieu,
sous
toutes
ses formes
hérésie,
blasphème,
acrilège
délits
pour
lesquels
la
capitale
de
la
Chrétienté,
ù
se
définissentes
dogmes,
d'où
partent
es
grands
mou-
vements
'inquisition,
e
peut
que
se
montrer
igilante
t sévère.
Dans une troisième t dernière artie, 'auteurétudie « les réponses
du
pouvoir
.
L'amende,
ersistance
u
wergeld
arbare
du Haut
Moyen
Age,
st
le
châtiment
e
plus
courant.
Elle
permet
de racheter
a
faute
et donc
d'être
potentiellement
éintégrable
dans
la
communauté,
contrairement
u banissement
ui
est
une
peine
plus
lourde
de consé-
quence, puisqu'elle
signifie
e
rejet
hors
de
la société.
La
prison
est
avant
tout
préventive
avant
le
jugement)
ou coercitive.
Toutefois,
l'incarcération
n tant
que
véritable
pénalité,
st
plus
fréquente
ans
la
pratique
des
juges
ecclésiastiques
ors des
délits
graves
car,
canoni-
quement,
'Eglise
ne
peut
faireverser
e
sang
et si
elle ne
renvoie
pas
le
coupable
devant es
autorités
aïques,
elle
propose
'emprisonnement
qui peutêtreperpétuel. es peinescorporelles nfin iennent ne très
grande
place
dans
la
panoplie
des
châtiments
la
pendaison
st le mode
d'exécution
e
plus
fréquent
70
des
peines
capitales),
mais l'accusé
peut
être
aussi
décapité,
noyé,
brûlé
les
hérétiques).
Celui
qui échappe
à
la mort est
marqué
au fer
rouge
sur
le front u
mis
au
pilori
ou
encore
amputé langue
percée
pour
les
blasphémateurs
u
hérétiques
récidivistes,
ied
ou
main
coupés
pour
les voleurs
récidivistes,
elon
le
précepte
vangélique
e
Matthieu, ,
30
«
Si ta main
droite st
pour
toi une occasion
de
péché,
coupe-là
.
Le
châtiment
st
spectacle
moralisé,
l
est
donc
public
la foule
est
appelée au son de la trompe, ar le crieurmunicipalqui précède
le
condamné.
'auteur
remarque
ue quelquefois
a
présence
des habitants
est
imposée.
Est-ce
à dire
que
le
peuple
n'irait
pas spontanément
N'est-ce
as
la
preuve
d'un certain
dégoût
de
la
part
des
spectateurs,
ou
la
marque
d'une certaine
olidarité
e
la foule
vis-à-vis
u
supplicié,
reconnaissant
ans celui-ci
n
possible
soi-même
(Coupable
et
victime
se
ressemblent
tonnamment
t
peuvent
être
facilement
nterchan-
geables).
Les
pendus
sont laissés
longtemps
u
gibet,
es têtes
des
décapités
xposées
sur
un
mât
de
bois,
es
membres
mutilés
uspendus
devant
le Palais
des
Papes
toute
cette
mise
en scène
fait
partie
d'une
«
politique
de
l'effroi
et d'une volonté
de montrer
ux habitants
la toute-puissancee la justiceet de l'Etat.
Car
c'est
bien
l'idée
centrale,
e fil directeur
de
l'ouvrage
que
de
montrer
e renforcement
u
pouvoir
des
juges
et le
progrès
de
l'acti-
vité
udiciaire
au
XIVe
siècle.
J. Chiffoleau
émontre
ue
malgré
es
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112
«
malheurs
du
temps
,
la
machine
udiciaire,
non
seulement
ontinue
de
fonctionner,
ais
renforce on
efficacité.
algré
es
crises,
t surtout
grâce
aux crises
car
l'appareil
udiciaire,
u lieu
de
pâtir
de
la désor-
ganisation
de la
société,
semble en
profiter
la
fragilité
de cette
société
permet,
n
effet,
la
justice
de s'insinuer
dans
«
tous les
interstices
ue
la
ruine ou
la mise en
question
des
pouvoirs
tradi-
tionnels
réent dans le tissu
social déchiré
. Selon
l'auteur,
l
serait
abusif
de dire
que
la
justice
moderne e met
en
place
au
XIVe
siècle,
mais c'est
dans
la
crise,
et non
après, que
se
développent
ertains
instruments,ertainesdoctrines e contrôle ocial qui serontceux de
l'époque
moderne.
Comment
mesurer e renforcementéel de
la
justice
dans
la vie
de
tous les
jours
? Par la
part
de
plus
en
plus
grande
aissée
à
l'arbitrage
du
juge,
par
la
fonction
édagogique
de
l'amende
qui
fait
croire à
la
justice,
la
surveillance
ontinuelle,
uotidienne,
t enfin
ar
la
baisse
sensible
de l'amende
moyenne
qui
signifie,
elon
l'auteur,
que
cette
dernièrene
châtierait
plus
que
les délits
mineurs alors
qu'augmen-
teraient,
ans
le même
temps,
es
peines
corporelles.
J. Chiffoleau
e demande
finalement i
le XIVe siècle
ne
voit
pas
la
mise
en
place
d'un nouvel
ordre
moral,
orchestrée
ar
les autorités
laïques et les autorités cclésiastiques. ourappuyer on propos, l fait
un brillant
arallèle
entre
e
temporel
t
le
spirituel
il
note
que
l'aveu
et
la confession
e
développent
u même moment
première
moitié
du
XIIIe
siècle)
et reflètent
ne
transformation
e
la
notion de faute.De
même
que
les
prédicateurs
cclésiastiquespoussent
e chrétien se
confesser,
es
«
criées
et les
règlements
municipaux
demandent ux
«
honnêtes
ens
de dénoncer e
voisin fautif. es
amendes
et
l'excom-
munication
onnaissent
n fort
développement,
n
cette
fin du
Moyen
Age,
marquant
de
plus
en
plus,
tant
sur
le
plan
social
que religieux,
la
limiteentre
ce
qui
est licite
et ce
qui
ne l'est
pas.
L'étude
brillantede
J.
Chiffoleau,
ant
sur
le
plan
des mentalités
que
des institutionsme
paraît
être un
apport important
notre
connaissance
du
XIVe siècle si
riche en
transformation.
Didier Lett
Groupe
de
La
Bussière,
Pratiques
de la
confession
Des
Pères
du désert
à Vatican
I.
Quinze
études
d'histoire,
aris,
Cerf,
1983,
98
p.
Les
quinze
études
que publie
le
groupe
de
La Bussière
jalonnent
l'évolution
t
illustrent
a diversité
es
pratiques
de la confession
es
Pères
du
désert
à Vatican
I.
Des
quatre
périodes
qui découpent
ette
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113
histoire,
eux
seulement oncernent irectemente
médiéviste,
ui
lira
toutefois vec intérêtes
études oncernantes
évolutions t les
ruptures
du
temps
des
réformes,
out comme
l
référera on histoire la désaf-
fection
ontemporaine
e la confession.
Reste
pour
le
MoyenAge
une histoire n deux
temps,
dont
e
pivot
est sans conteste a
date
de
1215
si
souventmise à contribution
es
dernières
nnées),
orsque
e canon
21
du concile
de Latran IV définit
l obligation
nnuelle de la
confession
uriculaireet ses modalités.
l
s agit
d une
généralisation
e la
pratique
consistant
avouer
ses
fautes
à un prêtre, e qui ne constituaituparavant u un élément econdaire
de la
pénitence.
L articulation ntre les notions de confession t
de
pénitence
st
délicate
t
évolutive,
t les
études réunies oncourent en
éclairer e sens.
Tandis
que
la
confession end à devenir elle seule
l essentiel du sacrement
de
pénitence,
e dernier
terme subit
ime
contraction
émantique puisqu il
désigne
à
l origine
l ensemble
du
processus
menant au
pardon
et
après
1215 a
seule
peine
matérielle
à
accomplir.
Au
point
de
départ
de cette
histoire e situe la
pénitence ntique
acte
public
consistant
admettre
e
pécheur
dans l ordredes
pénitents
où
il
vivra,
éparé
de
la
communauté t soumis à rude
épreuve,
usqu à
la réconciliation.esante, t de plus impossible renouveler,ne telle
pratique posait
de
gros
problèmes.
L époque
de
Grégoire
e
Grand,
étudiée
par
Bruno
Judie
(«
Pénitence
publique, pénitence privée
et
aveu chez
Grégoire
e Grand
590-604)),
occupe
une
position-charnière.
Confronté ux difficultés e la
pratique
antique,
le
pape
retient e
modèledes
pénitentiels
rlandais
écrits
uelques
décennies
uparavant),
qui
établissent a
pratique
d une
confession
rivée
où
le clerc
impose
une
peine
strictementarifée n
fonction
u
péché
commis.Si à cette
époque
la
peine
matérielle
este élément
ssentiel,
Grégoire
e fonde
également
ur
la
tradition
monastique
de l aveu des
péchés,
et
notam-
ment celle
qu étudie
Jean-Claude
Guy («
Aveu
thérapeutique
t aveu
pédagogique
dans l ascèse des Pères du
désert,
Ve-Ve .
»).
En
effet,
les
textes
concernant es
ermites
du
désert
d Egypte
expriment
vec
force idée
que
l aveu,
fait
à
un
ancien,
st essentiel
t contient
n lui-
même e
pardon
de Dieu. Notons
que
le rôle de
l ancien est moindre
que
celui
qui
sera dévolu
plus
tard au
prêtre
ce
n est
pas
lui
qui
fixe
la durée de la
pénitence,
mais Dieu
qui
en
signifie
a fin
par
une
intervention iraculeuse.
Face
à cette double
pratique
de
la
pénitence, rivée
ou
publique,
les clercs
de
l époque
carolingienne
ont montre d une
volonté
de
synthèse
et entendent
faire coïncider
pénitence
publique
et
faute
publiqued unepart,pénitence rivée t fauteprivéed autrepart.Mais
la
vision des
clercs aboutit à
un
échec,
et la confession
garde,
en
pratique,
ne
place
secondaire
Michel Rubellin,
Vision de la
société
chrétienne
travers a confession t à
la
pénitence
u IXe
siècle
»).
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114
On
peut s interroger
ur
l évolution
e
la
pénitence
publique,
dont
on
saisit,
au
fil des
études,
e
progressif
éclin,
usqu au
stade
ultime
décrit
par
Nicole Lemaître
«
Pratique
et
signification
e
la confession
communautaire
dans
les
paroisses
au
XVIe
siècle»).
Du
XII*
au
XVIe
siècle,
se
maintient
a
pratique
de
l absolution
collective,
ro-
noncée
par
le
prêtre
ors de
la
liturgie
pascale.
Pour les
théologiens
médiévaux,
lle
ne concerne
que
le
pardon
des
péchés
véniels.
Mais
la lutte
qu ils
doivent
menercontre
es
abus
de
cette
pratique,
ccor-
dant
e salut avec
une
trop
grande
facilité,
uggère
a
nécessité
u il
y
a
de prendre n compte absolution ollectivedans l analysedu système
mis en
place
par
Latran
V.
Latran
IV,
c est
le
triomphe
e
l aveu
et
le recul
des
peines
expia-
toires.
Mais Nicole
Bériou
(«
Autour
de
Latran
IV
(1215)
la naissance
de la confession
moderne
t sa
diffusion
)
montre
bien
qu il
ne
s agit
pas
de concevoir
ne
pénitence
bon
compte
l aveu
est
une
épreuve
dramatisée
ù
«
le
pénitent
e
met en
position
de
coupable
.
Surtout,
l auteur
fait
apparaître
a décision
conciliaire,
non comme
une
inno-
vation ex
nihilo,
mais comme
aboutissement
un
siècle
de
réflexion
théologique
fortement
marquée
par
Pierre
e
Chantre
qui, quoique
plusmodestementu enmatière e Purgatoire,stbien e grandmaître
des naissances
théoriques
,
et
la
généralisation
ar
Innocent
II des
efforts
menés
dans
un certain nombre
de diocèses.
Là
diffusion
e
la confession
nnuelle
est assez
rapide
elle
bénéficie
du
réseau
de
contraintes
xercées sur
l individu
par
les
groupes
étroits
(paroisse,
famille, onfrérie),
t de
l effort
éducation
mené
par
les
prédicateurs.
Le lien étroit
ntre
prédication
t confession
pparaît
dans
les
trois
études
qui
concernent
ette
période
et en
particulier
ans
les
exempla
qu analysent
Jacques
Berlioz
et
Colette
Ribaucourt
«
Images
de
la
confession
au début
du
XIVe
siècle
l exemple
de
YAlphabetum
narrationum Arnoldde Liège»). Si certainsexemplapériphériques
développent
es
thèmesà
haut
risque (par exemple,
pousser
l impor-
tance
de la
contrition
usqu à
rendre
nutile
a
confession
t donc inter-
vention
un
clerc),
e
cœur
de la
rhétorique
xemplaire
st
fondée ur
une alternative
imple
la
confession
u
Satan. La confession
omplète
et sincère
st
une
arme
qui
réduit
néant
es
pouvoirs
du diable
sur
l homme
pécheur.
Pourtant,
travers
étude
des
perfectionnements
e
la
confession,
on
voit
qu il
s agit
d une réalité
de
plus
en
plus
lourde
Hervé
Martin,
«
Confession
t contrôle
ocial
à la
findu
Moyen
Age
).
La confession
est de plus en plus fréquente,t ce d autantplus qu on se rapproche
du sommet
de
la
hiérarchie
ociale
surtout,
es
grilles
de lecture
des
péchés,
notamment
exuels,
s affinent,
tteignent
ne
telle
complexité
qu elles
sont
génératrices
angoisse
pour
les chrétiens.
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115
Cette
histoire
de la
confession
st,
comme
le
montrent
es
propos
stimulants
ue
Michel
Sot
donne
en
introduction
l ouvrage,
n
aspect
de
l histoire
plus
large
de
l affirmation
e
la conscience
ndividuelle.
Avec
e
développement
e
l aveu,
accent
se
déplace
de
l acte
extérieur
de
la
pénitence
vers
un
processus
psychologique,
nstrument
une
connaissance
de
soi.
De cette
problématique,
maintenant
ien ancrée
dans
la
démarche
des
médiévistes,
e
livre
offre
ne
illustration
t
une
confirmation
uancée
(la
chronologie
st
complexe,
ariable
selon
les
groupes
ociaux
et
les différents
ontextes
l aveu
est
déjà
problématisé
chez les Pères du désert,N. Bériou rappelleque Latran IV ne met
pas
fin
mmédiatement
une
conception
bjectivé
du
péché).
L autre
élément
de
problématique
uquel
se
réfère
M. Sot
fait
naître
plus
d interrogations.
l reconnaît
en effet
ue
la
confession
constitue
n
instrument
e contrôle
ocial,
utilisé
par
l Eglise.
Et,
les
auteurs
des
articles,
notamment
M.
Rubellin,
N. Bériou
et
H.
Martin,
nous
montrent
effort
es
clercs
pour
s assurer
grâce
à
la
confession,
aussi
bien
le
monopole
du
chemin
du
salut
qu un
moyen
de contrôler
les
mœurs
t l orthodoxie
es
fidèles.
Auxtenants e cetteproblématique, . Sot faut emarquer u on ne
saurait
négliger
es
résistances
es
fidèles
ce
qui
ne
nie
pas
fonda-
mentalement
e
fait
que
la confession
oit
un
enjeu
de
pouvoir.
urtout,
il
rappelle
que,
du
point
de
vue
chrétien,
a
confession,
oin
d être
un
instrument
oppression,
st
un
moyen
de
libération
uisqu elle
permet
le salut de
l homme
pécheur.
Le souci
de
M. Sot
est
bien
de nuancer
une
analyse
de
la
religion
n terme
de
pouvoir
et
d en éviter
es
faci-
lités,
plus
que
d en
nier
es
fondements.
ar
finalement,
ouvrage
uto-
rise
l analyse
suivante
c est
précisément
arce
que
la confession
st
l instrument
u
salut
qu elle
devient
un
moyen
de contrôle
social.
Dans la confession, assurancedu salut s échangecontre
affirmation
du
pouvoir
de
l Eglise.
C est
tout
e
méritede
ce livre
que
de montrer
omment
a confes-
sion,
d élément
marginal,
devient
une clé
de voûte
de
la société
christianisée
u
Moyen
Age.
Tout
le discours
chrétien,
entré
sur
le
combat
des
forces
du bien
et
du
mal,
et
en
premier
ieu
la menace
de
l enfer,
e
peut
être
compris
ue
dans
un
système
ù
la confession
occupe
ime
place
centrale.
Ces
études,
dans
leur
diversité
et
leur
complémentarité,
anifestent
vec
une
remarquable
ertinence
impor-
tance
stratégique
des
pratiques
de la
confession
t ne
peuvent
que
rencontrer intérêt t susciter a réflexion e ceux que passionnent
la
compréhension
u
système
religieux
du
Moyen
Age.
Jérôme
aschet
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116
Approches
u Lancelot en
prose
études recueillies
par
J.
Dufournet.
Champion-Unichamp,
984.
Ce recueil est fait
pour
les
agrégatifs
ui
voient
au
programme
a
partie
«
Enfances
.
Inégaux
quant
à leur contenu
et leur
approche,
les articles
se
contredisent,
nitiant e
lecteur novice aux
difficultés
d'un roman
abordé
pourtant
dans sa
partie
la
plus simple.
Le
style,
l'enfance
éerique
t les
premières
preuves
ont examinés.
Les questions sont soulevées.
On
peut regretter u'une réponseévasive ne vienne
pas,
en
retour,
enrichirces « Enfances . Seuls,
F. Suard
et D. Poirion
cherchent
élargir
au roman
leur aventure
ponctuelle.
Traiter
du
début,
est-ce
oublier les milliers
de
pages
qui
suivent t
les dizaines
de
volumes encore inédits
A.
Micha,
pour
avoir
vécu
longtemps
vec Lancelot
connaît les
pièges
de son roman.
Le récit
rétrospectif
Sur
un
procédé
de
compo-
sition du
Lancelot)
renseigne
e lecteur
ou un
personnage
rêt
à
agir
et
prend
souvent
a forme
d'un
«
exemple
.
Il
est tentant
de
croire
que
ces
récits,
solés
de leur
contexte,
uissent
être à
l'origine
des
nouvelles.
Mais,
dans
un
texte sans
ponctuation,
ui parle
au
juste,
l'auteurou le personnage Prudence Il est hasardeuxde croire à la
dégénérescence
'un
procédé
littéraire
A.
Micha
s'en
garde
bien)
et
l'essor
de
la nouvelle
peut
aller de
pair
avec l'élaboration
de
romans
colossaux
dont
'architecture,
aute
de
textes,
este à découvrir.
. Bar
(
Faits de
langue parlée)
se
penche
avec bonheursur les savoureuses
trouvailles
tylistiques
'un
texte
ugé,
il
y
a
peu,
«
inférieur
.
D. Poirion
La
Douloureuse
Garde)
suppose que
la clef
des enchan-
tements
ermet
de
passer
de l'aventure rthurienne
la
grande
forme
romanesque.
ans
la
répétition
'actes
similaires,
e merveilleux
evient
rationnel.
oute
référence
xtérieure,
our
pertinente u'elle
soit,
ajou-
terait nutilementu sens au sens caché sous le «bricolage mer-
veilleux
u les
allusions
psychanalytiques,
'épisode
a
pour
fonction
e
réunir
es
protagonistes
e
la Mort Artu
le
roi,
a reine et
l'amant)
et
ceux d'un
drame
théologique
le
cœuret le
corps),
a
Queste
D.
Poirion
aurait
pu
mettre
in
la
querelle
des
partisans
d'une version
simple
,
conte
de fées
sans suite
s'arrêtant
ci. Notant
que
la
pertinence
es
noms
propres
raduit
a collusion
moureuse
ntre
e monde
chrétien,
antique
et
celtique,
l
nous
met
en
garde
contre
oute ecture
élective.
Mais
où
trouverons-nous
a
culture
pour poursuivre
euls
?
Les
articles uivants
M.
de
Combarieu,
.
Paradis
et J.
Dufournet)
décrivente parrainage u héros.Lancelotsubit es épreuves ui, pour
un
formaliste,
ont
de
lui un héros. Si
des
hypothèses
ont
judicieu-
sement
lancées,
on
peut regretter
ue
le schème
efface
le
texte
l'enfance
féerique
est loin
d'être
triomphante
la Dame
s'en
remet
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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117
à Dieu
pourépanouir,
ès dix
ans,
cette
«
fleur des
enfants,
'entraînant
à des
jeux
plutôt
équivoques,complice
dans sa révolte
contre
'auto-
rité,
fût-elle
magistrale
et
congédiable,
ui
enseignant
des
langues
étrangères
ui
donneront,
evant
Guenièvre,
es
contresens
u'on
sait.
Pharien,
i
parfait,
st
un
assassin,
pour
un crime
non
avoué,
qui
touchede
près
le
roi de Gaunes
-
donc
les enfants
u'il
protège.
oin
de
quitter
es
fées,
Lancelot
y
revient
ans
cesse,
par
des
litières ou
des
surfaces
troubles,
aux et
folies,
géants
et feés
trompeuses.
n
la
comparant
ux enfances
de
Perceval,
de Tristan
ou de
Galaad,
on
auraitpu mesurer on originalité t les contraintes u'elle exercesur
un héros
perdu
d'avance.
F.
Suard
(L.
et le
Chevalier
Enferré)
insiste,
au contraire
de
M. L. Chênerie
L'aventure
du Chevalier
Enferré
,
sur
l'aspect négatif
des
premières
ventures.
L'entrelacement
u dit et
du
non-dit,
u
manque
et de
la
perfection,
ont de Lancelot
im héros
faillible
et
moderne.Reconnaissant
a
stupidité
u
premier
œu
qui
met
Lancelot
définitivement
u côté des
battus d'avance
(préférer
e vaincu
au vain-
queur),
F. Suard aurait
pu évoquer
es
paris
aussi
ineptes
qui
ouvrent
la
Queste
et démontrer
ue,
dès
le
début
du Lancelot
la
Queste
se
prépare.Le Lancelotn'est,sommetoute,que l'espace comprisentre
deux
enfances,
elles
du
père
et celles du fils.
Le
méritede tous ces
articles,
'est
de se référer
oujours
au texte
(éd. Micha),
et d'en
accepter
les
artifices, ntrelacements,
ventures
secondaires,
écousu
des
annonces
ongtemps
on-réalisées.
out
ecteur,
même
novice,
sait
que
cette
lecture se fait en deux
temps
un,
on
laisse
passivement
'additionner
es
aventures,deux,
on
trouve eur
sens
par
des
rappels
internes.
Or,
le
découpage
arbitraire
nécessaire
au concours
uggère
ue, pour
ire e
Lancelot,
l
suffit e
le
tronçonner
et de s'armer
de
patience.
Pourtant,
ès
qu'on pratique
ce
«
Livre
de
Sable » qu'est le roman, la recherche xaspéréed'un épisode,anodin
à
sa
lecture et
brusquement
apital,
on est moins
persuadé
que
l'auteur
soit,
comme
dit F.
Suard,
un
«
guide obligeant
Bien des
chercheurs
restigieux
nt été
abusés,
créant
en
toute bonne
foi des
variantes astucieuses
et
complètement pocryphes.
Voulant
éclairer,
ce recueil
manque
l'approche
première,
e
«
mode
d'emploi
du
texte.
Comment
manier deux
mille
pages
manuscrites,
ans
ponctuation
t
sans
foliotation
omme
bien des
manuscrits
'étaient
à
l'époque
?
Certes,
c'était
hors
sujet.
Espérons que
d'autres textes
arthuriens,
avec autant
d'enthousiasme
t
de
franchise,
n
pareille
occasion,
susci-
teront
ne
telle
problématique.
Anne
Labia
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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118
«
Le
corps
souffrant maladies et
médications
,
Razo
Cahiers du
Centre
d études
médiévalesde
Nice,
n°
4, 1984,
69
p.
A l occasion
du
présent
numérode Médiévalels consacré
lui
aussi
au
corps,
l
nous
paraît uste
-
puisque
nous
entretenons
es relations
d échanges
vec
les cahiers
niçois
-
de
signaler
e numéro
4
de
Razo,
récemment
ublié.
Il regardeplutôt a France du Sud-Est (Provence t Comtat)avec
cependant
des excursions n Sicile et
dans la
régionparisienne.
Plus
généralement
l
ouvre une réflexion ur la culture
médicale de l Occi-
dent des X*-XV*
iècles.
La
perspective
st essentiellement
istorique
et
anthropologique
au
commencementst
le
corps
humain,
ffronté
ux
souffrances
e la
maladie
ou
de la vieillesse le
problème
st
toujours
la
saisie
de
ce
corps
dans la
perception
ndividuelle u
collective
et
la volonté
et
capacité
de
répondre
à ces souffrances. ans ce cadre l insistance
majeure
est
sur un discourset des activités
profanes.
Razo
ne
néglige
cependantpas l éclairage religieux plusieurs
articles
présentent
a
culture médicaledes clercs
(J.
Rovinski,
D. Le
Blevec).
Et
l analyse
des miracles du Bienheureux
icilien Gerland
H.
Bresc,
J.
Rovinski)
donne
occasion
de
confronter
a
thématique
miraculeuse
l expression
et à
l interprétationcientifiques.
Cette
volonté
d interpréter
e retrouve
dans
la
présentation
de
documents
médicaux
par
Henri Bresc
(documents siciliens),
Noël
Coulet
(documents ixois)
et Louis Stouff
documents rlésiens).
Ces
documents,
our
la
plupart
du
XVe
siècle,
éclairent
notablement
a
pratique
officielle e la médecine
puisqu il
s agit
d actes
notariés,
onc
publics.
La
collecte
st variée
mais
on relève
principalement
eux
types
d actes des licences d exercicede la médecine t surtoutdes contrats
passés
devantnotaire ntre
des malades et des
thérapeutes,
ixant,
n
fonction e
l atteinte,
es conditionsde la cure
lieu,
temps,
ssue et
mode de
paiement.
Le
méritede
ce numéro de
Razo
réside
d ailleurs
pour
beaucoup
dans l offre
u il
fait
au
lecteur
de
documents
variés
qui
à
la fois
satisfont et éveillent des
curiosités,
sur
la
rage
et l euthanasie
(M.-T.
orcin),
ur
a
lèpre
D.
Le
Blévec,
A.
Tavera)
et
sur es
pratiques
para-scientifiques
onfrontées u
regard
de la
justice
(J.
Shatzmiller,
R.
Lavoie).
Sur le versant ittéraireAlice
Planche
a
exploré
a
poésie
du MoyenAgetardif t nous présente es imagesde la vieillesse.Ces
documents sont
une
incitation à
la
recherche
plus
directement
Christine
Martineau
propose
sur le thème de la folie un
programme
qui
est
à
considérer.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 121/128
119
Dans
la
vague
actuelle
d intérêt
our
l histoire
u
corps,
ce numéro
de
Razo
appelle ustement
attention ur les documents
rchivistiques
d une
part,
et
d autre
part
sur
le
progrès
notamment
près
la fin
du
XIV* siècle
-
d une
culture
et d une
pratique
médicale
profanes.
O.R.
Liste des
articles
sur le thème
du
corps
déjà
parus
dans
«
Médiévales
»
F.-J.
BEAUSS
RT,
«
D un clerc
grief
malade
que
Nostre
Dame sana
»,
réflexions
urun
miracle,
ans
Médiévales
2,
mai
1982,
p.
34-47.
F.-J.
EAUSSART,
Figures
e a maladie
ans es
miracles
e Nostre ame
,
dansMédiévales
4,
mai
1983,
p.
74-91.
S.
CASTERA,
La
peau
et
sa
pathologie
langage
u
corps
t
reflets
e
la
pensée
médiévale
,
dans
Médiévales
3, anvier
983,
p.
8-18.
B. CAZELLES,« En odeurde sainteté, dans Médiévales, , mai 1982,
pp.
86-100.
M.-C.
POUCHELLE,
«
Les
appétits
mélancoliques
,
dans Médiévales
5,
novembre
983,
p.
81-89.
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf
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/';-=09 )(8*
=-0/']
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121
Articles
déjà
publiés
dans
MÉDIÉVALES
N
1/
JANVIER 1982
Belle
aiglentine.
Narration t
idéologies
dans
une Chanson de Toile
(F.-J. EAUSSART).
-
Le
désordre
t la structure.
ur la
syllabation
médiévale
F. JACQUESSON).
La version
X de la Vie de
Sainte Marie
l'Egyptienne
Mise en
prose
et
catéchèse
(O.
de
RUDDER).
-
L'ar-
chitecte,
Téquerre
et la
géométrie
instrumentale
u
Moyen
Age
(L.
LEGENDRE
et
M.
VEILLEROT).
-
Unités
de
compte
et
espèces
monnayéesu MoyenAge L. GILLARD).- Les notationsmusicales u
Moyen
Age
(I) (A.
DENNERY).
-
De
l'enfant ui
fu
remis au soleil.
Editionde texte
O.
de
RUDDER).
N° 2
MAI 1982
«
GAUTIER
DE COINCI.
LE TEXTE DU MIRACLE
»
Transformations
u savoir et ambivalences
onctionnelles
P.-M.
SPAN-
GENBERG).
-
D'un
clerc
grief
ue
Nostre
Dame sana.
Réflexions
ur
un miracle
F.-J.BEAUSSART).
-
Images
et
apparitions
C.
LAPOS-
TOLLE).
-
Les
énonciateurs
Gautier
(B. CERQUIGLINI).
-
La
rubrique
une unité ittéraire
S.
CHENNAF).
-
En
odeur
de sainteté
(B.
CAZELLES).
-
D'un
clerc
que
NostreDame
garit
de
grand
maladie
Edition de texte (O. de RUDDER).
-
Ordinateurset manuscrits
(G.
JACQUESSON).
N°
3/
JANVIER
1983
«
TRAJECTOIRES
DU SENS
»
Langage
du
corps
et
reflet
e
la
pensée
médiévale
S.
CASTERA).
-
Ecriture
et
imaginaire
du
rêve dans
le
Lancelot
en
prose
(M.
DE-
MAULES).
-
«L'effet
améléon»
(F.
JACQUESSON).
Les
notations
musicales
au
MoyenAge
(II) (A.
DENNERY).
-
Cantigas
ď
Amigo
et
Chansons
de Toile
(I.
NUNES).
-
Le vocabulaire
amoureux
dans
les
Tristans
D.
GEHANNE).
-
Du chaitivel
u des
Quatre
Dois
(G.
FA-
ROUT).
-
Les
MoyenAge
romanesques
du xxe
siècle
(M.
OUERD).
-
Pour
une histoire
de la lecture
O.
de
RUDDER).
De
la
nonain
quimenjéaa fleurdu chol ou li deables s'estoitmis si qu'ele devinthors
du sens.
Edition
de texte
t
commentaires
C.
MICHI).
N°
4/
MAI 1983
«
ORDRE
ET DESORDRES
».
Présenté
ar
J.-C. CHMITT
Images
du
désordre
t
ordre de
l'image
(J.
BASCHET).
-
Ordres du
désert t
aire du désordre
C. LAPOSTOLLE).
-
Formes
t couleurs
du
désordre
M.
PASTOUREAU).
Figures
de la maladie dans
les Miracles
de NostreDame de Gautier
de
Coinci
(F.-J.
EAUSSART).
-
La
méta-
morphose
du
roi
Guillaume
K. HOLZERMAYR).
-
Ordre
divin
et
désordre
u
siècle
dans
la
Chronique
e Gênes
de
Jacques
de
Voragine
(1297) (A. BOUREAU). - Philippede Mézières Carnaval romain ou
révolte
de Colas di Rienzo
(J.
POMI
AN-TURQUET)
-
Une
utilisation
de l'ordinateur
n histoire
médiévale
M.-A.
de MERCO
YROL).
-
La
Pat nostre
e Lombardie. ditionde
texte t commentaires
I.
HIRSCH).
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122
N° 5
/AUTOMNE
1983:
«
NOURRITURES
».
Présenté
ar
O. REDON
B
rouets,
otages
t
bouillons
J.-L. LANDRIN).
De
l'usage
des
épices
dans l'alimentationmédiévale
B. LOURIOUX).
-
Cuisine
à
la cour
de
l'empereur
de Chine
(F. SABBAN).
-
Valeurs,
symboles,messages
alimentaires
urant
e Haut
Moyen
Age
(M.
MONTANARI).
Exil
et
retour
la
nourriture
es
origines
(D. REGNIER-BOHLER).
-
Les
appétits
mélancoliques
M.-C. OUCHELLE).
-
Les
ustensiles
e
cuisine
en Provencemédiévale
xn'-xv* .)
(P.
HERBETH).
-
Une
recette
du
XV siècle
Comment
faire
les
tortellid'Assises Edition de texte
et
traductionM. TOUSSAINT-SAMAT). Lesmasquesdu clerc J.-Ch. U-
CHET).
-
Qu'est-ce
ue
le
Moyen
Age
?
(F.
JACQUESSON).
N°
6/
PRINTEMPS 1984
«
AU
PAYS D'ARTHUR
Du lac
à
la
fontaine Lancelot et
la
fée amante
(A.
BERTHELOT).
-
La
Dame
du
Lac,
Morgane
et
Galehaut
(J.-M.
BOI
VIN).
-
Le
Bel
Semblant,
aus
Semblant,
emblants
romanesques
H. SOLTERER).
-
La
naissance
de
la
Bête
Glatissante,
'après
le ms.
BN 24400.
Edition
de texte
A.
LABIA).
-
L'expériencepoétique
du
«
pur
néant
chez
Guillaume
I
d'Aquitaine
M. STANESCO).
-
Le
Reggimento
costume
di Donna de Francesco
Barberino
C.
CAZALE).
-
Les
premiers
mmi-
grés,Heurs etmalheurs e quelquesbretons ans e Paris de SaintLouis
(J.-C.
ASSARD).
Robert e Diable au xix* iècle
(P.
LALITTE).
N°
7/
AUTOMNE
1984
«
MOYEN
AGE,
MODE
D'EMPLOI
»
Enquête
Profession
médiéviste
(J. BASCHET,
C.
LAPOSTOLLE,
M.
PASTOUREAU,
.
REGIS-CAZAL).
Le
MoyenAge
une
mentalité
du
multiple
O. CAPITANI).
-
Que
faire du
«
Moyen
Age
?
(J.
DE-
VISSE).
-
Infantilisme
t
primitivité
u
Moyen
Age
(A.
PEILLON).
-
Côté
vert,
ôté
gris
(M. PASTOUREAU).
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0751-2708
SOMMAIRE
N°
8/
PRINTEMPS
1985
LE
SOUCI DU
CORPS
Page
Avant-propos
Jacques
BERLIOZ et
Michel
SOT
3
Mépris
du monde et
résistance
des
corps
aux XI*
et XII*
siècles
Michel OT 6
Eve,
Marie ou Madeleine La
dignité
du
corps
féminin
dans
l'hagiographie
médiévale
Jacques
DALARUN
18
Soin
du
corps
et
médecine
ontre
a
souffrance
l'Hôtel-Dieu
e
Laon au
XIIIe
siècle
Alain SAINT-DENIS
33
Le
corps
des saints
dans les
cantiques
catalans de
la fin du
MoyenAge
43
Edition t traduction « Los goixsdelparenostre ane Domingo 54
Dominique
de COURCELLES
Le
corps
des saints ermites n Italie
centrale
ux XIV*
et XV* s.
étude
d'iconographie
Daniel RUSSO
57
L'argument
'Anselme
t la
genèse
de la
dialectique