128
8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-8-printemps-1985pdf 1/128 ME'-smS niFt i 1- /X JLi histoire ¿¡Ä YALES 1- /X JLi histoire I ¿¡Ä ^ LE SOUCI DU^CORPS Tjsf* Revuepubliée vec le concours u C.N.R.S. JJ

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ME'-smS

niFt

i

1- /X JLi

histoire

¿¡Ä

YALES

1- /X JLi

histoire

I

¿¡Ä

^

LE SOUCI

DU^CORPS

Tjsf* Revuepubliée vec le concours u C.N.R.S. JJ

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©

PUV,

Saint-Denis,

1984

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MEDIEVALES

Revue semestrielle

publiée par

les Presses et

Publications

de l'Université de Paris

VIII

-

Vincennes à Saint

Denis,

avec le concours

du Centre

National de la Recherche

Scientifique

COMITE

DE REDACTION

^

^

^

Jérôme

BASCHET

7 fi

i

François-Jérôme

EAUSSART

7

ļļlj ffjļ

fi

I

Bernard

CERQUIGLINI

l

i_

IM

'

ļLi^^kulI^pi

l

Ilan HIRSCH

III

1

François JACQUESSON -^ ļ //jļj ļ ļļĻ**3

ChristlneELAPOSTOLLE

r~jtj f

i

iBl

'f

I

WZ

¡

-

Orlando

de RUDDER I

Jjļ^

WkTrÙ

-

Le

numéro

44 F

Abonnements

-

2 numéros

82

F

(étranger

95

F)

-

4 numéros

155

F

(étranger

180

F)

Les manuscrits

dactylographiés

ux normes

habituelles

ainsi

que

les

ouvrages

pour

comptes

rendus doivent

tre

envoyés

:

MEDIEVALES

Centre

de

Recherche

Université

aris

VIII

2,

rue

de

la Liberté

93526

aint-Denis

edex

02

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SOMMAIRE N* 8

/

PRINTEMPS

1985

LE

SOUCI DU

CORPS

Page

Avant-propos

Jacques

BERLIOZ

et Michel

SOT

3

Méprisdu mondeet

résistance

des

corps

aux XI* et

XI P

siècles

Michel OT 6

Eve,

Marie

ou Madeleine

La

dignité

du

corps

féminindans

l'hagiographie

médiévale

Jacques

DALARUN

18

Soin

du

corps

et

médecine ontre

a

souffrance

l'Hôtel-Dieu e

Laon au

XIIIe siècle

Alain SAINT-DENIS 33

Le

corps

des

saints

dans

les

cantiques

catalans

de la

fin du

MoyenAge 43Edition t traduction « Los

goixs

del

pare

nostre ane

Domingo

54

Dominique

de

COURCELLES

Le

corps

des saints

ermites n Italie centrale ux XIV* et XV*

s.

:

étude

d'iconographie

Daniel RUSSO

57

L'argument

'Anselme t la

genèse

de la

dialectique

François

JACQUESSON

74

La «Merveille dans es EnfancesLancelot

AnneBERTHELOT

87

JEUX

(jeux)

:

la

marelle

Patricia

MULHOUSE

103

Notes

de

lectures

Alain

BOUREAU,

La

légende

dorée

Jacques

CHIFFOLEAU,

Les

justices

du

pape

Délinquance

et criminalité

ans

la

région

d'Avignon

u XIV

9

siècle;

Groupe

de la

BUSSIERE,

Pratiques

de

ta

confession

Des

pères

du désert

à Vatican II

;

Approches

du

Lancelot

en

prose,

études recueillies

par

Jean

DUFOURNET

« Le corpssouffrantmaladieset médications,Razo,Cahiersdu

Centre

d'études

médiévales

e

Nice

107

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3

AVANT-PROPOS

Le

corps

de

de

recherches

e la

aussi. Les

la

psychanalyse

relayée

pologie,

provoqué

du

»

le

corps

^

H

au centre

même

de leur Dans le

même

on en

Occident un retour

voire à un

repli

sur le

corps

comme

dernier

lieu

d une identité

ou de

quelque

plénitude

erdue.

Le

Groupe

de

Recherche n

Histoire

Religieuse

Groupe

^

W

de La

Bussière)

a

consacré sa

rencontre

e l été

1984

à

ce

thème.

Ce

n était

pas

céder

à une

mode mais se

confronter

une

question

fondamentale

ans

l histoire u

christianisme,

eligion

e

l incarnation ivine.

es

rencontres

des

années

précédentes

vaient été

consacrées

à :

visions

et

apparitions1983) pratiques

de la

confession

1982) imagesde

Wf

Jésus-Christ1981) liturgies t rituels (1980).D une façon ou

d une

autre,

à

propos

de

chacun

de ces

thèmes,

e

corps

appa-

raissait

commeun

enjeu capital

et il était

donc

logique qu il

devînt

à

part

entière

objet

d une

session de

travail.

Session

de

travail

t non

colloque,

ar

une des

spécificités

u

Groupe

de La

Bussière,

qui

rassemble

aujourd hui

plus

de

cent

historiens

concernés

par

l histoire

religieuse,

st

d être un

lieu

de

propositions

et

d échanges

ur des

travaux n

cours,

à

partir

d un

document

répa-

ratoire

laboré

chaque

année en

vue

de la

rencontre

stivale.Ce

n est

qu exceptionnellement

ue

le

résultat e

ces

rencontres onne ieu à

une

*

En

illustrationun

malade

présentant

es

symptômes

une

fracture u

poignet,

nluminureirée un

manuscrite

médecinetalien

u

XIII*

siècle,

conservé

ans la

bibliothèque

e

Laon

(voir

article

e Alain

Saint-Denis).

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4

publication

ensemble,

t

la décision

n est

prise qu à

l issue

de la ren-

contre,

i bien

que

les textesne sont

rédigés u après

avoir

été

mutuel-

lement

onfrontés

1).

L amicale nvitation

e Médiévales

permet

ujourd hui

a

publication

d une

partie

des

contributions

iscutées

été dernier.Nous remercions

chaleureusement

a

revue

pour

son

hospitalité.

Mais

afin

que

le

lecteur

ne

se

trompepas

sur l identité

u

groupe

et sa volonté de travailler

dans

la

longue

durée,

l

faut

rappeler

u outre

es dossiers

ci

présentés,

la

rencontre

comporté,

ntre

utres,

es interventions

ur

usage

spiri-

tuel des cinq sens chez les Réformés u xvr* iècle, e corps glorieux

dans la

catéchèse

ridentine,

a

présence

des

corps

Saints

ous

forme

e

reliques

ou

d images

u

xvie

omme

u xx®

iècle,

t

le

sport

atholique

en France

dans

l entre-deux-guerres.

Les contributions assemblées

partent

du

lieu

commun

du

mépris

du

corps

dans

le

christianisme,

ien attesté

dans les écrits

monastiques

du

XP

siècle,

mais contestédans la

pratique.

Un nouvel

examen

de

la

tradition

montre

u en

fait le

corps

chrétien

st

ambivalent

Michel

SOT).

Particulièrement

éprisé,

e

corps

féminin

xclu du

monastère

voire

de

l église

st réhabilité

ar

Robert

d Arbrissel omme

tabernacle

de

l eucharistie,

omme

réceptacle

du

corps

du

Christ

Jacques

DALA-

RUN).Au toposde la souffranceonsidérée ommerédemptricet de

l impuissance

des médecins

médiévaux

à

soulager

et

guérir,

Alain

SAINT-DENIS

oppose,

plans d hôpital

et manuscrits

de

pharmacopée

en

main,

action

nettement

hérapeutique

es médecins

de Laon

au

XIÎP

siècle

qui

réussissent

atténuer

a

souffrance,

oujours

consi-

déréecomme

un mal. Ce

corps soigné

st

capable

de

proférer

a

louange

des saints

par

le chant

qui

s exprime

ur

une

musique engageant

une

activité

du

corps

les

cantiques

catalans de

la

findu

MoyenAge

sont

aussi

dansés

(Dominique

de

COURCELLES).

Enfin e

corps

de

l ermite

dans les

fresques

d Italie

centrale st

d abord

caché: Mais

plus

l ermite

s individualise, lus

aussi

il

se

rapproche

de la

figure

u

Christ, lusil se dévêt.Car le corpspar excellence, elui que l on représente ans

sa nudité

t

que

l on

contemple

u

XVe

siècle,

c est

le

corps

du

Christ,

le seul

véritable

orps

(Daniel

RUSSO).

Faut-il

lors en

finir

vec le

mépris

du

corps

et dénoncer n lui

quelque

aberration

étrospective

e

la

pensée

post-nietzschéenrie

Sans

doute

pas.

Les

documents,

ont

certains

ont

analysés

ci,

ne sont

pas

1. Ont

été

publiés

-

Histoire

u texteRecherches

ur

la

place

du livre

ans

e

christianisme

présenté ar

Jacques

e

Brun,

publication

e l Université

e Paris

XII,

19741975).- Chrétiensevant e

fait uif.

Jalons

historiquesprésentés

ar

Jacques

Le

Brun,

aris,

Beauchesne,

979.

-

Pratiques

e

la

confession.

es

Pères

du Désert

Vatican

L

Quinze

études

d histoire

présenté ar

Michel

ot,

Paris,

Cerf,

983;

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5

d ordre

purement

déologique.

Mais

il

faut sortir

d une

interrogation

opposant mépris

du

corps

à

valeur du

corps,

interrogation ue

l orthodoxie

médiévale

aurait

qualifiée

de

manichéenne.Ce

qui

est

tenté

ci,

c est

de

saisir

le

corps

dans sa

complexité,

omme lieu

de

contradiction.

Jacques

BERLIOZ et

Michel SOT

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Michel SOT

MÉPRIS DU

MONDE ET RÉSISTANCE

DES CORPS

AUX XIe ET XIIe SIÈCLES

Les

lignes

qu on

va lire

partent

de

la constatation

uivante

alors

que

le XP siècle est

le

premier

grand

siècle

d essor

démographique

de

l Occident,

t donc

de

multiplication

es

corps,

il est aussi

celui

la

spiritualité

monastique

emble

avoir

particulièrement

éveloppé

la

doctrine

u

mépris

du

corps.

C est

l occasion

de

poser

le

problème

général

de la

place

du

corps

dans

l idéologie

t

la

pratique

chrétiennes

pour

introduirees

études

qui

vont suivre.

XI* et XIIe

siècles,

ces

deux siècles

s incrivent

ans

le

«

grand

essor» de l Occident,mais le XIIe siècle marque une flexurempor-

tante. C est

le moment ù

l on

passe

d un monde

dont

la

dynamique

est

essentiellement

urale

à un

monde dont

la

dynamique

st

de

plus

en

plus

urbaine,

avec ce

que

cela

comporte

dans

le domaine

de

l histoire

eligieuse

t culturelle

le

passage

d une

église

monastique

à

une

église

cléricale

l école

joue

un

rôle

important.

ous

sommes

donc

à

un

point

d observation

rivilégié,

l articulation

ntre e

Haut

et

le

Bas

MoyenAge,

voire entre

Antiquité

hrétienne

t la chrétienté

moderne.

Sur

le

problème

du

corps,

la réflexion

hrétienne

u cours

des

âges

semble évoluer

entre deux

pôles.

Un

pôle positif

où l on

verra

que le corpsde l homme st créé à l imagede Dieu,que Dieu a prisce

corps

d homme

en

Jésus-Christ,

ue

ce

corps

mort

et ressuscité

est

source de salut.

Un

pôle

négatif

le

corps

est chair

de

péché,

pesant,

corruptible

t

pour

cela

méprisable

omme

obstacle

au salut

(1).

La

pratique

sociale

quant

à

elle,

y

compris

a

pratique

religieuse,

a

toujours

fait

ouer

les

corps.

Plus

simplement

it,

tous

les

actes

de

la vie

quotidienne

ont

à la fois

commandés

t

accomplis

dans ou

par

le

corps.

1. Ce

problème

u

corps

a

été abordé

par

le

Colloque

du

Groupe

de

Sociologie

es

Religions,

aris,

19-21

vril

1982.

Voir le

compte

endude

L.-V.THOMAS

t

al.,

Archives

e Sciences

ociales

des

Religions

1982, 3/2

(avril-juin),

.

167-192.

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7

C est

d un examen

de ces

pratiques

sociales

et

religieuses

u

corps

aux XI* et

XIP siècles

que je

partirai

pour

poser

ensuite

a

question

de

l importance

cette

époque

de

la doctrine

u

mépris

du

corps,

par

rapport

à

la tradition

ui

le

valorise,

et

par

rapport

aux

pratiques.

J essaierai

nfin

e voir

comment

a réflexion

octrinale

u

XIP siècle

rejoint

es

pratiques

ur

certains

points

comme

a

place

de l union

des

corps

dans

le

mariage,

uvrant

insi

de

larges

brèches

dans

l idéologie

du

mépris

u

monde,

eut-être

oins

dominante

u on

ne l a souvent

it.

Présence

des

corps

aux

XIe

et

XIIe siècles

La

première

bservation

ue

nous

puissions

faire sur

les

corps

aux

XI*

et

XIIe siècles

est

leur

multiplication.

n assiste

à un

puissant

mouvement

e hausse

démographique,

e

plus

puissant

de

l histoire

de l Occident

elon

Robert Fossier

qui

estime

que

la

population

de

l Europe

a été

multipliée ar

2,5

(2).

Sans

entrer

dans

le

débat

sur

les

causes

et les effets

e

cet essor

démographique,

e

sa

priorité

ar

rapport

d autres

phénomènes

conomiques,

ociaux

ou

techniques,

l

faut retenirpour notresujet, que cet essor est lié à une révolution

énergétique

le

corps

humain

cesse d être

la seule

source

d énergie.

Les

perfectionnements

e

l attelage

des

chevaux

et

des

bœufs,

la

multiplication

es moulins

à

eau,

permettent

e

soulager

les

corps

d une

partie

de

la

production

énergie.

Certes

les

corps

nous

apparaissent

toujours

comme

fragiles

et

menacés.

La hantise

de

la faim

demeure.

La maladie

et

la

mort sont

omniprésentes.

t

si

le nombre

des

hommes

augmente

omme

on

l a

dit,

cela se

fait

malgré

un

énorme

déchet

même

dans

les

familles

royales,

un enfant

ur

deux meurt

en

bas

âge.

Pourtant,

es

famines

s espacent

les

épidémies

aussi.

D une

façon générale,

es

corps

sont

mieux nourris,plus robustes et donc capables d une plus grande

production

énergie

u

moment

ù

d autres

ources

d énergie

iennent

les

relayer.

Multiplication

t amélioration

ualitative

des

corps

sont

à

la fois

signes

et

facteurs

ssentiels

du

grand

essor

de

l Occident.

La société

de

cette

époque

est une

société

les rites

ouent

un

rôle

majeur.

On

sait

qu un

rite met

en

jeu

trois

catégories

d éléments

symboliques

paroles,

gestes

et

objets.

Si l on

considère

vec

Jacques

Le

Goff n

rituel

aïc,

celui

de la

féodalité,

n

est

frappépar

l impor-

tance

donnée

au

geste

qui

accompagne,

voire

précède

la

parole

(3).

2. R. FOSSIER, Enfancede l Europe.Aspects conomiquest sociaux

(Nouvelle lio,17),

.

1,

L homme

t son

espace

Paris,1982, .

87-108.

3. J.

LE

GOFF,

«

Le

rituel

ymbolique

e la

vassalité

,

tn

settimane

t

studio...

XIII, Spolète

1976, .

679-788,

t

Pour un

autre

Moyen

Age,

Paris,

1977, .

349-420.

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8

Pour

l hommage,

e vassal

s agenouille

t

place

ses

mains

dans celles

du

seigneur

ui

les étreint

t

le relève.Puis

les

deux

hommes

changent

un baiser.

Le

vassal

prête

ensuite

erment,

a main

sur les

reliques

ou

les Ecritures.

Enfin

investiture

u fief se

fait

par

la remise

d un

objet

symbolique

bâton,

motte

de

terreou

fétu de

paille)

qui passe

de la

main du

seigneur

celle

du vassal.

Notons

ici

l importance

e

la main comme

expression

e toute

a

personne.

Ce

rituel

se

déroule

devant une foule

de témoins

qui

gardera

la mémoire

de

ces

gestes.

S il

y

a

un texte

écrit,

l

ne

viendra

que

confirmer

es

engagements

mutuels xpriméspar les gestes.

Les

corps

signifient

e

contrat

vassalique.

Ils

peuvent

ignifier

ussi

le

pouvoir.

Le

corps

du roi en

particulier

st

mis en

scène.

Robert

le

Pieux

distribue

ux

indigents,

ave

les

pieds

des

clercs

et

se

présente

entouré

de douze

pauvres,

figurant

e

Christ

parmi

es

apôtres

(4).

Le

sacre avec

onction

du

corps,

les

audiences,

les

obsèques royales

témoignent

un

égal

souci

du

corps

comme

lieu de

l autorité.

Et le

roi n exerce

vraiment

son

pouvoir

que

là où

il est

physiquement

présent

d où ses

nombreux

déplacements

t

l importance

our

l his-

toriende ses

itinéraires.

Société

du

geste,

a société

médiévale

est

aussi

une société

de

la

parure.Le vêtementémoigne e la qualitéd unpersonnage il signifie

son

rang,

son

appartenance

socio-professionnelle

ans

le

cas

par

exemple

des vêtements

cclésiastiques,

on

engagement

omme

pèlerin

ou comme

croisé,

voire

son exclusion

comme

juif

ou

comme

ancien

hérétique.

On voit sur

ces

quelques

exemples

que

les

corps jouent

un

rôle

décisif

dans

l expression

des

relations

des

hommes

entre

eux.

Qu en

est-il

maintenant e

la

place

du

corps

dans

les relations

des

hommes

avec l au-delà

On

pense

d abord

à l ascèse

qui

comporte

des

aspects

corporels

essentiels jeûnes, abstinencesexuelle, refus

de

sommeil,port

du

cilice ou

pratique

de la

flagellation.

n pense évidemmentussi à la

liturgie,

ituel

religieux

ui

nous renvoie

ce

que

l on

disait

plus

haut

des

ritesde

la

féodalité.

a

liturgie

ait

ntervenir

e

corps

de

multiples

façons

par

des

gestes

du

célébrant

qui

étend

les

bras,

tourne

ses

mains vers

le

ciel,

touche

les

offrandes,

aise

l autel,

etc.

par

des

déplacements

es

prêtres

t des

fidèles

n

procession

par

des

paroles

et des

chants.

La

liturgie

omporte

umière,

musique

et

parfums.

lle

fait

ntervenir

uatre

des

cinq

sens,

seul

le

goût

n étant

pas

sollicité.

Enfin a

liturgie

olennise

es

grandes

étapes

de

la vie des

corps

la

naissance,

e

mariage

et

la mort.Toutes ces

pratiques*

eligieuses

du

4.

HELGAUD

E

FLEURY,

Vie

de Robert

e

Pieux,

d. et

trad.

R.-H.

BAU-

TIER et

G.

LABORY

Sources

e

l histoire

édiévale

1),

Paris, 965,

.

103-106.

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9

corps

ont

leur

importance

ux

XIe

et XIIe

siècles comme à toutes es

époques.

Plus

spécifique

pparaît

l importance

u

corps

dans le

culte des

saints.

En

suivant André

Vauchez,

on

peut

soulignerqu aux

XIe et

XIIe

siècles,

e saint

est

encore,

de

façon

privilégiée,

e

martyr

celui

qui

a

souffert

ans son

corps

(5),

même

si,

dans le contextede la

réforme

régorienne

n

passe

du

roi-martyr

evenu

suspect

à

l évêque-

martyr

ont le

prototype

st Thomas

Beckett

(f

1170).

La

virtus

du

saint

s exprime

dans tout un

langage

du

corps

le

corps

saint est

incorruptiblet sa bonne odeur est preuvede sainteté.Les reliques

continuent vivre

elles

saignent

t refusent e

se laisser transférer

on les

humilie

pour

obtenir

l intervention u saint. La

vénération

de ces

reliques,

eur

efficacité

ussi,

supposent

un

contact

physique,

n

corps

à

corps

avec

elles. Avant

1200,

l

n y

a

pas

de

miracle

distance

il

faut être

déplacéauprès

des

reliques,

es

avoir

touchées,

voir

parfois

dormi

uprès

d elles

pour que

le saint

agisse.

Enfin

es miracles

dans

leur

majorité opèrent

ur

les

corps

des

quelque

5 000 miracles

nven-

toriés

par

Pierre-André

igal pour

ces deux

siècles,

2 700

sont des

miraclesde

guérison

es

corps

(6).

Arrêtons-là et

inventaire

our

conclure

à

la

forte

présence

des

corps dans ce que nous pouvons percevoirdes pratiques sociales et

religieuses

ux

XIe

et XIIe

siècles. J enretire

impression

une bonne

intégration

u

corps

qui exprime

a totalité

de

la

personne

vivante

ou morte omme

c était

e

cas dans

le

Haut

MoyenAge.

Le

corps

n est

pas

isolé d un

esprit

ou d une âme il

parle.

Un

exemple parmi

bien

d autres l assassin de

l évêque Foulques

de Reims en

900 est excom-

munié et anathémisé

par

les

évêques

du

royaume.

«

Il

est de

plus,

nous dit l historien lodoard

au

milieu du

Xe

siècle,

frappépar

Dieu

d une

blessure

nguérissable

i bien

que

ses

chairs

pourrissent

t

un

pus

abondant écoule

il

est dévorévivant

par

les vers

et

nul

ne

peut

s approcher

e lui à cause

de

son odeur fétide

(7).

Le

corps exprimela sanctionde Dieu et celle de la société.

Mépris

du monde

et

mépris

du

corps

au

XIe siècle

Le

mépris

du

corps

(

contemptus orporis),

ur le

plan

doctrinal,

n est

qu un aspect

du

mépris

du

monde

(contemptusmundi),

cette

5.

A.

VAUCHEZ,

a sainteté n Occident

ux derniers

ièclesdu

Moyen

Age d après

es

procès

de

canonisation,

t les

documents

agiographiques,

Rome, 981,

.

499-514.

6. P.A.SIGAL,Les miracles ux XIe et XIIe siècles ur le territoireel ancienne

Gaule,

d après

les sources

hagiographiques,

hèse

polycopiée,

Paris

,

1981.

7.

FlodoardiHistoria

Remensis

cclesiae,

V, § 10,

éd. I. HELLER et

G. WAITZ.

MGH SS

XIII,

p. 575,

. 33-36.

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11

Conséquence

de

cette

conception,

out

plaisir

du

corps

est

perver-

sité.

La

sexualité t le

mariage

doivent

tre

rajetés

parce

que

la

pro-

création,

eule

fin

égitime

u

mariage,

st

nécessairement

orrompue

par

le

plaisir.

Car le

plaisir qui accompagne

exercice

de la sexualité

est

signe

de la faute c est

par

«

l immonde

hideur de notre

origine

que

le

péché

originel

e

transmet. t

de célébrer e

vautour u

l abeille

qui

se

reproduisent

ans

la

«

corruption

du

coït,

et

l éléphant

qui

détourne

a tête

quand

il

fait

amour,

ellement

l trouve

ela

répugnant.

Cette

dépréciation

adicale

du

corps engendre

a

distinction

onda-

mentale entredeux formes de vie et deux groupessociaux la vie

charnelle

qui

est celle des

laïcs la

vie

spirituelle

ui

est

celle

des

moines. a chasteté

evient,

ans cette

perspective,

a

vertu

primordiale

de la

vie

religieuse.

e moine

approche

a

pureté

des

anges

et

rejoint

ainsi

la condition

primitive

e

l homme

créé,

rappelons-le,

our

rem-

placer

es

anges

déchus.

Cette

conception ngélique

de l homme

parfait

(que

le moine est

appelé

à

être)

implique

à

la limite

qu il

n ait

pas

de

corps.

Le

laïc

lui

en a forcément

n d où

sa condition

dépréciée

et le

doute

sur

la

possibilité

pour

lui

de

parvenir

u salut.

Cette

analyse

sommaire

de ce

qui

concerne

e

corps

chez Pierre

Damien

appelle

au moins deux

questions.

La

première

est d ordre

méthodologique. historien eut-ilégitimementsoler dans uneœuvre,

en

l occurrence

elle de Pierre

Damien,

e

qui

n est

qu un aspect

de cette

œuvre

On

a

reproché

Robert

Bultot de ne

conserver

ue

le versant

anthropologique

une

théologie

n

soulignant

ue, pour

les

auteurs

monastiques

u

XIe

siècle,

e monde

et donc le

corps,

n est

pas

rejeté

à

cause de son absence

de

valeur

intrinsèque,

mais

parce

que

la

recherche

e Dieu

a une valeur

nfiniment

upérieure

10).

La

réponse

à

cette

objection

n est

pas

facile. Il faut

certes

revendiquerpour

l historien,

omme

pour

tout homme de

science,

e droit d isoler les

phénomènes our

les

étudier,

t s intéresser

u

mépris

du

corps

chez

PierreDamienn estpas nier es

motivations

pirituelles ui

l animent.

Mais c est sans doute s exposer à mal comprendre homme Pierre

Damien

et la

spiritualité

monastique

du

XIe

siècle

que

de ne

pas

réintégrer

e

mépris

du

corps

dans l ensemble

du

système

de

pensée

qui

le détermine.

l

n en

reste

pas

moins

que

cette

doctrine

u

mépris

du

corps

a été

largement

xprimée

t diffusée

il faut se

demander

quel

a été son

impact

au XIe siècle.

Et c est la seconde

question s agit-il

d une doctrine

purement

monastique,

éservée

ces hommes

inalement

eu

nombreux t

séparés

du monde

que

sont

les

moines,

ou bien cette doctrine

-t-elle

agné

l ensemble

de

l Eglise

jusqu à

en devenir

«

l idéologie

dominante

?

10.Cf. F.

LAZZARI,

Saint Pierre

Damien t le

contemptus

undi.

A

propos

d un livre

récent»,

n Revue

d Histoire e la

Spiritualité

40,

1964,

p.

185-196.

Discussion vec

R. BULTOT

,

ibid.,p.

481-494.

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12

La

réforme

grégorienne

ans

la

deuxième moitié du

XIe

siècle,

marque

e

passage

d une

église

ce

qui

relève

des clercs et

des

laïcs,

du

temporel

t du

spirituel,

est

pas

clairement

istingué,

une

église

cléricale,

oigneusement

istinguée

e

la

masse des fidèles.

Les

réfor-

mateurs

grégoriens

voyaient

dans les

pratiques

habituelles

à leur

époque,

deux abus

dénoncés ous

le

nom

de simonie t

de nicolaïsme.

Le

premier

ésignait

e

trafic es choses sainteset

en

particulier

inter-

ventiondans

l église

d un

pouvoir impérial

ou

royal

qu on

voudrait

désormais considérercomme strictementaïc. Le second

dénonçait

le mariagedes clercs.

L objectif

des réformateurs st donc d amener

le

clergé

à

se

constituer n société

séparée

du

pouvoir

aïc sous l autoritédu

pape.

C est à ce moment à

que

l église

prend

a forme

hiérarchique u elle

conservera

par

la suite. C est à ce moment à

surtout

que

le mot

«

église

en vient à

désigner

e

clergé

et non

plus

l ensemble des

fidèles.

Cette

église

est une société d hommes hastes.

La

chasteté

parfaite

définit

ésormais e

prêtre

n Occident. t les communautés e

prêtres

(chanoines)

vont se

multiplier.

une certaine

façon,

n

peut

dire

que

l église

tend

à se

«

monachiser

:

l ascèse

monastique

est étendue à

tout e clergé.

Séparé

du

pouvoir

aïc,

distingué

ar

son

attitude

l égard

de la

sexualité,

e

«

nouveau

clergé

n entendcertes

pas

se

couper

de la

société

aïque qu il

s efforce u contraire

de

mieux encadreren

ache-

vant a mise en

place

du

réseau

paroissial,

t

de mieux

enseigner

ar

la

prédication.

e

ce

fait,

e

mépris

du

corps

semble

bien

être

devenu

l idéologie

ominante

es milieux léricaux u moment

ù

ils affirment

leur

pouvoir

autonome

et leur

autorité

dans la

société

occidentale.

Il faut donc constater ci

une

discordance

ntre

es

pratiques

du

corps

évoquées

dans la

premièrepartie

de

cet

exposé

et la

logique

de l idée de méprisdu corps.Or il y a place dans la tradition hré-tienne

pour

une autre lecturedoctrinale u

corps.

L ambivalence

du

corps

chrétien

Pour

poser quelques jalons

de la

genèse

d une

doctrine hrétienne

du

corps,

on

peut

dire

que

la

philosophie

ntique

lègue

au christia-

nisme

a

distinction ntre

corps

et

âme,

et d une

façon générale

idée

de

supériorité

e

l esprit.

Des

pythagoriciens

Platon et aux

stoïciens,

11.

D.

GORCE,

rt.

«

Corps

,

Dictionnairee

Spiritualité,

I

2,

Paris, 953,

col. 2338-2378.

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13

on considère

ue

le

corps

est une

prison

dont

l esprit

doit se

libérer,

un esclave

qui

doit se soumettre

12).

Dans l Ancien

t

le

Nouveau

Testament,

e

corps

est

omniprésent.

L homme et la femmeont été créés

à

l image

et

à la ressemblance

divine

et cette

œuvre

fut

«

très bonne

(Gen.

1,

26-31).

Mais

par

le

péché

sont ntervenuesa souffrance

t la mort.Le Verbe

a

choisi

un

corps

pour

naître

c est dans

un

corps que

Dieu

a

été

vu,

entendu,

touché. C est

par

ce

corps

qu il

rachète tous

les

corps qui

seront

glorifiés

u

dernier

our.

C est en

mangeant

ce

corps

que

l homme

s unit Dieu.

Pour

Paul,

le

corps

du chrétien st

incorporé

u

Christ. l ne lui

appartient

donc

plus.

«

Ne savez-vous

pas que

votre

corps

est

le

temple

du

Saint-Esprit ui

est

en

vous,

que

vous avez

reçu

de

Dieu,

et

que

vous n êtes

plus

à vous-mêmes

Car

vous

avez

été rachetés

à

grand

prix.

Glorifiez onc Dieu

dans votre

orps

/

Cor.

6,

13-20).

Mais

Paul,

formédans la culture

grecque,rejoint

aussi les

philosophes

t

l affrontement

u

corps

et

de

l esprit.

Le

corps

est un obstacle à

franchir

our parvenir

à Dieu

«

tant

que

nous sommes dans

le

corps,

nous

voyageons

oin du

Seigneur

(II

Cor.

5,

6).

L ambivalence

historique

du

corps

dans

le

christianisme enracine

dans les textes ondateurs,réation t incarnationignifianta noblesse

du

corps.

Mais le seul véritable

orps,

celui

auquel

les autres doivent

s identifier,

est

le

corps

du

Christ,

orps

souffrant

t

chaste

avant

de devenir

orps glorieux.

Les Pères auront

à

répondre

deux

grandes

hérésies dualistes

qui

l une et l autre nient e

corps.

Les

gnostiques

ondamnent u néant a

matière,

compris

e

corps,

t

les

manichéens

onsidèrent

ue

les

corps

ne

sont

pas

créés

par

Dieu,

mais

par

l esprit

du

mal.

C est contre

es

premiers u Irénée, vêque

de

Lyon,

morten

202,

donne son Adversus

haereses. l met l accent sur

l unité du

corps

et de

l âme

qui

«

s en-

seignent mutuellement,ui sontpécheurs nsemble t qui ne peuventêtre sauvés

qu ensemble

c est

pour

cela

que

Dieu a

pris corps.

Le

baptême

garantit

ce destin

spirituel

du

corps

«

Nos

corps par

le

baptêmereçoivent

unité

qui

mène à la vie

incorruptible

.

Unité

de l âme et

du

corps

créés et sauvés

en

même

temps

ou

dualité

du

corps

pesant

et de l âme

qu il

faudrait ibérer

Les

XI*

et

XII* siècles n ont

pas

échappé

à cette

interrogation

mais

c est

la

dualité

qui

domine,

d autant

plus

qu on

lisait

la

Bible en traduction

latine

dans la

Vulgate

où l antithèse

sémitique

entre

la Chair

et

l Esprit

était

réduite

un

antagonisme

ntre e

corps

et

l âme,

alors

12.Notons ue cela contreditussi bien les pratiques que l on pense

à

l importance

u

corps

dans

l art

antique,

mais aussi dans l éducation

(cf.

H.-I.

MARROU,

istoirede l éducation ans

l Antiquité,

aris,

1948.

dans

l éd.

1981,

.

177-201)

ui

fait

de la

gymnastique

n

élément ssentiel

de l initiation

u

jeune

grec

la

vie

civilisée.

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14

qu elle

recouvre

n fait

des réalités

beaucoup plus

complexes

13).

Ces

deux

siècles

allaient avoir

aussi leurs dualistes

absolus

que

l église

désigne

omme

hérétiques.

a

position

radicale

de

Pierre

Damien

était

difficilementenable.

Des

brèches dans

l idéologie

du

mépris

du

corps

Des élémentspour une appréciationmoins négativedu corps se

font

our

à

la findu

XI

siècle

et surtout

u XII*. Les uns

sont d ordre

doctrinaux,

iés à la réflexion

ur les

textes

fondateurs

voqués plus

haut

dans

e cadre de

l importante

utation ntellectuelle

ui

donne

la

dialectique

un rôle croissant

dans la

connaissance aux

dépens

de la

mystique.

es

autres sont

plus

liés

à la

pratique

du

corps

et de

la

sexualitédans

un

effort

e réflexion

ui

aboutit à

une valorisation u

mariage

hrétien.

Anselme,

moine et abbé

du Bec en

Normandiede

1060

1093,

uis

archevêque

de

Cantorbery

usqu à

sa

mort en

1109 st souvent

ppelé

«

Père de

la

Scolastique

pour

avoir le

premier

ntroduit

a

raison

au

cœur de la foi. Il est célèbre en particulier omme inventeur e la

preuve

ontologique

e l existence

e Dieu. Ce

«

théologien

hilosophe

ne le cède

en

rien

à ses

prédécesseurs

ur le

mépris

du

corps

(14).

Le

péché

a soumis e

corps

d une

part

à

la

corruption,

autre

part

aux

appétits

charnels

qui

ont infecté

âme.

Il

est

déchu au niveau

des

bêtes. Non

pas

parce

que

le semen humainest

impur

n lui-même

selon

ime tradition

émitiquereprisepar

Pierre

Damien comme nous

l avons

vu

plus

haut,

mais à cause

du

plaisir

qui

l accompagne.

Or le

plaisir

est irrationnel

t

donc

bestial

il

s oppose

à

la

volonté,

u

rationnel

t à l humain

voluptas

voluntas irrationalis rationalis

bestialis

humānus).

Anselme

dépend

ici

d Augustin,

ui

lui-même

dépendde la tradition latonicienne ia Cicéron le plaisir rrationnel

vient

perturber

exercice

e la

pure

ntelligence ui

devrait ommander

le

corps

s il

n y

avait

pas

le

péché.

C est

donc

bien

toujours

l esprit qui

est

privilégié.

C est lui

qui

porte

image

de Dieu.

Mais

pour

Anselme,

esprit

e caractérise

ussi

13.

A.

VAUCHEZ,

a

spiritualité

u

Moyen

Age

occidental

VIII-XII9

iè-

cles

,

Paris,

975,

.

47. Le

Nouveau

estament

éveloppe

n faitdeux

types

d oppositions

le

«

siècle

présent opposé

au

«

monde

venir

(dualisme

temporel)

t la

«

chair

opposée

à 1

«

esprit

(dualisme

thique}.

Dans

le

climat

schatologique

ui règne

ux

origines

e

l Eglise,

es

apotres

t

Paul en particulier

elativisent

e

«

siècle

présent parce que

le

«

monde

à venir» est imminent. r ce derniern arrivepas et on glisse,sous

l influence

es

philosophes,

un dualisme

emporel

t

éthique

un dualisme

ontologique

yant

pour

corollaire

a

dépréciation

u

corps,

ssimilé

la

«

chair».

14.R.

BULTOT,

p.

cit.

t.

2,

p.

73-142.

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15

par

l usage

de

la

raison,

ce

qui

allait donner

un meilleur

outil

pour

l approche

des réalités

humaines.

D autre

part, anthropologie

Anselme

st

moins

négative

ue

celle

de ses

prédécesseurs

mmédiats.

Quand

il

reprend

le thème des

hommes

réés

pour

rétablir e nombre

primitif

es

anges,

l

le

fait

de

manière

personnelle.

our

lui les êtres créés

à

l origine

pour jouir

de

Dieu

par

la

contemplation

taient

es

anges

et

les hommes.

es hommes

n ontdonc

pas

été créé comme

imples

ubstituts es

anges,

mais

pour

eux-mêmes,

a

nature

humaine

parachevant

a

perfection

e l univers.

EnfinAnselme,n bon abbé, invite es moinesà une certainemodé-

rationdans

l ascèse

«

Prend

a

comparaison

du

cavalier

qui

tient es

guides

attachées

u mors. S il

tire sur l une

plutôt

que

l autre,

amais

son cheval ne

tiendra

a

voie

droite...Par ces

deux

guides,

il faut

entendre

es

limites extrêmes

de la

mortification

orporelle

le

relâ-

chement t l austérité

outrée...

l lui

reste

donc

à

prendre

e

parti

de

la

modération,

enant

on

corps

en bride

d une main discrète

(15).

Dans

son monastère

du

Bec,

Anselme

a ouvert

a voie à l huma-

nisme

du XII* siècle.

C est dans

les

villes,

Chartres t

à Paris notam-

ment,

qu il

va

s épanouir

dans

des

écoles

et

auprès

de maîtres

qui

promeuvent usage

de

la

dialectique,

u

premier ang

desquels

Abélard.

Dans ce contexte, n peut dire que la naturese désacralise.Si pour

les hommes

du Haut

Moyen

Age

et encoreau

XIe

siècle,

l

était

mpos-

sible de

se

penser

en

sujet

face à

une nature

objet,

comme

le

montre

Aaron

J.

Gourevitch,

u

XIIe

siècle

la

nature

«

s autonomise

.

Elle

prend

un

intérêt

n

elle-même

t devient

objet

d étude

(16).

Le

corps

en fait

partie,

ommence

devenir

bjet

d investigation

cienti-

fique

mais

surtout

bjet

de réflexion

our

les

canonisteset les théo-

logiens

qui

doivent

ui

assigner

une

place

conforme

la raison

et à

la

foi.

Significatif

ans

cette

perspective

m apparaît

e traitement

ccordé

au mariage t

à la sexualité

17).

Les canonistes

emettent l honneur

le

principe

du droit romain selon lequel « le consentement ait le

mariage

(consensus

facit nuptias).

ls

s opposent

insi au

principe

du

droit

germanique

t à la

pratique

aïque

selon

lesquels

c était

a

dation

de

la

fille

par

son

père

à

son futur

poux

et l accord des

lignages

qui

faisaient

e

mariage.

Mais

dans les deux

cas,

était

posé

le

problème

de la

place

de l union

des

corps

(

commixio

exuumou

copula

carnalis)

dans

la formation

u

mariage.

Dans le

droit

germanique

t

dans

la

15.

De

similitudinibus,

h.

193,

.L.

159,

h. 704.

16.A.J.

GOUREVITCH,

es

catégories

e

la culture

médiévale, oscou,1972,rad, rançaise,aris,1983, . 47-95.

17.

G. LE

BRAS,

rt.

«

Mariage

,

Dictionnaire

e

Théologie

atholique,

t.

IX, 2,

Paris,

1927,

ol.

2134-21366.

DUBY,

Le

chevalier,

a

femme

t

le

£rêtre,

mariage

e

mariage

vu

par

les

ans

moines

a

France

au

XII*

éodale

siècle,Paris,

aris,

1983.

981 J.

LECLERCQ,

£rêtre,

mariage

u

par

les

moines u

XII*

siècle, aris,

1983.

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16

pratique,

lle était essentielle.

Dans

la tradition

anonique,

on

avait

tendance

la considérer

omme

secondaire.

Mais

le Décret de

Gratien

chevé vers 1140

Bologne

qui

est

alors

le

grand

centre

du

renouveau

des études

uridiques,

ne

sépare

pas

le

consensus

entre les

deux

personnes

de la

copula:

le

mariage

n est

parfait

ue

par

l unité

de la chair

(

unit s

carnis).

Ce sera

finalement

la

doctrine

eçue par

les

théologiens

ussi.

Quand

PierreLombard

dans

ses

Sentences

vers

1150)

nscrit

définitivement

e

mariage

parmi

les

sept

sacrements,

l

reconnaît

ntre

es

époux

une double

conjonction

« selon le consentementes âmes,et selon le mélangedes corps . Le

Décret

et les Sentences

allaient

être

les deux

manuels de

référence

des décrétistes

t

des

théologiens

u

XIIIe

siècle

ime

place

légitime

était

assignée

au

corps

dans le

mariage

chrétien.

Cela

n est

pas

allé de soi

étant

donnée

a tradition

e

mépris

u

corps.

Dans le

bouillonnement

uridique

et

théologique

u tournant

es

XI*

et

XII* siècles

on

a

hésité.

Le canoniste

Yves

de Chartres

dans les

années

1090 nsiste sur

le côté

spirituel

du

consentement

mutuel

des

époux qui

doivent

avoir

l âge

de

raison,

c est-à-dire

ans.

Ce

qui

conduit

videmment

désincarner

utant

que

faire

e

peut

le

mariage.

Et

quandHugues

de

Saint-Victor

f

1141)

donne

e

premier

rand

xposé

de théologiedu mariage, il écrit « Le consentement pontané et

légitime

ar

lequel

l homme

t

la femme

e constituent

ébiteurs

un

de

l autre voilà

ce

qui

fait le

mariage

. Il

distingue

accord

de

charité

consensus

aritatis)

de

l accord

charnel

consensus

arnalis)

ce

dernier

eut

cesser,

e

premier

emeure.

On reste

dans

une

perspective

qui privilégie

esprit

le

mariage

est

«

sacrement

e

l amour

spirituel

entre

Dieu et

l âme ». Mais

il

ajoute

tout

de suite

après

«

L union

charnelle

entre les

époux

est

le sacrement

de l association

réalisée

entre

e Christ t

l Eglise

par

l effet

e l Incarnation

.

Outre

la tradition

monastique

de

mépris

du

corps,

il

faut

tenir

comptedans ce débat sur la place du corps dans le mariage,de la

multiplication,

ux XP et XIIe

siècles,

d hérésies

qui

sont

presque

toutes

antimatrimoniales

18).

Pour

ne

retenir

que

la

plus

célèbre,

l hérésie

cathare

considère

tout

lien

charnel comme

impur.

Il est

œuvre

du

diable

parce qu il

fait descendre

dans

un

corps

misérable

ime âme

qui

vivait

heureuse

n Dieu.

Ces

attaques

radicales

ont

amené

les

théologiens

réexaminer

a

tradition,

n

particulier

es

Pères

qui

s étaient

trouvés

confrontés

des

hérésies

analogues

sur

ce

point,

comme

nous l avons

vu

plus

haut,

et à

légitimer

t valoriser

union

des

corps.

De

cette

valorisation

n

a des

témoignages

clatants

dans la litté-

rature pirituelle. ans les 86 sermonsde Bernardde Clairvaux f1153)

18.H.

TAVIANI,

Le

mariage

ans

hérésie

e l an mil

,

Annales

.S.C.

32,

1977,

.

1074-1089.

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17

sur le

Cantique

des

Cantiques

l union des

corps

est

pleinement

reconnue,

t le

prédicateur

istercien

voque

avec

précision

es baisers

et

l étreintemutuels. l en fait a

métaphore

e l amour

qui

s échange

entre les

personnes

de

la

Trinité,

ntre le Verbe et l humanité

du

Christ,

ntre Dieu et l homme

(19).

Que

le

plus grand

des

auteurs

monastiques

du XII* siècle

parle

avec tant

de clarté de l union

charnelle

pour exprimer

es

mystères

es

plus

élevés de la

théologie

chrétienne st au moins un

signe

d une transformationadicale des

attitudes

n face

du

corps.

Les différents ossiers entrouverts ous ont permis de montrer

qu il

existait

u XIe

siècle,

dans

les milieux

monastiques

n

mépris

du

corps

inscritdans le cadre doctrinal

plus

large

du

mépris

du monde.

Le

succès de la réforme

régorienne

st

en

partie

a victoirede cette

doctrinedans

l église

et

dans

la

société

qu elle

contrôle.Mais dans

le même

temps,

n constate

que

les

corps

se

multiplient

t,

de bien

des

façons,

ont

le

moyen

d expression

rivilégié

des

hommes

de la

société de

cette

époque,

y

compris

ur le

plan religieux.

est à cette

contradiction

ue

j ai

cherchédes solutionschez Anselmede Cantor-

bery

et dans la définition u

mariage

chrétien.

l

me semble

que

l évolution

u on

observe au XIIe siècle va dans le sens d ime recon-

naissance par la culture chrétiennedes pratiques du corps. Cette

reconnaissance tait

déjà engagée

de fait

par

le

développement

e la

liturgie

ou du culte des

saints.

Pour

qu elle

le soit en

doctrine,

l

fallait attendre

ue

le XIIe siècle isole

rationnellement

e

corps,

lui

confèreune valeur

propre,

t

s interroge

lors à nouveaux frais sur

ses

rapports

vec l âme et avec

Dieu. Il fallait

peut-être

ussi

que

les

doctrines

dualistes

poussent

à leur

conséquence

extrême

e

mépris

du

corps

pour que

les

pasteurs réagissent

t

proposent

une

doctrine

orthodoxe

cceptable par

les fidèles

t

conforme

la

tradition.

ans

cette

dernière nous

avons vu

que

le

corps

était

ambivalent les

deux siècles d où je l ai examinée ne le font pas sortir de cetteambivalence.

19.J.

LECLERCQ,

p.

cit.,

h.

7, p.

105-123.

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Jacques

DALARUN

EVE,

MARIE

OU

MADELEINE ?

LA

DIGNITÉ

DU

CORPS

FÉMININ

DANS L'HAGIOGRAPHIE MÉDIÉVALE

(VP

-

XIIe

siècles)

La femme.

Le

corps.

Deux

sujets

sur

lesquels

le sentiment

de

l'Eglise,

au cours

des

siècles,

est

pour

le moins

complexe.

Le

corps

féminin,

fortiori,

'est

pas

pour

elle une

question simple.

L'Ecriture

inaugure

ette

polyvalence

Eve,

maudite

t

vouée

aux

peines

de l'enfan-

tement

1)

;

Marie,

dont

«

le

fruitdes entrailles

est

bénie

(2)

;

la

pécheresse,qui

ose toucher

e

corps

du

Christ,

auvée

pour

avoir

«montré eaucoupd'amour (3).On rêve de déroulercette diachronie.Contentons-nous'exhumer

de

l'hagiographie

me anecdote

elle

permet

d'esquisser

le

conflit

dont

e

corps

de

la femme st

l'enjeu,

à l'orée

du XII* siècle.

L'épisode

se trouve

ans les

Miracles

faisant uite à

la Vie de Robert

d'Arbrissel,

le

célèbre

fondateur e

l'ordre

de Fontevraud.

e récit nous

est

livré

dans

une traduction

n

moyen

français

dont l'authenticité

e fait

cependant

ucun

doute

4)

:

«

Comme

quelque

jour

estant

en

Aulvergne,

n

ung

lieu nommé

Menelay

'Abbaye,

rmé d'une

ferveur e

foy,

Robert

d'Arbrissel]

vint

pour

prescher

n ceste

abbaye.

Lors

les habitans

du

pays luy

dirent ue les femmes 'entroyentoincten l'egliseet,sy en avoict

aulcune

qui

eust

présuméy

entrer,

ncontinent

ourroyt.

e

voyant,

le bon serviteur

e

Dieu,

ainsy

qu'il

voulut ller

prescher,

ntroduict

avecque luy

plusieurs

femmes,

oultre le

vouloir de ceulx

qui

gardoient

es

portes,

t

leur demonstra

evant tous comment

eurs

mensonges

estoient

prophanes.

Alors les

portiers

se

prindrent

devotement

implorer

ainct

Menelay

et commencèrent

haulte

voix crier

qu'i luy

pleust

telle

presumption

epris

et

injure

venger.

Adoncque

le sainct

homme,

riche

d'esperit

et de

discretion,

respondit

"Las,

simples

gens,

ne faictes

poinct

en vain de telles

sottes

prieres

Mais

saichés

que

les

sainctz

ne

sont

pas ennemys

1. GenèseIII, 16.2. Luc I, 42.

3. Luc

VII,

36-50.

4.

«

La

vie

de Robert

d'Arbrissel

,

éd. J.

DALARUN

ans L

impossible

sainteté.

a

vie

retrouvée

e Robert

d'Arbrissel

Paris, Cerf,

oll.

«

Cerf-

Histoire

,

1985.

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19

des

espouses

de

JhesusCrist.

Car

ce

que

vous

dictes est

une chose

absurde

t

la

pureté

de

la

foy

atholique ongnoist

ien e contraire

comme

l

est

dit,

en

l'Evangille,

de ceste

beate

peccatrice,

aquelle

a

baisé les

piedz

du

Redempteur,

t de ses larmes

avés,

et

de ses

chevaux

tergés,

t

espandu l'unguent

ubz

son tres

digne

chef.

Et

pourtant

ui

est

celuy

qui

oseroyt

ire

qu'il

y

auroict ulcune

eglise

en

laquelle

ne seroict

icite

femme

entrer,

y

par

ses

faultes et

coulpes

ne

luy

estoict

prohibé

Qui

est

plus

grand

chose,

ou

le

temple

materiel e

Dieu,

ou le

temple

pirituel

uquel

Dieu habite

Sy

la femme

prent

et

menge

e

corps

et

le

sang

de Jhesus

Crist,

pensés

quelle

follie

'est

de croire

que

ne doibt

entrer n

l'eglise

"

Par ainsy, près qu'il eust manifesté a vérité, est erreur essa et

fut totallement

staincte.

C'est bien

le

corps

de la femme

qui

est ici

en

jeu

:

corps

tabou,

exclu du

sanctuaire,

u

corps

sacré,

temple

de

l'Esprit.

Le

discours

de

Robert st d'une telle

richesse

u'il

faudra

y

revenir

mais

essayons

auparavant

de mieux onnaître

es

protagonistes

nonymes,

es tenants

des

«

mensonges

prophanes

,

de la culture

folklorique

urions-nous

envie

de dire.

L'exclusion des femmes : archéologie d'un tabou

L'enquête

a de nombreuses

amifications.

n en

indiquera simple-

ment

es

points

forts,

a filiation

e textes

qui

permet

de

comprendre

le sens

du

combat

ivré à

Ménelay.

L'épisode

se situe donc

en

Auvergne.

obert

doit

y

passer

vers

1114,

deux ans avant sa mort.

Ménelay 'Abbaye

peut

être dentifié omme

e

monastère

de

Menât,

dans l'actuel

Puy-de-Dôme.

l

abrite,

au moins

depuis

le

IX*

siècle,

les restes

de saint

Ménelé,

en

qui

on a vu

le

fondateur

u le restaurateur

u lieu.

Le

nom

du saint et

du

monastère,

non sans ressemblance,ont souvent onfondus.Si l'on se

reporte

sa

Vie,

Ménelé auraitvécu au VIP siècle,mais

le récit

date au

plus

tôt du

Xe

et

a

sans doute

peu

de

valeur histo-

rique

(5).

Qu'y

trouve-t-on

yant

rapport

au tabou

pesant

sur

les

femmes

Ménelé est

originaire

'Anjou.

Son

père

veut

le marier contre

son

gré

à la

fille

d'un

seigneur

mportant,

arontus,

mais notrehéros

a en

secret

fait

vœu de chasteté à

l'âge

de

sept

ans.

Il s'enfuit

donc

quelques

jours

avant

son

mariage.

Dans

la

vallée de

Menât,

l

ren-

contre

Théofrède,

moine et

futur bbé du monastère

de

Chaumillac.

Celui-ci ntraîne

Ménelé et

ses

compagnons

dans son monastère

pour

les y éduquer.Au bout de sept ans, ils retournent Menât.Mais la

mère,

a sœur

et la

fiancée e

Ménelé,

ui

le cherchaient

n tous

lieux,

5.

«

Vita

Menelei

bbatis

Menatensis

,

MGH,SRM,

V,

p.

129-157.

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20

viennent

'y

rejoindre.

On

les

établit

dans

une

solitude,

à

l'écart.

Barontus,

la tête d'une

troupe

en

armes,

tente

n vain

de

reprendre

sa fille.

Après

un

incendie,

Ménelé

réédifie

'église,

consacrée

en

pré-

sence

de

Théofrède.

Puis construit

«

des

demeures

conformes

la

ségrégation

monastique

et des

divisions

utiles

pour

les

hôtes

de

passage

».

Si

l'on sent

bien,

dans tout

cela,

une

défiance

l'égard

des

femmes, ien,

i ce n'est

en

forçant

e dernier

passage,

ne

permet

de

repérer

explicitement

e tabou

rencontré

u

XII*

siècle

par

Robert

d'Arbrissel.

Une pisteest donnéepar l'interventione Théofrède,nitiateur e

Ménelé. Tournons-nous

ers

cet

autre

saint,

réformateur

e

Chau-

millac

auquel

il

donnera

on

nom en

langue

vulgaire

Saint-Chaffre

u

Monastier,

ans

l'actuelleHaute-Loire.

en

croire sa

Vie,

il aurait

été

massacré

en 732

par

les Sarrasins.

Le récit

ui-même

e remonte

pas

en-deçà

du

XIe siècle

(6).

On

y

trouve

'épisode

de

la rencontre

vec

Ménelé,

qui

est

ensuite

éduqué

pendant

sept

ans

au monastère

de

Chaumillac.

De

même,

on

voit

Théofrède

venir consacrer

'église

de

Menât

à

la

Vierge.

Entre

ces

deux

épisodes,

Théofrède

été

promu

abbé

de Chaumillac.

Parmi

les

mesures

qu'il prend

dès

le début

de

son

abbatiat,

n

trouve

elle-ci

«

Il veillait

ur son

oratoire

vec

une

telle

prudence

u'il

n'était

permis

personne

de

faire

en ce

lieu

quoique

ce soit

de

superflu

les femmes

ui

voulaient

ntrer

vaient eur

siège

au

loin,

utour

de

la

porte

du

temple.

Et

quoique

certains,

ne

tenant

pas

compte

de cette

bservance,

ensent

ue

c'est

une interdiction

ivine

d'antan,

on la

conservera

nchangée

perpétuité

(7).

Voilà,

sans

conteste,

a coutume

rencontrée

uelques

siècles

plus

tard

par

Robert

d'Arbrissel.

Mais

la

piste

ne s'arrête

pas

là.

Quand

bien

même

Ménelé

aurait

vécu,

comme

le

dit sa

Vie au

VII*

siècle,

il

n'a

aucune

chance

d'avoir

été le

fondateur

de

Menât

dontGrégoirede Tours faitmentiondès le VI* siècle (8). Ceux qui

s'en sont

aperçu

ont

cherché

en amont

les

mentionsde

Menât

dans

les

Vies

d'autres

saints.

Le texte

hagiographique

e

plus

ancien

qui

fasse

allusion au

monastère

d'Auvergne

st

la

Vie de saint

Calais.

Ecrite

dans la

première

moitié

du IX*

siècle,

répandue

n trois

versions

différentes,

lle

prétend

rapporter

des

événements

u

VI*

siècle

(9).

Dans les

trois

versions

de ce

récit

apparemment

ans

valeur,

mergent

6.

«

Vita

sancti

Theofredi

, AASS,

ct.

VIII,

p.

515-533.

7.

Op. cit., 14,p.

529.

8. GREGOIRE

de

TOURS,

«

Vita

patrům

, MGH,

S

RM,

,

p.

714.

9. «Vita sanctiCarilefi 1) BHL 1568, d. L. SURIUb,De probatis

sanctorum

istoriis,

II, Cologne

1579,

.

32-39

éd. B.

KRUSCIi,

MGH,

SRM,

II,

p.

389-394.

)

BHL

1569-1570,

d.

MABILLON, SOSB,

,

p.

642-650

AASŠ,

ul.

I,

p.

90-98

PL,

74,

col.

1242-1262.

)

BHL

1571,

oir

par

exemple

BN,

ms. lat.

5280,

. 280v.-284r.

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21

cependant

des

renseignements

récieuxpour

notre

enquête.

Calais est

originaire 'Auvergne

il a fait son

apprentissage

monastique

Menât,

précise

a

deuxième ersionde

sa Vie

(Notons

u

passage

qu'il

n'a

donc

aucune chance

d'en être

le

fondateur).

Après

de

multiplespéripéties,

il

fonde e monastère

ui

portera

on

nom,

Saint-Calais

ans

le

Maine,

et,

peu

de

temps

avant sa

mort,

l

est soumis

à

une

bien

gênante

demande.

La

reine

Ultrogode,

emme de son

bienfaiteur

hildebert,

fils de

Clovis,

envoie des

messagerspour

lui demander

d'être admise

auprès

de lui.

Calais,

comprenant

e

danger

qu'une

telle

visite consti-

tuerait, ui refuse cette faveur et décrète que son monastèresera

dès lors interdit ux

femmes,

outume

respectée usqu'à

ce

jour

avec

l'aide de

Dieu,

nous dit-on.

l

faut effectivement

'aide

de Dieu

pour

que

cette

coutume

reste

inviolée. C'est ce

que

révèlent

es Miracles

post

mortemde Calais

(10).

On

y

apprend

qu'une

femme,

Gunda,

voulut touteforcebraver

'interdiction

qu'elle

se

déguisa

en

homme

pour tromper

a

surveillance

es frères t

pénétrer

ans le sanctuaire

reposait

e

corps

de Calais. Mais

au

moment

d'entrer,

n terrible

châtiment

a

s'abattre

ur elle. Nous voilà dans

le

vif

du

sujet.

Au

terme de

cette

première

partie

de

l'enquête,

on doit se

poser

encore

une

question

comment ette coutume

s'est-elle

répandue

en

trois ieuxdistincts,ous l'autorité e trois aintsdifférentsLorsqu'on

sait

la

fragilité

es

textes

hagiographiques

rétendant

emonter

la

période

mérovingienne,

a

premièrehypothèse

st de

penser

que

les

hagiographes

e sont

plagiés

les uns

les autres et

que

cette trans-

mission st d'ordre

ittéraire.

'hypothèse

ourtant

e tient

guère.

Que

l'interdit

it une existenceréelle à

Menât,

'épisode

de

Robert

d'Arbrissel

ous

en

convainc.

Or c'est le seul

lieu

pour

lequel

il

n'y

ait

pas

de trace de la coutume

dans la Vie

du

saint

local,

hormis

une

allusion

quasi

indéchiffrable.

La rédaction

de la Vie de

Théofrède

st

postérieure

la

Vie de

Méneléet,

très

certainement,

'en

inspire.

L'allusion

énigmatique

la

ségrégationmonastiquedans la Vie de Ménelé prouveque l'interdit

existait

Menât

avant

d'être

explicité

ans la Vie de

Théofrède

t

que

c'est donc certainement

es

gens

de Saint-Chaffre

ui

ont

emprunté

la coutume

ux

gens

de

Menât.Mais

l'hagiographe

e

Théofrède

'a

pu

la décrire à

partir

du

passage

elliptique

de la Vie de Ménelé

lequel

ne s'éclaire

que

quand

on lit la Vie de

Théofrède

Ces

arguties

éta-

blissent un

point

d'importance

l'interdit 'est transmis

de

Menât à

Saint-Chaffre

ar

une

tradition

arallèle

et distincte es

textes

hagio-

graphiques.

Le

saut

d'Auvergne

u

Maine,

de

Menât à Saint-Calais st

encore

10.

Trois

versions,

orrespondant

ux troisversions e la Vita

1)

éd.

SURIUS,

p.

cit.,

p.

39.

2)

éd.

MABILLON, p. cit.,

p.

650-654.

)

BN,

ms. at.

5280,

. 284.

La troisième

ersion

e la Vie et des Miracles

st un

abrégé

de la seconde

t

ne

sera

donc

pas analysée

ci.

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23

première

ersion,

lus

rude,

plus

brève et

plus

proche

sûrement e la

tradition u

lieu,

Calais refuse

de

recevoir

Ultrogode

ans

«

la crainte

que

les

esprits

de ses

disciples

en

soient

en

quelque

manière

agités

et

il

se contente e décréter

ue

«

le

sexe

féminin e

peut

avoir

accès,

à

l'avenir,

la

clôturede ce monastère»

14).

La deuxièmeversion

est

plus

bavarde.

Calais

commence

par

s'in-

terroger

«

Comment e

fait-il,

e

dit-il,

ue

la reine souhaitetant me

voir,

moiqui suis affublé e longuedatedes couleursdu caméléon, enduhideuxpar la crasse des jeûnes,rien d'autreque rustiquepar mes

mœurs

rurales,

enlaidi

de

vils

haillons,

affaibli

par

l'absence

de

prudence

Je connais

certes,

e

connais a

chaleur violentedu

vieil

ennemi

par

laquelle

il

brisa,

dans la douceur du

paradis,

a

force

de

l'homme

par

l'entremise e la faiblessede la femme. l

me

faut

{>rendre

s lacs

de

arde

l'ennemi,

à

l'aspect

moi

de

qui

la

demeure

emme fin

dans

e

l'âpre

ne

pas

désert,

être

alors

ris

dans

que

s lacs

de

l'ennemi,

moi

qui

demeuredans

l'âpre

désert,

lors

que

fut éduit

par

sa

persuasion

elui

qui jouissait

au

paradis

de

l'agré-

ment de la vie et

même

de

la

compagnie

divine».

C'est

pourquoi,

mettant in sa

prompte

élibération,

l

répondit

insi aux

envoyés

de la reine

«

Allez,

dit-il,

meilleurs es

jeunes gens

et

rapportez

es

paroles

à votre

maîtresse.

i

j'ai quelque

efficacité,

e prierai pour

elle.

Qu'elle

tienne

cependantpour

sûr

que,

tant

que je

serai

en

chairet enos, e ne verraipas le visaged'une femme t ce monastère

que,

Dieu

aidant,

'ai

construit,

e

livrera

amais

accès

à une

femme.

Car il ne convient

as

que

nous

qu'on

croit

de

la familledu

Christ,

nous

vendionsnotre

aspect

aux femmes

u

que

nous

prostituions

notre

me à l'ennemi u

genre

humain

pour

nous

emparer

de

terres.

Qu'elle

s'ôte donc cette

dée

de

l'esprit

t

qu'elle

attribue

a

partie

de

son

fisc

à

qui

elle veut.

«

Et cette coutume

reste

nviolée

dans

ce monastère

usqu'à pré-

sent,

vec l'aide de Dieu

»

(15).

De

la

première

la

deuxième

ersion,

e

jeu

des

regardsréciproques

sur le

corps

du

sexe

opposé,

e

jeu

du

désir,

pris

une densité

upplé-

mentaire.Mais

surtout,

lors

que,

dans la

premièreversion,

e

désir

est dans le cœurdes frères, ans la réécriture,'est la femme, gent

du

serpent, ui

devient e

moteur

de la

tentation.

Plus

ou moins hostiles

au sexe

féminin,

es deux

versions

puisent

à la même

source

ittéraire les Pères

du

désert.

Prenons

par

exemple

ce

passage

des

Apophtegmes

epris

dans la

Légende

dorée

«

Une dame noble et vieille

vint

par

dévotionvoir 'abbé Arsène.

Celui-ci

ut

prié par

l'archevêque

Théophile

de se laisser

voir,

mais

il

n'y

consentit

as. Cependant

ettedame alla à

la

cellule de

l'abbé,

elle le trouvadevant a

porte

et se

prosterna

ses

pieds.

L'abbé

la

releva avec une extrême

ndignation

n disant

"Si

vous voulez

voir ma

figure, egardez."Or,

cette

dame confuseet intimidéene

14.

«

Vita

prima

ancti

Carilefi

,

éd.

KRUSCH, 11, p. cit.,p.

393.

15.

«

Vita secunda

anctiCarilefi

,

éd.

MABILLON, 28,

op.

cit.,

p.

649.

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25

vêtir

d'habits

d'homme,

montrait

u

grand

our

son

sexe

à tous

ceux

qui

voulaient

e

voir.

Cela arriva

afin

qu'ensuite

es femmes

n'osent

plus

s'assembler

en ce lieu

et

qu'il

soit

évident

que

la

prédiction

du

bienheureux

vait été vraie

(17).

Cet

épisode

est tellement

ru

que,

dès

la seconde

version,

une

réécriture

'impose.

On insiste

beaucoup plus

sur

les

préparatifs

Gunda

non seulement

ndosse

des habits

d'homme,

mais elle se

coupe

les cheveux.

C'est

surtout

e

châtiment,

t

pour

cause,

qui

diffère

« En effetomme a dite Gundaavait atteint'oratoire ù le corps

du saint

homme

vait

été

inhumé t est

vénéré

usqu'à

ce

jour,

et

que

les

frères

rrivaient

our

chanter

es

louanges

dues au

Seigneur

selon

a

coutume, elle-ci,

vec une

grande

udace

mêlée de

témérité

fit

rruption

ans

la demeure

par

les

portes

ouvertes

et voulut

atteindre

ans

pudeur

l'urne

qui

abritait

es os

du saint homme.

Mais,

comme

elle cherchait

gagner

'intérieur

u

sanctuaire

et

voulait

scruter

avec

avidité,

ses

yeux

sont

frappés

d'un

brusque

éclair

et,

elle

qui

voulut

contempler

rrévérencieusement

es choses

interdites,

lle

perdit

le

droit de

voir les

objets

ordinaires.

En

même

temps

ussi,

pénétrée

ar

le

démon,

ne cavité

de sa

poitrine

lui fitrendre

oudain

un flot

de

sang

très

noir

par

la bouche.

Et

coulant

abondamment,

lle arrosa

la terrede

son

sang»

(18).

D'une versionà l'autre,on voit nettementes permanences t les

variantes.

Au

rang

des

permanences,

e tabou

bravé

du

travestissement

des sexes

et

celui

de

la

limite

magique.

Ces éléments

se

retrouvent

dans

de nombreuses

égendes

hagiographiques,

n des

compositions

changeantes.

omme

toujours

orsqu'on

est

dans l'univers

du folklore

et,

plus

encore,

dans le

domaine

du

tabou,

ce

qui frappe,

'est

l'ambi-

valence

des

signes.

D'innombrables

épisodes

des Vies

des

Pères

montrent,

u

contraire,

es

femmes e

déguisant

n homme

pour

entrer

dans

un monastère

t assurer

insi

eur salut

Eugénie,

élagie,

Margue-

rite,

Marine,

toutes

accusées d'avoir

mis

enceinte

une

jeune

fille et

qui devront évoiler eursexepourse disculper 19).La limitemagique

joue

aussi dans les deux sens.

Ainsi,

dans les Miracles de sainte

Frideswida

voit-on

des débauchés

qui

ne

peuvent

pénétrer

dans

le

sanctuaire

mais,

en

retour,

es malades

guéris

dès

qu'ils

en

franchissent

le

seuil

(20).

De

même

Marie

'Egyptienne

e

peut-elle

ranchira

porte

d'une

église

de Jérusalem

ant

qu'elle

est

hantée

par

la

dépravation

mais

elle

la franchit

ans

obstacle

sitôt

repentie

21).

17.

«

Vita

prima

anti

Carilefi

,

éd.

SURIUS,§ 17,

op.

cit.,

p.

39.

18.

«

Miracula

ancti

Carilefi

,

ed.

MABILLON, 12,

op.

cit.,p.

653.

19.

Voir

a

reprise

e

ces

récits

ans La

légende

orée,

ur a tradition

grecque,

oir

E.

PATLAGEAN,

L'histoire

e la

femme

éguisée

n moine

et l'évolutione la sainteté éminine Byzance, Studi Medievali3® érie,

T.

17,1973, .

597-623.

20.

«

Vita

sanctae

Frideswidae

, AASS,

oct.

VII,

§

46 et

44,

p.

578.

21.

«

Vita

sanctae

Mariae

Aegyptiacae

eretncis

, PL,

73,

§

aV-äVII,

col.

681-683.

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26

Enfin,

ans

les

deux versions e la Vie de Calais

la femme st

punie

dans son

corps

mais

c'est

à

partir

de ce

point

commun

que

com-

mencent

es variantes.

La

première

version semble

la

plus proche

de

la

tradition rale

populaire.

La femme est

humiliée,

on

corps

tordu

est

ridiculisé,

a

punition

st de dévoiler

on sexe.

La sanction

est

le

rire,

e

rire

gras

de

la

farce,

de la

gaudriole,plaisanteries

de

mâle

contre le sexe

inférieur,

aillé

comme

un sexe infirme.

On

retrouve es châtiments

e ce

genre

dans de

multiples

égendes jamais

avec une telle

audace. Mais

le

sens

reste

le même. Un

vent

violent,

par exemple, oulève es jupes de femmes oulantentrerdans le sanc-

tuaire où

repose

le

corps

du saint

(22).

Ce rire

conjure

une

peur

et,

encore,

règne

l'ambivalence

la

peur

de

la

profanation,

e

la

femme

ui

vient

se

débaucher,

danser ou

se dénuder

dans

les lieux

saints

23).

Le

geste

actifdu

défidevient ne

sanction

ubie,

e

mue en

châtiment.

ans un cas comme

dans

l'autre,

a foule se

range

du

côté

des

voyeurs.

La deuxièmeversion

témoigne

'abord

du

même

déplacement

ue

dans l'affaire

d'Ultrogode.

L'hagiographe

xacerbe le désir

qu'a

la

femme

e voir e

corps

saint

et elle est

punie

par

le

sens

qui

a

péché

la vue. C'est encore

une fois

déplacer

le

désir

coupable

du cœur

de

l'homme vers le regard de la femme.Bien plus, le corps féminin

n'est

plus frappé

de

ridicule,

mais

d'impureté.

e

mystérieux

lot

de

sang

noir

qui

arrose

le

sol,

revers de la

fécondité,

rige

à

coup

sûr

le

sang

menstruel

n

punition

du Ciel.

L'interdit

e

Calais,

puisé

dans la tradition ittéraire

es Pères

du

désert

pour

conforter

ne des

règles

de base

du

monachisme,

éinter-

prété

en tabou

par

la tradition

populaire

sur le mode

grotesque,

trouve

une

ultime

réécriture,

mythique,

ui

entre en

résonance

avec

la malédiction

d'Eve. Ce cheminement

e la

légende

semble

s'efforcer

e suivre

mot

à mot

le

propos

de

Georges

Duby:

« Jepenseque ce nousappelons culturepopulaire"est la forme

vulgarisée

de modèles

qui

se

sont formésdans les couches

domi-

nantes

de la société

avant de s'enfoncer

ar

degrés,

n

une diffusion

progressive,

ien

sûr en se

déformant,

usque

sous les soubassements

de

l'édifice ocial.

Je crois à

une sorte de va-et-vient

d'une

part,

l'inexorable

dégradation

de

la culture

aristocratique,

'autre

part,

les constants

empruntspar

la haute culture

aux cultures sous-

jacentes,

par

une tendance

ermanente

u

populisme.

Je

ne

crois

pas

beaucoup

à

la

créativité

aux

niveaux les

plus

bas

de

l'édifice

social

»

(24).

22.

Voir

pièces

nnexes

la

«

Vie de

Jean

Népomucène

,

AAS

,

Mai

III,

§ 24,p.

675 t

C-E,p.

679.Voir

aussi

«

Historia ranslations

.

Cuthberti

,

AASS Mart. II, § 25,p. 133.

23.

Voir

«

Miracula anctiAbbonis

,

PL,

139, 2,

col. 413.

Sur tous ces

aspectsfolkloriques,

oir

C.G.

LOOMIS,

White

magic,

An

introduction

o the

folkloref

christian

egend, ambridge ass.,1958, .

97.

24.Le

Magazine

ittéraire,

89,

nov.

1982,

.

23-24.

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27

Que

subsiste-t-il

e

cette élaboration

lorsque

Robert d'Arbrissel

s'approche

de

Menât,

en

1114?

L'interdit

garde

la même base: les

femmesn'ont

pas

le droit d'entrerdans

l'église.

La

défense est-elle

particulièrement

iée

à

la

présence

d'une

relique

dans le

sanctuaire

L'appel

des

portiers

à

saint

Ménelé

le

laisse

supposer.

Auquel

cas,

Ménelé,

saint

quasi

éponyme

du

lieu,

aurait

récupéré

sur son

nom

et

sur son

corps

le

tabou

qui

lui

est sûrement

ntérieur.

a

tradition

locale

a

simplifié

t radicalisé a sanction

un seul

châtiment,

a mort.

Les trouvailles

raveleuses

u

mythiques

e

Saint-Calais

n'ont

ici

pas

faitfortune.

Pour

passer

de

la

légende

une

approcheplus

positiviste,

l

faut

un

instant 'intéresser

la

configuration

es

lieux et

poser

une

question

de

bon sens

les

habitantesde

Menât allaient-elles la

messe

?

Le

tabou

aurait-il u

pour

effet

e les en

dispenser?

On

repense

à

l'oratoireconstruit

pour

les femmes de

la famille de Ménelé. Mais

Mabillon

'a

identifiéomme

Sainte-Marie e

Lisseuil,

neufkilomètres

de

(25).

C'est

un

peu

loin

pour

nos

paroissiennes.

'église

de Menât

elle-même,

uoique

fort

endommagée

t restaurée

en

dépit

du

bon

sens,

conserve ses

bases romanes.

On

est

frappé,

l'entrée,

par

la

présence

d'un

porche

mmense,

n date du

XIII*

siècle,

mais certaine-

mentréédifié ur un plan antérieur. a Vie de Théofrède claire cette

particularité

rchitecturale les

femmesdevaient tationner

utour de

la

porte

du

temple

et

ce vaste

porche

es

abritait,

out en les tenant

hors du sanctuaire.

C'est une

enquête archéologique

ur les

porches

d'église qu'il

faudrait

ntreprendre

partir

de

là.

Quel

est

le

statut

de

l'Eglise

de Menât

en

1114 C'est l'abbatiale

du

monastère,

epris

en 1107

par

les Clunisiens

26),

et

sans

doute

aussi

l'église paroissiale.

Notons

que

dans

l'épisode

de

Robert,

e

sont

les habitants

u lieu

-

les

laïcs

apparemment

qui

annoncent

'interdit

à

la

troupe

rrante t

que

ce

sont les

portiers

sans

doute donc

les

moines

qui appellent

a

vengeance

e Ménelé.

La

rigueur

lunisienne

en matièrede clôture 'accommode ortbien de la légendefolklorique.

Comme

d'Ultrogode

Gunda,

voici

reconstituée,

ur

cet

interdit,

ne

union acrée des

traditions

monastiques

t

populaires.

Robert 'Arbrissel

a affaire forte

partie.

La chair et

le

Verbe

Son

premier

défi urait

suffire

lui

assurer a victoire

il fait

entrer es

femmes

ui

ne

meurent

as.

Ordalie

positive

qui

n'ébranle

25.

«

VitaMenelei bbatisMenatensis

,

MGH,

RM,

V,

p.

142,

. 6.

26.

bid.,

p.

130.

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28

en rien les tenantsde

la

superstition,

ant elle

est

ancrée

dans leurs

crânes.Dieu merci Car leur résistance ous

vaut

une

admirable irade

«

Las,

simples

gens,

ne faictes

poinct

n vain telles ottes

prieres

Mais

saichés

que

les sainctz

ne

sont

pas

ennemys

es

espouses

de

JhesusCrist.

Les

femmes

ui

suiventRobert sont en effet es

moniales,

Depuis

quinze

ans,

son ordre

double de Fontevraud st

alors

fondé,

e

qui

ne

l'empêche

pas

de

parcourir

ncore

la

France,

prêchant,

isitant ses

établissements, rospectantpour en fonder d'autres. On peut très

longuement

iscuter

e

sens

de la

promotion

u'il

va

accorder 'année

suivante

à

Pétronille

de

Chemillé,

n la

plaçant

à la tête de l'ordre

et en lui

soumettant

es frères

27)

mais

il

est

hors

de doute

que

ce

début

du XIIe

siècle

correspond

un

essor

mportant

u

monachisme

féminin,

ui

vient

à mon sens

partiellement

ésoudre

a

crise matri-

monialedécrite

par Georges

Duby

(28).

La

défense

de la femme

ntre-

prise par

Robert

va

cependant

bien au-delà

des

seules

religieuses.

A la tradition

ocale,

à

ce

que

le texte

appelle

des

«mensonges

prophanes

et

de

«

sottes

prieres

,

Robert

ppose

«

la

pureté

de

la

foy

catholique

. La tradition ur

laquelle

il

s'ancre,

c'est

l'Evangile;

La

femmequi ouvre aux femmes a voie du salut, c'est Madeleine, a

«

beate

peccatrice

.

Voyez

'insistance ur son lien

physique

u

Christ

«

laquelle

a

baisé les

piedz

du

Redempteur,

t de ses larmes

lavés,

et

de

ses

cheveux

tergés,

t

espandu l'unguent

ur

son

tres

digne

chef

(29).

Dans

la bouche

de

Robert,

cet

éloge

des caresses

a

peut-être

es

allures

de

plaidoyer

pro

domo

On sait

qu'il

a

défrayé

a

chronique

pour

avoir

inventé un

supplice

d'un

genre

nouveau

,

selon

Geoffroy

de

Vendôme

éprouver

a chasteté

en se

plaçant

la

nuit au milieu

des femmes, n partageant

eur

couche (30).

Ce

supplicen'est pas sinouveau que cela. Lui aussi dérivedes Pères du désert,tant il est

vrai

qu'il y

a,

si l'on

peut

dire,

à boire et

à

manger

dans cette

littérature.

assien

raconte

qu'un

ancien conseille à un novice

pour

savoir

s'il a en

lui maté le

désir,

de

prendre

ne

jeune

fillenue et de

la serrer contre

lui

(31).

Robert s'est

livré,

me

quinzaine

d'années

27.

Sur

ce

débat,

oirJ.

DALARUN,

Robert 'Arbrisselt

les

femmes

,

Annales

.S.C.

1984,

°

6.

28.G.

DUBY,

Le

chevalier,

a

femme

t le

prêtre,

aris,

1981.

29.

Luc,

VII,

36-50.

oir aussi

Matthieu, XVI,

6-13

Marc,

XIV,

3-9

Jean,XII,

1-8.

30. GEOFFROYDE VENDOME, . 47, ivre V, PL, 157, ol. 181-184.oir

aussi

les accusations

e MARBODE

DE

RENNES,

p.

6,

PL,

171,

ol. 1480-

1492.

31.JEAN

CASSIEN,

Conférences,

d. et

trad.Dom

PICHERY, I,

Paris,

1958,

.

219.

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29

auparavant,

cette ordalie de la

chair,

où la femme n'est

encore

qu'un

objet,

l'instrument u

supplice pour

être

celui de

la

tentation.

En

1114, Menât,

l

est bien au-delà de cette vision.

«

Qui

est

celuy

qui

oseroyt

ire

qu'il

y

auroict

auculne

eglise

en

laquelle

ne

seroict icite femme

ntrer,

y

par

ses

faultes t

coulpes

ne

luy

estoict

prohibé.

Aux

yeux

de

Robert,

l

n'y

a

plus

la

femme,

'essence de

la

fémi-

nité

il

y

a autantde

cas

que

de

personnes, riomphe

e

l'individualité,

de l'intériorité,e la responsabilité. t on comprend out le sens de

l'invocation

Madeleine la

femme

terrestre

'est

ni Eve ni Marie

elle est

de ces

pécheurs ue

le

Christ st venu

sauver.Mais le combat

n'est

pas

encore

dans sa

phase

décisive.

La

femme st

reconnue omme

conscience

t

pourtant,

obert sent

que

l'obstacle

e

plus

lourd reste

à

lever

l'image

de

son

corps.

«

Qui

est

plus grant

chose,

ou le

temple

materiel

de

Dieu,

ou

le

temple

pirituel uquel

Dieu

habite

Sy

la femme

rent

t

menge

le

corps

et

le

sang

de

Jhesus

Crist,

pensés

quelle

folie

c'est de

croire

ue

ne doibt entrer

n

l'église

»

Au XVI* siècle, ces mots-là uraientdoublement enti le bûcher.

Robert

y prend

pourtant

de front

a

question

centrale,

celle de

la

dignité

u

corps

féminin.l balaie le tabou

d'une

référence

l'Apôtre

la femme st

sacrée,

temple

de

l'Esprit,

tabernacle

de

l'Eucharistie.

L'appel

à saint Paul n'est

pas

sans

poser problème.

Dans

les E

pitres

aux

Corinthiens

le

corps

est

défini omme sanctuaire

spirituelpour

appuyer

eux mises

en

garde

«

Fuyez

a fornication

(32)

«

ne formez

pas

avec les infidèles

'attelage

disparate»

(33).

Bien

plus pertinent

est

ici le mouvement e

VEpître

ux

Ephésiens

(34).

Juifset

païens

vous les

païens

-

qui

étiez tels

dans

la

chair,

vous

qui

étiez

appelés

"prépuce" par

ceux

qui s'appellent

"circoncision",

d'une

opération

pratiquéedans la chair - ) étaientmorts u salut, « vivant elon les

convoitises

harnelles,

ervant

es

caprices

de

la chair et

des

pensées

coupables

.

Mais

c'est aussi

dans la

chair

que

se

joue

le

salut

le

Christ réuni

es

deux

peuples,

détruisant

a barrière

ui

les

séparait,

supprimant

n sa chair

a haine

»

pour

faire

d'eux

«

un

seul

Corps,

par

la Croix

.

Ainsi

es

païens

sont-ils evenus

«

concitoyens

es

saints

,

membres de

la maison de

Dieu

»

qui

a

«

pour

pierre

d'angle

e Christ

Jésus ui-même».

C'est

bien

dans

cette filiation

u'il

faut

replacer

le

discours

de

Robert

lui

qui, après

avoir

pratiqué

au désert

e

mépris

du monde

32./

Cor.,

VI,

18-19 voir

aussi

III,

16-17.

33.

I

Cor.,

VI,

14-16.

34.

Ephésiens

II.

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30

et

du

corps,

par

une ascèse

qui

n'était

pas exempte

e

pélagianisme,

st,

semble-t-il,

rrivé,

u

terme de

sa

vie,

aux

antipodes

de tout

mani-

chéisme entre

la chair et

l'Esprit.

Le

chapitre

II de

YEpître

aux

Ephésiens

'inscrit ans

la

perspective

u salut

mais,

très

précisément,

du

salut

par

la

grâce

tout

se tient.

Cohérence

profonde

ussi

entre

l'évocationde la

«

beate

peccatrice

et l'allusion

à la

Cène la femme

qui

«

prent

t

menge

e

corps

et le

sang

de Jhesus

Crist

est,

comme

Madeleine,

promise

à la

rédemption.

'Eucharistie

célèbre

l'union

au

Corps

du Christ Béthanie

35).

Cette audacieuse défensede la femme- conscienceet chair -

dépasse

de fait

son

objet.

Rien

de tout

cela

qui

ne

puisse

aussi

s'appliquer

ux hommes

35).

Robert

renouvelle sa

manière

'antique

idée

le

salut

est venu

au monde

par

la

femme

en

elle,

il

a

pris

corps.

Mais,

comme

e Christ

risant es

barrières ntre

uifs

et

païens,

Robert

ne connaît

plus

de frontière

ntre

les sexes.

André

Vauchez

définit a

spiritualité

spécifique

d'une

époque

«

comme

me relation

ntre ertains

spects

du

mystère

hrétien

arti-

culièrement

mis en valeur

...]

et des

pratiques

lles-mêmes

rivilégiées

par rapport

d'autres

pratiques

possibles

de

la

vie

chrétienne.

'Ecri-

ture

sainte,

n

effet,

éhiculetant

d'éléments

ivers

que chaque

civili-

sation est amenée à y opérerdes choix,en fonctionde son niveau

de culture et

de ses besoins

spécifiques

(36).

Ajoutons

qu'au

cœur

d'une

même

époque,

des sensibilités

parfois

contradictoires

e diffé-

rencient

e la

même manière.

Au-delà

de

l'anecdote,

'affaire

e Menât

illustre e

propos.

Car les

deux

images

antinomiques

e la

femme

qui

s'y

affrontent

nt

bel et

bien

puisé

à

la

même

source,

celle des Pères

du Désert.

Or,

dans

la

tradition

même des

Pères,

a fuite

perdue

oin de la

femme t

le test

de la

couche

partagée

procèdent

d'une

même ascèse et

n'en sont

que

les

deux

temps

successifs

après

l'entraînement

ui

fait taire

le

désir,

le

combat, orps

à

corps,

a

preuveaprès l'épreuve.

Robert

ui-même

brise son corps au désertde Craon, tout comme Calais ou Ménelé

dans leurs

solitudes,

vant d'aller

affronter

e feu de

la chair.

Robert

aurait

pu,

à

certains

moments

de sa

vie,

faire à

une

Ultrogode

a

même

réponse

que

Calais,

mais

il

ne

pourrait

supporter

e

sort

de

Gunda.

C'est

là où

deux

courants

se démêlent.

Dans

le tourment

ingulier

t

la

culpabilité

ui l'agitent,

e fondateur

de Fontevraud

etrouve

e sens

premier

de l'interdit

e Calais et

de

la

rigueur

du

monachisme

riental

que

la tentation

ousse

l'homme

vers e

corps

de

la

femme,

ertes

Mais

le

moteur

n est dans

le

cœur

de l'homme.

Confrontée

la défiance

monastiquepour

la

chair,

tra-

35.

Je

remercie

. Sot

de m'avoir

ait

part

de

ces réflexions.

36.

A.

VAUCHEZ,

La

spiritualité

u

moyen

âge

occidental

VIIIe-

XIIe

siècles),

aris,

1975,

.

6.

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31

vaillée ainsi

par

de

confuses dées de

culpabilité,

a

culture

folklorique,

suivant on

économie

propre,

xtrapole,

u sens

strict le

corps

de la

femme,

e

corps

différent

ui

fait

rire

parce qu'il

fait

peur,

qu'on

redoute

parce qu'il

attire,

ortera

'impureté

ont on

discuple

ainsi le

mâle. Cette

malédiction e

consolera

-

mal sans doute

-

de l'infé-

riorité

u'il

ressent

n matièrede fécondité.

L'Ecriture

lle-même ournit

a manne à

chacune des

deux sensi-

bilités Madeleine

pour

les

uns,

Eve

pour

les autres

pour

ne rien

dire

de

l'ambiguïté

es

Epitres

de Paul ou du

personnage

même de

Marie.Mais opposer ci,bloc contrebloc,une culturepopulaire t une

culture avante tiendrait e

la

mauvaise

foi.

Plus d'un

prélat

contem-

porain

de Robertbrode

avec

une

incroyablemisogynie

ur

le thème

de

la

malédiction 'Eve

(37)

tandis

que

le

peuple

et,

au

premier

rang,

les femmes

es

plus

méprisées

pour

avoir

vendu

leur

corps,

suivent

Robert

sur

le chemin

du

salut.

A des déterminations

ociales

de

l'image

de la femme se sont

superposées

aux

XP-XIP

siècles,

des

stratégies

ecclésiales.

L'Eglise

post-grégorienne

xploite

ce

que

les

Ecritures t

la Tradition

ui offrent

our

monachiser

es clercs sécu-

liers et les détacher

de la

femme tentatrice.

Elle entre

ainsi

en

résonance vec

les forces

obscures

de la

culture

folklorique.

Robert,

dans un mouvement e balancier, ompenseces outrancesdu temps

par

ses

propres

udaces. Mais

au-delà

du

clivage

socio-culturel

t des

divergences

astorales,

deux

sensibilités

e font

our

et

s'affrontent

celle

du bouc-émissaire

t celle

de la conscience.

Pour

en revenir

n

guise

de conclusion

l'anecdote

ui

nous

a

guidé,

quel

fut,

dans

ce

cas,

l'issue du

combat

La reconstruction

Menât

d'un

porche disproportionné,

n

plein

XIIIe

siècle,

laisse

songeur

sur

l'extinction

otale

de

la

superstition

dont se vante

Tiagiographe

e Robert.

Ecrite

au

XIe

siècle,

a

Vie

du

voisin

Théofrède

rouve

que

l'interdit,

ême si certains

ommençaient

à le trouver ésuet, tait

encore à

cette

époque

bien

vivace.

Quant

au

sermonde Robert, ensurépar l'ordrede Fontevraud vec toute a fin

de

sa

Vie

il

est

resté

usqu'à

ce

jour

inédit,

umière

cachée

sous

le

boisseau.

Paradoxalement,

'est à

Saint-Calais

ue

la

coutume

dut

s'éteindre

le

plus

tôt Robert

n'y

est

pour

rien.

Les

reliques

du

fondateur

n

furent

éplacées

dans

la dernière

moitié

du IX* siècle.

Elles

réinté-

grèrent

'abbatiale

à la

période

moderne,

rop

tard sans

doute

pour

ressusciter

a

légende.

Sur

l'autel

reposent

es restes

du

corps

jadis

interdit

ux

regards

des

femmes,

n

a

aujourd'hui

placé

un

cahier

pour

nscrire

es intentions

e

prière.

nstinctivement,

es cœurs

se sont tournésvers le saint mérovingiensaint Calais exauce-nous

Au milieudes

oraisons

pour

l'obtention

u

permis

de conduire

t

pour

37.

Voir

en

particulier

a

lettre

e

Marbodede Rennes

itée ci-dessus.

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32

le retour

de

l'être

aimé,

des

gamines

sont

venues,

n

bande,

exprimer

leurs

désirs

les

plus

chers

avoir

le

C.A.P. et

un

petit

ami

pour

la

boum

du samedi

suivant.

ronie de

l'histoire

et ultime

avatar

d'un

dialogue

de sourds.

Réveillant

e

temps

d'une

colère les

échos

concentriques

de la

mémoire

es

siècles,

notre

ffaire

e

Menât

a,

il

faut

bien

l'avouer,

es

allures

de

coup

d'épée

dans

l'eau.

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Alain SAINT-DENIS

SOINS DU CORPS ET

MÉDECINE

CONTRE LA SOUFFRANCE A

LHOTEL-DIEU

DE LAON

AU

XIIIe

SIÈCLE

*

Exaltation

de

la souffrance

et médecine

impuissante

Le

Moyen

Age

classique

a mauvaise

répu-

en

matière de

lutte contre la

souffrance u

corps.

Cela

tient à deux

idées

cesse

reprises

celle

de la

souffrance

édemptrice

celle

de l'im-

puissance

des

médecins

médiévaux sou-

ou

«

Je

rends

grâce,

Seigneur

Dieu,

pour

toutes ces douleurs

que j'éprouve, e

te

demande, monSeigneur, e m'enenvoyer entfois

plus

encore si tel est

ton bon

plaisir

».

Cette

prière

m de

saint

François

d'Assise,

diffusée

argement

vec les

descriptions

e ses

tourments

1)

est considérée

par

beaucoup

comme

particulièrementaractéristique

u

mépris

du

corps propre

à

cette

époque.

Elle

exalte,

n

effet,

'idée d'une

souffrance

ranscendée

ar

la

prière

et

l'adoration,

moyen

de

partager

e

Mystère

u Calvaire

et de

participer

l'œuvrede

Rédemption.

Cette attitudeface

à

la

souffrance,

a de

pair

avec

la

réputationd'incompétencedes médecins apparemmentB démunisde

moyens

érieux

pour

combattre a maladie et

la

douleur. Ceux-ci

eraient absents des

hôpitaux

décrits

comme de

simples

asiles où étaient

reçus

indistinctement,

pauvres,

ieillards,

andicapés, èlerins

t malades.

L'hôpital,

institution

cléricale,

n'aurait donc

pas

offert

VF

d'autre

moyen

de vaincre

a

souffrance,

ue

la

prière

ssidue

et

la

participation

ux saints

offices élébrés au

chevet

des

W

malades.

m

L'incapacité

soigner

es

corps

aurait été

compenséepar

une

w

vie

spirituelle mniprésente.

*

Cet article

reprend uelques

conclusions e

ma thèse

L'Hôtel-Dieu

de Laon

(1150-1300),

nstitution

ospitalière

t

société

publiée

ux Presses

Universitaires

e

Nancy

n

1983,

nrichie

'études écentes ur les manus-

critsmédicaux

aonnois.

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34

Ces

conceptions

ommunément

dmises fournissent

es

arguments

à ceux

qui

taxent

le

Moyen

Age

classique

d'obscurantisme

et

d'inhumanité.

Les sources

de l'histoire

hospitalière

:

un monde à

explorer

A y regarderde près,l'hôpitaldu XIIIe siècle est mal connu.On

ignore

eaucoup d'aspects

de

la

vie

quotidienne

es

assistés

et,

fortiori,

des

égards

réservés

u

corps

malade

et souffrant.

La

documentation

ermettant

'approcher

ette réalité

ne

manque

pourtant

as,

même

si

les

longues

séries

de

registres

e

comptes

qui

éclairent

e

fonctionnement

es

établissements

ospitaliers

es XIV*

et

XVe siècles

n'existent

as pour

le

XIII*.

On

a,

cependant, égligé

es

collections

de titres

de

propriétés, 'y voyant

qu'une

source

classique

de

l'histoire

u domaine.

L'attention

'est surtout

portée

sur

les

règle-

ments des communautés

hospitalières

et,

plus

récemment,

ur

les

donnéesde l'archéologie 2).

L'Hôtel-Dieu

de Laon

a

conservé

dans

ses

archives,

un

peu

moins

d'un

millierde titres

1180-1280)

t

il

subsiste

d'importants

estiges

de

ses

bâtiments

u

XIIe siècle.

A

cela

s'ajoutent

quinze

manuscrits

médicaux

(IXe

-XV*

siècle)

ayant

appartenu

ux chanoines

du

chapitre

cathédral,

es

fondateurs

et

patrons

3).

La

conjonction

e

ces sources

variées révèle

a

qualité

d'un

accueil

différencié,

dapté

aux différentes

atégories

d'assistés

et l'existence

d'une

pratique

efficace

e la

médecine

4).

1. F.O.

TOU

ATI,

«

François

'Assise

t

la

diffusion

'un modèle

héra-

peutique

u

XIIIe siècle dans

Histoiredes

sciences

médicales

T.

XVI,

n*

3,

Paris

1982,

.

175-184.

2.

M.-Th.

ACROIX,

'hôpital

aint-Nicolas

u Bruille

de

Tournai,

e

sa

fondation

sa

mutation

n cloître 1230

nv.-lóll.

ouvain,

977, vol.,

Publications

e

l'Institut

'Etudes

Médiévales,

e

série,

1.

3.

L'ensemble

es manuscrits

st

conservé la

Bibliothèque

unicipale

de

Laon.

Ms

147,

03, 07,

12 426

bis.

Inventaire étaillé

ans

A.

SAINT-

DENIS,

op.

cit.,p.

21-2.

4. Cette

onjonction

'est

pas

rare,

M.

MOLLAT,

es

pauvres

u

Moyen

Age, aris,1979, . 116, ignale ue

«

un

nombre

on

négligeable

e manus-

crits médicaux ctuellementonservésproviennente bibliothèque e

chapitres

uprès

desquels

onctionnaient

es

hôpitaux

'unecertaine

mpor-

tance

. Voir

aussi

A.

SAUNIER,

es

malades

dans les

hôpitaux

u

Nord

de

la France

la

fin

du

Moyen

Age,

v. 1200-v.

500,

hèse

de Doctorat

d'Etat

dactylographiée,

aris,

1982.

Page 37: Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf

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35

Un

accueil différencié des assistés

Le

préambule

de

la

Règle

des

Hospitaliers

de Saint-Jean e Jéru-

salem

présente

'assisté comme un

prince

à

qui

l'on doit servir ce

que

l'on

peut

trouver

de

mieux,

car

le Christ

vit

en

lui. Ce texte

représentatif

e

l'esprit

charitabledes

XIIe

et

XIIIe

siècles

a

connu

un

succès

considérable t

a

imprégné

n

profondeur

e mouvement

de

renaissance

des établissements 'assistance dans

toute

l'Europe.

Jacquesde Vitry 'est plu à souligner es efforts éalisésdans le sensde la

qualité

des services

par

nombred'institutions

5).

La recherche

du

bien-être

hysique

des assistés

est

donc

générale.

A

Laon,

toutefois,

apparaît

une

préoccupation supplémentaire

celle de

séparer

les

malades des

autres

assistés. Une salle

particulière

eur est réservée

ainsi

qu'un

traitement

articulier.

A l'entrée

de

l'établissement,

n

distingue

es malheureux

qui

peuvent

tre

secourus

par

une

simple

distribution e

nourriture

u de

vêtements,

eux

qui

doivent être

simplement

hébergés

-

pauvres,

pèlerins

et

vagabonds

-

et

ceux

qui

souffrent,

écessitant

des soins

particuliers.

Le plan des deux hôpitauxconstruits ar les chanoines de Laon

en

1177 t

1273

orrespond

ces

besoins.

On

trouve

dans les deux cas

une

salle de

malades

-

«

gisants

-

et une salle des

pauvres

-

«

passants

-

.

Fin

XIIIe

siècle,

vinrent

'ajouter

des chambres

particulières

tilisées

par

les malades de

marque

bourgeois,

lercs et

nobles

gravement

tteints

6).

Le

bien-être des malades

Les salles de malades de l'Hôpital de Notre-Damede Laon se

présentaient

omme

deux

vastes nefs

hautes

de

plafond.

La

première,

construite

ers

1170,

utilisée

usqu'en

1209,

pouvait

recevoir de

20 à

40 malades dans un

volume

de

1 100 m3

(fig.

1

et

2)

(7) ;

la

seconde,

construite

près

1273 et utilisée

usqu'en

1806

permettait

'accueillir

5. L.

LE

GRAND,

tatuts

ď Hôtels-Dieu

t

de

léproseries

recueilde

textes

u

XII*

au

XIV

siècle,

Paris

1901,

.

15.

6.

G.

MONTIGNY,

Les

comptes

de

l'Hôtel-Dieu

e

Laon,

1389-1400,

Mémoire e Maîtrise, eims, 972, . 100 q.

7.

L'hôpital

u

XIIe

siècle

comportait

eux

niveaux.

u

bas,

se

trouvait

la salle

des

passants

«

transeuntes

),

voûtée

d'ogives.

Au-dessus tait la

salle des malades

L.

21,50m,

1.

10,50m,

h. env. 5

m).

Le bâtimentssez

bien conservé

st

en cours de

restauration.

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36

Fig.

1

L'Hôtel-Dieu

e

Laon

vers 1180.Au

rez-de-chaussée,

a salle

des

passants

au

dessus,

a salle des

malades,

ien éclairée.

On

remarque

es

niches

reusées ans

e mur

t

correspondantchaque

it.

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37

Fig.

2

L'Hôtel-Dieu,

onstruitn 1167.

açade

récemmentestaurée

ar

les

Monumentsistoriques.

Fig.

3 Plan

de

1

Hotel-Dieu,

onstruit

la

fan

u

XIIIe

siècle.On retrouvea

séparation

oulue ntre

es malades t les

autres

atégories

'assistés.

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38

60

à

80

personnes

ans

un volume

pproximatif

e

5

000

m3

fig.

)

(8).

Les

fenêtres,

xposées

au sud dans

l'une

et

au sud-est

dans

l'autre,

diffusaientne lumière

douce.

Les murs étaient

couvertsde

fresques

et

de tentures

eintes.

Le

sol

dallé,

maintenu rès

propre,

tait

onché

d'herbes

odorantes.

Les

lits,

placés

contre es

murs,

taient

lignés

perpendiculairement

au

grand

axe

des salles.

Au

XII*

siècle,

ils

étaient

séparés par

de

petites

llées de un

mètre nviron.

la

tête

de chacun d'eux

se trouvait

une nichecreusée

dans le

mur

qui pouvait

recevoir

emèdes,

ampes

et

effets ersonnels e chacun des malades (9). L'écartementntre deux

niches

suggère

'utilisation e lits d'environ

,40

m

de

large.

A

la findu XIII*

siècle,

es lits

furent

roupés

par

deux dans des

sortes d'alcôves

peu profondes

10).

D'autres

pouvaient

être

disposés

dans

la

partie

centrale

de la

nef,

ce

qui

laissait encore de

larges

allées de

circulation.

Chaque

couche de malade

était

dotée

d'un sommier t

d'un

matelas

de

laine,

d'un

matelas

de

plumes,

de

draps

de laine et

de toile

fine,

de couvertures e

laine,

de couvertures oublées

de

fourrure,

'un

édredon de

plume,

de

plusieurs

oreillers et

de

coussins

décorés

(cussini

picti

pour

maintenir

e

patient

en

position

confortable

11).

Au pied de la couche,étaitplacé un coffre ecevant es vêtements

et le

linge

propre.

l

y

avait,

de

plus,

quantité

de bibelots

boîtes,

coffrets

écorés, vaisselle,

objets personnels

offerts

par

des

bien-

faiteurs,

ui

devaient donner

une touche d'intimité

t

de

confort

rassurant

une si vaste salle

(12).

En

hiver,

a

température

tait adoucie

par

des

cheminées

monumen-

tales alimentées n bois sous

la

responsabilité

e

la

maîtresse. 'éclai-

rage,

très

coûteux,

faisait

'objet

de fondations

articulières.

ertains

bienfaiteurs hoisissaient

e financer 'entretien

'une

ou de

plusieurs

lampes

à huile

mobiles,

lacées

au chevetdes malades es

plus

atteints.

D'autres finançaient'entretien es veilleusesqui éclairaient a salledurant oute a nuit 13).

7. Cette alle n'est

onnue

ue par

le

plan

dressé n 1926

ar

l'architecte

des

Monuments

istoriques

. HANROT. rch.

Aisne,

iroir 9.

Dimensions

50

m,

10,20m,

10 m.

9. Ces

niches,

écouvertes

ors des

travaux

e

restauration enés

par

M. A.

GIGOT,

architecte

n chef

des

Monuments

istoriques,

ont au

nombre e

10 sur

la

paroi

sud,

seule ntacte. eurs dimensions

1.

0,80

m,

h.

1,05m,

p.

0,30

m.

10.

Les alcôves ont

dessinées ur e

plan

de L.

HANROT

ui

a reconnu

un appareil e la findu XIIIe siècle.11.Arch.Aisne,nombreuses éférencesHôp. Laon (1259)B 20, 12

(1266)

B

80,

6

(1273),

A

2, 481,

ntre utres.

12. d

(1278)

B

81,

24.

13. d.

(1229)

A2 93 et G

1851,

» 49.

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39

Sans aller

jusqu'aux

descriptions

dylliques

de

Jacques

de

Vitry,

évoquant

atmosphères

arfumées

t

pétales

de fleurs

onchant

e

sol,

on

peut

affirmer

ue

les

hospitaliers

aisaientdes efforts

méritoires

pour

offrir

ux

pauvres

malades un

peu

du

confort

d'une

maison

bourgeoise

de

l'époque.

La

nourriture

es

«

gisants

était

l'objet

d'attentions

outes

parti-

culières.Les fondateurs e

pitances

distinguaient

es rationsdes

«

pas-

sants»

de

celles,

plus

riches,

des malades. Ces

derniersn'étaient

pas

nourris seulementde

pain,

de

vin

et

de

soupe

(14)

mais aussi de

viandesfines, e poissonet de légumesfrais. Certainsrichesperson-

nages

ont

légué

à leur

usage

exclusifdes

pièces

de

vignes

dont le

vin

était

d'une

qualité réputée.

ls

ajoutaient

même cuve

de

stockage,

tonneau,

hariot t animauxde trait

pour

e

transport,

fin

ue

le nectar

ne

soit

pas

mêlé à d'autres

vins et

conserve es

qualités

propres

15).

Les

dépenses

considérables

ngagées

pour

l'achat de

nourriture e

sont

pas

seulement ne manifestation e

naïve bonne volonté.

On ne

gavait pas

les mourants

our

leur

faire oublier eur

malheur n vertu

d'un

élémentaire

principe

de

compensation.Chaque portion

était

distribuée

n

fonction

e l'état

physique

du

malade et cela

se faisait

sous

la

responsabilité

e

la

maîtresse,

ur les indications

u

chanoine

médecin.L'alimentation es malades obéit à des règlesde diététique

et

répond

ux nécessités

du traitement

médical

prescrit

16).

Hygiène

et

dignité

du

corps

Les sœurs et les

converses

de

la communauté

ospitalière

vaient

pour

tâche

essentielle

e maintien de

la

propreté

des lieux

et des

assistés.

Toute

personne

dmise

dans la

salle des

malades

était

soumise,

dans

un

vestibule

de

véritables

ites

d'entrée,

estinées

purifier

on

corpset son âme. Dépouilléede ses vêtements,lle était d'abord avée

puis

revêtue

'ime

chemiseblanche.

Elle

recevait

lors

le sacrement

e

pénitence.

Cet état

de

pureté

était

maintenu

par

des soins

matériels

attentifs

utant

que par

des

confessions

épétées.

Ce souci

de

préserver

hysiquement

t moralement

a

dignité

des

malades

va de

pair

avec

la lutte

contre

a

maladie et

la souffrance.

14.

Ces

produits

ont a base

de la nourriture

es

«

passants

,

id.

B

63,

f° I.

15. d. (1241)A2 84,f° 55 et (déc. 1244)A 2 348,f° 170r°.

16.

«

Puisque

la maladie

est un

déséquilibre

es

humeurs,

'est en

restaurant

'harmonie

rimitive

l'aide

de

pratiques

douces,

d'aliments

appropriés

ue

l'on

retrouveraa

santé .

M

J.

IMBAULT-HUART,

a Méde-

cine au

Moyen

Age,

Paris,1984, .

33.

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40

La

lutte

contre

la

souffrance

Les manuscrits

médicaux

annotés localement

depuis

le

IXe

siècle,

la

réputation

e l'école

cathédrale

n

matière

de

médecine

et

la

liste

connue

des

chanoines

médecins

prouvent

que

l'art

de

guérir

était

enseigné

t

pratiqué

à

Laon,

dès

le

Haut

Moyen

Age

(17).

Les chanoines

médecins

ui,

selon

Hermann

de

Tournai,

oignaient

les

malades

au

long

des

processions

de

reliques,

ont exercé

leur art

dans l'hôpital apitulaire.

'examen

des

manuscrits

adis

en

leur

posses-sion et, surtout,des annotationsqui s'y trouvent, émoignent e

l'efficacité

e leurs

pratiques.

Les textes

utilisés

par

les

médecins

de

Laon

appartiennent

deux

catégories.

En

premier

ieu,

on trouve

es

grands

classiques

d'Hippocrate

t

de

Galien

accompagnés

de

commentaires

es

maîtres

de

Salerne

Cons-

tantin 'Africain

t

Gérard

de

Crémone.

Quatre

volumes

groupent

es

extraits

'Avicenne,

braham

e Juif t

Averroes

insi

que

le traité

de

médecine

éminine e

Trotula*

18).

Ces

ouvrages,

ont a

plupart

ont

théoriques

nt été

utilisés

pour

'enseignement

t

l'étude.

ls

présentent

de nombreuses

nnotations

ervant

u

repérage,

mais aussi

des

réflexions

personnelles,es remarques ritiques t des corrections19).

Cet ensemble

st

complété

d'une collection

de traitésde

diététique

et

de

matière

médicale.

Certains

d'entre

eux

sont

présents

dans

les

collections

es chanoines

depuis

le

IXe

siècle,

comme,

par

exemple

e

«

De

Medicamentis

de

Marcellus

de

Bordeaux

qui

contient

700 for-

mules de

remèdes

20).

Au XIIIe

siècle,

la collection

'est

enrichie

d'un

«

Thesaurus

pau-

perum

et

d'un

«

Liber de

Practica

de

Roger

de

Barone. Tous

portent

aussi des

ajoûts

et

des corrections

ui prouvent

ue

leur contenu

été

mis

à

l'épreuve

de

l'expérience.

nfin,

ujourd'hui

relié à

un traité

de

philosophie,

n

petit

aide-mémoire

u

praticien,

crit

au

XIIIe

siècle,

fournit'essentiel e la symptomatiquet de la matièremédicaleainsi

que

des

recettes

ourantes

21).

*

On

trouvera

eproduit

es

enluminures

u manuscrit

13 de la

Biblio-

thèque

municipale

e

Laon,

n tête

de

l'avant-propos

e ce

numéro,

u début

du

présent

rticle

«

Un

médecin

rend

e

pouls

d'unmalade t

lui administre

une

potion

)

et

à la

fin e

l'avant-propos

«

Malade

présentant

es

symptômes

de

coliques épatiquesiguëes ).

17.J.

CONTRENI,

The formation

f

Laon cathedral

ibrary

n

the

ninth

entury

dans Studi

Medievali

1972,

.

919-39

t,

du

même,

The

cathedral

chool

of

Laon,

850-930.

ts

manuscripts

nd

masters,

München,

1978.

18.

B.M.

Laon,

ms

412,

14,

18.

Trotula:

ms

417 f°

27

r°.

19.

Ms

415 t

417.Corrections

renant

n

compte

autres

xemplaires

u

même uvrage,mises u pointdonnantu sujetd'uneanalyse,es concep-

tions

des

autres

grands

uteurs.

x. ms

413

«

queritur

e

hoc

quod

dicit

Avicenne

uper

hoc

,

f° 17.

20.

B.M.

Laon

ms

420.

21. B.M.

Laon,

ms

418

et

147

°

198

q.

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41

Les

signes

t annotations elevésdans les

traités e matière

médicale

montrent

ue

les

médecins aonnois n'ont retenu

que

les formules

d'intérêt

hérapeutique

ertain.

Ainsi,

dans le

Marcellus

ont-ils

prouvé

430

recettes

qui,

jugées

efficaces,

nt été

regroupées

par

spécialités

dans

des

manuels

abrégés

(22).

L'étude

des

recettes utilisées

par

les

médecins

laonnois

apporte

quatre

certitudes

1.

«

La

formemédicamenteuse

st

déjà

élaborée

(F. Vial).

Si l'on

ignore

es

cachets

et les formes

njectables,

outes

es

autres

présen-

tations ontrecommandéessuppositoires,vules, ollyres, e formules

souvent

très

délicates,

onguents,

pommades,

collutoires,

avements,

pastilles,

tc.

2. La

pratique

'étend tous

es domaines

de la

médecine,

to-rhino-

laryngologie,

neumo-phtisiologie,astro-entérologie,

ynécologie

t der-

matologie,

vec une nette

prédilection our

la

médecinede

la tête

et

des

yeux.

3. La

maîtrise

pragmatique

es

principes

ctifs,

minéraux

u

végé-

taux,

s'avère

remarquable

et

plusieurs

recettes

prouvent

a connais-

sance

empirique

e l'interaction

édicamenteuse.

ans

le

chapitre

XXI

consacré aux

maladies de

cœur,

a recette

6

déconseille

a consom-

mationd'alimentsgras en mêmetempsqu'un remèdeaux propriétés

veinotropes,

base

d'aiguille

de

pin.

Il est connu

aujourd'hui

que

les

flavones

ontenues ans

l'aiguille

de

pin

sont

mal absorbées

n

présence

de

corps

gras

(23).

4. L'action des médecins

aonnois n'est

pas

seulement

pronostique

ou

diagnostique,

lle s'avère nettement

hérapeutique

t

prend

en

compte

au

premier

hef

a

souffrance

u malade.

Evoquée

en

termes

trop

généraux

our

être

significatifs

ans

la

documentation

ospitalière

proprement

ite

(24),

la douleur

du

corps

est

désignée

avec

précision

dans

le

lexique

médical comme

dans les livres

de

recettes.

Dolor ou labor sontremplacésdans les cas aigus par maleficio uacuta

passio.

La forme

rise par

la souffrancest quelquefois ndiquée

par

les mots

spasmus

ou

contractio

25).

La

prise

en

compte

de la souffrance es

patients

a

pour

consé-

quence

l'usage

fréquentd'analgésiques,

d'antispasmodiques

t d'anes-

22.

B.

MERLETTE,

F.

VIAL,

R. RULLIERE

«

Le

Marcellus

e

Laon,

observations

aléographiques

t

critiques

dans Histoire

es

Sciences

Médi-

cales t.

XIV,

1,

Paris,

1980.

23. F.

VIAL,

B.

MERLETTE,

R.

PARIS,

Cl.

ROUSSEL,

R.

RULLIERE,

«

Les

recettes etenues

ar

les

Laonnois,

bservations

médicales dans

Histoire

es Sciences

Médicales

t.

XIV,

1, Paris, 980, .

61-8.

24.Les malades ontdésignés ar les termesnfirmidebiles, grotantes,

jacentes,

u

languentes,

eux

qui

rédigent

eur testament

l'hôpital

ont

dits

«

jacentes

n domo

Hospitale

uaaam

infirmitate

erentus

ou

«

labo-

rantes

n extremis

.

25.Ms

147,

° 198

q.

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42

thésiques

locaux.

Pour traiter

les toux

laryngées

douloureuses

on

prescrivait

ne

préparation

base de

lierre.

Celui-ci,

n effet

ontient

de la

saponine

aux vertus

ntispasmodiques.

e

pas

d'âne utilisé

dans

le même

cas

contient

ne

lactonedont es

effets

ntispasmodiques

ont

supérieurs

ceux de

la

papavérine

26).

L'opium

entredans

la

compo-

sition de nombreux

remèdes,

insi

que

la

jusquiame

(recommandée

contre es

douleurs

de rein

et de

vessie),

e marrube

t

l'hysope

contre

les

maux

d'estomac) 27).

Malgré

es

insuffisances

raves

du

savoir

médical,

es

pratiques

ssues

de l'expérience e générations e médecinsgrecs,romains,byzantins,

arabes et locaux

ne

peuvent

tre tournées

n

ridicule.Les donations

réalisées

en faveur

de

l'Hôtel-Dieu

de Laon

par

d'anciens malades

guéris

ppartenant

toutes

es

catégories

ociales

et venus

de

tous

les

points

du

diocèse,

uffisent

en

prouver

'efficacité

28).

Tous ces

efforts

aits

pour procurer

ien-être,

oulagement

t

guéri-

son

du

corps

malade

étaient

accompagnés

d'une

vie

spirituelle

de

grande

ualité

destinée

rendre

u

«

gisant

sa

dignité

t

donnant la

souffrance

t à

la

pauvreté

une

valeur

noble.

Cependant,

ie

spirituelle

et

soins

du

corps

forment

n tout harmonieux.

a

souffrance,

uelle

que

soit

la

valeur

spirituelle

ui

pouvait

ui

être

donnée,

était

consi-

dérée comme 'expression u mal et combattue ans équivoque,avec

tous

les

moyens

dont

on

disposait

alors.

Si l'on

admet

que,

de nos

jours

encore,

'hôpital occupe

une

place

particulière

ans

la vie

d'une communauté

humaine,

révélant avec

acuité

les

tensions,

es

angoisses

et les

équilibres qui

y

régnent,

l'hôpital

de

Notre-Dame

e nous

livre

pas

de

la

société laonnoise

au

XIIIe

siècle,

une

image

pleine

de

pessimisme

et

d'inhumanité

29).

26. F.

VIAL, p. cit.,p.

65.

27.

biâ.t p.

67.

28.

Arch.

Aisne,

Hôp.

Laon

parmi

es documents

voquant

es

paysans

de

villages

ointains enus

recevoir es soins à

l'Hôtel-Dieu,

n

dépit

de

la

présence 'hôpitaux

ans

les

bourgs

voisinants,

n

peut

citer: A2

245,

î°

124;

A2

79,

50

r° A2

358,

f* 174

v° A2

357,

174 r

A2

373,

179,

tc.

pour

les autres

catégories,

e

reporter

mon

livre, p.

cit.

cartep. 116 t références. 117-8.

29.

Une

enquete

renant

n

compte

es memes

ypes

e documents

our

des établissements

e même

mportanceermettrait

eut-être'élargir

es

conclusions.

es

travaux

'A.SAUNIER

v.

note

)

tendraientles confirmer

pour

une

époque

égèrement

ostérieure.

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Dominique

de COURCELLES

LE

CORPS DES SAINTS

DANS

LES

CANTIQUES

CATALANS

DE

LA FIN DU MOYEN AGE

Tels

que

nous les livrent es

manuscrits atalans de la findu

Moyen

Age,

es

cantiques

des

saints

bien loin d'occulter

'existence

e la

chair

ne cessentde

rappeler

on

importance

ans le

comportement

umain,

qu'il

s'agisse

de la démarche

scétique

des saints ou

de

celle,

misérable

et

souffrante,

es

populations.

Les

cantiques

des

saints,

véritables

morceauxde

littérature

agiographique,

mettent n effet

n

parallèle

les

exploits

de saintetéet les humbles

besoins

des

hommes

qui

sont

éprouvés

par

la

faim,

es

intempéries,

es

maladies

et la

mort.

Le

corps apparaît donc comme une évidence en lui s'incarnent es

croyances,

es

peurs,

es désirs.

l

est le lieu

par

excellencede

l'expé-

rience vécue. Présent

par

ses

manifestations,

l

est

présent

dans

le

discours.

Comment

'expriment

lors

la

dévotion t la

piété

en

Catalogne

D'une

façon générale,

la

fin

du

Moyen Age,

a

religion

emble être

l'affaire es laïcs et

les

pratiques

'effectuentans un

contexte

hrétien

assez

homogène

t orthodoxe. es

fidèles es

plus

zélés

prennent

es

initiatives

riginales,

e

regroupant

n

confréries

vec

les clercs.

Les

Ordres mendiants rès influents nt certainement

oué

un

grand

rôle

dans le

développement

e

la

production

agiographique.

es

premiers

recueilsde cantiques ou goigs (joies en langue catalane) conservés

encore

aujourd'hui

contiennent e nombreux

antiques

en

l'honneur

des

saints

mendiants,

urtoutdominicains. ette littérature st cléri-

cale,

certes,

mais la culture

folklorique

'en

est

pas

absente. L'intérêt

pour

les réalités

tangibles

du

monde,

'attachement u vécu

quotidien

et

au

pittoresque

e manifestent ans

beaucoup

de

domaines.

Sources

utilisées

Il s'agitd'un ensemblede deux centscantiquesenviron, egroupés

en recueils ou écrits sur de

simples

feuilles,

ous

rédigés

en

langue

catalane

et

datant essentiellement u

XVe

siècle et du

début du

XVI*

siècle. Ces

cantiques appelés

cobles

(couplets)

ou

goigs (joies)

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44

s'apparentent

des récits

hagiographiques

plusieurs

sont

encore

chantés t donc

opérationnels

ujourd'hui.

Cette étude se fonde

princi-

palement

ur deux

recueils le

ms. 3 et le ms.

1191

de

la

Bibliothèque

de

Catalogne

Barcelone.

Les

corps

mortifiés

Les livres de dévotionde

la

fin

du

MoyenAge

en

Catalogne

citent

fréquemmentt abondamment ne œuvrede saint Jérôme ntitulée

L'escala

per pujar

al cel

dans

laquelle

figure

e

texte

suivant,

très

commenté

ar

les

prédicateurs

«

Saint

Paul dit

qu'il

n'est

pas possible

que

ceux

qui

vivent elon

la chair

puissent

plaire

à Dieu...

car Jésus

Christ

dit si vous vivez selon

la chair vous

mourrez,

mais si

vous

mortifiez

ar l'esprit

es

œuvres de

la chair vous

vivrez».

Tel

est

le

paradoxe qui

commande

es mortifications

es

corps

des

saints,

le

paradoxe

initial étant

l'incarnation 'un

Dieu

tout

puissant

dans

une

chair

d'homme

pour

le

salut

du monde.

Qu'il

s'agisse

de l'ascèse ou des

tortures

du

martyre,

a chair ne

cesse

grâce

à

la

souffrance

e

rappeler

on

existence mais

cette souf-

francequi pourraitn'êtrequ'une performancendividuelle e réfère

à celle du Christ

t est

endurée,

isent es

cantiques, pour

obtenir

e

salut

»,

«

pour

entrer

n

paradis

».

Les

vies des saints et

des saintes ascètes

comportent

oujours

le

même cheminement

entrée u

désert,

e

«

saint désert

qui

sanc-

tifie,

t abandon des

biens et des

avantages

d'un noble

lignage,

e

qui

est

une

marque

de la culture

folklorique.

e

jeûne

ést la

première

condition

e la sanctification

vec

le

port

du cilice.

La

prière

est très

rarementmentionnée.

och dès

l'âge

de

douze

ans ne

fait

plus

aucun

cas

de

sa noblesse

ni

de ses

richesseset

revêt e cilice. Marthe

eûne

chaque

jour.

Marie

l'Egyptienne

'emporte

ue

trois

pains

pour

son

longséjour au désert.Dominique« châtie avec dureté sa chair et sa

sensualité,

n se

disciplinant

rois

fois

par jour

»,

et ce sont

les

anges

qui

le nourrissent.

uant

à Nicolas de

Tolenti,

es

goigs

racontent

u'il

méprise

es tissus

précieux,

ort sur

la

paille,

est vêtu d'une robe

gros-

sière

il

jeûne

quatre ours

par

semaine

au

pain

et à

l'eau,

discipline

sa

chair,

veille

plus

qu'il

ne dort

il

frappe

son

corps

de

chaînes,

ne

veut

amais

manger

ni

œufs,

ni

viande,

ni

poisson,

ni lait

une

pierre

sertde

coussin

à

ses

genoux.

Nous

sommes

à en

pleine Légende

dorée.

Mais tandis

que

Jacques

de

Voragine

t,

après

lui,

les

prédicateurs

e

la fin u

MoyenAge

ne cessentde

dénoncer

a

part

animale,

bestiale

de

l'homme,

es

cantiques

ne font

pas

état de cette division

1).

1.

En ce

qui

concerne a

Légende

orée,

voir

plus précisément

arie-

Christine

OUCHELLE,

Représentations

u

corps

dans a

Légende

orée

,

dans

Ethnologie

rançaise,

.

VI,

n° 3-4

1976),

.

293-308.

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45

Ces

épreuves

ui

sont

contraires

ux

penchants

e l'homme

rdinaire

rendent

e saint

nhumain

t

mènent

ogiquement

sa

mort

corporelle,

à

la limite

du suicide

interdit

2).

Mais

du moins

a-t-il

vaincu

«

la

chair,

le diable et

le monde

. L'état

corporel

des

saints

est

alors

dépassé,

et

le dévoilement

e leur

corps,

eur

mise

à nu

par

un

tyran

satanique

les

revêt

de

gloire

et

ne révèle

pás,

somme

toute,

leur

mystère.

Hippolite

s'adresse

ainsi à son

persécuteur

«

...tucrois

me

découvrir

le corpsen m'ayant insi dénudési seulement u savaiscombien u m'as

vêtu,

je

crois

que

tu ne

m'aurais

pas

enlevé

mon vêtement

car

je

te le

dis,

en

vérité ans

mentir,

en me

dénudant

u m'as

bien

davantage

vêtu,

car

si

tu me

donnes

a mort

en ce

jour

mon

esprit

sera

revêtude

gloire

»

(3).

Les

peintres

des

retables

de

l'époque

ont bien

exprimé

'impassi-

bilité des saints

en

leur donnant des

visages

immobiles,

dépourvus

d'individualité,

ors du

temps.

En

revanche,

es flots

de

sang

qui

s'écoulent

de leurs

corps

provoquent

n

phénomène

de

l'ordre

de

la

fascination,

t les

cantiques

sont

empreints

e

l'admiration

motive

t

non imitative es foules.Seule la décapitation ientfinalement bout

des

corps

insensibles

t

détachés

des

martyrs,

a tête

du

saint

étant

le

point

d'enracinement

u

spirituel

dans

le

corporel.

Le

mystère

t

la

gloire

des

corps

des saints

se

marquent

par

l'exhalaison,

ymbolique

u

non,

de

parfums

uaves,

s'opposant

ainsi

à

la

puanteur

aractéristique

u diable.

«

Vous

avez été

comme

un

palmier

fleuri,

donnant

e

parfum

de vos

vertus,

avec votre

foi

vive et votre

charité

vous

avez

vaincu l'ennemi

,

disent es

goigs

de saint Just

4).

Les Onze mille

Vierges

ontqualifiées

couramment e fleurs

rèsodorantes.

t de nombreux

ermons

atalans

comparent

es saints à des

fleurs

parfumées.

Citons

par

exemple,

e

sermon

rononcé

ar

un frère

rêcheur

la

findu

XVe

siècle,

Seu de

Urgell

«

Celui

qui

est

pris

par

l'amour

du Christ

un

corps

doucement

parfumé,

ar

il

est comme

une fleur

u

milieudu

monde

(5).

La souffrance

ient alors

lieu de

jouissance.

Augustin

ui afflige

son

corps

afin d'éviter es

tentations 'est

«

rendu très

agréable

et

plaisant

à Jésus Christ

. L'amitié

de Jésus

est

précieusepour

le saint

ou

la

sainte

qui

conversent

vec

lui

Catherine,

prement

mortifiée,

reçoit « l'hostie dans la bouche mystérieusement. L'équivalence

fantasmatique

e la douleur

et de

la

jouissance

apparaît particulière-

mentdans la

joie

et

la confiance

émoignées

ar

les

martyrs

u

milieu

des tourments.

ébastien,

Ferréol,

Cosme

et

Damien

ne cessent

de

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46

louer Dieu

pendant

eurs

supplices,

t Sébastien

guéri

«

contre toute

raison

naturelle»

retourne

oyeux

auprès

du

tyran

qui

lui

fait

subir

un

second

martyre.

'huile

bouillante ù

Jeandevait

périr

e transforme

miraculeusement

n bain tiède.

Lorsque

l'ermite Gilles

est

frappé

d'une

flèche

la

poitrine,

e

roi désire

le

soigner,

mais

le

saint

le

supplie

de lui laisser sa

blessure, ar,

disent es

goigs

en s'adressant

au

saint,

«

vous désiriez

toujours

souffrires peines pourJésus» (6).

Le

pouvoir

acquis

par

les saints

sur

leur

propre

corps

fonctionne

comme

a

garantie

de

leur immortalité.

a mort n'est

pour

eux

qu'un

passage,

aussi est-elle

«

joyeuse

,

et

le

deuil est

impensable.

Ainsi

pour

l'évangéliste

ean

«

Votre

mort

précieuse

fut

oyeuse,

ans

tristesse,

excellente,

merveilleuse,

car vous avez

fini

ans

douleur...

(7).

La

grande

majorité

des saints

bénéficient

e visions

qui

leur révèlent

l'heurede leurmortet,au moment inal,es angesou Jésus ui-même

viennent

hercher

eur âme

en

grande

iesse

et

musique.

Ainsi

pour

l'ermite

Gilles

«

Vous

fut

révélée 'heure

de votre

ainte

mort...

et

quand

l'heurefut

accomplie,

vous

avez ressenti

n très

grand

bonheur,

car en cette

ournée

vous

vous êtes

envolé

droit

au

paradis

»

(8).

Et

pour

Marthe

«

Jésus

vint

l'heure

de votre

mort,

..

en

les

mains

de

qui

vous

avez remis

avec

grande

oie

votre

esprit

»

(9).

2.

Brigitte

AZELLES,

dans Le

corps

de sainteté

'après

Jehan

Bouche

d'Or,

Jehan

aulus

et

quelques

vies

des XII*

et XIII*

siècles,

Genève,

roz,

1982,

crit

que

le

saint

entretient

vec

son

corps

«

un

âpre

rapport

d'absence».Cette

xpression

st

tout

fait

loquente.

3. Cobles

fetes

n

laor del

glorios

martyr

ent Y

polit,

ms. 3.

4. Los

goixs

del

glorios

anctJust

ms. 1191.

5.

La Seu

de

Urgell,

rxiu

apitular,

ms.

2582/138.

6. Coblesfetes n laor del beneytentGil,ms. 3.

7. Cobles

fetes

n

laor

del

glorios

entJohan

vangeliste,

s.

3.

8.

Voir

note

6.

9.

Cobles

n laor de

la

beneyta

enta

Marta,

ms. 3.

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47

Quant

à

Sébastien

«

Et

les

anges

avec de

grands

chants...

vous

emportèrent

riomphant

(10).

Dominique

meurt,

«

contemplant

es

félicités

du

grand

Roi

de

paradis

qui

reçut

votre âme

netteet

pure comme 'or

»

(11).

Dans ce

contexte,

a

mort

naturelledes

saints,

si

historique

oit-elle,

n'est

nullement

erçue

sous

l'angle

biologique.

Les

cantiques

en

s'atta-

chant à

décrire

'ensevelissement

e

leurs

corps

«

dignes

reflètent

surtout

une

obsession

portant

ur le

désir de ne

rien

perdre,

e

tout

conserver»

12)

de ce

qui

a

été

le

corps

vivant et

si

peu

vivant du

saint et

qui

désormaisva

être

encore

davantage

porteur

de vie.

C'est

la

mort

oyeuse

des

saints

qui

fait

de

leurs

corps

mortifiés es

reliques,

affirme

a

victoire ur

e

corps

décomposable,

bolit e

temps

t

promet

l'intégration

éleste en

des

demeures

«

situées dans

des lieux de

grand

agrément

,

répètent

es

cantiques.

Car

les

saints

morts à leur

corpsde chairpendant eurséjour terrestre ontconnaître u paradis

la

félicité

rès

matérielle

de leur

âme,

en

attendant

a

résurrection

promise

des

corps.

Dans le

temps

t

dans

l'espace,

l

reste e

cadavre

du

corps

mortifié,

de

la

chair

de

désir

et

d'angoisse,

ui

est

désormais ieu

de

miracles.

Les

corps

de

pouvoir

ou

le

passage

du

récit au rite

Les

cantiques

des

saints en

Catalogne,

comme les vies en

prosede la mêmeépoque, sonttrèsanthropocentriques.a séquencenarra-

tive

qui

retrace es faits

et

gestes

passés

du

saint

ouvre

rapidement

à la

séquence

rituelle

t au

quotidien

des

dévots

(13).

Il

est remar-

quable

que,

dans tous

les

goigs

du XV*

siècle,

e

récitdu

vécu

religieux

du saint ne

comporte

pratiquement

ue

des

traits

pittoresques

par

lesquels chaque

fidèle

peut

évaluer un

perfectionnement

pirituel

t se

trouve

beaucoup plus

restreint

ue

le récit

des

bienfaitsmiraculeux

qui

concerne e vécu

quotidien.

Ceci

dénote la

folklorisation e

pra-

10.

Los

goixs

del

glorios

mártir

anct

Sabastia

ms.

1191.

11.Cobles

fetes n laordel glorios onfessorentDomingo,ms. 3.12.VoirBrigitte AZELLES. v. cit.

13.Les

cantiques

es

saints

pparaissent

omme

es lieux

privilégiés

e

la

pastorale

l'importance

es

sacrements,

a

nécessité

e

faire

pénitence

et de bien se

préparer

la

mort,

e

rôle

des bonnes

œuvres

y

sont clai-

rement

ffirmés.

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48

tiques

chrétiennes,

ui

consiste à

préférer

n

système

rituel

plutôt

que spirituel.

e vécu

religieux

éservé u saint mortifié

'est

apparem-

ment

pas

l'affaire es fidèles

qui invoquent

urtout

a

«

virtut

du

corps

saint à leur

profit uotidien

et

avec une certaine émotivité.

Projetés

hors

de la vie

par

l'ascèse

ou le

martyre,

es

corps

mortifiés

des

saints ont

en effetune

«

virtut

,

un

pouvoir inégalable

sur

la

chair et l'âme maltraitées

par

le

diable. Leurs

miracles

constituent

autant de

preuves

de

leur

propre

détachement,

e leur

imitation

des souffrances

e

Jésus,

de

leur

mort

oyeuse.

Car le

public

n'évalue

que difficilement'ascèse ou le martyre n termesspirituels.Comme

l'implique

la reconnaissance médiévale

de l'unité

psychosomatique

de l'être

humain,

es

corps

souffrants es hommes sont souvent es

reflets

e

souillures

morales,

de

péchés

graves.

Aussi le

pouvoir

du

saint se

manifeste-t-il

oujours

à

deux

niveaux,

orporel

et

spirituel.

Les

cantiques

disent

tous le double

souci

des

saints

guérir,

ertes,

mais

aussi convertir. es

miraclesde

guérison

ont sans cesse assortis

de

prédications

t de

prières.

Les

goigs

de saint

Hippolite ndiquent

«

L'âme

et le

corps

de tous vous avez

guéri

(14).

Le

corps

du

saint

autant

que

sa

prière

sont

porteurs

de

grâce.

Mais

la

prière

est

plus

forte;

elle

seule,

dans

les

cantiques,

père

des

résurrections.

es

goigsde saint Pierrerappellent

«

Avec

votre

ombre

vous

guérissiez

les malades de toutes

sortes

et vous

ressuscitiez es

morts

en

priant

Dieu

pour

eux»

(15).

Les miracles

de

François

d'Assise sont dus à

:

«

la sainteté

ue

vous

possédiez,

saint,

n

esprit

et

dans

votre

digne

corps...

(16).

Et les goigsde saint Jean disent encore

«

vous

avez réalisé des miracles

et

donné e salut à tout

homme,

..

vous

avez converti es

infidèles

en faisant

miracles

et

sermons

(17).

Le

pouvoir

des saints est

une

marque

de

la relation

étroite

qui

s'établit

ntre

eurs

corps

mortifiést les

corps

souffrantses

hommes.

Il

y

a

entre

eux une sorte

d'analogie.

Ainsi,

tandis

que

les

corps

des

ascètes

et

des

martyrs,

urant

eur vie

terrestre,

e

dépouillent

ans

rien

perdre

de

leur

intégrité,

es

corps

souffrants es

pauvres

et

des

14.Voir

note3.

15.

Los

goixs

él

glorios

ancì

Pera.ms. 1191.

16.Cobles

fetes

n laor

del

glorios

ent

Frances,

ms. 3.

17.

Voir

note .

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49

malades

de tous

genres

ont

amenés,

dans diverses

circonstances

ien

décrites

par

les

cantiques,

à revêtir es vêtements

de

tel saint

ou,

au

moins,

à les toucher.Avec

un

simple

morceau

du manteau

de

Ramon de

Penyafort,

es malades trouvent

e réconfort. illes

voyant

un

pauvre

dans

l'église

ui

donne

son manteau

«

qui

a

une telle

vertu

que

le

pauvre

en le revêtant

eçoit

a

guérison

de ses maux et

obtient

le

salut.

De

façon

plus symbolique,

mais avec des

conséquences

concrètes,

l

y

a

analogie

entre

François

d'Assise blessé

par

les

cinq

marques

des

clous et de la lance

du

Christ

t

les

hommesblessés

par

les coups infinis ue leur porteSatan. Le saint stigmatisé oit parti-

culièrement

mpêcher ue

les hommes

ne

soient blessés

et

prier pour

qu'ils

aiment

Jésus avec une ferme

espérance.

De

même,

Ramon

Nonat,

dont a

mère

meurt la naissance

lui

faisantainsi don

de

sa

vie,

décide de suivre la voie de

la

mortification

orporelle

et est

invoqué

surtout

pour

les

femmes

enceintesou

parturientes

t

pour

les

petits

enfants.

Quant

aux Onze mille

Vierges

décapitées

si

horri-

blement

Cologne,

lles

sont

priées

d'éviter leurs dévots des morts

effrayantes,

mors

espantosas

(18).

La vertu

des

corps

des saints

compense

donc la

non-mortification

des

corps

des hommes ordinaires.

En

ce

sens,

les

cantiques

ne

témoignent as, sans doute,d'un désir de perfectionnementpirituel,

mais d'un désir de santé et de

l'angoisse

devant a

mort.

ls

s'adressent

d'ailleurs directement ux

saints,

de

façon

insistante,

n

employant

toujours

la

deuxième

personne,

u'il

s'agisse

de

la

commémoration

de

la

vie,

de

la

mort et des bienfaitsdu

saint,

ou de son invocation

proprement

ite

qui

revient

près

chaque couplet.

La

répétition

u

nom

du

saint

qualifié

de

glorieux

ou de

bienheureux une

double

fonction

'exorcisme,

ontre

a

maladie et

contre

a

mort.

«

Saint

martyr

e

grande

vertu,

glorieux

aint Ferréol

»

(19).

Les refrains es

cantiquesexpriment

rès clairement es

intentions es

dévôts

qui

veulent

obtenir,

ans

prendre

a

peine

de

se

mortifier,

a

18.

Le même

type

de raisonnement

ar

analogie

e retrouve ans

un

poème

édigé

n

catalan,

ui

semble voir onnu ne

grande

iffusion

t

une

grande

opularité,

i l'on en

Juge

ar

e nombre e

manuscritsu

XVe

iècle

et

du

début

u

XVIe

iècle u

il

figure.

n voici a

premièretrophe

«

Sacré couteau

ui

as taillé

la sainte hairde JésusChrist,taillenos malfaisances

et

enlève os mauvaises

ensées.

19.

Los

goigs

del

gloriosmartyr

ant Ferriol

prop

Besalu

(Barcelone,

Archivese

la

Cité,

euillet s. du XVIe

iècle,

ans

cote).

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50

récompense

destinée

aux saints. Le

refrain

des

goigs

de saint Gilles

demande

20)

«

Puisque

vous avez fait un si

grand

vol

quand

vous êtes

parti

de ce

monde,

faites-nous

aire une aussi

grande

montée,

afin

que

nous

obtenions

a

récompense

es saints

»

Et

celui des

goigs

de

saint

Augustin

21)

« Puisqu'unetellerécompense ous est donnéeet

que

vous l'aurezéternellement,

faites

que

nous

atteignions

a cité

par

vous

gagnée,

ù

règne

Dieu.

»

Les fidèlesont donc en mémoire

e

nom

du

saint,

a

nature

de son

efficacité ans l'existence

quotidienne

et la valeur

de cette

protec-

tion

contre es tourments e l'enfer.

Cette mémoire e

fonde

sur les

corps

des

saints matériellement

onservésdans

le monde et

devenus

des

reliques,

véritables

objets

de

«

virtut

,

de

pouvoir, qui

doivent

protéger

e monde.

Tous

les

cantiques soulignent

'importance

de l'ensevelissement

honorable, e la bonne conservation e la tombedu saint et donc de

ses

reliques.

La

«

femme

romaine

qui

désire ensevelir

e

corps

de

Sébastien

est

«

mue

par l'Esprit

;

de

même,

e

prêtre ui emporte

avec

grande

révérence le

corps d'Hippolite

est

«

d'un

pur

amour .

Marthe,

morte eule dans le

désert,

st enterrée

ar

Jésus

«

avec de

nombreux

anges

qui

tous

chantaient

.

Les tombes des

saints sont en effet

les

lieux

privilégiés

ù

les

pôles opposés

du

Ciel et de

la

Terre se ren-

contrent

,

comme

'a

écrit Peter

Brown

(22).

Leur

présence

physique

dans les

reliques

paraît

en

elle-même

onvoyeuse

de vie.

Lorsque

le

tombeaude saint Just st

découvert l'occasion d'un tremblement e

terre Vie,les goigsrappellent

«

On ne

peut pas

énumérer

ce

que

vous

avez fait en notre

temps

depuis

que

vos os sacrés

ont été

déposés

dans le

tombeau

(23).

La

«

corporéalité

es

saints

,

pour reprendre 'expression

e

Brigitte

Cazelles

(24),

garantit

es

expériences haumaturgiques.

'où

les rituels

liés aux

corps

de

pouvoir

des saints

et

une certaine violence dans

l'intégration

es

reliques

à

la vie

quotidienne.

20. Voirnote6.

21.

Cobles

fetes

n

laor

del

glorios

ent

Agosti

ms. 3.

22. PeterBROWN. e cultedes

saints

Pans, Cerf, 984,

re

édition,

981.

Voir n

particulier

e

chapitre remier,

Le

sacréet la tombe

.

p.

13.

23.Voirnote4.

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51

La

présence

du

corps

du

saint

est si intensément

essentie,

on

pouvoir

st si fortementésiré

par

les

populations

ui

souffrent,

ue

la

violence s'inscrit

n

contrepoint

e

toute vie

de

saint.

A la violence

de

l'ascèse

répond

a violencedes

persécuteurs

utant

que

la violence

retenue e la foule

qui, pourrait-on

ire à

la

suite

de René Girard

25),

attend e sacrifice

our

récupérer

a victime

t en faire

des

reliques.

Paul

Zumthor

crit

à

propos

d'un chanteurde

jazz,

mais

son

analyse

vaut

aussi bien

pour

e saint

réputé

omme tel durant

a

vie

«

L'inter-

prète,

dans

la

performance

xhibant son

corps

et son

décor,

n'en

appellepas à la seule visualité. l s'offre un contact (26).

Les

corps

des saints sont

par

nature

destinés à

être déchirés

et

démembrés,

eur

présence

t

leur

pouvoir

es

vouent devenir

eliques,

dans des circonstances

arfoistragiques.

Les

goigs

de saint

Eudalt

de

Ripoll

donnent

n curieuxrécit du

martyre

u saint

(27).

Après

avoir

longuement

écrit es extraordinaires

miracles

d'Eudalt

qui guérissait

les

malades,

ressuscitait

es morts

et

délivrait

es

possédés

grâce

à sa

«

virtut

,

ils

rapportent

rès brièvement

t

sans

donner

ucune

expli-

cation

que

le

peuple

devenu

«

foil

,

c'est-à-dire

ou,

mit à mort

le

saint dont e

corps

fut

transporté Ripoll pour

le

plus

grand

profit

e

l'abbaye,mais sans doute au détriment e ceux qui auraient voulu

se

partager

es

reliques

et le

pouvoir

du saint.

Ce

schéma

de mise

à

mort

relativement

lassique

-

on en trouve d'autres

exemples

dans

la chrétienté

e

la fin du

Moyen

Age

-

exprime

bien

l'importance

primordiale

onnée à

l'intégration

es

corps

des

saints

dans la vie

quotidienne.

Tous les

cantiques,

après

avoir relaté

la

vie

pleine

d'enseignements

'un

saint,

mentionnent

es

visites à ses

reliques

et

les offrandes

aites à son sanctuaire.

«

...d'Urgell

t

de

Samarra

et

de tout

'archeveché,

on vient

avec des

offrandes,versvous,saint Ramon Nonat (28).

Il

semble

bien

qu'au

XVe

siècle,

en

Catalogne,

es

pèlerinages

ers les

corps

des

saints

soienttout

faitcouramment

ratiqués

t s'inscrivent

parmi

les nécessités

de

l'équilibre

économique,

ocial

et

religieux

du

pays.

C'est sur

les

reliques

que

se

portent

lors toutes es

angoisses

et tous

les désirs

des

populations.

24.

Voir

Brigitte

AZELLES,

p.

cit.

25.RenéGIRARD, a Violence t le sacré Paris,Grasset,972.26. PaulZUMTHOR,ntroductionla poésie raleParis, euil,1983. oir

en

particulier

e

chapitre

1

«

Présence

u

Corps

,

p.

193.

27.Los

goixs

el

glorios

anct

Eudalt

ms. 1191.

28.

Los

goixs

del

glorios

are

sanctRamon

Nonat,

ms. 1191.

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52

En

guise

de

conclusion : âme et

corps,

les

joies

des

saints

Qu'il

soit

corps

mortifié t

corps

de

pouvoir

ou,

en

contrepoint,

corps

de désir et de

souffrance,

e

corps apparaît toujours

dans les

cantiques

des saints de la

fin du

Moyen

Age

en

Catalogne

comme

le

modèle nécessaire

de l'être

moral. Les meurtrissures

es

ascètes

et

des

martyrs

eur

vaudront

e salut

et

les

joies

du

paradis,

tandis

que

ceuxqui aurontéchappéà la mortificationur la terremais non à la

misèredue à leur

péché

connaîtrontes

supplices maginés

omme

des

châtiments

orporels après

leur mort. Les tourments

de l'enfer

se

marquent

n effet ans

la

chair,

car

il

y

a

une étroite

ressemblance

entre e

monde

des vivants t

celui des

morts,

t

la

survie

corporelle

dans la damnation est redoutable.

La mort

spirituelle

n'est donc

nullement

erçue

comme

une souffrance

morale. Le

corps

et l'âme

semblent n

fin

de

compte

absolument iés.

D'ailleurs,

'absence

de

corps,

orsque

'âme s'envole

à la

mort,

n'est

que temporaire,

uisqu'il

y

aura la résurrection es

corps.

Certains

aints sont

déjà

au ciel

en

esprit

t en

corps,

el saint

Jean

'Evangéliste,

ont

'esprit

«

a retrouvé

le corps au paradis,« par grâceinsigne . Ainsi e meilleurdes sorts

est-il

d'être en

corps

et en

esprit auprès

de Dieu.

Cette unité fondamentale

e l'être

humain,

saint ou

pécheur,

se

révèle

particulièrement

ans

l'expérience

uotidienne

t

bien réelle de

la souffrancet

de la mortet dans

le

désir

de

paradis.

Les

cantiques,

en

décrivant

a

vie des

saints,

eurs

corps

mortifiés,

eur

abstinence,

leur utte

ontre es

instincts,

eur méditation onstante

es souffrances

du

Christ,

permettent

'approfondissement

'une

expériencepascale,

la

prise

de

consciencede

la

résurrection ans le Ressuscité.

Tous

se

terminent

ur

'évocation

e la

«

gloire

future

,

celle des

saintset

celle,

également, es fidèlesqui implorent. ans ce contexte,e chantdes

goigs

qui

s'effectue

oujoursprès

des

reliques

des saintset commémore

à

chaque

fois leur

vie,

leur mort et leur

vertu,

tient véritablement

en échec

la

maladie et

la

mort et se fait annonce du salut et de

la

résurrection.

e fait

peut

expliquer

l'extraordinaire iffusion e la

forme e littérature

agiographique

ue

constituentes

goigs

catalans

de

la fin du

Moyen Age,

en même

temps que

l'essor

du

culte

des

reliques

et le

développement

oisonnant es lieux de

pèlerinage

en

Catalogne.

Le chanté se vérifie

lors

dans la

propre

chair

des fidèles trans-

formésen dévots inconditionnels. es saints mortifiés,arfaitement

différentsmais

accessibles,

devenus

corps

de

pouvoir

et

objets

de

rituel,

ont

désormais

pourvoyeurs

e vie

et de ciel.

Libérés de

la

mort

parce

qu'ils

sont morts à

eux-mêmes,

oyants

dans leur chair

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53

parce qu'ils

voient

e

mystère

e leurs

corps

souffrants

t

torturés,

ls

peuvent

leur

tour

faire

surgir

des

hommes

ibérés de la

mort.

C'est cette

expérience

de

libération

que

les

cantiques proposent

à

chaque

homme

qui

chante.

Ainsi es

cantiques

des saints

méritent-ils

pleinement

eur

appellation

de

«

joies

»,

«

goigs

en

langue

catalane.

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54

EDITION

ET TRADUCTION

:

LOS

GOIXS

DEL PARE

NOSTRE SANC

DOMINGO

LES JOIES

DE NOTRE PERE

SAINT

DOMINIQUE

(XV»

siècle)

SOURCE

BARCELONE,

Bibliothèque

de

Catalogne,

ms.

1191,

.

25 r°-26 v°.

HISTORIQUE

Dominique

naît dans les années

1170 dans

le

diocèse

d Osma,

en

Nouvelle Castille.

Il meurt en

1221 à

Bologne, ayant

accompli

une

tâche

immense

de

prédication

t de

lutte

contre es

hérésies.

l est

canonisédès 1234.Ses disciplesétendent influence e la spiritualité

dominicaine

n

Catalogne,

n

développant

n

particulier

a

récitation

de

Y

Ave Maria et

du Rosaire.

De nombreux

ouventsdominicains

ont

fondés dans les villes

catalanes,

et

plusieurs

grands

saints

catalans,

canonisésou non au

Moyen

Age,

ppartiennent

l ordre

des

Prêcheurs.

ANALYSE

Les

goigs

nomment

oujours

aint

Dominiquepar

son

nom

castillan,

Dômingo

Ils ont

ici huit

strophes sept

évoquent

a vie extraordinaire

et exemplairedu saint,la huitième st une demanded intercession.

Les

aspects thaumaturgiques

e la sainteté

de

Dominique

ont

présents

mais ne

paraissent

pas

essentiels,

a

prédestination

ivinedont

l

jouit

dès ce mondeest

davantage

oulignée

tout cela

correspond

ssez

bien

à la

conception

e

l Eglise

en

matièrede sainteté

à

la

fin

du

Moyen

Age,

comme

a montré

André

Vauchez

(1).

Le

titre du

cantique

laisse

penser que

l auteur

ou,

au

moins,

e

copiste

peut

être

un

religieux

de l ordre des

Prêcheurs,

puisque

l expression

notre

père

»

qui qualifie

Dominique

n est

employée

dans

aucun autre

cas.

1. André

VAUCHEZ,

a sainteté

n

Occident ux

derniers

iècles

du

Moyen ge

pp.

585-587.

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55

Le

cantique

comporte

une entrada

(entrée)

de

quatre

vers et une

tornada

refrain)

de

quatre

vers

également

les

vers sont

heptasylla-

biques.

Strophes

de six

vers,

complétées

par

les

deux

derniersvers

de

1

entrada,

ce

qui

fait

en tout

huit

vers,

ababcdcd entrada et

tornada

bab. Catalan

archaïque.

Vers

souvent

rréguliers

u

elliptiques.

TEXTE

Abgrangoixyalegría

cantaremostres

iaos,

sant

Domingo,

lum

y

guia

dels

f

ares

predicadors.

Mostra

Deu

omnipotent

cer vos

dichosa

lanta

ans

y

en vostre

axament

com

de vos la

Iglesia

canta

dénotant

a

que

volia

que

entra os

sanctsfosseu

os

sant

Domingo...

La strella antresplandent

y

laxa

que

envos fonch ista

era

senyall

vident

de

vostra

ida

prevista,

la

qual

fonch

ant anta

y

pia

que

en tot sou maravellos

sant

Domingo...

Ab voluntaria

obresa

guardareu irginitat

castigant

b

aspresa

la earn

y

sensualidat,

tres

disciplinas

l dia

donaveul vostre ossantDomingo...

La doctrina

ue ensenyaveu

obrareu

erfetament

y

ab lo zel

que

predicaveu

convertireu olta

gent,

curant ota

malatia,

febres,

rets

y

altresdolos

sant

Domingo...

Quant

dels sancts

a

gloria

ereu,

ab

aquella

alta

visio,

moltgrancontentoebereudels de vostra

eligio,

vent

que

la

Verge

ls tenia

bax

del

seu manto

recios

sant

Domingo...

Avec randeoie et bonheur

nous

chanteronsos

ouanges,

saint

Dominique,

umière t

guide

des Frères

rêcheurs.

Dieu

tout

puissant

montra

que

vous

étiezune

plante

ienfaisante

avant

t

lors de votre

naissance,

aussi à votre

ropos

Eglise

hante

et

souligne ue déjà

II voulait

que

vousfussiez

armi

es saints

saint

Dominique...

L étoile i resplendissanteet

large ue

l onvitsur vous

était e

signe

vident

de

votre

ie

prédestinée,

laquelle

ut i sainte

t

pieuse

que

vous

êtes

en tout

admirable

saint

Dominique...

Avecune volontaire

auvreté

vous

avez

gardé

a

virginité

en

châtiant

vec

âpreté

votre hair t votre

ensualité,

trois

disciplines ar our

vous vezdonné votre orpssaintDominique...

La doctrine

ue

vous

enseigniez

vous l avez

appliquée

parfaitement

et

grâce

u zèlede

votre

rédication

vous avez converti

eaucoup

de

gens,

vous

avez

guéri

oute

maladie,

fièvres,

roids

t

autres ouleurs

saint

Dominique...

Quand

ous vezvu

a

gloire

es

saints,

grâce

à cettehaute

vision,

vousavezreçugrande atisfactionde ceuxde votre rdre,

car vous vezvu

que

a

Vierge

estenait

sous son

précieux

manteau

saint

Dominique...

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56

Los

dos

angels

ueus portaren

pa

no tenint

ue

manyar

tornant-sen

os

saludaren

per

vostra

alor

mostrar,

o

quant

gran

ocor

o

envya

Deu

per

vos

als

peccados

sant

Domingo...

No tiraal

mon as

tres lansas

de

la divina

usticia

Deu volent ergranmatansas

vent

dels homens

a

malia,

sols

perque

n lo

mon

tenia

dos

sirvens,

rancesh

vos

sant

Domingo...

Compliu,

ara,

a

promesa

que

fereu ls

vostres

ills

aiudarnostra

laquesa

deslliurant

os de

parills,

y

alcansau

nos

de Maria

los

acustumats

avos

santDomingo...

Pus

lo mon

en vos

confia,

oyu

llus

suspis y

plos,

sant

Domingo,

um

y guia

dels

f

ares

predicados.

Les deux

angesqui

vous ont

apporté

du

pain,

arvousn aviez ien

manger,

en

repartant

ous ont salué

pour

démontrerotre

aleur,

oh,

quel

grand

ecours

nvoie

Dieu

grâce

vous aux

pécheurs

saint

Dominique...

Il ne tira

pas

sur

le

monde

es

trois

flèches

de la

justice

divine,

Dieuquivoulait aire randsmassacres

en

voyant

a méchanceté

es

hommes,

seulement

arce

qu il

avait dans

le

monde

deux

serviteurs,

rançois

t

vous

saint

Dominique...

Accomplissez,ère,

a

promesse

que

vous avez faite

vos

fils

d aidernotre

faiblesse

en nous délivrant

es

périls,

et obtenez

ous

de Marie

les faveurs

ccoutumées

saintDominique...

Puisque

e monde

confiance

n

vous,

écoutez

es

soupirs

t ses

pleurs,

saint

Dominique,

umière

t

guide

des

Frères

prêcheurs.

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58

santo à Pise

(fig.

1)

(2).

Il

s'agit

seulementd'un

des

volets

du

grand

triptyque

onstruit

utour du

Jugement

ernier

qui

occupe

tout le

mur du fond.

Par la

suite,

ces

fresques

sont

reprises

usqu'en

plein

XVe

siècle,

à

Sienne,

à Florence et

dans les cités

de

l'Ombrie

(3)

:

chaque

fois,

les ermites sont saisis en

groupe

à

leurs

occupations

quotidiennes

'artisanat,

e

prière

t de

jeûne.

Or,

ces

images

montrent

un

rapport

u

corps que je

voudrais

analyser

à

partir

de la

fresque

pisane.

-

Corps

et

image.

Les

personnages

e

répartissent

pparemment

dans le plus granddésordre certains isent,d'autresméditent ur la

vanité

du monde

représenté ar

le

crâne sur

le

sol,

d'autres

encore

Fig.

1

Buonamico

uffalmacco,

hébaide,

ise,

Camposanto,

ers1330-1335.

sontoccupés à de petitstravauxd'artisanat, ous à des niveaux diffé-rents, ans ordre

(4).

A

peine

distingue-t-onarfois

une

composition

narrative

ui

regroupeplusieurs

de

ces

figurines

dans

le

coin droit

par

exemple,

n

horrible

ragon

assaille un moine

monté

sur un

âne,

sans doute cet

Hilarión

dont

saint

Jérôme

raconté l'histoire

dans

un roman

édifiant

crit à la findu IVe

siècle

dans

la

partie gauche,

sont

représentés

uelques

épisodes

de

la vie de

saint

Paul

ermite,

notammenta

rencontre

vec AntoineAbbé

(fig.

1)

juste

au-dessous,

3. Au

XVe

iècle

par

exemple,

a Thébaide

e

Gherardo

tamina,

ujour-

d'hui à

Florence,

Musée

des

Offices Fra

Filippo Lippi

peint

aussi une

Thébaide our 'église ainteMarie n Carmine Florence. e citerai ncorela Thébaide

einte

vers1460

ar

Paolo

Uccello,

our

les

sœurs

du Saint

Esprit

du couvent

e

Vallombreuse,

la

Costa San

Giorgio

aujourd'hui

Florence,

aleries e

l'Académie).

4.

Voir

e

numéro

pécial

Ordre

t

désordres

dans Médiévales

4,

1983.

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59

la Madeleine communie

5).

Ce

sont autant

de

séquences

narratives

superposées

es unes aux

autres,

ou isolées comme

celle

d'Hilarion,

qui

structurent

e tableau de

la

vie

ascétique

menée

dans

le désert.

Les

épisodes proviennent

ous des

romans de saint Jérôme

ranscrits

sous la

directionde

Domenico Cavalca dans

le couvent des

Frères

Prêcheurs

de

Sainte-Catherine,

Pise. Les

fresques

furentd'ailleurs

commandées

par

la

confrérie es

Pénitents

lacée

sous

la

protection

du couvent

6).

Buffalmacco

disposé

ses

figures

ur

de

légers

reliefs

formant

support,uivantun procédéemployé ans l'enluminuree manuscrits

les

personnages

ont

placés

sur

un faisceau

de deux

ou

trois courbes

qui,

en se

recoupant,

essinent

n dos

de

terrain

eur

servant

d'appui.

Ainsi,

ur

un

manuscrit

'époque

carolingienne,

e Psautier

d'Utrecht,

l'enlumineur

egroupe

es

figurines

ur des reliefs

u autour de formes

géométriques,

e cercle

par exemple

7).

De

même,

dans

l'illustration

donnée en

marge

du

Physiologus,

oujours

un

manuscrit

d'époque

carolingienne,

e

petit personnage

st

placé

sur ces

reliefs

squissant

un

paysage

8).

Sur la Thébaide du

Camposanto

de

Pise,

les ermites

e distribuent

aussi

sur ces

lignes

de

relief,

e

plus

souvent sur des

plate-formes

rocheuses u sur le gradin e plus élevé d'escalierspratiquésà même

la roche.

Chaque

personnage

st

disposé

en

aplat

sur le fond de

la

composition,

oïncidant

vec le

plan

de

son

support.

La

fresque

se

présente

onc comme

un

rouleau

crit

u'on déplierait

t dont

es

signes

sauteraient

mmédiatementux

yeux

elle est un

catalogue

nimé de

la

vie

érémitique

9).

Selon ce

procédé,

es

petites figures

des

ermites

entrent n

contact vec ceux

qui

les

regardent

au début du

XV*

siècle,

sur

un

panneau

d'armoire,

ans

la

sacristie e

l'église

de

la

Sainte Croix

à

Florence,

Gherardo

tamina utilise

a

même

technique

our

illustrer

la Thébaïde

10).

Dans cette

présentation

lanimétrique

a

place

du

corps

est réduite

l'extrême.

5.

L'épisode

de

saint Hilarión ur son âne

et celui

mettant

n scène

saint Paul

et

saint

Antoine bbé sont

repris

ux romans crits

par

saint

Jérôme

la

fin u IV*

siècle.Voir

P. de

LABRIOLLE,

ie de Paul de Thèbes

et Vie de

saint

Hilarión,

aris,

1907,

assim pour

une traduction

talienne

récente,

.

LANATA,

ite

di

Paolo,

Ilarione

e

Maleo,

Milan,

1975,

46

p.

L'historicité

es

Vies

est tenue

our

ertaine

ar

E. COLEIRO.

aint

Jerome's

Lives

f

the

Hermits

dans

Vigiliae

hristianae.

1,

1957.

.

161-178.

6.

A.

CALECA,

G.

NENCINI et

G.

PIANCASTELLI,

isa. Museo delle

Sinopie

el

Camposanto

onumentale,

ise,

1979,

.

55 et s.

7. Psautier

Utrecht,

trecht,

ibliothèque

e lUmversite.

e

manuscrit

a été enluminé ans l'atelier

e

Hautvillers,

ers

820-830.

8.

Physiologus,

uj Epernay, ibliothèque

unicipale.

e

manuscritst

aussi

enlumine

ans

'atelier e

Hautvillers,

ers830.

9. Pourunecomparaisonvec une œuvreittéraire,a Légende oréede

Jacques

e

Voragine ar

exemple,

oirA.

BOUREAU,

a

Légende

orée.Le

système arratif

e

Jacques

de

Voragine,

aris, 1984,

82

p.,

en

part.

III*

partie,

h.

2

Le récit abulaire.

10.

Florence,

usee

des

Offices.

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60

-

Hommes t bêtes.

D'autant

que

les ermites ne sont

pas

seuls

à vivredans le désert

ils se trouvent ans

la

compagnie

de tout

un

bestiaire

fantastique

dragons

ailés,

démons

cornus,

bêtes

sauvages.

La frontière 'est

pas

nette

entre e

corps

de l'hommeet

celui de la

bête le

tentateur des

pattes griffuesuand

il

rend

visite à Antoine

dans sa cellule

(fig.

1).

Le

fouillis

de

l'image

vient aussi du

fouillis

des

corps

et du

mélange

indistinctdes hommes et des animaux.

Davantage

même,

e

règne

animal et le

règne végétal

se confondent

en

la

personne

de certains

rmites

ouverts

de leur

longue

chevelure,

tel Onophrius u la Madeleine, ui les fait ressembler ux palmes et

roseaux

du décor.Le

corps

du

solitaire

du mal

à

apparaître

dans cet

ensemble

mêlé.

C'est

d'ailleurs a loi

du

genre,

un

cliché habituelaux

images

de la Thébaïde

le cadre de l'actionne se réfère

as

au monde

des hommesmais à

un univers ur la limite

ntre

'ici-bas

t

l'au-delà

c'est

un

monde

enchanté ù tout s'avère

possible

11).

La

nature,

'homme t la bête

ne

sont

pas

seulement

uxtaposés

par

touches

la surface

de

l'image,

mais

forment ne même

composition.

Ainsi,

'homme

t l'animal

sauvage appartiennent

une seule

séquence

Hilarión

t

le

dragon

ilé

qui

le

poursuit,

aint

Antoine,

aint

Paul

et les

deux lionsvenus du fonddu désert, ous sont unis et ne peuvent tre

séparés.

L'unitéde

composition

st encore

plus

forte les

corps peuvent

s'emboîter,

omme celui

d'Hilarion monté à califourchon

ur son

âne ils

peuvent

aussi

se

correspondre

n un

jeu

formel,

eux de

saint

Antoine

t de

saint

Paul couché

à

terre et

ceux des

deux

lions

disposés

en

parallèle

juste

au-dessus.

De

même,

e

corps

de

l'ermite

vit

en

symbiose

vec

le

décor

naturel,

rottes,

avernesou

anfractuo-

sités

saint Antoine

ppartient

sa cellule

rocheuse,

l

y

est

comme

incrusté

la

Madeleine

et

Onophrius

ne se

distinguent as

de

la

végé-

tation

uxuriante

ui

les

entoure.

Cettecomplémentaritéormelle e double d'une profonde nité de

sens.

Aux confins u monde

habité,

dans les déserts de

la

Thébaïde,

moines

et bêtes

participent

nsemble

à un

vaste

travail sur

les

appa-

rences

pour

en découvrir

'ordre

caché. La bête

est

en fait

cette

autre

moitié

du

moine,

on

effroyable

is-à-vis

u'il

découvredans

la

solitude

de ses

pensées

et

qu'il

s'efforce

u

prix

d'une

ascèse

sévère,

d'extirper

au loin.

Quand

AntoineAbbé

reçoit

Satan aux

pattes

griffues,

l

se

trouve

ainsi en

présence

de l'autre

partie

de son

être,

jusque-là

inconnue

sur le

registre

u-dessus,

l

chasse

le

diable

à l'aide d'un

long

bâton

et le force

prendre

a

fuite

par

ses

jeûnes

et

ses

prières,

il

a eu raison

de

sa nature

mauvaise,

l

a

domestiqué

son

corps.

Il

11.

Je

reprends

ette

xpression

e

«

monde

nchanté

à

C.

ERICKSON,

The

Medieval

Vision.

ssays

in

History

nd

Perception

Oxford

niversity

Press, 976,

.

15

sq.

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61

apparaît

à

présent

en

buste,

l'autre

moitié,

a

plus

dangereuse,

e

trouvant

ésormais

mise à

distance,

epoussée

l'entablement

ocheux

coupe

la

figure

la

taille et devient a citadelle

inexpugnable

ui

l'abrite du

danger

des sens

(12).

Le

corps

est

contraint,

cié

en deux

par

cette utte sans relâche

contre es forces

du

mal

de

vient

a

pose particulière

e

ces

personnages,

arement

igurés

ien

droits,

mais

toujours

repliés

sur

eux-mêmes,

ovés

dans une

grotte

ou

une hutte

de bois même si d'aventure ls

se

tiennent

ebout,

ls conservent

ur

leur

corps

voûté

l'empreinte

e

leur

ascèse intérieure.

A ce

prix,

e

corps-bustee l'ermite etrouve necomplicitédénique vec la nature

les

lions

domestiquéspar

son

charisme,

ident Antoine

creuserune

fosse

pour y

déposer

e

corps

mortde saint Paul

(13).

Les

dragons

ont

disparu

de

cette

partie

de

la

fresque,

es démons aussi une

tranquille

sérénité

aigne

a

scène,

et Marie-Madeleine

eçoit

e

corps

du

Christ,

juste

en

bordure de

l'image

les

solitaires abordent

le

Jugement

Dernier

représenté

ur le mur

du

fond),

'âme

en

paix

(14).

-

Saint

Macaire. La

représentation

u

corps

de

l'ermite

st

toujours

l'image

d'un

corps-limite,

la

frontière ntre l'humain et le

bestial,

sur l'ourlé

qui sépare

la culture de la nature.

C'est

que

l'ermite ui-

même est un personnage omposite, n situationd'écartpar rapport

au

reste de l'humanité

15).

Saint Macaire résume à

lui

seul

cette

étrange

position.

Très souventcité

par

les

prédicateurs

e

l'époque,

il

occupe

une

place

de

choixdans

une

séquence

conographique articulière,

e Dit des

Trois Morts t des Trois

Vifs

il

est ce

personnage

ui

tendun

rouleau

couvert

d'inscriptions

ux

jeunes gens qui

forment

e

brillant

ortège.

Vieillard

barbu,

semblanthésiter ntre a

vie et

la

mort,

l

livre

son

12.Le personnageemble e faire u'unavec a roche. ur le rôle de laceinturedans l'économiedu désir, les remarquesde E. LEMOINE-

LUCCIONI,

La robe.

Essai

psychanalytique

ur le

vêtement, aris,

1983,

161

p.,

en

part.p.

15-23.

13.

Le bestiaire

antastique

ntourantes reresdu

desert

st un veritable

lieu commun

e la littérature

onastique.

oir

G.

PENCO,

l

simbolismo

animalesco

nella letteratura

monastica dans Studia Monastica

6,

1964,

p.

19-20.

14.

Quelques

nnées

avant 'exécution

e ces

fresques,

n

1329,

ietro

Lorenzetti

peint

pour

le couventdu Carmel

Sienne

un

polyptyque

monumental

dans

la

prédelle

racontant 'attribution

e

la

Règle,

l a

représenté

n

paysage

u des moines rmites

rient

t lisent

es

Ecritures

saintes

evant es

grottes

non oin

d'eux,

n

aperçoit

eux ions.Par cette

Thébaïde n

raccourci,

e

peintre

voulu

rappeler

a double vocation e

l'Ordre,

ntégrant

a

pratique

de l'érémitismeans ses statuts.

ci

aussi,

les bêtes

auvages

ont es

fidèles

ompagnons

es solitaires.

15.Sur ce point,J. LE GOFF et P. VIDAL-NAQUET,évi-Straussn

Brocéliande.

squisse

pour

une

analyse

'un

roman

ourtois ans Textes

e

et

sur

Claude

Lévi-Strausséunis

ar

R. Bellour t C.

Clément, aris,

1979,

p.

265-319;

. LE

GOFF,

Le

Désert-forêt

ans

l'Occident

médiéval,

ans

Traverses,

9,

1980,

.

23-34.

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62

message

de

pénitence

ux cavaliers arrêtésde

stupeur

devant es

trois

tombeaux

uverts

fig.

)

(16).

A

Pise,

il

tient e rôle sur l'autre

grand

volet

du

triptyque

ù l'on voit

l'ange

de la Mort menacerune société

mondaine

réunie

dans

un

jardin,

et

sur

la

gauche

la rencontre es

Trois

morts

et des

Trois vifs

Mâcaire est

figuré

out

au

bord de la

fresque, réparant

e

spectateur

la vision de

la

Thébaïde.

Au-dessus

Fig. Buonamicouffalmacco,riomphe

de la

Mort,

ise,

Camposanto,

ers 1330-

1335.

étail

SaintMacaire.

de

l'austère

figure,

e

peintre

placé

un

ermitage

devant

equel

deux

vénérables

Pères conversent

ils

complètent

e rôle

joué par

Macaire.

A

peu près

vers

es mêmes

nnées,

n le

rencontre ur

la

fresque

peinte

16.S.

Macaire st

le

personnage

bligé

du Dit des Trois

Morts

t des

TroisVifs. ur es liens ntreMacaire t l'iconograçhiee la DanseMacabre,

voir

'ouvrage

ncien

mais fondamental

e

P.

VIGO,

Le

Danze

Macabre

n

Italia,

Bergame,

901,

eprod.

nastatique

ologne, 978,

81

p,.

en

part,

p.

51-59. 'auteur

appelle u'on

a

parfois

ait

deriver

'adjectif

macabre

u

nomde Macaire.

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63

pour

e monastère

énédictin

e

Subiaco,

et

qui

traite

ussi

du Dit

des

Trois morts t

des Trois

vifs

17).

Immobilisé

dans cette

posture,

l'ermite

Macaire

condense

les

effets btenus

par

l'emploi

dans l'art

des Pères

du désert.

l est

un

corps-limite,

'abord

au niveau

le

plus

matériel,

arce

qu'il

assure

la

transition vec

la

scène

suivante

surtout,

arce

qu'il

se situe

dans

une

zone de forte

urbulence,

ntre

a vie

et la mort d'un

âge

fort

vancé,

il

n'est

plus

du monde des

vivants,

as

encore

cependant

de

celui des

morts.

C'est

de cet

entre-deux

u'il

tire

sa

légitimité

ce rôle

de

prophète nvitantà la pénitence bientôtmême, par transfert,l

désigne

a vertu

de

pénitence

Jacopo

Passavanti

'utilise

insi

dans

un

recueil de

sermons

qu'il

réunit

sous

le

titre

de

Miroir

de

la Péni-

tence

18).

A travers e

vieil

ermite,

'Eglise

récupèrepour

les besoins

de

sa

pastorale

e statut

mbigu

de cet

étrange

personnage

stable

au

seuil de

la

mort,

l

parle

aux vivants t

les

enjoint

à se convertir

la

vraie

foi

pour

gagner

eur salut.

Or,

Macaire

a le

corps

recouvert

d'un

ample drapé,

voûté

par

le

poids

de

l'âge

et

la

fatigue

des

jeûnes.

Il

apparaît

à l'intersection

e

la vie et

de la

mort,

dans cet

espace

mouvant

qui

est

fait

d'empiéte-

ment.

A cet

endroit,

l se

montre,

érangeant

e

cours

de

la

chevauchée,

introduisanta valeurde pénitence armi es membres u cortège 19)

il

est

ce

corps

défaillant et

courbé,

mais

qui parle toujours.

Il

s'échappe

de ce

corps

ramassé sur lui-même

n

imprescriptible

lan

vers

'éternel,

ne fuitehors

de la vanité

terrestre,

t

déjà plus

que

la

simple promesse

du salut

d'un seul

coup,

Macaire

dévoile l'autre

monde et

agit

sur l'âme des fidèles.

l

appartient

ces

images

que

naguère

F. A.

Yates a

qualifiées

d*

«

agissantes

,

capables

de toucher

et de

persuader

eux

qui

les

regardent

20).

17.Saint

Macaire

y

tient xactement

e mêmerôle

que

sur

la

fresque

du

Camposanto

e Pise.

La

seule

variante,

mais

elle

est

importante,

éside

dans le récitqu'on faitdu sort advenu ux troiscavaliers deux d'entreeux passent utre l'avertissementt meurent e mortviolente uelque

temps

près

l'autre n

revanche,

e

repent

t demeure vec Macaire.

La

fresque éveloppe

onc u

maximume

message

scétique,

n donnant

voir

la

glorification

e

la vie

cénobitique

n

dehors

de

laquelle

l n'existe

as

de

salut.

18.Le Miroir

de

la Vraie Pénitence

assemble es

sermons

rononces

pendant

e Carême

e l'année

354. aint

Macaire

st cité

plusieurs eprises

dans

des

«

exempla

.

Jacopo

Passavanti

apporte

insi

comment

'ermite

fait

parler

e crâne

d'un

païen

qui

avoue

e malheur

e ceux

qui

n'ont

pas

connu

e

Christ. ur

les

exempla

e

Jacopo

Passavanti,

.

MONTEVERDI

dans

Giornale

torico

di lettere

taliane,

1, 1913,

.

266-344

t

63,

1914,

p.

240-290.

uffalmacco

t son

atelier nt

représenté

et

épisode

e la

légende

de

saint

Macaire

ur la

Thébaïde

l'ermite

ouche e

crâne de

son

bâton

et

montre

a vanité es

choses

errestres.

19.

De

même,

e monstre

érange,nquiète,

t on

se le

montre

monstrevientde «monstrare). Voir les réflexionse G. LASCAULT, e Monstre

dans Vart 'Occident

Pari .

1973,

.

21 le monstre

...se

présente oujours

comme

n écart

par rapport

la nature

.

20. F.

A.

YATES,

The Art

of Memory

Londres,

966,

e

éd.,

1978,

23

p.,

en

part.

p.

93-114

trad.

r.L'Art

e la Mémoire

Paris,

1975,

.

104-114).

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64

Le

personnage

e saint

Macaire

exprime

donc

en raccourci

ce

que

le rassemblement

e la Thébaïde

montre

plus

en

détail,

a vertu

de

pénitence.

e

corps

de l'ermiten'a

de sens

que

dominé,

dépassé

dans

l'ascèse,

pour

ouvrir a voie

du

salut.

C'est aussi

sa fonction ur

les

retables,

partir

des années

1330-1340.

Corps

ordonnés

:

le retable

Vers

1330-1340,

n

peu plus

tôt,

un

peu plus

tard

suivant

es

régions

et les

ateliers,

es saints

ermites

pénètrent

ur les

panneaux

des

retables

d'autel

pour

s'insérer

armi

es

figurants

ui

formenta cour

céleste

21).

Par

rapport

la

fresque,

e retable

est une mise

en

ordre,

un classement

de l'informationt

des

informateurs,

es saints.

Quelle

est donc

a

place

réservée

ux saints ermites

t à

quelles

fins

-

La

hiérarchie

des corps

sur le retable. Dans

le cadre

élargi

du

retable,

es saints ermites

prennentplace

à

l'intérieur

'une stricte

hiérarchie.

ls

n'apparaissent

pas

encore

détachés,

seuls

sur

un

panneau,mais dans la nombreuse ompagnie es figurants,ien souvent

au

deuxième,

oire

troisième

ang.

Ainsi,

ur le

Couronnement

e

la

Vierge

peintpar

Giotto t son atelier

pour

'autel

de la

chapelle

Baron-

celli,

dans

l'église

de la Sainte

Croix,

à

Florence,

saint

Macaire

et

saint

Antoine

Abbé

figurent

errière es

anges

musiciens,

ans

la

foule

des saints

(22)

on ne voit

d'eux

que

leur

buste,

et Antoine

Abbé est

presque

caché

par

les

personnages

ui

l'entourent.

Les

saints

ermites

ppartiennent

n fait à

la

catégorie

des

person-

nages

représentés

n

buste,

à

mi

corps,

et donc

placés

sur les

marges

du

retable,

out en

haut,

dans les

gables

et les

pinacles,par

côté,

ou

bien

encore

dans

les

cartouches

es

prédelles.

ls se

rangent

armi

es

figures ompartimentées.ur le polyptyque e Giottodéjà cité, saint

Onophrius

occupe

le

cartouche

placé

à

l'extrême

droite

de la

pré-

delle

son

buste recouvert

e ses

longs

cheveux,

merge

à

peine

des

motifs écoratifs.

el

est

bien

parfois

e destin de ces

figurines

elles

finissent

ar

se

confondre

vec les détails de

l'ornementation,

t

échappent

ainsi au

regard

(23).

Pourtant

avec

l'individualisation u

rôle de

la

prédelle

après

1350,

n

prend

soin

de

détacher es

figures

21.

Depuis

a

seconde

moitié u

XIIIe

siècle,

uivant

'élargissement

es

tables

d'autel,

es retables

eviennent

e

plus

en

plus

chargés

à

un,

puis

deux

étages,

ls

se

compliquent

e touteune architecturee

galbes

et de

pinacles.

22.J.

GARDNER,

he Decoration

f

the Baroncelli

Chapel

in

Santa

Croce,

ans

Zeitschriftür

Kunstgeschichte

34,

1971, .

89-114.

23.A.

Th.

BROWN,

Non

narrative

lements n TuscanGothic

rescoes,

Ph.-D.,

issertation,

niversité

u

Michigan,

980, vol.,

476

p.

+

planches.

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65

de

leur

support

le

peintre

Giovanni

del Biondo

par

exemple,

ctif

vers

1370-1380

Florence,

dispose

au bas de ses

retables

les saints

ermites

n les caractérisant

e

leurs attributs

24).

Par leur

emplacement

dans

l'architecture

u

retable,

par

leur

aspect

aussi,

es

saintsermites ont

ourtant 'objet

d'un

regard

ntense

de la

part

d'un certain

public.

Dans

la

prédelle

ou sur les

montants

du

polyptyque,

ls sont

vus de

près,

par

le

prédicateur,

e

prêtre

ou

les dévots

qui

savent

les

y

trouver.Placés

au bas

du

retable,

ls

servent,

omme ur les

œuvresde Giovanni

el

Biondo,

l'intention e

l'officiantans un but d'édificationpar côté, ls satisfont l'exigence

nouvelle

qui

consiste à

vouloir

s'approprier

a

figure

de son saint

patron

ou du saint

favori en la détachant

de la série des autres

personnages

25).

-

Caractères

et

attributs

des

saints ermites.Très

vite

cependant,

vers

1360-1370,

urtout

Sienne

et dans

les

environs,

es saints ermites

parviennent

u

registre

entraldu

retable.Saint AntoineAbbé revient

fréquemment

cette

place

sur les

polyptyques

eints par

les

Siennois

Niccolo di Ser Sozzo et

Luca di Tommè

par

exemple

26)

il

s'impose

aussi sur les œuvresproduitespour les paroisses rurales autour de

Sienne

et

de Florence

ainsi,

ce

panneau

d'un

triptyque

émembré

provenant

e l'atelierflorentin es

frèresCione dans une

petite

église

de San Miniato

27).

Dans le

contexte

du

second

XIVe,

où le marché

des

œuvres

peintes

s'est

déplacé

du fait de la

saturationdes

églises

urbainesvers celles

du

«

contado

,

saint Antoine

rmite

toutes es

chances

de

l'emporter

flanqué

de son

cochon,

l

plaît

à un

public plus

rural,

moins

policé

(28).

24. Giovanni

el Biondo

disposeparfois,

mais

plus

rarement,

n saint

ermite u registre entral ainsi sur ÌAnnonciation,eintevers 1380

(auj.

Florence, aleries e

l'Académie)

ntoine bbé

occupe-t-il

e

panneau

à droite

u

sujet principal.

25. Sur

l'évolution

t le rôle de la

prédelle

ans le cadre du

retable,

H.

HAGER,

ie

Anfänge

es talienischen

ltarbildes,

unich, 962,

.

113

q.;

J.

GARDNER,

he Louvre

tigmatisation

nd theProblem f

the Narrative

Altarpiece,

ans

Zeitschriftür

Kunstgeschichte,

5,

1982,

.

/17-247,

n

part,

p.

225

q.

Sur

a

tendance

vouloir

'approprier

es

corps

des saints

résents

sur

les

retables,

.W.

van

Os,

Marias

Demut und

Verherrlichung

n der

Sienesischen

alerei,

a

Haye,

969,

assim.

26.

Ainsi,

ur le

polyptyque

e SainteAnne

peint

n

1367,

aintAntoine

Abbé

occupe

e

compartiment

droite u

sujet

central.

27.

Fragments

e

polyptyque,

rovenant

e l

eglise

des Saints

Jacques

et

Lucie,

ujourd'hui

an

Miniato,

Musée diocésain.

28.

Sur

ce

passage

de 1

«

urbanitas

à la

«

rusticitas

,

voirH.W.

van

OS,

The Black

Death

and Sienese

Painting:

A Problem

f Interpretation,

ans

ArtHistory, , 1981, . 237-249,n part. p. 244 sq. L'attribut abituel

saint

Antoine,

e

cochon,

ondense

lusieurs

trates

e

significations

reste

du

bestiaire

igurant

ur les

représentations

e

la

vie

érémitique

mais

surtout

ndice

de la seule

activité

conomique

utorisée

our

les

Frères

ermites e saint

Antoine

ui

élevaient

es

cochons

our

es

revendre

n ville.

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66

Sur

ces

retables,

'ermite

Antoine

n'a rien

perdu

de son

aspect

austère.Sur ce

panneau

de l'atelierdes

Cione,

l

exhorte

oujours

à

la

pénitence

enfermé

ans une

longue

robe

brune,

l

porte

e

bâton

du

pèlerin

t

les clochettes

u

prêtre

tinérant

ui

sur son

chemin,

nvite

les fidèles

venir

entendre a

parole

du Christ à

ses

pieds,

blotti

tout contre

ui,

le cochon.

Appuyé

sur son

bâton,

Antoinene

laisse

rien

paraître

de

lui-même,

t

se maintient distance

du

spectateur

comme

pour

mieux 'inviter suivre son

exemple.

Redressé

à

présent

et

pourvu

de ses

attributs,

Antoine

Abbé, l'ermite,

est seulement

intégréux catégories e la description,ellequ'on la met en œuvre ur

les retables.

Même sans être cherchés du

regard,

es saints ermites

retiennent

l'attention

es

fidèles. ls se situent

plutôt

sur

le

versant

gothique

de

la

peinture

talienne

peu présents

dans la

peinture

de

Giotto

et des

grands

giottesques,

e Maso à

Giottino,

u

réduits

un

rôle

de cheville

dans la

composition

29),

ls connaissent

n revanche

un franc succès

dans le

premier

Trecento,

ur les œuvres

d'un

Buffalmacco,

u d'un

Maître de

Figline,

'est-à-dire hez des

peintres

travaillant

n dehors

du

paradigme iottesque.

es histoires

ittoresques

es

Thébaïdes,

es

personnages

ors

du commun insi mis en

scène,

ne s'adressent

as

à

l'intellectmais au cœur ils touchent,ls émeuvent our convertiru

salut le

plus

grand

nombre.

D'une certaine

façon,

ils

sont

donc

à

l'opposé

des recherches e Giotto et de sa

boutique

(30).

Largement

représentés ar

les Siennois ouverts

au

gothique,

ls

figurent

ussi

dans le

répertoire

es

pseudo-giottesques

ui

sévissent

Florence ntre

1360

t 1390

par

leur

aspect

compact,

ls

conviennent des

peintures

archaïsantes,

ans

profondeur

t à

usage

didactique.

Cette

parenthèse

une

fois

refermée,

'est

bien

dans le filon de la

peinture gothique

que

certains

ermites

d'un

nouveau

genre,

'affirmerontu cours du

XVe

siècle.

- Saint Jean-Baptiste,n personnage part. Un ermiteun

peu

particulier

'est

individualisé

lus

tôt,

dès 1340-1350

il

s'agit

de saint

Jean-Baptiste,

e Précurseur u

Christ,

ernier

des

Prophètes

t

initia-

29.

Ainsi,

ur

e

Couronnement

e

la

Vierge

dans a

chapelle

aroncelli,

Giotto tilise es

figures

es saintsermites omme

hevilles

our

unir

a

composition

saint

Jean-Baptiste

st

repris

ans

a

prédelle,

t

saint

Onophrius

(predelle)

épond

saint Macaire

panneau

de

gauche).

30. La littérature

e l

epoque

considere ailleurs art

de

Giotto omme

plus

sérieux,

mais aussi

comme

lus

difficile

ue

celui

qui

l'a

précédé.

n

connaît a

remarque

'un des

personnages

u

Decaméron

ur

cette

peinture

qui plaît

à

l'intellect es savants t non aux

yeux

des illettrés

6e

ournée,

5e

nouvelle,

d.

C.

Salinari, ari,1979, .

444

q).

Le contrat

'une

peinturefaite ar Lippodi Benivieniers 313,ontientneexpressionssez semblable

à celle

qu'utilise

e

personnage

e Boccace on

parle

en

effet

e

figures

«

...que

multumlluminant

t aelectant

orda

t oculos

ivium

t

singularum

personarumspicientium

as

»

(dans

G.

MILANESI,

Nuovi Docuenti

per

la storiadell'arte

oscana,

lorence,

901,

.

19).

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67

teurde

la vie

érémitique

31).

Il est le

premier

apparaître

égèrement

dénudé,

a

peau

de mouton

aissant ses

bras à

découvert.

n

compagnie

de l'Enfant

Jésus,

ui-même

eprésenté

dans son

plus jeune âge,

il

évoque

l'innocence

des

premières

nnées Giovanni

Dominici recom-

mande

aux

patriciennes

lorentines

e

mettre

de telles

images

sous

les

yeux

de leurs enfants

our

leur éducation.

Adulte,

Jean-Baptiste

e

dévêt n

partie

pour

tenir la surface

du retable

e rôle du

personnage

qui indique

aux

spectateurs

a

scène

principale

il

pointe

de

son

index la

Vierge

à

l'Enfant

ou

le

Couronnement,

t

y

renvoie

les

regards 32). Sa nuditéhirsuteréponddonc aussi à la nécessitéde le

détacherde

la

morne

érie des

figurants

il

occupe

d'ailleurs

presque

toujours

le

panneau

de

gauche

dans

la

composition

33).

Ainsi,

es

saints

ermites e

sont

peu

à

peu imposés

sur le

retable,

d'abord

dans les

gables

et

les

pinacles,

puis

les

cartouches

de

la

prédelle,

nfin,

u terme du

parcours,

u

registre

entral.

Toutefois,

ils

n'ont rien

perdu

de leur

premier aspect

et sauf

Jean-Baptiste,

ils

agissent

ur le

cœur

des fidèles n cachant

eur

corps.

Corps

dénudés et

corps

contemplés

au XVe

siècle

Pourtantdans les dernières

nnées du

Trecento,

n

nouveau

type

d'image

se

répand.

Les saints ermites traditionnels

estent à

leur

place,

sans

grand

changement

en revanche s'affirment

es

person-

nages

ayant

un

rapport plus

lointain avec

la vie menée

au

désert

saint

Benoît,

et à

partir

du

XVe,

saint Jérôme.

Leur

public change

aussi,

et ne se reconnaît

lus

tout à fait

dans le

monde enchanté

de

la

Thébaïde.

- Vieux ermites,nouveauxpénitents.C'est à Florence,vers 1380-

1390,

que

la

représentation

es saints ermites

change.

Des

peintres

commeLorenzo

Monaco,

Spinello

Aretino,

iés aux vieuxOrdresmonas-

tiques

alors

en

plein

renouveau,

laborent

une veine

iconographique

différente.

31.

Sur

saint

Jean-Baptiste,

oir l'étude

de

M.

AROMBERG-LAVIN,

Giovanni

Battista

A

Study

in Renaissance

ReligiousSymbolism

dans

The Art

Bulletin,

6,

1955,

.

88-101.

32.

Saint

Jean-Baptiste

ient

insi sur

le

retable e rôle

que

joue

dans

les

pièces

de théâtre e

l'époque,

e

«

festaiuolo

,

qui

montreux

spectateurs

la scènequi se joue devant ux.M. BAXANDALL,aintingnd Experiencein Fifteenthenturytaly Oxford niversityress, 972, . 71-72.

33.

E.H.

GOMBRICH,

Moment nd

Movementn

Art dans

The

Journal

of

the

Warburg

nd Courtauld

nstitutes,

7, 1964,

.

301-302,

nsiste ur

la

place

privilégiée

e la

gauche

dans une

histoire

e la

perception.

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68

Sur les

fresques qui

ornent

'église

Sainte

Félicité,

e

camaldule

Lorenzo Monaco

rapportequelques

épisodes

de la

vie de saint Ono-

phrius,

notamment a

tentation ans

le désert.

Le vieil ermite

d'ordi-

naire recouvert

de

ses

longs

cheveux,

gît

à

présent

nu sur

le

sol,

devant sa hutte une

douce

pénombre

baigne

la

scène,

tandis

que

Dieu

apparaît

au-dessus

d'un

rocher

pour

soutenir

'ascète.

Fig.

3

Spinello

Aretino,

énitence

e Saint

Benoît,

lorence,

San

Miniato l

Monte.

Vers la mêmeépoque, SpinelloAretinopeint à fresques 'histoire

de saint Benoît

sur les murs

du couvent

bénédictin

de

San Miniato

al

Monte,

u-dessus

de Florence.

l

traite

en

particulier

'un

épisode

jusque

peu

abordé,

sauf

dans

la

miniature

la

pénitence

que

s'inflige

aint

Benoît

en se

jetant

nu

sur un

buisson de

roses

(34).

Ayant

ôté

ses

vêtements,

amassés

en tas

dans

le coin

de

l'image,

saint

Benoît est

allongé

sur

ce buisson

épineux

dans

un

médaillon

au-dessus

de

la

scène,

il

reçoit

miraculeusement

a nourriture

'un

corbeau

(fig.

3).

Comparée

aux

autres

peintures

llustrant

a

vie du

34. Sur

un

manuscrit

atin

du

MontCassin

Vat.

Lat.

1202,

ers

1072),

n

voit saint

Benoît

nu se

jeter

sur le

buisson

de roses

M. INGUANEZ

t

M.

AVERY,

Miniature

assinesi

el

secolo

XI illustranti

a vita

di S. Bene-

detto,

Mont

Cassin,

934.

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69

saint,

a

fresque

nnove

jamais

en

effet,

aint Benoît

n'avait

été ainsi

dénudé

(35).

Le

monastère

de

San

Miniato

al

Monte

est à

la

fin du

XIV*,

un

foyer

rtistique mportant our

le

gothique

international.

En

outre,

a clientèle

e

compose

de riches marchands

florentins,

n

général

retirés

des affaires

olitiques

de leur cité

ainsi,

Benedetto

degli

Alberti ommissionne es

fresques peintes par

Spinello

Aretino.

C'est

à ce

milieude

culture

t de richesse

que

s'adressent

es

histoires

de

saint

Benoît,

omme

une

conversationmondaine

qui

se déroulerait

dans la villa du

Paradis,

omptueuse

maison de

campagne ppartenant

à AntoniodegliAlberti 36). Dans ce contexteprécis, a vieillefigure

de

l'ermite

'adapte

aux

goûts

nouveaux,

e transforme

n celle

plus

à

la

mode,

du

pénitent

u

désert les valeurs

de l'Observance

rem-

portent

n vif

succès

dans

ce

public

averti.Et le courant

du

gothique

international'avèreun

excellent

upport our

es

ascètes

de

la nouvelle

spiritualité.

Les vieux

ermites,

el

saint

Antoine

Abbé,

ont

du mal à

répondre

ces

exigences.

ls continuent

ourtant

eur carrière

conographique,

plus

souvent

relégués

dans

les

compartiments

es

retables.A

Sienne,

sur

le

polyptyque

es

Jésuates

peint

vers

1444,

ano

di Pietro

place

AntoineAbbé dans

une

petite

cellule

du

pinacle

gauche

ce n'est

pas

l'ermitequi présenteGiovanniColombini,patron de l'Ordre,à la

Vierge

mais saint Jérôme

37).

Les autorités

monastiques

e

substituent

maintenant

leurs

personnages

auteur

de romans édifiantsmis en

fresque

ur

la

Thébaïde de

Pise,

Jérôme e

glisse

à la

place

d'Hilarion,

de Paul

et

d'AntoineAbbé.

-

Saint

Jérôme énitent u la

juste place du corps.

Saint

Jérôme,

austère docteur de

l'Eglise,

s'affirme

ès

la fin

du

XIVe

au centre

du nouveau

courant

de

dévotion.

l

devient très vite

la

figure

de

référence

apable

d'entraîner sa suite

les

vieux

Ordres

monastiques,

mais aussi les Jésuatesdu Bienheureux olombinide Sienne,puis ses

propres

Frères

ermites

qui

le choisissent

our

patron

(38).

Jérôme

passé

deux années

dans

les

solitudes

de

Chalcis,

non

loin d'Antioche

en

proie

aux

assauts

démoniaques, 'imposant

eûnes

et

macérations,

35.

Par

exemple,

a

prédelle einte ar

Giovanni el

Biondo

u

bas d'un

polyptyque

estiné u

mêmemonastère

e

San

Miniato,

e

représente

as

l'épisode

de la

pénitence

ue

s'inflige

aint Benoît.

Voir F.

ZERI,

Una

predella

d altre

cose di Giovanni el

Biondo,

dans

Paragone,

49,1962,

p.

14-20.

36.

F.

ANTAL,

lorentine

ainting

nd Its

Social

Background,ondres,1947,rad,tal.,Turin 960, . 301n. 188. e typeconographiqueu pénitent

au désert 'affirme

our

un

public

ourtois.

37. Sano

di

PIETRO,

Polyptyque

es

Jésuates,

ouventdes

Jésuates,

Sienne

auj.

Pinacothèque

Nationale),

444

P.

TORRITI,

La Pinacoteca

Nazionale

i

Siena.

dipinti

al XII al

XV

secolo,

Gênes,

977,

.

254

sq.

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70

il a

lui-même

squissé

le

portrait

urable du

pénitent

u

désert,

dans

une lettre

sa

fidèle

isciple

Eustochium

39).

Le

programme

conogra-

phique

est dès lors trouvé.

Fig.

Maître e a Madone

e

Buckingham

alace,

Retable

e Saint

Jérôme,

Avignon,

uséedu Petit

alais,

1460.

Au

toutdébut du XV'

siècle,

dans

la

mouvancede

Lorenzo

Monaco,

saint Jérôme st représenté ous les traitsdu pénitent 40). Pendanttout e siècleet bien

au-delà,

a fortune u

type

ne sera

pas

démentie.

38. Plusieurs

roupes

d'ermites e

placent

ous le

patronage

e

saint

Jérôme,

ès les années 1370

Pietro

Gambacorta

e

Pise fonde

insi

une

première

ommunauté

e

Frères

rmites e

saint

Jérôme,

rès

d'Urbino,

à

Cessano,

vers 1377 de

même,

Fiesole,

Carlo

de

Montegranelli

t un

Tertiaire ranciscain

egroupent

uelques

disciples.

'appellation

e Hiéro-

nvmites era

conférée

ces

groupusculeslus tard,

ous le

pontificat

e

Martin

(1417-1431).

e me

permets

e

renvoyer

our plus

de

détails ma

thèse,

conographie

t

Spiritualité

le

culte de

saint

Jérôme n

Italie

du

nord t du centre la

fin

du

MoyenAge,Paris, uin 1983,

x.

dactyl.,

h.

5

39.Emst.

XXII,

7,

dansJ.

LABOURT,

aint

Jérôme.ettres

Paris, 949,

,

p.

117-118.

érôme'est retiré ans le

désert

e

Chalcis,

ntre

76et

378.

l

rédige

ette

ettre

ers 384.

40.Ainsi,d'un peintre lorentin,ers 1400, n Saint Jérôme énitent,

auj.

Princeton,

usée d'Art

de

l'Université.

oir M.

MEISS,

Scholarship

and

Penitencen the

Early

Renaissance

The

Image of

Saint

Jerôme,

ans

Pantheon,

2, 1974,

.

134-140,

epris

ans The Painter's

hoice. roblems

n

the

nterpretationf

Renaissance

rt,

New

York-Londres,976,

.

189-203.

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71

Sans

vouloir

ci

retracer oute on

évolution,

e

me bornerai

indiquer

la

place

faite au

corps

dans ces

représentations.

e

pénitent

e

s'offre

pas

aux

regards

complètement

u

il

découvre

seulement

ne

partie

de son

corps,

la

poitrine qu'il frappe

de sa

pierre.

Ainsi,

sur le

retable

dit

de Saint Jérôme

vers

1460,

e

peintre

e

place

à

gauche

de

la

Vierge

à l'Enfant

fig.

) (41)

Jérôme

porte

la

tunique

brune des

Fig.

5 Carlo

Crivelli,

ala

Odoni,Londres,

National

Gallery,

490. étail

de

la

prédelle

Saint

Jérôme

énitent.

Hiéronymites,

ouée

par

une

ceinturede cuir

l'échancrure u vête-

ment

délimite

un

triangle

de chair

nue sur

lequel

il

s'administre

a

pénitence.

a nuditéest donc fonctionnelle.

41.Maître

e

la

Madone e

Buckingham

alace,

Retable e

SaintJérôme

1460,

glise

des Moines e S.

Jérôme,

iesole

auj.

Avignon,

usée

du

Petit

Palais).

Je me

permets

e

renvoyerour

un

plus

long

commentaire ma

thèse,

conographie

t

Spiritualité,

p. cit.,

h. 6.

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72

En

1490,

ans la

prédelle

de la

«

pala

»

Odoni,

Carlo

Crivelli

figure

le

pénitent

fig.

)

(42).

Jérôme

écouvre on

buste,

et

s'apprêtre

se

frapper

a

poitrine

agenouillé

devant e

corps

du

Christ tendu

ur la

croix,

l

se fait à son

image.

Autourde

lui,

le

peintre composé

par

touches

successives

e

bestiaire

fantastique ui

peuple

le désert les

forcesdu

mal,

le

serpent

t le

dragon

soufflant

e feu sur

la

colombe

posée

au-dessusde la

croix

43)

puis,

es animaux

bienfaisants,

a

grue

s'abreuvant

u

ruisseau,

e cerf

et le chien endormi

au

fond de la

caverne

(44)

aux

pieds

du

saint,

l'imposant

lion

témoigne

de la

maîtrise ue sonpatron obtenue ur son propre orps.Saint Jérôme

présente

une

nudité

fragmentée

t

contrôlée.

-

Le

corpsdu

Christ. Le

pénitent

uit

'exemple

du

Christ

rucifié

dans

l'iconographie

u second XVe

siècle,

Jérôme

st

agenouillé

devant

le

corps

du

Christ

qu'il

regarde

ntensément. ur la voie

difficile

e

l'ascèse,

l

tourmente a chair

sans atteindre e sacrifice

uprême.

La

nudité

fragmentée

e

Jérôme,

nlassablement

épétée

de

panneau

à

panneau,

xalte e

corps

nu

du Christ ur la

croix,

e

modèle

qui

reste

à

jamais

hors

d'atteinte.

C'est le seul corps que le peintredénude en respectant outefoisa

fragile

toffe

ouée autourdes

reins.Et ce

corps,

Jérôme eul

l'aperçoit

comme

prix

de son effort le

Crucifié ourne e

dos au

spectateur

évot

qui

contemple

a

scène. Très vite en

effet,

e

support

du

pénitent

u

désert n'est

plus

le lourd

polyptyque,

mais le

panneau

de

dévotion

individuelle

u'on place

dans sa

chambre

ou

dans

son cabinet de

travail,

u'on

regarde

en

privé.

Dans ce

nouveau

cadre

de

vision,

e

pénitent

ert

d'intermédiaire

u

dévot

qui

le

regarde

une

relation

triangulaire 'esquisse

entre e

pieux

commanditaire,

on

saint

patron

42. Carlo

CRIVELLI,

Saint

Jérôme énitent

prédelle),

uj.

Londres,

National

Gallery.

a Pala Odoni

fut

placée

dans 1

glise

Saint

François

e

Matelica

Vénétie).

43. Le

dragon

cherchant

atteindre

a colombe

l'âme

du

chrétien)

réfugiée

ur le bois de la

croix,

e trouve

déjà

sur une

miniature 'un

canon

vangélique

nluminé

l'époque

arolingienne

ans

l'atelier

e Haut-

villers

la colombe

st ci

disposée

u sommet

u

fronton,

ur

'arbre e vie

qui

couronne

e

canon

vangélique

sur es

côtés,

deux

dragons

ssaient e

l'atteindre.

44.

La

grue

t le chien

ymbolisent

es vertus e

loyauté

t de fidélité

le

cerf

st l'âme du fidèle

d'après 'interprétationatristique

u

Cantique

des

Cantiques) ui

sur

l'image,

e tourne ers e

refuge

ûr de la

grotte.

Pour une étude détaillée au bestiaire hiér

nymien,

H.

FRIEDMANN,A BestiaryorSaintJerome. nimal ymbolismn EuropeanReligious rt,

Washington,

980,

.

97-98.

e

reporter

maintenant

M. LATTANZI

t

M.

MERCALLI,

l

tema del San Girolamo ell'eremo ella cultura eneta

tra

Quattro

Cinquecento

dans

I San Girolamo i

Lorenzo

otto Castel

Sant'Angelo,

ome, 983,

.

71-107.

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73

et le Christ

mais,

l'humble

personnageque

parfois

on

représente

dans

l'image,

ne voit

que

Jérôme

énitent

il

ne

peut

encore

parvenir

à la

contemplation

u

corps

du Christ

45).

Au début

du XVIe

siècle,

e

corps

du

pénitent

'efface

our

laisser

place

au riche

dévot

qui

contemple

e

Christ mort

sur la croix.

La

relation

irecte e

passe

désormais

de son intermédiaire

il

ne

lui

reste

plus

qu'à

se fondre

dans

la nature uxuriante

ui

l'entoure.Ainsi

le

Saint Jérôme

énitent

e LorenzoLotto

est-il éduit

cette

petitefigure

sur

le devant

de la

scène,

qui disparaît

dans

le

paysage

(46)

mais

ne

retrouve-t-ilas de la sorte 'unité déniquedes Théb ides ?

Ainsi

donc,

es

saints

rmites,

lus

tard

pénitents

u

désert,

montrent

très

peu

leur

corps.

Seulement l'extrême

indu XIVe

siècle,

pour

un

public

choisi,

les

pénitents

découvrent

une nudité

coupable

saint

Benoît se

jette

sur

un buisson

de

roses,

et l'austère

saint

Jérôme

e

frappe

a

poitrine.

ls ne

méritent

as

d'apparaître

nus

aux

yeux

de

leurs

dévots,

mais ils leurs

servent

d'intermédiaire

ans

la contem-

plation

du

corps

du

Christ

étendu sur

la croix. Très vite

cependant,

la relation

e

fera

sans

eux

retournés u

paysage

dont ils

sont sortis

par

leur

ascèse,

ils avouent

'histoire

'un échec.

Mais sur

le

panneau

de Lotto, e paysageque parcourt n cavalier, ue regarde ntensément

le

spectateur,

st-il

bien de

ce monde

45.Ainsi,ur e polyptyqueeZara,peint arCarpaccio ers1487,e com-

manditaire,

e chanoineMartinMladosich,st représenté genoux aceà

saint

Jérôme

ui prie

e Christ ur

a

croix.Jérôme son buste

découvert.

46.

Lorenzo

OTTO,

Saint Jérôme

énitent, eint

n 1506

our

'évêque

de

Rossi,

uj.

Paris,

Muséedu

Louvre.

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François

JACQUESSON

L'ARGUMENT

D'ANSELME

ET LA

GENÈSE

DE

LA

DIALECTIQUE

Anselme

découvre la

formulation

de

sa

découverte

même

Convincitur

rgo

etiam

nsipiens

sse

vel in

intéllectu

aliquid

quo

nihil

ma

us cogitavi

otest,

uia

hoc cum

audit

intelligit,

t

quidquid

intelligitur

n

intellectu

est

Et certe

id

quo

majus cogitavi

nequit

non

potest

esse

in solo

intellectu

1).

Proslogion,

I.

Isoler

l'Argument

ans

sa saisissante

concision,

dissimule

ce

que

le livre

qui

le contient

évèle

aussi soudain

que

son

effet

uisse

être,

à

tel

point

qu'il

semble

physiquement

ynamiser

'intelligence,

l

est

le fruit

des

cloîtres.

l est

certainement

n mouvement

u

génie,

et

Anselme

s'est

expliqué

là-dessus,

mais

parce

que

son

inventeur

lucidement

omposé

ce

qui

n'était

usqu'alors,

comme

il

l'a

ressenti

1.

«

Même

'insensé,

onc,

oit

dmettre

u'existe

ans

'intellect

uelque

chosequi est plus grand ue toutce qu'onpeutpenser, uisquequand lentendela, l le comprend,t que ce qu'oncomprendxiste ans 'intellect.

Or,

ce

qui

est

plus

grand

ue

ce

qu'on

peut

penser,

e

peut

pas

exister

seulement

ans

l'intellect

tel est

l'Argument.

oyré

traduit

«

Or,

donc,

l'insensé

ui-même

oit

convenir

u'il

y

a dans

l'intelligence

uelque

chose

dont

on

ne

peut

rienconcevoir

e

plus

grand,

arce

que

lorsquil

entend

(cette xpression),

l la

comprend,

t

tout

ce

que

l'on

comprend

st dans

l'intelligence.

t certainement

e dont

on

ne

peut

rien

concevoir

e

plus

grand

ne

peut

être

dans

l'intellect

eul.

(

Proslogion

introd.,

d. et

trad.

Koyré,

Vrin,

e

éd., 1967).

. Ward

«

So the

fool has

to

agree

that

the

concept

f

something

han

which

nothing reater

an

be

thought

xists

in his

understanding...

(

Prayers

nd

meditations

f

St. Anselm

Penguin

Classics,1973).

Les

traductions

u

passage-clef,

liquid

quo

nihil

majus

cogitari

otest

en

copiant

a

syntaxe blique

du

quo

majus

me semblent

manquer

u naturel

ui

est

en latin.

De

plus,

t

j'espère

voirmontré

our-

quoi,

es

deux

versions

uccessives

e la formule

e sont

pas

tout

à

fait

identiquesans e texte. L'insensé en question,outes es éditions'indi-

quent,

st celui

du

Ps.

14, (Vulgate,

3,

)

«

L'insensé

dit dans

son cœur

Il

n'y

a

pas

de

Dieu . Jérôme

raduit

nsipiens,

t les

Septante phrôn,

l'hébreu

abal,

ui

est

nsensé

u

plan

moral

lutôt

u'intellectuel

u mental.

Quelque

hose

u

genre

«

le

libertin

ui-même

oit

reconnaître...

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76

mieux

tenir,

l

aveugle

le désir

pour

mieux

étreindre son

Argument

n'est

pas

moins

étrange,

ollicitant e

néant comme un

détour

pour

l'évidence e

la

Présence enfin

a

«

méthode

,

cette

patience

nfiévrée,

rassemble es

deux

termes,

e déclic résonant

dans

le vide

accueilli,

qui

dans 'oubli reformaita

mémoire,

t

découvrait lors ce

qu'il

savait

avoir

toujours

su.

Et

nous,

en le

lisant,

réalisons

l'impact

de

l'Argument,

e

même

qu'on

comprend

n raisonnement

arfois,

n une

fois,

presque

bruta-

lement,

ussi

longs

et laborieux

u'aient

été nos

essais et nos

circuits,

notre iminaire émarche, en un éclair de sortequ'il nous semble

que

c'est

au

moment

précis

le

problème

st enfinbien

posé

qu'il

se

résout,

t

à

jamais.

Ou

encore,

omme un

mot

qu'on

cherchait,

t

qui

semblait

fuir

d'autant

mieux

qu'on s'appliquait

à le

poursuivre,

parce

qu'on

abandonne

à

la fin

a

recherche t

qu'on

rend à

l'esprit

une

liberté,

e mot

revient, oudain,

ntact,

doublé

ou même

mprégné

de cette sensation

que,

tout au

long, depuis

le

début,

on a

su

quel

il

était,

qu'il

aurait

toujours

été

là,

mais comme derrièreun

voile

qui

s'épaississait

ous

le

regard,

e

voile de

Poppée

que

le désir

opacifie

et

qu'il

a

suffi

'un nstant e rétention

our

rendre

ransparent.

omme

s'il était 'écho

inattendu

'un

son

inexistant,

e

net reflet 'une

image

imperceptible.

Ouverture de

l'espace

mental

Au lieu d'insister

d'abord sur

lui-même,

e

se décrire

saturé

de

désir,

Anselme

creuse

son

vide,

avant

même

qu'il

ne

devienne un

manque.

l

tient

part

es

deux termes

e

l'alternance,

omuncio/Deum,

et c'est cette

différence

cquise qu'il explore,

n

gouffre éjà-là,déjà

su,

sinon

déjà

connu.

«

L'état

de

recherche où

il

se

place,

sinon l'état

d'esprit,est justement a différence ui se découvre entre su et

connu

la foi

d'emblée sait

que

ce

gouffre

xiste,

mais elle

ne

peut

que

le

savoir.

La foi est

un savoir d'avant e

savoir,

lle est

l'aiguillon

nécessaire

du

voyage

de la connaissance

de

Dieu,

elle n'est

pas

ce

voyage.

Neque

enim

quaero

intelligere

t

credam,

sed

credo ut intel-

ligam

3).

3. Ibidem

n

fine

«

car enfin

e

ne cherche

as

à

comprendreour

ustifier

ma

foi,

mais

e

veux

une foi

qui

m'aide

comprendre.

Mot à mot

«

Car

je ne cherche as à comprendreourcroire,mais e croispourcomprendre

(

=

trad.

Koyré).

a suite

et

findu

chapitre)

st Nam et hoc credo

quia

nisi

credidero,

on

intelligam.

Car

je

crois

aussi

que

sans avoir d'abord

cru,

e

n'aurais

pu

comprendre.

Koyré

«

Car,

e

crois

aussi

que je

ne

pourrais

omprendre

i

je

ne

croyais as.

»

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77

Ce

peut

n'être

u'une

substitution e termes ur

un

schéma

préexistant

l'ermite

voyait

Dieu

au

loin,

et

chaque

mouvement

u'il

faisait

pour

se

rapprocher

e

lui,

ui montrait

nouveau,

u seul fait

du

mouvement,

la

distance la foi seule n'est

qu'une

ancinante

ostalgie

l'ascète nves-

tissait

'expérience

ans

la vérité

lutôt ue

dans les

usages

ou

le

modè-

lement

des

habitudes,

mais

de

ce

fait sa vérité était

sentimentale,

puisqu'il

ne

pouvait

l'atteindre

que par

le ressentiment.

Anselme

quant

à

lui

«

objective

Dieu dans ce

qu'on

sait,

d'un savoir

qui

précède

son

contenu,

ans

l'intuition,

andis

que

l'ascèse

anselmienne

c'est la volonté qui se revigore dans sa tentativemême, c'est

l'intelligence.

Mais

dans ces

termes,

e schéma

ascétique

était

métamorphosé.

n

somme

et

c'est

déjà

la

substance

de

l'Argument)

'ascèse

érémitique

peut

bien ne

prouver

que

la

douleur de

l'homme

perdu,

et

pousser

à

la

folie,

u

suicide,

u

mépris

tandis

que

l'ascèse

de

l'intelligence,

au lieu

de

risquer

de

n'être

que

l'insistance

marteléed'un

corps

perdu,

l'exercice

d'intelligence ésigne

sa finalité

nvisible,

out

comme une

perspective,

même au-delà de tout

dessin,

de tout

tracé,

dessine l'évi-

dence de son

point

de fuite.L'ascétisme

pouvait

n'être

qu'une

lutte

avec l'Ange, u une monstrueuse entation comprendrest une Tenta-tive

qui,

aussi

imparfaites u'en

soient les formes

circonstancielles,

n'est

jamais

un échec.

L'intelligence

e

Dieu,

aussi minuscule

qu'elle

puisse

être,

est la

preuve

de

Dieu,

tout

de même

que

deux

points

seulement

uffisent

définir ette nfinité e

points

qu'est

une

droite.

Dans

cette

perspective,

'est

l'espace

de la foi

qui

change,

et

qui

allait

en effet e transformer

ans l'élaboration

du

«

style gothique

.

L'homme

le

plus pieux,

ce

n'était

plus

le

plus

triste,

ou

celui

qui

tuait

le mieux son

corps

dès cette vie douloureuse

le

corps

n'était

plus

forcément

oûté dans

la vallée de

larmes,

ni le

signe paradoxale-

ment

exalté du salut

la

souffrance

llait se

désacraliser,

n allait

pouvoirguérir.La portée des formulations nselmiennes st aussi

ambitieuse

que

celle

des

arcs

gothiques

dont les verticales démul-

tipliées,

u-delà des

toits,

visent

t

désigent

e

point

du

ciel.

Si Anselme est ordinairement onsidéré

comme l'initiateur

e

la

scolas

ique,

c'est

parce

que

celle-ci

est,

ni

avant-goût

es

Lumières,

ni

dogmatique

bscurantiste,

'espace

ntellectuel ù

la foi

génère

'intel-

ligible

ou mieux le moment ù l'évidence

de la

foi est

exactement

corollaire

de la

démarche

d'intelligibilité

e son

contenu.En

somme,

toute

ntelligence

evenant

a

preuve

en

acte

de

sa

foi,

devient

espon-

sable

de sa

croyance.

Déjà

Anselme

se sent

obligé

de

signaler

que,

malgré ertaines pparences, on discoursest orthodoxe. n sait quels

procès

l'on

fera,

un siècle

plus

tard,

à Abélard.Et finalement

ue

la

personnalisation

e la

croyance

débouchera à la

fois

sur les

protes-

tantismos

t les

tribunaux

'Inquisition.

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78

Car

ce

qui

apparaît

d'abord comme

«

libération

,

impose

ses

exi-

gences

si

l'intelligence

e Dieu est une démarche

ntérieure,

avantage

que

la

simple

révélation e la

foi,

enfin i

la

religion

st

intellectuelle

et

pas

seulement

ensible,

lors le contenu

de la foi

ne

tient

plus

dans

les

symboles

des

conciles,

ni même dans les

définitions

u Credo.

Il

ne

suffit

lus

de

croire.

Selon

Anselme,

u

début l

n'y

a

qu'un espace

-

et

quelqu'un qui

regarde

depuis

l'autre côté.

Au

début,

comme une

vacuité,

à

quoi

il

convie l'intellectuel vaca

aliquantulum

Deo... Intra in

cubiculum

mentistuae) parce que c'est de l'existence u de la résonancede ce

vide

qu'il

tire sa

Preuve si tu

peux imaginer

uelque

chose

quo

nihil

majus

cogitari

otest,

ela

signifie

ue

tu

peux

imaginer

u'il

y

a

cette

chose et

que

cette

chose

n'est

pas

seulement n intellectu

puisque

cette

restriction

st contraire

sa condition 'existence

donc dès

que

tu

peux

imaginer

u'il y

a

cette

chose,

c'est

que

cette chose est

-

il

s'agit

d'un exercice

de

«

raison

pure

»

et l'être

auquel

aboutit 'exercice

est

un

être-de-raison-pure

ui

se

découvre

être-pur.

l

n'est

pas

un

objet

créé

(Anselme

montre ans le

Monologion

omment

l

ne saurait

être

qu'e*

nihilo et

per

nihilum)

parce

qu'on

n'est

pas

parti

de

quelque

chose,

liquid,

mais de

aliquid quo

nihil

majus

cogitari

possit

L'être d'Anselme st d'abordun algorithme.

Aussi

la démarche

nselmienne,

on

Argument,

e

part-elle as

du

Vide comme

chose,

qui

ne serait

qu'un

autre

aliquid

une autre

fixation

obsessionnelle,

mais bien du

premier

cart d'une démarche

ui

s'engage

dans un

espace

du même

coup

libéré.

La foi

d'Anselme st

un

enga-

gement,

mais non

pas

comme un vœu

qui

se fixe aussitôt

qu'il

se

prend,

t

qui

n'était

donc

qu'un signe,

plutôt

c'est,

si l'on

veut,

plus

humble)

comme

un

sens,

quelque

chose

par

exemple qu'on

entend

avant même de

le

comprendre,

mais dont on verra

en le

comprenant

qu'on

l'avait entendu

parce qu'on

écoutait.

Le

«

mauvais

ou le

«méchant dans la théologied'Anselme, t ses prièresle montrent

bien,

ne sont

pas

tels

parce qu'ils

nient,mais

parce

qu'ils

sont

super-

ficiels

puisque,

au cœur même de la

négation,

u

néant,

'intelligent

comprend ue

cette

négation

st;

et

que

cette volonté

même

de nier

est

une

affirmation

non

possim

non

int

iliger

(4).

Mais

comprendre,

ncore une

fois

(et

malgré

la

scolastique

qui

repliera

l'un sur l'autre

pour

mieux exciser l'élan de

l'intelligence,

toujours

«

indiscipliné

,

des

«

résultats

acquis

»,

qu'il

faut

«

conso-

lider»:

lexique

scolaire...),

ce n'est

jamais

seulement

avoir-compris.

Comprendre,

'est

comprendre

n

acte,

c'est

m'engager

dans

la

com-

préhension,

n intellectu.

out de suite

je

ne

pars plus

de

rien,

et le

« vide intérieur où je me suis retiré, utant qu'une métaphoredu

néant,

est

une condition

du calcul. Commencer e

comprendre,

'est

4.

Prosi. V

in

fine

«

Je ne

pourrais

e

pas comprendre.

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79

dégager

es conditions

e

compréhension

in

intellectu

e

signifie

as

seulement

n

«

domaine

,

même

nouveau,

n

quoi quelque

chose

aurait

lieu,

un secteur ncertain

our

un être

immobile,

mais

le

mouvement

où cette

«

chose

»

se donne ieu

se révèle

être.

L'algorithme

'est

pas

seulement a table

d'un

calcul,

mais le

calcul aussi

bien les

conditions

et

l'effectuation,

e schème

dans l'action.

Aussi

ma

façon

de

comprendre

st-elle

une

façon

de me-faire-com-

prendre,

vec un

«

me

»

à la fois

accusatif

et datif.

Et

l'expression

de mon

intelligence

de

Dieu

est-elle

autant

l'intelligence

de

mon

expression.

Gratias

tibi bone

Domine,

gradas

tibi

quia

quod prius

credidi

te

donante

jam

sic

intelligo

e illuminante

..

(5)

L'intelligence

'est

pas

tant

quelque

chose

qui

est

là,

quelque

Chose,

que quelque

chose

qui

devient,

uelque

affirmation.

e

illuminante

c'est-à-dire

ue

bien sûr

j'y

suis,

et

qu'il

ne

me

reste

qu'à

trouver

de même

s'agit-il

moins

d'un

aliquid que

d'un

aliquid

quo...,

d'une

méthode.

La

phrase

ne dit

plus

tant

des

choses,

saisies

avant

elle,

qu'elle

n'est,

omme

ors de l'invention

xemplaire

e

l'Argument,

eur

processus

d'intellection

in intellectu.

es

conditions

pistémologiques,

ou gnoséologiques, e ce qu'on appellera le concept sont là : dans

ces

premières

ormulations es

logiques

de

l'intériorité,

ans

le

dégage-

ment

d'un

«

espace

mental

explorable,

dans

l'intuition

'une liberté

en recel où

penser

à

part

soi,

réveiller 'étonnement.

Et

peut-être

à encore

y

a-t-il

un

coup oblique.

La

posture

d'exi-

gence

où Anselmemet le

discours,

outre

qu'elle

évoque

en

effet

es

traits

pparemmentllogènes

ue

sont

e

développement

e la

médecine

et

des

mathématiques

lgébriques,

oncentre

a réflexion

ur ce

Dieu

abscons

qui

pourrait

n'être comme

chez

Spinoza

(mais

certainement

pas

chez

Pascal)

qu'une géante

t

puissante

provocation.

t

pour

cette

raison

elle allait

refermer ans

un

propos

unifié

a culture

latine

médiévale, ui allait s'identifiere plus en plus largement la scolas-

tique

à mesure

que

celle-ci e

sclérosait

ainsi n'est-ce

eut-être

as

un

hasard

si

c'est

vers le

temps

d'Anselme

ue

la

latinité,

ommençant

de se contracter

omme

a Peau

de

chagrin,

onne

ieu

aux

expressions

vernaculaires.

Le

dépassement

de la

logique

La

scolastique

anselmienne

articipe

n

même

temps

d'une

logique

et d'une

magie

l'algorithme

st

un morceau

de

logique

découvert

ar

caprice

-

ou plus exactement la singularité fficace, ésomptive, e

5. Ibidem

«

Merci

généreux

eigneur,

merci

ce

que

j'ai

cru d'abord

parce

que

tu le

donnais,

e

le

comprends

aintenant

arce que

tu

m'illu-

mines.

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81

Sic

quippe

semper

es ultra lia cum

semper

bi sis

praesens

seu

cum illud

semper

sit

tibi

praesens

ad

quod

illa nondum

perve-

nerunt

7).

La

Situation st d'autant

plus

intéressante

u'Anselme

ut au moins

un

contradicteur,

ans la

personne

de Gaunilon.L'idée

d'Anselme st

donc

que

quand

nous disons

aliquid

quo

nihil ma

us cogitari pos

it,

nous

comprenons

e

que

nous disons cette

phrase

a un sens

le sens

existe dans notre

ntelligence

t de ce fait cet

aliquid-quo-nihil-majus-

cogitari-possit

comme une

existence ntellectuelle.

r,

dit

Anselme,

dès qu'onadmetqu'unêtre llimité une forme uelconqued'existence,

il

faut ui reconnaître ne existence

llimitée,

onc

pas

seulement ans

l'intellectmais aussi bien

en réalité.

Gaunilonbien

sûr

réplique

sur les deux

temps.

Fait observer

u'il

ne suffit

as

qu'on

puisse

concevoir

uelque

chose

pour qu'elle

existe

l'existence

oncrète

e se

superpose

as

à

l'existence ntellectuelle

et ce

d'autantmoins d'ailleurs

pour

Dieu,

dont on ne saurait se

faire

d'idée.

En

fait,

omme dans les

paradoxes

éléatiques,

vec

qui

cette situa-

tion a

psychologiquement

eaucoup

en

commun,

'opposition

emble

irréductible s'il

s'agit

d'un raisonnement

oint

par

point,

c'est Gau-

nilon

qui

va avoirraison mais

l'Argument

st

plus qu'unraisonnement,il n'estpas linéaire, t ne se peut décomposer ans une successionde

ses

parties.

Ainsi le

dernier

point qu'objecte

Gaunilon,

que

de Dieu

on ne saurait avoir

d'idée,

a

priori,

montre

que

Gaunilon n'a

pas

saisi le fait central de

la

théologie ogique

d'Anselme

que,

de ce

fait

que

Dieu

s'échappe,

u

mieux,

de cet étonnement evant

'impossi-

bilitémême de

percevoir

ieu,

nait la

possibilité

e le concevoir

Dieu

est

au

bout de

cet

étonnement.

Non tento

Domine,

penetrare

ltitudinem uam

quia

nullatenus

comparo

Uli intellectum

meum,

ed desidero

aliquatenus

ntelligere

veritat

m

tuam

quam

credit

et

amat cor meum

8).

Gaunilon considère

que

toute

pensée

est réductible

des

objets

de

pensée,

t

qu'il

y

a

dans

un monde

d'objets

la

possibilité

d'une

logique

d'organisation.

our

Anselme,

et c'est l'essentiel de son

œuvre,

la

7.

Proslogion,

X,

extrait

«

Tu

es

toujours

u-delàdes

choses,

uisque

ce

point

où elles n'ont

pas

encore

tteint,

oi

justement

u

y

es

présent

depuis oujours,

t il t'a

toujours

présent.

La

différencentre es deux

cas

passablement

ubtile,

mais

remarquable

tandis

ue

les choses doivent

suivre e cours du

temps,

t

qu'en

somme

lles

ne sont

coprésentes

u'à

elles-mêmes

ou qu'elles

n'ont

pas

d'autre

tempsque

le

leur),

Dieu

est

constamment

oprésent

e

tout, u'on

e le

représenteccompagnantoujoursun pointdu temps, oit accompagnanthaque pointdu temps la fois

8. Prosi

I

extrait

«

Je ne

prétends as, Seigneur,

énétrer

oute ta

profondeur,uisque e

ne

saurais en

rien

ui

comparer

mon

intelligence,

mais

je

désire

quelque

ntelligence

e ta

vérité, ue

croit

et aime mon

cceur.

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82

pensée

commence

dès celui

qui

pense.

Et dès lors

la

logique

devient

plus

sensible,

oute

pensée

devient

perspective

ur la

pensée.

Anselme

invente,

u sens moderne

du

mot,

la théorie.

Il faut

nsister

ur ce

changement

e

perspective.

aunilon

n'a

rien

d'un sot

sa mise au

point

est

claire,

et fine.

Objectant

que

Dieu est

insaisissable

a

priori,

l

met en cause immédiatement e

qui

lui

apparaît purement hétorique

hez Anselme

Cur

contra

neganiem

ut

dubitantem,

uod

sit

aliqua

talis

natura,

tota ista disputadoest assumpta Postremo, uod tale sit illud ut

non

possit

nisi mox

cogitatum

ndubitabilis xistentiae uae certo

percipi

intellectu,

ndubio

aliquo probandum

mihi est

argumento,

non

autem sto

quod jam

sit

in

intellectu

meo

cum auditum

nteU

lego

(9).

Le

«

rationalisme

de Gaunilon sent

parfaitement

e

point

sensible

d'Anselme

que

si le sentiment

e l'homme

participe

de la démonstra-

tion

de

Dieu,

celui-ci finira

par

s'intérioriser

ans

celui-là,

t n'être

plus qu'une

humeur.

La

réplique

de

Gaunilon

possède

une

élégance

dialectique,

u sens

ancien du

mot,

t

une clarté

d'allure

souvent,

ui

soutiennent

a com-

paraison avec l'expression oncentréed'Anselme.Par exemple,dans

sa

discussion

ointpar point,

our

montrer

ue

la

preuve

d'Anselme

'a

pas

d'ossature

ogique

Si

esse

dicendum est in

intellectu,

uod

secundum

veritatem

cujusquam

rei

nequit

saltem

cogitari,

t hoc in meo sic esse

non

denego.

Sed

quia

per

hoc esse

quoque

in

re non

potest

ullatenus

ob iner

,

illud esse

ei adhuc

penitus

non

concedo,

quousque

mihi

argumento robetur

ndubio

10).

Il

explicite

a

critique

dans

un autre

passage

de sa

brochure,

ui

est

particulièrement

ntéressant

Nam si de

homine

liquo,

mihi

prorsum gnoto,

uem

etiam esse

nescirem,

dici tarnen

liquid

audirem,

per

illam

specialem gene

ralemve

notitiam,

ua

quid

sit homovel homines

novi,

de

ilio

quoque

secundum

rem

ipsam,

quae

est

homo,

cogitare

possem

et tamen

fieri posset

ut,

mentiente

lio

qui

diceret,

pse, quem

cogitarem,

9.

Gaunilon,

ro

Insipiente,

I,

extrait

«

(car

si l'on

ne

peut

même

as

penser ue

cela n'existe

as) pourquoi

oute ettediscussion

vec

ceux

qui

nient u doutent

u'existe

ne tellenature

De

ce

qu'on

ne

pourrait,

ussitôt

qu'on

'a

pensé,

u'être

ssuré

de l'existence

ndubitablee

cela dans 'intel-

lect,

l

m'en

fautune

preuveplus

solide

que

celle-ci

que

cela existerait

dansmon sprit èsque, 'ayantntendu,e le comprends.

10.

bidem,

V,

extrait

«

S'il faut roire

u'existe

ans

l'intellecte

qui

ne

peut

être

pensé

eulement

omme ne vérité

bjective,e

l'admets ussi

bien.

Que

de

là,

cela

existe

ussi

objectivement,

'est

impossible

t

je

ne

peux

pas

aller

usque

à,

jusqu'à

ce

qu'on

me le démontre.

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83

homo non esset

cum

tarnen

go

de ilio secundum

veram

nihilo-

minus

rem

non

quae

esset

Ule

homo,

ed

quae

est homo

quidlibet,

cogitarem

11).

Les

virgules

e

la

Patrologie

Koyré

dans

son

édition n

supprime lu-

sieurs,

vec

raison)

rendent

lus

sensible

a

manière ont

pense

'auteur

le schéma de

la

phrase

est

«

si

de nomine

liquo

aliquid

audirem,

e

ilio

cogitare

possem

et

tarnen

ieriposset

ut

homo non esset

De

ilio

non

quae

esset

Ule homo

sed

quae

est

homo

quidlibet, ogitarem

. Et

on

pourrait

ondenser

ncore

e

résumé mais

ce

qui

est

remarquable,

c'est qu'on peut parfaitementésumer a phraseen utilisant a propre

syntaxe

il

suffit

'enlever

es

incidentes

participiales

pposées,

rela-

tives,

irconstancielles

ominales)

t

de

simplifier

'armature

yntaxique

(nam,

tarnen, um,

quoque,

sed).

De sorte

que

la

phrase

entière

apparaît

ommeune

pensée

assez

simple

s'agrègent,

n alvéoles

sépa-

rables,

'instrumentation

xplicitée

de la

pensée,

qu'on peut

voir soit

comme

un effort

édagogique,

soit

comme

une

précaution

d'école.

En

somme

la

complication

des

phrases

de

Gaunilon,

qui peut

être

aussi

impressionnante

ue

leur

simplicité

eut

être

charmeuse,

st

une

complication

xtrinsèque,

t non

pas

une

complexité.

De même

que

Dieu existe

déjà, pour Gaunilon,

ans

une antériorité

ogique

en

deçàmême de la logique,de même a penséeexistedéjà, et sa formulation

n'est

que pour

s'assurer

de sa

forme,

érifier.

Tandis

qu'Anselme

nvente.

Le

processus

de l'intellection

st

sa

curiosité

t

le

ferment

e sa

curiosité,

t

l'objet

de

sa curiosité.

Mais

l'ambition

d'Anselme

n'est

pas

de classer

des

formesdans

des caté-

gories,

ni de

marquer

es

moments

uccessifs

t

donc

séparables

des

procédés,

mais de

découvrir

a

clef

qui

les

mette n

marche...

11.

bidem,

V,

P.L.

158,

ol.

245,

xtrait

«

Car d'un

ndividu

ont

'aurais

tout

gnoré,

usqu'à

son

existence,

i

j'entendais

ourtant

ire

quelque

hose,

je pourrais, race

à cette

notion

u'on

a de

l'espèce

ou du

genre, uim'apprenduec'estunhomme,u l'Homme, propos e cet ndividuussi,

par

cela

qu

l est

homme,

e

pourrais

onc

penser.

t

pourtant

l

pourrait

se faire

ue,

si mon

nformateur

'a

menti,

elui à

qui

je

pensais

ne soit

pas

un

homme

puisqu'à

ui

je pensais

omme un

homme,

hose

qui

n'en existe

as

moins,

t non

pas

de

lui individuellement.

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84

cepi

mecum

quaerere

si

forteposset

inveniri

num

argumentum

quod

nullo

alio

ad

se

probandum uam

se

solo

indigeret

12)

comme

pour

ces automates

qui

allaient

devenir à

la mode

à

l'âge

gothique voyez

Baltrusaïtis)

parce qu'on

était

stupéfié

u'un

mouve-

ment nitial

unique,

a

clef ou

le

courant

iquide,

ngendrât

es

mouve-

ments

divers,

nimât une

multiplicité

'oiseaux

dans

un arbre

factice,

et

fîtsentird'une

façon

si

aptement

aradisiaque

que

la forêt

ntière

ne

vivait

que

d'une

âme.

Cela

impliquequ'en

retrait e la série

numérique,

xiste

un nombre

d'avant l'un, car le permieroiseau n'est déjà plus tous-les-oiseaux,

mais seulement e

premier

d'une série

et l'Un

de la

démultiplication

car

ce

qui

multiplie

n

mouvement

ans

une

répétition

e

l'identique

mouvement,

st autre chose

qu'un

mouvement.

e sorte

que

le zéro est

bien dans

l'addition e

qu'est

'un dans

la

multiplication,

a clef

de

toute

opération

de cohérence.

Quo

nihil

ma

us.

Trajectoire

et

puissance

de la

négativité dialectique

Si les automatesviennent, omme la médecineet sa chimie, es

mathématiques

t

leur

zéro,

de

l'extérieur

et

«

l'extérieur

,

à ce

moment,

st

surtout

e monde

politiquement

rabe,

avec

ses

compo-

santes

multiples),

ela

signifie

'abord

qu'il

leur

a été fait une

place,

qu'il

s'est

opéré

très

«

anselmiennement

une ouverture

ntérieure

ù

accueillir

a nouveauté.

Rien d'étonnant

ue

ce fûtcette

nouveauté

ui,

elle

aussi,

magnifiait

t

expérimentait

es

opérations

synthétiques.

Mais sous

un autre

angle

la démarche

d'accueil,

'invention

nsel-

mienne,

st

réellement

ndogène,

t même

représente

e dernier

point

possible

d'un

parcours ogique,

a dernièremue

et

la

métamorphose.

12.

Proslogion,

réface,

xtrait

«

Je

commençais

me demander

'il

était

possible

de

découvrir

n

argumentndépendant,

ui

soit

à lui-même

sa

preuve...

L'ensemble

e

la

phrase,

itée

plus

loin

dans

l'article,

st

«

...qui

oit à

lui-mêmea

preuve,

t

qui

suffise

assurer e

lui-même

u'en

vérité ieu

existe,

u'il

est

le bien

suprême,

épendant

e nul

autre,

mais

dont out

dépend

our

tre t être

bien,

y

compris

e

que

nous

croyons

e la

divine ubstance.

La suite

est très

remarquable

«

Alors,

ouvent, 'y

consacrais

oigneusement

a

réflexion,

t

tantôt

l

me semblait

ue

ce

que

je

cherchais

llait

pouvoir

tre

saisi,

tantôt

ela

échappait

otalement

ma

pénétration;

inalement,

bandonnant

out

espoir,

e

voulus m'arrêter

à,

puisqu'il

semblait

ue je

cherchais

ne chose

dont

la

découverte

tait

impossible.

our

que

mon

esprit,

ccupé

nutilement,

e

soit

pas

empêché

de se

consacrer

d'autres

objets profitables,

arce

que je

voulais

me

débarrasser

otalement

e cette

recherche,

lle

se

mità s'incruster

e

plus

en plus avecune importunensistance.nfin onc,un jour,alors que ie

m'étais

puisé

résister

igoureusement

cette

mportunité,

u milieu

de

cetétat

ontradictoire

e

mesréflexions

e

présenta

e

dont

'avais

désespéré,

suffisamment

our

que je

saisisse

soigneusement

'ensemble

de

cette

réflexion

ue

j

avais

repoussée

vec ennui.

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85

Anselme

«

utilise deux

expressions-clefs

d'une

part

quand

il décrit

le statut

épistémologique

e son

argument

unum

argumentum

uod

nullo alio ad se

probandum

quam

se solo

indigeret

premium

du

Proslogion)

d'autre

part

dans

l'argument

ui-même

credimus e

esse

aliquid quo

nihil

majus cogitati

possit, repris

aussitôt

comme

une

formule

synthétique

insipiens,

cum audit hoc

ipsum quod

dico

aliquid

quo

nihil

majus cogitari

potest

(ibid., I).

Dans

les

deux

cas la

complexité

e la formulation

st un

ressort

pour

a suite

de

l'expression.

u lieu de unum

argumentumuod

nullo

alio ad se probandum uam se solo indigeret,ui paraît plutôtredon-

dant

(Gaunilon

y

a vu du

bluff

n'y

a-t-il

pas

là trois

expressions

différentes

e la réflexivité

solo,

nullo alio

quam

se,

quod

ad se

/),

Anselme urait

pu

dire

argumentum

uod

se solo ad

se

probandum

indigeret,

u même

quod

ad

probandum

eipso indigeret,

tc. Ainsi

penserait

un

Gaunilon

qui

raisonne

à

partir

de sa

propre

syntaxe.

Mais c'est oublier

que l'Argument

'inscrit

dans

un

développement

quod

nullo

alio

ad se

probandum

quam

se solo

indigeret,

t

solum

ad

astruendum,

uia

Deus

vere

est,

et

quia

est

summum

bonum nullo

alio

indigens

t

quo

omnia

indigent

ut sint

et

bene

sint, t quaecumquede divinacredimus ubstantia, ufficeret

se

retrouvent

uccessivement

olo,

dans

solum,

d

probandum

ans

ad

astruendum,

ullo alio

indigeret

ans nullo

alio

indigens,

t le se

dans

l'expression

énérale

de

la totalité

ous trois formes

summum,

omnia,

quaecumque

ou

dans

sufficeret.

'Argument

st

devenu

méta-

phore

de Dieu.

Notre

Gaunilon

(ou

l'analyste

swiftien

qui

s'abrite

derrière

ui)

aurait

pu

remarquer

que

les

expressions

multiples

de la

réflexivité

composent

bien

une

complexité,

t

ne sont

pas

seulement

ne

juxta-

position

ompliquée

nullo

alio,

au

départ

de

la

formule,

quilibre

e

quam se solo à la fin,mais selon une pente subtilequi èst comme

une version

du

se

probandum,

ar

si nullo alio

peut

être considéré

comme un

équivalent

de se

solo,

il

y

a dans le

alio

l'ouverture

u

quam

de

sorte

qu'en

effet

ullo

alio,

sémantiquement

t

syntaxiquement

en

attente,

ia le se

probandum,

st

bien l'ouverture

e ce

qui

va se

refermer

ur le se solo. Un

mouvement st à

l'œuvre u cœur de cette

apparente

ymétrie.

Cette

syntaxe

du

quam

est

dans la droite

igne

de

l'évolution

ui

mène

du

classique

non

aliud nisi

au

non

aliud

quam impérial,

ù alius

est

considéré

omme

un

comparatif.

ourquoi

Parce

que quand

Plaute

dit longealiterest amicus atque amator (13) il pose les deux termesamicus

atque

amator

puis

la différence« un ami et un amant,c'est

13.Tru

171,

itédans

Ernout

t

Thomas.

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86

tout différent

;

aussi dans

ce cadre

l'expression

e

la

différence

st-

elle

homologue

de celle

de la

similitude

virtuseadem

in homine

c

deo

est

(Cicéron,

eg,,

,

25)

«

chez les hommeset

chez

les

dieux,

a

vertu

st

la même . Mais

quand

on se

met

à observer

des différences

plus

fines,

es nuances

ou,

ce

qui

psychologiquement

st

fort

proche,

qu'au

lieu de

poser

d'abord

la

différence,

n la

parcourt

n

la

disant,

les

deux momentsde

la

comparaison

'opposent

moins

qu'ils

ne se

complètent,

t l'on

rejoint

e

cadre

d'une

syntaxe

discursive,

u lieu

d'une

parataxecatégorique.

l est

remarquable

ue

les tournures

éga-

tives aient eu dans cette transformationn rôle essentielcar, s'il est

logique

que

la

parataxe

du

type

de

longe

aliter

est amicus

atque

amator,

oit

déséquilibrée ar

la

négation

et

l'on retrouve

ci

le

sens

de la «nuance» : non

longe

aliter...),

t évolue

en

syntaxe,

a

négation

va

traverser oute

'évolution e

cette

syntaxe

usque

chez Anselme ù

elle est

fondamentale

nullo

alio ad se

probandum

quam

se

solo

indigeret.

ci la nuance

a

rejoint

l'essentiel.

La

négation

sur

quoi

démarre

Y

Argumentum,

st devenue on

moteur

même,

t

la

dynamique

de sa

syntaxe,

u

de sa

pensée

et comme

l'Argument

st

une méta-

phore

de

Dieu...

L'Argument,

liquid

quo

nihil

majus cogitari

possit,

ou

bien sa

méthode, uod nullo alio ad se probandumquam se solo indiceret,

se fondent

ans cette

puissance

spéciale

de la

négation,

dans

l'inflé-

chissement

dynamique

qu'elle

donne

à

la

pensée.

«

Contempler

u

penser

rien a

donc

une

signification

dira

Hegel

dans la

Logique

de

l'Etre et Descartes

avait

réagi

semblablement,

nfermé

ans

son

poêle.

Mais

l'impulsion

ue

donne

la

puissance

de nier vient

de

plus

loin

elle

affleure

ettement

hez

Anselme,

t

comme u

termede la

carrière

souterraine

u'elle

a menée à travers

a

syntaxe

atine.

La

latinité,

oin

de s'effondrer

ous les sabots

des

Attila,

procède

loin

au-delà,

t inversement

es

Lumières,

e

Rationalisme,

rouvent

eur

sourcebien en-deçàde la Renaissance.

La latinité

politique,

de toute

évidence, 'a

pas

été la seule latinité, as plus que la Grèce n'avait été

seulement

olitique

le

pouvoir

d'autres

ressorts

ue

ceux

qu'il

s'ima-

gine,

d'autres

visages

que

ceux

qu'il

se donne.

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Anne

BERTHELOT

LA « MERVEILLE »

DANS

LES

ENFANCES LANCELOT

Dans

le

Chevalier

la

Charrette,

hrétien

de

Troyes

ntroduit

n

nouveau

personnage,

usqu'alors

inconnu dans

la

littérature

arthu-

rienne

: il

s'agit

de

Lancelot

du

Lac.

Parfait

représentant

e

la

«

fin'

amor»,

il

accomplit

a libérationde

la reine

Guenièvre,

nlevée au

pays

de

Gorre

par

le

chevalier

Méléagant

et

la

reine,

près

avoir fait

jouer

sa

toute-puissance

e

«

domna

courtoise,

lui accorde son

amour. Le

couple

Lancelot-Guenièvre

st dès lors

promis

à

un

bel

avenir

ittéraire,

t va rivaliserde célébrité

vec

celui

que

composent

Tristan

et Yseult. L'intérêt

pour

Lancelot

est si

grand

qu'il

est le

personnage rincipal si tantest que cettenotion it un sens au Moyen

Age)

et

éponyme

du volet central du

cycle

du Lancelot-Graal.

es

amours

avec

la

reine

y

sont racontées

onguement,

t

il devient 'autre

part

le

père

de

Galaad,

le chevalier

parfait

voué à

accomplir

les

merveilles u

Graal,

que

met au monde

a

«

Belle

fille du roi

Pêcheur,

se faisant

passer grâce

à des

artifices

magiques

pour

Guenièvre.

Roman-fleuve

t

roman-somme,

e Lancelot

proprement

it com-

mence avec les

«

Enfances de

Lancelot,

au

moment

où celui-ci

est

enlevé

par

une

«

fée

après

la

mort

de son

père,

«

déshérité

par

son

ennemi e roi Claudas. Les cousins de

Lancelot,

redoublant

e

fil de

la

narration, ejoignent ientôt 'enfantmerveilleux ans l'AutreMonde

mais leur

jeune âge

les exclut

du

champ romanesque,

qu'occupent,

jusqu'à l'âge

de

l'adoubement,

es combats

menés au nom des

enfants

par

des barons

fidèles leurs

pères

contre

'usurpateur,

laudas

de

la

Déserte.

Devenu

chevalier,

Lancelot

est

immédiatement

ésigné

comme

devant

être le meilleur hevalier

du monde

les

épreuves

es

plus

difficiles

ui sont

réservées,

t

parmi

elles,

celle

de la Doulou-

reuse

Garde,

le

chevalier

vainqueur pprend

son

propre

nom,

qu'il

ignorait

usqu'alors,

en soulevant

dans un

cimetière

magique

la

pierre

de

sa

future tombe sous

laquelle

est

gravée l'inscription

ui

le

baptise

1).

La critiques'est intéresséede manièreprioritaire ce que l'on

appelle

«

effet e réel

dans le cours du Lancelot

l'exactitude

e la

1. Noustravaillons

ur e tomeVII de

l'édition

Micha,

roz,

1980.

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88

chronologie, articulièrement

ans

la

première

partie

du

roman,

a

transformatione Lancelot

en

modèle

des

amants

courtois,

e tableau

saisissant d'un

conflit éodal...

Cependant,

out

un

aspect

du roman

et de la

personne

de Lancelot est

passé

sous

silence,

et

peut-être

l'écriture u

texte lle-même

ésite-t-ellentre

me

«

version

réaliste,

courtoise, éodale,

t une

«

version toute

mprégnée

e

surnaturel,

ui

se

souvient

que

le

«

Livre

de

Lancelot

n'est

qu'une

«

branche

du

grand

«

Livre du Graal ».

Certes,

dans ce début

du Lancelot

le

Graal

est bien

loin a-t-on ssez

glosé

sur

le tour

de force

qui

consistait

à réunir n un toutdes œuvresd'inspirationussi différentesue le

Lancelot t

la

Queste

del Saint

Graal le roman

de la

chevalerie

rofane

et

celui de la

chevalerie

celestielle

? Mais les

«

merveilles

du Graal

même si elles ne sont

pas présentes

ous

un

quelconque déguisement

dans cette

première

artie,

ont

en tout

cas

pressenties, réfigurées

our

reprendre

ne formule

ui

s'accorde à

la mentalité

médiévale,

ar

les

merveilles

de

Lancelot,

celles sans

lesquelles

le fils du

roi Ban

de

Bénoïc,

et

plus

tard le chevalier

«

nouveau

,

ne seraient

rien,

rien

qu'un

«

vallet hardi dont le

«

conte

ne

parle

guère,

parce

qu'il

en

ignore

e

nom.

C'est la merveille ui crée Lancelot c'est elle qui le baptise, deux

niveaux,

en lui révélant

son

nom et en

lui

procurant

on

surnom.

C'est elle

qui

le

désigne

comme

1'

«

Elu ». Et

pourtant

ette

merveille

fondatrice 'ose

pas

dire son nom.

Partout

l'énigme,

e

mystère,

e

surnaturel,

ourraient

'introduire,

u

auraient outnaturellement

roit

de

cité,

un discours

rationalisant

rassure le lecteur

tout

ceci

est

très

normal,

l

ne

s'agit

que

d'un

problème

de vocabulaire.

Cependant,

il

n'est

pas

aisé de maîtriser

'exubérancede

la matière

merveilleuse.

où l'on croit

que

toutes es traces

ont

été

effacées,

éapparaissent

des

images,

des

structures,

es

souvenirs

d'un texte

autre,

qui

ne

fonctionnait

as

selon cette

logique

de la

psychologie

umaine.Alors

le romanpeut renoncer un effortpparemment ain, pour choisir

clairement e

parti

de

la merveille...

mais

en lui conférant n

«

sens

»

déjà

recensé,

une orientation

schatologique

ui l'apparente

u mer-

veilleux

hrétien, u,

au

moins,

au

merveilleux

érétique

mais tacite-

ment

dmis du Graal et des

prophéties ui

en annoncent

a révélation.

Nous

nous

attacherons

lus

précisément

ci au

temps

de

la mer-

veille

sauvage,

qui

ne s'avoue

pas

comme

telle,

dans ces

«

Enfances

où tous les

fils e

nouent,

ui

dessinent e roman

usqu'à

La Mort

le

roi

Artu,

et où

pourtant

rien ne

s'est

encore vraiment

passé.

La

merveille tteint

Lancelot à

deux momentsde sa

formation,

orsqu'il

est enlevépar la Dame du Lac et passe dans l'AutreMonde, t lorsqu'il

est

confronté

ux

épreuves

de la

Douloureuse

Garde,

à l'issue

des-

quelles

il

conquiert

son

identité et sa

fonction.La Dame du

Lac

présente

outes es

caractéristiques

e

a

«

fée :

apparaissant

sur

la

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90

Manifeste

xagération,

ui

rend Merlin

usticiable

d'une

accusation

de

sacrilège,

mais

porte

u

compte

de la naïveté t de son

public

toutce

qui,

dans

les

«

merveilles de

Merlin,

xcède sa fonction

rophétique,

admise seulement

our

être

intégrée

un

système

héologique ui

se

veut

«

scientifique

et

«

orthodoxe sans réussir à

l'être vraiment.

Reste

la

question

délicate de la

naissance de

Merlin

le texte

passe

rapidement

ur

ses

activités

ultérieures,

la fois

parce

qu'elles

ne

cadreraient

as

avec

l'image qu'il

veut donnerdu

personnage

t

parce

que trop

de merveilles ntrent n

jeu

dans

la

version

officielle. u

contraire l prendbien soin de « banaliser autant que possible les

origines

e

Niniane,

damoisele

de Petite

Bertaigne

,

qui

n'a rien

que

de

très humain

et

prétend

devoir

prendre

des

précautions our

éviter

que

son

père

ne la

tue

en la trouvant vec un amant.

La

science

que

Merlin ui

communique,

lle

1'

«

escrit n

parchemin

,

car avant même

d'entreprendre

es

«

études

supérieures

,

«ele savoit

assés de lettres

:

sa culture

magique

ne vient

qu'en

second lieu

et

passe par

la mise

en

écrit

qui

d'une

certainemanière

a

rachète

t l'officialise. ucun détail

-

prudemment

-

n'est donné sur

la

méthode

utilisée

pour

«

engi-

gnier

t seeler Merlindans

la

forêt

de Damantes les termesmêmes

employés

dans

ce

passage

ne

font

pas

référence

un

enchantement,

mais peuvent oncerner me ruse toutehumaine, t plus précisément

toute

féminine,

uisque

dans ce

passage

c'est le souvenir

du

«

Sage

trompé ar

une femme

(2)

qui

domine 'élaboration

omanesque.

Après

l'identification

aconique

de

Niniane avec la demoiselle

du

Lac,

les

difficultés

ecommencent,

ar

il

faut

de fait

prendre

n

compte

ce

lac et

par conséquent ntégrer

n motifde

folklore

eltique,

celui

de

la

fée

au

bord

de l'eau et

de

l'Autre

Monde,

dans le cadre

nettement

moins

poétique

d'une

guerre

e successionféodale.

i Lancelot 'avance

trop

oin dans l'univers

urnaturel,

l deviendra

ifficile

e

l'en

ramener

ensuite

pour

défendre t

exhausser a cour d'Arthur.

Le lac ne peut donc être une véritableporte sur un univers sur-naturel, ne sorte d'Avalonenclavé au cœur mêmede la Petite Bre-

tagne

il

est alors

réduit à un

mirage

c'est la

signification

ouvelle

qu'acquiert

le

mot

ď

«

encantement

: il n'est

plus

question

de

«

nigremance

et de

magie

à

proprement arler,

mais d'un

art

de

modifier

es

apparences,

ans

que

la réalité soit réellementmodifiée.

L'évolution

st

analogue

à

celle

que

subit

Mandrake

3),

le

magicien

e

bandes

dessinées

dans ses

premières

ventures,

l

accomplit

n certain

nombre

de

prouesses

exceptionnelles, ui

font

appel

à des talents

2. Voir

ce

sujet

e Lai d'Aristotet tous

es textes

ui

s'y

rattachent,

ù

un « sage (Aristote, alomon,Virgile...),malgrétoute sa sagesse,estfinalementéduit merci ar «engin de femme.'exceptionnelleéputation

de la femme e

Salomon

st

même

ondée ur ce talent

articulier

ui

lui

permet

e

supplanter

n la

personne

e son

mari

oute

a

sagesse

du monde.

3.

Cf.

Mandrake,

ol.

3

(années 142),

Paris,

Futuropolois

984.

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91

variés,

inon

expliqués

en

détail...

Puis,

au fil des

années,

une sorte

de

volonté

e rationalisation

'empare

des scénarios

ui

mettent

'importe

quel

haut fait

du

«

magicien

(qui

ne

l'est

plus

guère)

sur

le

compte

de sa

«

puissance hypnotique

:

l'hypnotisme

st

apparemment

la

mode,

et

il

est

perçu

comme rassurant

pour

le

lecteur

«

sérieux

qui

ne saurait croire

à des

pouvoirs

magiques

nexpliqués.

e dessinateur

use et abuse

dès lors des dessins

en

pointillé,

ui

montrent

u

lecteur

ce

qui

se

passe

«

en réalité

(le

texte

d'accompagnement

nsiste

là-dessus)

ependant

ue

le dessin normal

reproduit

e

que

les

malfai-

teurs de servicecroientvoir sous l'influence e Mandrakedont les

yeux

ou

les mains

lancent

de

petits

éclairs

supposés

représenter

a

force

hypnotique.

'

«

encantement

devient

de

la même

façon

la

«

force

hypnotique

du

Lancelotet

permet

la Dame du

Lac et à ses

damoiselles

d'aveugler

eurs

adversaires

par

des

«

semblances

mer-

veilleuses,

t

au texte

de conserver

ous

les

avantages

dramatiques

de

la merveille

out

en restantdans

les

limites

du réalisme.

Et

c'est

ainsi

que

l'énigme

du Lac

est

cavalièrement

xpliquée

en

quelques

lignes

«

La

dame

qui

le nourisoit

nule fie

s'en forest

non,

grandes

et

parfondes,ne li lays ou ele sali atout lui, quant ele l'enporta,n'estoit e d'encantement on.

(...)

En chel lieu ou il sambloit

que

li

lays

fust

plus grans

et

plus

parfons

voit la

dame moult

beles

maisons

et

moult-riches.

t

el

plin

desous

corut

une riviere

mout

plentiveuse

e

poison

si estoit

chis

herbergemens

i chelés

que

nus

ne

le

peust

trover,

ar

la samblanche

del lac le

covroit i

que

veus

ne

pooit

estre

(p.

44).

Le lac est

ainsi

ramené

u

rang

d'artifice

tratégique,

ui permet

la

Dame

de rester

l'abri

dans son

fief

n cette

période

troublée.

Cependant

une

fois

que

le

principe

du

lac

comme

mirage,

«

sam-

blance

»

trompeuse,

st

posé,

on

a

tendance

l'oublier

Lancelot

certes

est élevé

à l'écart

des barons

de

Petite-Bretagne,

ais

il

ne

semble

paspasser ses journées entières l'intérieur u Lac. Sa rencontre vec

le

chevalier ans cheval

et le

vavasseur

à la venaison

en

témoigne

il

n'y

a

pas

de

solution

de continuité

ntre

le monde

extérieur

t

l'univers

e

la

Dame du

Lac,

qui

a

bien oublié

entre

emps

a

première

nature

féerique.

A croire

que

ce

mirage

disparaît

en

cours

de

récit,

auf au

cas

pour

une

raison

esthétique

l

paraît

ntéressant

e

le faire

réapparaître,

d'ailleurs

comme

simple

topos.

Le

motif

folklorique, près

avoir

joué

un rôle

plus

ou

moins

habile

dans

le

démarrage

du

récit,

devient

un

pur

ornement,

t dans

une certaine

mesure,

n

ornement

mbarrassant,

témoind'un stade antérieur u textequi correspondait une signifi-

cation

différente,

ésormais

ncompréhensible.

e lac reste résolument

hétérogène

la matière

hevaleresque

u Lancelot

Il

n'est

pas

utilisé

au

maximum

de

ses

possibilités,

l

reste

en

quelque

sorte

«

hors-

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92

texte

,

hors

du

véritable

temps

romanesque

qui

commence

quand

Lancelot

quitte

le lac

pour n'y

plus

revenir,

t

ne

plus

en

garder

d'autre souvenir

ue

le surnom

ue

lui attribue

par

un

coup

de

force

complice

une autre manifestation

e la

merveille

mal

domestiquée,

c'est-à-direa tombe

de la Douloureuse

Garde.

Plus

significatif

ncore

du

statut

ambigu

de l'élément

merveilleux

dans cette

partie

du

cycle

de

la

Vulgate

4)

est le traitement

éservé,

toujours

dans

la mouvance

du Lac

et

des ses

habitants,

la

métamor-

phose

en

lévriers

des

deux enfants

Lionel

et

Bohort.

L'épisode

a en

lui-même ne portéeconsidérable il est à l'origine es luttes féodales

entre Claudas

et les

barons

fidèles,

'est-à-dire

u'il

rend

possible

le

discours

théorique

ur

la

chevalerie,

t autorise

le manuel

de

droit

féodal

llustré

par

des

exemples

que

constitue

a série

de

batailles,

de

débats,

de

promesses

t de

trahisons

ournant utour

du meurtre

es

enfants

par

Claudas.

Au moment

de

faire

la

paix,

le

serment

que

réclame

encore

celui-ci,

'est

que

les

barons et

Pharien

n'aient

pas

eu

de nouvelles

des enfants

5).

On

peut

partir

de

ce serment

par

l'inter-

médiaire

de Léonce

de

Paerne,

es

barons de

Gaunes

et

Pharien

ui-

même ont des

nouvelles

des

enfants,

t des

nouvelles

excellentes

pourtant, e chevaliermodèle qu'est Pharien,toujours parfaitement

respectueux

es lois de la chevalerie

et,

contrairement certains

de ses

«

alliés

»,

respectueux

non

simplement

e

la lettre

mais

de

l'esprit

de

ces lois

-

ne semble

pas

en tenir

compte

on

continue

à accuser

Claudas,

et on continue

se battre.

Peut-être

arce

que

la

situation

de

crise

a révélé

l'antagonisme

fondamental

ntre

l'usurpateur

t

les vassaux

de

l'ancien

roi. Mais

peut-être

ussi

parce que

l'enlèvement

es

enfants,

eur

métamorphose

et

leur salut

ne sont

pas

compatibles

vec

l'universoù

se

meuvent

en

général

Pharien

t les

barons.

La

disparition

es

enfants

st

expli-

quée

et

donnée

à voir

au

lecteur,

qui

l'interprétation

agique

est

donnéed'embléecomme a seule correcte.Mais la natureromanesque

de

personnages

comme

Pharien,

Lambègue,

Claudas,

leur interdit

l'accès

à cette

nterprétation.

elon

leur

lecture

du

texte,

es

enfants

ont

bel

et bien été

enlevés

par

le

roi,

dissimulés

uelque

part

ou

tués.

Claudas,

en raison

de ses

rapports

avec

l'Autre

Monde,

est

à

même

non seulement

de constater

e

phénomène

magique,

mais

de

le com-

prendre

ou du

moins

de

comprendre

u'il n'y

comprend

ien

et

qu'il

4.

Autre

om donné

u

cycle

du

Lancelot-Graal,

ui

comporte

stoire

del Graal

n

prose,

n

Merlin

vec

sa

Suite,

e Lancelot

la

Qeste

del Saint

Graal

t

la MortArtu.

5.

p.

217

«

...mais

vant

vous

requier

om a

mes

hommes

ue

vous

les .III. prisons ue vous avésde moimefaites endre,u vousme urerés

sor sains

que

vous des

enfans u

roi

Bohort e

savés

rien,

ne

de

lor

mort

ne

de lor vie.

-

Sire,

fait

Leonches

c'est-à-dire

elui

qui

a en

personne

rencontré

es

enfants

uprès

de la

dame

du

Lac],

des

enfants

e savons

nous

rien

t

enseurquetout

ous ne nous

baillastes

mie

vos

prisons.

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93

n'est

pas responsable

Les

autres

refusent

'impossible

e

la

magie

qui

s'est

produit

devant

eux,

l'effacent

e

leur

conscience

et

agissent

«

comme si de

rien n'était

,

comme si les

faits s'étaient

déroulés

conformément

leurs

présupposés.

eux-ci

omposent

ne

grille

d'inter-

prétation

xtrêmement

élective

l'irruption

e

la

logique

de

l'autre

monde,

u

sens

propre,

u

Lac

de

la

fée,

ne

peut

y

trouver

lace.

Deux

matières

romanesques

e

croisent

l'une structure

'autre,

mais à son

insu elles

ne

s'interpénétrentamais,

et continuent

fonctionner

parallèlement,

veugles

et

sourdes

l'une à

l'autre.

Il fautnoterpar ailleurs que l'enchantementui-même, ui reste

naturellement

nexpliqué

6),

est traité

avec une

grande

rapidité,

t

supplanté

d'emblée

dans

l'esprit

du lecteur

par

l'acte

courageux

de

Saraïde deux

lignes

à

peine

sont

consacrées à

l'enchantement,

lors

que

l'attaque

de

Claudas et

la blessure

de la damoiselle

ont

toutà fait

circonstanciées

«

...mais

neporquant

el

commandement

a damoiselle

i

sovient,

si

jete

son enchantement

t

fait

resambler

es.II.

enfans

s .11.

evrier

et

li doi levrier

rent

a samblance

s. .11.

enfans

che

fu

avis

a tous

chaus

qui

les veoient

Et

li

rois

vient,

i court

as. .II.

enfans

que

ele tenoit

t haucha

'espeepor

ferir. t ele se

lanche

encontre,

ont

ele fisthardement ropoutrageus et li caus deschent or son vis

si

pres

des

puins

le

roy

que

li

heus

l'en

fiert

n

mi

le

vis,

si

li

trenche

out

e cuir

et la char

tout

contreval

armi

e destre orciel

dusques

el

pomel

de

la

joe,

si

que

onques

puis

ne

fu nul

jour

qu'il

n'i

parut

apertement

(p.

119).

Si l'on

compare

une

illusion,

de surcroît

peu

durable,

et la blessure

dont

témoignera

oujours

une

cicatrice,

l

paraît

évident

ue

la seconde

pèse

d'un

poids beaucoup

plus

lourd

pour

l'avenir

du roman.

L'atta-

chement

ltérieur e

Lionel

pour

Saraïde

n'est

pas

fondé ur

'enchante-

ment

qui

l'a

dérobé

à

la colère

de

Claudas,

mais

sur

«

la

plaie

»

qu'elle

a

reçue

«

por

[le]

desfendre

e mort

et

garandir

:

l'aspect

magique

de l'aventure st passé sous silence,pour faire place à un système

idéologique

basé sur

le

«

guerredon

:

le

roman

affecte

e

n'être

que,

toujours

t

exclusivement,

hevaleresque.

Il reste

ainsi

une zone

d'ombre,

n

mirage

ustement,

ur

l'origine

du

roman

la

chevalerie,

n

la

personne

de

ses

représentants

es

plus

accomplis,

t

le texte

qui

en constitue

a

mémoire,

oivent

a

vie,

au

sens

propre,

l'intervention

e

la

magie

et du

surnaturel.

'est

un

peu

comme

si

le roman

avait

changé

de

dimension

dans

un autre

monde,

6.

D'ailleurs,

es

membres

e l'escorte

e la damoiselle

u

Lac

ignorent

tout

du

projet

e leur

dame,

t sont

tout

«

esbahi

au

moment

ù

Saraïde,

levant 'enchantement,eur montrees enfantsp. 122 «Lorsdescovria

damoisele

on

enchantement

t monstra

s

chevaliers

es

.11.

enfans t

lor

dist

«

Signor,

ue

vous

en samble

Dont n'a

il chi

moult

bele

proie

et

assés

riche

(...)

Lors sont

tou esbahi

ou ele les

pooit

avoir

trouvés,

i

li

demandent

t

enquerent

oult

urement

.

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94

Lancelot enlevé

par

une

sirène est mort

noyé,

ou,

condamné

à l'exil

avec la reine

Elaine,

est devenu

un

orphelin

ans nom

ni

avenir;

les

enfantsLionel et

Bohort

sont effectivement is

à mort

par

le

roi

Claudas,

«

félon ou

en tout cas

prudent.

Avant même

d'avoir

pu

réellement

ommencer,

e roman est contraint

de

prendre

fin,

de

s'évanouir

vec

ses

personnages.

l faut

un véritable

tour

de

passe-

passe

pour

es

retrouver,ntacts,

mais toutefois ffectés

'un coefficient

surnaturel

ui pèsera

sur leurs aventures

ltérieures,

ans

un imi ers

parallèle

où les

prophéties

e Merlinet

les merveilles u Graal

pour-

ront de concerts'accomplir vec leur aide. Si habile que soit cette

pirouette

hétorique ui permet

e franchir

a faille

menaçante,

'est-ce

pas

un

aveu d'échec

que

ce

mélange

non

pas

des

genres

mais des

tons,

uquel

le

roman en tant

que

tel doit sa

«

continuation

?

Le

prix

à

payer,

quelle que

soit

la

réponse

à cette

question,

est

relativement

ourd

c'est la

persistance,

a survivance

e motifs

nté-

rieurs à

l'âge

du

roman,

qui

y

obtiennent

roit de cité

puisqu'ils

en

sont

a

condition ine

qua

non. Le

merveilleux

evient,

t ce n'est

pas

un

merveilleux

hrétien.

e miracle

est

d'ailleurs

plus

aisément

«

récu-

pérable

:

eschatologiquement

rientés,

l

s'inscrit

naturellement ans

la duréeduroman son existence stcanalisée,décomposée n plusieurs

stades

qui

interviennentans le cadre

d'un schéma structurel

omplet.

Et

puis,

les

tendances

centrifuges

u

miracle,

s'il en

a,

rejoignent

finalemente

fleuve u

Graal,

qui

ne fait

que poser

le

problème

ternel

de la

merveille

ans le

roman,

mais le

pose

avec un tel

aplomb

qu'on

le croitrésolu

du même

coup.

Au contraire

e merveilleux

e Lancelot

et de

ses cousins

a l'honnêteté

e rester

une

énigme

il est

fuyant,

insaisissable, ncertain,

l

s'avance

masqué

et se laisse

oublier

parfois.

C'est

pour

cela

que

Lancelot

ne

peut pas

être le héros

du

Graal, ou,

plus

exactement,

e héros d'un roman

qui

se termine.

a

merveille

laquelle

ressortit

ancelot est celle

d'Avalon,

ù le

temps

s'arrête

et

cesse d'exister.C'est dire que Lancelot est nécessairemente héros

d'un

roman

cyclique,

d'un roman

nterminable,

e

qui

est,

en matière

de

littérature,

a meilleure

pproximation

ossible

de l'éternité.

Le

moment

ù

Lancelot atteint

sa

plus grandegloire

est

aussi le

moment ù

il

perd

toutechance

de devenir e héros

du Graal.

L'amour

pour

a

reinen'est

qu'une

modalité

de cet

échec,

voire

mêmeune ratio-

nalisationou

une

compensation.

e n'est

pas

parce que

Lancelot est

adultère

qu'il

ne

pourra

pas conquérir

e

Graal,

c'est

parce

qu'il

ne

ressemble

pas

au Graal.

En

exagérant

n

peu

les

choses,

on

pourrait

dire

que

la

Joyeuse

Garde

est Corbenicet

que

Lancelot

ne

se

rend

compte aucunmoment u'il côtoie le plus grand« secret du siècle.La réalitéde Lancelot est

toujours

floue ses aventures ont à cheval

sur

ime

frontièremouvante

entre le réalisme

et le surnaturel.A

Corbenic,

plus

tard,

pour

la

conception

de

Galaad,

tout

est

simple

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on

sait une fois

pour

toutes

qu'on

est dans le château de

la

merveille,

tout ce

qui

s'y

passe

est résolument

merveilleux

selon

les

visiteurs,

les merveilles

euvent hanger, orrespondre

un

degré

plus

ou

moins

élevé de

compréhension

es

mystères,

mais

leur naturereste a même

l'enchantement

ui permet

à

la

fille

du roi Pêcheur de

passer pour

Guenièvre

'est

peut-être as

fondamentalement

ifférente

celui des

lévriers

mais,

hâtivement

aptisépar

le Roi-Pêcheur

7),

il

est

éminem-

ment

normal,

ttendu

dans

un cadre

qui

a délibérément

pté pour

un

genre

bien défini. a Douloureuse

Garde

n'opèrepas

ce choix.

D'emblée, cette malencontreuse venturepose un problème au

texte. D'une certaine

manière,

l

a tout fait

pour

l'éviter l'élection

de

Lancelot,

ses

qualités

exceptionnelles

nt

déjà

été

rendues mani-

festes

par

des

épisodes typiques,

ue

ce soit

le chevalierdéferré

u

la

bataille de la

dame

de Nohaut.Mais

il

reste

'insoluble

problème

du

nom,

et on vient

d'apprendre

8)

que

les

épreuves

initiatiquesqui

tournaient utour de la dame

de Nohaut étaienten

fait

des

comédies,

des

mensonges

ce n'était

pas

«

pour

de

vrai

»

;

de là à

mettre

n

doute

la valeur de la bataille

elle-même,

l

n'y

a

qu'un

pas

que

le

lecteur st

tenté

de franchir.

l

faut donc

autre chose

quelque

chose

de plus impressionnant,ignedu héros sans pairque doitêtreLancelotet

digne

aussi

(et

hélas

)

de son

originalité

remière,

on éducation

au

sein de

la merveille.

ependant

ette

aventure

privilégiée,

ui

doit

désigner

Lancelot

comme

l'Elu

-

du

roman

-

,

est d'abord

à

peine

présentée

omme un

épisode

à

part

entière.

C'est

«

par

hasard

»

que

Lancelot rencontre

ne damoiselle

menant

grand

deuil

et loin

d'être

d'humeur

ommunicative,

omme

a

plupart

de ses

pareilles

en

sem-

blable

situation,

lle s'en va

«

grant

leure

,

sans

se soucier

d'accom-

pagner

e

chevalier

urieux,

peut-être

usceptible

de la

venger.

Et

le

moins

que

l'on

puisse,

dire,

c'est

qu'elle n'encourage

pas

Lancelot à

faire

'expérience

«

Se vous

volés,

fait

ele,

l'aventure

avoir,

i

i

ales,

car ch'en est la voie» (p. 312).Au lieu d'une voie royaleouverteau

héros

prédestiné,

'est

ici un sentier

de traverse

ui

semble

détourner

le chevalier

de son

chemin.

Lancelot entre

par

le biais

à la Douloureuse

Garde

il en sort

de

même,

u

point qu'on

ne

peut jamais

être sûr

qu'il

en

est bien

sorti,

c'est-à-dire

u'il

y

était bien entré.

Le château

lui-même

participe

directement

e

cette

ambiguïté

il

est,

de

par

sa

situation,

emblable

7.

Pour la

conception

e

Galaad,

voir

le tome

V de l'édition

Micha,

p.

203

et suivantes.

e Roi-Pêcheur

e montre

rès

pragmatique

ors de la

visitede Lancelot

«

Je

ne

sai,

fait

l,

que

l'an an

doie faire

il

s'agit

de

Lancelot], ors ue il avra ma fille faire a volenté....) Or en esploitiez,fait i

rois,

i com vousvous

voudrez,

ar il covient

u'il

soit

fait

.

8.

Cf.

les

excuses

du chevalier

ui

a

«

convoyé

Lancelot,

.

304-5

«

Or vous ai

dite

'ocoison

or quoi

chist

gait

furent

asti,

i vos

pri por

Dieu

que

vous

me

pardonés

e mesfai

.

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au

château

du Graal

(9),

tel

qu'il apparaît

chez

Chrétien.Mais

il est

aussi localisé

géographiquement,

vec un effet e

réel immédiatement

contredit

ar

l'introduction

'un élément

«

irréel :

placé

entre

deux

rivières,

dont l'une

est Hombres

(il

n'y

en a

pas

d'autres et on

peut

e

vérifier),

t l'autre

naît de

quarante

fontaines

à

chaque

fontaine

sa

fée...),

l

ne

peut

être

plus

explicitement

u confluent

u

roman

réaliste

t du roman de

la

merveille.

Même ambivalence u niveau

de

la

«

coutume du château

un

premier

temps

la décrit

comme

une

simple

«

maie coutume

telle

qu'en

instaurent

ans

les romans

les

chevaliers félons, raîtres t déloyaux .

Un

degré

zéro de la

«

maie

coutume en

quelque

sorte

«

...car

l i

avoit.

II.

paire

de

murs

et

a

chascun

mur avoit

une

porte

et

a

chascune

porte

covenoit

e

chevalier combatre

a

.X.

chevaliers

mais che estoit

en

une

mout

estraigne

maniere,

ar

si

tost

come i.

.1.

des

chevaliers stoit

as et

il

ne voloit

plus

combatre,

si

estoit

pareilliés

uns

autres

et venoit

n

son

lieu,

si se

combatoit

por

lui et

quant

chil estoit

as si venoit

uns autres

et ensi nes

pooit

uns seus chevaliers

utrer,

'il

n'estoit

de tel

proeche

t

de

si

grant

forche

ue

tous

les

peust

ochire

'un

après

l'autre

(p.

313).

En un

sens,

une telle aventure

st

idéalement aite

pour

le

«

meilleur

chevalier du monde,dans la mesureévidemmentù cettesuprématie

ne se situe

que

sur

le

plan

mondain.

Mais

la

description

e la coutume

ne s'arrête

pas

là,

et

bientôt

après apparaît

le redoutable

terme

ď

«

enchantement

: il

s'agit

du chevalier

e cuivre

qui

appartient

la

série

des

automates

plus

ou

moins teintés

de

«

nigremance

ou

condamnés

pour

leur

origine

«

sarrasine

:

«

...si

avoit. 1.

chevalier ormé

e

cuevre t

fu

grans

t

corsus

sor

son

cheval,

rmés

de toutes

armes,

et tenoit

n ses.

.II. mains

une

grant

hache,

si

estoit

lasus

drechiés

par

enchantement

(p.

313).

A première ue ce chevalier une valeuravant toutsymbolique,t sa

nature

«

enchantée

ne devient

perceptible

u'au

momentde la chute

de

la Garde

mais

la

suite

du texte

raffine

d'ailleurs

mensongèrement)

sur cette

donnée

minimale

le chevalier

magique

n'est

que

la clé

qui

permet,

de

manière

énigmatique,

de

voir

«

apertement

«

tout

li

enchantement

el

chastel,

dont

l estoit

tous

plains

(p.

314).

Sur

ces

enchantements,

as

de détail

mais

une

condition

subsidiaire

à

la

conquête

définitive

e

la

Douloureuse

Garde,

condition

qui

rend

la

victoire

par

les

armes moins

importante,

u

regard

de

la véritable

épreuve

9. Pour tre out faithonnête,l faut econnaîtreue la situationéogra-

phique

'un

grand

ombre

e châteaux

st

analogue

celle de

Corbemc,

oit

dans

une ntention

xplicite

'imitation,

oit

parce

qu'il

est

difficile

'éviter

les éléments

ui

caractérisent

e

château

du

Graal

(Rivière

ncerclante,

position

n

surplomb,

tc.).

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«

mais

del

tout ne

remandroientl mie

devant

que

chil

qui

le

Castel

conquerroit

demorast. XL.

jors

sans

jesir

hors

nule nuit

tele

estoit

a

forche es

enchantemens el castel

»

(id).

Avec cette

condition,

l

semble bien

qu'on

ait

changé

de monde

la

DouloureuseGarde

n'est

plus

un

château

féodal

qu'il

est

possible

de

conquérir par

la

prouesse,

elle

requiert

plutôt

les

services

d'un

magicien.

Quelle

est d'ailleurs a

portée

d'une

victoire

ui

rend

néces-

sairement

recréant

pour quarante

ours

l'un

de ces chevaliersdont

la

quête

perpétuelle

st la raison

d'être Victoire décidément

déce-

vante Mais commetout châteaumagiquequi se respecte, a Doulou-

reuse

Garde

reste vide

pour

ce

premier

descriptif

n

quelque

sorte

touristique.

Ce

n'est

qu'après que

Lancelot

a

fait

savoir et clairement

manifesté

par

ses

premières

nterventionson

intention e s'

«

éprouver

contre

les

merveilles

e la

Douloureuse

Garde

qu'on

en

découvre es habitants.

Dès

lors,

es

remords t les

contradictions u

textevont se

multiplier

tout

ce

qui

est dit

à

propos

des

coutumes u des

enchantements de

bonnes

chances d'être

contredit n

peu

plus

loin

le récit

mpersonnel

se

trompe

ans ses

«

annonces

,

d'habitude

crupuleusement

bservées

les

personnagesparaissent

sur le

point

de

réagir

d'une

façon, puisadoptent neautre ignede conduite, t leurnaturemême semble ssez

floue

sont-ils

humains,

ou

appartiennent-ils

l'Autre

Monde

Que

doit faire

Lancelot

Qui

est le

seigneur

e la

DouloureuseGarde

(10)

?

Autant

de

questions

auxquelles

l

est

difficile

'apporter

ne

réponse,

y compris

à

la fin de

l'épisode.

Dans un

premiertemps,

e

combat

contre

es

vingt

hevaliers,

'est-à-diren

théorie a

partie

non surna-

turellede

l'aventure,

st

contaminé

ar

la

proximité

es élémentsmer-

veilleux au

lieu de

combattre vec

ses seules

forces,

ancelot

utilise,

sans

protester

outre

mesure,

trois

«

écus

»

magiques

qui

doublent,

triplent

u

quadruplent

es

forces.Une

attitude

ussi

surprenante

e

la part d'un chevalier en général très sourcilleux ur son honneurest hautement

ignificative l'épreuve

de la

Douloureuse

Garde ne

relève

pas

de la

chevalerie,

mais de la

magie

les armes

sont

insuffisantes

our

remporter

a

victoire,

nterviennentes

«

arts

»,

c'est-à-dire

e

Lac : la

DouloureuseGarde

est un

degré

dans une

initia-

tion de nature

fondamentalement

urnaturelle,

on

pas

une

démons-

tration e la

force

guerrière

e

Lancelot.

La

victoire ur les

chevaliersdes deux

portes

n'est

nullement

ne

fin

n soi

:

d'abord

la

seconde n'a

pas

à

être

gagnée,

a

moitié de

ses

10.

Le

«

seigneur

de

la Douloureuse

arde emble

'abord rèsbien

se

passerdenom, ommel estrelativementormal ourunpersonnage'une

part

econdaire,

t d'autre

art

ssu de

l'AutreMonde ù

on n'a

guère

esoin

de

dénominations

récises.

u détour 'une

phrase

p.

351),

n

apprend u'il

s'appelle

Brandis es liles

,

ce

qui

est

un souvenir

éformé u

Perlesvaus,

et ouvre a voie

un

autre hevalier

aé ssu ď

«

liles

Lointaines

,

Galehaut.

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défenseurs

'enfuyant

ans demander on reste

ensuite,

lors

que

les

«

bourgois

affirment

Lancelot

qu'

«

il

ne

vous en covient

faire

plus

que

fait en

avés,

puis

qu'il

vous

ont

guerpie

a

porte

(p.

330),

on

apprendque

le

seigneur,

écrit

quelques pages plus

tôt comme

mpa-

tientde

pouvoir

ntervenir

t

sauver

son

château,

vient

de

s'enfuir,

e

qui

interdit a

libération otale

et définitive

e

la

Douloureuse

Garde,

ou au

moins

de

ses

habitants.

e

lecteur st

livré

lui-même n

face de

ces données

confuses,

ont

Lancelot,

ui

n'est

manifestement

as

régi

par

une

logique

rationnelle,

emble très

peu

soucieux.

Tout

au

plus

peut-on onclure ue ces « bourgeois qui attendent ne hypothétique

délivrance ont semblables

ux

prisonniers

e Gore

que

Chrétien

fait

délivrer

ar

le libérateur e la reine.Prisonniers

ur

parole,

contraints

à

un silence

perturbant

n

ce

qui

concerne es

«

merveilles

de la

Douloureuse

Garde. Merveilles

qu'on

n'a

pas

encore

vues,

à moins

qu'elles

ne se réduisent

un chevalier

e cuivre

qui

s'effondre

t à une

porte qui

«

crie

»

quand

on l'ouvre...

Elles se

présentent

ependant,

ous

la forme u

cimetière

uquel

on

conduitLancelot les

bourgeois

moult

dolant

n'en font

pas

moins

à

Lancelot

es honneurs

de

l'espèce

de

«

no man's

land

»

que

constitue

le

cimetière.

a

description,

ui

se situe

dans le droit

fil

d'une

tradition

littéraire otée d'un bel avenir, st apparemment omogène tout y

ressortit un

système

magique

qui

culminedans

l'inscription

u nom

de Lancelot

la merveille est encore

plus spectaculaire

que

chez

Chrétien

ui

rattache

implement

a

victoire

n Gorre

11)

à la

prouesse

de

la

lame

à

soulever,

ans

pousser

aussi

loin la

prophétie.

Mais

cette

merveille

'est, finalement,

u'un

hors-d'œuvre,

u

plutôt

un

pis-aller,

pour

les

habitants u château.

En

ce

qui

concerne

Lancelot,

'aventure

est

finie,

ès

qu'il

a

appris

son nom

et

conquis

aux

yeux

du monde

la

Douloureuse

Garde. D'un

point

de

vue

romanesque,

elle-ci

n'a

plus

rien à offrir

il

ne

s'agit

plus

désormais

que

de mettre

'épisode

«

en

écrit , dans les archivesd'Arthur,t de continuer n romanqui soitde chevalerie t de courtoisie.

Mais alors se manifeste

'entropie

e

la

«

merveille .

L'aventure st

finie

pour

tout le

monde,

auf

pour

elle. En

lui

ouvrant

a

porte,

n

lui concédant e droit

de

cité

pendant quelques

pages pour

conférer

son statut

entral un

personnage

ui

garde

de son enfanceun reflet

surnaturel,

e récit s'est

embarrasséd'une rivale

possible

que

la seule

linéarité

omanesque

ne

peut

surmonter. es

«

enchantements

de la

Douloureuse Garde

ne sont

pas

encore

«

faillis

;

pire,

Lancelot n'a

encore

rien fait

pour

eux.

A vrai

dire,

l

était nécessaire à

l'économie

11.

Cf.

Le

Chevalier e

la

Charrette,

d. M.

Roques, Champion,

974,

vers

1900

t suivants

«

Cil

qui

leverà/

ele

amme

eus

par

son

cors/

itera

ces

et celes

fors/

ui

sont an

la terre n

prison,/

ont n'ist

ne clers

ne

gentix

on/

es l'ore

qu'il

i

est antrez

.

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99

du

roman

que

la

Douloureuse Garde soit une

épreuve exceptionnelle-

ment

diffìcile elle a donc été

parée

de

tous les charmes

du

mystère

au

fur t à mesure

ue

le

«

meilleur hevalier u monde

menait bien

avec une facilité

dérisoirece

qui

avait d'abord été

présenté

comme

presque impossible,

e

texte se

devait

de surenchérir ur

la difficulté

initiale,

pour

éviter de

produire

'effet nverse de celui

qu'il

recher-

chait,

'est-à-dire e rendremédiocre

'épreuve,

t médiocre e chevalier

qui

en

triomphe.

A

force

d'annonces,

l

se crée

au

centre

du roman

une

sorte

de

tourbillon

ue

la

merveille

ne demande

qu'à emplir.

l

n'yaura pas d'annonces rréalisées le récit se pique au jeu, et entre-

prend

de

donner

corps

à

ces

«

enchantements

vagues

et

en

quelque

sorte

génériques

ont on a

maintesfois menacé Lancelot.

Coûte

que

coûte,

il

faut

que

le roman

ralentisse,

u'il épuise

les

ressources de la

«

merveilleuse Douloureuse

Garde. Malencontreu-

sement,

ce sont deux

logiques

totalement

ncompatibles

qui

sont

confrontées d'une

part,

e roman

qui,

quoi qu'il

en

ait,

se

dirige

vers

quelque

chose,

et

le

plus

souventune

fin,

par exemple

a

sienne

de

l'autre,

un

système tautologique

et

circulaire,

qui

peut

fonctionner

indéfiniment,

n

rejouant

es mêmes scènes. La

merveille,

'après

sa

définition ême

par

la

bouche de

Merlin,

st l'intervalle es aventures

qui autorisente règned'Arthur,vant que l'avènement u Graal ne

supprime

e

barrage

sur le

temps

et ne

contraigne

e roman à se

confondre

vec l'histoire.Par

conséquent,

e

que

veut

la

merveille,

c'est en

rester u

même

point,

ans

qu'il

se

passe

rien

d'où ce

que

l'on a

pris pour

de la monotonie

ans les aventures

magiques, ejouées

trois fois

pour

le

plaisir jusqu'au

succès

final,

c'est-à-dire

mieux

Lancelot

«

accomplit

les

aventures,

lus

il

se hâte vers celle

qu'il

ne

pourra

achever,

mais

qui

achèvera,elle,

le roman. La

merveille

st

répétitive ar

essence,

parce qu'elle

est

unique.

De ce

fait,

il est

normal

que

la

Douloureuse

Garde fonctionne omme un

piège pour

Lancelot,

t

pour

la

cour.

D'un côté, on a les efforts u récit linéaire aidé par les person-

nages

pour

se sortir

de

l'impasse,quitter

a Douloureuse

Garde,

aller

de combat

singulier

n

assemblée

courtoise,

onformémentu modèle

éminemment

omanesque

de la

quête

de

l'autre,

es efforts

nigma-

tiques

des

mystérieux

bourgois

de la Garde

pour

garder

Lancelot,

ou

d'autres

chevaliers,

t

suppléerpar

une

«

merveilleuse

abondance

d'aventures ur

place

au désir

qu'ils

ont

d'en

chercher illeurs.

Et ces

efforts

e

se soucient

pas

de la

logique

du

récit

qui

s'est

construit

usqu'alors

les

«

héros n'en

finissent

pas

de marcher

sur leurs

traces,

t

d'apprendre

eur

mort.Le Lac

était une

métaphore

facile de la mort, t une métaphore ont on pouvaitaisémentrevenir.

La merveille es

tombes

dit

plus

franchement

on nom

pour

entrer

dans l'éternité e

l'île

d'Avalon,

l

faut

absolument tre mort

et

qui

est

mort,

ne doit

pas

chercher

revivre,

e

doit

pas

sous

peine

de

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100

tomber n

poussière

chercher

rejoindre

e monde

qu'il

a

quitté.

l

est

vrai

que

Lancelotest

mort,

uisqu'il

va

rester

uarante

ours

dans

la

DouloureuseGarde il

est

vrai

que

Gauvainet ses

compagnons

ont

morts,

uisqu'ils

sont enfermés

ans

la

prison

de Brandis

des

liles,

et

que

cette

prison

est si

proche

de

la

mort

que

Lohot,

e fils du roi

Arthur,

prendra

«

le mal de la

mort

;

et avec sa

disparition,

ispa-

raît

l'avenir du

roman,

condamné à la stérilité u à une

génération

monstrueuse

ui

se referme ur

elle-même

Mordret fils

et frère

d'Arthur,

ans

parler

des incestesde la

génération

récédente.

La tentative u romanpourfaireentrer a merveille ans le moule

de

l'aventure

hevaleresque

choue. Les

catégories,

nstauréesnon

sans

mal,

éclatent le

système

de

causalité se

dérègle

les

«

bourgois

qui

rêvent

d'être délivrés ont une curieuse manière d'avancer

leur

libération,

n en

rajoutant

ur le

mystère

t la

merveille

u

cimetière,

c'est-à-diren

falsifiantes tombes

pour

y

inscrire

de

nouveaux

noms.

Le

«

bourgois

,

au

lieu de s'en tenir

son rôle de victime

du

«

cheva-

lier

faé

»

qu'est

Brandis,

trafique

ui

aussi

du

côté de

la

merveille,

non

pour

a

résorber,

mais

au

contraire

our

en

assurer

a

prolifération.

Le

pire

est ici

que

de

«

tout

li

encantement t

toutes les

merveilles

que par

nuit

que par jour

i

venoient

,

la

seule à

prendre orps

est

produite ar de simples«bourgois : quelle rationalité eut-on ncore

espérer

dans un

univers ù les

frontières

ntre

es

mondes,

'est-à-dire

entre es

registres,

ont si

peu

étanches,

i terriblementloues

Lancelot est

sans

s'en rendre

compte

enfermé

dans

le

manège

infernal e la

merveille

certes,

l

semble

pouvoir

ortir

de la Doulou-

reuse Garde durant e

jour,

et on

perçoit

mal

d'abord les

limites

de

son

autonomie

mais

durant

ces excursionshors des

murs,

personne,

parmi

les habitants du

monde

ordinaire,

ne le

voit

il

est devenu

une sorte de

fantôme,

t

l'universdans

lequel

il

évolue,

il combat

plus

ou moins e

seigneur

u nom

marqué par

le

surnaturel

t

il

rencontreGauvain et ses compagnons, 'est pas l'universdu romanle

passage par

la DouloureuseGarde l'a situé sur un autre

plan,

dont

font

partie

les

fausses aventures

ui

ont trait

aux

prisonniers.

insi

s'explique

non

pas

l'extase

de Lancelot devant

Guenièvre,

ui

ressortit

à

un

autre

registre,

mais

l'incapacité

du chevalier

communiquer

vec

sa

dame

un

topos

de la

littérature ourtoiseest ici transformé e

l'intérieur

our

s'adapter

à

l'hétérogénéité

e la

merveille.

t

quand

Lancelot réussit en

apparence

à

quitter

a

Douloureuse Garde

et à

reprendre

e

cours du

roman,

l

laisse

derrière

ui un

otage,

garant

de son retour

la damoiselle

du

Lac,

toute

désignée pour

«

tenir

prison

dans

un

lieu entaché de

surnaturel,

t soumise

aux

mêmes

règlesétranges ue Lancelotdurant on séjour ainsi ne peut-elle as

parler

à la reine

autrement

qu'à

distance,

de

part

et d'autre de

«

fenestres

,

alors

qu'en

théorie outes es

portes

sont ouvertes u

roi

Arthur t à sa suite.

Au furet à

mesure

que

les

barrières ombent

n

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101

s'aperçoit

u'il

y

en a

d'autres

derrière ien

plus

inexplicables.

e

qui

est

en

jeu,

après

le

départ

de

Lancelot,

c'est

bien sûr

la

libération

de

la

damoiselle,

mais aussi et

toujours,

«

le covine

de

chaiens

...

que

le

roman

prétendait

voir

exposé

d'entrée.

Les soixante

pages

qui

viennent e se déroulern'ont servi

à

rien

les

merveilles

e la

Doulou-

reuse Garde

sont intactes

elles ont

rempli

eur

fonction

omanesque,

mais le roman

n'a

pas rempli

on

rôle à leur

égard.

La seule

issue

est

alors le recours

à

une

nouvelle

citation

la

merveille

diffuse

e la Charrette

'avère

incontrôlable,

'autant

que

l'épisodene constitue u'une répétition énéralede la véritable ven-

ture la

matièrede

la

Charrette,

artagée

en deux

pour

des raisons

d'économie du

récit,

ne laisse

plus

à

la Douloureuse

Garde

qu'un

cadre

vide,

dont

'énigme

st

évidemment

nsoluble

puisqu'elle

n'existe

pas

;

afinde surmonter

ette

aporie,

l

faut

plaquer

sur

cette structure

en

creuxun

contenu,

e

préférence

ssez

spectaculaire

our

être

mmé-

diatement

epéré

comme

«

merveilleux

,

et

pour

pouvoir

être

«

mené

à

fin

sans

doute

possible.

Les éléments

«

fantastiques

,

au

sens

l'entend a

critique

moderne,

ont

ici

inutilisables,

ar on

ne

peut

les éliminer. ls restent

par

définition

ux

frontières

u

récit,

sans

jamais avouer franchementeur nature. Pour éviter ce danger, es

quatre

pages

qui

achèvent es

enchantementse la DouloureuseGarde

-

les achèvent ans

tous les sens

du

terme

constituent

n

florilège

de tous les motifs

u merveilleux

it

celtique que

l'on

a

pu

rencontrer

dans des textes

antérieurs,

t

qui

se

survivront

endant

au moins

un

siècle souterrain

ui

rappelle

e

«

sidh

»

et

le

palais

sous

la

terre

d'Yonec,

chevaliers

de cuivre

qui

redoublent

e

premier

utomate

mal

exploité, puits

d'enfer

qui

vient

tout droit

des Visions

de

l'Autre

Monde,

chevalier

rdent

qui

n'est

pas

sans

rappeler

e

chevalier

au

dragon

que

combat Perlesvaus

dans

le

roman

du même

nom,

diables

invisibles

mais

qui

mènent

n bruit

nfernal omme

on

en

rencontrera

dans YAtre érilleux..

Et

pour

rendre

plus

claire

encore la

fonction

du

passage, pour

mettre es

points

ur les

i

à

l'usage

des lecteurs

hésitants,

a

métaphore

de la

«

clé

des

enchantements

prend

corps

Lancelot trouve

«

réelle-

ment

un

trousseaude

clés,

avec

lesquelles

l

ouvre

e

coffre,

emblable

au

coffret e

Pandore,

et les

enchantements,

roduit

éminemment

volatil,

'envolent

n

fumée

«

Et

il

met el cofre a

cleif

et com

il

l'on

ouvert,

i en sailli.

.1.

grans

estorbellons t une si

grant

noise

qu'il

fu avis

que

tout

li

diable

i

fussent,

t

por

voir si estoient

l

deable.

Et

chil caï

pasmés

et com il fu revenus, i prent a clef del coffre, i l'emporteetchel del pilier (...) et il se regarde, i voit le piler fondretout

jusqu'en

terre t

la

damoisele

de coevre autresi et les .II. chevalier

qui

l'uis

gardoient

ous debrisiés.

Et

il

vient

hors

a

tous les

clés,

si voit

toutes

es

gens

del castel

qui

li

vienent

l'encontre. t com

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102

il vint

n le

chimentiere,

i

ne

voit nule des tombes

ne des

hiaumes

qui

sor les creniax

oloient stre

(p.

418).

Toute

trace

de la

merveille st

supprimée,

y

compris

celle

qui

donnait 'identité

u

héros,

ui

aurait

disparaître

u récit

bien

plus

tôt,

après

avoir

joué

son rôle.

La

pâmoison

de Lancelot

est

symbo-

lique

il

se

réveille,

non d'un

simple

évanouissement,

mais du som-

meil de

mort

qu'il

vientde rêver

pendant

tout

'épisode

de la Doulou-

reuse

Garde,

t

qui

rendait es aventures

arallèles

bizarrement loues

et

impossibles

achever.Mais

pour

être ainsi

maîtrisée,

l

faut

que

la

merveille hange de nature,qu'elle soit assimilée aux catégoriesdu

surnaturel

hrétien,

'est-à-dire

iabolique

si ce sont des diables

qui

hantaient a

Douloureuse

Garde, celle-ci,

soumise

à l'exorcisme du

roman,

peut

devenir

un

lieu

stable et

assurer

la fonction erritoriale

que

ni le

royaume

e

Ban,

perdu parce qu'inféodé

Arthur,

i

le

Lac,

pure

merveille

irrécupérable

,

ne

pouvaient

remplirpour

Lancelot.

En

fin de

compte,

e traitement

roblématique

de l'aventure

de

la

Douloureuse

Garde,

pivot

des

Enfances

Lancelotet dernière

mergence

explicite

d'un

surnaturel

ui

ne

soit

pas,

de

près

ou de

loin,

celui du

Graal,

manifeste ne tentative

'épuisement

u

paradigme

ui marque

la difficulté,oirel'impossibilité, our le romanchevaleresque, 'arti-culer

syntagmatiquement

a merveille.

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Patricia

MULHOUSE

JEUX

(jeux)

:

La

marelle

Parmi

les

innombrables

eux

de

société

pratiqués

dans l Occident

médiéval,

e

plus

répandu,

elui

auquel

on

joue

partout,

tout

moment,

dans toutes es

classes de la

société,

n est

pas

le

jeu

de

dés

-

contraire-

ment ce

qui

est souvent ffirmé

mais

bien le

jeu

de

marelle

1).

C est le

jeu

de société

par

excellence,

celui

qui pendant

plusieurs

siècles emblématise e mieux activité

udique

de la civilisation uro-

péenne.

Contrairement

ux

dames,

aux

échecs

et aux tables

(un

des

ancêtres du

backgammon

ctuel),

il

ne

doit en

effet ien

à

l Orient.

Il

est

en outre

plus

ancien

que

tous

les

jeux

de cartes et moins

réprouvéque les jeux de dés. A l époque moderne, l prendle nom

de

jeu

du

moulin;

et ses

épigones

contemporains

ont

le

morpion

(avec

toutes ses

variantes)

et le

jeu

dit

«

du

drapeau

anglais

. Ainsi

la

marelle,

nconnue de

la

plupart

des

historiens t des

anthropo-

logues,

et

très

souvent absente des

répertoires,

manuels ou

encyclo-

pédies

consacrés

aux

jeux

de

société,

est-elle

bien,

dans

la

longue

durée,

e

jeu

de l homme

uropéen.

A la

différence

es

dés,

la marellen est

pas

un

jeu

de hasard mais

un

jeu

de

réflexion. lle

oppose

deux

joueurs

possédant

chacun trois

ou

cinq (parfois

neuf)

pions qu ils

doivent

ssayer

d aligner

verticale-

ment,horizontalementu diagonalement)ur une figure éométrique

de forme

variable et

dont les versions es

plus

employées

u

Moyen

Age

sont

reproduites

ci. Les

joueurs jouent

à

tour

de

rôle en

ne

plaçant

ou

déplaçant

qu un pion

à la fois sur

la

figure.

e

vainqueur

est celui

qui

le

premier

réussi à

aligner

ses

trois ou

cinq pions

sur ime des

lignes

de cette

figure.

u

moins tels

sont

les

principes

généraux

u

jeu

car

il

y

a évidemment

e

nombreuses

ariantes,

t

une

évolution

es

règles

allant

vers

la

diversification.

1.L étymologie

u mot marelle

emeure ontroversée.

hypothèseui,comme ourméreau,e ferait enird undérivé u latin matriculaemble

abandonnée. n

tend

plutôt ujourd hui

rattacheres deuxmots

un

pré-

roman

marr

pierre).

oir

opinion

uancée e

O. Bloch

t

W.von

Warburg,

reprise

t

complétée ar

J.

PIOCHE,

Nouveaudictionnaire

tymologique

u

français

Paris,

971,

.

412.

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104

L avantage

de la marelle

sur les autres

eux

de société

réside

dans

la

possibilité

de

jouer

sans aucun accessoire ou instrument

réparé

à

l avance.

On

peut

y

jouer

absolument

partout

un

doigt

dans le

sable ou dans la

poussière,

n

bâton

dans

la

terre,

ne craie sur

de la

pierre

suffisent

our

tracer

la

figure

ur

laquelle

on va

jouer.

Des

cailloux,

des

fragments

e

bois,

de

feuillles,

e tissu ou de

n importe

quoi

suffisent

our

matérialiser

es

pions.

Pour

distinguer

es deux

camps,

on les

choisit

grands

et

petits,

lairs et

foncés,

irculaires u

carrés,

u

bien,

plus simplement

ncore,

n

oppose

des

cailloux à des

morceaux de bois, ou des fragments e feuilles à des fragments

d écorce. La

simplicité

des

règles,

l absence

de

«

matériel et

la

brièveté du

jeu n empêchentpas que

la

marelle soit

un

jeu

de

réflexion rès

subtil,

urtout

orsque

l on

joue

sur une

figure

n

peu

complexe par exemple

es

types

2

et 4 et leurs

variantes)

avec

pour

chaque camp

a nécessité

aligner

inq pions.

Avectrois

pions

à

aligner,

le

jeu

est en effet

lus simple occuper

e centre favorise ouvent a

victoire

t,

de

ce

fait,

e

joueur

qui

joue

en

premier

est

avantagé.

Ce

qui

frappe

historiendes

jeux

de

société

médiévaux

c est

le

silence

des textes

ur

le

jeu

de marelle.Très rares sont les

mentions

qui

en

sont faitesdans les textes ittéraires

u narratifs

alors qu elles

sont,comme on sait, trèsnombreuses our les dés, les échecs et les

tables).

Plus rares encore les

exposés

des

principes

du

jeu

et

les

recueils de

parties

ou de

problèmes

(ce

qui

n est

pas

le cas des

échecs,

du

moins

pour

ce

qui

concerne

e

Moyen Age

finissant).

n

revanche,

es

documents

d archives,

es

comptes

et

les

inventaires n

font

quelques

mentions,

otamment

u XIVe

siècle. Et

l iconographie

également

ne

l oublie

pas

qui

montre

parfois,

u revers d une boîte

à

jeux comportant

ur l une de ses faces un damier ou un

échiquier,

une

figure

e marelle

voisine

de

celles

qui

sont

reproduites

ci. Les

fouilles

archéologiques,

lles

aussi,

mettentde

temps

en

temps

au

jour des pions de marelleen os ou en bois. Non pas des pions ordi-

naires,

bien

sûr,

mais des

pions

de

jeux d apparat

(fig.

5),

semblables

aux

pions

de dames

quoique

un

peu plus

larges,

moins

épais

et

montrant n décor

presque

toujours

géométrique

et

non

pas

historié).

Michel

Pastoureau

a

récemment tabli la

typologie

e

ces

pions

(2)

et montré

omment,

lus que

les

couleurs

blanc/rouge

usqu au

milieu

du

XIIIe

siècle,

blanc/noir

nsuite)

ou même

que

le décor

(croix

ou

rosace

/orle

ou semé de

besants),

étaient es

cannelures e la tranche

qui

aidaient le

plus

souventà

distinguer

es

pions

de

chaque

camp.

2. M.

PASTOUREAU,

es

pions

de

jeux

médiévaux essai de

typologie,

dans Bulletin e la Société

rançaise

e

numismatique,

980/no,

p.

681-685

repris

ans

L herminet le

sinopie,

aris, 982,

.

343-347.

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106

Il

serait souhaitable

que

cette

enquête

soit

poursuivie

t

qu un

ou

plusieurs

chercheurs

ous donnent nfin

une solide

monographie

ur

cette

marelle médiévale si méconnue

3).

Monographie

ui pourrait

ensuite servir

de

point d appui pour

une réflexion

lus large

ou

plus

largement nthropologique

ur ce

jeu

qui

a

vraiment

été,

pendant

plusieurs

iècles,

e

jeu

occidental

par

excellence.

Un

jeu

de la

ligne

et de

l intersection,

n

jeu

du

centre

et

de

la

périphérie,

n

jeu

de

positionnement

t

de mise en

rang

de

mise en ordre

),

auquel

l histo-

rien

et le

sémiologue

e

peuvent

pas

ne

pas

s intéresser.

Problèmes

(modernes)

:

a. En

jouant

sur

la

figure

(la

plus

utilisée

par

la

marelle médié-

vale)

et en

supposant ue chaque joueur

dispose

de

cinq pions,

alculer

le nombre

e

coup

minimum écessaires

pour

que

le

joueur

ayant oué

le

premier

t

ayant

placé

son

premier

ion

à l intersection

,

réussisse

avant son

adversaire

aligner

trois

pions.

b En jouant sur la figure avec cinq pions, essayer de trouver

au

moins

une solution

permettant

u

joueur n ayant

pas joué

le

premier,

t

de ce fait

n ayant

pas

réussi

à

occuper

e

centre,

aligner

néanmoins rois

pions

avant

son adversaire.

c.

En

jouant

sur

la

figure

,

un

joueur

ne

disposant

que

de

trois

pions

mais

jouant

le

premier, eut-il

vaincre

un

joueur

disposant

de

cinq pions

(le

vainqueur

étant celui

qui

aura le

premier ligné

trois

pions)

?

Solutions

ans a

prochaine

ivraison e Médiévales

3. Il n existe ma connaissance ucune

étude

consacrée

la marelle

médiévale. on eulementucune

monographie

avante,

mais

non

plus

aucune

présentationapide,

i même ucun

paragraphe

ans es

quelquesouvrages

consacrés ux

jeux

médiévaux u consacrant un de leur

chapitre

ces

jeux (ainsi es Viesquotidiennes).u pointqu il est parfois ermis e se

demanderi ce

jeu,

«

le

plus pratiqué

ans Occidentmédiéval

,

n est

pas,

tel

que

nous le connaissons

ujourd hui,

orti en

partie

de

l imagination

de Michel astoureau

voir

ci-dessus

a note

2)

et

des

archéologuesui

lui

ont mboîté

e

pas.

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107

NOTES

DE LECTURE

Alain

Bourreau,

La

Légende

Dorée

Le

système

narratif

e

Jacques

de

Voragine

Préface e

Jacques

Le

Goff,

ditions

du

Cerf,

aris,1984,

83

p.

La

Légende

Dorée est un

gros

recueil

de

légendeshagiographiques

compilé

à la

fin du XIIIe siècle

par

un dominicain

talien,

Jacopo

da

Varazze,

plus

connu

sous le nom

de

Jacques

de

Voragine.

Celui-ci,

loin

d être un

personnage

bscur,

finira,

l issue

d une carrièrebril-

lante,

par

devenir

rchevêque

de Gênes.

Dès

le début

de

son

étude,

A.

Boureau

signale

avec

raison

que

le

destin

de cetteœuvre st assez

fabuleux

«

best-seller

dès

sa

parution,

constamment

éimprimée

epuis

le

XIII siècle

jusqu à

nos

jours,

traduite,

ouvent

fort

mal,

à

de nombreuses

eprises.

Ce

fait est assez

exceptionnel ans l histoire ittéraire,urtoutpour ce typede textes,

pour qu on

tente d en

analyser

les

causes

profondes.

D autant

que

La

Légende

Dorée n a

rien d un

textenovateur

«

Jacques

donne

dans

le

merveilleux hrétien

e

plus

archaïque»,

affirme

A. Boureau

qui

relève

e

paradoxe

de

cette œuvre

qui

intègre

ertains

aspects

de ce

qu il

est

convenu

d appeler

la

«

culture

populaire

,

alors

même

que

l Eglise

officielle

riomphe.

A. Boureau

insiste

tout d abord sur

la

spécificité

e la

Légende

Dorée

Celle-cin est en

rien

comparable

aux autres

textes

hagiogra-

phiques

de

l époque.

En

effet,

on

origine

n fait

une œuvre

vant tout

doctrinale,

n

«

corpus

de

dogmes

destiné,

ertes,

la

vulgarisation,

mais qui ne saurait être confonduavec la littérature difiante.A

partir

de ce

constat.

A.

Boureau

va donc

étudier es

formesnarratives

de

la

Légende

Dorée

S attachant,

omme

l

le dit

lui-même,

la

forme

plutôt

qu à

la

substance,

l

émet

hypothèse

ue

la

Légende

Dorée

est

un

ensemble

ohérent,

n

«

universde

signification

chevé et

complet,

chaque

élément

renvoie

la

totalité,

nivers

qui

rend

compte

de

tout,

ui

trace

une

origine

t une

fin,

nivers

ù tout est

dit

et

tout

chrétien

trouve sa

place

». Cet

aspect

est

un

élément

susceptible

d expliquer

e succès extraordinaire

e ce texte

n tant

qu

«

instrument

de contrôle

e

l Eglise

».

Le travail d A. Boureau se divise en troisgrandes partiestraitant

respectivement

u

«

cadre narratif

,

des

«

éléments

du récit et de la

«

rhétorique

u récit . Parties extrêmement iches

qui,

à

partir

d un

examen

minutieux u

texte,

noncent

vec

prudence

mais avec fermeté

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108

toute

une

série

d interprétationsriginales

ropres,

ous

le

souhaitons,

à

permettre

ne lectureneuve de cette œuvre

et

à

stimulerd autres

chercheurs.

A.

Boureau

s interroge

out d abord sur la fonction e

la

Légende

Dorée

probablement

estinée

à

l origine

à servir de matériau

aux

sermons

pédagogiques.

ont

ensuiteétudiées

a

chronologie

t la com-

position

u

recueildont

a

successiondes

chapitres

uit

celle de l année

liturgique

tablie

au

XIII*

siècle. Dans

Jacques

de

Voragine

e

perçoit

l écho

de la mise en

place par l Eglise

du

calendrier

iturgique,

écou-

pagedu temps u il faut nterpréterommeunevolontéd appropriation

de ce dernier.D autre

part,

des tableaux

fort

éclairants mettent

n

évidence

une

quasi-absence

tout à fait

signifiante

celle

des saints

contemporains.

e

choix,délibéré,

e ne

traiter

ue

des vies

de

saints

«

antiques

ainsi

que

la

pauvreté

nformative

t le

manque

de

relief

de ces

biographes

nscrivent es

dernières dans

l intemporalité

t

l interchangeabilité.

l

s agit

moins d écrire histoire

un individu

ue

de

mettre n

scène des

«

modes de manifestationu divin .

Le textede

la

Légende

Dorée

se veut

authentique

t

homogène

et s attache à

démontrer

ue

la variété

des destins

ndividuels

est

qu une apparence.

Toutes es tribulations errestresonten réalité oumises à un

«

vastedessein

providentiel

ont

l Eglise

militante

uis triomphante

nnonce

l accomplissement

.

Dans un

second

temps,

A.

Boureau,

utilisant es travaux e

sémiotique

narrative e

Claude Brémond

enteune

analyse

structurale es

récits

rapportéspar

la

Légende

Dorée afin d en

dégager

es modèles fonda-

mentaux.Tâche

malaisée étant donné la nature bien

particulière

e

ces

textes.

Le

modèle dominant

st évidemment elui

du

martyre

ui

fascine,

n le

sait,

a mentalitémédiévale.

ncore faut-il

ue

le

martyre

corresponde

u

modèle strictementlaboré

par Jacques

de

Voragine,

à

savoir

qu il

ne

subsiste aucune

ambiguïté uant

aux conduites

qui

ont pu motiver es violences subies. A. Boureau dégage 81 épreuves

différentes

u il

recense dans des tableaux

très clairs.

Il

met ainsi en

évidence ne

«

première

oi

»

:

celle

de

la variétédans

les

combinaisons

des éléments

des

supplices,puis

une

«

seconde oi

»

:

celle de

l épuise-

ment des

ressources

narrativesdu

système

combinatoire

e

Jacques

de

Voragine

insi

qu une

troisième,

elle de la

succession

mprévisible

des

supplices,

otalement rbitraire. l

n y

a

pas

d échelle des

peines.

Une

fois

encore se

vérifie

omnipotence

e la

providence ui,

seule,

décide du

moment ù

doit

périr

e

martyr

l hommene

dispose

amais

de

lui-même

ans

la

Légende

Dorée.

Finalement, . Boureaudémontre ue l analysestructurale st peu

opérante, uisque

le

jeu

narratif

st,

par

avance,

faussé

par

la

«

mise

en scène

providentielle

.

Les

possibles

narratifs e réduisent

peu

de

chose et

le

trajet

habituel

du

héros

est ici

inexistantdès

lors

que

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109

celui-ci abandonne

otalement

la volonté

ivine.

eut-on

même

parler

de

«

récit à

propos

de la

Légende

Dorée

?

Ceci

n empêche

pas

A.

Boureau

de formuler

éanmoins

d intéressantes

emarques

sur

le

système

hiérarchique

es

rôles

religieux

ui

tend

à

légitimer

a

place

privilégiée

u occupent

es

prêcheurs

l intérieur

e l œuvre.

Il

semble donc

que

les récits

rapportés

par

la

Légende

Dorée

n aient

d autre

rôle

que

celui de

supports

de

la vérité

doctrinale.

a

véritéde l œuvre élabore

par

le

procédé

de l accumulation

le

souci

d efficacité émonstrative

e substitue

la cohérence

esthétique.

Le

récithagiographiquemime le plaidoyerdu promoteurd une canoni-

sation

classement

t

accumulation

es

témoignages

t

des

arguments

sont mis en évidence

par

A. Boureau

qui

étudie très

précisément

e

système

es

renvoisde textes texteset

la circularité

e

la

Légende

Dorée La

rhétorique

e

cetteœuvre

est

une

«

rhétorique

e

la liste

:

il

s agit

de

rassembler,

e

fixer t

donc

de contrôler.

omme e

souligne

A.

Boureau,

«

la liste bien ordonnée conduit

au tableau

dogmatique

et

édifiant

.

La

Légende

Dorée

s inscrit onc dans ce

mouvement e

popularisation

d une

religionqui,

jusqu au

XIIIe

siècle,

restait surtout

affaire

des

clercs.Mouvementui se caractérise ar la mise en place de procédures

de

surveillance iverses

enquêtes,

recension

du savoir

et

du

devoir,

promotion

e

la

somme

la

place

du

commentaire,

alendrier

iturgique

venant

upplanter

e

découpage

«

païen

»

du

temps.

Le récit

vaut

donc

par

autrechose

que

lui-même,

ffirme

.

Boureau

dans

une conclusion

brève mais dense.

La

Légende

Dorée

n est

pas

un

recueil

d histoires,

est un

livre de lecture

ontant

une

seule

histoire

celle du

salut.

«

Le

mystère

e la

Légende

Dorée

demeure

.

Son

succès

est

probablement

û à la nature

apologétique

du

recueil. C est

cela

que

les fidèles ont sans

doute

apprécié.

La

Légende

Dorée

se situe

à mi-cheminntre

exposé

doctrinal

t la

narration,

ntre orthodoxie

et les croyances opulaires, ntre es certitudes rovidentiellest l in-

quiétudeeschatologique.

L œuvre de

Jacques

de

Voragine

exhume et

transfigure

es

«

ves-

tiges

. Elle est ime

sorte

«

d herbier

,

assure

A.

Boureau,

à l intérieur

duquel

se sont desséchées

a

multiplicité

t

la richessedu

christianisme

primitif. estiges

d une foi

offrant

image

appauvrie

d un catholicisme

doctrinal ermé la nouveauté

héologique,

estiges

de récits

«

théâtre

d ombre

où se

projettent

es

gestes

divins

.

Mais,

au-delà

du

conser-

vatisme,

e devine

peut-être,

insi

que

le

suggère

A.

Boureau,

a trace

de

ce

rêve

qui

fut celui des

ordres

prêcheurs,

«

rêve

d un ordre

théocratique, une milice chrétienne oumettant u ministèrede sa

parole

une société

regroupée

ans

une hiérarchie

acrée

».

François-Jérôme

eaussart.

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110

Jacques

Chiffoleau,

es

justices

du

pape.

Délinquance

et

criminalité

dans

la

région

d'Avignon

u

XIVe

siècle

Publication

de la

Sorbonne,

Paris,

1984.

Dans les

profonds

bouleversements

e

structures

ue

connaissent

les

XIV* et

XV*

siècles,

deux

institutions

e

développent

l'Etat

princier

t

l'Eglise.

L'essor

de cette

dernière

a été

particulièrement

sensible

pendant

'exil

avignonais,

t dans cet

ouvrage,

J.

Chiffoleau

se propose de mesurer es effetsde la centralisation ontificale

travers

'appareil

judiciaire,

essentiellement

e 1320

à

1380,

dans

le

Contât.

Dans

un

premier

temps,

'auteur se

penche

sur la

machine

udi-

ciaire en

délimitant on

aire de fonctionnement.

es conflits

e

juri-

diction sont nombreux

et

les

accusés

profitent uelquefois

de

cet

enchevêtrement

es différentes

ustices,

n'hésitant

as,

à

l'occasion,

à

se tonsurer

finde

bénéficier

u for

ecclésiastique

les

officialités

tant,

sauf

exception,

lus

clémentes

ue

les

tribunaux

aïques).

J.

Chiffoleau

tudie ensuite

minutieusementes hommes

qui per-

mettent cettemachine de fonctionnerjuges, procureurs, vocats,

notaires,

lavaires,

sergents,

ourreaux...

l note

que

les

juges

sont

formés

e

plus

en

plus

sur

place,

tandis

que

leur

compétence

'accroît.

La

seconde

partie

de

l'ouvrage

nous

plonge

dans

le

monde

des

délits et

des

crimes

la

violence

explique

les

deux tiers des

condam-

nations.Les rixes sont

spontanées

t rarementmeurtrières

t suivent

un rituel ien

précis

on

commence

ar

s'insulter

l'insulte

met

toujours

en

cause

l'intégrité

morale,

physique

ou sexuelle de

l'adversaire)

puis,

on

se

menace,

et

enfin n

se

frappe.

L'auteur

explique

ces

«énerve-

ments

par

la difficulté e sociabilité

ainsi

que par

le

besoin

de

défoulement. es vols sont

moins nombreux

3

à

20

des

condamna-

tions)

et

particulièrement

es vols d'aliments ar l'effort 'assistance

des

papes

dans

ce domaine st

important

La

Pignotte

istribue

usqu'à

15

000 rationsde

pain

par

semaine.

Parmi es

délits,

l

faut

galement

anger

es

transgressions

exuelles

si les

couples

illégitimes

ont

rares,

es adultères

sont

beaucoup plus

fréquents. 'âge

au

mariage

ardif,

t

par

conséquent

e nombre

mpor-

tant

de

jeunes

hommes sans

épouse,

explique

en

partie,

'importance

des

viols.

Ces

derniers,

ien

entendu,

ont

argement

ous-évalués

ans

les

sources,

à cause du silence

des

victimes

qui

ont

peur

des

repré-

sailles

ou du scandale

cet

état de

fait

n'a

guère

changé

puisque

les

sociologues stimentu'aujourd'huies quatrecinquièmes es viols sont

tus.

L'homosexualité

st

de

plus

en

plus

fermement ondamnée

l'auteur

parle

d'une

véritable

phobie

de

l'homosexualité

la fin du

Moyen

Age.

L'alliance

de deux

êtres

qui

ne débouche

pas

sur

la

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Ill

procréation

st

d'autant

plus

condamnable

dans

ces siècles

de

dépeu-

plement.

La sodomie

mène directement

u

bûcher,

et

J.

Chiffoleau

montre

des

exemples

de

querelles

de

clan dans

lesquelles

traiter on

ennemi de

«

sodomite

est

un des

moyens

les

plus

sûrs

pour

se

débarrasser e

lui.

Derniers

délits

enfin

l'offense

Dieu,

sous

toutes

ses formes

hérésie,

blasphème,

acrilège

délits

pour

lesquels

la

capitale

de

la

Chrétienté,

ù

se

définissentes

dogmes,

d'où

partent

es

grands

mou-

vements

'inquisition,

e

peut

que

se

montrer

igilante

t sévère.

Dans une troisième t dernière artie, 'auteurétudie « les réponses

du

pouvoir

.

L'amende,

ersistance

u

wergeld

arbare

du Haut

Moyen

Age,

st

le

châtiment

e

plus

courant.

Elle

permet

de racheter

a

faute

et donc

d'être

potentiellement

éintégrable

dans

la

communauté,

contrairement

u banissement

ui

est

une

peine

plus

lourde

de consé-

quence, puisqu'elle

signifie

e

rejet

hors

de

la société.

La

prison

est

avant

tout

préventive

avant

le

jugement)

ou coercitive.

Toutefois,

l'incarcération

n tant

que

véritable

pénalité,

st

plus

fréquente

ans

la

pratique

des

juges

ecclésiastiques

ors des

délits

graves

car,

canoni-

quement,

'Eglise

ne

peut

faireverser

e

sang

et si

elle ne

renvoie

pas

le

coupable

devant es

autorités

aïques,

elle

propose

'emprisonnement

qui peutêtreperpétuel. es peinescorporelles nfin iennent ne très

grande

place

dans

la

panoplie

des

châtiments

la

pendaison

st le mode

d'exécution

e

plus

fréquent

70

des

peines

capitales),

mais l'accusé

peut

être

aussi

décapité,

noyé,

brûlé

les

hérétiques).

Celui

qui échappe

à

la mort est

marqué

au fer

rouge

sur

le front u

mis

au

pilori

ou

encore

amputé langue

percée

pour

les

blasphémateurs

u

hérétiques

récidivistes,

ied

ou

main

coupés

pour

les voleurs

récidivistes,

elon

le

précepte

vangélique

e

Matthieu, ,

30

«

Si ta main

droite st

pour

toi une occasion

de

péché,

coupe-là

.

Le

châtiment

st

spectacle

moralisé,

l

est

donc

public

la foule

est

appelée au son de la trompe, ar le crieurmunicipalqui précède

le

condamné.

'auteur

remarque

ue quelquefois

a

présence

des habitants

est

imposée.

Est-ce

à dire

que

le

peuple

n'irait

pas spontanément

N'est-ce

as

la

preuve

d'un certain

dégoût

de

la

part

des

spectateurs,

ou

la

marque

d'une certaine

olidarité

e

la foule

vis-à-vis

u

supplicié,

reconnaissant

ans celui-ci

n

possible

soi-même

(Coupable

et

victime

se

ressemblent

tonnamment

t

peuvent

être

facilement

nterchan-

geables).

Les

pendus

sont laissés

longtemps

u

gibet,

es têtes

des

décapités

xposées

sur

un

mât

de

bois,

es

membres

mutilés

uspendus

devant

le Palais

des

Papes

toute

cette

mise

en scène

fait

partie

d'une

«

politique

de

l'effroi

et d'une volonté

de montrer

ux habitants

la toute-puissancee la justiceet de l'Etat.

Car

c'est

bien

l'idée

centrale,

e fil directeur

de

l'ouvrage

que

de

montrer

e renforcement

u

pouvoir

des

juges

et le

progrès

de

l'acti-

vité

udiciaire

au

XIVe

siècle.

J. Chiffoleau

émontre

ue

malgré

es

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112

«

malheurs

du

temps

,

la

machine

udiciaire,

non

seulement

ontinue

de

fonctionner,

ais

renforce on

efficacité.

algré

es

crises,

t surtout

grâce

aux crises

car

l'appareil

udiciaire,

u lieu

de

pâtir

de

la désor-

ganisation

de la

société,

semble en

profiter

la

fragilité

de cette

société

permet,

n

effet,

la

justice

de s'insinuer

dans

«

tous les

interstices

ue

la

ruine ou

la mise en

question

des

pouvoirs

tradi-

tionnels

réent dans le tissu

social déchiré

. Selon

l'auteur,

l

serait

abusif

de dire

que

la

justice

moderne e met

en

place

au

XIVe

siècle,

mais c'est

dans

la

crise,

et non

après, que

se

développent

ertains

instruments,ertainesdoctrines e contrôle ocial qui serontceux de

l'époque

moderne.

Comment

mesurer e renforcementéel de

la

justice

dans

la vie

de

tous les

jours

? Par la

part

de

plus

en

plus

grande

aissée

à

l'arbitrage

du

juge,

par

la

fonction

édagogique

de

l'amende

qui

fait

croire à

la

justice,

la

surveillance

ontinuelle,

uotidienne,

t enfin

ar

la

baisse

sensible

de l'amende

moyenne

qui

signifie,

elon

l'auteur,

que

cette

dernièrene

châtierait

plus

que

les délits

mineurs alors

qu'augmen-

teraient,

ans

le même

temps,

es

peines

corporelles.

J. Chiffoleau

e demande

finalement i

le XIVe siècle

ne

voit

pas

la

mise

en

place

d'un nouvel

ordre

moral,

orchestrée

ar

les autorités

laïques et les autorités cclésiastiques. ourappuyer on propos, l fait

un brillant

arallèle

entre

e

temporel

t

le

spirituel

il

note

que

l'aveu

et

la confession

e

développent

u même moment

première

moitié

du

XIIIe

siècle)

et reflètent

ne

transformation

e

la

notion de faute.De

même

que

les

prédicateurs

cclésiastiquespoussent

e chrétien se

confesser,

es

«

criées

et les

règlements

municipaux

demandent ux

«

honnêtes

ens

de dénoncer e

voisin fautif. es

amendes

et

l'excom-

munication

onnaissent

n fort

développement,

n

cette

fin du

Moyen

Age,

marquant

de

plus

en

plus,

tant

sur

le

plan

social

que religieux,

la

limiteentre

ce

qui

est licite

et ce

qui

ne l'est

pas.

L'étude

brillantede

J.

Chiffoleau,

ant

sur

le

plan

des mentalités

que

des institutionsme

paraît

être un

apport important

notre

connaissance

du

XIVe siècle si

riche en

transformation.

Didier Lett

Groupe

de

La

Bussière,

Pratiques

de la

confession

Des

Pères

du désert

à Vatican

I.

Quinze

études

d'histoire,

aris,

Cerf,

1983,

98

p.

Les

quinze

études

que publie

le

groupe

de

La Bussière

jalonnent

l'évolution

t

illustrent

a diversité

es

pratiques

de la confession

es

Pères

du

désert

à Vatican

I.

Des

quatre

périodes

qui découpent

ette

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113

histoire,

eux

seulement oncernent irectemente

médiéviste,

ui

lira

toutefois vec intérêtes

études oncernantes

évolutions t les

ruptures

du

temps

des

réformes,

out comme

l

référera on histoire la désaf-

fection

ontemporaine

e la confession.

Reste

pour

le

MoyenAge

une histoire n deux

temps,

dont

e

pivot

est sans conteste a

date

de

1215

si

souventmise à contribution

es

dernières

nnées),

orsque

e canon

21

du concile

de Latran IV définit

l obligation

nnuelle de la

confession

uriculaireet ses modalités.

l

s agit

d une

généralisation

e la

pratique

consistant

avouer

ses

fautes

à un prêtre, e qui ne constituaituparavant u un élément econdaire

de la

pénitence.

L articulation ntre les notions de confession t

de

pénitence

st

délicate

t

évolutive,

t les

études réunies oncourent en

éclairer e sens.

Tandis

que

la

confession end à devenir elle seule

l essentiel du sacrement

de

pénitence,

e dernier

terme subit

ime

contraction

émantique puisqu il

désigne

à

l origine

l ensemble

du

processus

menant au

pardon

et

après

1215 a

seule

peine

matérielle

à

accomplir.

Au

point

de

départ

de cette

histoire e situe la

pénitence ntique

acte

public

consistant

admettre

e

pécheur

dans l ordredes

pénitents

il

vivra,

éparé

de

la

communauté t soumis à rude

épreuve,

usqu à

la réconciliation.esante, t de plus impossible renouveler,ne telle

pratique posait

de

gros

problèmes.

L époque

de

Grégoire

e

Grand,

étudiée

par

Bruno

Judie

Pénitence

publique, pénitence privée

et

aveu chez

Grégoire

e Grand

590-604)),

occupe

une

position-charnière.

Confronté ux difficultés e la

pratique

antique,

le

pape

retient e

modèledes

pénitentiels

rlandais

écrits

uelques

décennies

uparavant),

qui

établissent a

pratique

d une

confession

rivée

le clerc

impose

une

peine

strictementarifée n

fonction

u

péché

commis.Si à cette

époque

la

peine

matérielle

este élément

ssentiel,

Grégoire

e fonde

également

ur

la

tradition

monastique

de l aveu des

péchés,

et

notam-

ment celle

qu étudie

Jean-Claude

Guy («

Aveu

thérapeutique

t aveu

pédagogique

dans l ascèse des Pères du

désert,

Ve-Ve .

»).

En

effet,

les

textes

concernant es

ermites

du

désert

d Egypte

expriment

vec

force idée

que

l aveu,

fait

à

un

ancien,

st essentiel

t contient

n lui-

même e

pardon

de Dieu. Notons

que

le rôle de

l ancien est moindre

que

celui

qui

sera dévolu

plus

tard au

prêtre

ce

n est

pas

lui

qui

fixe

la durée de la

pénitence,

mais Dieu

qui

en

signifie

a fin

par

une

intervention iraculeuse.

Face

à cette double

pratique

de

la

pénitence, rivée

ou

publique,

les clercs

de

l époque

carolingienne

ont montre d une

volonté

de

synthèse

et entendent

faire coïncider

pénitence

publique

et

faute

publiqued unepart,pénitence rivée t fauteprivéed autrepart.Mais

la

vision des

clercs aboutit à

un

échec,

et la confession

garde,

en

pratique,

ne

place

secondaire

Michel Rubellin,

Vision de la

société

chrétienne

travers a confession t à

la

pénitence

u IXe

siècle

»).

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114

On

peut s interroger

ur

l évolution

e

la

pénitence

publique,

dont

on

saisit,

au

fil des

études,

e

progressif

éclin,

usqu au

stade

ultime

décrit

par

Nicole Lemaître

«

Pratique

et

signification

e

la confession

communautaire

dans

les

paroisses

au

XVIe

siècle»).

Du

XII*

au

XVIe

siècle,

se

maintient

a

pratique

de

l absolution

collective,

ro-

noncée

par

le

prêtre

ors de

la

liturgie

pascale.

Pour les

théologiens

médiévaux,

lle

ne concerne

que

le

pardon

des

péchés

véniels.

Mais

la lutte

qu ils

doivent

menercontre

es

abus

de

cette

pratique,

ccor-

dant

e salut avec

une

trop

grande

facilité,

uggère

a

nécessité

u il

y

a

de prendre n compte absolution ollectivedans l analysedu système

mis en

place

par

Latran

V.

Latran

IV,

c est

le

triomphe

e

l aveu

et

le recul

des

peines

expia-

toires.

Mais Nicole

Bériou

Autour

de

Latran

IV

(1215)

la naissance

de la confession

moderne

t sa

diffusion

)

montre

bien

qu il

ne

s agit

pas

de concevoir

ne

pénitence

bon

compte

l aveu

est

une

épreuve

dramatisée

ù

«

le

pénitent

e

met en

position

de

coupable

.

Surtout,

l auteur

fait

apparaître

a décision

conciliaire,

non comme

une

inno-

vation ex

nihilo,

mais comme

aboutissement

un

siècle

de

réflexion

théologique

fortement

marquée

par

Pierre

e

Chantre

qui, quoique

plusmodestementu enmatière e Purgatoire,stbien e grandmaître

des naissances

théoriques

,

et

la

généralisation

ar

Innocent

II des

efforts

menés

dans

un certain nombre

de diocèses.

diffusion

e

la confession

nnuelle

est assez

rapide

elle

bénéficie

du

réseau

de

contraintes

xercées sur

l individu

par

les

groupes

étroits

(paroisse,

famille, onfrérie),

t de

l effort

éducation

mené

par

les

prédicateurs.

Le lien étroit

ntre

prédication

t confession

pparaît

dans

les

trois

études

qui

concernent

ette

période

et en

particulier

ans

les

exempla

qu analysent

Jacques

Berlioz

et

Colette

Ribaucourt

«

Images

de

la

confession

au début

du

XIVe

siècle

l exemple

de

YAlphabetum

narrationum Arnoldde Liège»). Si certainsexemplapériphériques

développent

es

thèmesà

haut

risque (par exemple,

pousser

l impor-

tance

de la

contrition

usqu à

rendre

nutile

a

confession

t donc inter-

vention

un

clerc),

e

cœur

de la

rhétorique

xemplaire

st

fondée ur

une alternative

imple

la

confession

u

Satan. La confession

omplète

et sincère

st

une

arme

qui

réduit

néant

es

pouvoirs

du diable

sur

l homme

pécheur.

Pourtant,

travers

étude

des

perfectionnements

e

la

confession,

on

voit

qu il

s agit

d une réalité

de

plus

en

plus

lourde

Hervé

Martin,

«

Confession

t contrôle

ocial

à la

findu

Moyen

Age

).

La confession

est de plus en plus fréquente,t ce d autantplus qu on se rapproche

du sommet

de

la

hiérarchie

ociale

surtout,

es

grilles

de lecture

des

péchés,

notamment

exuels,

s affinent,

tteignent

ne

telle

complexité

qu elles

sont

génératrices

angoisse

pour

les chrétiens.

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115

Cette

histoire

de la

confession

st,

comme

le

montrent

es

propos

stimulants

ue

Michel

Sot

donne

en

introduction

l ouvrage,

n

aspect

de

l histoire

plus

large

de

l affirmation

e

la conscience

ndividuelle.

Avec

e

développement

e

l aveu,

accent

se

déplace

de

l acte

extérieur

de

la

pénitence

vers

un

processus

psychologique,

nstrument

une

connaissance

de

soi.

De cette

problématique,

maintenant

ien ancrée

dans

la

démarche

des

médiévistes,

e

livre

offre

ne

illustration

t

une

confirmation

uancée

(la

chronologie

st

complexe,

ariable

selon

les

groupes

ociaux

et

les différents

ontextes

l aveu

est

déjà

problématisé

chez les Pères du désert,N. Bériou rappelleque Latran IV ne met

pas

fin

mmédiatement

une

conception

bjectivé

du

péché).

L autre

élément

de

problématique

uquel

se

réfère

M. Sot

fait

naître

plus

d interrogations.

l reconnaît

en effet

ue

la

confession

constitue

n

instrument

e contrôle

ocial,

utilisé

par

l Eglise.

Et,

les

auteurs

des

articles,

notamment

M.

Rubellin,

N. Bériou

et

H.

Martin,

nous

montrent

effort

es

clercs

pour

s assurer

grâce

à

la

confession,

aussi

bien

le

monopole

du

chemin

du

salut

qu un

moyen

de contrôler

les

mœurs

t l orthodoxie

es

fidèles.

Auxtenants e cetteproblématique, . Sot faut emarquer u on ne

saurait

négliger

es

résistances

es

fidèles

ce

qui

ne

nie

pas

fonda-

mentalement

e

fait

que

la confession

oit

un

enjeu

de

pouvoir.

urtout,

il

rappelle

que,

du

point

de

vue

chrétien,

a

confession,

oin

d être

un

instrument

oppression,

st

un

moyen

de

libération

uisqu elle

permet

le salut de

l homme

pécheur.

Le souci

de

M. Sot

est

bien

de nuancer

une

analyse

de

la

religion

n terme

de

pouvoir

et

d en éviter

es

faci-

lités,

plus

que

d en

nier

es

fondements.

ar

finalement,

ouvrage

uto-

rise

l analyse

suivante

c est

précisément

arce

que

la confession

st

l instrument

u

salut

qu elle

devient

un

moyen

de contrôle

social.

Dans la confession, assurancedu salut s échangecontre

affirmation

du

pouvoir

de

l Eglise.

C est

tout

e

méritede

ce livre

que

de montrer

omment

a confes-

sion,

d élément

marginal,

devient

une clé

de voûte

de

la société

christianisée

u

Moyen

Age.

Tout

le discours

chrétien,

entré

sur

le

combat

des

forces

du bien

et

du

mal,

et

en

premier

ieu

la menace

de

l enfer,

e

peut

être

compris

ue

dans

un

système

ù

la confession

occupe

ime

place

centrale.

Ces

études,

dans

leur

diversité

et

leur

complémentarité,

anifestent

vec

une

remarquable

ertinence

impor-

tance

stratégique

des

pratiques

de la

confession

t ne

peuvent

que

rencontrer intérêt t susciter a réflexion e ceux que passionnent

la

compréhension

u

système

religieux

du

Moyen

Age.

Jérôme

aschet

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116

Approches

u Lancelot en

prose

études recueillies

par

J.

Dufournet.

Champion-Unichamp,

984.

Ce recueil est fait

pour

les

agrégatifs

ui

voient

au

programme

a

partie

«

Enfances

.

Inégaux

quant

à leur contenu

et leur

approche,

les articles

se

contredisent,

nitiant e

lecteur novice aux

difficultés

d'un roman

abordé

pourtant

dans sa

partie

la

plus simple.

Le

style,

l'enfance

éerique

t les

premières

preuves

ont examinés.

Les questions sont soulevées.

On

peut regretter u'une réponseévasive ne vienne

pas,

en

retour,

enrichirces « Enfances . Seuls,

F. Suard

et D. Poirion

cherchent

élargir

au roman

leur aventure

ponctuelle.

Traiter

du

début,

est-ce

oublier les milliers

de

pages

qui

suivent t

les dizaines

de

volumes encore inédits

A.

Micha,

pour

avoir

vécu

longtemps

vec Lancelot

connaît les

pièges

de son roman.

Le récit

rétrospectif

Sur

un

procédé

de

compo-

sition du

Lancelot)

renseigne

e lecteur

ou un

personnage

rêt

à

agir

et

prend

souvent

a forme

d'un

«

exemple

.

Il

est tentant

de

croire

que

ces

récits,

solés

de leur

contexte,

uissent

être à

l'origine

des

nouvelles.

Mais,

dans

un

texte sans

ponctuation,

ui parle

au

juste,

l'auteurou le personnage Prudence Il est hasardeuxde croire à la

dégénérescence

'un

procédé

littéraire

A.

Micha

s'en

garde

bien)

et

l'essor

de

la nouvelle

peut

aller de

pair

avec l'élaboration

de

romans

colossaux

dont

'architecture,

aute

de

textes,

este à découvrir.

. Bar

(

Faits de

langue parlée)

se

penche

avec bonheursur les savoureuses

trouvailles

tylistiques

'un

texte

ugé,

il

y

a

peu,

«

inférieur

.

D. Poirion

La

Douloureuse

Garde)

suppose que

la clef

des enchan-

tements

ermet

de

passer

de l'aventure rthurienne

la

grande

forme

romanesque.

ans

la

répétition

'actes

similaires,

e merveilleux

evient

rationnel.

oute

référence

xtérieure,

our

pertinente u'elle

soit,

ajou-

terait nutilementu sens au sens caché sous le «bricolage mer-

veilleux

u les

allusions

psychanalytiques,

'épisode

a

pour

fonction

e

réunir

es

protagonistes

e

la Mort Artu

le

roi,

a reine et

l'amant)

et

ceux d'un

drame

théologique

le

cœuret le

corps),

a

Queste

D.

Poirion

aurait

pu

mettre

in

la

querelle

des

partisans

d'une version

simple

,

conte

de fées

sans suite

s'arrêtant

ci. Notant

que

la

pertinence

es

noms

propres

raduit

a collusion

moureuse

ntre

e monde

chrétien,

antique

et

celtique,

l

nous

met

en

garde

contre

oute ecture

élective.

Mais

trouverons-nous

a

culture

pour poursuivre

euls

?

Les

articles uivants

M.

de

Combarieu,

.

Paradis

et J.

Dufournet)

décrivente parrainage u héros.Lancelotsubit es épreuves ui, pour

un

formaliste,

ont

de

lui un héros. Si

des

hypothèses

ont

judicieu-

sement

lancées,

on

peut regretter

ue

le schème

efface

le

texte

l'enfance

féerique

est loin

d'être

triomphante

la Dame

s'en

remet

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117

à Dieu

pourépanouir,

ès dix

ans,

cette

«

fleur des

enfants,

'entraînant

à des

jeux

plutôt

équivoques,complice

dans sa révolte

contre

'auto-

rité,

fût-elle

magistrale

et

congédiable,

ui

enseignant

des

langues

étrangères

ui

donneront,

evant

Guenièvre,

es

contresens

u'on

sait.

Pharien,

i

parfait,

st

un

assassin,

pour

un crime

non

avoué,

qui

touchede

près

le

roi de Gaunes

-

donc

les enfants

u'il

protège.

oin

de

quitter

es

fées,

Lancelot

y

revient

ans

cesse,

par

des

litières ou

des

surfaces

troubles,

aux et

folies,

géants

et feés

trompeuses.

n

la

comparant

ux enfances

de

Perceval,

de Tristan

ou de

Galaad,

on

auraitpu mesurer on originalité t les contraintes u'elle exercesur

un héros

perdu

d'avance.

F.

Suard

(L.

et le

Chevalier

Enferré)

insiste,

au contraire

de

M. L. Chênerie

L'aventure

du Chevalier

Enferré

,

sur

l'aspect négatif

des

premières

ventures.

L'entrelacement

u dit et

du

non-dit,

u

manque

et de

la

perfection,

ont de Lancelot

im héros

faillible

et

moderne.Reconnaissant

a

stupidité

u

premier

œu

qui

met

Lancelot

définitivement

u côté des

battus d'avance

(préférer

e vaincu

au vain-

queur),

F. Suard aurait

pu évoquer

es

paris

aussi

ineptes

qui

ouvrent

la

Queste

et démontrer

ue,

dès

le

début

du Lancelot

la

Queste

se

prépare.Le Lancelotn'est,sommetoute,que l'espace comprisentre

deux

enfances,

elles

du

père

et celles du fils.

Le

méritede tous ces

articles,

'est

de se référer

oujours

au texte

(éd. Micha),

et d'en

accepter

les

artifices, ntrelacements,

ventures

secondaires,

écousu

des

annonces

ongtemps

on-réalisées.

out

ecteur,

même

novice,

sait

que

cette

lecture se fait en deux

temps

un,

on

laisse

passivement

'additionner

es

aventures,deux,

on

trouve eur

sens

par

des

rappels

internes.

Or,

le

découpage

arbitraire

nécessaire

au concours

uggère

ue, pour

ire e

Lancelot,

l

suffit e

le

tronçonner

et de s'armer

de

patience.

Pourtant,

ès

qu'on pratique

ce

«

Livre

de

Sable » qu'est le roman, la recherche xaspéréed'un épisode,anodin

à

sa

lecture et

brusquement

apital,

on est moins

persuadé

que

l'auteur

soit,

comme

dit F.

Suard,

un

«

guide obligeant

Bien des

chercheurs

restigieux

nt été

abusés,

créant

en

toute bonne

foi des

variantes astucieuses

et

complètement pocryphes.

Voulant

éclairer,

ce recueil

manque

l'approche

première,

e

«

mode

d'emploi

du

texte.

Comment

manier deux

mille

pages

manuscrites,

ans

ponctuation

t

sans

foliotation

omme

bien des

manuscrits

'étaient

à

l'époque

?

Certes,

c'était

hors

sujet.

Espérons que

d'autres textes

arthuriens,

avec autant

d'enthousiasme

t

de

franchise,

n

pareille

occasion,

susci-

teront

ne

telle

problématique.

Anne

Labia

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118

«

Le

corps

souffrant maladies et

médications

,

Razo

Cahiers du

Centre

d études

médiévalesde

Nice,

4, 1984,

69

p.

A l occasion

du

présent

numérode Médiévalels consacré

lui

aussi

au

corps,

l

nous

paraît uste

-

puisque

nous

entretenons

es relations

d échanges

vec

les cahiers

niçois

-

de

signaler

e numéro

4

de

Razo,

récemment

ublié.

Il regardeplutôt a France du Sud-Est (Provence t Comtat)avec

cependant

des excursions n Sicile et

dans la

régionparisienne.

Plus

généralement

l

ouvre une réflexion ur la culture

médicale de l Occi-

dent des X*-XV*

iècles.

La

perspective

st essentiellement

istorique

et

anthropologique

au

commencementst

le

corps

humain,

ffronté

ux

souffrances

e la

maladie

ou

de la vieillesse le

problème

st

toujours

la

saisie

de

ce

corps

dans la

perception

ndividuelle u

collective

et

la volonté

et

capacité

de

répondre

à ces souffrances. ans ce cadre l insistance

majeure

est

sur un discourset des activités

profanes.

Razo

ne

néglige

cependantpas l éclairage religieux plusieurs

articles

présentent

a

culture médicaledes clercs

(J.

Rovinski,

D. Le

Blevec).

Et

l analyse

des miracles du Bienheureux

icilien Gerland

H.

Bresc,

J.

Rovinski)

donne

occasion

de

confronter

a

thématique

miraculeuse

l expression

et à

l interprétationcientifiques.

Cette

volonté

d interpréter

e retrouve

dans

la

présentation

de

documents

médicaux

par

Henri Bresc

(documents siciliens),

Noël

Coulet

(documents ixois)

et Louis Stouff

documents rlésiens).

Ces

documents,

our

la

plupart

du

XVe

siècle,

éclairent

notablement

a

pratique

officielle e la médecine

puisqu il

s agit

d actes

notariés,

onc

publics.

La

collecte

st variée

mais

on relève

principalement

eux

types

d actes des licences d exercicede la médecine t surtoutdes contrats

passés

devantnotaire ntre

des malades et des

thérapeutes,

ixant,

n

fonction e

l atteinte,

es conditionsde la cure

lieu,

temps,

ssue et

mode de

paiement.

Le

méritede

ce numéro de

Razo

réside

d ailleurs

pour

beaucoup

dans l offre

u il

fait

au

lecteur

de

documents

variés

qui

à

la fois

satisfont et éveillent des

curiosités,

sur

la

rage

et l euthanasie

(M.-T.

orcin),

ur

a

lèpre

D.

Le

Blévec,

A.

Tavera)

et

sur es

pratiques

para-scientifiques

onfrontées u

regard

de la

justice

(J.

Shatzmiller,

R.

Lavoie).

Sur le versant ittéraireAlice

Planche

a

exploré

a

poésie

du MoyenAgetardif t nous présente es imagesde la vieillesse.Ces

documents sont

une

incitation à

la

recherche

plus

directement

Christine

Martineau

propose

sur le thème de la folie un

programme

qui

est

à

considérer.

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119

Dans

la

vague

actuelle

d intérêt

our

l histoire

u

corps,

ce numéro

de

Razo

appelle ustement

attention ur les documents

rchivistiques

d une

part,

et

d autre

part

sur

le

progrès

notamment

près

la fin

du

XIV* siècle

-

d une

culture

et d une

pratique

médicale

profanes.

O.R.

Liste des

articles

sur le thème

du

corps

déjà

parus

dans

«

Médiévales

»

F.-J.

BEAUSS

RT,

«

D un clerc

grief

malade

que

Nostre

Dame sana

»,

réflexions

urun

miracle,

ans

Médiévales

2,

mai

1982,

p.

34-47.

F.-J.

EAUSSART,

Figures

e a maladie

ans es

miracles

e Nostre ame

,

dansMédiévales

4,

mai

1983,

p.

74-91.

S.

CASTERA,

La

peau

et

sa

pathologie

langage

u

corps

t

reflets

e

la

pensée

médiévale

,

dans

Médiévales

3, anvier

983,

p.

8-18.

B. CAZELLES,« En odeurde sainteté, dans Médiévales, , mai 1982,

pp.

86-100.

M.-C.

POUCHELLE,

«

Les

appétits

mélancoliques

,

dans Médiévales

5,

novembre

983,

p.

81-89.

Page 122: Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf

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/';-=09 )(8*

=-0/']

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121

Articles

déjà

publiés

dans

MÉDIÉVALES

N

1/

JANVIER 1982

Belle

aiglentine.

Narration t

idéologies

dans

une Chanson de Toile

(F.-J. EAUSSART).

-

Le

désordre

t la structure.

ur la

syllabation

médiévale

F. JACQUESSON).

La version

X de la Vie de

Sainte Marie

l'Egyptienne

Mise en

prose

et

catéchèse

(O.

de

RUDDER).

-

L'ar-

chitecte,

Téquerre

et la

géométrie

instrumentale

u

Moyen

Age

(L.

LEGENDRE

et

M.

VEILLEROT).

-

Unités

de

compte

et

espèces

monnayéesu MoyenAge L. GILLARD).- Les notationsmusicales u

Moyen

Age

(I) (A.

DENNERY).

-

De

l'enfant ui

fu

remis au soleil.

Editionde texte

O.

de

RUDDER).

N° 2

MAI 1982

«

GAUTIER

DE COINCI.

LE TEXTE DU MIRACLE

»

Transformations

u savoir et ambivalences

onctionnelles

P.-M.

SPAN-

GENBERG).

-

D'un

clerc

grief

ue

Nostre

Dame sana.

Réflexions

ur

un miracle

F.-J.BEAUSSART).

-

Images

et

apparitions

C.

LAPOS-

TOLLE).

-

Les

énonciateurs

Gautier

(B. CERQUIGLINI).

-

La

rubrique

une unité ittéraire

S.

CHENNAF).

-

En

odeur

de sainteté

(B.

CAZELLES).

-

D'un

clerc

que

NostreDame

garit

de

grand

maladie

Edition de texte (O. de RUDDER).

-

Ordinateurset manuscrits

(G.

JACQUESSON).

3/

JANVIER

1983

«

TRAJECTOIRES

DU SENS

»

Langage

du

corps

et

reflet

e

la

pensée

médiévale

S.

CASTERA).

-

Ecriture

et

imaginaire

du

rêve dans

le

Lancelot

en

prose

(M.

DE-

MAULES).

-

«L'effet

améléon»

(F.

JACQUESSON).

Les

notations

musicales

au

MoyenAge

(II) (A.

DENNERY).

-

Cantigas

ď

Amigo

et

Chansons

de Toile

(I.

NUNES).

-

Le vocabulaire

amoureux

dans

les

Tristans

D.

GEHANNE).

-

Du chaitivel

u des

Quatre

Dois

(G.

FA-

ROUT).

-

Les

MoyenAge

romanesques

du xxe

siècle

(M.

OUERD).

-

Pour

une histoire

de la lecture

O.

de

RUDDER).

De

la

nonain

quimenjéaa fleurdu chol ou li deables s'estoitmis si qu'ele devinthors

du sens.

Edition

de texte

t

commentaires

C.

MICHI).

4/

MAI 1983

«

ORDRE

ET DESORDRES

».

Présenté

ar

J.-C. CHMITT

Images

du

désordre

t

ordre de

l'image

(J.

BASCHET).

-

Ordres du

désert t

aire du désordre

C. LAPOSTOLLE).

-

Formes

t couleurs

du

désordre

M.

PASTOUREAU).

Figures

de la maladie dans

les Miracles

de NostreDame de Gautier

de

Coinci

(F.-J.

EAUSSART).

-

La

méta-

morphose

du

roi

Guillaume

K. HOLZERMAYR).

-

Ordre

divin

et

désordre

u

siècle

dans

la

Chronique

e Gênes

de

Jacques

de

Voragine

(1297) (A. BOUREAU). - Philippede Mézières Carnaval romain ou

révolte

de Colas di Rienzo

(J.

POMI

AN-TURQUET)

-

Une

utilisation

de l'ordinateur

n histoire

médiévale

M.-A.

de MERCO

YROL).

-

La

Pat nostre

e Lombardie. ditionde

texte t commentaires

I.

HIRSCH).

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8/9/2019 Medievales - Num 8 - Printemps 1985.pdf

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122

N° 5

/AUTOMNE

1983:

«

NOURRITURES

».

Présenté

ar

O. REDON

B

rouets,

otages

t

bouillons

J.-L. LANDRIN).

De

l'usage

des

épices

dans l'alimentationmédiévale

B. LOURIOUX).

-

Cuisine

à

la cour

de

l'empereur

de Chine

(F. SABBAN).

-

Valeurs,

symboles,messages

alimentaires

urant

e Haut

Moyen

Age

(M.

MONTANARI).

Exil

et

retour

la

nourriture

es

origines

(D. REGNIER-BOHLER).

-

Les

appétits

mélancoliques

M.-C. OUCHELLE).

-

Les

ustensiles

e

cuisine

en Provencemédiévale

xn'-xv* .)

(P.

HERBETH).

-

Une

recette

du

XV siècle

Comment

faire

les

tortellid'Assises Edition de texte

et

traductionM. TOUSSAINT-SAMAT). Lesmasquesdu clerc J.-Ch. U-

CHET).

-

Qu'est-ce

ue

le

Moyen

Age

?

(F.

JACQUESSON).

6/

PRINTEMPS 1984

«

AU

PAYS D'ARTHUR

Du lac

à

la

fontaine Lancelot et

la

fée amante

(A.

BERTHELOT).

-

La

Dame

du

Lac,

Morgane

et

Galehaut

(J.-M.

BOI

VIN).

-

Le

Bel

Semblant,

aus

Semblant,

emblants

romanesques

H. SOLTERER).

-

La

naissance

de

la

Bête

Glatissante,

'après

le ms.

BN 24400.

Edition

de texte

A.

LABIA).

-

L'expériencepoétique

du

«

pur

néant

chez

Guillaume

I

d'Aquitaine

M. STANESCO).

-

Le

Reggimento

costume

di Donna de Francesco

Barberino

C.

CAZALE).

-

Les

premiers

mmi-

grés,Heurs etmalheurs e quelquesbretons ans e Paris de SaintLouis

(J.-C.

ASSARD).

Robert e Diable au xix* iècle

(P.

LALITTE).

7/

AUTOMNE

1984

«

MOYEN

AGE,

MODE

D'EMPLOI

»

Enquête

Profession

médiéviste

(J. BASCHET,

C.

LAPOSTOLLE,

M.

PASTOUREAU,

.

REGIS-CAZAL).

Le

MoyenAge

une

mentalité

du

multiple

O. CAPITANI).

-

Que

faire du

«

Moyen

Age

?

(J.

DE-

VISSE).

-

Infantilisme

t

primitivité

u

Moyen

Age

(A.

PEILLON).

-

Côté

vert,

ôté

gris

(M. PASTOUREAU).

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concernant es

sujets susceptibles

d'être traités

par

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quand

même es auteurs ne seraient

pas,

ou

pas

encore,

fficiellement

édié-

vistes. Les articles seront tous lus. La revue

se réserve

e droit de

publier

u non.

Sont en

préparation

un numéro stu: les

voyages

dans

l'Orient

Byzantin,

ous la directiond'E.

Patlagean

et

un

numéro

spécial

sur

«

MoyenAge

et

Cinéma

.

Toutes les

suggestions

et

propositions

d'articles sont les bien-

venues.

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Librairie

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15,

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Raspail,

75007

Paris

Librairie

Tschann,

84,

boulevard du

Montparnasse,

75006

Paris

Librairie Autrement

dit, 73,

boulevard

Saint-Michel,

75005 Paris

Librairie du

Regard,

41,

rue du

Cherche-Midi,

5006 Paris

Librairie

internationale

Picard, 82,

rue

Bonaparte,

75006 Paris

Librairie

Flammarion,

centre commercial

Galaxie, 30,

av.

d'Italie,

75013

Paris

Librairie

Pages

d'Histoire, 8,

rue

Bréa,

75006 Paris

Presses Universitairesde France, 49,bd Saint-Michel, 5005 Paris

Librairie

Alphonse

Daudet-Alésia,73,

rue

d'Alésia,

75014 Paris

Librairie

Le

Divan, 37,

rue

Bonaparte,

75006 Paris

Librairie La

Hune,

170,

boulevard

Saint-Germain,

5006 Paris

Librairie

La

Procure, 3,

rue de

Mézières,

75006 Paris

Librairie

Les Mille

Feuilles,

2,

rue

Rambuteau,

75003 Paris

Librairie

Honoré

Champion,

7,

quai

Malaquais,

75006

Paris

FNAC

Montparnasse,

136,

rue

de

Rennes,

75006 Paris

FNAC

Forum,

Forum

des

Halles,

1 à

7,

r.

Pierre-Lescot,

5001 Paris

FNAC Strasbourg,La Maison Rouge, 22, place Kléber,

67000

Strasbourg

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ISSN

0751-2708

SOMMAIRE

8/

PRINTEMPS

1985

LE

SOUCI DU

CORPS

Page

Avant-propos

Jacques

BERLIOZ et

Michel

SOT

3

Mépris

du monde et

résistance

des

corps

aux XI*

et XII*

siècles

Michel OT 6

Eve,

Marie ou Madeleine La

dignité

du

corps

féminin

dans

l'hagiographie

médiévale

Jacques

DALARUN

18

Soin

du

corps

et

médecine

ontre

a

souffrance

l'Hôtel-Dieu

e

Laon au

XIIIe

siècle

Alain SAINT-DENIS

33

Le

corps

des saints

dans les

cantiques

catalans de

la fin du

MoyenAge

43

Edition t traduction « Los goixsdelparenostre ane Domingo 54

Dominique

de COURCELLES

Le

corps

des saints ermites n Italie

centrale

ux XIV*

et XV* s.

étude

d'iconographie

Daniel RUSSO

57

L'argument

'Anselme

t la

genèse

de la

dialectique