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Logistique entrz

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  • CHAPITRE 27

    TRANSPORT ET LOGISTIQUE :

    ENJEUX TERRITORIAUX

    ET RLE DES AUTORITS

    LOCALES ET RGIONALESAndre Pasternak

    ministre des Affaires trangres, FranceJean-Paul Pellissier

    CIHEAM-IAM de Montpellier

    Lhistoire de la Mditerrane nous enseigne que transport et logistique ont de touttemps constitu un outil de dveloppement conomique et un facteur de structu-ration et de cohsion des territoires. La libralisation du commerce en a fait unlment cl de la comptitivit des marchandises sur les marchs internationaux.minemment concurrentiel et priv, ce secteur renvoie dans le mme temps auxpolitiques damnagement territorial, quelles soient rgionales, europennes, mdi-terranennes ou nationales. Les grands projets dinfrastructures ports par lUnioneuropenne (UE) font lobjet dune attention toute particulire par les collectivitsterritoriales, dsireuses de ne pas se retrouver isoles ou cartes des futurs axesstructurants.

    Reliant les territoires entre eux, sorganisant en plates-formes situes sur desnuds stratgiques de rseaux denses, toujours plus segments et complexes, lesinfrastructures logistiques et de transport de marchandises posent ncessairement laquestion du rle avr ou potentiel des collectivits territoriales dans cette dyna-mique du plus, plus vite, plus loin . Les marchandises, quelles arrivent ou quellespartent, sont comme une rivire dont il sagirait de dtourner une partie du cours son profit. La concurrence entre les territoires pour capter ce flux conomique estun fait, dont les bnfices sont peser laune des externalits ngatives quil gnre(congestion des voies de circulation, risques sanitaires, bruit, pollution, etc.).

    Mais lorsque les enjeux se dplacent des chelles suprargionales, les intrts ter-ritoriaux, individuels, qui poussaient une concurrence entre les rgions, seffacentau profit dactions communes qui sont la dmonstration du poids que peuvent avoir

  • aujourdhui les rgions dans lorientation des dcisions politiques. Et le secteur destransports ny chappe pas.

    ces aspects qui ancrent les territoires sur les grands axes du commerce et de laconcurrence internationale, vient se superposer un volet qui trouve son origine dansle renouveau du local . Accompagnant des revendications sociales nouvelles ouconstruites en raction certains excs de la mondialisation, de plus en plus dauto-rits locales et rgionales promeuvent des stratgies territoriales de dveloppementqui prnent une valorisation de lconomie locale, par et pour les populations duterritoire. Les transports et la logistique que ncessitent de telles approches sontspcifiques et ces questions deviennent alors centrales pour une bonne mise en uvrede ces stratgies locales nouvelles. De la mme manire quil existe des alliancesdintrts entre les rgions au regard du commerce international, des alliances senouent entre les territoires sur ces questions qui sont sources de nouvelles modalitsde gouvernance des flux de marchandises quand elles nen dterminent pas uneorganisation particulire. On saperoit ainsi que les stratgies des autorits localeset rgionales dans le domaine du transport et de la logistique sont riches et diverses,associent dmarches territoriales propres, rponse la concurrence, alliances inter-territoriales, mise en rseau et lobbying, etc.

    En voquant le rle et la place des autorits locales et rgionales dans la gouvernancedes transports et de la logistique, ce chapitre se propose parfois en creux lorsquele niveau territorial nexiste pas, et cest encore souvent le cas dans les pays au sudde la Mditerrane dclairer cette chelle dintervention dans un secteur qui estle reflet de lorganisation conomique actuelle mais dans lequel il est galementpossible didentifier les prmices de nouveaux modes dorganisation et degouvernance.

    Encadr 1 : Les autorits locales et rgionales

    Dans ce chapitre, le terme autorits locales et rgionales dsignent les diffrentsniveaux de dcentralisation (municipalits, districts, provinces, rgions, etc.). Onemploiera galement les termes de collectivits locales et de collectivits terri-toriales . Dans les pays o la dcentralisation est effective, les autorits bnficientde garanties juridiques rgulant leur existence, de comptences, de personnel et dunbudget propre.

    Sur la rive sud du bassin mditerranen, on constate, de faon gnrale, un transfertcroissant des comptences du pouvoir central vers la priphrie mais ce transfert nesaccompagne pas toujours des ressources ncessaires ni de moyens de gestion finan-cire suffisants (CGLU, 2008). Au Nord, les comptences des collectivits territo-riales, et particulirement celles des rgions, sont trs variables en fonction des payset de leur degr de fdralisme.

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  • Les autorits locales et rgionaleset la structuration des voies de commerceet de la logistique internationalesMobilisant les progrs techniques, optimisant les cots par des regroupements ouau contraire par une segmentation des activits, les acteurs privs du secteur destransports et de la logistique et des secteurs amont et aval sont les premiers moteursdes dynamiques dorganisation et de recomposition permanente des rseaux de cir-culation et de distribution des marchandises.

    Les rgions actrices de la structuration des voiesde commerce internationales

    Les flux intercontinentaux de marchandises relient les grands ports mondiaux quisont autant de portes dentre partir desquelles se structurent, sur lensemble desterritoires terrestres, les axes intrieurs de transport et les nuds logistiques1. trelun de ces nuds, le devenir ou le rester, en se modernisant, en sadaptant et eninnovant constitue un enjeu de dveloppement conomique des territoires, que cesoit pour servir de plates-formes pour les marchandises circulantes, pour rpondreaux besoins dapprovisionnement des industries locales ou pour gagner en comp-titivit dans lexportation des biens produits. Ds lors, le dveloppement des infras-tructures de transport et de la logistique fait partie intgrante de la stratgiedattractivit des territoires porte par les autorits locales et rgionales. Les rgionspeuvent ainsi investir dans les installations portuaires (quipements, amnagements)pour les rendre plus comptitives. La zone dinfluence et dattraction conomiquedun port stendant son hinterland, il est donc ncessaire pour la rgion dam-liorer son environnement en dveloppant les voies de communication, en promou-vant des modes alternatifs de transports et en jouant souvent la carte de lacomplmentarit avec les rgions voisines. Proactives pour favoriser le dvelop-pement des transports ou limplantation de plates-formes logistiques, les collectivitsterritoriales se trouvent galement en position pour promouvoir linnovation dansce domaine et privilgier le dveloppement de certains modes de transport ou decertaines modalits logistiques plus conomes en nergie ou moins polluantes.

    Lorsque lchelon rgional existe, on constate ainsi quil participe la dynamiquedorganisation territoriale de la logistique et du transport selon diffrentes modalitsrenvoyant ses comptences : en cofinanant les programmes dinvestissement, auct de ltat et du secteur priv ; en organisant la gestion du foncier de manire permettre une optimisation de limplantation des infrastructures logistiques ; en pro-mouvant linnovation ; en dveloppant une politique dattraction des investisseursrels et potentiels ; en jouant un rle de dynamiseur et de fdrateur des acteurslocaux autour de stratgies et de schmas damnagement moyen terme ; et enfavorisant la pleine intgration de ce secteur aux autres dynamiques territoriales.Cest sur ces deux derniers points que la plus-value territoriale est certainement

    1 - Pour une visualisation de lintensit de ces grandes routes maritimes, on pourra se reporter la carte tablie par laBanque mondiale (2009, p. 172).

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  • rechercher, notamment au niveau rgional, en rfrence des approches plus cen-tralises de ltat ou plus autonomes des oprateurs privs.

    En France, les rgions laborent de manire concerte des schmas rgionaux detransport, des schmas rgionaux des infrastructures et des transports, des stratgiesrgionales portuaires, etc., qui ont chacun pour vocation de mettre au service desprofessionnels du transport et de la logistique, une lisibilit des orientations futurestout en garantissant une cohrence du dveloppement des quipements et infras-tructures (Rgion Languedoc-Roussillon, 2009) en vue du dveloppement et de lacomptitivit du territoire rgional.

    Le port de Rouen a ainsi bnfici de lappui de la rgion Haute-Normandie2, de laville et du dpartement. Cest aujourdhui le premier port franais pour lagro-industrie, notamment pour les exportations de crales (bl, orge, mais), aveclAlgrie comme premire destination (bl et orge), devant le Maroc. Mais si le portde Rouen joue aujourdhui un rle cl cest quil dispose en relais dun rseau routieret dinfrastructures ferroviaires tendues. La rgion a su mettre en valeur ces atoutspour dvelopper un complexe multimodal, en favorisant la complmentarit entreles ports de la Basse Seine et en sinscrivant dans un corridor de fret fluvial etferroviaire. Les collectivits territoriales de la rgion ont prconis la promotion detous les modes de transport et la coopration pour renforcer le poids conomiquedu ple logistique et dvelopper lconomie locale.

    La situation du port de Marseille-Fos met en vidence, mais en creux, limportancedes collectivits territoriales et de la concertation stratgique dans la constructiondun maillage comptitif associant transport et logistique. Grand port autonome,comme six autres ports de France, dont Rouen, le port de Marseille-Fos est contrlpar ltat. La relative faiblesse de ses performances, analyses dans une rcente tudede lOCDE (Merk et Comtois, 2012), pointe le dficit de gouvernance locale commelun des facteurs explicatif de cette situation : Premirement, le fait que des portssoient contrls par ltat pourrait rendre ces ports moins sensibles aux questionslocales (comme la cration de valeur conomique et demplois au niveau local, larduction des impacts environnementaux) en comparaison avec les ports contrlspar la ville ou les gouvernements rgionaux. Deuximement, les villes portuaires quinont pas la responsabilit de leur port peuvent savrer moins dsireuses de crerdes conditions favorables au maintien du dveloppement portuaire, sous la formepar exemple dinvestissements. (Merk et Comtois, 2012, p. 52.) Si une nouvelledemande dun euro lintrieur du complexe portuaire gnre un euro supplmen-taire doffre dans lconomie franaise (Merk et Comtois, 2012, p. 30), ce sont,pour le port de Marseille, les rgions le-de-France et Rhne-Alpes qui en sont lesprincipales bnficiaires (30 %), loin devant la rgion Provence-Alpes-Cte dAzur(PACA) (seul 6 % de cet euro supplmentaire bnficie au tissu conomique local).Ce constat faisait dire Bernard Morel, vice-prsident de la rgion PACA en charge

    2 - La rgion Haute-Normandie constitue le premier complexe portuaire franais et le quatrime europen avec deuxgrands ports, Le Havre et Rouen, grce notamment un maillage multimodal. Le Maghreb est la premire destinationdes exportations avec 60 % des exportations, devant le Proche et Moyen-Orient, lAfrique de lOuest, lUE etlAmrique centrale.

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  • de lconomie, la sortie de ltude de lOCDE en novembre 2012 : quoi bondvelopper et investir dans le port. Il existe un vrai problme darrimage du port son activit conomique3. Nul doute que cette dsaffection de la rgion pour sonport a, par contrecoup, des rpercussions sur sa comptitivit internationale et sursa capacit drainer les flux, notamment de produits agricoles.

    Les villes et les agglomrations au curde la logistique urbaine

    Au niveau micro-local, les villes et les communauts urbaines jouent un rle majeurdans lagencement fin des rseaux et le positionnement des infrastructures logistiquesdans une double logique dorganiser la fois la pntration de la ville, pour desservirles habitants et les entreprises qui sy trouvent, et le dernier kilomtre , qui repr-senterait 20 % du cot total de la chane. Si les villes nont pas de comptences enmatire de fret, il est de leur responsabilit doptimiser la circulation des marchandisespour un bon approvisionnement des commerces et le positionnement des zones destockage, tout en limitant, y compris par la rglementation, les diffrentes nuisancesdues aux transports et les engorgements des centres urbains. Cette prise en comptede limportance de la logistique et du transport de marchandise en ville va croissant.

    Ainsi, au terme de ltude Livraisons et logistique urbaine : diagnostic, benchmark etprconisations (AGAM, 2010), commande par Marseille en 2010 une agencedurbanisme, cinq grands objectifs ont t identifis : agir sur la rglementation etlaccueil des livraisons ; mener une politique volontariste de prservation foncire ;favoriser le dveloppement dun immobilier logistique de nouvelle gnration ; pro-mouvoir une nouvelle organisation logistique ; favoriser de nouveaux modes de coo-pration entre acteurs et des modes de transports innovants. Des stratgiesdamnagement ont en outre t proposes pour chacune des quatre zones dorga-nisation spatiale identifies au sein de lagglomration (lhypercentre, la zone pri-centrale, la zone nord-est et la zone priphrique).

    voquant plus spcifiquement la question du dernier kilomtre alimentaire ,Eleonora Morganti, dans une rcente note dalerte du CIHEAM (Morganti, 2013),souligne le rle cl que pourraient tre amenes jouer les villes dans une logiqueglobale dintgration de la question de lapprovisionnement urbain en aliments auproblmatique de sant, dallocation foncire, de dveloppement conomique et deprservation de lenvironnement. Nous le verrons, cette question de la logistiqueurbaine prend toute son importance dans les stratgies mergentes de relocalisationdes conomies territoriales et pourrait terme influer sur lorganisation globale deschanes de transport et de logistique.

    Au sud et lest de la Mditerrane,un contexte encore fortement centralisateur

    Dans les pays du sud et de lest de la Mditerrane (PSEM), le secteur du transportet de la logistique accuse un retard structurel important. Domin par le transport

    3 - Nathalie Bureau du Colombier, Un rapport de lOCDE pointe du doigt les dficiences du port de Marseille ,Econostrum.info (www.econostrum.info).

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  • routier, il est concentr sur le littoral et marqu par un dficit en infrastructures detransport urbain et rural qui est lorigine dune congestion des grandes zonesurbaines. Parce que les collectivits locales sont encore peu structures et sans vri-table autonomie, la dynamique dorganisation de ce secteur reste largement dominepar le secteur public, de plus en plus frquemment en partenariat avec les oprateursprivs sous forme de contrats programmes ou par le biais dagences sous tutellede ltat. Cest ainsi quen Algrie, la gestion des ports a t confie des tablisse-ments publics rgionaux, dnomms entreprises portuaires , dots dune person-nalit morale et dune autonomie financire. Au Maroc, cest lAgence marocaine dedveloppement de la logistique, cre en 2011, qui est le bras arm de ltat de lamise en uvre de la stratgie nationale intgre de dveloppement de la comptitivitlogistique (Royaume du Maroc, 2010) et qui fdre lensemble des intervenants :administrations, collectivits locales, acteurs conomique. Elle dispose de la person-nalit morale et de lautonomie financire et agit sous tutelle de ltat. Le dvelop-pement du port de Tanger a t confi une autre agence, lAgence spciale Tangermditerranen, socit anonyme contrle directement par ltat et dote des pr-rogatives dacteur territorial public sur la zone concerne, quand le dveloppementde lhinterland relve de lAgence pour la promotion et le dveloppement du Nord(APDN), premire agence nationale de dveloppement vocation territoriale creen 19964.

    Lobjectif premier dans ces pays reste aujourdhui la cration dun maillage nationalde plates-formes logistiques interconnectes et relies aux flux internationaux, parle biais, prioritairement, de la libralisation du foncier ou de la mobilisation desrserves foncires de ltat. Au Maroc, les agences de dveloppement comme lAPDN,tablissements publics rattachs la primature et jouissant de lautonomie financire,dveloppent limage des collectivits rgionales de plein exercice , une visionstratgique pour lavenir de leur territoire et investissent directement dans la rali-sation dinfrastructures darticulation et de connexion territoriale. LAPDN promeutainsi diffrents projets, tels que la construction de la rocade mditerranenne quirelie Tanger Sadia, qui rduit le temps de trajet de onze sept heures, lamlio-ration du rseau routier existant et surtout la construction de routes et de pistesrurales afin de structurer le territoire qui sadosse la zone portuaire de Tanger-Med.Les synergies entre ces deux dynamiques, territoriale dun ct et dagence de lautre,ne sont pas aujourdhui optimales mais, forte de son exprience acquise durant cesdeux dernires dcennies, lAPDN apparat aujourdhui comme un vecteur impor-tant du renforcement des capacits et de transfert dexpertises fonctionnelles auprofit des rgions et des autres collectivits locales dans le cadre du processus dergionalisation avance. Sil nexiste pas encore de vritables stratgies territorialesqui viendraient complter lapproche nationale en matire de transport et de logis-tique et en affiner les retombes locales, on peut supposer que la rgionalisationviendra combler ce chanon manquant dans les annes venir.

    La Turquie est un autre trs bon exemple de cette dynamique. Positionne strat-giquement entre lAsie et lEurope, dote dun potentiel conomique lexportation

    4 - Pour une analyse de la stratgie logistique du Maroc, voir Abis (2013).

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  • en plein essor et engage dans le processus dadhsion lUE, ce pays a pris consciencede la ncessit dorganiser un schma de transport et dinfrastructures logistiques la mesure de ces enjeux, par la cration notamment dun rseau de dix-sept villageslogistiques rgionaux. L encore, ltat est le principal protagoniste au ct desacteurs privs ; les collectivits territoriales nont quant elles pas encore pris lamesure du rle quelles pourraient jouer dans une telle dynamique qui aura nces-sairement des rpercussions sur le tissu local.

    Quand les autorits locales et rgionales sallientpour faire valoir les intrts rgionaux

    Les tats membres et aujourdhui lEurope ont compris limportance du secteur destransports pour lconomie et le bien-tre des citoyens : les investissements consentisen matire dinfrastructures routires, ferroviaires et maritimes sont dornavant trsimportants. Articuls des logiques de renforcement de la comptitivit de lco-nomie europenne, les diffrents corridors en cours de ralisation dessinent la cartedes futurs flux de marchandises. Dans les choix politiques inhrents ce type dinves-tissement, les autorits locales et rgionales sont trs attentives ne pas se retrouvercartes ou isoles. Directement ou par lintermdiaire de leurs rseaux, elles semobilisent donc activement pour orienter ces investissements.

    La consultation publique lance par la Commission europenne (CE) de mai sep-tembre 2010 sur la future politique du rseau transeuropen de transport (RTE-T)en est une parfaite illustration. De nombreuses collectivits territoriales mditerra-nennes ont exprim leur point de vue, titre individuel et par la voie dorganisationsdj existantes ou de coordinations nouvelles promues spcifiquement cette occa-sion. Ces collectivits ont notamment mis en exergue le paradoxe qui prvautaujourdhui : le centre de gravit du fret europen est lEurope du Nord, y comprispour les produits destins lEurope du Sud, dbarqus dans les grands ports duNord de lEurope avant dtre achemins par diffrents modes de transport vers leSud. Les collectivits ont ainsi fait valoir que les ports de la Mditerrane par lesquelstransitent 25 % des flux maritimes mondiaux ont un rle jouer et des flux capteret doivent tre connects aux RTE-T, en insistant sur limportance de lenjeu dunerduction des flux de CO2 qui devrait tre un objectif prioritaire pour lUE.

    Lmilie-Romagne, rgion italienne, a soulign le rle que pourraient jouer les portsde lAdriatique. La cration de lassociation des ports italiens, slovnes et croates,NAPA, en 2010 va dans ce sens. Mais cest la rgion PACA, en France, qui a vri-tablement port le lobbying des ports de la rgion et plaid en faveur dun rqui-librage des RTE-T vers la Mditerrane en soutenant la diversification des portesdentre de lEurope en matire de fret longue distance pour les positionner auplus prs des bassins de population, une meilleure intgration du RTE-T aux espacespriphriques mditerranens, et la recherche dune cohrence avec le rseau trans-mditerranen de transport (RTM-T).

    491Transport et logistique : enjeux territoriaux et rle des autorits...

  • Il convient dvoquer galement linitiative porte par des professionnels regroups

    au sein de lassociation FERRMED5, rapidement relaye par les collectivits territo-

    riales et notamment par les Communauts autonomes espagnols, que soit retenu,

    dans le cadre du schma europen, le dveloppement dun couloir ferroviaire de fret

    rfrigr reliant directement le sud au nord de lEurope pour amliorer la distribu-

    tion dans toute lEurope des produits mditerranens, et notamment des fruits et

    lgumes. Cette action devrait donner lieu, linitiative de la ville de Barcelone, la

    constitution prochaine dune association des villes lies la zone dinfluence du

    grand axe FERRMED.

    La Confrence des rgions priphriques maritimes (CRPM), rseau de prs de cent

    soixante rgions issues de vingt-huit pays, sest galement montre trs active, en

    pointant notamment linsuffisance de consultation, par la Commission europenne,

    des rgions dans la politique RTE-T, alors mme quelles sont souvent amenes

    cofinancer sa ralisation.

    Dans cette approche de lobbying des collectivits territoriales pour influer sur la

    programmation europenne, citons linitiative Dtroits dEurope6 , lance en 2009,

    qui regroupe quinze collectivits locales bordant huit dtroits dEurope. Elle vise

    faire reconnatre les spcificits conomiques, sociales, environnementales de ces

    espaces gographiques particuliers et permettre lmergence de projets de coop-

    ration territoriale, limage de ceux existant sur des espaces gographiques dj

    reconnus comme lespace alpin ou lespace mditerranen. Fait intressant, elle ambi-

    tionne de souvrir prochainement des pays tiers du pourtour mditerranen

    (Maroc, Tunisie, Turquie).

    Dans son effort de structuration du territoire, lArc latin7, cr en 2002 et regroupant

    quarante-six collectivits territoriales de rang NUTS III de Mditerrane occidentale,

    a galement engag en 2011, de sa propre initiative, une tude comparative des exp-

    riences locales de dveloppement du secteur de la logistique et du transport de

    marchandises en Espagne (Grone, Tarragone et Lrida), en Italie (Plaisance et

    Novare) et en France (le cluster PACA et le dpartement des Bouches-du-Rhne),

    qui se conclue par un ensemble de priorits dintervention (Arc latin, 2011).

    La revalorisation des produits locaux,une nouvelle donne

    Aprs des dcennies durant lesquelles les progrs techniques et biotechnologiques

    ont t le moteur essentiel de lvolution dune agriculture de plus en plus standar-

    dise, celle-ci renoue aujourdhui avec la dimension territoriale et la diversit.

    Une diversit territoriale croissante des produits...

    La rgionalisation croissante de la politique agricole commune (PAC), lide dam-

    liorer la performance des stratgies nationales par une meilleure prise en compte des

    5 - FERRMED (www.ferrmed.com).

    6 - Dtroits dEurope (www.fr.europeanstraits.eu).

    7 - Arc latin (www.arcolatino.org).

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  • particularits territoriales ou la simple volont de certains lus locaux dintgrerlagriculture dans leur stratgie de dveloppement (par exemple en France sous laclause de comptence gnrale ) font que les autorits locales et rgionales seretrouvent de plus en plus souvent aborder les questions agricoles. Ce faisant, ellesen viennent intgrer pleinement cette composante dans leur stratgie de dvelop-pement territorial, passant du statut de simple excutant de politiques nationales aurang de promoteur de stratgies agricoles territoriales qui cherchent optimiserlimpact de cette activit conomique pour le territoire. La production nest plusune fin en soi, elle est saisie dans sa capacit gnrer des emplois dans la rgion, produire ou prserver des paysages propices aux activits touristiques, rpondreaux enjeux environnementaux du territoire et crer du lien social entre lespopulations.

    Les stratgies des autorits locales et rgionales mettent naturellement en avant laspcificit des productions du territoire comme lment de diffrenciation et decomptitivit. Cette approche est dautant plus marque en Mditerrane que cetespace gographique se distingue par la richesse de ses terroirs, de ses traditionsagricoles et de ses cultures alimentaires. De fait, on assiste aujourdhui la multi-plication des produits locaux qui clbrent cette histoire presque oublie. Cettevolution ne concerne pas uniquement les pays mditerranens dEurope. La dyna-mique trs volontariste engage par le Maroc dans le cadre du plan Maroc vert pourdvelopper et promouvoir les produits du terroir de ce pays, aussi bien lexpor-tation que sur le march national, ou la reconnaissance dindications gographiquesen Tunisie montrent que les pays du sud de la Mditerrane se sont galementengags dans cette voie de la territorialisation des productions, quand bien mmeces initiatives restent largement impulses par ltat.

    Les collectivits territoriales europennes, dans le cadre de leur action de cooprationdcentralise8, se sont empares de ce thme et sengagent de plus en plus, lademande de leurs partenaires du Sud, dans des programmes de dveloppement agri-cole qui portent sur la structuration des filires de produits spcifiques. titredexemple, citons ici le partenariat entre la rgion Champagne-Ardenne et la rgionde lOriental au Maroc depuis 1990, qui est lorigine de la mise en place des deuxpremires indications gographiques (IG) marocaines : la clmentine de Berkane etle mouton Beni Guil. Et il est intressant de noter que cest dans le cadre de cettecoopration qua t mise en place une formation en logistique et cr un DUT emballage-conditionnement des produits alimentaires Berkane. Le projetdamlioration des revenus des agriculteurs coordonn par le CIHEAM-IAM deMontpellier, dans le cadre du partenariat entre le conseil gnral de lHrault, enFrance, et le gouvernorat de Mdenine, en Tunisie, vise quant lui la promotion,prioritairement sur le march national, des produits dorigine de Bni Khedache(huile dolive issue de varits typiques du territoire, miel de montagne, figues etolives sches, etc.).

    8 - Dans le cadre de la coopration au dveloppement, lapproche dcentralise est relativement rcente. La cooprationdcentralise se dfinit comme lensemble des actions menes linternational, entre deux ou plusieurs collectivitstrangres dans un intrt commun. Les collectivits franaises sont reconnues comme des acteurs part entire delaction internationale de la France. Cette coopration est soutenue par le ministre des Affaires trangres.

    493Transport et logistique : enjeux territoriaux et rle des autorits...

  • ... qui saccompagnent dune restructuration des circuitsde distribution

    Cette volution vers la diffrenciation du produit rpond une attente rcente du

    consommateur9 qui souhaite aujourdhui se construire une identit travers lacte de

    consommation, ce que rvlent la dsaffection continue pour les grandes surfaces au

    profit des petites surfaces de proximit et lintrt croissant pour les produits iden-

    titaires , mme si le prix reste toujours un dterminant fort de lachat, particulire-

    ment en priode de crise. Cette demande saccompagne souvent dune exigence en

    termes de qualit (gustative, nutritionnelle, sociale, etc.) qui doit tre certifie , que

    ce soit par des appellations (appellation dorigine contrle, appellation dorigine

    protge, etc.), des indications dorigines (indication gographique, indication go-

    graphique protge, etc.) ou des labels (bio, quitable, co-responsable, etc.). Les

    produits spcifis territorialement rpondent lvidence ces nouvelles attentes.

    En construisant la gamme de leurs produits du terroir, les collectivits territoriales

    peuvent en faire un lment daction locale qui les conduit simpliquer dans la

    promotion quand ce nest pas dans lorganisation mme des nouveaux rseaux de

    distribution qui entendent consolider lalliance producteurs-consommateurs locaux.

    Do la multiplication des initiatives du type promenades de fermes en fermes ,

    marchs paysans ou randonnes dcouvertes du terroir , qui constituent autant

    dalternatives nouvelles pour le consommateur de sapprovisionner directement

    auprs du producteur.

    Des rseaux de territoires mergent galement, construits sur une identit commune

    de produits ou sur une mise en complmentarit des produits spcifiques de chacun

    des territoires considrs. La municipalit de Lari, en Italie, a ainsi dvelopp avec

    la province de Pise, la rgion Toscane et dautres partenaires la mise en valeur co-

    nomique et culturelle de la cerise de Lari, crant une marque collective. Afin de

    renforcer les recherches pour amliorer les pratiques agronomiques et dvelopper la

    promotion du produit, une association nationale des villes italiennes de la cerise

    a mme t cre10. Pour sa part, le projet Terra Nostra, conu et mis en uvre par

    lArc latin, consiste mettre en place un modle alternatif de croissance en Mdi-

    terrane fond sur les spcificits de chaque terroir par la cration dune marque

    territoriale de qualit : la marque Arc latin. Associes au tourisme rural, des routes

    sont traces afin de favoriser le dplacement du consommateur vers les sources de

    production locale, dans une synergie inter-rgionale qui traverse la Mditerrane,

    limage des routes des vins, de lolivier et des saveurs ou des bio-itinraires promus

    par les rgions partenaires du programme europen Novagrimed11.

    La recherche dune cohrence dans les politiques sectorielles locales peut galement

    aboutir des initiatives intressantes qui montrent comment une politique locale

    peut influer sur lapprovisionnement et lorganisation logistique. Cet exemple nous

    est donn, en France, par les collectivits territoriales qui, ayant en charge la

    9 - Ce mouvement, que nous nanalyserons pas ici, traduit une volution interne des socits, reprise par le marketing,

    avec une adaptation des process industriels cette individualisation du consommateur.

    10 - Agriculture urbaine en Mditerrane , Lettre de veille du CIHEAM, 18, septembre 2011.

    11 - Novagrimed (www.novagrimed.eu).

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  • restauration collective dans les tablissements denseignement primaire ou secon-daire, ont dcid damliorer la qualit des repas (en y introduisant les produits biosnotamment) tout en favorisant un approvisionnement local. Alors mme que larestauration collective passait par des appels doffres privilgiant le mieux disant,cette approche remet en question les rgles de marchs publics pour y introduireune prfrence territoriale . Elle impose galement de revoir le circuit dapprovi-sionnement des cantines scolaires qui doit ds lors sadapter une offre plus dis-perse, avec une diversification plus grande de produits et une saisonnalit retrouve.

    Vers lmergence de politiques territorialesintgres de scurisation alimentairePartant dactions ponctuelles visant le secteur de lagriculture et la promotion desproduits territoriaux, les autorits locales et rgionales parviennent aujourdhui orga-niser finement les flux de produits lintrieur du territoire, selon une logique intgra-trice et globalisante du produiremieux pour consommermieux . Linitiative devientds lors politique et cest lensemble de lorganisation territoriale qui peut sen trouverimpacte. De telles initiatives se dveloppent dans les pays du nord de la Mditerranesur fond de crise, dans une qute de nouveaux modles de socit qui rpondent auxinsuffisances du modle capitaliste mondialis. Elles se dveloppent galement auniveaudes villes et desmgapoles, dans une tentative dapporter des solutions une crisede lalimentation urbaine que lon sait explosive pour lordre social.

    Des villes qui recouvrent leur fonction nourricire

    Nourrir les villes est une proccupation constante dans lhistoire. Assurer leur ravi-taillement, cest en premier lieu mettre en place un systme politique pour scuriserles approvisionnements, organiser et grer les stocks afin de limiter la spculationsur les produits alimentaires. Dj, les pharaons avaient organis des systmes destockage des rcoltes pour prvenir les famines en priodes de basses eaux en gypte.La question se pose aujourdhui avec dautant plus dacuit que le taux de la popu-lation urbaine dans le monde, qui a dpass les 50 % en 2007-2008, devrait atteindre70 % en 2050, avec une population mondiale estime 9,6 milliards dindividus (envariante mdiane), et que lon doit ds maintenant tre capable de grer des mga-poles de plusieurs dizaines de millions dhabitants, dont le nombre ne cessera daug-menter. Comment, dans ce contexte, garantir laccessibilit des populations,notamment les plus pauvres, aux produits de base, une alimentation saine et varie des cots acceptables quand les systmes logistiques sont dfaillants ?

    Lagriculture urbaine et priurbaine peut, en partie, constituer une rponse. Pour laFAO, elle prsente un avantage comparatif par rapport aux zones rurales pour lappro-visionnement des villes en produits frais tout au long de lanne (FAO, 2012). Les villesmditerranennes, qui ont une longue tradition dagriculture urbaine et priurbaine,retrouvent par ce biais leur fonction nourricire, avec des rsultats variables selon queces initiatives sont soutenues ou non par des politiques locales, voire nationales12.

    12 - Agricultures urbaines en Mditerrane , Lettre de veille du CIHEAM, 18, septembre 2011. Voir aussi Abis et Brun(2012).

    495Transport et logistique : enjeux territoriaux et rle des autorits...

  • La Tunisie a connu au cours des quarante dernires annes une urbanisation crois-

    sante qui sest faite, comme dans dautres pays du Maghreb, au dtriment de lagri-

    culture. Elle a pourtant t lun des premiers pays dAfrique reconnatre la menace

    de lexpansion urbaine pour sa production alimentaire en prenant des dispositions

    lgislatives. Malgr les difficults faire appliquer ces lois et empcher la spcula-

    tion foncire, la production alimentaire en zone urbaine et priurbaine se poursuit

    et de nombreux agriculteurs se tournent vers le marachage : le Grand Tunis et les

    plaines environnantes approvisionnent la mtropole avec quelque 380 000 tonnes de

    fruits et lgumes par an, soit 10 % de la production nationale. Au fur et mesure

    que laccs au march central devient de plus en plus difficile, les produits sont

    vendus sur les marchs de proximit, dans de petits commerces et par les vendeurs

    de rue de faibles cots (rduction de cots de transport et des taxes qui frappent

    les marchs de gros). Cette agriculture reste, malgr tout, peu rentable pour les

    cultivateurs urbains. En Algrie, lagriculture urbaine et priurbaine est peu valorise.

    Aucune mesure de promotion nest prvue dans les politiques agricoles. Une tude

    a montr que les responsables locaux ont un poids dcisif dans les dcisions durba-

    nisme et damnagement du territoire mais que les rgles pour protger lhritage

    agricole de la ville ne sont pas appliques.

    Dans les pays dans lesquels la dcentralisation est plus aboutie, notamment dans les

    pays mditerranens de lEurope, des initiatives pour dvelopper ce type dagriculture

    ont t lances par les autorits locales et sont parfois associes de nouveaux services

    (aspect socital, valorisation des paysages). En Italie, des dizaines de communes ont

    dcid dattribuer des zones marachres aux jeunes, aux retraits ou aux chmeurs

    dans le cadre de programmes daccompagnement social. Autre exemple significatif,

    les jardins potagers priurbains dOstuni, dans la rgion des Pouilles, dune forte

    valeur historique et paysagre, qui avaient connu une priode de dclin dans les

    annes 1980, ont pu tre rhabilits grce une initiative de la socit civile, avec

    lappui de la municipalit. Une marque a mme t cre pour les produits venant

    de cette zone et la rgion finance, hauteur dun million deuros, une politique de

    qualit pour requalifier cette zone13.

    Cependant, pour amliorer de manire efficace la scurit alimentaire des consom-

    mateurs urbains, il faut augmenter lefficacit des systmes dapprovisionnement et

    de distribution alimentaires (SADA) au niveau local (acheminement des vivres,

    triage, emballage, stockage, transformation, vente au dtail et vente ambulante),

    oprations dans lesquelles, nous lavons vu, les collectivits locales ont un rle

    jouer. Cest pourquoi la FAO a mis en place un programme dassistance aux collec-

    tivits locales dans les pays en dveloppement et en transition afin de dfinir des

    politiques urbaines et prparer des programmes urbains de dveloppement des

    SADA. Selon certains experts, lautosuffisance agricole des villes relve cependant de

    lutopie et aucune ville au monde ne serait en mesure dassurer son autonomie

    alimentaire en ltat actuel de nos savoir-faire.

    13 - Agriculture urbaine en Mditerrane , Lettre de veille du CIHEAM, 18, septembre 2011.

    496 MEDITERRA 2014

  • La cration des systmes alimentaires territoriaux

    Le premier sommet des rgions du monde 14 sur la scurit alimentaire qui sesttenu Dakar en janvier 2010 avait permis de montrer que les autorits locales etrgionales pouvaient jouer un rle cl dans la lutte contre linscurit alimentaire etquelles taient en capacit de rpondre ce dfi en adoptant des solutions novatriceset efficaces. Lors du deuxime sommet de lOrganisation des rgions unies/FOGAR,qui sest droul Medellin en octobre 2012, les rgions du monde se sont engages mettre en uvre une approche territoriale globale de la scurit alimentaire et ontadopt le principe de la cration dun systme alimentaire territorial (SAT).

    Cette approche entend contribuer apporter une rponse linstabilit des marchs,permettre danticiper les crises et diminuer la facture alimentaire en rapprochant leszones de production et de consommation. Ce faisant, il sagit galement, en mobi-lisant lconomie agricole locale au profit de la scurit alimentaire locale, de pro-mouvoir un modle dconomie territoriale durable et responsable qui optimiselutilisation des ressources du territoire, contribue redynamiser les territoiresruraux, lutte contre les gaspillages tout au long de la filire alimentaire, en favorisantla consommation optimale des produits et le recyclage systmatique, et se proccupedu bien-tre des populations rsidentes.

    partir dinitiatives russies, un concept global dapproche territoriale de la scuritalimentaire doit tre labor et test sur des territoires pilotes afin de dmontrer lacapacit dun SAT assurer progressivement, au fur et mesure de son dveloppe-ment, la scurit alimentaire durable des personnes et notamment des populationsles plus fragiles sur son territoire, en crant des mcanismes de gouvernance mobi-lisant tous les acteurs de ce territoire. Le SAT doit permettre le maintien de lagri-culture locale sur un mode plus durable, la redynamisation des savoir-fairetraditionnels ainsi que la consommation de produits locaux et de saison. Il doit aussifavoriser la transformation et la distribution locales et permettre la cration demploissur place. Dans ces conditions, la question du transport et de la logistique ncessaires la mise en uvre dune telle stratgie est centrale. Plusieurs expriences ont djfait leurs preuves (en Colombie, au Brsil) et pourraient tre transposes de faonsbnfiques dans les PSEM qui restent trs dpendants des importations et souffrentde faiblesses structurelles dans les domaines du transport et de la logistique.

    Conclusion

    En mettant en place des politiques de production agricole lchelle des territoires,les autorits locales et rgionales deviennent de vritables prescripteurs dune orga-nisation des flux et de la logistique ds lors quelles sengagent dans des stratgiesglobales de scurisation alimentaire territoriale. Quel sera le poids de telles politiques lavenir ? Assistera-t-on un repositionnement territorial gnralis ou de tellesinitiatives resteront-elles des piphnomnes dans un march ouvert et mondialis ?

    14 - Organisation des rgions unies/FOGAR (www.regionsunies-fogar.org).

    497Transport et logistique : enjeux territoriaux et rle des autorits...

  • Des lments externes aux territoires auront une influence sur les modalits venirdu commerce des produits agricoles, qui viendront contrecarrer ou, au contraire,encourager ces politiques territoriales, tels que le cot de lnergie, les co-mesuresenvironnementales visant la rduction des pollutions et, bien sr, le pouvoirdachat des populations. Les choix de socit des prochaines annes seront gale-ment dterminants : mettront-ils en avant la croissance du PIB ou celle du bien-tresocial ? Privilgieront-ils lintervention publique ou laisseront-ils la rgulation auxmarchs ? Etc.

    Parmi les cinq scnarios pour le fret et la logistique en 2040 proposs par Samarcandetudes et Conseil (Duong et Savy, 2011), trois placent les territoires en concurrenceplus ou moins forte dans un systme toujours plus mondialis et asymtrique. Lesdeux derniers, qui mettent laccent lun sur une volution de la demande et lautresur un changement radical des valeurs sociales, sont ceux qui envisagent une repriseen main par les territoires et par leurs populations de leur destine et font cho,comme des scnarios daboutissement possible, aux politiques des villes et des rgionsque nous venons dvoquer. Dans ces derniers scnarios, les changes et le transportsur courte distance sont privilgis et les ples urbains locaux voient renatre lescommerces de proximit et se renforcer leurs liens avec les territoires priphriquespar le dveloppement de la vente directe. Une conomie plus autocentre sorganise,favorisant de nouveaux comportements notamment en matire de rduction et derecyclage des emballages. La logistique associe sen trouve modifie, tant sous langlede la gographie de ses flux que de leur volume.

    Tout en aidant leur territoire se positionner sur les grandes voies internationalesde transport par linvestissement et le lobbying, les autorits locales et rgionalesconcourent galement dessiner des modles de dveloppement alternatifs plus thi-ques et durables, qui redonnent une place centrale au territoire et aux populationsqui y rsident. Dans cette logique, de nouveaux modes relationnels entre productionet consommation sesquissent, qui pourraient avoir des rpercussions importantessur lorganisation des transports et de la logistique, sils venaient se gnraliser.

    Cette puissance organisatrice et promotrice de dynamiques locales structurantes desautorits locales et rgionales, en complment des politiques publiques et dans undialogue avec les stratgies dentreprises, mriterait dtre mieux mobilise en amontlors de llaboration des politiques de transport et de logistique par les tats etlEurope. Cette approche serait dautant plus pertinente pour les PSEM que nombredentre eux engagent des politiques de transport et damnagements logistiques etavancent dans un processus de rgionalisation visant donner plus de comptencesaux collectivits. Ce rle nouveau des collectivits territoriales, dont limportancesaffirme, doit galement tre mieux pris en compte dans les programmes derecherche et dans les programmes de coopration euro-mditerranens, afin que lesexpriences novatrices soient mieux analyses et partages. Gageons quil sagit l dechantiers que le CIHEAM et ses instituts sauront aborder dans les prochaines annes.

    498 MEDITERRA 2014

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