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De plus en plus d’individus font l’expérience de la souffrance au travail et ce, dans un nombre croissant d’environnements professionnels. De nombreuses études et témoignages attestent de cette réalité. Le stress, sous le faisceau des médias, est la première manifestation de la souffrance au travail. Ses effets sont potentiellement négatifs tant sur la santé physique et psychique des individus que sur la santé économique des organisations. La présente recherche interroge les pratiques managériales modernes qui négligent les considérations éthiques et les potentialités des ressources humaines en retenant uniquement la rentabilité financière comme principe directeur. La situation n’est pas irréversible. Des théories qui replacent l’homme au cœur de l’entreprise, existent. Et les entreprises françaises et étrangères qui ont eu l’audace de s’en inspirer en bouleversant leurs pratiques managériales, sont ainsi parvenues à créer un véritable avantage concurrentiel. Afin d’apporter un éclairage concret sur ce sujet, une étude qualitative a été réalisée. Des salariés d’horizons divers se sont exprimés sur les raisons de leur souffrance au travail et sur les sources de motivation et de bien-être. Cette enquête a permis de faire émerger quelques éléments indispensables à l’ébauche de nouveaux modèles managériaux où les considérations éthiques, humaines et financières se conjuguent avec efficacité.
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PROGRAMME ESC
Programme ESC
Promo 2010
Mémoire de fin d’études présenté et soutenu publiquement
le jeudi 17 juin 2010 par
Cécile BENCHETRIT
*** Membres du jury :
Directeur de mémoire : Daniel BELET
Assesseur : Patrick GIAT
GROUPE SUP DE CO LA ROCHELLE
LE STRESS AU TRAVAIL :
OBSTACLE À UN MANAGEMENT
EFFICACE?
Vers de nouveaux modèles de management,
alternatifs à la souffrance au travail.
Page | 2
« Traiter les gens comme s’ils étaient
ce qu’ils devaient être et vous les aiderez
ainsi à devenir ce qu’ils peuvent être »,
J.W.Goethe (1749-1832)
Page | 3
REMERCIEMENTS
Ma gratitude s’adresse tout d’abord à Daniel BELET, mon maître de
mémoire, pour la richesse de ses idées et de ses conseils mais aussi pour sa
disponibilité et le temps qu’il m’a consacré pendant la phase de préparation de
mon mémoire.
Il me faut également exprimer ma reconnaissance envers les personnes
qui se sont impliquées dans mon travail de recherche en acceptant de témoigner
sur un sujet si délicat, ainsi qu’envers mon entourage pour m’avoir mis en
relation avec ces gens.
Enfin, je tiens à remercier ma famille pour le soutien et les nombreux
conseils prodigués tout au long de ce mémoire.
Page | 4
RÉSUMÉ
De plus en plus d’individus font l’expérience de la souffrance au travail et ce, dans un
nombre croissant d’environnements professionnels. De nombreuses études et témoignages
attestent de cette réalité. Le stress, sous le faisceau des médias, est la première manifestation
de la souffrance au travail. Ses effets sont potentiellement négatifs tant sur la santé physique
et psychique des individus que sur la santé économique des organisations. La présente
recherche interroge les pratiques managériales modernes qui négligent les considérations
éthiques et les potentialités des ressources humaines en retenant uniquement la rentabilité
financière comme principe directeur. La situation n’est pas irréversible. Des théories qui
replacent l’homme au cœur de l’entreprise, existent. Et les entreprises françaises et étrangères
qui ont eu l’audace de s’en inspirer en bouleversant leurs pratiques managériales, sont ainsi
parvenues à créer un véritable avantage concurrentiel.
Afin d’apporter un éclairage concret sur ce sujet, une étude qualitative a été réalisée.
Des salariés d’horizons divers se sont exprimés sur les raisons de leur souffrance au travail et
sur les sources de motivation et de bien-être. Cette enquête a permis de faire émerger
quelques éléments indispensables à l’ébauche de nouveaux modèles managériaux où les
considérations éthiques, humaines et financières se conjuguent avec efficacité.
MOTS CLÉS
Travail Souffrance Organisation
Individu Stress Entreprise
Management Risques psychosociaux
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ABSTRACT
Currently, we notice a difficulty experienced rising amount of people at work and in an
increasing number of professional environments. Numerous studies broach this issue. The
Stress, frequently brought to mass media’s attention, is the first sign of work suffering. Its
effects weigh on are pernicious on people’s physical and psychic health as well as on the
economic health of organizations. This research therefore questions modern management that
neglects ethical considerations and human potentialities while exclusively concentrating on
financial profitability concerns. This situation is not irreversible. Some theories that set the
human potentiality back at the heart of their concerns have proved their sustainability. As a
matter of fact, some companies that have had the audacity resort to these theories by changing
deeply their management practices, have succeeded in creating a competitive advantage.
In order to cast empirical light on this subject, a qualitative study had been carried out.
Diverse kind of employees expressed their mind about the reasons of their suffering,
motivation and wellbeing sources at work. This survey then allows to infer founding elements
that are essential in the process of redefining a work organization where ethical and human
consideration are synchronized with financial concerns.
KEY WORDS
Work Suffering Organization
Human being Stress Firm
Management Psychosocial risks
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SOMMAIRE
INDEX DES SIGLES ______________________________________________________ 10
INTRODUCTION _________________________________________________________ 11
PREMIÈRE PARTIE : REVUE DE LITTÉRATURE ___________________________ 18
« Quand le travail rend malade … » ___________________________________________ 18
CHAPITRE I - Etat des lieux de la souffrance au travail en France _________________ 18
1. La réalité de la souffrance au travail __________________________________ 18
1.1. Marie Pezé, psychologue spécialiste du stress au travail ________________ 19
1.2. « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés » _________________ 20
2. Le stress, première manifestation de la souffrance au travail _____________ 22
2.1. Le stress au travail : faits et chiffres. ________________________________ 23
2.2. Les mécanismes du stress ________________________________________ 25
2.2.1. Hans Selye, le stress comme syndrome général d’adaptation _________ 25
2.2.2. Henri Laborit, le stress comme condition de survie ________________ 25
2.2.3. Richard Lazarus, le modèle de la double évaluation ________________ 26
2.2.4. Patrick Légeron, les relations entre stress et performance ___________ 26
2.3. Les « mille visages » du stress au travail ____________________________ 27
2.3.1. Le contenu du travail ________________________________________ 27
2.3.2. L’environnement professionnel à l’épreuve de la modernité _________ 28
2.3.3. Les rétributions matérielle et immatérielle _______________________ 29
2.3.4. Les difficultés relationnelles __________________________________ 30
3. Les impacts individuels et organisationnels de la souffrance au travail _____ 31
3.1. La mise en péril de la santé physique et psychique des individus _________ 31
3.1.1. Les troubles psychologiques __________________________________ 31
3.1.2. Les maladies somatiques _____________________________________ 32
3.2. Danger pour la santé économique des organisations ___________________ 33
3.2.1. Les effets néfastes de la souffrance sur les organisations ____________ 34
Page | 7
3.2.2. Un coût inquiétant __________________________________________ 35
CHAPITRE II – A l’ origine de la souffrance au travail : les pratiques managériales en
question ________________________________________________________________ 36
1. Les schémas hérités du passé ________________________________________ 37
1.1. TAYLOR et l’organisation scientifique du travail (1911) _______________ 37
1.2. La méthode d’Henri FORD _______________________________________ 39
1.3. Henri FAYOL et les principes de commandement (1916) _______________ 40
1.4. Théories de la bureaucratie : Max WEBER et Henry MINTZBERG _______ 41
2. Les principes du management moderne et ses dérives ___________________ 43
2.1. La standardisation ______________________________________________ 43
2.1.1. La formalisation des comportements ___________________________ 43
2.1.2. La spécialisation des tâches ___________________________________ 44
2.1.3. La gestion par objectifs ______________________________________ 44
2.2. Les organisations pyramidales et le contrôle excessif __________________ 45
2.2.1. La centralisation du pouvoir __________________________________ 46
2.2.2. La confiance calculée et les systèmes d’évaluation ________________ 46
2.3. Les récompenses financières ______________________________________ 48
2.3.1. La distinction forts – faibles __________________________________ 48
2.3.2. L’absence de récompense symbolique __________________________ 49
CHAPITRE III - Propositions pour accroître l’efficacité des pratiques managériales ___ 50
1. S’abreuver des théories des précurseurs _______________________________ 50
1.1. Marie Parker Follet, pionnière du management _______________________ 51
1.2. Le mouvement des " relations humaines " ___________________________ 53
1.2.1. MAYO, à l’origine du mouvement _____________________________ 53
1.2.2. La dynamique de cohésion dans les organisations _________________ 54
1.2.3. Les théories des besoins et des motivations ______________________ 55
2. S’inspirer des réussites d’innovations managériales _____________________ 57
2.1. S’appuyer sur des concepts clés ___________________________________ 58
2.1.1. La norme ISO 26000, vers un management plus responsable ________ 58
2.1.2. L’organisation apprenante ____________________________________ 59
2.1.3. Les SCOP, vers un management plus participatif __________________ 61
2.2. S’approprier les succès réalisés ____________________________________ 62
Page | 8
2.2.1. GOOGLE et l’adaptabilité (Etats-Unis) _________________________ 63
2.2.2. OTICON et le " chaos organisé " (Danemark) ____________________ 64
2.2.3. PAPREC et la simplicité (France) ______________________________ 65
DEUXIÈME PARTIE : MÉTHODOLOGIE ___________________________________ 67
CHAPITRE I - Hypothèses de travail _________________________________________ 67
1. Le management d’inspiration " néo taylorienne " et ses méfaits ___________ 67
2. Les facteurs de motivation au travail _________________________________ 68
3. L’exploitation du potentiel humain et ses bienfaits ______________________ 69
CHAPITRE II - Outils de recherche __________________________________________ 70
1. L’entretien semi directif ____________________________________________ 70
1.1. La préparation : le guide d’entretien ________________________________ 70
1.2. Les outils _____________________________________________________ 72
1.3. Le déroulement ________________________________________________ 73
2. Les avantages et les limites de l’étude _________________________________ 74
CHAPITRE III – Echantillon _______________________________________________ 75
1. La sélection de l’échantillon _________________________________________ 75
1.1. La constitution de l’échantillon ____________________________________ 75
1.2. La taille de l’échantillon _________________________________________ 76
2. La population rencontrée ___________________________________________ 77
2.1. Profils et secteurs professionnels variés _____________________________ 77
2.1.1. Secteurs orientés vers la valorisation de l’être humain au travail ______ 78
2.1.2. Pratiques managériales fondées sur la notion de rentabilité financière__ 79
2.2. Profils variés et entreprise commune _______________________________ 79
CHAPITRE IV - Méthode d’analyse _________________________________________ 80
TROISIÈME PARTIE : RÉSULTATS ET ANALYSE __________________________ 81
CHAPITRE I – Résultats __________________________________________________ 81
1. Première série d’interviews _________________________________________ 81
2. Second corpus d’entretiens __________________________________________ 86
CHAPITRE II – Analyse de contenu __________________________________________ 89
Page | 9
1. L’Analyse des résultats _____________________________________________ 89
1.1. Les représentations des structures organisationnelles ___________________ 89
1.1.1. La dimension verticale à sens unique vécue comme obstacle aux
initiatives ___________________________________________ 89
1.1.2. La rupture des liens horizontaux vue comme un management par la
délation ___________________________________________ 90
1.1.3. Un fonctionnement hiérarchique parfois intériorisé ________________ 91
1.2. Les représentations de la culpabilité dans l’expérience du stress __________ 92
1.3. Les facteurs de stress et de motivation identifiés par les enquêtés _________ 94
1.3.1. Le stress vécu par les enquêtés : causes et conséquences ____________ 95
1.3.2. Les facteurs de motivation au travail ___________________________ 99
2. Les préconisations ________________________________________________ 100
2.1. Préférer un management participatif _______________________________ 100
2.2. Développer des valeurs humaines et faire converger les intérêts _________ 103
CONCLUSION __________________________________________________________ 105
TABLE DES ANNEXES __________________________________________________ 110
BIBLIOGRAPHIE _______________________________________________________ 176
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INDEX DES SIGLES
AESST: Agence Européenne pour la Santé et la Sécurité au Travail
ANACT : Association Nationale de l’Amélioration des Conditions de Travail
DARES : Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques
IFAS : Institut Français d’Action sur le Stress
INRS : Institut National de Recherche et de Sécurité
SCOP : Société Coopérative et Participative
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INTRODUCTION
La souffrance au travail, une réalité qui s’impose
Un par jour, c'est le nombre de suicides liés au travail en France. On recense entre 300
et 400 décès par suicide par an en France, liés directement aux conditions de travail révèle
Christian Larose, vice-président du Conseil Économique et Social (CES). « Nous sommes face
à un phénomène important et de plus en plus préoccupant, lié à la dureté du monde du travail
et à sa précarité. Cela touche tous les milieux, mais en particulier les cadres », précise
Michel Debout, président de l'Union nationale de la prévention du suicide1.
Les risques psychosociaux2 et la souffrance au travail sont au cœur des débats. Depuis
quelques années, l’avalanche de publications sur le mal être au travail est révélatrice de la
gravité de la situation dans laquelle se trouve l’organisation du travail. Les chiffres liés à la
souffrance au travail, fournis par le ministère du travail, sont alarmants. Chaque année, 760
000 salariés français sont victimes d’accidents du travail en France. Les maladies
professionnelles ne cessent d’augmenter, on en dénombrait plus de 45 000 en 2008. Environ
deux personnes par jour meurent d’un accident du travail – 569 décès en 2008 – ou suite à une
maladie professionnelle – 425 décès en 2008. Selon un rapport de l'OMS, l'Hexagone occupe
la troisième marche du podium mondial où les "dépressions liées au travail" sont les plus
nombreuses, devancé par l'Ukraine et les États-Unis. En 5 ans, en France, sur 1000 tentatives
de suicides sur le lieu de travail, 47% sont suivies de mort. Chaque année, 2 millions de
salariés subissent la maltraitance et le harcèlement moral et 500 000 sont victimes de
harcèlement sexuel3. Tous les indicateurs sont au rouge, la situation est inquiétante.
« On a longtemps considéré que les maladies et risques professionnels étaient
inéluctables, comme s'ils étaient le prix à payer au progrès technique et économique. […]. [Il
faut] redonner au travail ses lettres de noblesse et faire en sorte qu'il soit un lieu où puissent
1 « Suicide au travail », Mutualité.fr, 30 juillet 2009 2 Définition du Ministère du travail des risques psychosociaux : « risques professionnels portant atteinte à
l'intégrité physique et à la santé mentale des salariés et qui impactent le fonctionnement des entreprises» 3 BRUNEL Florence, « Souffrance au travail, la faute au management ? », L’Entreprise.com, 31 octobre 2007
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s'épanouir les talents de chacun d'entre nous », dit Xavier Darcos, ex ministre du travail4. En
effet, cette situation n’est pas irréversible. L’important est de prendre conscience des
désagréments que cause le travail et de réagir.
L’ébauche d’une prise de conscience
L’intérêt d’aborder un sujet relatif à la souffrance au travail est de contribuer à une
prise de conscience sur le malaise régnant dans l’organisation du travail. Le but est de donner
un sens aux très nombreuses publications gouvernementales, syndicalistes ou encore
médicales et d’expliquer pourquoi cette souffrance au travail existe. Les entreprises focalisent
souvent sur les symptômes, les éléments factuels des évènements − le " comment " − mais
oublient de se recentrer sur les causes profondes des faits − le " pourquoi " −, ce qui
permettrait sans doute de résoudre plus aisément de nombreuses questions relatives à la
souffrance au travail.
L’intérêt d’évoquer aujourd’hui ce type de sujet réside dans le fait que nous nous
trouvons à une période charnière car une prise de conscience collective et individuelle
s’amorce. La tendance n’est plus au déni, ce thème est de moins en moins tabou. Les risques
psychosociaux au travail sont dénoncés et la souffrance psychique qui en découle est
reconnue. Jusqu’à une époque récente, les risques et atteintes à la santé des travailleurs
n’étaient pas considérés comme une question de santé publique mais comme un problème
social à gérer entre les partenaires sociaux.
Une prise de conscience est engagée, l’Etat français se mobilise. Le cadre juridique et
de nombreux rapports et études confirment l’importance des risques psychosociaux et
l’urgence de les réduire au maximum5. L’enquête Sumer de 2003 de la Direction de
l’Animation et de la Recherche des Etudes Statistiques (DARES) et l’étude épidémiologique
Samotrace en 2009 de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), sont deux grandes études sur la
4 Discours de Xavier Darcos lors de la Réunion du Comité d'Orientation sur les Conditions de Travail (COCT) à
Paris le 9 octobre 2009 ( http://discours.vie-publique.fr/notices/093002844.html ) 5 HOLCBLAT Norbert, LANOUZIERE Hervé, « les risques psychosociaux », Dossier réalisé par le pôle travail
du CRDM (Centre de Ressources Documentaires du Ministère de l’emploi et de la solidarité), mise à jour le 15
mars 2010
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santé mentale au travail en France. Un sondage réalisé par l’Association Nationale pour
l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) en 2009, « le stress au travail », apporte
des données chiffrées utiles à la compréhension de l’ampleur du phénomène. Face à ces
données alarmantes, le traitement du stress au travail est devenu une priorité pour l’Etat
français. Un site Internet, travailler-mieux.gouv.fr, sur la santé et la sécurité au travail a été
ouvert.
De plus, le « Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques
psychosociaux au travail » de Philippe Nasse et Patrick Légeron a été remis au gouvernement
en 2008 et une étude a été réalisée par la DARES en 2009 : « Rapport sur les indicateurs
provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail ». Plus récemment, en 2010,
Lachmann, Larose, et Penicaud on rédigé le « Rapport sur le Bien-être et l’efficacité au
travail ».
En octobre 2009, Xavier Darcos lance un plan d’action d’urgence au travail pour
mobiliser les entreprises sur la prévention des risques psychosociaux. Celui-ci a été établi
pour accélérer l’Accord National Interprofessionnel (ANI) sur le stress au travail, signé à
l’unanimité des syndicats d’employeurs et de salariés en juillet 2008 et rendu obligatoire pour
toutes les entreprises. Cet accord représente un élargissement de l’accord européen sur le
stress de 2004 et présente l’intérêt de proposer des pistes d’actions et de négociation pour la
prévention des risques psychosociaux au travail. Le but étant de conduire les entreprises à
passer du déni à l’action.
Ces différents rapports et enquêtes s’accordent sur le fait qu’il devient indispensable
de réintroduire de l’humain au sein des organisations. Les meilleures stratégies sont orientées
vers l’individu, c’est-à-dire l’écoute mutuelle, le respect, le sens du travail et la prise en
compte des émotions. Mais la compétition mondiale est accrue et pour ne pas en être écarté, la
productivité et la rentabilité sont des éléments sur lesquels s’appuient majoritairement les
entreprises ; et cela se fait parfois au détriment des salariés.
Origine et évolution du management et de la souffrance au travail
Définir le management n'est pas aisé car c’est un concept flou et globalisant. Ce terme
est très utilisé dans les entreprises et recouvre plusieurs significations. Le verbe " manager "
tirerait son origine de l'italien maneggiare : contrôler, manier, avoir en main et aurait été
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influencé par le mot français manège : faire tourner un cheval dans un manège. A cela
s’ajoute la notion de " ménager " dont le sens au XVIe siècle était de gérer les affaires du
ménage, c’est-à-dire les ressources humaines et les moyens financiers. De surcroît, le
" ménagement " est un terme très proche de " management " phonétiquement et
sémantiquement : on ne peut bien manager les équipes et les ressources, que si l’on sait les
ménager. La notion de contrôle est l’idée principale du mot.
Depuis une vingtaine d’années, il existe un effet de mode autour du mot
" management ". Le terme est très fréquemment associé aux substantifs utilisés dans les
entreprises : " management de la qualité ", « management des processus ", " management des
risques ", " management de projet ", " management des hommes ", " management
stratégique " ou encore " management de l'environnement ". Cette recherche concerne le
management des hommes et des organisations. Son sens est vaste mais la définition semblant
la plus adaptée au sujet est celle de Peter Drucker, théoricien du management : « activité
visant à obtenir des hommes un résultat collectif en leur donnant un but commun, des valeurs
communes, une organisation convenable et la formation nécessaire pour qu'ils soient
performants et puissent s'adapter au changement »6. L’idée de cette définition, et qui
constitue le fil conducteur de ce travail, est la collaboration et la prise en compte de toutes les
parties prenantes dans une finalité économique.
La définition communément admise du management est l’« ensemble des techniques
de direction, d'organisation et de gestion de l'entreprise »7. Jean-Pierre Le Goff8, écrivain et
sociologue français, réprouve ce type de définition car le management est assimilé à la
gestion. Gestion et management sont, certes, deux termes voisins mais leur connotation est
légèrement différente car le management s’intéresse aux ressources humaines et la gestion
concerne davantage l’aspect financier et matériel. L’homme est appréhendé comme une
" ressource " par l’entreprise, comme quelque chose que l’on peut employer et manier à loisir
et dont on attend le meilleur afin de réaliser le meilleur bénéfice à moindre coût, explique
Marie-Anne Dujarier, sociologue9.
6 DRUCKER Peter, Devenez managers! : L’essentiel de Drucker, Village mondial, 2006 7 Définition du Petit Larousse 2010 8 LE GOFF, 2006, p. 15 9 Intervention dans le film de VIALLET, 2009
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Ensuite, selon la définition du Petit Larousse, le management est perçu comme une
« technique », comme un outil dont le maniement reviendrait à des spécialistes d’instituts de
formation ou de cabinets de conseil. Selon Jean Pierre Le Goff, ce formalisme est dépourvu
de toute référence à l’expérience humaine et a pour effet de creuser le fossé entre employeurs
et employés. « Les générations nouvelles sont formées pour agir efficacement, au plus vite et
sans états d’âmes » et « l’inflation des outils est en fait significative de la dissolution d’un
certain bon sens au profit d’une approche instrumentale de l’être humain qui, sous prétexte
d’efficacité, la dénature »10. Ces techniques sont manipulatrices et très éloignées de la réalité
du terrain et de la prise en compte de la dimension humaine. Celles-ci exercent une véritable
fascination chez les dirigeants qui les acceptent et les appliquent naïvement et ont pourtant
des effets déstabilisateurs voire destructeurs sur les individus et les groupes de travail. « Le
management n’est ni une science ni une technique […] Il est une autorité qui ne s’acquiert
que dans la capacité à affronter des situations inédites et dans l’équité des décisions »11.
Selon Jean-Pierre Le Goff, le management ne doit pas devenir une idéologie et doit reposer
sur l’expérience pour répondre davantage aux aspirations individuelles.
Souffrance et travail sont deux thèmes continuellement associés depuis quelques
temps. Boris Cyrulnik, psychologue, et Xavier Darcos, ex-ministre du travail, ont abordé cette
problématique lors d’un débat radiophonique12.
Ce débat est aussi vieux que la notion même de travail. D’une part, l’idée
d’association du travail à la liberté est avant tout religieuse car elle est présente dans les
fondements de toutes les grandes religions, notamment la religion chrétienne où le travail est
une sentence divine sanctionnant le péché originel. D’autre part, l’origine étymologique du
verbe " souffrir " (suffere : endurer, supporter) revêt une notion de pénibilité et de douleur. Le
terme " travail " vient du latin tripalium. C’était un instrument de torture à trois pieux utilisé
par les Romains dans l'Antiquité pour punir les esclaves rebelles mais aussi pour ferrer de
force les chevaux rétifs. La pénibilité, la contrainte et l'assujettissement sont donc les premiers
traits sémantiques du mot " travail ". Ces dimensions traversent d’ailleurs toute l’histoire de la
philosophie du travail.
10 LE GOFF, 2006, p. 12 11 LE GOFF, 2006, p. 20 12 France culture, « La souffrance au travail est-elle légitime ? », Les controverses du progrès, décembre 2009
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La souffrance au travail n’est donc pas un phénomène nouveau et n’est pas près de
disparaître.
Au XIX e siècle, avant la première Révolution Industrielle, la souffrance était liée de
manière intrinsèque au travail. Le travail des femmes consistait à mettre au monde les enfants
et à les élever. La souffrance générée par l’accouchement était normale : indolore paries (tu
engendreras dans la douleur). Les hommes souffraient physiquement au travail. Il était mal vu
de se plaindre, c’est pourquoi l’évocation de la souffrance n’infiltrait pas les discours, sauf
lorsqu’il s’agissait de propulser les personnes prêtes à souffrir au rang de héros voire de
divinité.
Depuis l’avènement des droits de l’homme et des NTIC (Nouvelles Technologies de
l’Information et de la Communication), les conditions physiques du travail ont radicalement
changé. La nature de la souffrance ne provient plus du corps mais de l’esprit
La mutation de la souffrance au travail réside dans le fait que l’on est passé d’une
économie essentiellement industrielle, où la souffrance était physique, à une société orientée
vers les services. Aujourd’hui, l’individu est dans une interrelation continuelle avec les
collègues, les supérieurs, les clients, les fournisseurs et paradoxalement, il n’a plus de contact
direct avec les dirigeants, les actionnaires et les clients finaux. Pourtant les exigences à
satisfaire proviennent de ces personnes totalement inconnues.
Cette mutation s’explique aussi par le passage d’une civilisation des métiers à une
civilisation des fonctions. Dans l’exercice des métiers, il existait une expertise, un savoir faire
et une reconnaissance permettant une forte valorisation du travail. Les ouvriers étaient animés
d’une grande motivation pour leur travail car ils pouvaient produire les objets dans leur
intégralité et mettaient ainsi du cœur et de la minutie à l’ouvrage, explique Xavier Darcos. De
surcroît, avant l’avènement de l’âge industriel, le maître transmettait le savoir à son apprenti.
La souffrance apportait donc un bénéfice, celui de l’apprentissage du savoir. La période de
transmission du savoir a été effacée de l’organisation du travail française actuelle. « On
travaille peu dans sa vie mais beaucoup et cette singularité n’est pas de nature à rendre le
travail agréable », dit Xavier Darcos.
Page | 17
Les nouvelles technologies ne cessent de se développer et les conditions de travail du
XXI e siècle sont meilleures. Celles-ci permettent l’allègement physique de la tâche et
l’amélioration de la communication entre les divers collaborateurs au sein des organisations.
En outre, le temps de travail a diminué. Malgré tout, tous les indicateurs concernant la
souffrance au travail sont au rouge, celle-ci atteint des sommets inégalés. Tous les salariés
sont concernés et sont égaux face à cette douleur et à cette angoisse constante.
La question qui se pose alors est de savoir dans quelle mesure les pratiques
managériales actuelles et les exigences d’efficacité des entreprises sont responsables de cette
souffrance au travail.
Si le travail est nécessaire à la vie humaine dans le monde moderne, et si la souffrance
est intrinsèque au travail − étymologiquement, religieusement et historiquement −, donc
inévitable, y aurait-il un contournement possible du problème ? Existe-t-il des solutions
alternatives au management moderne permettant de ménager les salariés et de réintroduire des
considérations éthiques, tout en se soumettant à des exigences de profit et d’efficacité
économique ?
Nous répondrons à cette question à travers une analyse théorique puis une enquête de
terrain et enfin une analyse empirique.
Dans une première partie, nous évoquerons la réalité de la souffrance au travail dans
nos sociétés contemporaines. Le lien entre ce mal être et les schémas managériaux hérités du
passé fondés sur la dictature du chiffre sera ensuite expliqué. Enfin, une réflexion sur des
solutions alternatives permettant de limiter les effets dévastateurs des logiques managériales
actuelles sera apportée.
Dans une seconde partie, les hypothèses de travail et la méthodologie utilisée pour la
réalisation de l’enquête de terrain seront énoncées.
Dans une troisième partie, les réponses obtenues à la suite de l’enquête de terrain
seront exposées et les résultats recueillis seront analysés et confrontés aux hypothèses.
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PREMIÈRE PARTIE : REVUE DE LITTÉRATURE
« Quand le travail rend malade … »13
CHAPITRE I - Etat des lieux de la souffrance au travail en France
Une vague de suicides fortement médiatisée a récemment mis en lumière le malaise des
Français au travail. La souffrance liée au travail est aujourd’hui dénoncée, la tendance n’est
plus au déni.
Plusieurs spécialistes de la question rendent compte du désarroi que rencontrent de
nombreux individus dans les entreprises. La présente recherche s’appuie sur des témoignages
de personnes dont la diversité des origines professionnelles permet d’illustrer la réalité de
cette situation. Une étude a d’ailleurs été réalisée de janvier 2008 à juin 2009 par la caisse
nationale d’assurance maladie (CNAM). Celle-ci atteste de la diversité des publics concernés :
un tiers de dirigeants et de professions intellectuelles supérieures, un tiers d’employés de
bureau et de professions intermédiaires et enfin un tiers de salariés peu qualifiés. Ces résultats
surprenants démontrent bien que la souffrance au travail n’est pas l’apanage d’une seule et
unique catégorie socioprofessionnelle.
Dans un premier temps, nous nous apercevrons que cette souffrance est réelle, les
témoignages abondent. Ensuite, nous verrons que le stress est la première manifestation de
souffrance au travail. Enfin, nous rendrons compte de l’impact de cette souffrance, tant sur les
individus que sur les organisations.
1. La réalité de la souffrance au travail
La souffrance au travail est une réalité qui s’impose. Nous verrons que la fonction
qu’occupe la psychologue Marie Pezé en est la preuve. Les témoignages se multiplient à ce
sujet.
13 Titre emprunté à l’article de François Daniellou, « Quand le travail rend malade… », Sciences Humaines, la
santé un enjeu de société, mars-avril-mai 2005.
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1.1. Marie Pezé, psychologue spécialiste du stress au travail
Face à l’avènement de la souffrance au travail et des dégâts qu’elle produit, Marie
Pezé, psychologue spécialiste du stress au travail, crée en 1997 la première consultation en
France spécialisée sur la souffrance au travail, au Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers de
Nanterre (CASH). Depuis, le modèle s’est déployé, il en existe plus d’une vingtaine. Depuis
treize ans, la psychanalyste écoute les récits d’hommes et de femmes désorientés par leur
travail.
Les neuf cents consultations qu’elle effectue par an l’ont affectée au point de perdre
l’usage d’un bras, du goût et même de l’odorat. Elle est aujourd’hui guérie de ce qu’elle
nomme « le trou noir de la décompensation », au prix d’une prise de médicaments très
régulière.
En 2008, Marie Pezé décide de rendre publique la souffrance de ces patients à travers
un ouvrage dont le titre est emprunté à un vers de Jean de La Fontaine : Ils ne mouraient pas
tous mais tous étaient frappés. Á travers ce livre, elle fait part de la « cruauté des rapports
sociaux, de la dissolution des solidarités traditionnelles dans l’entreprise et de la nocivité de
certaines formes de management. […] Une orgie de violence sociale qui laisse [ses] patients
dans des états de détresse difficilement imaginables »14. Dans les premières lignes de son livre
elle apostrophe le lecteur : « Vous voulez en savoir plus sur la souffrance au travail ? Il
faudrait que vous entriez dans mon bureau, que vous preniez place sur cette chaise à côté de
la mienne. Il faudrait que vous assistiez à la consultation avec moi. Que vous écoutiez. Vous
pourriez ainsi entendre l’extraordinaire impact du travail sur le corps et le psychisme. Le
travail peut sauver. Il peut tuer aussi. […] Je dois vous prévenir, vous n’en sortirez pas
indemnes »15.
14 Olivier Milot, « Le travail peut sauver, il peut tuer aussi », Télérama, n°3120, 28/10/09, pp. 31-40.
15 PEZÉ, 2008, p.3
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1.2. « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés »
Afin de rédiger son livre Marie Pezé s’est inspirée du documentaire éponyme, réalisé
par Marc-Antoine Roudil et Sophie Bruneau distribué en salles en 200616. Le film présente
quatre entretiens entre salariés et cliniciens enregistrés dans les consultations spécialisées du
centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre (CASH) de Nanterre, dont celle de Marie
Pezé. Ce film est né de la lecture de l’ouvrage Souffrance en France de Christophe Dejours17,
psychiatre et psychanalyste reconnu. Ses recherches envisagent le lien qui existe entre la
souffrance au travail et les nouvelles formes d’organisation. Dans la même perspective, les
réalisateurs ont souhaité explorer les tenants et les aboutissants de ce malaise au travail en
filmant des consultations psychiatriques.
La force de ce documentaire est de troubler en montrant ce qui n’apparaît peut être pas
aussi choquant à la lecture. La réalité du monde professionnel apparaît alors sous un jour plus
cru et, en somme, plus véridique que dans les images généralement relayées par les médias.
Une ouvrière fait part avec émotion de la pression qu’elle a pu subir sur son lieu de
travail. Elle explique que la direction demande aux agents de production d’accroître le
rendement avec un effectif humain constamment réduit. Autrement dit, elle augmente ses
exigences quant à la productivité mais supprime le nombre d’individus sur la chaîne de
production. Elle relate aussi la menace qui pèse sur eux : les responsables émettent des
exigences quantitatives, en brandissant le spectre du licenciement et sans prendre la mesure
du possible. Tous ces salariés, qui ont besoin de travailler pour vivre, finissent par accepter
des méthodes qu’ils réprouvent. Les collègues ne se soutiennent pas les uns les autres, ils se
désolidarisent et cherchent à satisfaire la direction à tout prix pour sécuriser leur poste. Une
fois rentrée chez elle, l’ouvrière ne parvient pas à s’apaiser, elle y rapporte sa souffrance.
Un responsable d’agence commerciale raconte comment il est tombé en dépression. La
direction impose chaque année aux responsables d’augmenter leur chiffre d’affaires. Il leur est
demandé de respecter une mesure de temps pour chaque action commerciale, or cette durée
est constamment réduite. De plus, les responsables doivent établir un budget prévisionnel qui
16 BRUNEAU Sophie, ROUDIL Marc-Antoine, Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, 2006 17 DEJOURS Christophe, Souffrance en France : la banalisation de l’injustice sociale, Paris, Seuil, 2006
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doit obligatoirement être augmenté tous les ans et qui est systématiquement vérifié et corrigé
par le N+1. L’autonomie qui est accordée aux cadres pour cette tâche est donc encadrée par
des limites très strictes. Le sentiment de pression résultant est intense car lorsque les résultats
ne correspondent pas au budget, la direction accuse les responsables d’agence de n’avoir pas
su coller aux prévisions établies par eux-mêmes. Ce cadre intermédiaire savait que ce qu’on
lui demandait n’était pas réalisable. Il était dans une impasse et comme de nombreux patients
de cette consultation, il est tombé en dépression. La première manifestation de ce mal être a
été une crise de larmes devant l’ensemble de son équipe. « J’épongeais la pression du chiffre
mais j’ai craqué », explique-t-il.
Une femme témoigne de l’acharnement de la direction à son égard et de son incapacité
à retourner sur son lieu de travail. Elle était initialement employée en tant que femme de
ménage dans une maison de retraite. Mais ses responsables hiérarchiques lui ont demandé
d’abandonner ses tâches d’entretien pour s’occuper des malades malgré son absence de
qualification dans ce domaine. Son refus n’a pas été pris en compte. La situation s’est
aggravée le jour où elle est victime d’un accident du travail. A partir de ce moment, elle est
complètement déconsidérée par la direction et est poussée à retrouver son ancienne fonction,
l’entretien des locaux. De plus, on lui interdit d’approcher les malades et de leur parler. Les
humiliations et reproches deviennent incessants. « Je ramenais tout ça chez moi, je ne pouvais
pas faire la coupure, j’y pensais constamment », dit-elle. Sa vie de famille se retrouve
affectée. Le pire, pour elle, a été le silence de ses collègues.
Une responsable de magasin explique combien il est difficile pour elle de supporter la
pression exercée par son employeur. Elle gérait un magasin dont les chiffres ne satisfaisaient
pas la direction qui a décidé de lui retirer toutes ses responsabilités et de lui attribuer une
tâche de manutentionnaire sans aucune explication. Elle était devenue gênante et a été
poussée à démissionner par les pires moyens par son employeur qui en est même venu à
l’insulter devant les clients. Submergée par ces humiliations, elle s’est mise en arrêt maladie.
Elle n’a pu supporter le fait qu’on la reclasse au bas de l’échelle hiérarchique et surtout sans
en expliquer la raison. Cet incident a développé en elle un sentiment de honte sociale. Elle a
souhaité changer totalement de métier pour oublier et paradoxalement elle angoissait à l’idée
de rompre le lien.
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Nous pouvons observer, à travers ces divers témoignages que ; d’une situation à
l’autre, les mêmes problématiques émergent : l’isolement, l’absence de solidarité, la
déconsidération des individus qu’ils soient hommes ou femmes, cadres ou employés. Il en
ressort une douleur incommensurable, une véritable souffrance mentale qui ronge l’être de
l’intérieur. Quel est ce mal étrange que ressentent tant de salariés aujourd’hui ?
Le stress est la première manifestation de la souffrance au travail, il entraîne de
lourdes pathologies. Patrick Légeron, médecin spécialiste du stress en entreprise, décrit le
stress comme : « des petits riens quotidiens, des émotions inhibées, une ambiance étouffante,
une compétition féroce qui se cache derrière des semblants de camaraderie, un compliment
qu’on attend et qui ne vient pas … et on se réveille un matin mal, très mal. Le stress
d’aujourd’hui est psychologique et non plus, comme autrefois, physique »18. Le stress est
donc une réalité du monde du travail moderne et est devenu dangereux.
2. Le stress, première manifestation de la souffrance au travail
La définition du stress proposée par l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé
au Travail (AESST) − agence dont la fonction principale est de recueillir et diffuser des
informations dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail − reflète au mieux la
réalité actuelle de la tension croissante que ressentent les individus au travail.
« Le stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a
des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses
propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d'évaluation des
contraintes et des ressources soit d'ordre psychologique, les effets du stress ne sont
pas uniquement de nature psychologique. Il affecte également la santé physique, le
bien-être et la productivité »19.
Le stress est un risque psychosocial parmi d’autres mais il est le plus fréquent et le
plus dangereux.
18 LEGERON, 2003, p. 11 19 http://www.inrs.fr/htm/le_stress_au_travail.html
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2.1. Le stress au travail : faits et chiffres.
Les études sont nombreuses au sujet du stress et toutes attestent de son omniprésence
dans les sociétés industrielles modernes et de ses effets pernicieux tant sur les individus que
sur les organisations. Tous sont égaux face au stress et à la souffrance au travail dans le sens
où personne n’est réellement épargné. Il faut cependant garder à l’esprit que personne ne le vit
de la même manière. Le stress n’est pas le même selon la catégorie socio professionnelle, le
sexe et l’âge. L’accord cadre européen d’octobre 200420 précise que « différents individus
peuvent réagir de manière différente à des situations similaires et un même individu peut, à
différents moments de sa vie, réagir différemment à des situations similaires ». L’approche
doit se faire de manière individuelle.
Un rapport, établi en 2002 par l’AESST, estime que 22 % des travailleurs européens
sont affectés par le stress au travail, soit 41 millions de personnes. Le stress causé ou aggravé
par le travail serait le problème de santé le plus répandu dans le monde du travail et il devrait
s’amplifier dans les années à venir.
Une enquête TNS SOFRES21 réalisée auprès des travailleurs français en avril 2006 a
révélé que 44% des français sont touchés par le stress au travail − 55% pour les femmes et
34% pour les hommes − et 18% sont à des niveaux dangereux pour leur santé − 26% pour les
femmes et 11% pour les hommes.
Avec l’aide de l’Institut Français de l’Anxiété et du Stress (IFAS) institut apportant
aux entreprises une aide dans la prise en compte du facteur comportemental −, certaines
entreprises, notamment Renault, ont lancé une étude auprès de leurs équipes afin de mesurer
le phénomène. L’échantillon réunit 11 852 personnes, tous âges et niveaux de qualification
20 www.stimulus-conseil.com/accord_europeen_stress_8oct04.doc 21 « Le stress au travail, un mal si français », L’express.fr, 14 avril 2006
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confondus. Il ressort de cette enquête22 que près d’un salarié sur quatre ressent un sur-stress,
niveau de stress excessif présentant un risque pour la santé23.
Un rapport de la fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de
travail (EUROFOND)24 − organisme créé pour améliorer les conditions de travail dans la
zone euro − démontre que ce stress touche toutes les catégories socioprofessionnelles
confondues. Le stress augmenterait même avec le niveau de qualification25. Les professions
intellectuelles et supérieures sont davantage touchées. Les professions à responsabilités sont
sources de stress et donc de souffrance. Les ouvriers et employés non qualifiés arrivent en
dernière position avec 17%. Même pour eux le taux demeure élevé. La santé de tous est en
danger.
Selon le sexe, le niveau de stress n’est pas le même non plus. Les femmes sont plus
touchées que les hommes. Elles réagissent moins bien face à une situation stressante en milieu
professionnel. En effet, les femmes sont davantage victimes des différents troubles :
dépression, anxiété et sur-stress. L’écart hommes - femmes est assez important et peut
probablement s’expliquer par le fait qu’elles décodent mieux les émotions. Une étude réalisée
par l’IFAS26 révèle que 20,2% des hommes interrogés souffrent de sur- stress pour 34,2% de
femmes. L’écart est assez élevé. Il l’est encore plus en ce qui concerne le sentiment
d’anxiété : 12,2% pour les hommes et 22,9% pour les femmes.
Enfin, selon l’âge, le niveau de stress varie également. L’IFAS, dans le cadre de la
même enquête, révèle que la quarantaine dépassée, les salariés sont davantage exposés à
l’anxiété, à la dépression et au sur-stress. L’âge accroît la fragilité27.
22« Stress, les entreprises auscultées », Enjeux Les Echos, n°198, janvier 2004
(http://ifas.net/publications/Enjeux_les_Echos_Janv2004.pdf ) 23 Cf. Figure 1, Annexe 1 : le stress en chiffres 24 www.eurofound.europa.eu/ewco/surveys/EWCS2005/index.htm 25 Cf. Figure 2, Annexe 1 : le stress en chiffres 26 Cf. Figure 3, Annexe 1 : le stress en chiffres 27 Cf. Figure 4, Annexe 1 : le stress en chiffres
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2.2. Les mécanismes du stress
Le stress est une composante de l’organisme humain. On ne peut pas vivre sans stress,
c’est même une condition indispensable à la survie des individus. Le stress est assimilé, par
les scientifiques, à une " réaction d’adaptation ". Celle-ci est sans cesse sollicitée, dans
n’importe quelle situation et est essentielle à notre bon fonctionnement. Il faut pouvoir
s’adapter aux contraintes et menaces auxquelles nous sommes confrontés au cours de notre
vie. Un monde sans stress est impossible. Considéré sous cet angle, le stress, loin d'être une
maladie, représenterait plutôt l'expression première de l'instinct de survie. Cependant, le stress
doit être limité car les effets d’un stress trop fort sont dangereux.
2.2.1. Hans Selye, le stress comme syndrome général d’adaptation
Hans Selye (1907-1982), fondateur et directeur de l'Institut de médecine et chirurgie
expérimentale de l'Université de Montréal et pionnier des études sur le stress, rend bien
compte du lien entre stress et adaptation. Il qualifie d’ailleurs le stress comme un « syndrome
général d’adaptation », une « réponse de l’organisme à toute demande qui lui est faite, dans
une finalité d’adaptation »28. Selon ce chercheur, l’organisme mobilise des forces de défense
face à une situation donnée en développant « réaction d’alarme ». Puis il s’adapte
complètement à l’agent stressant, l’énergie est entièrement mobilisée pour résister au stress :
« stade de résistance ». Enfin il arrive un moment où le sujet n’a plus les capacités de faire
face : « stade d’épuisement »29.
2.2.2. Henri Laborit, le stress comme condition de survie
Henri Laborit, (1914-1995), médecin chirurgien et philosophe, définit lui aussi le
stress comme une réaction assurant la survie de l’organisme face à un danger. Il distingue
deux types de stress. D’une part, le stress physiologique est un état d'alarme de l'organisme
face à une agression physique de l'environnement. D’autre part, le stress psychosocial est une
réaction à un phénomène interactif. Il fait intervenir la mémoire, l'apprentissage, donc le
28 NIEZBORALA, 2007 29 Cf. Figure 5, Annexe 2 : les modèles de stress
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cerveau affectif et limbique. C’est celui que l’on retrouve dans les situations de travail. Ces
conclusions ont été tirées d’expériences médicales.
2.2.3. Richard Lazarus, le modèle de la double évaluation
Dans les années 1980, Richard Lazarus a développé une approche nouvelle du stress :
l’approche interactionnelle. Elle a permis d’intégrer un certain nombre de dimensions qui
n’étaient pas prises en compte auparavant, notamment la dimension cognitive. Ce chercheur
réutilise la notion d’adaptation et l’associe au concept de menace. L’individu, face à une
menace, c’est-à-dire une situation stressante, procède à une double évaluation. En premier
lieu, il interprète la menace potentielle de l’élément stressant en fonction des variables
situationnelles. Par exemple, face à un important volume de travail, il perçoit le risque de ne
pas finir dans les temps. Puis, il émet une seconde évaluation en identifiant ses ressources
émotionnelles et comportementales afin de gérer la situation et d’élaborer une réponse. Il peut
conclure qu’il n’y arrivera pas, par exemple, ou qu’il n’a pas les moyens, ou, au contraire,
qu’il est capable de surmonter la situation, qu’il trouvera une solution adaptée30. Ces
évaluations vont donc déterminer le déclenchement ou non de la réaction de stress.
Les schémas et explications précédents posent le stress comme un élément essentiel à
la survie de chacun d’entre nous. Néanmoins, il est important de garder à l’esprit que le stress
est certes nécessaire mais dans une certaine mesure. Patrick Légeron s’appuie sur des travaux
de psychologie pour distinguer le bon du mauvais stress.
2.2.4. Patrick Légeron, les relations entre stress et performance
Yerkes et Dodson, deux psychologues du début du XXe siècle, ont élaboré une courbe,
« relation entre stress et performance »31, qui fait apparaître la mesure dans laquelle le stress
rend performant et le point où celui-ci devient néfaste.
30 Cf. Figure 6, Annexe 2 : les modèles de stress 31 Cf. Figure 9, Annexe 3 : stress et performance
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Le " bon stress " ou « stress optimal » est celui qui permet de s’adapter à une situation
menaçante. C’est une réaction naturelle de notre organisme face à une agression extérieure. Il
nous permet de mobiliser efficacement nos ressources pour faire face au mieux aux nombreux
stresseurs professionnels, cités ci-après (2.3 : les « mille visages » du stress »), sans mettre en
danger notre santé.
En revanche, le " mauvais stress " est celui qui inhibe l’action. Si le stress est quasi
inexistant, l’individu n’est pas paré pour affronter les situations menaçantes quotidiennes, il
encourt un risque. Le stress à trop forte dose est également nocif. La réaction qui est
demandée à l’individu par son environnement dépasse les ressources personnelles et sociales
qu’il peut mobiliser. Ce stress est nocif et peut être nuisible physiquement et mentalement à
l’être humain.
Le stress est fondamentalement utile à condition que les mécanismes biologiques et
psychologiques soient déclenchés à bon escient et dans des limites acceptables. Dans de trop
nombreuses situations de travail, le " mauvais stress " est présent.
2.3. Les « mille visages »32 du stress au travail
Le stress peut se manifester dans des situations très différentes et d’un individu à
l’autre le stress ne sera pas vécu de la même manière face à une circonstance particulière. Le
stress a de multiples facettes. La liste suivante ne peut se prétendre exhaustive. L’ANACT
souligne, dans son rapport sur le stress et les risques psychosociaux au travail de 200733, que
« les facteurs de causes et d’effets se croisent à l’infini […] Pour une même cause on observe
des effets différents d’un individu à l’autre et différents pour un même individu selon les
périodes et les contextes de travail ».
2.3.1. Le contenu du travail
Les Anglais parlent de Job strain (pression au travail) pour décrire les contraintes qui
pèsent sur l’individu dans le cadre de sa vie professionnelle. Actuellement, l’accroissement du
32 LEGERON, 2003, p. 12 33 SAHLER, 2007
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stress lié à la charge travail est dû à une réduction des effectifs et à une diminution du temps
de travail – les trente cinq heures. Les salariés sont moins nombreux, ont moins de temps
qu’avant et davantage de travail leur est attribué. Une enquête Santé Itinéraires Professionnels
(SIP) a été réalisée en 2007 par la DARES auprès de l’ensemble de la population active34.
22,6% des personnes interrogées considèrent qu’on leur demande toujours ou souvent une
quantité de travail excessive. L’enquête SUMER de 2003, élaborée également par la DARES,
met en avant la pression temporelle à laquelle les salariés sont confrontés. 30,9% des
personnes interrogées estiment qu’elles ne disposent pas du temps nécessaire pour réaliser
correctement leur travail. Cette surcharge est une source importante de stress.
A cela s’ajoute le culte de la performance et de l’excellence. Alain Ehrenberg,
sociologue français, dans son ouvrage Le Culte de la Performance35, écrit que pendant
longtemps la relation au travail était contractuelle. Bien travailler consistait à accomplir sa
tâche. Depuis les années 1980 et surtout 1990, la tendance a changé, une autre idéologie s’est
développée. Faire son travail ne suffit plus, il faut désormais se dépasser. Il compare ce
phénomène aux sportifs qui ont obligation de se surpasser en permanence. Ainsi le sentiment
du travail bien fait s’amenuise. Un stress permanent est généré face à cette pression et aux
frustrations de n’avoir jamais aucun encouragement ou compliment. Les dirigeants et
actionnaires recherchent la perfection absolue, le zéro défaut. De plus, ce travail parfait doit se
réaliser dans une urgence qui neutralise la distinction entre l’urgent et l’important. Selon une
étude réalisée par le ministère du travail, un salarié sur deux dit travailler dans l’urgence.
2.3.2. L’environnement professionnel à l’épreuve de la modernité
L’Histoire du travail s’est déroulée avec une certaine régularité mais, depuis la
seconde guerre mondiale, les entreprises ont connu une accélération considérable dans les
changements. Certains sont discrets mais d’autres sont brutaux voire douloureux. La réaction
d’adaptation de l’individu face à ces situations génère un stress important. Une transformation
peut s’avérer positive pour l’entreprise mais négative pour l’individu. L’enquête Changements
Organisationnels et Informatisation (COI)36 réalisée auprès de l’ensemble de la population
active, indique que dans 54% des cas, le personnel de l’entreprise n’a pas été consulté au
34 DARES, « Indicateurs provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail », octobre 2009 35 EHRENBERG, 1999 36 DARES, « Indicateurs provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail », octobre 2009
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moment de la mise en place des changements. Ces incertitudes à répétition et ces décisions
arbitraires sans consultation des salariés génèrent une angoisse grandissante chez l’être
humain qui a besoin de stabilité.
Il y a un siècle, les conditions de travail étaient physiquement difficiles : bruit, froid,
jours de repos rares, etc. La pénibilité corporelle, la répétitivité et la monotonie des tâches,
telles qu’elles sont exposées dans le film Les Temps Modernes de Charlie Chaplin, n’ont pas
entièrement disparu. Elles se sont, toutefois, largement atténuées grâce à l’avènement des
technologies modernes et du droit du travail. Ces souffrances, sources de stress, ne se sont pas
effacées, elles sont différentes. Elles sont davantage liées à la relation et moins à l’effort
physique.
Le chercheur américain, Robert Karasek, a réalisé une étude, en 1989 portant sur le
stress professionnel. Il part de deux axes fondamentaux : la charge de travail et la marge de
manœuvre de l’individu37. Plus le travail est vécu comme contraignant et plus l’individu est
stressé. C’est le cas, par exemple des ouvriers à la chaîne. En outre, à l’heure d’Internet, le
télétravail se développe de plus en plus. Il consiste à travailler chez soi. Le salarié est certes
plus libre de ses horaires et de ses faits et gestes mais cette formule provoque l’isolement et
fait disparaître l’étanchéité entre vie privée et professionnelle. Or la séparation entre les deux
est un facteur essentiel à l’équilibre de l’être humain.
2.3.3. Les rétributions matérielle et immatérielle
Les frustrations au travail sont nombreuses. Elles sont généralement liées à une attente
non satisfaite de rétribution en rapport avec la contribution que représente le travail effectué.
Ces compensations peuvent être d’ordre matériel (le salaire) ou psychologique (la
reconnaissance). Le modèle de Siegrist38 rend compte de ce tandem effort-récompense. Selon
cette étude, un individu ressent d’autant moins la charge de travail qu’il saura qu’une
récompense lui sera attribuée en retour. Le déséquilibre entre les efforts fournis dans le travail
et leurs rétributions sont facteurs de stress et de mal être. Il est demandé aux salariés de se
37 Cf. Figure 8, Annexe 2 : les modèles de stress 38 Cf. Figure 9, Annexe 2 : les modèles de stress
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dévouer à leur entreprise, de s’investir affectivement. Patrick Légeron (2003) fait l’analogie
avec une maîtresse ou un amant. Ce dernier devient très exigeant, il demande à être aimé et à
recevoir des preuves d’amour. C’est ce que Nicole Aubert et Vincent de Gauléjac39 appellent
l’entreprise « managinaire ». Elle est faite d’injonctions paradoxales : « tu dois m’aimer
passionnément, mais toi, tu ne sauras jamais si je t’aime, et, d’ailleurs, je n’ai pas à
t’aimer ». De nombreux chercheurs considèrent que l’être humain se nourrit essentiellement
de reconnaissance sociale, il a besoin d’être aimé, apprécié et surtout valorisé et reconnu par
les autres. Or, il existe de nombreuses entreprises où avouer l’efficacité d’un salarié, le
complimenter et le remercier est mal perçu. C’est ce que Patrick Légeron appelle la « culture
du négatif »40 .
2.3.4. Les difficultés relationnelles
Le client est devenu un véritable « dictateur »41. Ses attentes sont toujours plus fortes et il
exprime de moins en moins sa satisfaction. Les entreprises sont, actuellement, toutes orientées
vers celui-ci. Elles acceptent ses exigences et les anticipent même. La situation est paradoxale
car ces clients sont souvent, eux-mêmes, des salariés confrontés à une clientèle exigeante.
De surcroît, notre société développe des comportements individualistes qui ont un impact
sur l’ambiance au travail. Un sondage IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) de janvier
200142 indique que pour 83% des salariés français la bonne ambiance au travail est un critère
très important dans le choix d’une entreprise, avant même l’intérêt pour la tâche à accomplir.
Or, les modes de management, la société et l’économie prônent la concurrence et génèrent des
rivalités entre les individus. L’enquête SUMER de 200343 révèle que 8,5% des individus
interrogés estiment que leur collègues ne sont pas du tout amicaux et 14,2% que les collègues
avec qui ils travaillent ne les aident pas à mener leur tâche à bien. Ce phénomène d’incivilité
dégénère parfois en agressivité voire en violence. La violence physique est la plus perceptible.
39 AUBERT Nicole, De GAULEJAC Vincent, Le Coût de l’excellence, Paris, Seuil, 1991.op. cit. LEGERON,
2003 40 LEGERON, 2003, p.35 41 LEGERON, 2003, p. 37 42 DARES, « Indicateurs provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail », octobre 2009 43
DARES, « Indicateurs provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail », octobre 2009
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L’enquête sur les conditions de travail, réalisée en 2005 par la DARES44, révèle que 1,6% des
personnes interrogées reconnaissent être exposées à des agressions physiques au cours de leur
travail. La forme de violence la plus fréquente est morale et sa manifestation la plus grave et
la plus difficile à surmonter est le harcèlement moral. Cette démarche intentionnelle et
perverse a pour but d’humilier et de détruire l’individu.
Ces différentes formes de violence entraînent une baisse de l’estime de soi, une
démotivation totale et un état de stress chronique. Autrement dit, elles provoquent une
destruction intérieure de l’être humain, une souffrance insoutenable, explique Patrick
Légeron.
3. Les impacts individuels et organisationnels de la souffrance au travail
Le management par le stress peut mettre gravement en péril la santé mentale et physique
des individus mais aussi entraîner des répercussions financières sur les organisations.
3.1. La mise en péril de la santé physique et psychique des individus
« Bien qu’indispensable à la vie, le stress représente une menace pour notre bien être.
Car, de même qu’un médicament utile peut devenir nuisible au-delà d’une certaine dose, des
réactions de stress trop intenses, trop fréquentes, trop prolongées et mal gérées peuvent avoir
des effets négatifs sur notre santé »45, affirme Patrick Légeron. Les troubles peuvent être
d’ordre psychologique et/ou physiologique.
3.1.1. Les troubles psychologiques
La France est le pays consommant le plus de psychothropes au monde. De plus, les
études épidémiologiques montrent qu’un individu sur cinq souffre, au cours de sa vie, d’un
trouble anxieux ou dépressif. Ces faits sont alarmants. Le stress peut être très destructeur.
44
DARES, « Indicateurs provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail », octobre 2009
45 LEGERON, 2003, p.183
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L’ anxiété se caractérise par un vécu permanent d’inquiétude et d’appréhension. Elle
se manifeste de manière somatique, psychologique et comportementale. Ce sentiment
d’anxiété peut s’installer durablement et devenir handicapant. Il peut même mener à des
conduites addictives telles que l’alcoolisme ou la toxicomanie, mais aussi entraîner des
troubles dépressifs et des envies de suicide. A ce stade, l’individu se trouve dans la
« phase d’alarme » évoquée par le modèle de Hans Selye. Il prend conscience que le stresseur
représente un danger, se met en état d’alerte et mobilise ses ressources pour l’affronter.
La dépression fait généralement suite à des troubles anxieux. Les troubles dépressifs
sont la manifestation la plus marquée du stress. Ils sont d’ailleurs devenus une préoccupation
de santé publique et sont reconnus comme maladie professionnelle par l’assurance maladie.
Cet état correspond au « stade d’épuisement » décrit par Hans Selye. L’individu baisse les
bras, il n’a plus la capacité de mobiliser ses ressources pour faire face à une situation
stressante. La dépression se caractérise par plusieurs types de symptômes : la tristesse ou
l’effondrement de l’humeur, la perte d’intérêt, la fatigue chronique, la perte d’appétit et les
troubles du sommeil. Elle est souvent cause de burnout ( brûlure de l’intérieur). Il s’agit d’un
état d’épuisement physique et moral se caractérisant par la présence des symptômes liés à la
dépression et par un désenchantement vis-à-vis de son métier.
L’une des principales et plus graves complications de la dépression est le suicide.
L’individu se trouve dans une telle impasse que la seule issue qu’il rencontre est de se donner
la mort. Il arrive que les suicides surviennent sur le lieu de travail. Ce fut le cas récemment à
France Telecom : un salarié, en plein désespoir, s’est poignardé en pleine réunion. De même,
la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse s’est défenestrée depuis son bureau situé
au troisième étage.
3.1.2. Les maladies somatiques
Les chiffres sont alarmants. On évalue à plus de 1,3 millions le nombre de personnes
mourant d’accidents ou de maladies liées au travail par an dans le monde, soit une moyenne
Page | 33
de 3100 décès par jour46. On estime à soixante millions par an l’apparition de nouveaux cas de
maladies liées au travail.
Les Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) sont reconnus comme la première
maladie professionnelle. Elle progresse de manière considérable dans les pays industrialisés
depuis les années 1980. Selon l’ANACT, leur nombre augmenterait de 20% tous les ans et
représenterait 70% des maladies professionnelles en France. Un salarié sur huit serait touché
par les TMS47.
Ensuite, les maladies dites somatiques se manifestent par des maladies cardio
vasculaires et respiratoires. Les plus touchés sont ceux qui subissent une importante charge
de travail et une marge de manœuvre très limitée (Cf. modèle de Karasek, Annexe 2).
Enfin, les maladies psychosomatiques sont très nombreuses : la perte des cheveux,
l’eczema, l’acnée, la prise de poids, l’asthme, les crises d’urticaire, les migraines, les troubles
digestifs etc. La liste est loin d’être exhaustive.
Le stress peut être à l’origine de souffrances physiques et mentales considérables. Il
peut être très nocif à l’individu. La récente vague de suicides chez France Telecom n’est pas
un cas isolé, elle a juste été davantage médiatisée que certains autres cas. Mais, l’individu
n’est pas seul à subir ces désagréments, l’entreprise en subit les conséquences financières.
3.2. Danger pour la santé économique des organisations
Le stress a des effets néfastes sur les organisations car il entraîne des absences à
répétition et une perte de la productivité. Ces conséquences sont difficilement quantifiables
mais elles sont néanmoins très coûteuses.
46 Source OMS 47 SAHLER Benjamin, 2007
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3.2.1. Les effets néfastes de la souffrance sur les organisations
L’absentéisme est un véritable fléau pour les organisations. De plus en plus de salariés
se mettent en arrêt maladie à cause de troubles dûs au stress. Selon la Caisse Nationale
d’Assurance Maladie48, 25 % des arrêts maladie de deux à trois mois sont imputables au
stress. En 2002, selon la Commission européenne, le stress au travail serait la cause de plus de
50 % de l'absentéisme. En 2005, la représentation syndicale des cadres, CFE-CGC, a fait une
enquête auprès de 1340 cadres français. Il en résulte que 23 % ont déclaré avoir eu des arrêts
maladie à cause du stress, dont 6 % de temps en temps et 16 % souvent49. Gérer le personnel
absent n’est pas aisé car il faut envisager des remplacements et des formations. Cela entraîne
une perte de productivité, de qualité et de compétences difficilement quantifiables. Selon une
enquête de l’Association Nationale des Directeurs et Cadres de la fonction Personnel
(ANDCP) de 2003, le principal problème de l’absentéisme serait le coût engendré50.
Le présentéisme est également problématique. Il s’agit des salariés présents sur leur
lieu de travail mais complètement désinvestis, ils ne travaillent pas au maximum de leurs
capacités. Ils sont ce que l’on appelle des « désengagés de l’intérieur »51. Ils se font très
discrets et souvent respectent peu les horaires et les exigences de qualité. Les problèmes de
discipline se font ressentir et ont un impact sur le climat social de l’entreprise. Les salariés,
totalement désinvestis, ne sont plus exigeants envers eux mêmes. Ils n’ont aucun intérêt dans
la tâche réalisée puisqu’ils ne sont ni impliqués ni responsabilisés. La conséquence directe est
une chute considérable de la productivité mais aussi l’augmentation des accidents du travail et
des rebuts et des malfaçons dans la production. Une étude réalisée en 2009 par la société de
conseil Hay Group52, révèle que seuls 52 % de salariés interrogés pensent que leur entreprise
leur donne envie de fournir un effort discrétionnaire contre 62 % ces dernières années. Leur
vraie vie est désormais ailleurs, ils ont compris qu’ils ne pourraient réaliser leurs aspirations
personnelles dans leur tâche. Le taux de rotation du personnel est, par conséquent, très élevé.
48 http://www.risquesprofessionnels.ameli.fr/ 49 Cf. Figure 10, Annexe 4 : problèmes organisationnels liés au stress 50 Cf. Figure 11, Annexe 4 : problèmes organisationnels liés au stress
51 GHIULAMILA Juliette, « Des salariés désengagés de l’intérieur », Les grands dossiers des Sciences
humaines, n°12, septembre – octobre – novembre 2008 52 LAVANANT, SADY, 2009
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La situation étant devenue insupportable, l’individu en souffrance fait le choix de partir. La
même étude de Hay Group révèle que 59 % des personnes interrogées envisagent de partir,
recherchent activement un autre emploi ou bien ont déjà accepté un emploi ailleurs. Et pour
ceux qui ne pensent pas quitter leur société aujourd'hui, 92 % avouent qu’il est trop risqué de
démarrer un nouvel emploi dans le climat actuel, 87 % afirment que c’est lié au manque
d’offres d’emploi.
Tous ces éléments portent inéluctablement atteinte à l’image de marque de
l’entreprise.
Les différentes contreparties des pratiques provoquant un stress excessif, évoquées ci-
dessus, sont coûteuses pour l’entreprise mais aussi pour l’économie nationale.
3.2.2. Un coût inquiétant
Depuis environ dix ans, études, enquêtes et sondages sur le stress au travail se
multiplient. Tous se rejoignent sur un point : le stress touche de très nombreux salariés et les
fait profondément souffrir.
Une étude réalisée en France en 2000 par l’Institut National de Recherche et de
Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)53
a estimé le coût direct et indirect du stress : entre 830 et 1 656 millions d’euros par an. Cette
somme équivaut à 10 à 20 % du budget de la Sécurité Sociale pour la partie maladies
professionnelles et accidents du travail. l’INRS a évalué ces coûts à partir des troubles les
plus fréquents dûs au stress et des conséquences les plus récurrentes 54. Dans cette
perspective, une première étape consisterait en une prise de conscience individuelle et
collective. Patrick Légeron, psychiatre, et Philippe Nasse, statisticien et économiste, ont
réalisé un rapport sur les risques psychosociaux au travail remis au gouvernement en mars
200855. Selon ce dossier, le stress coûterait entre 3 à 4% du PIB français, soit environ vingt
milliards d’euros dans l’Union Européenne. 50 à 60 % de l’ensemble des journées de travail
53 TRONTIN Christian, « conséquences économiques du stress : les enjeux pour l’entreprise », inrs.fr 54 Cf. Figure 12, Annexe 5 : coût du stress 55 NASSE Philippe, LEGERON Patrick, « Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques
psychosociaux au travail », 12 mars 2008
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seraient perdues à cause du stress. Le stress sur le lieu de travail coûterait donc dix fois plus
cher que les conflits sociaux.
Ces chiffres sont à prendre avec précaution car le calcul est complexe. Cependant, on
ne peut nier que le stress coûte cher tant en termes de souffrance humaine que de réduction
des performances économiques.
En parallèle de l’évaluation de ces coûts, il serait intéressant de caculer les bénéfices
que pourraient générer les entreprises en favorisant le bien être des salariés, en les valorisant
et les responsabilisant. Ces données sont malheureusement intangibles et très difficilement
mesurables par les sytèmes comptables traditionnels. Pourtant l’économie réalisée pourrait
être considérable. Plusieurs études ont montré qu’il est " rentable " d’investir dans la
prévention du stress au travail. Les sommes débloquées sont rapidement amorties, sur
l’espace d’un exercice annuel. Henri Savall, avec l’aide d’une équipe de recherche rattachée à
l’université de Lyon III, est parvenu à évaluer ces montants grâce à une méthode tirée de la
« théorie des coûts cachés »56.
Les individus, tout comme les organisations, souffrent d’un stress et d’une souffrance
croissants dont les conséquences peuvent être néfastes humainement et financièrement. Il
semble donc logique d’enclencher une démarche de gagnant-gagnant. Cela doit devenir le
grand défi à relever dans les années à venir par les gouvernements, les employeurs et les
syndicats. Encore faut-il parvenir à identifier les causes profondes de la souffrance au travail.
CHAPITRE II – A l’ origine de la souffrance au travail : les pratiques managériales en question
« Le travail est au cœur des enjeux essentiels de notre pays […] Or, il y a aujourd'hui
un vrai malaise dans beaucoup d'entreprises où le travail est trop souvent synonyme
d'angoisse ou de malheur », énonce Jean François Copé, président du groupe UMP à
l’Assemblée Nationale. En réaction à cette immense souffrance, le député a créé un groupe de
travail chargé de réfléchir et d’apporter des solutions sur la souffrance au travail. Il ajoute que,
56 SAVALL, 2007
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dans le contexte de la récente vague de suicides dans de grands groupes industriels français
certains ont voulu la démission des dirigeants mis en cause. Selon lui :
« certains ont voulu la démission des dirigeants concernés. C'est un réflexe très
français, dès qu'on est face à un problème, on rejoue 1793. Il faut trouver un bouc
émissaire, sortir les piques et couper des têtes. Une fois les têtes tombées et la colère
satisfaite, on oublie de s'interroger sur les causes du problème. C'est tout l'inverse qu'il
faut faire, ne pas stigmatiser une personne mais proposer des solutions structurelles. Le
mode de management de beaucoup de nos entreprises doit évoluer de fond en
comble »57.
Les pratiques managériales sont les premières à être coupables de ce malaise au travail
car elles s’appuient sur des schémas hérités du passé devenus obsolètes. L’économie a évolué
mais les modes de management ont stagné.
1. Les schémas hérités du passé
L’organisation du travail actuelle s’appuie sur de vieux principes datant du début du
XXe siècle. Ils ont 100 ans mais les entreprises ont tendance à ne pas remettre pas en cause
ces modèles.
1.1. TAYLOR et l’organisation scientifique du travail (1911)
Jusqu’au XIXe siècle, le monde du travail s’organise autour de deux types d’acteurs.
D’une part, les ouvriers étaient détenteurs d’une véritable compétence technique et
travaillaient en toute autonomie. D’autre part, les contremaîtres disposaient d’une complète
autorité sur les premiers. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la Révolution
Industrielle a entraîné la mise en place d’un nouveau système technique et l’émergence des
ingénieurs. Ces deux facteurs ont joué un rôle déterminant dans la naissance du taylorisme.
57 http://www.lasouffranceautravail.fr/Actualite.html
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Frederic Winslow Taylor58 (1856-1915) est considéré comme l’un des pionniers du
management. Il réfléchit à la manière de répondre au mieux aux nouvelles exigences
économiques émergeant dans le cadre de la Révolution Industrielle. Il propose une nouvelle
organisation du travail permettant d’instaurer une paix sociale durable au sein des entreprises
à travers la convergence des intérêts de tous et de développer leur prospérité via une
rationalisation du travail. Cette démarche implique une révolution complète de l’état d’esprit
des dirigeants d’entreprises et des ouvriers.
Il crée l’Organisation Scientifique du Travail (OST). Il est, selon lui, possible
d’appliquer à l’activité humaine un raisonnement scientifique. Il s’agit d’observer, de classer
les faits, de les analyser et d’en tirer des lois de portée générale sur le savoir faire ouvrier.
Taylor élabore plusieurs grands principes. Tout d’abord, il souhaite mettre fin à la
« flânerie systématique » des ouvriers. Pour cela, il s’appuie sur la théorie de l’économiste
anglais David Ricardo (1817) sur la spécialisation des tâches. Il la réutilise et la nomme:
division horizontale du travail. Il souhaite éradiquer tous les temps morts dans le travail des
ouvriers car ils représentent une perte de productivité énorme. Le travail des ouvriers se
retrouve segmenté en tâches simples, rapides et répétitives. Le but est d’augmenter la
productivité tout en réduisant les coûts. Pour cela, l’homme doit être isolé et individualisé
dans sa tâche.
Taylor souhaite aussi diviser verticalement le travail59. Pour cela, il s’inspire
d’Adam Smith (1776). Cette logique consiste à séparer les " cols blancs " des " cols
bleus " (« the right man in the right place »), soit à centraliser le pouvoir. Les premiers, les
dirigeants, sont les penseurs. Les seconds, les ouvriers, exécutent les directives établies par les
ingénieurs.
Selon Taylor, la seule motivation pour compenser le caractère abrutissant et aliénant
du travail ne peut être que l’argent. Il met alors en place un système de salaire au
rendement, autrement dit il a recours à des primes de productivité.
58 PLANE, 2008, pp. 10-13 59 Cf. Figure 13, Annexe 6 : Taylorisme et Fordisme
Page | 39
La surveillance est un autre moyen pour canaliser les ouvriers. Un système de
contrôle du travail est élaboré avec la création de postes de contremaîtres dont la fonction
essentielle est le contrôle et la surveillance.
L’application des principes de Taylor ont eu pour mérite d’améliorer la gestion de la
production et l’accroissement de la productivité. Ce théoricien a pleinement contribué à la
transformation et la modernisation des entreprises industrielles.
Henri Savall, économiste et professeur de sciences de gestion, reconnaît que
« Taylor eut l’idée judicieuse de s’attaquer au gaspillage de matière, de temps, de gestes […].
La principale conséquence à long terme a été que l’analyse du travail humain a facilité son
transfert en travail machine ». En effet, le poids de la hiérarchie, des règles et procédures et le
contrôle et la rationalisation excessive du travail ont apporté une vision appauvrie du potentiel
humain.
Le taylorisme connaît une crise à la fin des années 1960. Les ouvriers se révoltent par
le biais de l’absentéisme et du turnover (taux de rotation du personnel). Chez Renault, par
exemple, l’absentéisme passe de 4% en 1961 à 8.5% en 1974. L’intensification des rythmes
de travail rend de plus en plus pénible la tâche des travailleurs. De plus, les hausses de salaires
ne compensent plus à leurs yeux la pénibilité et l’absurdité du travail.
1.2. La méthode d’Henri FORD
Henri Ford60 (1863-1947) était un célèbre homme d'affaire et industriel américain. Il
est le créateur de la Ford Motor Company. Il est considéré comme le continuateur de Taylor.
Ses apports concernent la mécanisation du travail. Il met en place le convoyeur de
pièces. Il s’agit d’un tapis roulant où circulent automatiquement les pièces devant les
travailleurs. La production est à flux continu. Ainsi, la machine dicte à l’homme son rythme
de travail et de production et les temps opératoires élémentaires sont réduits. C’est le début du
60 PLANE, 2008, pp.13-18
Page | 40
travail à la chaîne61. Le travail vivant est remplacé par du travail mort, la machine prolonge
la main de l’homme.
Le second apport de Ford est la standardisation des biens de production. Il est à
l’origine de la production des grandes séries grâce à des pièces interchangeables et
standardisées. Des économies d’échelle peuvent ainsi être réalisées : en augmentant la
production, les coûts unitaires de production diminuent. Le développement de ce mode de
production fordiste suit l’esprit de la loi libérale élaborée par l’économiste français Jean
Baptiste Say (1803) selon laquelle l’offre crée sa propre demande : « plus les producteurs sont
nombreux et les productions multiples, plus les débouchés sont faciles, variés et vastes ».
Ford associe production de masse et consommation de masse. Le 1e janvier 1914, il
décide de doubler les salaires par l’instauration de la rémunération journalière : « Five dollar
a day ». Le but de cette démarche est, dans un premier temps, de fidéliser les travailleurs par
un système de rémunération attractif et, dans un second temps, d’augmenter le pouvoir
d’achat afin que les salariés puissent acheter les voitures produites par la Ford Company.
L’application de la méthode fordiste a permis la baisse des prix de vente, la hausse des
salaires et l’élévation des profits. Ford a eu le génie, avant Keynes, d’avoir perçu la nécessité
d’agir sur le pouvoir d’achat des salariés pour dynamiser l’économie nationale. Le modèle a,
néanmoins, des effets négatifs car il ne s’adapte pas aux nouvelles règles de l’environnement
concurrentiel et à la donne mondiale affectée par les chocs pétroliers de 1973 et de 1979. Les
coûts ont certes diminué mais les attentes des consommateurs ne sont pas prises en compte
(qualité, sécurité et variété).
De plus, l’émergence du Toyotisme, dans la seconde partie du XXe siècle, affaiblit le
modèle fordiste. Cette méthode japonaise adopte des principes tels que la mobilisation des
compétences, la participation, l’autonomie, la responsabilité et les initiatives. Ce modèle offre
davantage de flexibilité et de réactivité permettant une meilleure compétitivité.
1.3. Henri FAYOL et les principes de commandement (1916)
La pensée d’Henri Fayol62(1841-1925), ingénieur français, a souvent été associée à
tort à celle de Taylor. Fayol ne prône pas autant de contrôle et d’autorité. Néanmoins, ces
61 Cf. Figure 14, Annexe 6 : Taylorisme et Fordisme
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deux auteurs se complètent car la théorie taylorienne concerne les ouvriers et celle de Fayol,
les dirigeants. Il écrit Administration industrielle et générale (1916) avec pour idée de faire
évoluer les fonctions de commandement dans les grandes entreprises et de développer leurs
qualités en matière de leadership. Pour ce faire, il s’est appuyé sur son expérience à la
direction d’une compagnie minière. A travers cet ouvrage, il définit les cinq fonctions du
management : prévoir et planifier, organiser, commander, coordonner et contrôler. Il reprend
les idées de ses prédécesseurs en ce qui concerne la division du travail et la centralisation du
pouvoir mais il apporte une touche de modernisme manifestant son opposition à l’excès de
spécialisation et d’organisation. De plus, il considère, contrairement à Taylor ou Ford, que la
motivation vient de l’initiative, de l’équité et de l’union du personnel et non du salaire. Ainsi,
il jette les bases d’un véritable management moderne.
1.4. Théories de la bureaucratie : Max WEBER et Henry MINTZBERG
Max WEBER,(1864-1920)63 sociologue allemand, met au point une théorie sur les
structures d’autorité afin de classer les organisations parmi lesquelles l’organisation
bureaucratique nous intéresse en particulier. Il a été le premier à utiliser le terme "
Bureaucratie " pour décrire une culture et une structure d’entreprise rigidement fixées.
C’est un système rationnel caractérisé par une exigence de conformité règlementaire, par la
prévisibilité et la précision technique. Autrement dit, elle se définit par la discipline, le
contrôle et la hiérarchie. La relation au travail est dépersonnalisée, elle empêche toute
forme d’innovation et de créativité. Sa théorie permet de donner un nom aux formes de
management pratiquées dans les entreprises depuis la Révolution Industrielle et
l’avènement du Taylorisme.
Henri MINTZBERG (1939)64 est l’un des théoriciens des organisations les plus
importants. Il classifie les organisations. Les modèles façonnés par Taylor et Ford
correspondent à ce qu’il appelle la « bureaucratie mécaniste ». Celle-ci se caractérise par
des procédures formalisées, une division et une spécialisation du travail, une
standardisation des résultats, des procédures de travail et des qualifications et par une ligne
62 PLANE, 2008, pp.18-22 63 PLANE, 2008, pp. 22-27 64 MINTZBERG, 2004, p.237
Page | 42
hiérarchique développée. Les organisations bureaucratiques suivent une logique de
planification et de programmation. Ce sont des organisations dont la structure est
extrêmement rigide et qui sont, par conséquent, peu propices à l’adaptabilité et
l’innovation.
Les théories de Weber et Mintzberg se rejoignent : la Bureaucratie est un système
rationnel et sécurisant mais très rigide et inadapté à l’environnement instable actuel.
Au système bureaucratique, s’oppose le modèle organique. La bureaucratie s’exerce
majoritairement dans les grandes structures alors que le réseau organique concerne davantage
les PME. Selon Christophe Assens, conseiller en management, le modèle organique se
caractérise ainsi :
« Il n’existe pas de procédure de contrôle formel de hiérarchie. Chacun est
responsable de soi, la décision est répartie sur l’ensemble des membres, il n’existe pas
de pilote. La forme de la structure est dynamique, elle émerge des interactions entre
les membres. […] Ce type de réseau présente l’avantage de préserver l’autonomie des
membres et de leur conférer des capacités d’adaptation, de créativité et
d’apprentissage »65.
Tous ces éléments ne sont pas présents dans le modèle bureaucratique or la majorité
des entreprises l’adopte au détriment de l’aspect humain et donc de leur développement
économique. Les schémas, figures 15 et 16 Annexe 7, illustrent la différence entre modèle
bureaucratique et organique ou système conventionnel et composite ; et rendent bien compte
de la dimension d’interactions dans le second système.
Tous ces principes ont beaucoup joué en faveur de la prospérité économique nationale.
Ils sont aujourd’hui insuffisants voire nocifs car la dimension humaine est exclue de leur
vision de l’entreprise. Or, la majorité des grandes entreprises françaises sont encore dans ces
logiques dites " néo tayloriennes ".
65ASSENS Christophe, « Du modèle bureaucratique au modèle organique : l’organisation en réseau », Flux, vol.
12, n° 23, 1996, pp. 38-42
Page | 43
2. Les principes du management moderne et ses dérives
La majorité des grandes entreprises s’inscrit dans la lignée directe de Taylor.
L’économie a évolué et les principes appliqués qui ont stagné entraînent des dérives car ils ne
sont plus adaptés.
2.1. La standardisation
La standardisation est un mécanisme de coordination et de formalisation. Elle permet de
réaliser des économies d’échelles et d’améliorer la productivité des entreprises. Elle a
également pour but de renforcer la fiabilité et la qualité de sa production. La fin ultime de
cette démarche est de se surpasser économiquement et de devancer les concurrents.
2.1.1. La formalisation des comportements
La standardisation des processus de travail vise à formaliser les comportements des
salariés. Tous doivent appliquer les règles et les procédures dictées par l’organisation.
L’entreprise moderne est fondée sur une logique de dévoration de ses personnels, tous
niveaux hiérarchiques confondus, explique Paul Ariès, politologue et écrivain français66.
Valeurs et culture d’entreprise leur sont imposées. L’intégration est forcée, les salariés sont
formatés car leur sont dictés les façons de travailler, de s’habiller, de sourire, de parler et
même de penser. Paul Ariès estime que l’organisation souhaite façonner « un modèle de
salarié universel et interchangeable ».
Cette logique de dévoration consiste à exclure tout en intégrant. Un cadre est instauré
pour intégrer les employés au sein d’une communauté et dans le même temps, dans leur
travail quotidien tous sont privés d’autonomie et de responsabilités. Ce déséquilibre provoque
une profonde souffrance chez l’être humain.
Cette logique se manifeste également par la multiplication de séminaires de motivation,
de meetings ou de soirées. Le but est de donner aux salariés la motivation pour poursuivre
leur mission. « On sait pertinemment que sans ce dopage psychologique, il est impossible de
66 ARIES, 2002
Page | 44
donner la force aux salariés de continuer à travailler dans de telles conditions », dit Paul
Ariès67.
Cette méthode se manifeste aussi par le marquage du salarié. Chez Nike, par exemple, il
est bien vu de se faire tatouer le logo de la marque sur la cheville. Le travail devient
accaparant, l’entreprise intrusive et leur intimité est violée. Ainsi, la frontière entre vie privée
et vie professionnelle ne peut que s’estomper.
2.1.2. La spécialisation des tâches
La standardisation des qualifications, soit la spécialisation des tâches, consiste à
parcelliser et définir précisément les activités. Le but est de réduire la complexité et
d’accélerer l’apprentissage, dans un souci d’économie d’échelle. Cette logique marque la fin
des métiers et du savoir faire. Aujourd’hui les individus effectuent des fonctions et non plus
des métiers. Leurs compétences techniques ne sont plus mises à l’épreuve et la reconnaissance
de l’expertise n’existe plus.
La standardisation des qualifications et les évolutions économiques freinent la créativité
et l’innovation, pire elles les détruisent et les font disparaître. Aujourd’hui, ce sont les
machines qui produisent les objets et les fonctions ont remplacé les métiers dans l’essentiel du
monde du travail. Ceci a entraîné la modification de l’individu dans son rapport au travail : il
n’a personne à imiter et n’a rien à transmettre. On lui explique d’ailleurs qu’il devra changer
de fonction tout au long de sa vie. Autrement dit, il ne sera jamais reconnu comme spécialiste
dans un domaine quelconque. France Telecom en est la preuve.
2.1.3. La gestion par objectifs
La standardisation des résultats se manifeste par le management par objectifs. Les
efforts individuels doivent être conformes aux objectifs quantitatifs fixés par la direction. mais
l’aspect qualitatif,soit la dimension humaine, est oublié.
La financiarisation des entreprises avec à la tête, des actionnaires, accentue cette
omniprésence financière. De fait, les grandes entreprises, surtout celles cotées en Bourse, sont
bien plus touchées par cette logique de résultats que les PME. Néanmoins, cette tendance se
67 Intervention dans : CARRE Jean Michel, J’ai (très) mal au travail, octobre 2007
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répand sur les entreprises clientes ou fournisseurs de ces grands groupes puisqu’elles doivent
s’adapter à leurs modes de gestion et à leurs exigences. Aujourd’hui la Bourse est l’obsession
numéro un. Les actionnaires sont les décisionnaires et sont comme une épée de Damoclès au
dessus de chaque entreprise. Ils sont perçus comme la condition de survie des entreprises
puisque ce sont eux qui injectent du capital pour faire grossir les firmes.
En parallèle de la logique actionnariale, le système économique a muté et favorise
cette obsession de la rentabilité.
Le monde du travail est obsédé par la rentabilité financière, l’humain n’est plus qu’une
ressource de l’entreprise. Les effectifs sont désormais considérés comme un coût qu’il faut
réduire par tous les moyens. Vincent De Gaulejac, dans son ouvrage La société malade de
gestion, dit qu’ « Il s’agit de faire toujours plus, toujours mieux, toujours plus rapidement, à
moyens constants ou même avec moins d’effectifs »68 L’écart entre les ressources dont
disposent les salariés et les exigences dictées par les dirigeants se creuse de plus en plus.
Il faut pouvoir être flexible au maximum pour répondre aux exigences du marché.
Vincent de Gauléjac reconnaît que : « En définitive, dans le secteur marchand, seul ce qui
rapporte a du sens […] La logistique capitalistique canalise […] les aspirations.[…]Le
paradigme utilitariste transforme la société en machine à produire et l’homme en agent au
service de la production »69. L’homme est tranformé en ressource au même titre que les
matières premières, le capital, les outils de production ou les technologies. L’être humain est
instrumentalisé, il n’est plus qu’un rouage de la machine économique. Les " improductifs "
sont rejetés. Ils sont considérés comme inutiles puisqu’ils n’apportent aucune contribution
suceptible d’améliorer la productivité et la rentabilité de l’entreprise. La vie humaine est donc
conçue « dans une perspective instrumentale et productiviste »70.
2.2. Les organisations pyramidales et le contrôle excessif
L’organisation pyramidale, telle que la percevait Taylor a des effets nocifs puisque la
centralisation du pouvoir et le contrôle excessif a pour conséquence l’instauration d’un
sentiment de défiance entre employeurs et employés.
68 DE GAULEJAC, 2009, p. 44 69 DE GAULEJAC, 2009, p.79 70 DE GAULEJAC, 2009, p.83
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2.2.1. La centralisation du pouvoir
La culture pyramidale d’une organisation se caractérise par des comportements de
subordonnés. C’est ce qu’Hervé Séryex qualifie de « manu-facture » 71, autrement dit la base
ne fait qu’exécuter les décisions prises par le sommet. Or Séryex dit qu’aujourd’hui il faudrait
développer des attitudes de partenaires, soit des cultures de réseau, des « cerveaux-factures ».
La centralisation des décisions a pour conséquence de " désimpliquer " les salariés.
Ces derniers ont l’impression de n’être qu’un pion manipulé à souhait. De plus, ces décisions
ne prennent généralement pas en compte la réalité du terrain, seul l’aspect quantitatif prime.
Les très grandes entreprises sont les plus touchées par ce problème car la ligne hiérarchique
est très développée. L’information ne circule pas convenablement du haut vers le bas et du
bas vers le haut. Ces facteurs handicapent les entreprises et les rendent incapables d’être
réactives dans les situations de crise ou lors de changements, ce qui les défavorise dans la
course à la compétitivité.
Dans les organisations actuelles, tout est minutieusement calculé et prévu : la
demande, la budgétisation des ressources et l’organisation des tâches. Toutes ces prévisions
sont ensuite soigneusement contrôlées puis corrigées lorsque des écarts par rapport au plan
initial émergent. Cette démarche permet d’établir une certaine régularité et facilite en théorie
la tâche du management puisqu’elle aide à corriger les déviations et permet aux responsables
de faire des prévisions. Mais notre monde n’est ni linéaire ni régulier, des changements
permanents s’opèrent. Il est, aujourd’hui, difficile de prévoir longtemps à l’avance.
De plus, le salarié éprouve de la défiance envers la direction car à travers la
planification et le contrôle grandissant, elle prouve qu’elle ne peut lui faire confiance.
2.2.2. La confiance calculée et les systèmes d’évaluation
Un sondage TNS SOFRES72 sur la confiance entre salariés et employeurs a été réalisé
en 2009 pour Altedia, société de conseil en ressources humaines. Le directeur général de cette
entreprise, Xavier Lacoste, affirme que « la rupture entre salarié et employeur est
71 SERYEX, 2009, p. 18 72 DE COMARMOND Leila, « Salariés et employeurs, crise de confiance », Les Echos, 30 novembre 2009
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consommée ». L’enquête révèle que, d’une part, 44% des salariés sondés estiment que leur
situation de travail s’est dégradée au cours de ces dernières années. D’autre part, 59% des
personnes interrogées ont le sentiment que le rapport contribution - rétribution au travail s’est
détérioré73. Ces résultats font preuve d’une insatisfaction grandissante des salariés entraînant
une perte de confiance en leur employeur.
L’entreprise peut être responsable de cette crise de confiance car le contrôle et la
planification devenus excessifs déstabilisent les salariés qui n’ont plus de responsabilité et de
possibilité d’initiatives. Quant au contrôle, il démotive également les salariés car ces derniers
en viennent à penser qu’on ne leur fait pas confiance et que leur travail n’est pas reconnu.
Selon Hervé Séryex, l’entreprise devient un lieu où l’on ne cherche plus à se sociabiliser en
priorité mais où l’on vient acheter un salaire et un surplus de compétences74. Celle-ci est
perçue comme un marché et non plus comme une communauté. L’homme est un « élément
anonyme et interchangeable », dit Hervé Séryex75.
Cette déconsidération de l’individu, ce déni de la richesse qu’il peut porter en lui est
facteur de défiance, de souffrance et d’inefficacité.
Hervé Séryex explique que la confiance des dirigeants envers les salariés est
« calculée »76. L’organisation prétend faire confiance à ses salariés mais ces denriers sont très
contrôlés et même évalués régulièrement sur leurs compétences et leur travail. L’évaluation
individualisée des performances n’est pas toujours bien vécue car « elle dérive inévitablement
vers l’évaluation de la personne, et s’éloigne d’autant de l’évaluation du travail proprement
dit »77, affirme Christophe Dejours. Pour juger les compétences d’une personne, il faut
connaître finement le travail des salariés dans toute sa complexité. Or, généralement, les
dirigeants le méconnaissent et commettent de graves erreurs d’appréciations. Christophe
Dejours, dans L’évaluation du travail à l’épreuve du réel (2003), explique que ce type
d’évaluation a de graves conséquences. Elle génère des comportements de concurrence entre
travailleurs et conduit à la déstructuration des solidarités, de la confiance et de la convivialité
73 Cf. Figure 17, Annexe 8 : crise de confiance salariés-employeurs 74 SÉRYEX, 2009, p. 29 75 SÉRYEX, 2009, p. 39 76 SÉRYEX, 2009, p. 14 77 DEJOURS, 2003, p.36
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dans le travail qui rendent tout un chacun plus vulnérable. Ce phénomène déstabilise les
salariés qui deviennent moins productifs.
Il devient donc indispensable de repenser le système d’évaluation et de le rendre plus
équitable.
2.3. Les récompenses financières
Les récompenses financières sont fréquentes mais elles génèrent des rivalités et créent
un manque de reconnaissance symbolique, important besoin de l’homme au travail.
2.3.1. La distinction forts – faibles
Les récompenses extrinsèques sont les conséquences du management par objectifs.
Seront récompensés financièrement, ceux qui auront atteint voire dépassé les objectifs
quantitatifs fixés par la direction. Ce système de récompenses financières a pour effet de
distinguer les forts des faibles. Cette distinction évoque automatiquement la sélection
naturelle darwinienne.
Darwin, naturaliste anglais, considérait que les individus différaient les uns des autres.
Les plus forts seulement, c'est-à-dire les personnes capables de s’adapter à leur
environnement, peuvent survivre. Ces principes correspondent aux pratiques managériales
actuelles. La haute performance et l’excellence sont cultivées or l’entreprise ne donne souvent
pas les moyens suffisants aux individus pour mobiliser toutes leurs ressources. Le salarié perd
confiance en lui-même car il ne se sent pas reconnu malgré tous les efforts qu’il a pu fournir.
Il tombe dans une sorte de spirale infernale dont il est ensuite difficile de s’extraire : plus les
autres seront récompensés, plus il se sentira dévalorisé et moins il trouvera la force de
combattre.
Avec de telles méthodes de management, les rivalités ne peuvent que s’accentuer et
par conséquent les solidarités se dissolvent. Les salariés finissent par haïr ses supérieurs qui
ne font plus attention à eux et ses pairs car ils parviennent à attirer les faveurs de la direction.
Le salarié est prompt à baisser les bras et tombe dans un état de souffrance qui lui semble
insurmontable.
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2.3.2. L’absence de récompense symbolique
En contrepartie de la contribution apportée à l’entreprise, chacun attend une
rétribution. Cependant, la récompense matérielle (salaires, primes, avancement, etc.) n’est pas
garante d’une motivation et d’une satisfaction complètes. Une enquête réalisée en 2009 par
Hay Group78, société de conseil internationale, confirme le fait que la rémunération n’est pas
le critère prépondérant de satisfaction des salariés, il arrive en avant dernière position79.
L’étude Hay Group a également évalué les leviers de motivation des salariés. La
rétribution symbolique y apparaît bien plus importante aux yeux des individus puisqu’elle
arrive en deuxième position des rétributions favorites, après une vision claire et engageante de
l’entreprise80.
La reconnaissance revêt deux aspects : l’accusé de réception de la contribution et la
gratitude. C’est un réel moteur de motivation et de bonne santé mentale et physique chez le
salarié mais aussi de productivité.
L’analyse scientifique de la reconnaissance fait apparaître quatre dimensions81.
Premièrement, il est primordial de reconnaître la personne en tant qu’individu et non en tant
qu’employé, il s’agit de la reconnaissance existentielle − salutation de ses collègues,
consultation des salariés lors de décisions, information du personnel sur les évolutions de
l’entreprise. Ensuite, il est important de souligner la qualité d’un travail bien fait sans se
concentrer exclusivement sur les aspects négatifs. Il s’agit de reconnaître la pratique de travail
du salarié et ses compétences. Qui plus est, il ne faut pas oublier de reconnaître
l’investissement dans le travail, les efforts fournis car le résultat n’est pas forcément
proportionnel. En dernière position, advient la reconnaissance des résultats, c’est-à-dire le
travail accompli, le produit final. C’est ce qui est effectif, mesurable, observable et
contrôlable. En cas d’absence des trois premiers types de reconnaissance, l’individu peut vite
être entraîné dans le sillon d’une décompensation psychopathologique, autrement dit vers la
maladie mentale. Or les modes de management moderne favorisent essentiellement les
78 LAVANANT, SADY, 2009 79Cf. Figure 18, Annexe 9 : motivation et reconnaissance au travail 80 Cf. Figure 19, Annexe 9 : motivation et reconnaissance au travail 81 Cf. Figure 20, Annexe 9 : motivation et reconnaissance au travail
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récompenses matérielles et la reconnaissance du résultat au détriment de la reconnaissance
symbolique.
Notre société a évolué d’une ère industrielle et productiviste vers une ère des services,
sans repenser ses techniques de management. Les pratiques managériales avaient été
élaborées pour traiter le problème de rentabilité et d’efficience opérationnelle. Un siècle plus
tard c’est encore le seul problème que le management moderne traite avec une véritable
compétence. Cette logique de rentabilité entraîne parfois une déperdition d’imagination et
d’initiative prodigieuse qui est source de souffrance et donc de sous exploitation du potentiel
humain. Il devient donc urgent de repenser l’organisation du travail afin d’en accroître
l’efficacité.
CHAPITRE III - Propositions pour accroître l’efficacité des pratiques managériales
Afin de réinventer le management, il peut être intéressant et éclairant de se fonder sur
de l’existant théorique et pratique. Gary Hamel, spécialiste du management, préconise une
« rupture saisissante », un « impératif révolutionnaire »82. Kuhn, philosophe et scientifique,
reconnaît que « le vrai progrès exige une révolution »83. Il faut, pour cela, « déboulonner les
dogmes », « transcender les vieux arbitrages ». Il est possible de « défier l’orthodoxie du
management sans pour autant nuire à l’entreprise »84..
1. S’abreuver des théories des précurseurs
L’approche " néo-tayloriste " des organisations a recours à des pratiques managériales la
sous exploitation le potentiel humain et donc la souffrance des participants.
Afin d’envisager une solution alternative, il est important de s’appuyer sur des théories
qui permettent de comprendre pourquoi hommes et femmes souffrent tant au travail et qui
82 HAMEL, 2008, p.10 83 HAMEL, 2008, p.12 84 HAMEL, 2008, p.8
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peuvent peut-être apporter des solutions pour diminuer cette souffrance et augmenter
l’efficacité des entreprises
1.1. Marie Parker Follet, pionnière du management
Marie Parker Follet (1868-1933), est une pionnière américaine du management du
point de vue des relations humaines. Au XXe siècle, ses idées étaient véritablement
novatrices, ce qui l’éloignait du modèle de management traditionnel de l’époque. Ses idées
n’ont pas été retenues à l’époque car non seulement c’était une femme, mais elle remettait en
cause les principes de l’organisation scientifique du travail (OST) qui générait en son temps
beaucoup de profit. En effet, elle dénonçait les insuffisances de Taylor et en particulier le peu
d’intérêt porté à la capacité créatrice des ouvriers et aux barrières entre les ingénieurs, chargés
de la conception et les ouvriers, cantonnés à l’exécution. Elle n’acceptait pas cette
dépersonnalisation de l’individu et cette séparation stricte des compétences et était très en
avance sur son temps, ses idées ont été peu ou mal comprises par les théoriciens de la
question. Après une cécité de soixante dix ans sur ses innovations, les chercheurs sur les
théories des organisations recommencent à parler d’elle depuis une dizaine d’années. La
Grande Bretagne l’a redécouverte grâce à Pauline Graham qui a réédité quelques uns de ses
textes en 1995. Aujourd’hui, contrairement aux théories classiques du management, ses
enseignements sont plus que jamais d’actualité.
Marie Parker Follet s’est toujours appuyée sur ses expériences et sur la réalité du
terrain pour établir des théories. Ses idées étaient à tel point hors du commun, qu’elle ne peut
se classer dans aucun mouvement de la pensée managériale. Celles-ci ont été reprises par de
nombreux économistes de 1930 à nos jours. Elle ne prétendait pas que ses principes étaient les
seuls valables, elle conseillait même plutôt d’expérimenter et de tirer ses propres
enseignements.
Le principal apport de Marie Parker Follet concerne la compréhension des relations
humaines et sociales. Ses hypothèses convergent toutes vers la même grande idée : le bénéfice
apporté par l’intégration de la dimension humaine au sein des organisations.
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Elle travaille sur cinq grands items : le conflit, le pouvoir, l’autorité, le leadership85 et
la coordination.
Avant les années 1960, la pensée managériale ne prenait pas en compte la notion de
conflit. Marie Parker Follet le considérait comme « un processus par lequel des différences
précieuses pour la société s’affirment et font progresser tous ceux qui sont concernés »86. Elle
revendique l’intégration des points de vue de chacun lors d’un conflit.
Ensuite, elle considère que l’autorité de chacun doit être fonction de son travail et non
attachée à une position hiérarchique en particulier. Elle rejette la notion de stricte hiérarchie :
« pouvoir sur » et prône la notion d’interaction : « pouvoir avec ». Le leader n’a pas de
subordonnés mais des personnes travaillant en collaboration avec lui. Il faut commander en
respectant l’autre. Elle dénonce le commandement arbitraire, comme le concevait Taylor, car
il nie l’un des principaux aspects de la nature humaine qui est de vouloir diriger sa vie soi-
même.
Un manager ne doit pas seulement avoir un rôle d’organisation et de contrôle comme
l’énonçait Fayol, il doit être un leader avant tout, c’est-à-dire coordonner, définir les finalités
et anticiper. Il faut coordonner toutes les activités horizontalement puis verticalement. C’est la
condition pour créer une véritable unité au sein de l’organisation.
Marie Parker Follet défend une vision humaniste fondée sur une éthique collective et
une logique de responsabilité plutôt que d’obéissance. Peter Drucker, théoricien américain du
management, surnommé le " pape du management moderne "87, lui voue une réelle
admiration, il la considère comme : « l’étoile la plus brillante au firmament du management
… Elle a touché chacune des cordes qui constitue la symphonie actuelle du management »88.
85 Leadership (qualités de dirigeants) : « art de la direction des hommes au sein d'une organisation en vue
d'atteindre ses objectifs » (Grint, 1999 op. cit. BELET, 2007) 86 Marie Parker Follet op. cit. MOUSLI Marc, « Marie Parker Follett, pionnière du management », Cahiers du
Lipsor, série recherche n°2, octobre 2000 87 Peter DRUCKER est l’un des rares théoriciens des organisations à avoir été écouté et avoir été lu, notamment
par le monde des affaires. Ce franc succès lui a valu le surnom de " pape du management moderne ". 88 DRUCKER Peter op cit. MOUSLI, 2000.
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1.2. Le mouvement des " relations humaines "
Le mouvement des " relations humaines " est un courant du management qui conteste les
principes de l’école classique. Ces différents théoriciens s’inscrivent en faux contre le
Taylorisme et le Fordisme. Ils dénoncent la division excessive du travail et l’idée de
rationalisation car ces notions déshumanisent les relations de travail et n’atteignent pas les
buts de rentabilité qu’ils se proposent.
1.2.1. MAYO, à l’origine du mouvement
George Elton MAYO (1880-1949) 89 est à l’origine du développement de l’école des
relations humaines. Il réalise une expérience au sein de la Western Electric de Chicago, de
1924 à 1932, sur la fatigue, l’intérêt et la transformation des conditions de travail afin d’en
évaluer les répercussions sur la productivité humaine. Son expérience porte sur l’éclairage des
ateliers.
Mayo constitua deux ateliers témoins composés d’ouvrières : un où l’éclairage était
modifié et l’autre dans lequel on ne touchait pas à leurs conditions de travail. Mayo constata
que l’amélioration des conditions matérielles de travail faisait croître la productivité. Mais il
s’aperçut aussi, étonnamment, que la productivité des ouvrières dans l’autre atelier témoin
avait aussi tendance à s’accroître sans qu’aucune amélioration des conditions n’ait pu
l’expliquer. C’est ce qu’il appela « l’effet Hawthorne » : réaction positive du groupe face à la
prise en compte des facteurs psychosociaux en situation de travail.
La conclusion que tira Mayo de cette expérience est que les ouvriers travaillent mieux
lorsque l’on s’intéresse à eux et que la cohésion de groupe et les relations interpersonnelles,
affectives et émotionnelles sont sources de motivation et d’intérêt au travail, plutôt que
lorsque l’on privilégie l’aspect matériel de l’environnement de travail.
Cette découverte contribua beaucoup au développement du mouvement des " relations
humaines ". Sa démonstration aura été une sensibilisation et une incitation à la valorisation du
système humain dans la recherche de la performance économique plutôt qu’une réussite
opérationnelle.
89 PLANE, 2008, pp.29-33
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1.2.2. La dynamique de cohésion dans les organisations
Kurt LEWIN (1890-1947)90, docteur en philosophie, s’appuie sur les travaux de Mayo et
s’intéresse à cette notion de cohésion, de dynamique de groupe mais aussi au mode d’exercice
de l’autorité. Cette cohésion de groupe motive les équipes et les incite à donner le meilleur
d’eux-mêmes et ainsi à être productifs. Ce chercheur fait une expérience sur un groupe
d’enfants et en tire trois formes de leadership. Tout d’abord, le leadership autoritaire : le
leader conserve une distance face au groupe et donne des ordres pour diriger. Dans ce cas, le
rendement augmente mais la pression aussi. Le climat est tendu, la défiance s’installe et le
risque de rébellion est présent. Ensuite, le leader démocratique : il est semi directif, autrement
dit il encourage, favorise la créativité et fait participer. Les relations sont donc plus
chaleureuses et les individus se sentent plus en confiance car on leur laisse une certaine
autonomie. C’est, selon Lewin, la meilleure forme de leadership. Enfin, le leader qui laisse
faire : il ne participe pas à la vie du groupe. C’est, selon Lewin, le pire leadership car tous
sont en quête d’information et de consignes. Le management dit participatif est le plus adapté
et le plus favorable à l’accroissement de la productivité. La logique de responsabilisation, de
confiance et de dialogue est un réel facteur de motivation.
Rensis LIKERT (1903-1981)91, professeur en psychologie à l’université du Michigan,
fait des recherches sur les attitudes et les comportements humains, dans la continuité de Mayo
et Lewin. A travers ses études, il s’aperçoit que les résultats sont meilleurs lorsque l’entreprise
n’adopte pas les principes d’organisation tayloriens. La compréhension des attentes et des
valeurs personnelles des salariés par la direction est source de motivation et d’implication.
L’attitude qu’adopte la direction est l’empathie et la prise en compte des capacités et des
difficultés de chacun. Il met ainsi au point le concept de relations intégrées. L’individu n’est
plus un « élément anonyme et interchangeable »92. Likert considère que tout individu,
membre d’une organisation, doit se sentir considéré et nécessaire au bon fonctionnement de
l’entreprise pour travailler efficacement.
90 PLANE, 2008, pp. 34-36 91 PLANE, 2008, pp. 36-38 92 SERYEX, 2009, p. 39
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1.2.3. Les théories des besoins et des motivations
Abraham MASLOW (1908-1970)93, psychologue et spécialiste du comportement
humain, a démontré que le salarié est plus productif et coopératif lorsqu’il trouve, dans son
travail, la possibilité d’épanouissement personnel et de réalisation de soi. Ce psychologue a
hiérarchisé les besoins des individus dans une pyramide94 : besoins physiologiques, besoins de
sécurité, besoin d’appartenance, besoin d’estime et besoin de réalisation et de prestige ou
d’accomplissement. Cette théorie, considérant que l’individu passe à un besoin d’ordre
supérieur quand le besoin de niveau immédiatement inférieur est satisfait, a largement été
critiquée. Quoi qu’il en soit, la théorie de Maslow a été un apport dans la pensée managériale
puisque, selon lui, le comportement humain est plus productif et coopératif lorsqu’il trouve
l’occasion de s’épanouir personnellement.
Douglass MC GREGOR (1906-1964)95, professeur de psychologie industrielle à
Harvard, va plus loin que Maslow et élabore une véritable théorie du management. Selon lui,
il existe deux façons de gérer les hommes : théorie X et théorie Y. La première correspond au
management autoritaire évoqué par Lewin. C’est, à l’époque, l’idéologie dominante dans les
industries américaines. Cette conception repose sur le postulat des dirigeants selon lequel le
salarié est paresseux et éprouve une aversion innée pour le travail. C’est pourquoi, il doit être
contrôlé et soumis à des sanctions. Dans la mesure où le travail est nécessaire, seul le salaire
peut compenser l’ennui du travail. L’individu moyen a besoin de sécurité, il préfère donc être
dirigé et éviter tout type de responsabilité. Il a peu d’ambitions et n’aime pas le changement,
il préfère les tâches routinières car il en a une bonne connaissance. Cette théorie entraîne une
passivité des individus dans leur rapport au travail et étouffe toute possibilité d’initiative et de
créativité. Mc Gregor défend la théorie Y. Elle correspond au management participatif de
Lewin qui intègre les objectifs des individus et des organisations à la fois. Selon lui, l’individu
peut s’autogérer et s’autocontrôler. Les sanctions et contrôle ne sont donc pas les moyens
adéquats pour satisfaire les besoins de l’individu et les objectifs de l’organisation. Dans son
travail, l’homme herche à satisfaire les besoins sociaux évoqués par Maslow et le salaire
93 PLANE, 2008, pp. 38-39 94 Cf. Figure 21, Annexe 10 : les besoins humains au travail 95 PLANE, 2008, pp. 39-41
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n’occupe pas la place primordiale. Ce type de management permet à l’individu d’utiliser en
toute liberté ses capacités d’initiative et de créativité et d’en faire profiter l’organisation.
Frederick HERZBERG (1923-2000)96, psychologue clinicien puis professeur en
management, met au point la théorie des deux facteurs. Il distingue deux ensembles de
facteurs de satisfaction et d’insatisfaction au travail. Les premiers sont intrinsèques au travail
et sont définis à partir des théories précédentes : réalisation de soi, reconnaissance, contenu du
travail. Les seconds sont extrinsèques au travail : politique de l’entreprise, systèmes de
gestion et de supervision et conditions de travail.
Chris ARGYRIS (1923)97, professeur de management à Harvard et spécialiste en
psychologie industrielle, a travaillé sur le développement du potentiel de l’individu dans
l’organisation. Pour y parvenir, il propose le concept de succès psychologique et la théorie de
l’apprentissage organisationnel. Selon Argyris, une organisation efficace est celle qui atteint
les objectifs fixés en utilisant toutes les ressources dont elle dispose et surtout l’énergie
humaine. Il faut donc permettre à tous d’arriver au succès psychologique. Pour cela
l’entreprise doit favoriser la compétence et l’estime de soi, quant à l’individu, il doit aspirer à
un sentiment d’accroissement de ses compétences et se fixer des défis pour y parvenir. Cela
passe par l’instauration d’un management participatif et relationnel mais aussi par la
décentralisation du pouvoir. En outre, une organisation est efficace si elle sait développer une
faculté d’adaptation aux évènements extérieurs grâce à sa capacité d’apprentissage. Les
conditions de la motivation sont ainsi créées.
MARCH (1928) et SIMON (1916-2001)98, économistes, distinguent trois grands
mouvements de la pensée managériale. Tout d’abord, l’école classique a développé l’idée de
rationalisation du travail et a beaucoup aidé à la prospérité économique au début du XXe
siècle. Ensuite, le mouvement des " relations humaines " dans les années 1930 a permis
d’apporter un véritable renouvellement de la pensée managériale. Les besoins et les facteurs
de motivation sont remis au centre des préoccupations. Enfin, dans la continuité de ce
96 PLANE, 2008, pp.41-42
97 PLANE, 2008, pp.42-46 98 PLANE, 2008, p. 82
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mouvement émerge un autre courant éclaircissant la complexité des comportements humains.
Les auteurs sont nombreux. Tous s’accordent à dire que l’individu occupe une place centrale
dans les organisations, comme ont pu le démontrer, entre autres, Crozier et Friedberg à travers
leur ouvrage, L’acteur et le système99.
Les théories explicitées précédemment expliquent bien que la prise en compte de la
dimension humaine n’affectera pas la productivité et la rentabilité de l’entreprise, bien au
contraire, elle contribuera à l’amélioration de leurs performances économiques. Des exemples
concrets viennent confirmer ces théories en prouvant qu’il est possible d’innover en termes
de management tout en créant un avantage concurrentiel. Gary Hamel100 démontre que
l’obéissance n’est plus facteur d’efficacité. La passion, la créativité et l’initiative101 sont
primordiales pour rester dans la course à la compétitivité et comme le disait Blaise Pascal :
«Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion »102. Certaines entreprises l’ont
compris.
2. S’inspirer des réussites d’innovations managériales
Il faut admettre que l’innovation managériale, telle que l’entend Gary Hamel, suppose des
initiatives audacieuses et beaucoup de persévérance. Il serait difficilement envisageable que
les bonnes solutions apparaissent sans se soumettre à la loi de l’essai et de l’erreur. Il semble
pourtant urgent de réformer les pratiques afin de construire des entreprises capables de se
renouveler en permanence et sans traumatisme. Dans cette optique, il est important de faire de
ce projet, l’affaire de tous et de ne sous estimer personne car l’innovation peut émerge où on
ne l’attend pas. Un tel objectif ne saurait être atteint sans s’outiller de concepts balisant le
chemin à parcourir, et sans prendre exemple sur les expériences déjà entreprises.
99 CROZIER Michel, FRIEDBERG Ehrard, L’acteur et le système : les contraintes de l’action collective, Paris,
Seuil, 1977 100 HAMEL, 2008. 101 Cf. Figures 22 et 23, Annexe 10 : l’innovation managériale 102 PASCAL op. cit. HAMEL, 2008, p. 53
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2.1. S’appuyer sur des concepts clés
S’appuyer sur des concepts clés orientés vers une idée de management durable peut être
un premier pas vers l’innovation managériale.
2.1.1. La norme ISO 26000, vers un management plus responsable
La norme ISO 26000 est une norme internationale en cours d’élaboration au sein de l’ISO,
organisation internationale de normalisation. Ce projet a été approuvé en mars 2010 par les
deux tiers des pays membres de l’ISO ayant participé au suffrage. L’idée de cette norme est
née en 2001 d’organisations de consommateurs inquiets face aux pratiques des grandes
entreprises internationales et aux répercussions sur les conditions de vie et de travail des
individus. Il mobilise quatre vingt dix pays et une quarantaine d’organisations internationales
(Organisation Internationale du Travail, Pacte Mondial, Organisation de Coopération et de
Développement Economiques, Global Reporting Initiative, etc.). La commission française est
représentée par l’association française de normalisation (AFNOR) et rassemble plus d’une
centaine d’organisations (entreprises, pouvoirs publics, associations, syndicats, représentants
des consommateurs). Cette norme devrait être publiée fin 2010 et vise à définir la place et le
rôle de toute organisation au sein de la société.
Ce texte normatif contiendra sept chapitres103. Le chapitre quatre énonce les principes104
primordiaux à respecter au sein d’une organisation pour son bon fonctionnement : la
responsabilité, la transparence, le comportement éthique, le respect des intérêts des parties
prenantes, le respect du principe de légalité, le respect des normes internationales de
comportement et le respect des droits de l’homme. Ces principes reprennent les idées
développées par de nombreux théoriciens sur le comportement humain, et replacent l’homme
au centre des organisations.
Le chapitre cinq identifie la responsabilité sociétale et impose la nécessité de dialogue
entre les parties prenantes. Dans une organisation, il est effectivement primordial de parler, de
s’exprimer et d’écouter les points de vue de tous et pas uniquement du sommet. Tous font
103 IGALENS Jacques, « Norme de responsabilité et responsabilité des normes : le cas d’ISO 26 000 »,
Management et avenir, n°23, avril 2009, pp.91-104 104 Cf. Figure 24, Annexe 12 : norme ISO 26000
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partie d’un même groupe et tous sont à prendre en compte. Les meilleures idées et
innovations émergent le plus souvent de la base qui a pour atout d’avoir une bonne
connaissance des spécificités de la réalité du terrain105.
La chapitre sept s’articule autour de sept questions centrales. La partie qui intéresse cette
recherche en priorité porte sur les « relations » et les « conditions de travail ». Cet item met en
avant la nécessité de mettre en place un management responsable où la prise en compte et le
développement des capacités des salariés sont primordiales. Le chapitre sept fournit les lignes
directrices à l’intégration de la responsabilité sociétale dans l’ensemble de l’organisation.
Toute organisation pourra prétendre à cette norme et l’organisme AFNOR sera chargé de
vérifier le respect des principes de la norme ISO 26000. Mettre en œuvre ce type de norme a
pour intérêt de développer les innovations et de rende plus performantes les organisations,
tout en replaçant l’humain au cœur du système. Ce type de management est plus responsable,
plus ouvert et plus humain.
2.1.2. L’organisation apprenante
La littérature anglo-saxonne sur le modèle de l’organisation apprenante est abondante
depuis environ quinze ans. Il n’existe pas encore de définition universelle. Celle qui rend le
mieux compte des caractéristiques de l’organisation apprenante est celle de Peter Senge : «
Les organisations apprenantes sont des organisations où les gens développent de façon
continue leurs capacités à créer les résultats qu’ils souhaitent, où de nouveaux modèles de
pensée émergent, où les aspirations collectives sont libérées et où les gens apprennent en
permanence à apprendre ensemble »106. Ce chercheur est le fondateur de l’association Society
for Organizational Learning (SOL) qui regroupe une vingtaine d’entreprises apprenantes dont
une partie est fédérée par une association jumelle en France − SOL France.
« L’organisation apprenante relie les apprentissages collectifs et individuels dans le but
de d’améliorer ses performances économiques, sociales et humaines », explique Daniel
Belet107. L’objectif premier de l’ " apprenance "108 est de faire en sorte que les individus
105 MARTIN, 2008, p.47 106 BELET, 2002, p.49 107 BELET, 2002, p.54
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s’épanouissent dans leur travail et y trouvent un véritable sens et donnent ainsi le meilleur
d’eux-mêmes. L’imagination, l’intelligence et l’énergie des salariés permettent de créer de la
valeur pour l’entreprise et donc d’avoir un impact évident sur ses performances globales et sur
sa pérennité. La mobilisation et l’exploitation des capacités de chaque membre de
l’organisation vont permettre de créer une réelle dynamique de changement répondant aux
exigences en constante évolution de l’environnement économique et social. Cette valorisation
des talents humains va permettre le déploiement de la créativité et donc de l’innovation. Ce
concept a l’intérêt de créer puis de maintenir un avantage concurrentiel tout en assurant la
rentabilité et la pérennité de l’entreprise.
Le concept d’ " apprenance " décline trois formes d’apprentissages: individuel, collectif et
organisationnel. Depuis longtemps les entreprises ont recours à des techniques et des outils
d’apprentissage tels que la formation professionnelle continue, la gestion des compétences, le
knowledge management (gestion des connaissances)109 ou le travail en équipe projet. Le
concept d’ " apprenance " dépasse ces techniques car il constitue une philosophie managériale
« généralisée, intégrée et continue »110. Dans ce cadre il est proposé d’opérer une profonde
transformation des modes de management des hommes et des organisations. Il est aisément
compréhensible qu’un tel pas suppose l’abandon des schémas " néo tayloriens ".
Ce concept a surtout été mis en œuvre avec succès aux Etats-Unis. Avec un temps de
retard cependant, de grandes entreprises françaises ont emboîté ce pas. L’on compte parmi
celles-ci les biens connues EDF, Danone, SNCF, Total ou encore Bonduel. La création du
réseau SOL France a pour but de favoriser les rencontres et les échanges d’expériences et
donc de créer une réelle dynamique d’ " apprenance ".
108 Apprenance : « capacité à " apprendre ensemble ". [C’est l’] un des fondements du management moderne
permettant les meilleurs échanges d’expériences, les" best practices " »
(http://www.solfrance.org/lorganisation-apprenante/lexique/) 109 Knowledge management : « repose sur la collecte capitalisée des connaissances, dans le but de favoriser
notamment le recensement et l'analyse des expériences, le développement des compétences, l'identification de
nouvelles connaissances liées à l'évolution de l'environnement… » (http://www.e-marketing.fr/Definition-
Glossaire/Knowledge-Management-5713.htm ) 110 BELET, 2002, p.58
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2.1.3. Les SCOP, vers un management plus participatif
Les Sociétés Coopératives et Participatives (SCOP) sont de véritables modèles
d’entreprise. La définition, plus communément acceptée, se lit dans la déclaration sur
l’Identité Coopérative Internationale (Manchester, 1995)111 :
« Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies
pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels
communs au moyen d'une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir
est exercé démocratiquement ».
A ce sujet dit Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies, en rappelle la
substance :
« Ce sont des organisations axées sur la personne et fondées sur l’équité, la solidarité
et l’assistance mutuelle, elles sont un élément catalyseur du développement de l’esprit
d’entreprise et un facteur important de stabilité et de cohésion sociale »112.
Le statut de ces entreprises est peu commun. La majorité du capital, c’est-à-dire
minimum 51%, appartient aux salariés. Le principe coopératif " une personne, une voix ", est
scrupuleusement respecté. Tous sont associés aux décisions, même au choix du gérant de
l’entreprise par souci d’équité. Les salariés sont associés aux résultats dans le sens où les
richesses sont partagées dans un souci d’équité.
On assiste, depuis une quinzaine d’années, à un développement des SCOP. On
comptait 1398 SCOP pour 39 929 salariés en 2008. Entre 2003 et 2008 le nombre de ces
entreprises et les effectifs ont augmenté113. Les grandes SCOP sont les plus créatrices
d’emplois : on dénombre 60% d’emplois en plus entre 2003 et 2008 dans les SCOP de plus de
cent salariés114. Ce système est applicable à tous les secteurs professionnels et toutes ces
111 « L’alternative Scop face aux questions que pose la crise », Le Monde, 15 septembre 2009 112 « L’alternative Scop face aux questions que pose la crise », Le Monde, 15 septembre 2009 113 Cf. Figure 25, Annexe 13 : chiffres clés des Scop 114 Cf. Figure 26, Annexe 13 : chiffres clés des Scop
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sociétés ne cessent d’accroître leurs effectifs, surtout les services115. En dix ans, le chiffre
d’affaires des SCOP a augmenté de 82%, leur valeur ajoutée de 88% et leurs fonds propres
ont doublé. C’est une véritable réussite qui invalide les réticences des éventuels sceptiques.
La raison de ce succès et de leur compétitivité réside dans le fait que ce modèle
satisfait à la fois employeurs et employés. La priorité est le travail et non le capital. La
reconnaissance des compétences et des qualifications des individus fait partie intégrante de la
politique salariale des SCOP. Les salariés sont épanouis et la pérennité de l’entreprise n’est
pas en danger. Elle intéresse ceux qui souhaitent donner du sens à leur travail et qui
considèrent que l’économie est au service de l’homme et non l’inverse. C’est une réelle
source de motivation, d’implication et donc d’efficacité. Selon, Patrick Lenancker, président
de la confédération générale des SCOP116 :
« L’implication des salariés est un facteur clé de la compétitivité des SCOP.
Lorsqu’on est informé régulièrement de la vie de l’entreprise, lorsqu’on peut prendre
part aux grandes décisions, lorsqu’on sait que les résultats ont d’abord pour but de
consolider son emploi et améliorer ses revenus, lorsqu’on vit le plaisir d’une aventure
collective, on travaille tout simplement plus efficacement. L’organisation en SCOP
favorise la responsabilisation et donc la compétitivité ».
De nombreuses entreprises connues ont le statut de Scop mais peu le savent. C’est le
cas de Chèque Déjeuner, l’Ecole de Conduite Française, le Théâtre du Soleil ou encore
Alternatives Economiques.
Ce modèle a su mettre en application les théories et les concepts relatifs à l’importance
des potentialités de l’être humain et à la nécessaire coopération entre tous les membres de
l’organisation. Les SCOP prouvent qu’une autre voie existe, au-delà de l’orthodoxie
managériale.
2.2. S’approprier les succès réalisés
115 Cf. Figure 27, Annexe 13 : chiffres clés des Scop 116 « L’alternative Scop face aux questions que pose la crise », Le Monde, 15 septembre 2009
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La France commence à reconnaître l’origine managériale de la souffrance au travail,
c’est une première étape. Entreprises et gouvernements communiquent et conceptualisent
beaucoup sur ce sujet. Certaines entreprises sont encore craintives dans l’application de ces
concepts clés. Pourtant, les exemples concrets sont nombreux et prouvent que l’innovation
managériale est source de réussite et d’avantage concurrentiel.
2.2.1. GOOGLE et l’adaptabilité (Etats-Unis) 117
Google est une entreprise américaine très connue pour ses services Internet mais aussi
pour son management hors du commun. Cette société a créé un véritable avantage
concurrentiel grâce à une innovation fertile et une très forte capacité d’adaptation. Son souhait
est d’être très réactif et d’évoluer aussi vite que le Web. L’innovation se caractérise par ce que
Google appelle le « 70-20-10 ». 70% de ses ressources sont utilisées pour améliorer le cœur
de métier, 20% pour les services qui permettent à Google de s’élargir (exemple : Google
Earth) et 10% pour les idées sans rapport avec le cœur de métier.
L’innovation et l’imagination sont stimulées par le travail en petits groupes, par beaucoup
d’expérimentation mais aussi par un important feedback qui permet aux salariés de s’abreuver
mutuellement. Les petites unités de travail s’autogèrent, ce qui permet de créer une
atmosphère conviviale propice à l’émergence de nouvelles idées. Leur mission est de « bâtir
un monde meilleur », pour y parvenir ils travaillent tous ensemble et s’adonnent à de longues
discussions pour échanger. Google fonctionne comme une véritable université et a ainsi
trouvé le moyen de dynamiser et stimuler l’imagination de tous ses membres.
Google ne recrute que les meilleurs, comme le dit Gary Hamel avec humour : « objectif
zéro zozo »118. Cette logique a pour but de tirer les salariés vers le haut.
La structure hiérarchique est plate et les décisions stratégiques ne sont prises qu’après
consultation de tous. Eric Shmitt, ex-PDG de Google, considère que la supervision est un
frein à l’innovation. Le contrôle d’égal à égal est mieux vécu et est plus stimulant.
Toutes ces méthodes ont permis à Google de réagir au plus vite et de s’adapter. Le salarié
est appréhendé dans toute sa richesse, il est reconnu et se sent bien au travail. Les principes de
117 Exemple tiré de HAMEL, 2008, pp. 94-112 118 HAMEL, 2008, p. 130
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management utilisés par Google sont responsables de sa réussite et de son avantage
concurrentiel.
2.2.2. OTICON et le " chaos organisé " (Danemark)119
Dans les années 1970, Oticon était le leader mondial dans la fabrication de prothèses
auditives. L’entreprise a commencé à connaître un déclin progressif dans les années 1990 à
cause de la concurrence ayant développé la technologie du numérique : Siemens, Sony et
Philips. C’est dans ce contexte qu’un nouveau PDG, Lars Kolind, a été nommé. Il a procédé à
une profonde rénovation des produits proposés mais aussi des méthodes de management des
hommes. Il affirme que « l'entreprise ne fonctionnait pas grâce à son organisation mais en
dépit de son organisation »120. Il a créé ce qu’il appelle un « chaos organisé », également
nommé " management spaghetti " car l’organisation de l’entreprise est aussi ordonnée que
dans une assiette de pâtes.
Il décida d’abolir la structure pyramidale de l’entreprise. La seule marque de hiérarchie se
concrétise dans l’existence de " mentors " choisis par les salariés. Leur mission est de
réévaluer, chaque année, à la hausse ou à la baisse, le salaire en s’appuyant sur la vision des
collègues.
Oticon a supprimé les départements et services et fonctionne en projets multi-
compétences. Un chef est à la tête de chaque projet. Les salariés sont responsabilisés car ils
ont la liberté de choisir le projet qui leur convient le plus. Le fondement principal de ce type
d’organisation est le partage des compétences. Il est demandé à tous d’avoir des idées et de
participer à des recherches hors de leur domaine de compétence.
En outre, la communication est un élément extrêmement important, les notes écrites ont
été supprimées et remplacées par l’expression orale. De même les espaces cloisonnés sont
bannis et des bureaux dits " mobiles " ont été mis en place. Les réunions ont lieu dans les bars
situés à chaque étage du bâtiment et même parfois dans les escaliers. Aucun temps de travail
n’est imposé, la seule obligation est de réaliser les objectifs et les priorités fixées par la
société.
119 Extrait de COLLOMP Florentin, « Oticon, l'entreprise du chaos organisé », L’Expansion, 30 avril 1997 120 COLLOMP, 1997
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Cette révolution des méthodes de management a été un véritable succès puisque les cinq
ans suivants ce remaniement, l’entreprise a doublé son chiffre d’affaires et sa part de marché
mondial, lui permettant ainsi de refaire des bénéfices, et a embauché cinq cents nouveaux
salariés. Cet exemple prouve que le changement en profondeur des méthodes de gestion peut
être salvateur et est un facteur important d’avantage concurrentiel.
2.2.3. PAPREC et la simplicité (France)121
Paprec est le premier groupe français indépendant de recyclage. La société a été rachetée
en 1995 par Jean-Luc Petithuguenin, ex-cadre chez Vivendi Environnement. Le chiffre
d’affaires annuel de cette entreprise a été multiplié par trente en quelques années avec 150
millions d’euros en 2002 et sa rentabilité s’est fortement accrue avec 8 millions d’euros de
bénéfices nets. Le PDG a rapidement compris les limites du système managérial français et
affirme qu’ « une société ne peut progresser si elle ne prend pas soin de ses collaborateurs ».
Les principes managériaux que M. Petithuguenin a souhaité instaurer sont d’une extrême
simplicité. Selon lui, l’un des premiers éléments à prendre en compte est qu’un salarié
heureux et fier de son travail est plus productif. La société n’hésite donc pas à rendre
confortables les conditions de travail de ses salariés. Tous les collaborateurs sont animés par
des valeurs humaines telles que la cordialité, le savoir vivre et l’attention à l’autre. Le PDG
favorise l’autonomie à travers l’autocontrôle et la responsabilisation. Ce dernier a confiance
en son personnel et est à l’écoute. La reconnaissance est l’un des facteurs de motivation les
plus importants, c’est pourquoi le directeur n’hésite pas à valoriser ses employés même ceux
occupant des postes peu qualifiés. Tous se sentent ainsi impliqués et donnent le meilleur
d’eux-mêmes. Le métissage est une autre volonté de M. Petithuguenin. Sur sept cents salariés,
vingt neuf origines se côtoient. L’intérêt de la diversité du personnel est d’apporter des
regards nouveaux et novateurs. « La diversité ne doit pas être considérée comme un luxe mais
devrait faire partie des fondamentaux dont devrait se doter chaque entreprise »122.
Tous ces principes managériaux favorisent l’accomplissement de soi et donc le bien
être au travail. Quant aux entreprises, elles s’enrichissent grâce aux innovations générées par
121 Extrait de ROBBINS, DECENZO, 2004, pp.319-320 122 Interview de Laurence Chou, directrice conseil en RH du cabinet Hewitt, op. cit. SERYEX, 2009, p.77
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l’imagination et l’intelligence de tous les salariés, c’est une démarche " gagnant-gagnant ".
Les théories et les exemples abondent pour nous prouver qu’il est possible de parvenir à cet
avantage concurrentiel. En exploitant le potentiel humain et en satisfaisant les besoins de
l’individu au travail, le salarié donnera le meilleur de lui-même et favorisera la prospérité
économique de l’entreprise. « Les grands gagnants de demain seront ceux qui forgent l’avenir
du management d’aujourd’hui », dit Gary Hamel123.
123 HAMEL, 2008, p.223
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DEUXIÈME PARTIE : MÉTHODOLOGIE
Les principes managériaux communément appliqués semblent être les grands
responsables de la souffrance au travail. Des solutions existent, certaines entreprises sont
parvenues à instaurer des modèles managériaux originaux, sources d’avantage concurrentiel.
Tous les protagonistes de ces réussites s’accordent à dire que l’être humain a besoin de
valorisation et de reconnaissance pour donner le meilleur de lui-même.
Après une profonde documentation ayant donné naissance à la revue de littérature, des
hypothèses ont émergé. Pour vérifier leur validité, une enquête de terrain de type qualitatif a
été réalisée. Les résultats collectés seront analysés selon une méthode exposée dans cette
partie du travail.
CHAPITRE I - Hypothèses de travail
Les hypothèses, formulées ci-après, s’appuient sur les théories énoncées dans la revue de
littérature. Les pratiques managériales actuelles sont néfastes et obsolètes, il convient donc,
pour préserver la santé des individus et des organisations, de s’intéresser à la convergence des
intérêts entre employés et employeurs.
1. Le management d’inspiration " néo taylorienne " et ses méfaits
La première hypothèse porte sur le type de management majoritairement utilisé
actuellement dans les entreprises françaises ainsi que sur ses conséquences. Le management
d'inspiration " néo taylorienne ", toujours très répandu dans les entreprises, apparaît
aujourd'hui obsolète car celui-ci possède une part de responsabilité importante dans
l’émergence de la souffrance au travail et dans la perte de productivité. Aussi convient-il de
rechercher d'autres modèles de management des hommes et d'organisation du travail qui
permettent d’envisager la gestion des ressources humaines sous un jour plus éthique et qui
privilégie les conditions d’une efficacité accrue.
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L’ « obsession de la rentabilité financière »124 domine et a des répercussions indéniables
sur les méthodes de management. Tous les moyens sont bons pour atteindre les objectifs
quantitatifs fixés par les dirigeants et les actionnaires. Les pratiques managériales qui en
découlent − culte de la performance, management de l’excellence, travail dans l’urgence ou
encore objectifs quantitatifs plutôt que qualitatifs – se refusent d’explorer toute l’étendue du
potentiel humain à leur disposition. Comme le souligne Gary Hamel « on ne peut pas
résoudre des principes nouveaux avec des principes fossilisés »125. Selon Gary Hamel , il est,
pour cela, indispensable de déconstruire les croyances de sens commun pour améliorer la
santé économique des entreprises et créer des conditions de travail en accord avec les
évolutions éthiques du XXIe siècle. Selon l’auteur, lorsque l’individu souffre dans son activité
les dégâts sur sa santé physique et psychique sont importants et entraînent une dégradation de
la santé économique des organisations. « Plus vite votre entreprise commencera à se
dépouiller de ses certitudes managériales héritées du passé, plus vite elle sera réellement
prête à affronter l’avenir »126. Gary Hamel insiste à ce sujet sur les possibilités de prescription
des vérités supposément inébranlables, en faisant l’analogie entre les concepts du
management moderne et la religion. L’on sait bien aujourd’hui que le monde n’a pas été crée
en six jours et que la terre ne tourne pas autour du soleil.
2. Les facteurs de motivation au travail
La deuxième hypothèse concerne les facteurs de motivation des salariés au travail. Le sens
du travail, la confiance, l’autonomie, la reconnaissance et le développement des compétences
sont des éléments moteurs et mobilisateurs. Contrairement à ce que pouvaient prôner Taylor
et Ford, la rémunération n’est pas un facteur essentiel de motivation, plusieurs études
montrent qu’il représente plutôt un facteur de démotivation.
Comme évoqué dans la revue de littérature, Mac Gregor, Herzberg ou encore Argyris
s’accordent à dire que la motivation principale du salarié réside dans le besoin d’être pris en
compte et d’être estimé et que le salaire n’est plus le moteur principal. L’homme a besoin de
124 DE GAULEJAC, 2009 125 HAMEL, 2008, p.135 126 HAMEL, 2008, p.135
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se socialiser, le travail et le groupe qu’il représente lui permettent de concrétiser ce besoin.
Au-delà de la socialisation, il désire, avant tout être reconnu en tant qu’être humain dans sa
richesse et sa spécificité. La confiance et l’autonomie accordées par les pairs et les supérieurs
dans le cadre du travail sont source d’épanouissement et de productivité pour le salarié.
3. L’exploitation du potentiel humain et ses bienfaits
La troisième hypothèse s’articule à la deuxième : la prise en compte des motivations des
hommes au travail est un facteur clé de succès. Autrement dit, l'exploitation de l’étendue du
potentiel humain par des pratiques managériales judicieuses présente l’avantage d'un
épanouissement des personnes dans leur travail entraînant de meilleures performances
économiques et concurrentielles des entreprises Dans cette perspective, il convient de
rechercher la convergence des intérêts des différentes parties prenantes de l’entreprise.
Lorsque l’entreprise adopte une organisation du travail qui nie l’individu, l’un et
l’autre vont mal. A contrario, les faire coopérer, dans un esprit " gagnant gagnant " (" win
win " en anglais).peut satisfaire les intérêts de tous Cette expression tire son origine d’un
psychologue rattaché au mouvement humaniste, Thomas Gordon. Il s’agit d’un accord où
chaque partenaire se préoccupe de l'intérêt de l’autre avec pour but de maximiser son propre
intérêt. Il n’est pas impossible de faire converger, d’une part, les intérêts des salariés et,
d’autre part, ceux des dirigeants et des actionnaires : bien être et rentabilité. A ce propos,
Patrick Légeron affirme qu’ « à l’avenir, les entreprises qui auront le plus de chances de
réussir seront celles […] qui sauront organiser le milieu de travail afin qu’il soit mieux
adapté aux aptitudes et aux aspirations humaines »127. L’entreprise devra savoir prendre en
compte les considérations individuelles dans la mise en œuvre du collectif et ainsi redonner à
l’homme la place qui lui revient. Il faut « réinventer nos systèmes de management afin qu’ils
donnent envie à des êtres humains de consacrer à leur travail tous leurs talents et toutes leurs
capacités, tous les jours »128.
127 LEGERON, 2003, p.223 128 HAMEL, 2008, p.53
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Les trois hypothèses exposées ci-dessus sont intrinsèquement liées : le management
d’inspiration " néo taylorienne " est source de souffrance et n’est plus adapté aux besoins et
aux motivations de l’homme au travail. Afin de remédier à ce problème et d’en faire profiter à
la fois l’entreprise et le salarié, il convient d’adopter une démarche d’exploitation du potentiel
humain.
CHAPITRE II - Outils de recherche
Afin de valider − ou invalider − ces hypothèses, une enquête de terrain de type qualitatif et
la sélection d’un échantillon ont été élaborés.
1. L’entretien semi directif
Cette étude choisit une enquête de type qualitatif car celui-ci est consacré comme le
meilleur moyen pour approfondir des sujets, sources de souffrance ou, à l’inverse, sources de
bien être au travail. L’enquête quantitative semblait peu pertinente car ce sujet de mémoire ne
cherche pas d’informations extrêmement précises telles que l’enquête statistique avec des
résultats exprimés en pourcentages et autres valeurs. La souffrance et le bien-être sont des
états psychiques en réaction à une situation vécue, ce qui, par définition, paraît difficilement
quantifiable.
Cette enquête retient donc la forme de l’entretien semi-directif Ce type d’interview,
technique qualitative la plus fréquemment utilisée, consiste à dialoguer et à échanger avec une
personne autour de thèmes préalablement définis. Contrairement à un entretien directif ou à
une enquête de type quantitatif, l’interviewé répond à des questions ouvertes lui laissant la
possibilité de développer sa pensée. Les interviews non directives auraient ouvert sur une
palette d'informations trop larges et trop diversifiées.
1.1. La préparation : le guide d’entretien
Le but de cette enquête est de valider les hypothèses, émises après une importante
recherche documentaire sur le sujet.
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Pour la préparation de l’entretien, il s’agit, dans un premier temps, de définir le cadre,
autrement dit les objectifs, l’échantillon et la liste des personnes à interroger.
Ensuite, il faut rédiger un guide d’entretien129. Pour cela, le présent travail investit les
thèmes récurrents apparaissant dans des questionnaires de satisfaction ou d’opinion distribués
au sein d’entreprises, notamment le questionnaire Technologia sur le stress et les conditions
de travail de France Telecom, disponible publiquement sur Internet130. La présente recherche
s’appuie également sur un document réalisé par deux médecins du travail : « Développement
d’un questionnaire orienté bien être, pour un dialogue renforcé médecine du travail -
ressources humaines »131.
Lors de l’entretien, l’étape suivant la présentation du sujet est le recueil d’informations sur
les caractéristiques individuelles des interlocuteurs : secteur professionnel, poste de travail,
ancienneté, âge, sexe et situation familiale. Ces précisions peuvent permettre de comprendre
plus aisément les propos de la personne interrogée lors de l’entretien et ces éléments peuvent
éventuellement être utiles pour l’analyse. Le guide d’entretien est composé de thèmes et de
sous thèmes utiles pour guider les personnes qui n’aborderaient pas certains sujets
spontanément. Cette technique a pour but de guider le sujet en toute objectivité et en leur
laissant la liberté de penser et de s’exprimer.
Le premier thème concerne l’organisation de l’entreprise. Afin de prendre
connaissance de l’entreprise et de comprendre son fonctionnement, un dessin de
l’organigramme de sa société est demandé à l’interviewé. Cette étape est intéressante dans le
sens où la personne interrogée peut dessiner spontanément la hiérarchie telle qu’elle la
perçoit. L’interrogation sur le type de communication utilisé et sur les méthodes de
management pratiquées complètent ce thème et posent les jalons pour offrir une vision
globale de l’entreprise.
Le thème suivant s’intéresse à l’environnement et aux conditions de travail. Celui-ci
permet d’évaluer le milieu dans lequel travaille la personne interrogée et les moyens qui lui
129 Cf. Annexe 14 : Guide d’entretien 130 http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/Questionnaire%20FT%20V11.pdf 131 ROBERT Nadja et GROSJEAN Vincent, « Développement d’un questionnaire orienté bien être, pour un
dialogue renforcé médecine du travail – ressources humaines », INRS, NS 260, septembre 2006
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sont donnés pour atteindre les objectifs fixés mais aussi d’examiner l’ambiance de travail et
l’importance qu’elle représente pour le salarié.
La question suivante rentre dans le vif du sujet, le stress au travail. L’interlocuteur est
interrogé sur la manière dont il vit les situations de stress.
Les thèmes suivants touchent au ressenti de la personne vis-à-vis des grandes
problématiques managériales actuelles : le sens du travail, la confiance, l’autonomie et les
responsabilités, la reconnaissance, le développement des compétences et la rémunération. Ces
sujets permettent de recueillir un maximum d’informations sur les besoins des hommes au
travail et sur les sources de motivation.
L’entretien se clôture avec trois questions plus précises et plus fermées concernant le
bien être au travail, l’importance de l’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle et
sur les axes de progrès de leur entreprise. La dernière question est intéressante dans le sens où
l’avis du salarié est pris en compte et où il est considéré dans toute sa richesse car son
imagination et son inventivité sont sollicitées.
Tous les thèmes énoncés précédemment sont larges et permettent ainsi aux personnes
interrogées de s’exprimer librement. L’entretien doit durer environ trente minutes.
Sur demande des interviewés, ni leur nom ni celui de leur entreprise ne sont
mentionnés.
1.2. Les outils
Lorsque cela est possible, les rencontres physiques avec les personnes interrogées sont
favorisées. Il est plus aisé de mettre en confiance et de tisser un lien avec une personne en
face à face. L’entretien de viva voce représente une qualité d’interrogation exceptionnelle car
l’interlocuteur qui se confie plus facilement s’il bénéficie d’une écoute attentive.
L’enregistrement via un dictaphone permet de recueillir les idées et les expressions précises
des personnes interrogées. Les données collectées sont ainsi plus exhaustives, plus fiables et
permettent une analyse plus fine.
Lorsqu’il est impossible de rencontrer les personnes pour des raisons géographiques, elles
sont contactées par courrier électronique puis par téléphone. L’appel téléphonique est passé
après accord d’un rendez vous. Ainsi, les interviewés peuvent choisir le lieu où ils seront lors
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de cet entretien. Un environnement confortable peut être un facteur utile pour centrer les
personnes sur leur ressenti et aboutir à davantage de fiabilité dans leur façon de relater leurs
expériences. L’avantage du téléphone est aussi de donner une certaine souplesse dans la
gestion du temps. Cette liberté est plus difficile en face à face car les durées sont convenues à
l’avance.
1.3. Le déroulement
L’entretien, une fois mis au point, doit être expérimenté. Avant même le début de
l’interview, il est important, surtout avec un tel sujet, de mettre en confiance l’interlocuteur.
Tout d’abord le lieu de l’entretien est important dans les cas où la personne est abordée
directement. Un espace agréable préservant la convivialité et la confidentialité est important
pour mettre à l’aise la personne qui va être interrogée. Il ne faut qu’à aucun moment
l’interviewé ne pense que son témoignage va être divulgué au sein de son entreprise.
Avant le démarrage de l’entretien, le cadre est établi : sujet de la recherche, objectifs et
« règles du jeu » − durée de l’entretien, forme semi-directive, échange. Puis, l’interlocuteur
est informé qu’après retranscription de l’entretien, une copie lui sera envoyée et que le
document ne sera exploité qu’après sa validation. Après cette présentation des consignes de
départ, l’accord de la personne interrogée est obtenu sur le fonctionnement proposé. Ainsi, il
est réellement impliqué.
Lors de l’entretien, un climat favorable est créé par une « attitude d’empathie »132, c’est-à-
dire d’ouverture et d’écoute. Selon Rubin et Rubin (1995)133, il existe trois types de questions
à formuler lors des entretiens : " les questions principales " sur les thèmes antérieurement
définis, les " questions d’investigation " qui serviront à éclaircir et approfondir par des
exemples concrets et enfin les " questions d’implication " qui font suite aux premières
questions et qui permettent d’approfondir une idée ou un concept. L’entretien doit rester
dynamique, certaines questions peuvent donc être abandonnées et de nouvelles peuvent
émerger. La conduite de l'entretien est adaptée à l’interlocuteur.
132 THIETART, 2006, p. 235 133 THIETART, 2006, p. 236
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2. Les avantages et les limites de l’étude
L’étude qualitative comporte des limites. Contrairement à l’enquête quantitative,
l’échantillon d’une population n’est pas aussi représentatif. Les résultats ne sont pas
généralisables car la nature des informations collectées ne permet pas une analyse
systématique des résultats. Il suppose donc un important travail de relecture et
d'interprétation. Il implique aussi un important travail en amont pour sélectionner les bons
thèmes. La qualité de l’étude et des résultats en dépendent. Dans la pratique, cette technique
peut aussi s’avérer difficile à mettre en place car les thèmes abordés peuvent rompre le fil et la
dynamique du discours. Le risque est de déstabiliser l’interviewé et de réduire la qualité des
données recueillies. Mise à part la forme de l’entretien, le sujet abordé peut désarmer les
personnes interrogées car elles peuvent avoir peur des répercussions engendrées par le fait de
parler contre leur entreprise. Le risque est donc d’obtenir un écart entre le discours produit et
la réalité, ce qui est la dérive possible d’une enquête qualitative. Garantir l’anonymat des
entretiens doit permettre d’atténuer ce risque.
Cependant, le choix d’une méthode qualitative était le plus adapté pour répondre aux
hypothèses. Ce travail ne repose pas sur l’obtention de résultats statistiques comme dans les
études quantitatives, mais sur l’approfondissement de thèmes permettant d’aborder le ressenti
des individus sur la problématique. Les objectifs n’étant pas les mêmes, les résultats seront
inévitablement différents. La méthode qualitative n’empêche pas une fiabilité et une bonne
scientificité de l’enquête134. Tout d’abord, le travail préalable est rigoureusement effectué.
Ensuite, la forme de l’entretien permet de ne pas – ou peu - influencer la personne. Enfin,
l’utilisation de la même méthode pour chaque cas garantit une absence de biais. L’avantage
du choix de cette méthode est aussi, par la liberté d’expression, de recueillir des informations
nombreuses, détaillées et de qualité sur les thèmes directement liés au sujet de recherche et à
sa problématique.
134 THIETART, 2006, p.220
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CHAPITRE III – Echantillon
L’échantillon, tel qu’il a été sélectionné, tente d’être le plus représentatif possible. En
fonction de certains critères, une liste de personnes à rencontrer a été élaborée.
1. La sélection de l’échantillon
La constitution de l’échantillon s’appuie sur des critères établis par le chercheur et suit
une démarche " traditionnelle "135 : la taille et le type de population ont été déterminés avant
la collecte des données.
1.1. La constitution de l’échantillon
La population de référence choisie est diversifiée afin de recueillir des témoignages
similaires quel que soit le secteur professionnel et le type d’activité.
L’échantillonnage se déroule en deux temps. Dans un premier temps, des personnes de
secteurs professionnels totalement différents sont interrogées. D’une part, des entreprises
orientées vers des méthodes de management " humaines " et de l’autre, des entreprises ayant
des pratiques managériales qui fondent leurs finalités sur la notion de rentabilité. Le but est
d’étudier la polarité de chacun, c’est-à-dire leurs effets positifs et négatifs sur le
comportement et la santé des salariés.
Dans un second temps, les mêmes thèmes sont approfondis dans une seule entreprise,
une centrale nucléaire. Le choix de ce type d’organisation a été inspiré par la lecture du livre,
Souffrir au travail136 de Dominique Huez, médecin du travail dans une centrale nucléaire
française. Dans la constitution de cet échantillon, le critère de sélection des personnes
interrogées était l’activité professionnelle et la différence de niveau hiérarchique.
Dans les deux cas, chaque série de témoignages est composée à la fois d’hommes et de
femmes car une étude de l’IFAS révèle que les femmes sont plus sensibles, plus émotives et
donc plus exposées au stress et à la souffrance au travail. Aucune hypothèse n’est avancée sur
135 THIETART, 2006, p.217 136 HUEZ Dominique, Souffrir au travail, comprendre pour agir, Paris, Editions Privé, 2008
Page | 76
ce thème mais le fait de varier les sexes peut permettre de rendre l’étude plus représentative.
De plus, la population est constituée de personnes entre 35 et 60 ans. Ce choix est justifié par
le fait que ces salariés ont une vie professionnelle suffisamment longue pour prendre du recul
et analyser les situations de travail.
1.2. La taille de l’échantillon
Le principe de réplication, selon Yin (1990)137 a permis de déterminer la taille minimale
de l’échantillon : la réplication littérale et la réplication théorique. Le premier observe les
résultats similaires entre les cas et le deuxième s’intéresse aux points différentiels. Selon Yin,
si les différences entre les deux critères sont bien marquées deux ou trois entretiens suffisent
pour les cas de réplication littérale. Dans le cas de la réplication théorique, la taille de
l’échantillon est plus flexible, elle dépend du sujet et des hypothèses. Le schéma suivant
synthétise la démarche empruntée pour les deux séries d’entretiens.
Pour la première série d’entretiens, menée auprès d’acteurs de secteurs professionnels
différents, les deux objectifs on été poursuivis. Les témoignages de chaque catégorie sont
distincts mais les différences émergent entre les deux catégories ;
137 THIETART, 2006, p. 215
Réplication littérale
Réplication théorique
Première série d’interviews
≠
≠
Deuxième série d’interviews
1 1 1
2
3
2 2
3 3
=
=
=
=
=
=
=
=
=
Page | 77
Pour la seconde série d’interviews, seul le principe de réplication littérale a été retenu. Au
sein d’une même entreprise, l’enquête cherche à obtenir des témoignages semblables. Pour
cela, trois personnes exerçant des professions différentes ont été sélectionnées.
La méthode qualitative ne cherche pas à avoir une représentativité scientifique et un
échantillon complet. Le degré de certitude des résultats devrait s’avérer suffisant grâce à la
« saturation théorique »138, autrement dit à une répétition d’un entretien à l’autre.
2. La population rencontrée
Les entretiens se sont tous appuyés sur le même guide d’entretien. L’enquête se divise en
deux parties : d’une part, des personnes issues de secteurs professionnels différents et d’autre
part, trois salariés d’une même entreprise.
2.1. Profils et secteurs professionnels variés
Le tableau suivant synthétise la sélection et la taille de l’échantillon, et la population
rencontrée.
Secteur professionnel Activité Secteur professionnel Activité
SOCIAL Educatrice spécialisée
TELECOMMUNICATIONS Chef de projet
INDUSTRIE BIO Chef de marché EVENEMENTIEL Chef de projet
COMMERCE BIO (Scop) Adjoint responsable GRANDE DISTRIBUTION Directeur magasin
Pratiques managériales orientées vers la valorisation de l'être humain au travail
Pratiques managériales fondées sur la notion de rentabilité financière
Hommes
Femmes
138 THIETART, 2006, p. 216
Page | 78
2.1.1. Secteurs orientés vers la valorisation de l’être humain au travail
Educatrice spécialisée (Social):
Cette éducatrice spécialisée en fin de carrière, travaille dans une association à but non
lucratif. Elle exerce ce métier depuis trente ans et travaille dans cette organisation depuis
environ dix ans. L’intérêt de ce témoignage était d’interviewer quelqu’un ne travaillant pas
dans une entreprise mais dans un autre type d’organisation, une association. Sa mission au
sein de l’organisation est d’intervenir sur mandat judiciaire du juge des enfants auprès des
familles dont il a été considéré que la santé, la sécurité et l’éducation des enfants étaient mis
en péril. Cette mission a pour but d’apporter aide et conseils aux parents pour qu’ils aient une
prise en charge mieux adaptée des enfants et que ces derniers ne soient plus en situation de
danger dans leur milieu familial. Le secteur social est réputé pour être porteur de valeurs
humaines fortes.
Chef de marché (Industrie Bio) :
Cette femme travaille dans l’industrie bio. Son entreprise est spécialisée dans les
produits biologiques et naturels dans le domaine de la santé, de l’alimentation et de la
cosmétique. C’est un groupe qui ne cesse d’accroître chaque année le nombre de ses
collaborateurs, mais aussi son chiffre d’affaires. La personne interviewée est chef de marché
et est responsable de deux cent références sur le catalogue d’alimentation. Elle vient en aval
de la mission marketing. Sa principale activité est de former des commerciaux à vendre ces
produits sur le terrain. Le secteur du développement durable est axé sur des principes humains
et écologiques.
Adjoint responsable (Commerce Bio):
Cet homme est membre d’une société coopérative et participative (SCOP). Dans la revue
de littérature, les SCOP sont évoquées comme une solution alternative aux
dysfonctionnements managériaux. Il était donc intéressant de vérifier ce que les salariés en
disent. Cette SCOP commercialise des produits Bio et appartient à un réseau d’environ trois
cents magasins. La personne interrogée est adjoint responsable et travaille en lien direct avec
le gérant.
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2.1.2. Pratiques managériales fondées sur la notion de rentabilité financière
Chef de projet (télécommunications) :
Cet homme travaille pour l’un des principaux opérateurs de télécommunications dans
le monde, récemment très médiatisé en raison d’une vague de suicides. Il travaille dans une
entité qui développe de nouvelles solutions techniques en vue de les commercialiser aux
clients finaux. Il est en charge d'une mission d'amélioration de la qualité de service. Comme
de nombreuses personnes de cette société, cet homme attribue les raisons de sa dépression à la
pression qu’il dit avoir subie au sein de son travail
Chef de projet (évènementiel) :
Cette femme travaille dans le secteur évènementiel. Elle est chargée d’organiser des
évènements tels que des séminaires ou des congrès pour de grandes entreprises, un peu
partout dans le monde. Son témoignage pouvait s’avérer être riche en informations car elle est
très attachée au sujet de la souffrance et du stress au travail et le secteur dans lequel elle
travaille est réputé pour son ses pratiques managériales favorisant un environnement stressant.
Directeur de magasin (Grande Distribution):
Cet homme travaille dans la Grande Distribution depuis dix huit ans et sous l’enseigne
actuelle, depuis neuf ans, en tant que directeur de magasin. L’enseigne possède plusieurs
centaines de magasins en France et à l’étranger. Chaque entité est gérée par un directeur
appliquant les directives des services centraux. Ce secteur est réputé pour ses pratiques
ignorant les dernières évolutions de l’éthique au travail. L’enquête cherche donc à vérifier ce
qu’en dit un opérationnel.
2.2. Profils variés et entreprise commune
Les personnes suivantes sont toutes membres de la même entreprise, une centrale
nucléaire.
Secteur professionnel Activité
Industrie nucléaire
Technicien
Consultante RH
Médecin du travail
Hommes
Femmes
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Parmi les personnes interviewées, il y a un technicien qui a été victime de dépression à
cause de son travail à un moment donné de sa carrière professionnelle. Ensuite, une personne
rattachée aux ressources humaines a été interrogée dans le but de confronter sa vision à celle
des salariés. Enfin, l’un des deux médecins du travail de la centrale a été contacté pour cette
étude. Ce médecin est membre du groupe de la prévention des risques psychosociaux sur le
site.
CHAPITRE IV - Méthode d’analyse
La méthode d’analyse retenue et la mieux adaptée au sujet et à l’enquête qualitative est
l’analyse de contenu139. Cette méthode comprend deux niveaux d’analyse du discours. D’une
part, le " fond ", c’est-à-dire ce qui est dit et la " forme " qui est la manière dont c’est formulé.
La signification d’une communication est inséparable de sa forme.
Le type d’analyse retenu est plus précisément l’analyse thématique transversale qui est
probablement la plus utilisée parmi les différents types d’analyse de contenu. Il s’agit
d’élaborer un processus de codage, c’est-à-dire à découper le texte en plusieurs unités et à les
classifier en catégories selon des regroupements analogiques. Ces thèmes ont été élaborés a
priori lors de la préparation du guide d’entretien. Ces principales catégories sont donc reprises
pour l’analyse. Afin d’en extraire une interprétation, ce que chacun a pu dire sur chaque
thème est mis en parallèle et est comparé. Pour faciliter et clarifier le travail d’analyse, un
tableau synthétique regroupant personnes interviewés et thèmes abordés, figurant dans la
troisième partie de ce mémoire140, a été élaboré. De plus, l’ensemble des entretiens figurent en
annexe141. La retranscription intégrale ne figure pas ; cependant, les éléments les plus
significatifs de chaque discours ont été conservés.
139 BARDIN, 2003 140 Cf. TROISIÈME PARTIE : RÉSULTATS ET ANALYSE – CHAPITRE PREMIER : Résultats 141 Cf. Annexe 15 : Enquête terrain - entretiens
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TROISIÈME PARTIE : RÉSULTATS ET ANALYSE
Les perceptions individuelles ayant été collectées à l’aide d’entretiens, il convient
désormais de procéder à l’analyse et à l’interprétation des données.
Dans un premier temps, les résultats seront exposés à travers des tableaux
synthétiques. Dans, un second temps, ces résultats seront analysés à l’aide d’une analyse de
contenu des entretiens et plus précisément, d’une analyse thématique transversale.
CHAPITRE I – Résultats
Les résultats des entretiens sont exposés ci-dessous dans des tableaux dont la structure
reprend les grands thèmes évoqués lors des interviews. Les données citées ne présentent que
la perception des acteurs interrogés et en aucun cas une réalité objectivée.
1. Première série d’interviews
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ORGANISATION DE L'ENTREPRISE ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Pouvoir Communication Management Ambiance de travail Conditions matérielles Secteur social Educatrice spécialisée Décentralisé
Echanges entre les différents services depuis l’arrivée d'un DG
Bienveillance, bien-traitance, confiance
Bonne ambiance, solidarités, attention à l'autre. C'est « essentiel ».
Bonnes : bon bureau, bon siège, chauffage, luminosité + véhicule professionnel
Industrie Bio Chef de marché Plutôt décentralisé
Liens verticaux et liens transversaux réguliers
Manque de directives claires
Bonne ambiance. C'est « mobilisateur » et « motivant ».
Bâtiments écologiques, puits de lumière, patios = « Source de motivation ».
Commerce Bio (SCOP) Responsable adjoint
Décentralisé Bonne communication, écoute et soutien
Délégatif Solidarités. C’est « indispensable »
Magasin agréable et lumineux
Télecommunications Chef de projet
Centralisé, les décisions viennent du haut de la pyramide
Electronique, voie d'affichage, institutionnelle et informelle
N+1 n'accepte pas tout ce qu'on lui demande
En apparence conviviale mais en réalité très individualiste. C'est « important ».
Moyens à la hauteur des besoins.
Evènementiel Chef de projet
Centralisé pour décisions mais décentralisé pour gestions courantes
Très ouverte "Totalement humain !" Ambiance très conviviale. C'est « capital ».
Bâtiment contemporain, lumineux, chauffé. Tous ont leur poste de travail.
Grande Distribution Directeur magasin Centralisé
Réunions + mails (« trop »)
Exigeant, convivial, sain et serein
Conviviale et sereine. C’est « très important ».
Locaux trop petits et bureau excentré
Secteur prof. et profession
Thèmes
n°1
n°2
n°3
n°4
n°5
n°6
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STRESS AU TRAVAIL CONFIANCE-AUTONOMIE-
RESPONSABILITES RECONNAISSANCE DEVELOPPEMENT
DES COMPETENCES
Secteur social Educatrice spécialisée
Crainte de ne pas pouvoir tout faire en 35h mais charge de travail pas trop en décalage avec temps de travail.
OUI. Inventivité, créativité, autonomie, en situation de responsabilités, marge de manœuvre.
Autonomie et confiance = reconnaissance. C’est « Gratifiant », « valorisant ».
Nombreuses formations : confrontation pratique et enrichissement compétences
Industrie Bio Chef de marché
Ancienne entreprise : rumeurs, manque infos : « mieux diviser pour régner ». C'est «pervers » => Moins d'efficacité au travail / entreprise actuelle : manque de directives
Ancienne entreprise : pas du tout / Entreprise actuelle. : oui
Entreprise actuelle. : pas assez / Entreprise américaine : reconnaissance par confiance accordée et encouragements.
Possibilité de faire évoluer son poste
Commerce Bio (SCOP) Responsable adjoint
Peu de stress. Scop propice à un moindre stress
Il y a délégation, confiance, écoute et soutien
Première reconnaissance : avoir des parts dans l’entreprise (principe de la Scop : " 1 personne = 1 voix ")
Formations selon besoins. Les demandes sont satisfaites. Evolutions encouragées par apprentissage et polyvalence.
Télecommunications Chef de projet
Dépassé, incompris => Idées suicidaires et dépression.
Pas de vraie délégation et pas de vraie confiance.
Faire ou ne pas faire : pas d'impact. Pas impression d'être réellement utile.
Formations et apprentissages "sur le tas". Evolution possible si sert intérêt direction.
Evènementiel Chef de projet
Liées à la nature du travail => Répercussions sur sommeil et relationnel privé.
OUI. Liberté dans décisions et influence possible.
Actions impactantes saluées verbalement.
Formations et auto apprentissages. Evolution possible, tout dépend des personnalités.
Grande distribution Directeur magasin
Pression des chiffres (CA+marge)
Centralisation du pouvoir réduit l’autonomie et détruit les compétences
Pas assez dit et montré Beaucoup de formations
Thèmes
n°1
n°2
n°3
n°4
n°5
n°6
Secteur prof. et profession
e
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REMUNERATION BONHEUR ET TRAVAIL EQUILIBRE VIE PERSO-PRO
AXES DE PROGRES -MANAGEMENT
Secteur social Educatrice spécialisée
Secondaire => « L'important est plutôt de se réaliser dans un travail qu'on aime bien ».
OUI mais ça n'a pas toujours été le cas => Dépression car "placardisée".
Il faut étanchéité, juste équilibre.
« Je me satisfais de ce qu’il y a »
Industrie Bio Chef de marché
Secondaire =>Important : être motivé et aimer son travail et travailler dans entrep. avec valeurs communes.
OUI mais ça n'a pas toujours été le cas => poste cloisonné. Le travail apporte beaucoup pour épanouissement.
Avec l'âge, plus besoin de cet équilibre, surtout quand peu de reconnaissance.
Des challenges qualitatifs et non quantitatifs.
Commerce Bio (SCOP) Responsable adjoint
Secondaire => « Le plus important c’est que mon travail me plaise »
OUI « Je m’épanouis, j’aime beaucoup mon métier »
Equilibre respecté => « nécessaire »
« Le système tel qu’il est me convient »
Télecommunications Chef de projet
Secondaire
Dépression mais retrouve sens et motivation nt depuis qu'il est représentant du personnel
Equilibre « fondamental ». Est à temps partiel depuis 7 ans.
« Replacer l'humain au cœur de la richesse de l'entreprise »
Evènementiel Chef de projet
Prioritaire => C'est important car vital mais pas le moteur essentiel.
PAS TOUJOURS, dépend de ses performances et de sa vie à l'extérieur.
80% de son temps au travail. Plus grande dispo serait « appréciable ».
Charge de travail moins conséquente et effectifs plus importants
Grande distribution Directeur magasin
Important, liée à la reconnaissance
OUI mais se lasse Equilibre => « important » Faire vivre les valeurs humaines de l’entreprise car se perdent
Secteur prof. et profession
Thèmes
n°1
n°2
n°3
n°4
n°5
n°6
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Ces entretiens ont été divisés en deux parties : d’un côté, les entreprises orientées vers
la valorisation de l’être humain au travail et d’un autre côté, les pratiques managériales
influencées par des obligations de rentabilité et de profitabilité. Certes, le clivage se ressent
dans les témoignages mais il est à nuancer. Tout n’est pas blanc ou noir dans les
organisations. Selon la perception des enquêtés, chaque entreprise a ses aspects positifs et
négatifs. De plus, dans le contexte actuel de remise en cause des schémas managériaux, la
majorité des organisations semble tendre à de meilleures pratiques. En effet, l’homme
membre de l’entreprise de télécommunications explique que depuis la médiatisation de sa
société, une réflexion sur le thème de la souffrance au travail et sur la possibilité
d’amélioration des conditions de travail s’est clairement engagée. Le directeur d’un magasin
de grande distribution nous fait part de la création d’un groupe de travail sur l’équilibre vie
personnelle et professionnelle. Dans ces deux entreprises, des questionnaires d’opinion ont été
distribués auprès des salariés pour analyser le ressenti général et, s’il y a lieu, proposer des
changements. Dans les deux cas, la réflexion est effective mais les actions concrètes sont
encore discrètes.
Tous les acteurs ayant témoigné sont conscients de l’obligation des logiques
comptables mais ne souhaitent pas que la dimension humaine soit occultée. Dans les trois
premiers témoignages, une vraie attention à l’autre dans les relations de travail existe tandis
que dans les derniers témoignages, l’idée et l’envie d’une meilleure prise en compte des
valeurs humaines sont exprimées.
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2. Second corpus d’entretiens
ORGANISATION DE L'ENTREPRISE ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Pouvoir Communication Management Ambiance de travail Conditions matérielles
Industrie nucléaire Consultante RH
Faussement décentralisé
Communication par l'outil et très peu relayée par les managers
Management productif C'est « primordial » mais pas ou peu de relations.
Moyens insuffisants pour atteindre objectifs fixés. On parle de travail « empêché ».
Industrie nucléaire Médecin du travail
Décentralisé Liens transversaux (plus en théorie qu'en réalité)
Directif Bonne Bonnes mais effectifs insuffisants pour atteinte des objectifs
Industrie nucléaire Technicien
Centralisé Mauvaise communication. Fossés volontairement creusés.
Management par la carotte avec désillusion, par la peur ou par la terreur
C’est « très important » mais quand l’entente est trop bonne, la direction force les personnes à se séparer.
Confort refusé et moyens limités
Secteur prof. et profession
Thèmes
n°7
n°8
n°9
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STRESS AU TRAVAIL CONFIANCE-AUTONOMIE-
RESPONSABILITES RECONNAISSANCE DEVELOPPEMENT
DES COMPETENCES
Industrie nucléaire Consultante RH
Fortes exigences => Burn out, arrêts maladies, prise d’anxiolytiques
NON. Simulation de délégation.
On notifie plus les fautes qu’on ne valorise les succès
Beaucoup de formations. Evolution rime avec mutation géographique.
Industrie nucléaire Médecin du travail
Fortes exigences + restructurations permanentes
PEU dû à des contraintes règlementaires
Peu Important cycle de formations
Industrie nucléaire Technicien
Surplus d’activité + missions pas toujours en cohérence avec compétences => déprime et pleurs le lieu de travail
Délégation mais pas de récompense + plus confiance en personne car mensonges et manipulations
Peu, et généralement pas « la carotte » promise
Beaucoup d’obligations de stages « inutiles »
REMUNERATION BONHEUR ET TRAVAIL EQUILIBRE VIE PERSO-PRO
AXES DE PROGRES MANAGEMENT
Industrie nucléaire Consultante RH
Secondaire => le plus important : intérêt et conditions de travail
Epanoui, intéressé. Si désintérêt => ennui => démotivation.
Equilibre préservé mais peut facilement être rompu dans certaines situations.
Déléguer et valoriser davantage, donner les moyens d’atteindre les objectifs et favoriser les solidarités
Industrie nucléaire Médecin du travail
Prioritaire => « forme de reconnaissance non négligeable ».
Important => image sociale, « on est son métier »
« Il faut trouver un juste milieu ».
Manque de présence sur le terrain pour le dire mais ce qui se dit : les méthodes de management se durcissent
Industrie nucléaire Technicien
Prioritaire car n’aime pas son travail
« Je n’aime pas mon travail mais j’aime mes collègues et j’aime bien vivre au travail »
Difficile de faire abstraction du travail chez soi
Moins d’obsession du chiffre, des personnes plus humaines, plus d’écoute, réfléchir sur le long terme
Secteur prof. et profession
Thèmes
Secteur prof. et profession
Thèmes
n°7
n°8
n°9
n°7
n°8
n°9
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Dans cette série d’entretiens nous pouvons observer une similitude entre les
témoignages de la consultante RH et du technicien. Tous deux semblent avoir la même vision
de l’organisation du travail sur ce site nucléaire. Cependant, le témoignage du médecin du
travail diffère. Cet écart peut s’expliquer, d’une part, par la faible ancienneté du médecin sur
le site. Il travaille pour cette entreprise uniquement depuis six mois. D’autre part, sa mission
est assez lointaine de l’environnement de travail des salariés car il ne les reçoit que lors de la
visite annuelle médicale d’aptitude au travail. Les salariés du site sont peu nombreux à venir
consulter le médecin du travail lorsqu’ils sont atteints d’un malaise profond directement lié
aux conditions de travail. Le médecin affirme que les employés préfèrent aller voir leur
médecin généraliste car celui-ci peut délivrer des ordonnances et parce qu’il est extérieur à
l’entreprise. Cet éloignement se matérialise également par l’absence de proximité
géographique du médecin sur le site, il se situe à l’extérieur de la centrale. Il est donc peu
confronté à l’environnement concret de travail. Il est certes membre du groupe de prévention
des risques psychosociaux dans cette entreprise mais pour le moment rien n’a été mis en
place. Ce groupe, composé de représentants syndicaux et de médecins du travail, attendent les
résultats provisoires et les propositions d’un groupe de travail créé ad hoc sur des sujets tels
que le manque d’autonomie et de marge de manœuvre, les effets néfastes des exigences de
travail ou encore les rapports sociaux compliqués.
Le technicien et la consultante RH semblent s’accorder à dire que les exigences de
travail sont fortes et que peu de considération, de confiance et de reconnaissance sont données
aux salariés. Le technicien parle même de « manipulation » et de « mensonges ». Les
répercussions sont importantes puisque les salariés en souffrance sont nombreux. Ce mal être
entraîne des déprimes, des burn out et, par voie de conséquence, des prises d’anxiolytiques et
des arrêts maladie, souvent de longue durée. Tous deux ont une ancienneté d’au moins dix ans
et ont vu les méthodes se durcir au fil des années, les réorganisations se multiplier et les
salariés mal vivre toutes ces transformations.
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CHAPITRE II – Analyse de contenu
Cette recherche retient l’analyse de contenu comme méthode. Une telle inspection des
résultats permet de comprendre le lien entre la souffrance et l’organisation du travail mais
aussi de détecter les besoins et les motivations des individus au travail, permettant ainsi de
dégager des préconisations.
1. L’Analyse des résultats
Les résultats sont analysés à l’aide de la méthode d’analyse thématique transversale. A
travers les entretiens, des thèmes communs émergent et conduisent à l’analyse. Dans un
premier temps, nous aborderons la représentation des structures organisationnelles par les
enquêtés Puis nous nous pencherons sur la culpabilité que peut générer les situations de stress.
Enfin, nous distinguerons les facteurs de stress et les sources de motivation.
1.1. Les représentations des structures organisationnelles
A travers les divers témoignages, nous nous apercevons que les structures demeurent
très pyramidales. Nous aborderons ses effets sur le recrutement et le comportement des
individus en entreprise.
1.1.1. La dimension verticale à sens unique vécue comme obstacle aux initiatives
Au vu des témoignages et du dessin des organigrammes, nous pouvons observer que dans
la majorité des cas les structures sont perçues comme pyramidales. A l’exception de
l’organigramme de la centrale nucléaire, présenté en ovale, tous adoptent la forme d’une
pyramide. Plus le nombre de salariés de l’entreprise est important, plus les lignes
hiérarchiques se multiplient. La chef de marché (entretien n°2) explique bien l’expansion de
cette dimension verticale en raison de l’accroissement du personnel. Ce phénomène a
augmenté les nombre de supérieurs hiérarchiques de cette chef de marché.
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Sur l’organigramme fourni par le magasin de grande distribution, figurent dix niveaux
hiérarchiques. La question se pose de savoir s’il est réellement utile de créer tant de postes
différents. Le directeur de magasin déplore les effets de la multiplication de ces lignes
hiérarchiques car l’autonomie et les responsabilités qu’il avait avant que l’entreprise ne se
déploie autant ont été largement diminuées : « les métiers locaux sont de moins en moins
complets, on est de moins en moins autonome et je pense qu’on perd de la compétence »
(entretien n°6). Ce fut le cas aussi pour la chef de marché travaillant dans l’industrie Bio.
Avant ce poste, celle-ci a travaillé dans un grand groupe où les échelons étaient multiples : «
C’est une entreprise qui est extrêmement structurée, où on nous met dans une petite boite
étroite. C’était vraiment trop figé, il n’y avait plus aucune liberté, plus aucune prise
d’initiatives et c’est oppressant » (entretien n°2).
Ce type de structure bureaucratique est souvent perçu comme très figé. C’est le cas dans le
magasin de grande distribution. Les contrôles sont « trop » fréquents aux yeux du directeur.
Aucune marge de manœuvre ne semble être laissée, les salariés doivent s’en tenir aux règles
et procédures dictées par les services centraux. C’est également le cas pour l’entreprise de
télécommunications : « Les décisions viennent du haut de la "pyramide", les marges de
manœuvre locales sont limitées […] Je trouve qu’on est vraiment dans une logique de patrons
et bons petits soldats qui déroulent sans dire stop. On est dans un schéma pyramidal »
(entretien n°4).
1.1.2. La rupture des liens horizontaux vue comme un management par la délation
« Il semble que l‘on recrute sciemment des profils qui ne font jamais front et qui déclinent
ce qu’on leur demande. Les idées de la base ne sont pas prises en compte, tout descend "d'en
haut". Il y a pas ou peu de coopération entre les équipes » (entretien n°4). Cette absence
d’aller-retour dans les entreprises à fonctionnement vertical affecte aussi les profils recrutés.
De nombreux auteurs l’évoquent. C’est le cas de Paul Ariès (2002) qui explique que les
recruteurs organisent des tests psychologiques et des jeux de rôles qui ont pour objectif de
détecter les personnes prêtes à se soumettre aux exigences de la direction sans contester. Une
fois embauchées dans l’entreprise, les personnes susceptibles d’évoluer ne sont pas
nécessairement les plus compétentes, mais plutôt les individus que Paul Ariès qualifie de
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« rapporteurs », c’est-à-dire les personnes qui se soumettent à ce jeu de délation. Il semble
que ce phénomène ait lieu dans l’entreprise du chef de projet (entretien n°6) : « [Les]
possibilités d’évolution, elles sont existantes à condition de ne pas faire de vague et de servir
les intérêts d'un plus haut placé… ». Le film documentaire La mise à mort du travail (2009)
rend aussi compte de ce processus de recrutement. Lors d’une session de recrutement dans
l’entreprise Carglass, un débat est organisé et pour clore l’échange les recruteurs demandent
aux candidats leur sentiment sur la prestation de chacun. Les organisateurs cherchent ainsi à
percevoir qui est capable de " dénoncer " son collègue. Cette pratique n’est donc pas isolée,
elle est récurrente dans les grands groupes.
Pour Christophe Dejours, psychologue, ce phénomène de soumission lui rappelle le
cas d’Adolf Eichmann142 (1906-1962) qui était fonctionnaire de haut rang de l'Allemagne
nazie et membre des SS. Pendant la seconde guerre mondiale, il coordonna les déportations de
Juifs d'Allemagne et d'ailleurs vers les camps d'extermination. Après la guerre, il fut assigné
en justice. Quinze chefs d’accusation furent retenus contre lui, notamment celui de crimes
contre le peuple juif et contre l’humanité. Son procès interpela car il plaida non coupable. Il
n’aurait fait, selon lui, qu’obéir aux ordres qu’on lui avait donné : « Je ne me sens […] pas
responsable en mon for intérieur. […] J’étais adapté à ce travail de bureau dans le service,
j'ai fait mon devoir, conformément aux ordres. Et on ne m’a jamais reproché d’avoir manqué
à mon devoir »143. Ce personnage incarne à l’extrême cette dimension de soumission puisqu’il
obéit aux ordres sans se demander si ses actions sont moralement acceptables. En entreprise,
de plus en plus, les salariés adoptent des méthodes qu’ils réprouveraient en temps normal,
mais conserver leur travail devient la priorité.
1.1.3. Un fonctionnement hiérarchique parfois intériorisé
Le fonctionnement vertical est souvent déploré mais c’est pourtant le principe
organisateur de la majorité des entreprises où travaillent les personnes enquêtées. Certains
salariés, conscient des dysfonctionnements de ce type de système, se résignent et acceptent :
« Je subis, je fais avec » (entretien n°4), d’autres ne remettent absolument pas en cause les
142 DEJOURS, 2006, p. 158-162 143 WIEVIORKA Annette, Le procès Eichmann - 1961, Paris, Editions complexes, 1999
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structures pyramidales et bureaucratiques car elles sont profondément ancrées dans leur esprit
et leur culture. C’est le cas de la chef de projet évènementiel qui affirme que « toute structure
de vie s’articule autour d’une hiérarchie pyramidale, observable dans tous les règnes :
Hominal, animal, végétal, etc., c’est une évidence ! Dans toutes les structures officielles, elle
va être déterminée pour garantir la cohésion qui permet sécurité, résultats, objectifs, et
croissance » (entretien n°5). Mais, selon Gary Hamel, il devient urgent de se défaire de ce
« fardeau des modèles mentaux hérités du passé »144qui sont de véritables obstacles à
l’innovation managériale.
1.2. Les représentations de la culpabilité dans l’expérience du stress
Les propos tenus lors des entretiens, sont communément marqués par une impression de
fatalité. Lorsqu’une personne est en souffrance au travail, tous les collègues, mais aussi la
direction, semblent considérer la situation normale. Jean Pierre Le Goff explique bien que la
négation de cette souffrance est présente à tous les niveaux hiérarchiques et particulièrement
« Du côté des directions » où « la surdité est à son comble »145. L’auteur fait l’analogie avec
la guerre. Dans la bataille pour la modernisation et l’amélioration de la productivité, la
souffrance au travail est perçue comme n’atteignant que des personnes vulnérables qui n’ont
pas leur place dans un combat qui nécessite une forte mobilisation. Du coté des DRH, «
toutes les manifestations de malaise sont analysées comme des phénomènes marginaux, qu’il
convient de minimiser, plutôt que comme des symptômes liés à des réorganisations du travail,
qu’il faudrait alors remettre en cause »146. Quant aux salariés, le « " sauve-qui-peut "
individuel domine »147. Les salariés ont le sentiment qu’ils sont les seuls responsables de la
dégradation de leur état de santé mentale ou physique. Les entretiens réalisés dans le cadre de
la présente enquête confirment les propos de Jean Pierre Le Goff. Le manque de réaction des
collègues et de la direction conduit les individus à penser qu’ils sont responsables de ce qui
leur arrive :
144 HAMEL, 2008, p.20 145 LE GOFF, 2005, p. 16. 146 LE GOFF, 2005, p. 17 147 LE GOFF, 2005, p. 17
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« Pendant un an, [mon directeur] m’a humiliée, il s’est organisé pour m’isoler par
rapport à mes collègues jusqu’à ne plus me donner de travail du tout. Et là ça a été
extrêmement douloureux car c’est comme une négation de la personne, on fait en sorte
que la personne n’existe plus, elle est transparente, elle est comme morte. C’est
insupportable, destructeur parce que la personne se retrouve complètement
déstabilisée […] Et de même, quand on est dans cette position de fragilité, on pense
qu’on est responsable de la situation dans laquelle on est, on se dit on a raison de me
maltraiter. Ca duré pratiquement un an. Et là j’ai vraiment souffert au travail, j’ai su
ce que c’était » (Entretien n°1)
La négation de la souffrance par l’équipe managériale est source d’un mal être encore plus
intense. Le chef de projet dans les télécommunications raconte comment il a subi l’urgence
dans son travail. La situation était devenue ingérable car il se sentait débordé alors que ses
collègues confrontés aux mêmes conditions de travail semblaient parvenir à affronter la
situation :
« […] Avec pour toute réponse du N+1 : "c'est normal, on travaille dans une
organisation difficile sur des sujets compliqués…". J’ai donc l’impression d’avoir tout
faux. Quand c’est permanent on a l’impression de ne plus avoir les pieds qui touchent
le sol. Tout le monde a l’air de se complaire dans ce mode de fonctionnement. Donc
on a l’impression d’être incompris ». (Entretien n°4).
La chef de projet évènementiel dit subir actuellement ce que les deux interviewés,
cités ci-dessus, ont un jour vécu. Celle-ci est face à une charge de travail si importante que
pour répondre aux exigences elle doit travailler pendant son temps libre. Constatant que ses
collègues semblent mieux s’accommoder de cette situation, elle se rend responsable du retard
qu’elle prend sur ses dossiers :
« Pour rester compétitifs, nous devons sans cesse faire évoluer notre travail, tant
dans la qualité que la rapidité […], seuls des jeunes en début de carrière ont le cœur
et l’énergie de foncer tête baissée dans cette bataille. Mon apport à l’entreprise ne me
semble plus assez pertinent […] J’impute une grande part à moi-même. L’autre part
est imputable à la nature même de notre travail. Officiellement, mes collègues gèrent
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mieux leur temps au regard de la charge de leurs dossiers et du temps passé à
l’agence (travaillent-elles " en douce " chez elles ?) » (entretien n°5).
Comme Jean Pierre Le Goff, cette femme utilise le terme « bataille », comme si le
travail était devenu un combat où il devient nécessaire d’évincer les autres.
Cet isolement conduit les salariés en souffrance à se résigner, à penser que ce mal être
est normal or « C’est inhumain de croire que c’est normal d’être mal à l’aise dans son
travail » (entretien n°4). « Par peur de perdre leur boulot, les gens acceptent plus qu'avant
des pressions psychologiques et un langage insultant. On leur dit de sourire pour se vendre
mieux et ils n'y arrivent pas. Alors ils se disent que ce sont eux qui sont à l'origine du
problème et ils se mettent à plonger »148, dit Christian Larose, vice-président du Conseil
Economique et Social (CES). Le manque de réaction des collègues fait preuve de la
dissolution des solidarités et du consentement de la souffrance au travail. C’est ce que
Christophe Dejours nomme « la banalisation du mal »149. L’entreprise n’est plus une
communauté mais un lieu de rivalités, dit Hervé Séryex150. Certains consentent au mal être en
acceptant de subir la souffrance et d’autres en l’infligeant. Paradoxalement, les employés
tremblent à l’idée de perdre le travail dont ils ne voudraient plus subir les conséquences. C’est
ce que Dejours appelle, « la discipline de la faim ». Le travail apporte un salaire qui est
nécessaire à la survie des individus et tous les moyens sont bons pour ne pas perdre ce qui
leur permet de vivre, même si la souffrance en est le coût.
1.3. Les facteurs de stress et de motivation identifiés par les enquêtés
Le stress est très présent en entreprise. Les facteurs et les conséquences du stress sont
donc analysés à l’aide d’un tableau. Les personnes interrogées ont aussi su faire part des
sources de motivation au travail.
148 « Suicide au travail », Mutualité.fr, 30 juillet 2009 149 DEJOURS, 2006, p. 155-178 150 SERYEX, 2009, p. 83
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1.3.1. Le stress vécu par les enquêtés : causes et conséquences
Il est important de distinguer les facteurs de stress de ses conséquences. Les facteurs sont
les générateurs de stress tandis que les conséquences sont les effets néfastes du stress sur les
individus et les organisations.
FACTEURS DE STRESS (perception des enquêtés) CONSEQUENCES DU STRESS
� Organisation de l’entreprise � Centralisation des décisions � Faible voire mauvaise communication � Management autoritaire
� Environnement de travail (relations) � Absence de confiance, de délégation,
d’autonomie et de reconnaissance � Surcharge de travail et travail dans
l’urgence
� Déprime, dépression (n°1, 4, 9)
� Absence d’intérêt pour le travail (n°9)
� Lassitude (n°6) � Irritabilité, troubles du sommeil (n°5)
� Déconcentration � baisse productivité
(n°2)
Les facteurs de stress au travail sont nombreux. L’organisation du travail est perçue
comme l’une des causes principales de stress et de souffrance au travail. Tout d’abord, la
centralisation du pouvoir a bien souvent pour conséquence une faible délégation vécue
comme un manque de confiance. L’utilité du travail se réduit alors aux yeux des salariés car
ils ont cette impression de n’être que des exécutants, ils sont considérés comme des
« numéros ». Cette expression a été utilisée à trois reprises dans les entretiens (entretiens n°1,
n°2 et n°9). Déléguer et accorder sa confiance est une marque de reconnaissance pour le
salarié : « c’est une reconnaissance, c’est valorisant, c’est gratifiant » (entretien n°1), « La
reconnaissance venait surtout de la confiance que pouvait apporter la hiérarchie » (entretien
n°2).
Ensuite, le manque de communication et d’informations est aussi un facteur de stress.
Dans l’entretien n°2, la chef de marché nous fait part d’une situation à laquelle elle a été
confrontée lorsqu’elle travaillait dans un grand groupe français. Le site dans lequel elle
travaillait devait déménager mais aucune information claire n’était communiquée aux salariés
à ce sujet. Ceux-ci se retrouvaient face à l’inconnu : « On a une sensation de diviser pour
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mieux régner et de vraiment semer la pagaille, semer le trouble à tous les niveaux sans dire
clairement. C’était extrêmement mesquin […] C’est extrêmement pervers et c’est assez
inhumain et là ça génère vraiment beaucoup de stress ». Elle ajoute aussi que bien souvent les
managers, en France, font de la rétention d’informations : « En France, le manager veut
garder sa place bien au chaud et voit son subordonné comme une menace, comme quelqu’un
qui pourrait lui prendre sa place un jour donc il donne moins d’informations, il donne moins
de reconnaissance », la manière de procéder serait différente dans les entreprises américaines.
C’est aussi le cas de la centrale nucléaire selon le technicien interrogé : « info non transmise,
modifiée, oubliée » (entretien n°9).
Enfin, les méthodes de management sont souvent en cause dans le stress au travail car
les exigences sont fortes et parfois " inhumaines " au regard de l’éthique managériale. Celles-
ci créent des situations qui deviennent parfois difficilement supportables pour les salariés. Le
technicien de la centrale nucléaire affirme que, dans son entreprise, les méthodes de
management sont différentes selon les responsables : « par la carotte : " fait ça et tu auras
ceci " avec beaucoup de désillusion ; par la peur : " si tu ne fais pas ça tu n’auras rien " ou
par la terreur : " tu vas m’avoir sur le dos si tu ne fais pas ça ! " ».
L’environnement de travail compte pour beaucoup, en particulier les relations avec les
pairs, les supérieurs et tous les agents extérieurs. Tous les enquêtés s’accordent à dire que
l’ambiance de travail et les bonnes relations entre collègues sont des éléments importants :
« essentiel »(entretien n°1), « motivant et mobilisateur» (entretien n°2), « indispensable »
(entretien n°3), « important » (entretiens n°4, 6, 9), « capital » (entretien n°5), « primordial »
(entretien n°7). Le chef de projet (entretien n°4) se plaint du comportement de ses collègues :
«En apparence c'est très convivial (bises entre collègues, sourires, blagues…) mais dans la
pratique je trouve que l'état d'esprit est très individualiste, il y a peu voire pas d'esprit
d'équipe ». Il explique aussi que lorsqu’il est entré en dépression tous remarquaient son état
sans que cela n’entraînât aucune réaction de leur part. Ce chef de projet explique qu’il est
extrêmement difficile de guérir d’une dépression quand les solidarités sont effacées et qu’il
n’y a pas d’attention à l’autre. Une telle situation ne fait qu’intensifier la souffrance ressentie.
La surcharge de travail et l’urgence sont aussi des facteurs de stress importants. Un
salarié peut rapidement se sentir submergé et ne pas trouver d’issue pour affronter la situation.
Le chef de projet (entretien n°4) en a fait l’expérience : « Il y avait vraiment une inadéquation
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entre ce que j'attendais du poste et ce qu'on attendait de moi. Je me suis mis une pression
dingue, j'ai pris des engagements que je ne pouvais pas tenir, je n'ai pas réussi à dire non à
certaines sollicitations ». Des dossiers lui étaient rajoutés et ceux-ci devaient être traités avec
une rapidité extrême. La chef de projet évènementiel est aussi confrontée à une charge de
travail importante (entretien n°5) : « Les situations stressantes sont très fréquentes, toutes
liées à la nature de notre travail dont la barre est très haute […], le tout dans des délais les
plus courts et sur plusieurs dossiers en simultané ». Dans son ancienne entreprise, la chef de
marché a aussi était confrontée à une situation où elle devait gérer plusieurs dossiers en même
temps, dans un délai limité et avec une direction faisant pression pour que tous les rapports
soient remis dans les temps. Enfin, le technicien de la centrale nucléaire a également vécu
cette pression : « Si le travail n’est pas fait rapidement on est un fainéant et si on fait une
erreur on nous dit qu’il ne fallait pas aller trop vite […] Le surplus d’activité n’est jamais
une cause d’erreur alors qu’il est souvent en cause mais là cela revient à remettre en cause
l’organisation, le management et les effectifs ! » (entretien n°9). En effet, la surcharge de
travail résulte souvent d’une diminution des effectifs. Au nom de la rentabilité, le nombre de
salariés doit diminuer et ceux qui conservent leur poste doivent subir une intensification du
travail en volume et en temps.
Le stress, lorsqu’il devient trop intense se manifeste souvent par des troubles dépressifs.
C’est ce qui est arrivé à l’éducatrice spécialisée lorsque son employeur l’a " placardisée "151
dans son emploi précédent : « Cette dévalorisation de la personne génère une souffrance
psychique qui amène de la déprime voire de la dépression. C’était mon cas » (entretien n°1).
Le chef de projet dans les télécommunications a aussi connu une période de dépression à
cause d’une surcharge de travail : « On devient incapable de faire ce qu’on vous demande et
comme les autres ont l’air de bien le vivre on se sent pas à sa place, on se remet en cause.
Donc on rentre dans un processus de dévalorisation, de déprime puis de dépression en
alternance avec des phases euphoriques » (entretien n°4). Il ajoute que des idées suicidaires
lui ont même traversé l’esprit pendant cette période : «. J’ai déjà pensé le soir quand je rentre
chez moi en vélo, dévaler la pente et ne pas prendre le virage, foncer droit dans le mur »
151 Placardiser : mettre quelqu’un au placard, l’écarter, le reléguer (définition du Petit Larousse 2010)
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Enfin, les méthodes de management étant en inadéquation avec les attentes du technicien,
il a aussi vécu des états dépressifs : «Pleurer au travail m’est arrivé et c’est parfois fréquent
mais en cachette. J’ai un collègue a qui cela est arrivé hier, il est cadre depuis peu »
(entretien n°9).
Le stress peut aussi avoir des effets de démotivation et de déconcentration. Ce fut le cas
pour la chef de marché lorsque le site dans lequel elle travaillait a été délocalisé : « L’impact
ça a été dans le travail. On est moins efficace car on a ça en tête, il y a moins de
concentration et c’est beaucoup plus compliqué de faire la coupure quand on rentre chez
soi » (entretien n°2). Le technicien, quant à lui, ne trouve plus d’intérêt à son travail : « Je
n’aime pas mon travail […] Je n’ai aucun espoir de carrière […] C’est un travail sous-
payé » (entretien n°9). L’absence d’autonomie démotive aussi le directeur de magasin de
grande distribution : « je me lasse » (entretien n°6).
Enfin le stress peut avoir des répercussions sur la santé physique des salariés car, selon le
médecin du travail, « C’est la tête qui commande » (entretien n°8). Si l’on souffre
mentalement, les problèmes de santé apparaissent plus facilement. La dépression de
l’éducatrice spécialisée s’est accompagnée de soucis de santé : « J’ai fait des abcès dentaires,
j’ai eu la grippe alors que je suis plutôt quelqu’un en bonne santé qui est malade peu souvent,
crises de larmes. Comme j’étais vulnérable psychiquement, j’encaissais moins bien les chocs,
j’étais moins armée pour résister » (entretien n°1). La chef de projet évènementiel travaille
énormément, sa vie professionnelle déborde largement sur sa vie privée et cela a un impact
sur sa santé : « temps et qualité de sommeil amoindri et relationnel privé plus fermé et barre
plus haute : irritabilité, moindre écoute et attentes qualitatives » (entretien n°5).
Les facteurs de stress sont nombreux dans les modèles managériaux actuels et les
répercussions sont dangereuses pour la santé physique et psychique des salariés entraînant une
perte de productivité certaine pour les entreprises. A l’inverse, les facteurs de motivation
permettent à l’individu de mettre ses compétences au service de l’entreprise.
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1.3.2. Les facteurs de motivation au travail
Les facteurs de motivation au travail sont parfois niés par certaines entreprises. Les
obligations de rentabilité et de profitabilité sont privilégiées par les dirigeants au détriment de
la dimension humaine. Taylor et Ford considéraient que la principale motivation au travail
était la rémunération. Ce travail de recherche démontre que ce n’est pas ou plus le cas. La
rétribution symbolique surpasse la rétribution numéraire comme source de motivation. Parmi
les témoignages, la majorité des interviewés s’accordent à dire que la rémunération est
secondaire et que le facteur prioritaire de motivation est d’aimer son travail et de s’y épanouir.
Les personnes affirmant que le salaire passe avant le reste, avouent ne pas aimer leur travail
ou ponctuellement (entretiens n°5 et n°9). Certains autres (entretiens n°6 et n°8) pensent que
les rétributions symboliques et financières sont liées, l’une ne va pas sans l’autre. Soit le
salaire est une forme de reconnaissance (entretien n°8), soit les compliments ne peuvent pas
ne pas être accompagnés d’une compensation financière (entretien n°6).
" Aimer son travail ", c’est être motivé par la mission proposée mais aussi par
l’entreprise. De bonnes conditions de travail constituent pour les enquêtés, l’un des principaux
facteurs de motivation. Un tel environnement favorise chez eux un état d’esprit plus propice
au déploiement des compétences des individus au service de l’entreprise. La création d’un
cadre de travail agréable ne se limite pas à une ambiance intersubjective d’ordre amical. Les
dérives possibles en sont d’ailleurs soulevées par l’éducatrice spécialisée: « c’est quand même
une frontière poreuse : se glisse du professionnel dans le privé et du privé dans le
professionnel mais il faut toujours réajuster et se dire qu’on ne peut pas tout mélanger, sinon
on n’est plus opérant, on n’est plus professionnel » (entretien n°1), « il faut trouver un juste
milieu » (entretien n°8). Un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est considéré
comme « nécessaire » (entretien n°3), « fondamental » (entretien n°4).
Les autres facteurs de motivation sont davantage liés à la reconnaissance :
l’impression de contribution personnelle, la confiance accordée et la délégation dans les
tâches et un cycle de formations suffisant pour développer ses compétences et offrir la
possibilité d’évoluer. Comme expliqué dans la revue de littérature152, une étude de Hay Group
152 PREMIERE PARTIE : REVUE DE LITTERATURE − CHAPITRE II – 2.3.2 : absence de récompense
symbolique
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révèle que la reconnaissance est l’un des leviers de motivation les plus importants aux yeux
des salariés. La consultante RH explique que sur le site « on notifie plus les fautes qu’on ne
valorise les succès » (entretien n°7) et nous pouvons remarquer à travers son témoignage et
celui du technicien, une absence de motivation et de satisfaction liée à une carence de
reconnaissance de la part des responsables.
L’hypothèse selon laquelle les facteurs de motivation sont le sens du travail, la confiance,
l’autonomie, la reconnaissance et le développement des compétences est confirmée par les
entretiens. La majorité d’entre eux souligne la primauté de la rétribution symbolique sur la
rémunération.
2. Les préconisations
L’analyse a pu valider les hypothèses énoncées puisque tous les enquêtés s’accordent à
dire que les méthodes d’inspiration " néo-tayloriennes " ne leur conviennent pas, telles que
l’absence d’autonomie et de reconnaissance, le contrôle excessif et surtout le poids de la
hiérarchie. Les motivations sont ailleurs.
Cette analyse conduit donc à énoncer des préconisations. Il est important de privilégier un
type de management participatif exploitant l’intelligence collective et de développer les
valeurs humaines dans l’entreprise afin de faire converger les intérêts de toutes les parties
prenantes.
2.1. Préférer un management participatif
La structure pyramidale a des effets néfastes puisque le travail se retrouve dépourvu
d’autonomie, de responsabilités et d’initiatives. Cependant, il apparaît clairement, à travers les
témoignages, qu’une autorité est nécessaire pour la régulation de l’organisation de travail.
L’éducatrice spécialisée nous fait part des désagréments qu’a connue son association,
notamment en matière de communication, avant l’arrivée d’un directeur général :
« Il n’y avait pas d’échanges, il n’y avait pas d’interactions. Depuis l’arrivée d’un
directeur général, il y a une mise en mouvement, une dynamique. Chaque directeur était
complètement autonome, il pouvait décider de tout, il avait tout pouvoir sur tout. C’est
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risqué pour la protection des salariés parce qu’on peut avoir des petits dictateurs qui font
la pluie et le beau temps et qui se situent au-dessus des lois sur le plan de la législation du
travail » (entretien n°1).
De plus, le chef de projet dans les télécommunications et la chef de marché disent avoir
souffert d’une absence de directives claires : « C’est une source de stress parce que quand on
n’a pas de directives claires, on a forcément plus de poids sur les épaules, nous les
opérationnels en bas » (entretien n°2). Il est important de pouvoir se reposer sur une autorité
supérieure, cela est rassurant. A ce propos, le directeur de magasin vante les bienfaits d’avoir
des supérieurs : « ils peuvent absorber la pression qui est mise en haut » (entretien n°6).
Il n’est pas question, ici, de remettre en cause toute autorité, tout dépend du type
d’autorité en place. Marie Parker Follet, pionnière du management, était avant-gardiste sur la
question. Elle recommandait de développer des autorités de leadership, c’est-à-dire le
« pouvoir-avec », soit le partage du pouvoir, et non le « pouvoir-sur ». Selon cette chercheuse,
« le meilleur leader n’a pas de subordonnés, mais des hommes et des femmes travaillant avec
lui »153, c’est une personne qui ne donne pas uniquement des directives et qui accompagne le
salarié pour le rendre capable d’effectuer les missions confiées. Il paraissait inconcevable à
cette chercheuse que les ordres n’émanent que du sommet. Un pouvoir central doit exister
mais il doit également y avoir des interactions entre les différents membres et départements de
l’entreprise. Le triptyque « Autorité / compétence / responsabilité » est, selon cette
théoricienne, la condition sine qua non pour rendre une organisation efficace.
Ce type de management est appelé « leadership démocratique » par Kurt Lewin154. Les
décisions ne sont pas prises arbitrairement par le leader, elles résultent de discussions et
tiennent compte de l'avis du groupe. Quand un problème émerge, le leader n’impose pas sa
volonté, il suggère toujours un choix parmi plusieurs alternatives. Il participe peu aux tâches
de travail mais il s'efforce de s’intégrer au collectif de travail. Ce modèle a l’avantage de
prendre en compte toutes les parties prenantes de l’entreprise mais aussi de développer une
performance élevée et stable, même en l'absence du chef car tous les salariés sont autonomes.
153 FOLLET, 1941, p. 263, op. cit.,. MOUSLI Marc, « Marie Parker Follett, pionnière du management », Cahiers
du Lipsor, série recherche n°2, octobre 2000, p.39 154 PLANE, 2008, p. 36
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Ce système crée une cohésion de groupe et un bon climat social interne, les divisions et les
tensions sont donc moindres.
Ce modèle managérial est caractérisé par Hersey et Blanchard155, deux experts du
management, de « mode participatif » tel que le figure le schéma suivant.
Le « leadership situationnel » permet d’adapter son management selon le degré de
développement du collaborateur. Le mode de management le plus adapté, selon Marie Parker
Follet et Kurt Lewin, entre autres, est le management participatif. Il permet de mobiliser et
d’impliquer les équipes de travail en développant la participation active de chacun, en
impliquant l’équipe dans la prise de décisions et en apportant écoute et conseils. Ceci permet
de créer une ambiance de partage et de partenariat et d’atténuer le lien de subordination. En
155 HERSEY, 1995
Figure 28 : Le leadership situationnel selon Hersey et Blanchard
SOURCE : www.inh.fr/.../idp/acteurs/modes_management.html
Centré sur les
relations
- Communication / écoute - Dialogue soutien - Climat / ambiance � Dynamique humaine
- Objectifs - Résultats - Méthodes � Contenu
Centré sur les tâches
MODE DELEGATIF
MODE PARTICIPATIF
MODE DIRECTIF
MODE PERSUASIF
Fonction : mobiliser, impliquer Objectif : que les collaborateurs soient parties prenantes
� Génère de l’engagement Ouverture, négociation
Fonction : accompagner, associer Objectif : que les collaborateurs adhèrent
� Génère de la confiance Explications, conviction, persuasion
Initiative, autonomie, confiance Fonction : responsabiliser Objectif : que les collaborateurs se responsabilisent
� Génère du développement
Organisation, consignes Fonction : structurer Objectif : que les collaborateurs soient efficaces
� Génère de la sécurité
Retrait, laissez faire
Autoritaire
Démagogue Paternaliste, manipulateur
Page | 103
suscitant les idées et les prises d’initiatives, ce type de management a l’intérêt de développer
un engagement chez le salarié et ainsi de développer ses compétences pour le rendre plus
productif. Ce modèle est harmonieux car il recherche l’équilibre entre les intérêts généraux et
particuliers. C’est une démarche " gagnant-gagnant ".
Les autres modes de mangement ne vont pas dans le sens du partage de pouvoir. Comme
évoqué précédemment, le mode délégatif est mal vécu par les salariés car ils ont besoin d’un
minimum de directives. Ensuite, le management directif, tel que l’évoque le médecin du
travail de la centrale, semble être mal vécu par les salariés : « certains souffrent réellement et
beaucoup » (entretien n°8). Enfin, le mode persuasif est aussi mal perçu car il s’appuie sur la
manipulation. Le technicien de la centrale nucléaire dit à ce sujet : « Je n’ai aucune confiance
dans mes supérieurs : trop de constats de mensonges, de manipulation et d’acharnement sur
certains individu. Les décisions discutées et prises avec le responsable peuvent être remises
en cause aussitôt après et être changées par le simple fait que le directeur en ait décidé
autrement » (entretien n°9). Ce cas présente une situation de manipulation car le supérieur
feint de consulter son équipe pour prendre des décisions mais leur avis n’est finalement pas
pris en compte. Ce type de management peut comporter des risques car les intérêts des parties
prenantes convergent rarement.
2.2. Développer des valeurs humaines et faire converger les intérêts
L’exploitation de l’étendue du potentiel humain a pour avantage de permettre l’ép
anouissement des individus au travail et de faire croître ainsi les performances
économiques de l’organisation. « A partir du moment où on est bien traité on donne le
meilleur de soi même » (entretien n°1). A travers les entretiens, il semble qu’il existe un lien
entre l’impression de contribution personnelle et le fait d’être heureux au travail. Exploiter le
potentiel humain, c’est donc créer un environnement qui puisse utiliser toutes les capacités et
les qualités d’un individu et d’un groupe d’individus pour les mettre au service de l’économie
de l’entreprise. Dans cette perspective, le salarié est ainsi considéré comme un être riche et
potentiellement porteur d’idées nouvelles.
Tous les enquêtés s’accordent à dire que la dimension humaine est importante. L’attention
pour autrui y prend une valeur primordiale. Dans le service où travaille l’éducatrice
spécialisée, les collègues sont véritablement présents les uns pour les autres et c’est une des
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raisons pour lesquelles elle aime tant son travail : « Dans l’ensemble il y a beaucoup de
solidarités, d’attention à l’autre […] Il y a du respect et il y a vraiment un climat convivial.
On est content de faire ce qu’on fait, on est content de venir au travail le matin, on n’est pas
pressé de partir le soir » (entretien n°1). Quant à la chef de marché, elle exprime aussi
clairement cet intérêt pour autrui : « Je suis dans une équipe où il y a une bonne ambiance, on
a des bonnes relations, on s’entend bien […] C’est super motivant » (entretien n°2). La chef
de projet évènementiel s’exprime aussi dans ce sens : « L’ambiance est importante, sa bonne
qualité n’est pas une option, elle est capitale pour maintenir une qualité de travail et
l’enthousiasme de le réaliser ». En revanche, certaines entreprises ne connaissent pas cet
esprit de solidarité : « J’ai le sentiment que si je ne fais pas l’effort de rentrer dans les
bureaux pour dire bonjour, les collègues ne font pas la démarche spontanément […] Dans le
cadre professionnel, on n’est pas obligé d’être amis mais une vraie attention à l’autre c’est
important, on est des êtres humains quoi » (entretien n°5), « Lorsque l’entente est trop bonne,
trop conviviale […], on force les personnes à se séparer car ce qui soude les personnes
empêche la direction de diriger l’individu tel un pion ! » (entretien n°8).
Il devient donc important de « Replacer l'humain au cœur de la richesse de l'entreprise »
(entretien n°4) et de « faire vivre les valeurs humaines de l’entreprise » (entretien n°6).
Maintenir un équilibre entre la vie privée et professionnelle des salariés et opter pour la bien-
traitance de travail, est indéniablement source de motivation et donc de productivité.
L’hypothèse selon laquelle un salarié heureux au travail est plus productif est validée par les
propos des diverses personnes interrogées. Ainsi, les intérêts convergent. A l’inverse, le
management d’inspiration " néo taylorienne " − hiérarchie, contrôle, procédures strictes,
tâches d’exécution − , est source de désintérêt, de démotivation, de stress et de souffrance au
travail et donc de perte de productivité. « Le fait d’avoir un travail intéressant est important
car cela occupe une grande partie de sa vie. Si le travail est inintéressant, l’ennui gagne ainsi
que la démotivation » (entretien n°7). En effet, un salarié déconsidéré est en souffrance et
n’éprouve ni l’envie ni le besoin d’offrir tout son potentiel à son entreprise. Ainsi, l’individu
est en souffrance et l’entreprise est confrontée à une perte de productivité.
L’exploitation du potentiel humain semble alors indispensable à la construction d’un
management efficace et durable.
Page | 105
CONCLUSION
L’exploitation de la souffrance au travail
La problématique, objet de ce travail, portait sur l’existence d’un lien de causalité
entre la souffrance au travail, et les pratiques managériales actuelles et leur exigence
d’efficacité économique.
« Dans un monde où l’économie n’est plus au service de l’homme mais l’homme au
service de l’économie, les objectifs de productivité et les méthodes de management
poussent les salariés jusqu’au bout de leurs limites. Jamais maladies, accidents du
travail, souffrances physiques et psychologiques n’ont atteint un tel niveau ».
(VIALLET , La mise à mort du travail, 2009).
La souffrance au travail est réelle et palpable. Les études se multiplient et mettent en
cause les modèles managériaux qui se situent dans une logique " néo-taylorienne ". Dans un
contexte de concurrence accrue et d’obligation de rentabilité et de profitabilité, les rapports
sont dépersonnalisés, les solidarités se dissolvent, le contrôle est poussé à l’excès et la
confiance est fortement altérée. On assiste à une véritable « aliénation » et « dépossession »156
du travail. Ces méthodes sont sources de stress et de souffrance, et pourtant certains dirigeants
utilisent ces maux comme outil de management. Dirigeants et actionnaires cherchent à
accroître la productivité de leurs employés et selon, eux, le stress est un état psychologique
censé permettre aux salariés de se dépasser et d'agir plus rapidement. C’est ce que l’on appelle
le management par le stress157, c’est un instrument utilisé pour obtenir un meilleur rendement.
Yves Dubreil , le père fondateur de la Twingo, est connu pour avoir revendiqué que le stress
était une condition sine qua non pour « réussir un projet impossible », c’est-à-dire sortir une
petite voiture à bas prix en un temps record
156 VIALLET, 2009 157 KAHN Annie, “Quand les patrons vantaient les bienfaits du stress”, Le Monde, 22 octobre 2009
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Christophe Dejours158 explique bien cette exploitation de la souffrance pour faire
augmenter les cadences de travail. « L’irritation et la tension nerveuse sont les moyens de
tirer un "surtravail ". La souffrance psychique devient l’instrument même de l’obtention du
travail » et « la peur est consciemment instrumentalisée par la direction pour faire pression
sur les ouvriers, pour les contrôler et pour augmenter la productivité »159. Selon ce
psychologue, les éléments les plus exploités sont donc les frustrations et la peur, ce sont
devenus de vrais outils de management.
Recourir à des procédés managériaux qui visent volontairement à augmenter le stress
des individus pour les diriger est une forme de négation de leur souffrance mais aussi leur
humanité et leur individualité. Cette démarche ne fait qu’amplifier le mal être déjà présent
dans les organisations et n’a pas l’effet escompté car un individu en souffrance n’offre pas
tout son potentiel dans le cadre de son activité professionnelle. L’impact sur le résultat
financier de l’entreprise est alors inévitable.
« Déclarer la guerre aux certitudes héritées du passé »160
L’autre question que soulève la problématique est de savoir s’il existe une possibilité
de contourner le problème de la souffrance au travail et de trouver des solutions alternatives.
Il est possible et surtout nécessaire de limiter les effets destructeurs de l’organisation
du travail. Cette démarche doit commencer par une prise de conscience collective et
individuelle. « L’obsession de la rentabilité financière »161 s’avère être un mauvais calcul.
Franck Martin162, spécialiste du management, explique que nier l’être humain à la faveur du
profit est une stratégie vouée à l’échec. Manager une équipe par l’estime, le respect et la prise
en compte de l’autre semble bien plus opérant Une équipe soudée et cohérente est bien plus
productive qu’un groupe d’individus isolés les uns des autres se trouvant en compétition pour
atteindre des objectifs individuels contradictoires. La confiance que le chef ou le leader
158 DEJOURS, 2000, p 141-149 159 DEJOURS, 2000, p. 148 160 HAMEL, 2008, p. 116 161 LE GOFF, 2005, p.42 162 MARTIN, 2008, p. 137
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accorde à son équipe est une source indéniable de motivation et d’efficacité. Or aujourd’hui,
la règle du management est la peur, le stress et la dissimulation. L’homme est au cœur du
fonctionnement des organisations et il devient primordial de lui redonner cette place centrale.
« Le management manque de pensée réflexive : il est devenu fonctionnaire. Il
accomplit des missions sans âmes et sans remords au nom d’un dogme », reconnaît Rodolphe
Durand, professeur de Stratégie et Politique d'Entreprise à HEC Paris163. Les modèles
managériaux véhiculent des idées appréhendées comme des croyances inaltérables. Gary
Hamel conseille de « déclarer la guerre à ces certitudes héritées du passé ».L’auteur va
même plus loin dans sa réflexion et affirme que nous sommes « otages » de ces certitudes car
la majorité des gens est incapable d’imaginer des pratiques managériales complètement
décalées par rapport aux normes de notre propre expérience. « Il faut savoir refuser
l’héritage »164 et se tourner vers des modèles managériaux plus adaptés. Les exemples
abondent. Dans le rapport remis au gouvernement en octobre 2008165, Patrick Légeron et
Philippe Nasse conseillent de s’inspirer, entre autres, des modèles anglo-saxons et
scandinaves qui ont su réinventer les règles de travail et le management. Il est possible
d’associer productivité et bien-être au travail.
L’enquête qualitative de terrain réalisée dans le cadre de ce travail de recherche
confirme ces propos. A l’aide de l’analyse de contenu, les différents témoignages ont été
décomposés et ont permis de valider les hypothèses de travail. Le management moderne
s’appuie sur des éléments du Taylorisme et n’est pas adapté car il provoque souffrance et
perte de productivité. Les facteurs de motivations sont mal appréhendés. Il convient de
s’appuyer sur le potentiel humain qui, lui, est source de bien-être au travail et de productivité.
La majorité des personnes interrogées rejettent les méfaits de pratiques managériales
dictées par la rentabilité et la productivité et soulignent la nécessité de réintroduire des valeurs
humaines au sein des organisations. L’individu n’accepte plus de perdre sa vie à la gagner, il
veut faire bien et se faire du bien.
163 JASOR Muriel, « Vers une crise des modèles de management », les Echos, 8 octobre 2009 164 HAMEL, 2008, p. 116 165 NASSE Philippe, LEGERON Patrick, « Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques
psychosociaux au travail », 12 mars 2008
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Les freins à la mobilisation contre la souffrance au travail
Pour remédier à ces dysfonctionnements, une mobilisation s’amorce, cependant
certains éléments freinent encore cette possible progression.
Le MEDEF166 :
La réflexion gouvernementale sur le thème de la souffrance au travail est clairement
engagée, l’Etat français est mobilisé. Mais la multiplication des rapports et des études risque
de créer une certaine confusion. « Au lieu d’écrire des textes, il faut désormais se donner les
moyens d’appliquer leurs recommandations »167. Les positions affichées par la France sont en
avance sur certains pays, même la Finlande s’en étonne. Cependant, l’Etat est en retard car
ces textes ne sont pas encore appliqués au sein des entreprises et, qui plus est, le MEDEF en
freine la mise en œuvre.
Xavier Darcos, ex-ministre du travail, a mis en place un plan d’urgence contre le
stress, en octobre 2009, à la suite de la vague de suicides chez France Telecom. Il avait
demandé aux entreprises de plus de 1000 salariés d’ouvrir des négociations sur le stress. Au
lieu de distribuer des pénalités financières aux entreprises n’ayant entamé aucune démarche,
Xavier Darcos avait utilisé la méthode américaine " name and shame " (" nommer et faire
honte "). Cette technique consiste à rendre publique des listes classant les " bons " et
" mauvais " élèves. Mais ces listes ne sont restées que vingt quatre heures sur le site du
ministère du travail. Sous prétexte d’une mise à jour elles devaient réapparaître. Or Xavier
Darcos n’ayant pas été reconduit dans ses fonctions à la suite des élections régionales du 22
mars 2010, le nouveau ministre du travail, Eric Woerthe, a enterré définitivement ces listes.
L’origine de leur disparition proviendrait du MEDEF qui aurait jugé la méthode « plus que
contestable » 168
Ce rejet peut s’expliquer par le fait qu’accepter accepter la critique, c’est remettre en
causes les pratiques des entreprises et porter atteinte à leur image. Celles-ci semblent ne pas
166MEDEF = Organisation patronale représentant les dirigeants des entreprises françaises 167 Jean Michel Cedro, « Patrick Légeron : " le gouvernement a plus de mal avec le Medef qu’avec les
syndicats" », Les Echos.fr, 18 février 2010 168 AIZICOVICI Francine, BISSUEL Bertrand, « Ne pas stresser les stresseurs », Le Monde, 8 avril 2010
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avoir pris conscience des enjeux juridiques et économiques du stress et de la souffrance au
travail. Les pertes d’argent sont considérables bien que peu visibles.
Le système d’éducation :
L’autre frein à la rénovation du management est le système éducatif actuel. Les écoles
devraient être des lieux de fermentation intellectuelle et se diriger vers l’innovation. Or, les
écoles de commerce entretiennent l’idée que les schémas managériaux élaborés au XXe siècle
sont toujours d’actualité. A ce propos, Henry Mintzberg, figure de référence internationale
dans le domaine de la sociologie des organisations, apporte un regard critique sur le
management et son enseignement169. Il offre au lecteur une prise de conscience sur les
dysfonctionnements du modèle éducatif des grandes écoles de commerce et en particulier des
Master of Business Administration (MBA). Selon ce professeur en management, enseigner le
management à des individus n’ayant aucune expérience dans le domaine les amène à avoir
une idée fausse de cette discipline. Le risque est de produire des managers coupés de la
réalité, se considérant comme des chefs tout puissants devant définir des stratégies à faire
appliquer au personnel. Un dirigeant doit être rassembleur et non une personne prenant des
décisions inadaptées à la réalité du terrain et dépourvu de valeurs humaines.
Réflexion sur le travail et ses évolutions
« Le travail peut provoquer le pire, mais il peut générer le meilleur »170
Le travail entrepris ici consistait à répondre à des interrogations portant sur les
méthodes actuelles de management conduisant à des formes de souffrance au travail. Il ne
prétendait en aucune manière à l’exhaustivité ni à la généralisation. Si toutefois il trouve une
validation, il peut alors servir de point de départ à d’autres interrogations.
Ainsi les nouvelles méthodes de management expérimentées dans plusieurs entreprises
et visant à la prise en compte de la dimension humaine des personnes en situation de travail
trouveront-t-elles peut-être des solutions à leurs aspirations d’une part, et aux exigences de
rentabilité et de compétitivité des entreprises d’autre part.
169 MINTZBERG, 2005 170 DEJOURS , 2000
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TABLE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : Le stress en chiffres ______________________________________________ I
ANNEXE 2 : Les modèles de stress ___________________________________________ III
ANNEXE 3 : Stress et performance ____________________________________________ V
ANNEXE 4 : Problèmes organisationnels liés au stress ____________________________ VI
ANNEXE 5 : Coût du stress _________________________________________________ VII
ANNEXE 6 : Taylorisme et Fordisme ________________________________________ VIII
ANNEXE 7 : Modèles bureaucratique et organique _______________________________ IX
ANNEXE 8 : Crise de confiance salariés - employeurs _____________________________ X
ANNEXE 9 : Motivation et reconnaissance au travail ______________________________ XI
ANNEXE 10 : Les besoins humains au travail _________________________________ XIII
ANNEXE 11 : L’innovation managériale _____________________________________ XIV
ANNEXE 12 : Norme ISO 26000 ____________________________________________ XV
ANNEXE 13 : Chiffres clés des SCOP _______________________________________ XVI
ANNEXE 14 : Guide d’entretien ___________________________________________ XVIII
ANNEXE 15 : Enquête terrain - entretiens _____________________________________ XX
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ANNEXE 1
Le stress en chiffres
Figure 2 : niveau de stress selon la catégorie professionnelle
SOURCE: EUROFOND
14,9%
23,8%
3,8
Figure 1 : près d’un salarié sur quatre ressent un sur- stress (En % des personnes interrogées)
SOURCE : IFAS
Page | II
HOMME FEMMES
12,2%
20,2%
3,4% 3,8%
22,9%
34,2%
Figure 3 : niveau de stress selon le sexe
SOURCE : IFAS
HOMMES
FEMMES
Figure 4 : niveau de stress selon l’âge
SOURCE : IFAS
Page | III
ANNEXE 2
Les modèles de stress
Stade de résistance
Phase de régénération
Stade d’épuisement Réaction d’alarme
STRESS
Phase de surcompensation
Energie superficielle d’adaptation
Energie profonde d’adaptation
Phase de désadaptation
Figure 5 : modèle d’adaptation au stress (Selye)
SOURCE : NIEZBORALA, 2007
Figure 6 : modèle de la double évaluation (Lazarus)
MENACE
ÉVALUATION DE LA MENACE
SITUATION
PAS DE MENACE
EVALUATION DE LA CAPACITÉ A FAIRE FACE
CAPACITÉ INCAPACITÉ
RÉACTION DE STRESS MARQUEE
RÉACTION DE STRESS FAIBLE OU NULLE
SOURCE : LEGERON, 2003
Page | IV
Effort élevé Faible récompense
Relations physiologiques et
émotionnelles pathologiques
Effort extrinsèque
Surinvestissement
Argent
Statut
Estime
Figure 8 : modèle effort-récompense ( Siegrist)
SOURCE : NIEZBORALA, 2007
Figure 7 : modèle demande-autonomie (Karasek)
Charge de travail
Marge de manoeuvre
Risque accru de
tension
psychologique et
de maladies
physiques
Apprentissage actif
Motivation à développer de
nouveaux types de
comportement
Faible Forte
Forte
Faible
TRAVAIL
PEU CONTRAIGNANT
TRAVAIL PASSIF
TRAVAIL
CONTRAIGNANT
TRAVAIL
ACTIF
SOURCE : NIEZBORALA, 2007
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ANNEXE 3
Stress et performance
Adaptation et Performance de l’individu
Intensité de la réaction de stress
Stress
optimal
0 +
+
Figure 9 : Utilité de la réaction de stress (Yorkes et Dodson)
SOURCE : LÉGERON, 2003
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ANNEXE 4
Problèmes organisationnels liés au stress
28%
13%
60%
Figure 11 : Les principaux problèmes soulevés par l’absentéisme
SOURCE : ANDCP / 2003
1%
6%
16%
Figure 10 : Proportion des cadres ayant eu des arrêts maladie à cause de leur travail
SOURCE : CFE-CGC / 2005
Page | VIII
ANNEXE 6
Taylorisme et Fordisme
Division verticale
BUREAU DES METHODES : conception
Exécution
Exécution
Exécution
Exécution
Exécution
Exécution
OUVRIERS
Division horizontale
Figure 13 : la division du travail selon Taylor
Figure 14 : Le travail à la chaîne selon Henri Ford
SOURCE : http://mariohistoire.unblog.fr
Page | IX
ANNEXE 7
Modèles bureaucratique et organique
Figure 15 : modèle bureaucratique
SOURCE : www.alexandregravel.com
Figure 16 : modèle organique
SOURCE : www.alexandregravel.com
Page | X
Avez-vous le sentiment que ces dernières
années votre situation personnelle au
travail…
Dans votre travail, entre ce que vous apportez
et ce que vous recevez en retour, avez-vous le
sentiment d’être :
ANNEXE 8
Crise de confiance salariés - employeurs
Figure 17 : Salariés et employeurs : la crise de confiance
SOURCE : TNS SOFRES
44%
21%
35% 33%
8%
59%
Page | XI
ANNEXE 9
Motivation et reconnaissance au travail
Figure 18 : les critères de satisfaction des salariés
SOURCE : HayGroup, 2009
Figure 19 : les leviers de motivation
SOURCE : HayGroup, 2009
Page | XII
PERSONNE PROCESSUS DE TRAVAIL RESULTAT
Reconnaissance de
l’investissement
dans le travail
Reconnaissance
de la pratique de
travail
Reconnaissance
existentielle
Reconnaissance
des résultats
Figure 20 : la reconnaissance au travail
SOURCE : Sciences humaines, n°12, 2008
Page | XIII
ANNEXE 10
Les besoins humains au travail
Figure 21: la pyramide de Maslow
SOURCE : www.semioscope.free.fr
Besoins sociaux
Besoins
fondamentaux
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ANNEXE 11
L’innovation managériale
INNOVATION MANAGERIALE
MOBILISER EFFORTS
Créativité
Initiative
Intelligence
Obéissance
Passion
Diligence
AGREGER EFFORTS
Figure 23 : les dimensions de l’efficience organisationnelle
SOURCE : HAMEL, 2008, p. 232
Figure 22 : capacités humaines contribuant à la réussite
SOURCE : HAMEL, 2008, p.53
Page | XV
ANNEXE 12
Norme ISO 26000
Item relatif à ce travail de recherche
Figure 24 : vision d’ensemble de la norme ISO 26000
SOURCE : IGALENS, « Norme de responsabilité et responsabilité des normes : le cas d’ISO 26 000 », Management et avenir, n°23, avril 2009
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ANNEXE 13
Chiffres clés des SCOP
2003 2008 variation
en chiffres variation
en %
Coopératives 1538 1893 355 23,1%
Effectifs salariés
35099 39929 4830 13,8%
Figure 25 : évolution des coopératives sur 5 ans
SOURCE : http://www.scop.coop/chiffres-cles-scop.htm
Figure 26 : création d’emplois par taille d’entreprise
SOURCE : http://www.scop.coop/chiffres-cles-scop.htm
4%
60%
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Figure 27 : créations d’emplois par secteur
SOURCE : http://www.scop.coop/chiffres-cles-scop.htm
Page | XVIII
ANNEXE 14
Guide d’entretien
Ce guide d’entretien cherche à recueillir la perception des individus sur leur entreprise.
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES : Entreprise : Nombre d’employés : Poste de travail : Ancienneté :
2. ENTRETIEN :
� ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
- Organigramme officiel ? Réel ? DESSIN
- Pouvoir : centralisé ? Décentralisé ?
- Communication ?
- Management ?
� ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL - Ambiance conviviale ? Oppressante ?
Relations avec collègues et supérieurs ?sorties à l’extérieur ? Solidarités – soutien ? Importance ambiance ?
- Lieu de travail ? (aspect, agencement, propreté, luminosité, température …)
- Matériel : qualité ? quantité ? � STRESS AU TRAVAIL
- Situations stressantes ? - Pression? Exigences ? - Quantité de travail, rythme et délais imposés? - Sensation de stress ? Ressenti ? - Conséquences sur santé ?
Sexe
Age :
Situation familiale :
Page | XIX
� SENS DU TRAVAIL ?
- Impression de contribution personnelle ?d’être utile ?d’être impliqué ?
� CONFIANCE DE LA PART DES COLLEGUES ET DE LA DIRECTI ON
- Confiance accordée et délégation ?
� AUTONOMIE ET RESPONSABILITES
- Liberté dans décisions ? Influence possible ? - Créativité ? - Contrôle hiérarchie ?
� RECONNAISSANCE – rétribution symbolique
- Encouragements ? Remerciements ? - Respect et estime ?
� REMUNERATION – rétribution matérielle
- Importance ? - Facteur de motivation ? -
� DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES
- Formation ? Apprentissages ? - Possibilités d’évolution ?
� ETES-VOUS HEUREUX ET VOUS EPANOUISSEZ-VOUS DANS VOTRE TRAVAIL ?
� EQUILIBRE VIE PERSONNELLE – VIE PROFESSIONNELLE
� QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE E NTREPRISE EN
TERMES DE MANAGEMENT ?
Page | XX
ANNEXE 15
Enquête terrain - entretiens
Dans l’ensemble des entretiens, ni le nom des personnes interrogées ni le nom de leur
entreprise ne figurera dans un souci de confidentialité et de respect de leur anonymat.
SECTEURS PROFESSIONNELS VARIES __________________________________ XXI
ENTRETIEN N°1 ______________________________________________________ XXI
ENTRETIEN N°2 ____________________________________________________ XXVII
ENTRETIEN N°3 ___________________________________________________ XXXIII
ENTRETIEN N°4 ___________________________________________________ XXXVI
ENTRETIEN N°5 ______________________________________________________ XLI
ENTRETIEN N°6 ____________________________________________________ XLVII
INDUSTRIE NUCLEAIRE ________________________________________________ LII
ENTRETIEN N°7 _______________________________________________________ LIII
ENTRETIEN N°8 ______________________________________________________ LVII
ENTRETIEN N°9 ___________________________________________________ CLXXV
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SECTEURS PROFESSIONNELS VARIES
ENTRETIEN N°1
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES :
2. ENTRETIEN :
� ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
Organigrammes : J’ai demandé à la personne interrogée de me dessiner l’organigramme de son organisation. Elle m’a dessiné un arbre :
Sexe : Femme Age : 58 ans Situation familiale : vie maritale, 2 enfants
Secteur professionnel : Social Poste de travail : éducatrice spécialisée Nombre d’employés : environ 20 Ancienneté : environ 10 ans
Prévention spécialisée
Médiation familiale
Siège de l’association
AEMO
Placement familial
Foyers
Page | XXII
Je lui ai ensuite demandé de me dessiner l’organigramme réel de son association :
Pouvoir : « Le pouvoir est décentralisé dans la mesure où on a une directrice qui est notre référente et ça passe par elle. Maintenant, on sent le poids de l’association ne serait-ce que sur le plan comptable. On ne peut pas tout faire et on est soumis à ce genre de règles »
Communication : « Avant il n’y avait aucune communication entre les différents secteurs. Il n’y avait pas d’échanges, il n’y avait pas d’interactions. Depuis l’arrivée d’un directeur général, il y a une mise en mouvement, une dynamique. Il y a une volonté des personnels de se rencontrer comme faisant partie de la même association pour, par exemple, établir des solidarités quand il y a des difficultés. Chaque directeur était complètement autonome, il pouvait décider de tout, il avait tout pouvoir sur tout.. C’est risqué pour la protection des salariés parce qu’on peut avoir des petits dictateurs qui font la pluie et le beau temps et qui se situent aussi au-dessus des lois sur le plan de la législation du travail etc. A la fois ça peut donner un sentiment de grande liberté, y compris pour les salariés, et en même temps quand ils sont en difficulté ils se retrouvent isolés et puis sans recours». Management : « Il y a beaucoup de bienveillance dans le rapport entre la direction et le personnel en général, un rapport de confiance aussi. Si je devais résumer, on est dans de la bien-traitance de travail ».
Salariés Salariés Salariés Salariés
Directeur général
Conseil
d’administration
Directeur Placement familial
Directeur Prévention spécialisée
Directeur Foyers
Directeur Médiation familiale
Directeur AEMO
Salariés : éducateurs, psychologues,
secrétaires …
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� ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL Ambiance et relations au travail : « On n’est pas proche d’un idéal mais pas loin, c’est-à-dire qu’il y a ce que j’appelle une bonne ambiance, on a tous le sentiment d’appartenir à une mission d’utilité publique, on travaille au mieux être des gens. Le travail est difficile car on s’adresse à une population qui est en souffrance et par conséquent on se serre les coudes. Comme dans tous les groupes de travail, il y a des rivalités, des enjeux de pouvoir, des petits conflits mais que chacun a à cœur de dépasser suffisamment pour maintenir un équilibre relationnel entre professionnels. Dans l’ensemble il y a beaucoup de solidarités, d’attention à l’autre. Donc c’est vrai qu’on est dans un confort de travail qui est assez important. Il y a du respect et il y a vraiment un climat convivial. On est content de faire ce qu’on fait, on est content de venir au travail le matin, on n’est pas pressé de partir le soir». « Un exemple d’attention à l’autre ? » : « Dernièrement j’ai un jeune dont je m’occupais qui est décédé, je ne le savais pas. Donc quand je suis arrivée au travail, les collègues m’attendaient pour me le dire en douceur, m’apporter le réconfort nécessaire, me demander si j’avais besoin d’aide, réfléchir sur comment j’allais me comporter avec la famille, aménager des temps même sur leur temps à eux pour que je puisse parler, déverser ce qui faisait de la souffrance pour moi ». « Et la relation avec les supérieurs ? »: « On n’est pas dans un rapport à la soumission, on peut échanger. On peut aborder notre travail et les difficultés sans se sentir menacés, on est écouté, entendu, pris en compte. Si on est en difficulté on va être pris en considération. Moi, par exemple, je suis à 2 ans de la retraite et j’ai eu un problème de santé [hernie discale] et autour de moi mes collègues disent : "comment on peut alléger ta charge de travail ? Il y a une attention à l’autre pour voir qu’est ce qui pourrait faire que les conditions de travail soient meilleures. C’est pas toujours possible parce qu’il y a souvent un décalage entre l’intention et la réalité. La dimension économique prime mais l’intention est là et ça aide suffisamment pour pouvoir continuer». « Donc l’ambiance de travail est importante ? » : « Elle est complètement essentielle. La priorité c’est d’être partie intégrante de la société, de participer à son fonctionnement, de se sentir utile avant même le salaire finalement. On est content de se retrouver ensemble. C’est une forme d’épanouissement professionnel mais personnel aussi, c’est-à-dire qu’on s’épanouit dans notre travail, on est content de faire, d’être avec les autres, de partager quelque chose, d’appartenir à un groupe de travail qui fait la même chose que soi ». Lieu de travail et conditions matérielles : « Nos conditions de travail sont correctes. On est dans des locaux qui sont adaptés, correctement chauffés, on a un bon bureau, un bon siège, on a suffisamment d’espace, c’est
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lumineux, c’est clair, c’est agréable. Il fait chaud. Sinon, pour travailler, on a chacun un véhicule professionnel, à charge pour nous de l’entretenir mais c’est pris en charge financièrement par le service. Donc les conditions matérielles sont bonnes ». � STRESS AU TRAVAIL « On a une charge de travail qui est importante et on est toujours dans la crainte de ne pas réussir à mettre tout ce qu’on a à faire dans le temps de travail qui nous est imparti, à savoir 35 heures. D’ailleurs, ça loge pas tout le temps mais on a une liberté dans la gestion de notre temps de travail. Globalement, on n’a pas une charge de travail qui est en décalage avec notre temps de travail, c’est correct. Le stress fait partie du travail, à charge pour nous de l’assumer avec les moyens qu’on se donne. Maintenant, on a un collectif qui est autour de nous sur lequel aussi on peut s’appuyer pour nous aider à gérer le mieux possible le stress ». � CONFIANCE - AUTONOMIE - RESPONSABILITES «« Ce travail-là suppose un engagement. On travaille auprès de personnes en difficultés, en souffrance, en détresse, en désarroi dans leur relation à leurs enfants. C’est vrai qu’on a des techniques de travail mais c’est un secteur où l’inventivité et la créativité doivent être importantes pour arriver à aider les gens et ça nous laisse une marge de manœuvre suffisamment grande même si on rend compte de notre travail aux collègues, à la direction, au juge des enfants etc. On est autonome, on est en situation de responsabilités. Dans notre service on nous fait confiance. Dans ce service là, ça a toujours été comme une tradition. C’est un peu comme un famille, on doit arriver à s’entendre même s’il y en a un qui va pas bien, même s’il y en a un qui travaille un peu moins bien, les autres doivent venir aider, on doit trouver un équilibre et chacun porte en soi cette valeur. Et quand quelqu’un intègre le groupe, comme moi il y a 10 ans, on lui transmet ces valeurs là pour qu’il les transmette aux jeunes collègues qui arrivent ». � RECONNAISSANCE – rétribution symbolique
« Le fait qu’on vous fasse confiance, qu’on vous laisse autonome, qu’on vous laisse être créatif c’est une forme de reconnaissance pour vous ? » : « C’est une reconnaissance, c’est valorisant, c’est gratifiant donc à partir du moment où on est bien traité on donne le meilleur de soi même parce qu’on n’est pas encombré par le regard de l’autre. Quand on n’est pas d’accord, ça se discute au sein de réunions, il y a une organisation démocratique. C’est jamais dans un rapport injuste où c’est celui qui a le pouvoir hiérarchique qui va avoir le dernier mot. Il faudra toujours réussir à trouver un accord. Il y a du dialogue. Il y a une relation qui se vit, il y a du collectif ».
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� REMUNERATION – rétribution matérielle
«Jusqu’à présent ça ne me faisait pas souci mais arrivée à la retraite, je m’aperçois que je n’aurai pas une vie très confortable donc là ça prend sens et ça prend son importance. Ca ne m’a pas soucié plus tôt parce que l’important c’était plutôt de me réaliser dans un travail que j’aimais bien plutôt que le salaire et ce serait à refaire je referais sûrement ». � DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES « On a toujours la possibilité par roulements pour que tout le monde puisse en bénéficier, de pouvoir intégrer des sessions dans le cadre de la formation permanente. C’est à la fois pour permettre aux salariés d’aller sur l’extérieur confronter sa pratique à d’autres salariés, c’est aussi pour enrichir ses compétences. On reçoit aussi beaucoup de stagiaires, dans le souci de la transmission du métier, ça veut dire que notre métier s’inscrit dans une continuité ».
� ASSOCIATION AUX DECISIONS
« Oui il y a une collaboration mais c’est comme dans tous les groupes humains, il y en a qui parlent plus fort que les autres, il y en a qui sont plus entendus que les autres. Mais dans l’ensemble, on travaille dans un esprit collectif. On est un maillon de la chaîne et chaque maillon a son utilité parce que c’est ça qui permet de constituer la chaîne ».
� ETES-VOUS HEUREUX AU TRAVAIL ? VOUS EPANOUISSEZ-VOU S DANS
VOTRE TRAVAIL ? « Oui, j’aime bien aller au travail, j’aime bien le travail que je fais. J’arrive quasiment à la retraite et j’ai pas vu le temps passer. Je ne me suis jamais ennuyée ». « Avez-vous toujours été heureuse au travail ? » : « Mon poste que j’occupais à cette époque-là a été mis sur la sellette. Le directeur de l’époque n’a rien trouvé de mieux à me dire que si ce poste était supprimé c’était parce que je faisais mal mon travail. Or, dans la réalité, c’était pas ça du tout, c’était pour des questions de réorganisation et des histoires financières mais comme c’était quelqu’un d’un peu pervers, pendant un an, il m’a humiliée, il s’est organisé pour m’isoler par rapport à mes collègues jusqu’à ne plus me donner de travail du tout. Et là ça a été extrêmement douloureux car c’est comme une négation de la personne, on fait en sorte que la personne n’existe plus, elle est transparente, elle est comme morte. C’est insupportable, destructeur parce que la personne se retrouve complètement déstabilisée. Donc ça rend malade. Cette dévalorisation de la personne génère une souffrance psychique qui amène de la déprime voire de la dépression. C’était mon cas. Et puis, physiquement, je me sentais en situation de vulnérabilité. J’ai fait
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des abcès dentaires, j’ai eu la grippe alors que je suis plutôt quelqu’un en bonne santé qui est malade peu souvent, crises de larmes. Comme j’étais vulnérable psychiquement, j’encaissais moins bien les chocs, j’étais moins armée pour résister. Et de même, quand on est dans cette position de fragilité, on pense qu’on est responsable de la situation dans laquelle on est, on se dit on a raison de me maltraiter. Ca duré pratiquement un an. Et là j’ai vraiment souffert au travail, j’ai su ce que c’était. A la fois ça m’a vidé de mon dynamisme et à la fois ça a été le tremplin pour retrouver du dynamisme pour aller faire autre chose et penser que j’étais capable de redévelopper des ressources ». « Pendant cette période d’humiliation, comment ont réagi vos collègues ? » : « Isolée, isolée. C’est le syndrome de la poule malade, c’est-à-dire que quand vous allez très très mal, ça fait peur quelqu’un qui va pas bien donc on détourne son regard et on s’en occupe pas, c’est une forme de protection ».
� EQUILIBRE VIE PERSONNELLE – VIE PROFESSIONNELLE « Il faut un juste équilibre entre les deux. C’est quand même une frontière poreuse : se glisse du professionnel dans le privé et du privé dans le professionnel mais il faut toujours réajuster et se dire qu’on ne peut pas tout mélanger, sinon on n’est plus opérant, on n’est plus professionnel ». � QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE
ENTREPRISE ? « Alors là je manque d’imagination parce que je me satisfais de ce qu’il y a, on est relativement privilégié, il y a du bien être dans le travail chez nous, c’est certain. Et j’en veux pour preuve que, par exemple, les salariés sont rarement malades, on a rarement d’arrêts maladie ».
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ENTRETIEN N°2
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES :
2. ENTRETIEN :
� ORGANISATION DE L’ENTREPRISE Organigramme :
Communication : « Plus on remonte, plus les liens sont rares. Quand je suis arrivée dans l’entreprise, il y a deux ans et demi, j’étais quasiment directement rattachée au PDG. Après, le directeur des opérations commerciales s’est beaucoup plus occupé du marketing opérationnel donc les
…
N+1
N+2
PDG
Directeur
Des opérations
commerciales
Chef de groupe
marketing
opérationnel
Chef de marché
Alimentaire sucré
Apprentis
Chef de marché Alimentaire salé
Apprentis
…
Comité de direction
Ancienneté : 2 ans et demi Sexe : Femme Age : 35 ans Situation familiale : en concubinage
Secteur professionnel : Industrie Bio Sa vocation est de commercialiser des produits biologiques et naturels pour la santé, l’alimentation, l’hygiène-beauté et la maison. Poste de travail : chef de marché (marketing opérationnel) Nombre d’employés : 550
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liens ont été plus rares avec le PDG et aujourd’hui on a un chef de groupe qui est arrivé il y a un an et il s’occupe des chefs de marché. Il n’y a plus du tout, ou très rarement, des liens directs ». « Y a-t-il des liens transversaux ? » : « Il y a des interactions entre les services sur de nombreux projets. On a des réunions toutes les deux semaines et tous les services sont là ». Management : stress - autonomie - confiance – responsabilités – développement des compétences « C’est une entreprise qui a grossi très vite parce que sur un marché très porteur mais des fois pas assez vite par rapport à l’évolution du marché. On est un peu tiraillé entre la petite entreprise et la grande entreprise. On est des fois un petit peu entre les deux, avec des ambitions de grande entreprise mais encore des fonctionnements de petite entreprise. Des fois c’est un peu compliqué. C’est à la fois une source de stress parce que quand on n’a pas de directives claires, on a forcément plus de poids sur les épaules, nous les opérationnels en bas. Et d’un autre côté c’est aussi une opportunité parce qu’on nous fait confiance et qu’on va nous écouter au final et parce que contrairement à une entreprise où tout est très figé, on peut faire évoluer notre poste, un peu à notre manière ». « Avant d’être ici, j’étais dans une entreprise américaine, c’est un management totalement différent. On était une petite structure de trente personnes donc on a un effet très familial, petite bulle où on s’y sent bien. On n’a pas trop de directives mais il y a moins de pression. J’ai aussi travaillé dans une grande entreprise très connue qui fait des compotes, entre autres. C’est une entreprise qui est extrêmement structurée où là, par contre, on nous met dans une petite boite étroite. C’était vraiment trop figé, il n’y avait plus aucune liberté, plus aucune prise d’initiatives et c’est oppressant ». « Y avait-il beaucoup de pression dans cette entreprise ? » : « Il y avait la pression du quotidien mais aussi, et ça je l’ai vécu dans toutes les entreprises dans lesquelles j’ai travaillé à un moment donné, la pression par rapport à la situation financière de la société. J’ai subi un licenciement économique dans ma première société donc là c’est très dur à vivre. Toute l’équipe a été licenciée économiquement. Après, dans la société qui fait les compotes, j’ai subi un changement. Le siège été démobilisé dans une autre région et c’est plus de 200 personnes à qui on a demandé du jour au lendemain de complètement changer de région. C’était l’autre raison pour laquelle je suis partie, en plus de celle d’être enfermée dans une petite boîte très étroite. Comme tout le monde je ne voulais pas du tout aller où on me demandait d’aller. Et là c’est peut être la situation de stress la plus forte que j’ai vécue depuis dix ans que je travaille parce qu’il n’y a que des bruits de couloirs et que les employés commencent à parler entre eux, à entendre des rumeurs et que par contre il n’y a aucune information en interne qui vient de la direction ou de nos supérieurs. On a une sensation de diviser pour mieux régner et de vraiment semer la pagaille, semer le trouble à tous les niveaux sans dire clairement. C’était extrêmement mesquin. Un coup c’est dans quatre ans, un coup c’est à la fin de l’année. Rien n’était dit à l’avance, ça changeait toutes les deux semaines. Et je pense vraiment que c’était pour semer le trouble et pour pousser les
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gens à démissionner plutôt que de les licencier. C’est extrêmement pervers et c’est assez inhumain et là ça génère vraiment beaucoup de stress. Plus personne n’avait envie de travailler, tout le monde a commencé à chercher du travail, tout le monde était parti à cinq heures et demi le soir ». « Comment s’est manifesté le stress chez vous? » : « Il ne s’est pas manifesté au niveau de ma santé. Mais on ne sait pas du tout ce qu’on va devenir : on ne sait pas si on va être licencié, si on va devoir déménager, s’il va falloir chercher un autre travail, c’est l’inconnu. L’impact ça a été dans le travail. On est moins efficace car on a ça en tête, il y a moins de concentration et c’est beaucoup plus compliqué de faire la coupure quand on rentre chez soi ». « Et votre entreprise actuelle à côté de ça ? » : « Pendant deux ans et demi, vraiment ravie de venir travailler ici. On se sent rapidement dans une entreprise portée par des valeurs humaines assez fortes. J’apprécie encore tous les avantages que peuvent apporter la société, de travailler dans de bonnes conditions : d’avoir des fruits bio à disposition tous les jours, des pains au chocolat distribués une fois par mois, un repas bio aussi offert à tous les employés tous les deux mois. C’est des petites attentions mais qui ont vraiment leur importance dans la motivation du quotidien parce qu’on voit qu’on nous porte de l’attention, qu’on n’est pas juste des numéros et surtout qu’on est porté par des valeurs communes. Sur mon poste actuel, j’ai presque atteint un rêve parce que j’aime le marketing mais parce que j’ai toujours été portée par l’écologie. Quand je disais tout à l’heure qu’on pouvait vraiment faire évoluer notre poste en fonction de nos convictions, c’est le cas puisqu’au départ il n’était pas vraiment question qu’il y ait une gamme végétarienne et le PDG, ayant entendu lors de mon entretien d’embauche que j’étais végétarienne, il m’a fait comprendre qu’il serait bien de développer des produits végétariens. Et donc je l’ai fait. C’est là que c’est vraiment différent des autres entreprises. C’est ça le côté vraiment sympa ». � ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL Ambiance et relations au travail : « C’est pas forcément le cas dans tous les services mais notre directeur nous organise régulièrement des repas à l’extérieur. Quand j’étais dans les compotes, on n’avait rien du tout de l’année. C’est mobilisateur de se retrouver en dehors du contexte de travail. Je suis dans une équipe où il y a une bonne ambiance, on a des bonnes relations, on s’entend bien, on est copains-copines. C’est super motivant. Et la différence entre open space et bureaux fermés, c’est le jour et la nuit. Je préfère les open space de très loin. J’ai vécu la situation où on n’était que deux dans le bureau et souvent seule d’ailleurs. Tout est cloisonné, non seulement le poste mais aussi physiquement. Il fallait être fumeur dans cette entreprise pour pouvoir discuter avec ses collègues à la pause cigarette sinon on ne voyait personne de la
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journée. Alors que là, on est dans des bureaux très ouverts : on est huit et les informations circulent beaucoup mieux. On est toujours au courant. Ca crée vraiment des liens ».
Lieu de travail et conditions matérielles : « On a des bâtiments écologiques, des locaux avec des patios, des puits de lumière. Il y a d’autres entreprises où, sincèrement, on s’en fout totalement de savoir si on est bien installé ou pas. On est attentionné envers nous et ça c’est une source de motivation très importante l’air de rien. On passe plus de temps au bureau que chez nous au final donc c’est extrêmement important de se sentir bien ». � RECONNAISSANCE - rétribution symbolique « Vous donne-t-on de la reconnaissance donc votre entreprise actuelle ? » : « Non, pas assez. Pourtant si, par les petites attentions que j’ai citées au départ : les repas, les fruits, les barres de chocolat, etc. Je trouve ça vraiment génial. Par contre, quand on fait quelque chose de bien dans notre travail, c’est là qu’on n’a pas assez de reconnaissance On devrait avoir des challenges pour nous motiver encore plus. Il n’y a pas de carotte quoi ». « En avez-vous besoin ? » : « Sur le terrain, il y a énormément de carottes. On travaille énormément avec les commerciaux qui, eux, gagnent des voitures, des voyages, le Club Med, etc. Je trouve ça vraiment dommage qu’il n’y ait pas d’outils de motivation comme des challenges pour nous pousser encore plus. Et même si on va se donner énormément et qu’on va rentrer tous les soirs à 8h, à aucun moment on va nous dire : "je suis reconnaissant, c’est bien, t’as bien bossé". Venant d’une entreprise américaine en plus, où ils l’ont bien compris, c’est vrai que là ça manque un petit peu ». « Aviez-vous de la reconnaissance avant, dans les autres entreprises dans lesquelles vous avez travaillé ? » : « Dans les compotes françaises, non pas du tout, ils étaient très loin de tout ça. Dans ma première entreprise, l’entreprise américaine, oui. La reconnaissance venait surtout de la confiance que pouvait apporter la hiérarchie. Le travail est plus valorisé dans les entreprises américaines, c’est certain. Le manager est là pour faire progresser, contrairement aux entreprises françaises. En France, le manager veut garder sa place bien au chaud et voit son subordonné comme une menace, comme quelqu’un qui pourrait lui prendre sa place un jour donc il donne moins d’informations, il donne moins de reconnaissance, etc. Quand quelque chose de bien avait été fait, on nous encourageait et on avait aussi des augmentations de salaire de l’ordre de 7%. En France, 3% d’augmentation c’est déjà énorme … Les entreprises américaines ont aussi recours au team building aussi. Elles vont tout faire pour que l’équipe travaille bien ensemble. Dans l’entreprise américaine on nous donnait l’occasion de nous dépasser ».
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� REMUNERATION – rétribution matérielle
« C’est secondaire. Le plus important c’est d’aimer mon travail, d’être motivée par mon travail, d’être plutôt dans une entreprise proche de mes convictions et de mes valeurs. On touche des primes et un variable sur l’objectif quantitatif, mais je trouve ça complètement nul. Avoir un objectif qualitatif, là d’accord, un objectif quantitatif, alors moi ça ne me parle pas du tout, sinon que je vais être complètement démotivée. Sur ma première année, on avait mis des objectifs sous estimés à une collègue parce que c’était un lancement de gamme. Moi j’avais aussi un lancement de gamme mais les objectifs étaient complètement surestimés. Non seulement j’avais pas fixé l’objectif moi-même, on me l’a imposé, et en plus il y avait vraiment une incohérence par rapport à l’objectif de ma collègue. Elle, a touché ses primes tous les mois et moi j’ai rien touché de l’année ». « Ca a créé des rivalités ? » : « Heureusement on s’entend très bien, on est super solidaire, on parle beaucoup et on passe au-dessus de ça. Si on ne s’appréciait pas et qu’il n’y avait pas une super ambiance entre nous, là ça poserait problème ». � ETES-VOUS HEUREUX AU TRAVAIL ? VOUS EPANOUISSEZ-VOU S DANS
VOTRE TRAVAIL ? « Oui ! ».
� EQUILIBRE VIE PERSONNELLE – VIE PROFESSIONNELLE « Ca change beaucoup en vieillissant. C’est ma réflexion du moment. Plus je vieillis et plus j’ai besoin de cet équilibre. Au début, quand on est jeune diplômé, on veut tout donner, on veut s’impliquer et on met sa vie personnelle de côté, on veut montrer de quoi on est capable. Aujourd’hui j’ai moins d’ambition. J’ai envie de passer plus de temps à l’extérieur du travail. Ca m’a sauté aux yeux pour la première fois il y a quelques temps : il y a beaucoup de jeunes mais où sont les gens de plus de 45-50 ans ? Peut-être qu’à cet âge là on recherche plus l’équilibre entre vie perso et vie professionnelle. On presse les gens comme des citrons pour voir jusqu’où ils peuvent aller. Un jour ils en ont marre et partent. C’est le cas d’une de mes proches. Elle a été manager et vendait des assurances vie. Elle avait une équipe sous sa responsabilité. Elle travaillait dans un bureau situé à Rouen. Il a fermé et elle devait aller à Paris. Après 18 ans, elle a refusé. Elle en a eu marre. C’était un métier alimentaire en fait. Elle s’est donc posée la question de ce qu’elle voulait faire et de ce qu’elle aimait vraiment. Elle a toujours aimé écrire et a toujours bien écrit. Elle est donc devenue écrivain public et aujourd’hui elle écrit son propre livre ».
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« Le travail apporte beaucoup d’équilibre pour l’épanouissement personnel. J’ai été au chômage pendant 2 ans et ça a été extrêmement difficile moralement. Je préférais largement subir la pression dans une entreprise. C’est stressant de ne rien avoir à apporter, on a la sensation d’être inutile surtout pendant une longue période comme moi ». � QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE
ENTREPRISE ? « Alors, on a parlé des challenges, des motivations, en dehors du quantitatif et d’être amené à se structurer, d’avoir des vraies stratégies de grande entreprise, de se donner les moyens de ses ambitions ».
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ENTRETIEN N°3
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES : Secteur professionnel : Commerce Bio SCOP (Société coopérative participative) Nombre d’employés : environ 15 Poste de travail : Adjoint responsable Management d’équipe et gestion de rayon
2. ENTRETIEN :
� ORGANISATION DE L’ENTREPRISE Organigramme : Pouvoir : Ce magasin commercialisant des produits bio est membre d’un réseau de magasins. Le pouvoir est indépendant du reste du réseau. Il est décentralisé au sein du réseau et au sein du magasin. « Le gérant est à l’écoute et consulte les équipes pour prendre des décisions ».
Ancienneté : depuis septembre 2005 Sexe : Homme Age : 25 ans Situation familiale : célibataire
Responsable fruits et légumes
Responsable ultrafrais
Responsable épicerie
Responsable épicerie
Responsable boulangerie
Responsable fruits et légumes
Gérant
Gérant Adjoint
binôme binôme binôme Apprent
1e site (depuis1996) 2e site (depuis2008)
Adjoint responsable
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Communication : Il y a une bonne communication entre les différents sites et avec la hiérarchie. « Ce n’est jamais parfait mais pour nous, ça se passe plutôt bien ». « Moi, j’ai de nombreux contacts avec le gérant. Il est à l’écoute et me soutient ». Management : « C’est un management délégatif ». Chacun est autonome dans la gestion de son secteur. � ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Ambiance et relations de travail : « La motivation est plus grande, due à ce type de structure et à l’implication qu’on nous permet d’avoir ». Dans les Scop, les salariés, au bout d’un certain temps et sous certaines conditions, peuvent devenir associés de l’entreprise, c’est-à-dire posséder des parts dans la société. Le fait d’être sociétaire les responsabilise : « on fait en sorte que tout marche dans la boîte et pour cela il faut que l’équipe soit soudée ». Une bonne ambiance de travail « c’est indispensable, c’est hyper important ». Lieu de travail et conditions matérielles : Le lieu de travail est agréable, le magasin est lumineux. � STRESS AU TRAVAIL
« Il m’arrive d’être stressé mais j’ai tendance à me le mettre tout seul. Je pense que le modèle de Scop est propice à un moindre stress. Tout le monde est conscient du chiffre mais on n’a pas de pression dessus ». � CONFIANCE - AUTONOMIE - RESPONSABILITES
« Il y a de la délégation et de la confiance et c’est fondamental. Le gérant est très compréhensif et du coup je me sens très impliqué ».
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� RECONNAISSANCE – rétribution symbolique
« Le fait d’avoir des parts dans la société est une forme importante de reconnaissance, tous ne sont pas sociétaires. Le gérant fait en sorte de nous impliquer » � REMUNERATION - rétribution matérielle « Le plus important c’est que mon travail me plaise ». � DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES « Il y a une bonne écoute des besoins à tous les étages ». Lui, a demandé une formation sur le management qui a été acceptée sans problèmes par le gérant. Les possibilités d’évolution sont réelles. Les salariés sont polyvalents, ce qui leur permet de connaître le fonctionnement du magasin dans sa globalité. Par exemple, les binômes remplacent les responsables lorsqu’ils sont en congés. Quant à lui, le gérant l’accompagne beaucoup depuis le début de sa prise de poste et continue à le faire, même 2 ans après. � ETES-VOUS HEUREUX AU TRAVAIL ? VOUS EPANOUISSEZ-VOU S DANS
VOTRE TRAVAIL ? « Je m’épanouis, j’aime beaucoup mon métier ». � EQUILIBRE VIE PERSONNELLE – VIE PROFESSIONNELLE « Le temps personnel est respecté. C’est important d’avoir du temps à soi, que la vie professionnelle ne vienne pas déborder sur la vie personnelle. C’est nécessaire ». � QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE
ENTREPRISE ? « Ca ne peut pas être parfait, mais le système tel qu’il est me convient ».
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ENTRETIEN N°4
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES :
2. ENTRETIEN :
� ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
Organigramme de l’entité : Pouvoir : « Il est centralisé dans le sens où les décisions viennent du haut de la "pyramide", les marges de manœuvre locales sont limitées ». Communication : « L’équipe communication de l’entité diffuse des mails d'information + affichage + intranet. La communication au niveau du groupe : mails + intranet ».
Secteur professionnel : télécommunications Poste de travail : Chef de projet Nombre d’employés : 1000 personnes dans l’entité / 100 000 dans le groupe Ancienneté : 12 ans dans le groupe
Sexe : Masculin Age : 37 ans Situation familiale : marié, 3 enfants
Direction
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« Y a-t-il une communication autre que écrite et électronique ? » : « Pour mon entité, il y a des visioconférences interactives tous les trois mois réunissant tout le personnel, sur les 10 sites de l’entité. C’est la communication institutionnelle et puis il y a la communication plus informelle à travers des petits déjeuners 2 à 3 fois par an. Tous peuvent se rencontrer et discuter ». Management : « Mon N+1 est le directeur de mon entité et a la particularité de savoir se faire entendre auprès de sa ligne hiérarchique. Il sait trouver le juste milieu pour arriver à ne pas accepter tout ce qu’on lui demande. Il a recours à un subtil dosage ».
� ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Ambiance et relations de travail : « En apparence c'est très convivial (bises entre collègues, sourires, blagues…) mais dans la pratique je trouve que l'état d'esprit est très individualiste, il y a peu voire pas d'esprit d'équipe. J’ai le sentiment que si je ne fais pas l’effort de rentrer dans les bureaux pour dire bonjour, les collègues ne font pas la démarche spontanément. Et quand bien même c’est moi qui vais les voir, les collègues posent peu ou pas de questions. Il n’y a pas de curiosité spontanée sauf s’ils ont besoin de quelque chose. J’ai eu d’autres expériences où on portait plus d’intérêt à l’autre et où on était plus ouvert sur ce que faisaient les autres. Les collègues ne mettaient pas d’œillères le matin en arrivant comme ici. Dans le cadre professionnel, on n’est pas obligé d’être amis mais une vraie attention à l’autre c’est important, on est des êtres humains quoi ». Lieu de travail et conditions matérielles : « Les moyens sont à la hauteur des besoins ». � STRESS AU TRAVAIL
« Avez-vous déjà été confronté des situations stressantes ? » : « Oui, me sentir dépassé (charge, manque d'infos…) et ne pas entrevoir de solution pour sortir de la crise, avec pour toute réponse du N+1 : "c'est normal, on travaille dans une organisation difficile sur des sujets compliqués…". J’ai donc l’impression d’avoir tout faux. Quand c’est permanent on a l’impression de ne plus avoir les pieds qui touchent le sol. Tout le monde a l’air de se complaire dans ce mode de fonctionnement. Donc on a l’impression d’être incompris, d’être dans une impasse donc on appréhende tout nouveau truc qui va
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arriver. Il y avait vraiment une inadéquation entre ce que j'attendais du poste et ce qu'on attendait de moi. Je me suis mis une pression dingue, j'ai pris des engagements que je ne pouvais pas tenir, je n'ai pas réussi à dire non à certaines sollicitations et au bout de quelques temps, j’ai eu la sensation que la situation m'échappait. On devient incapable de faire ce qu’on vous demande et comme les autres ont l’air de bien le vivre on se sent pas à sa place, on se remet en cause. Donc on rentre dans un processus de dévalorisation, de déprime puis de dépression en alternance avec des phases euphoriques. J’ai eu des phases où ça allait mieux et où j’arrivais à prendre du recul. Ca durait quelques semaines et ça recommençait, jusqu’au jour où j’ai eu l’impression que ma femme allait être embarquée dans la même mouvance dépressive que moi. Au niveau du travail, on peut rester des mois dans un état dépressif sans que les gens cherchent à savoir. J’ai fini par aller voir mon médecin généraliste qui m’a arrêté dix jours. Quand je suis revenu, j’ai demandé à changer d’activité. Je ne suis plus en "première ligne " sur mon activité. Je suis en " back office ", je ne subis plus l’urgence donc c’est devenu plus gérable. C’est inhumain de croire que c’est normal d’être mal à l’aise dans son travail. Au début on se dit que c’est te temps de s'habituer à un nouveau contexte. Normalement, le rôle du manager c’est d’accompagner ses collaborateurs. Mon premier manager n'a pas su prendre la mesure de la situation et le suivant a fait ce qu'il a pu pour m'aider à recadrer ». « Avez-vous eu l’envie de partir à cause de cela ? » : « Oui, ça m’a traversé l’esprit. J’ai déjà pensé le soir quand je rentre chez moi en vélo, dévaler la pente et ne pas prendre le virage, foncer droit dans le mur. Le fait de savoir qu’on des enfants et une femme, ça retient ». « Et de partir de la société ? » : « Oui mais j’avais un bureau et un salaire donc j’ai joué la sécurité ». � CONFIANCE - AUTONOMIE - RESPONSABILITES - ASSOCIATI ONS AUX
DECISIONS
« La ligne hiérarchique a accès à l’essentiel des infos en direct, donc pas de vraie délégation, pas de vraie confiance ». « Mon sentiment est d’avoir peu de marge de manœuvre à mon niveau, même si on une grande autonomie dans l’organisation du travail au quotidien.. Je trouve qu’on est vraiment dans une logique de patrons et bons petits soldats qui déroulent sans dire stop. On est dans schéma pyramidal. Il semble que l‘on recrute sciemment des profils qui ne font jamais front et qui déclinent ce qu’on leur demande. Les idées de la base ne sont pas prises en compte, tout descend "d'en haut". Il y a pas peu de coopération entre les équipes ». « Comment le vivez-vous ? » : « Je subis, je fais avec. Il faut savoir s’aménager son espace et se ménager des marges de manœuvres. Il faut arriver à faire des choses suffisamment enthousiasmantes mais parfois avec tous les changements imposés, tout peut voler en éclats. En plus, c’est pas donné à tout le monde de faire ça. Il y a deux types de personnalités. Il y a ceux qui suivent et qui sont
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carriéristes. Ils font du copinage en assurant leurs " arrières " pour mieux grimper. Ils font semblant que tout va bien. Et puis il y a ceux qui aspirent à plus d’interactions entre les gens et là on galère plus parce qu’on est en décalage par rapport à ceux qui suivent le mouvement sans critiquer l’organisation ». � RECONNAISSANCE – rétribution symbolique
« Par rapport à ce que je produis dans le cadre de mon activité professionnelle, il n’y a pas de moments où on compte vraiment sur moi. Que je fasse ou pas, il semble que cela n’ait pas d’impact. Je préfère qu’on me dise que je ne fais pas l’affaire plutôt que cette forme d’hypocrisie où on ne sait pas si on fait bien. On n’a pas de retour sur le travail fourni. Les encouragements et les remerciements sont quasi inexistants » � REMUNERATION – rétribution matérielle
« Ma rémunération est inférieure au "marché" mais ce n’est pas, pour moi, le principal facteur de motivation ». � DEVELOPPEMENT COMPETENCES
« Les formations et apprentissages se font sur le tas. Quant, aux possibilités d’évolution, elles sont existantes à condition de ne pas faire de vague et de servir les intérêts d'un plus haut placé… » � ETES-VOUS HEUREUX AU TRAVAIL ? VOUS EPANOUISSEZ-VOU S DANS
VOTRE TRAVAIL ?
Lorsqu’il est arrivé à ce poste, tout se passait bien pour lui, il se sentait épanoui car très intéressé par ce qu’il faisait. Puis rapidement, il s’est senti dépassé et est tombé dans un état dépressif. Il n’a recommencé à retrouver sens et motivation au travail que lorsqu’il a changé de fonction. L’état d’esprit de son manager actuel est très aidant et le fait d’être devenu représentant du personnel lui a permis d’avancer. « Pourquoi être devenu représentant du personnel ? » : « Je fais partie des personnes qui croient qu'on peut faire bouger les choses dans le sens de meilleures conditions de travail. L'expérience montre qu'en rassemblant des personnes de bonne volonté autour d'un projet commun il est possible de trouver un meilleur compromis. Mais cela demande beaucoup de patience et de conviction»
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EQUILIBRE VIE PERSONNELLE- PROFESSIONNELLE
« Je suis à temps partiel (80% - mercredi avec les enfants). J'ai 2h15 de transport par jour donc j'évite de m'éterniser au travail (9h-19h maximum). J'évite au maximum de travailler dans les transports ou à la maison. Je bénéficie de 9 semaines de congés par an. L’équilibre vie professionnelle – vie personnelle est fondamental ». � QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE
ENTREPRISE « Replacer l'humain au cœur de la richesse de l'entreprise. Valorisons les vrais managers qui savent favoriser le développement des compétences de leurs collaborateurs ! ». « Depuis la médiatisation suite à la vague de suicides dans votre groupe, y a t-il eu des changements dans l’entreprise ? » : « Ce que je retiens et ce qui est novateur c’est qu’on affiche qu’il faut remettre de l’humain eu cœur de l’entreprise. C’est en misant sur le capital humain que l’on peut parvenir à atteindre les objectifs opérationnels. Il y a une réflexion mais On attend encore les déclinaisons concrètes. L’idée, c’est de mettre un peu de souplesse. Il y a eu une médiatisation à outrance. Ce n’est pas sûr qu’il y a eu plus de suicides qu’en 2008 et plus que dans d’autres entreprises mais ça a permis de mettre ce sujet latent sur la table. Ca a libéré la parole. Il y a une prise de conscience de la direction. On arrive à une époque où on admet que la souffrance au travail coûte cher, que ça pèse dans les comptes de l’entreprise et donc qu’il faut réagir ».
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ENTRETIEN N°5
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES :
2. ENTRETIEN : � ORGANISATION DE L’ENTREPRISE Organigramme :
Founder and managing director
GENEVE NEW YORK SAN FRANCISCO Associate & finance
director
Development Production logistics IT & technical production Creative team
Database management
Nombre d’employés : 20 (Siège France
Sexe : Femme Age : 56 ans Situation familiale : célibataire
Secteur professionnel : Evènementiel (Organisation d’événements MICE : meeting, Incentive, Congress, Events)
Poste de travail : Chef de Projet
Ancienneté : 10 ans (depuis la création)
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Pouvoir : « Il est centralisé pour la gestion de l’entreprise, les décisions et dossiers majeurs, mais décentralisé pour les gestions courantes, avec des concertations latérales ». Communication : « Très ouverte dans les échanges courants. Parallèlement, Il y a des réunions ponctuelles. D’autre part, tous les déjeuners sont pris majoritairement ensemble à l’agence, dans l’espace cuisine. Les conversations portent peu sur le travail ; l’idée est de faire une vraie coupure et de se faire rire ! Des cadeaux sont également échangés durant l’année (pour Nöel , des chocolats pour Pâques, du muguet le 1er mai et des gestes spontanés : viennoiseries, bouquet, partage de biscuits, de produits de sa région, etc.) ». Management : « Le management est totalement humain ! La Directrice et son associé sont très à l’écoute de tout ce qui se passe. Quelque soit leur présence à l’agence, ils se veulent toujours joignables ». � ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL Ambiance de travail : « L’ambiance est très conviviale entre tout le monde. Sur ce plan là, le mode de communication est totalement transversal : politesses et humour sont de mises, avec des variantes selon les inspirations et urgences du jour. Parfois des personnes sortent ensemble à l’extérieur. L’ambiance est importante, sa bonne qualité n’est pas une option, elle est capitale pour maintenir une qualité de travail et l’enthousiasme de le réaliser ! L’entraide spontanée ou demandée est fréquente ». Lieu de travail et conditions matérielles : « Le bâtiment, propriété de l’agence, est une maison sur 4 niveaux. Il est très contemporain, épuré et lumineux et entièrement chauffé. La température est variable selon l’étage, et l’exposition. Une femme de ménage fait l’entretien une fois par semaine. Tout le monde a son poste de travail (bureau, ordi, téléphone, lampe, …). Nous avons une cuisine toute équipée pour faire réchauffer ou cuire, micro-ondes, four, frigo et congélateur, lave-vaisselle, machine à café avec choix de capsules, bouilloire, etc.. »
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� STRESS AU TRAVAIL « Les situations stressantes sont très fréquentes, toutes liées à la nature de notre travail dont la barre est très haute : les idées, le rédactionnel et communication en français ou en anglais, les budgets, les négociations avec clients, prestataires et participants, les aléas à gérer (grèves, accidents, malversations, temps catastrophique, hausse brutale carburants, devises, nouvelles formalités exigées par un pays,....), le tout dans des délais les plus courts et sur plusieurs dossiers en simultané. Cette pression est vécue avec une acuité plus ou moins importante, selon la capacité à prendre du recul ». « Ce stress a-t-il des conséquences sur votre santé ? » : «Tout à fait : temps et qualité de sommeil amoindri et relationnel privé plus fermé et barre plus haute : irritabilité, moindre écoute et attentes qualitatives ». « Avez-vous un exemple récent de situation de stress ? » : « Une ex-collègue de 25 ans, impatiente de progresser, remettait en question la responsable de production.... La décision de son licenciement à été prise en concertation entre les « 6 personnes » du haut de la hiérarchie – la Directrice m’en a informée peu après du fait de mon ancienneté. Les Chefs de projet ont été informés de cette décision au moment même où ma collègue l’apprenait en entretien privé avec la Direction. Cette affaire a été choquante pour les chefs de projet qui ont eu l’information à 17h00, avec un départ effectif à 18h00. Cependant, ces récents chefs de projet ignoraient que la collègue était sur la sellette depuis un certain temps (Cf. erreurs professionnelles avec avertissements verbaux puis un très officiel). La technique du « sparadrap » enlevé d’un coup est pour contrer une détérioration de l’ambiance générale, ainsi qu’une gestion des dossiers qui serait devenue aléatoire : autant de facteurs de fragilisation à éviter pour préserver le bon équilibre de l’entreprise ». « Quelle a été la réaction des collègues face à cette annonce ? » : « Dans l’instant, la réaction immédiate a été que chacun s’est projeté avec effroi… Pour ma part, je suis craintive qu’il m’arrive la même chose pour d’autres motifs : - Pour rester compétitifs, nous devons sans cesse faire évoluer notre travail, tant dans la
qualité que la rapidité… - Bataille croissante face à des clients de plus en plus exigeants et de moins en moins
respectueux. - Avec mes nouvelles collègues, j’ai un décalage d’âge de 25 à 35 ans…. Bref, beaucoup de paramètres à gérer et à réactualiser en permanence, c’est usant ! Seuls des jeunes en début de carrière ont le cœur et l’énergie de foncer tête baissée dans cette bataille. Mon apport à l’entreprise ne me semble plus assez pertinent. Il est bon mais de moindre envergure ; pour une même productivité, je prends plus de temps car je n’ai plus envie de me mettre la pression en permanence, je déborde donc sur du temps personnel pour faire ce qui me semble utile. Ma prestation vaut-elle la charge de mon salaire ? Ces interrogations, source de stress, peuvent être assimilées à une souffrance ».
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� CONFIANCE ET AUTONOMIE « Oui, tout comme pour mes collègues. Pour un ensemble d’actions, je suis libre dans les décisions. Je gère mon agenda et mes rendez-vous. Je peux facilement avoir de l’influence sur un projet. La hiérarchie n’intervient qu’en relation avec l’état d’un dossier : tout le monde a intérêt à ce que tout fonctionne ! » � RECONNAISSANCE – rétribution symbolique « Les actions impactantes sont saluées verbalement par la Direction et/ou les collègues, selon le cas. Nous avons une participation aux bénéfices, en fonction des résultats et du poste occupé. Officiellement, il y a globalement respect et estime, comparable à l’ambiance d’une vie en famille ». « La confiance, l’autonomie et la reconnaissance sont-ils des facteurs de motivation pour vous ? » : « Je suis totalement dans la lignée de Maslow. Ma 1ère motivation est le salaire, indispensable pour vivre avec une certaine autonomie. Ma 2nde motivation est de préserver mon emploi, surtout à mon âge et en regard du système français. Associée aux 2 premiers points, la reconnaissance de soi : être appréciée en tant que personnalité et d’être très utile à l’entreprise. Globalement, (le dernier point de Maslow), être reliée à un « réseau » qui est un puissant moteur à titre individuel : maintenir le goût de vivre à travers sa propre utilité aux autres, à travers l’échange d’énergies qui stimule l’envie de se dépasser et de toujours aller de l’avant ! ». � REMUNERATION – rétribution matérielle « C’est important car c’est vital ! Mon salaire est d’un bon niveau comparativement à un poste classique, dans une entreprise classique ». « Est-ce un facteur de motivation ? » : « Absolument mais ce n’est pas le moteur essentiel »
� DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES Formation et apprentissages : « Oui, s’il y a des besoins spécifiques. Par exemple, pour les nouveaux logiciels, les quotas d’heures en anglais au titre de la formation en entreprise, etc. Les autres apprentissages se font en interne : échanges selon les cas et les besoins. Chaque dossier étant différent, c’est l’auto-apprentissage dans la pratique ».
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« Avez-vous des possibilités d’évolution ? » : « Complètement. Le seul frein est la personne elle-même : c’est en fonction de sa personnalité et de ses capacités». � ETES-VOUS HEUREUX AU TRAVAIL ? VOUS EPANOUISSEZ-VOU S DANS
VOTRE TRAVAIL ? « Episodiquement oui, épisodiquement non, c’est en fonction de mes performances : - Cf. résultats positifs sur des dossiers (" bon point " personnel et pour l’entreprise, par
extension " coup de pouce " éphémère sur ma valeur) - Cf. mon propre plan de travail : très bonne réalisation et dans les délais que je me suis
fixé, ou son contraire… - Ambiance générale : si intérieurement je suis dans une phase positive… ou paranoïaque - Bonnes nouvelles relatives à l’entreprise ou son contraire ». « Pour moi, la source provient globalement de l’écologie mentale, qui est d’ailleurs un sujet qui me tient à cœur. Ma conviction : toutes les choses sont reliées, tel un Iceberg qui a une partie visible et l’autre pas : il forme cependant un tout, dont la partie visible n’existerait pas sans la partie invisible. Tout comme l’Iceberg, l’Etre est un univers à lui tout seul : le visible, et tout le reste, invisible. Au travail, il doit conjuguer son propre univers avec celui de tous les autres et tous doivent fonctionner en symbiose, tel un orchestre philarmonique… les couacs sont inévitables tant il y a de sons à harmoniser ! Ceci dit, l’univers de l’Etre mérite un zoom : son mental, comme un « Disque dur », agit en fonction des « logiciels » avec lesquels il a été « paramétré ». Ceux qui auront eu un parcours globalement harmonieux, arriveront à tracer leur route, avec tous les aléas courants de la vie. Ceux dont le parcours à été jalonné de « grumeaux », auront un parcours plus chaotique! L’une des conséquences est la mauvaise estime de soi ou son opposé de défense, la surestime de soi ! Un tel bagage génère fatalement des interférences dans le vécu : perception déformée et comportements ad hoc pas toujours en adéquation avec la réalité ! Ces inadéquations vont créer des hiatus, révélés principalement par un puissant catalyseur : le milieu professionnel (Cf. lieu où une grande majorité d’individus passent 40 ans de leur vie). Comme l’œil de Caen, un Etre en souffrance transportera sa souffrance partout. Même au sein d’une entreprise globalement correcte, il ramera ! Saura t-il identifier les véritables sources de ses souffrances ? Saura t-il se remettre en question ou persistera t-il à imputer globalement tous ses maux à des causes extérieures à lui-même ? Aura-t-il assez d’envergure pour gérer une situation qui ne lui convient pas ? Quoi qu’il en soit, toute structure de vie s’articule autour d’une hiérarchie pyramidale, observable dans tous les règnes : Hominal, animal, végétal, etc. ».
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� EQUILIBRE VIE PERSONNELLE – VIE PROFESSIONNELLE « Environ 80 %. Etant célibataire, mes contraintes sont faibles. Une plus grande disponibilité serait cependant appréciable si je savais mieux gérer mes tâches professionnelles ». � QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE
ENTREPRISE ? « Les améliorations possibles concernent les spécificités de notre domaine professionnel et sinon, que la charge de travail soit plus légère pour tout le monde. Il faudrait alors le double de personnes, ainsi que le double de bénéfices et le double d’espaces : ce serait un retour en arrière d’au moins dix ans… seul le rêve est encore gratuit !!!! »
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ENTRETIEN N°6
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES : Secteur professionnel : Grande Distribution Nombre d’employés : magasin : 21 / société : 8500 Poste de travail : directeur magasin
2. ENTRETIEN :
� ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
Organigramme :
Ancienneté : 9 ans Sexe : Homme Age : 39 ans Situation familiale : marié, 3 enfants
PDG
DG
Directeur d’exploitation
France
Services centraux :
RH, Marketing, Finances,
Comptabilité …
Directeur Opérationnel
Ouest
Directeurs régionaux
Directeurs magasins
Managers des ventes
Coordinateurs de vente
Directeur Opérationnel
Sud
Directeur Opérationnel
Nord
Conseillères de vente
…
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Pouvoir : Le pouvoir est centralisé. La multiplication des lignes hiérarchiques est une bonne chose dans le sens où les supérieurs peuvent « absorber la pression qui est mise en haut » mais « les métiers locaux sont de moins en moins complets, on est de moins en moins autonome et je pense qu’on perd de la compétence. Mais derrière ils sont obligés de faire ça car ils embauchent des jeunes directeurs sans beaucoup de compétence. Avant, notre compétence acquise par notre autonomie nous permettait de nous sortir de n’importe quelle situation difficile ». Communication : La communication se fait par l’envoie de mails et de réunions de région une fois par mois. Ce rythme est « amplement suffisant : moins d’une fois pas mois c’est passez et plus, c’est trop ». « Les réunions c’est bien, ça permet d’échanger et les mails il y en a trop. Quand je suis absent une semaine et que je reviens j’ai entre 150 et 350 messages à lire. On n’a pas besoin de tout ». Lorsqu’il y a des problèmes, les magasins remontent les informations jusqu’à la direction opérationnelle. « Ca monte mais ça ne redescend pas », il n’y a pas de retours. Au niveau du magasin, il y a des réunions magasins : réunions encadrement magasin (REM), des réunions de rayon (RTR) et des réunions d’informations mensuelles (RIM). Le support de cette réunion est déjà prêt (il n’est pas fait par le directeur du magasin). « Mais on ne donne pas de chiffres, on donne des smileys ». Management : « Le management de l’entreprise se veut exigeant et convivial, ça renvoie aux valeurs de l’entreprise. On peut échanger, les choses sont dites simplement. Pour moi, c’est plutôt un management sain et serein » « Au sein du magasin, je pense que le management est plutôt convivial. On sait leur dire quand ça ne va pas et on sait aussi leur dire quand ça va pas. Moi j’ai le sentiment de faire ça ». « Je suis passé par la grande distribution générale et j’ai vu et fait un management qui ne me convenait pas, c’était pas humain ! On t’apprend ça alors à la fin tu le fais. Un jour je me suis posé des questions car il y avait une stagiaire avec qui ça se passait mal, je lui ai dit les choses en " gueulant " et la fille est tombée dans les pommes et là on se dit qu’on est devenu quelqu’un de mauvais ».
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� ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Ambiance et relations de travail : « C’est convivial et plutôt serein ». « Il y a des moments de tension quand l’activité reprend (soldes, rentrées de classes, etc.) et quand on rentre dans l’hiver, les équipes sont fatiguées et le moral n’est pas là. Pendant ces périodes là, il faut faire attention à ce qu’on dit et comment on le dit, il faut être compréhensif. Un bon climat permet les bons échanges et la transparence et l’honnêteté ». Lieu de travail et conditions matérielles Les locaux sont « trop petits » et n’ont pas de fenêtres. Le bureau des managers est très petit et il n’y a qu’un ordinateur pour trois. La salle de la réunion et la salle de repos sont une seule et même pièce. Aujourd’hui, dans la construction des nouveaux magasins, les locaux sociaux sont plus vastes, il ya des salles de réunions, des petites salles pour des entretiens, etc. « Moi, mon bureau est totalement coupé de la vie du magasin. J’avais demandé une vitre dans mon bureau qui donnerait sur le magasin pas pour contrôler les équipes mais pour avoir un regard sur l’activité commerciale et ça a été refusé car trop cher ». � STRESS AU TRAVAIL
« Un exemple de pression ? » : L’axe majeur de cette enseigne est le chiffre d’affaires et la productivité mais « on n’est pas au rendez vous », il est donc demandé aux directeurs de magasins de relever le niveau et d’ouvrir des jours supplémentaires (même dans l’illégalité) et d’augmenter l’amplitude horaire. Un autre exemple : la période de soldes. Il est demandé aux équipes de mettre en place les soldes la veille ; ce qui est quasi irréalisable. Cette décision « est une erreur flagrante mais elle a été prise au nom de la marge ». Ce directeur pense que, finalement, c’est une démarche qui est plus coûteuse que la leur : « au nom de la marge on sacrifie le chiffre et on sacrifie aussi l’énergie et la motivation des équipes ». « Là où j’ai vraiment vécu du stress c’est quand je travaillais dans la grande distribution générale. Je travaillais de 6h à 19h, je n’avais qu’un jour de repos par semaine et le directeur nous parlait mal. Je crois que j’en ai prix un grand enseignement et je sais maintenant prendre du recul ». « Au niveau des équipes, je pense que parfois je peux les stresser mais ce n’est pas mon intention de départ. Il y a une conseillère qui stresse seule, ça peut aller loin, l’année dernière elle était avec sa famille et elle a fait un malaise et une petite attaque. Moi j’essaie de lui montrer qu’il ne faut se stresser comme ça et je lui interdis de ramener du travail chez elle. ».
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� CONFIANCE - AUTONOMIE - RESPONSABILITES
Il explique que l’autonomie est de plus en plus inexistante à cause d’un pouvoir trop centralisé, tout est décidé au sommet et la marge de manœuvre devient très réduite. « Après il faut s’aménager des marges de manœuvre : je fais des formations, j’ai été responsable de la collection femme sur la région, etc. ». « Y a-t-il beaucoup de contrôles ? » : Il y a beaucoup de contrôles : la visite du directeur régional une fois par mois, le contrôle de la mise en place du merchandising tous les trois mois, la visite d’une cliente mystère tous les trois mois, la visite de contrôle d’efficacité commerciale tous les trois mois et depuis peu il faut écrire un compte rendu toutes les semaines sur les tours de rayons faits entre managers et directeur. « C’est trop mais je suis d’accord avec les visites mystères car je en sais pas toujours ce qu’il se passe sur mon magasin ». Les directeurs sont évalués sur toutes ces visites. � RECONNAISSANCE – rétribution symbolique
« Je pense qu’il y en a mais on ne le montre et dit pas assez ». « Au niveau du magasin, je pense donner de la reconnaissance à mes managers en déléguant notamment. Par contre, eux n’en donnent pas assez selon les conseillères. Après, je ne maîtrise pas tout ce que les managers peuvent faire auprès des conseillères, je leur dis mais il faut doser entre le besoin de reconnaissance et ce qui est donné ». � REMUNERATION – rétribution matérielle
C’est important pour lui mais la rémunération et la reconnaissance sont liées. « La reconnaissance passe par des félicitations mais si elle n’est pas accompagnée d’argent, ça ne sert à rien. Quand on fait gagner de l’argent à l’entreprise, c’est normal qu’on nous en donne aussi ». � DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES Formations : Elles sont nombreuses. Tout nouveau manager intègre une école de manager et tout nouveau directeur intègre une école de directeur. De nombreuses formations sont dispensées. Même en poste, les formations continuent. « Il y a, notamment, des formations de développement personnel, ce qu’il n’ya pas dans toutes les boîtes, elles permettent de mieux se connaître pour bien manager ».
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Possibilités d’évolution : Elles sont réelles, un manager prouvant ses compétences peut rapidement devenir directeur. « Les possibilités d’évolutions sont montantes et transversales ».
� ETES-VOUS HEUREUX AU TRAVAIL ? VOUS EPANOUISSEZ-VOU S DANS VOTRE TRAVAIL ?
« J’aime ce que je fais, ça fait quand même 18 ans que je suis dans le commerce. J’aime surtout manager. Après oui et non. L’année dernière je me suis posée la question si je partais, le nouveau directeur régional est plus exigeant, ça me remet en dynamique. Je me lasse, on m’a refusé le métier de directeur régional. C’est vrai qu’il y a des choses que je ne saurais pas faire, par exemple demander aux directeurs magasin des idées alors qu’au final on sait que tout ce qu’on va proposer la réponse va être non … »
� EQUILIBRE VIE PERSONNELLE - PROFESSIONNELLE
« C’est important et je l’ai mais pas dans la grande distribution générale et c’est en parti pour ça que je suis parti. Maintenant je peux profiter de mes enfants, de ma famille ». « Je vais faire partie d’un groupe de travail qui va travailler sur cet équilibre ». � QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE
ENTREPRISE ? « On se développe beaucoup et on nomme des directeurs qui ont peu d’ancienneté et qui ont peu la culture de l’entreprise donc il y a une vraie déperdition des valeurs. Ils ont un manque de savoir faire et de savoir vivre. On a de vraies valeurs qui sont la base du management et de la vie de l’entreprise et il faudrait continuer à les faire vivre ». Les valeurs de cette entreprise sont : convivialité, simplicité, respect, plaisir, confiance, efficacité.
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ENTRETIEN N°7
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES : Secteur professionnel : Industrie nucléaire Nombre d’employés : 640 Poste de travail : Consultant RH Chargée de la conduite du changement et du conseil auprès des managers.
2. ENTRETIEN :
� ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
Pouvoir : « Le pouvoir est faussement décentralisé. L’équipe de Direction est consultée sur tous les sujets, elle doit faire des propositions qui sont remises en cause en public car elles ne correspondent pas au cap imaginé par le directeur ».
Communication : « Communication par l’outil : journal, lettre journal en image, mails, affiches. Cette communication est très peu voire pas du tout relayée par le management ». Management : « On est dans une forme de management productif. Un projet « Qualité de vie au travail » a été créé mais il masque des conditions de travail dégradées du fait des gains de productivité ».
Ancienneté : 13 ans Sexe : Femme Classe d’âge : 36 ans Situation familiale : mariée, 3 enfants
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� ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Ambiance et relations de travail : « Il n’y a pas ou peu de relations. La hiérarchie ne fait pas de terrain dans les endroits « à risque » tel l’atelier. La direction ne dit pas bonjour. Globalement les salariés ne réagissent pas, ils aiment leur travail, sont fiers de leur entreprise mais déplorent le manque de moyen qui leur est alloué pour parvenir aux objectifs fixés par leur hiérarchie. L’ambiance de travail est primordiale mais elle ne dépend pas de la direction ni des RH, l’ambiance de travail dépend du manager de l’équipe et des personnes qui constituent cette équipe ». « Y a-t-il des solidarités, du soutien entre collègues » : « Tout dépend des équipes, en général oui surtout en cas d’aléa technique ou d’absences non remplacées ».
Lieu de travail et conditions matérielles : « Les moyens mis à disposition sont insuffisants pour atteindre les objectifs fixés, le travail "empêché" se répand ». � STRESS AU TRAVAIL
« Les aléas techniques où les mêmes personnes sont toujours sollicitées en raison de leurs compétences, les arrêts d’unité de production tous les étés les empêchant de prendre des vacances, des astreintes très sollicitantes, des décisions non accompagnées… ». « Y a t-il beaucoup de pression, de fortes exigences ? » : « OUI. Un, il faut produire en toute sûreté, ne pas avoir d’impact sur l’environnement et respecter en permanence les règles de conduite et deux, il faut produire de l’électricité pour éviter d’en acheter à l’extérieur, ce qui serait très pénalisant financièrement pour l’entreprise. 1 jour d’arrêt de production = 1,5 millions d’€ en moins pour l ‘entreprise ». « Ce stress a t-il des conséquences sur la santé des salariés ? » : « Burn out, arrêts maladies, prise d’anxiolytiques ». � SENS DU TRAVAIL
« Donne-t–on aux salariés une impression de contribution personnelle ? D’être utile ? D’être impliqué ? » : « Cela dépend des managers mais globalement on assiste à une perte grandissante du sens faute de temps et faute d’exemplarité »
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� CONFIANCE - AUTONOMIE - RESPONSABILITES
« Aucune confiance n’est accordée ». « Laisse-t-on aux salariés une certaine liberté dans leurs décisions ? » : « Cela dépend des métiers, les « experts » peuvent influer sur une prise de décision. Globalement les délégations ne sont pas claires (de même que les missions) de sorte que personne ne prend de décision ». « Y a-t-il un important contrôle de la hiérarchie ? » : « Oui, c’est la direction qui décide en simulant déléguer ». � RECONNAISSANCE – rétribution symbolique
« Les salariés reçoivent – ils aisément encouragements et remerciements lorsque le travail est bien fait ? » : « Non, on notifie plus les fautes qu’on ne valorise les succès ». « Y a-t-il un esprit de respect et d’estime envers les salariés ? » : « Cela dépend des managers ». � REMUNERATION - rétribution matérielle
« Ce n’est pas le facteur prioritaire de motivation. L’intérêt du travail et les conditions de travail me paraissent prioritaires par rapport à la rémunération ». � DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES
« Formations et apprentissages : y en a-t-il ? De quelle manière se matérialisent-ils ? » : « Il y a beaucoup de formation : 50 000 heures par an pour 640 personnes + beaucoup d’apprentis qui sont souvent embauchés à la fin de leur période d’apprentissage » « Y a-t-il des possibilités d’évolution ? » : « Cela dépend des métiers. Pour les métiers au cœur du process, oui mais pour les métiers tertiaires, c’est plus complexe. L’évolution rime souvent avec mutation géographique ». � ETES-VOUS HEUREUX ET VOUS EPANOUISSEZ-VOUS DANS VOTRE
TRAVAIL ?
« Le terme " heureux " est un peu fort je dirais épanoui, intéressé. Le fait d’avoir un travail intéressant est important car cela occupe une grande partie de sa vie. Si le travail est inintéressant, l’ennui gagne ainsi que la démotivation ».
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� EQUILIBRE VIE PERSONNELLE – VIE PROFESSIONNELLE
« L’équilibre existe il est préservé en général mais rompu en cas d’aléa technique ou d’arrêt programmé. L’équilibre vie privée-vie pro résulte de l’accord sur la réduction du temps de travail qui a sensiblement fait changer les mentalités en matière de temps de travail. Toutefois cet accord tend à disparaître au profit de forfaits jours et de pourcentage de temps de travail permettant aux cadres de travailler à domicile. Le risque de ce type de pratiques, sous couvert de vouloir reconnaître le temps de travail des cadres et de rémunérer leurs heures supplémentaires, est de déséquilibrer l’équilibre vie privée – vie pro ». � QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE
ENTREPRISE
« Plus de délégation, ou du moins respecter les délégations existantes Stabiliser les organisations (éviter les réorganisations systématiques) Donner les moyens aux salariés de respecter leurs objectifs Valoriser ce qui fonctionne plutôt que de souligner uniquement ce qui ne fonctionne pas Eviter les contrats d’objectifs par service qui sont cloisonnant et empêchent la solidarité entre services ».
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ENTRETIEN N°8
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES : Secteur professionnel : industrie nucléaire Nombre d’employés : 640 Poste de travail : médecin du travail et membre du groupe de prévention des risques psychosociaux. (Groupe créé dans le cadre d’un accord de branche il y a un an et demi).
2. ENTRETIEN :
� ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
Pouvoir : « Plutôt décentralisé. Il n’y a pas de structure pyramidale hiérarchique franchement apparente. Les décisions sont souvent dictées par les impératifs techniques ». Communication : « Il y a un lien entre les différentes unités mais on a quand même plus l’impression de dispositifs fonctionnant en parallèle qu’en convergence. En ce moment nous sommes en arrêt de tranche [arrêt d’un réacteur pendant 50 jours pour changer le combustible. Cette opération n’a lieu que tous les 3 ans] et l’on peut observer une certaine transversalité de la structure. C’est moins vrai dans la vie courante car chaque service est dans sa logique ». Management : Le management est assez « directif » car le site est soumis à de nombreuses contraintes. « C’est une industrie à risques donc les contraintes règlementaires voire législatives sont nombreuses. On ne fait pas n’importe quoi dans le nucléaire ». Il explique bien que ces normes relèvent davantage d’un problème de société que d’un problème d’entreprise. « La sécurité implique des problèmes. C’est donc une demande de l’environnement social et citoyen ».
Ancienneté : 6 mois Sexe : Homme Age : 58 ans Situation familiale : marié, 2 enfants
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Les problèmes en terme de management, ne relèvent pas directement de la grande direction, même si c’est elle qui décide des grandes orientations, mais plutôt « des petits chefs qui sont souvent plus toxiques que les grands chefs. Ils ont besoin d’affirmer leur autorité. Mais ce phénomène n’est pas spécifique à une entreprise ».
� ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Ambiance et relations de travail : « L’ambiance est plutôt bonne ». Les agents de la centrale nucléaire ont le sentiment d’appartenir à un groupe, à une même enseigne car l’image de l’entreprise est forte. « Les gens appartiennent à la même maison. Le métier se transmet d’ailleurs souvent de père en fils, ce n’est pas par hasard ». « Il y a des solidarités inter-individuelles même si tout le monde dit qu’elles sont moins fortes que dans le passé ». Lieu de travail et conditions matérielles : Les conditions sont bonnes. Par exemple, pendant la période d’arrêt de tranche, période particulièrement stressante, des masseuses sont présentes pour les salariés. De plus, la durée d’intervention pour certaines expositions (la chaleur en particulier) peut être limitée. Cette mesure est liée à la pénibilité et aux risques auxquels l’intervenant est exposé. Le CE de cette entreprise est aussi très développé et est réputé pour ces avantages un peu hors du commun. Les revendications concernent davantage les moyens insuffisants liés à la réduction des effectifs et aux transferts vers la sous-traitance. � STRESS AU TRAVAIL
« On en voit évidemment mais relativement peu. Les médecins du travail sont plutôt chargés de la visite d’aptitude médicale que de la consultation médicale et peuvent donc avoir un certain retard par rapport aux évènements dans ce domaine car les gens qui ne vont pas bien vont plutôt voir leur médecin traitant » (le médecin du travail ne peut délivrer d’ordonnance). Il n’est donc pas toujours facile d’appréhender la difficulté pour le médecin du travail. « Ca passe par un travail relationnel avec les agents qu’il faut amener à se confier ». « Quelles sont les sources de stress liées au travail ? » : Les sources de stress sont nombreuses, elles peuvent être liées au surinvestissement ou encore à la limite de compétences. Le plus stressant pour les salariés ce sont les restructurations permanentes, « c’est mal vécu ». « Il y a des syndromes dépressifs mais c’est plurifactoriel. C’est hasardeux de dire que le travail est l’unique cause, c’est plus compliqué que ça. Tout
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n’est pas tout noir ou tout blanc. Pour des troubles psychiatriques, il y a généralement quelque chose d’autre derrière. Il faut être prudent. Des gens qui vont bien ça existe aussi et ça concerne la majorité des salariés, on stresse plus quand on n’a pas de travail ». « Y a-t-il des conséquences sur la santé ? » : « Oui bien sûr, prenons la définition de la santé de l’OMS (1946) : bien être physique, mental et social. C’est la tête qui commande. Ceci étant, certains souffrent réellement et beaucoup ». � CONFIANCE - AUTONOMIE - RESPONSABILITES
Il y a peu de marge d’initiatives dans l’action du fait des nombreuses normes règlementaires « mais je suis trop peu présent sur le terrain pour en attester ». � RECONNAISSANCE – rétribution symbolique
« Les salariés veulent de la reconnaissance, de la considération, ils se sentent parfois méprisés mais certains font la confusion entre harcèlement et contrainte de travail. Les managers ne sont pas tous des brutes sauvages assoiffés de sang. Ce qui entraîne les problèmes ce sont plus les erreurs que la volonté de nuire ». � REMUNERATION – rétribution matérielle « C’est une forme de reconnaissance non négligeable. Elle donne aux gens la possibilité de vivre, sinon on est vite démobilisé. C’est sans doute un des premiers facteurs de motivation, surtout pour les plus petits salaires. Le deuxième facteur c’est l’envie d’aller travailler et la qualité de ce qu’on fait. Etre content de soi même, l’auto reconnaissance, c’est la première reconnaissance ». � DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES
« Il y a un cycle de formations très important ».
� ETES-VOUS HEUREUX AU TRAVAIL ? VOUS EPANOUISSEZ-VOU S DANS
VOTRE TRAVAIL ? C’est important, « c’est quand même l’image sociale, on est son métier. Ceux qui n’ont pas de travail sont en détresse ».
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� EQUILIBRE VIE PERSONNELLE – VIE PROFESSIONNELLE « Bien sûr que c’est important. Il y a des tas de drames chez des gens trop engagés dans leur travail. C’est difficile mais il faut trouver un juste équilibre, un juste milieu ». � QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE
ENTREPRISE ? « Aucune idée précise ». Les retours qu’il a convergent vers l’idée que les méthodes de management se durcissent de plus en plus. « Il y a trop de gens qui le disent pour que ce ne soit pas vrai ». Mais il explique qu’il est depuis peu dans cette entreprise et qu’il n’a pas encore beaucoup côtoyé le terrain. Il est, pour lui, difficile de fournir des explications tant qu’il n’y a pas d’indicateurs précis sur lesquels se baser. « Ca manque de science, on fait trop au feeling ». Des indicateurs provisoires et des propositions seront fournis fin 2011 par un groupe de travail ad hoc. Ils s’appuieront sur les effets néfastes des exigences au travail et émotionnelles, du manque d’autonomie et de marge de manœuvre, de rapports sociaux compliqués, des conflits de valeur et de l’insécurité de l’emploi. Ce document atteste de l’origine managériale et non médicale de la souffrance au travail.
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ENTRETIEN N°9
1. CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES :
Secteur professionnel : Industrie nucléaire Nombre d’employés : 640 Poste de travail : technicien conduite : surveillance des installations et maitrise des installations déportées Ancienneté : 10 ans
2. ENTRETIEN :
� ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
Pouvoir : « Organigramme avec plusieurs hiérarchiques directs et indirects. Les enjeux et objectifs sont tellement sujets à évolution de carrière que la pression faite sur certains est retransmise sur d’autres ». Communication : « Il y a des fossés volontairement creusés entre les agents du terrain et la ligne managériale des opérateurs mais non voulu ni par les uns ni par les autres ! Du fait d’être en 3/8 et donc décalés, on vie comme en autarcie ! Donc peu de liens avec les autres collègues » « Selon le chef d’exploitation, la communication varie énormément, info non transmise, modifiée, oubliée, mauvaise communication due à des personnes incompétentes pour ce poste ! »
Sexe : Homme Age : 36 ans Situation familiale : marié, deux enfants
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Management : Les méthodes de management sont différentes selon les responsables : « par la carotte : " fait ça et tu auras ceci " avec beaucoup de désillusion ; par la peur : " si tu ne fait pas ça tu n’auras rien " ou par la terreur : " tu vas m’avoir sur le dos si tu ne fais pas ça ! " » � ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Ambiance et relations de travail : L’ambiance peut être conviviale comme oppressante, tout dépend des équipes mais « lorsque l’entente est trop bonne, trop conviviale entre agents de terrain, entre opérateurs ou entre agents de terrain et opérateurs, on force les personnes à se séparer car ce qui soude les personne empêche la direction de diriger l’individu tel un pion ! ». Une bonne ambiance de travail est « très importante car je suis un émotif donc quand ça va je suis du genre à faire rire et à animer et mettre de la bonne humeur dans un groupe ! « Y a-t-il solidarités et du soutien dans votre équipe ? » : « Oui car je crée des liens mais c’est un environnement qui peut être dur et on peut parfois se sentir seul ou incompris. Pleurer au travail m’est arrivé et c’est parfois fréquent mais en cachette. J’ai un collègue a qui cela est arrivé hier, il est cadre depuis peu ».
Lieu de travail et conditions matérielles : « On nous refuse certains conforts alors qu’il est accordé à d’autres services (composés de cadres et faisant du 3/8 uniquement 2 mois par an). Une salle prise sur nos locaux va être aménagée pour eux avec télévision, siège de repos de luxe, etc. et fermée a clés pour ne pas que l’on puisse l’utiliser même les 8 autres mois de l’année alors qu’elle sera non utilisée ! » « L’outil informatique est obligatoire pour notre travail et il est limité au strict minimum. L’accès Internet est réservé aux cadres comme les communications téléphoniques directes avec l’extérieur ». � STRESS AU TRAVAIL
« D’un côté on nous dit de faire attention, de prendre notre temps pour éviter les erreurs (tout le monde s’applique à faire ce qu’il faut) mais lors des arrêts de tranche où l’activité devient importante et où l’objectif temps est le plus important, on nous pousse à faire sauter tous les verrous. Si le travail n’est pas fait rapidement on est un fainéant et si on fait une erreur on nous dit qu’il ne fallait pas aller trop vite. On nous donne plusieurs activités et lors des rapports d’événements le surplus d’activité n’est jamais une cause d’erreur alors qu’il est
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souvent en cause mais là cela revient à remettre en cause l’organisation le management et les effectifs !! ». Les exigences sont conséquentes puisqu’ils doivent réaliser des missions en plus de leur activité principale mais « parfois en dehors de nos compétences ou de notre métier ». Pour affronter au mieux cette contrainte, ce technicien explique qu’il a toujours essayé de choisir ses missions (peu de volontaires) pour ne pas qu’on l’oblige à en faire d’autres qui ne lui conviendraient pas ! « Donc je suis celui qui en cumule le plus mais je les ai choisies ! Enfin, j’ai pas le choix !! » « Ces exigences ont-elles eu des conséquences sur votre santé ? » : « J’ai vécu dans mon ancienne équipe des périodes de déprime et j’ai vu un psy. J’ai changé d’équipe et je retrouve un chef qui n’est pas à la hauteur de son poste, qui n’écoute aucun conseil. Il y a trop de postes où le management est important et peu de personnes douées pour cela ! » � SENS DU TRAVAIL
« Avez-vous l’impression d’être utile ? » : « Non, je travaille pour moi, pour mes collègues, pour le sentiment de faire un boulot propre, sinon pour le service ou le groupe non car les récompenses et l’argent va toujours aux mêmes et le " foutage de gueule" est flagrant : on n’atteint même pas la moyenne de l’intéressement !! On nous fait croire à des annonces d’augmentation dans la presse à 4,5% mais la réalité est toute autre, on touche 1,2% et le reste est partagé en avancement (grosse partie pour les cadres). De toute façon il y a, dans cette entreprise, un cadre pour 2 agents de maitrise et exécution et une redistribution des augmentations tous les 1 ou 2 ans pour le premier tiers et 5 ans ou plus pour les deux tiers restant ! » � CONFIANCE – AUTONOMIE – RESPONSABILITES
Il explique que la délégation existe mais que les « lauriers » vont toujours aux encadrant et jamais à, eux, les opérationnels, responsables du bon travail effectué. Certains « chefs » récompensent les performances en donnant davantage de travail. Il ironise en rajoutant « pardon, en accordant une confiance pour réaliser des missions importantes ». « La confiance n’existe plus qu’avec les personnes que je connais, je n’ai aucune confiance dans mes supérieurs : trop de constats de mensonges, de manipulation et d’acharnement sur certains individu. Les décisions discutées et prises avec le responsable peuvent être remises en cause aussitôt après et être changées par le simple fait que le directeur en ait décidé autrement ». « Subissez-vous un fort contrôle de la hiérarchie ? » :
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« Selon les objectifs : réduction des pauses, des congés, ou du nombre de remplacements sans justification sinon la volonté simple de la direction ou du chef de service, la plupart du temps pour un gain pécunier ». � RECONNAISSANCE – rétribution symbolique
« Nous avons de la reconnaissance entre agents bien intentionnés et bien élevés oui, sinon un global " bravo vous avez bien travaillé" dans un texte générique mais on n’a pas d’enveloppe quand on atteint des objectifs et souvent pas la carotte promis au niveau avancement ou carrière ». � REMUNERATION – rétribution matérielle « Le salaire est mon facteur de motivation principal, surtout que pour le même travail il y a des différences de 50% parfois de paye et que rien n’est fait pour homogénéiser cela ! Il y a parfois des récompenses, des voyages, des cadeaux qui peuvent permettre l’implication sur certaines missions, cela commence à arriver ». � DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES
« Nous avons beaucoup d’obligations de stages inutiles ne concernant pas notre métier direct et on n’a souvent pas de réponses pour les stages souhaités ». « Avez- vous des possibilités d’évolution ? » : « Une seule, passant par le poste d’opérateur. Les autres services sont difficiles pour nous du fait de notre spécificité technique surtout que les effectifs sont toujours à la baisse. D’ailleurs, le chef de service empêche les mutations en les retardant au maximum : 3 ans en moyenne et 4 à 5 ans pour certains départs ! ».
� ETES-VOUS HEUREUX AU TRAVAIL ? VOUS EPANOUISSEZ-VOU S DANS
VOTRE TRAVAIL ? « Je n’aime pas mon travail mais je le fais avec sérieux, je le fais pour mon salaire. Ma progression pécuniaire n’est pas fulgurante mais grâce aux 3/8 je gagne bien ma vie. J’aime mes collègues et j’aime bien vivre à mon travail, je m’y implique mais parfois devant la bêtise répétée et la sourde oreille de notre direction j’ai envie de me révolter. Je ne le ferai plus car on me l’a déjà fait regretter par le passé ! Je n’ai aucun espoir de carrière car le poste obligatoire pour progresser (opérateur) demande beaucoup d’investissement et de sacrifices pour l’avoir (formation longue de 2 à 3ans) et après avec un des salaires les moins bien payés pour ce poste (un opérateur aux USA touche 50% de plus et environ 40% en Belgique).
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C’est un travail sous payé au vu des exigences et de la mise à niveau constante et permanente ».
� EQUILIBRE VIE PERSONNELLE - PROFESSIONNELLE
« J’ai du mal à ne pas rentrer chez moi défait si mon moral a été miné au travail. Ma femme et mes enfants m’ont vu pleurer par le passé. J’essaye aujourd’hui de faire fis et de soutenir mes collègues qui craquent ! » � QUELLES AMELIORATIONS PROPOSERIEZ-VOUS POUR VOTRE
ENTREPRISE ? « Beaucoup de choses ont été créées pour soit disant régler et gérer ces problèmes mais pour m’être confié et avoir vu un rapport édifiant utilisant et modifiant les dires et servant mettre à l’index des collègues, cela ne sert a rien ! Quand on veut des résultats dans un domaine, il faut le déconnecter des autres, on ne peut parler de productivité, de bien être au travail ou de rendement quand on a en tête que le retour immédiat sur investissement. Le retour c’est sur le long terme, ça ne se chiffre pas précisément et pas à la seconde où on engage quelque chose ! Quand on veut un dialogue et que les conclusions sont déjà écrites, on se fait avoir une fois à parler, deux fois et après on se lasse !! A tous les postes aujourd’hui on a des économistes, des personnes obsédées du chiffre. Comment alors avoir une personne humaine (un manager) qui ne voit pas qu’un numéro lorsqu’une personne est assise en face de lui et lui confie sa détresse en espérant qu’une solution va lui être apportée, une aide ou juste une écoute ? »
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