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P. PAVANI / AFP Géomètre n° 2040 septembre 2007 29 La sécurité haute précision Métrologie et auscultation d’ouvrages 28 Géomètre n° 2040 septembre 2007 Le dossier du mois Michel Kasser La métrologie est omniprésente sur les grands chantiers. Ici le viaduc de Millau.

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Géomètre n° 2040 • septembre 2007 • 29

La sécurité haute précision

Métrologie et auscultation d’ouvrages

28 • Géomètre n° 2040 • septembre 2007

Le dossier du moisMichel Kasser

La métrologie est

omniprésente sur les

grands chantiers.

Ici le viaduc de Millau.

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Le terme de métrologie, dansle milieu professionnel desgéomètres et du BTP,

évoque tout d’abord l’ensembledes méthodes qui, depuis tou-jours, ont été mises en œuvre enappui à la construction desouvrages d’art et des bâtimentsdivers. A ce titre, on trouve destraces de métrologie depuis lahaute Antiquité. En effet, aucungrand bâtiment ou ouvragehydraulique n’a jamais pu sepasser de nivellement de préci-sion. Plus récemment, au coursdu XXe siècle, les techniques deconstruction dans le BTP se sontenrichies de quantités deméthodes nouvelles (le termeutilisé étant ici celui d’ausculta -tion) parfois extrêmement har-dies et proches des limites phy-siques des matériaux utilisés, cequi a progressivement amené lesmaîtres d’ouvrages à se poserdes questions sur l’évolutiondans le temps de ces structures.Que faire face à ce problème?Une simple inspection visuelle alongtemps été la réponse princi-pale : les matériaux employés se

fissurent en cas de contraintesexcessives, ce qui peut se repé-rer assez facilement. Mais cer-tains ouvrages ne permettent pasce type d’inspection à cause deleurs dimensions ou de leurstechniques de construction. Parexemple, lorsque les premièrescentrales nucléaires ont étéconstruites, les tours aéroréfrigé-rantes ont été conçues sans anti-ciper des inspections futures.Une fois les échafaudages reti-rés, il n’y avait plus aucunmoyen d’accéder aux surfaces,sauf à utiliser les services trèscoûteux d’alpinistes. Or, cesstructures ont présenté progressi-vement les signes normaux defatigue mécanique du bétonarmé, et il a alors été souhaitéqu’on puisse s’assurer que riend’anormal ne se passait, l’idéeétant évidemment de détecterdes éléments inquiétants bienavant que quelque chose de gra-ve ne se produise. Les mêmesconsidérations se sont retrou-vées pour des ponts suspendus,puis des immeubles de grandehauteur : la technique a permis

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ages La surveillance

dans le tempsdes altérations

Ailes d’avions, barrages, sites industriels, centralesnucléaires... Autant d’ouvrages qui nécessitent unsuivi des déformations, par mesure de sécurité. Siles équipements sont d’une grande précision, leurutilisation réclame une extrême rigueur.

Michel Kasser, directeur de l’ENSG

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de les construire, mais il a falluplusieurs décennies pour qu’unecertaine sagesse apparaisse chezles maîtres d’ouvrage et qu’ilsincluent la métrologie dans leprocessus même de conceptionet de suivi du vieillissement.

Vers les outils les plusprécis de géomètres

Comment cette métrologie a-t-elle été conçue? Dans les années1950 et 1960, il s’est agi de fairele plus précis possible avec lesoutils existants, presque sansaucun développement technolo-gique spécifique. S’agissant demesures géométriques sur desdistances assez importantes(quelques dizaines, voire cen -

taines de mètres), les outils demesure des mécaniciens (lesseuls habitués au centième demillimètre à cette époque)n’étaient plus adaptés : les plusgrandes machines à mesurer tridi-mensionnelles ne dépassaientpas un champ de quelquesmètres et ne pouvaient absolu-ment pas être déplaçées. Trèsnaturellement, la demande demétrologie s’est donc tournéevers les outils les plus précis degéomètres, qui étaient ceuxutilisés depuis longtemps pour lesmesures géodésiques : théodo-lites (simples d’emploi et extrê-mement précis) et mesures dedistances avec des fils ou rubansinvar étalonnés avec soin. C’estainsi qu’une unité pionnière a étécréée durant les années 1950 à

la direction de la géodésie àl’IGN, celle des TS (travauxspéciaux), qui s’est attachée àdévelopper les méthodologiesadaptées et à compléter lessavoirs et les matériels requis.Matériels de centrage forcé trèsprécis, matériels annexes de trèshaute précision (cibles, embases,cannes de centrage, trépiedslourds, etc.). Un des chantiersparticulièrement emblématiquede cette démarche a été concré-tisé par le travail du regretté JeanGervaise, issu des TS, pour mettreen place toute la métrologie ultra-précise requise par le premiersynchrotron du Cern (Organisa-tion européenne pour larecherche nu cléaire), suivi par denombreuses autres ex périences,toutes extrêmement exi - ➤➤

Les activités de métrologie,que ce soit pour des ouvragesd’art ou pour des applicationsindustrielles, sont fondamen-talement stressantes et extrê-mement exigeantes. Mais lescabinets qui les pratiquent lesprésentent toujours commepassionnantes, pleinesd’imprévus et aux antipodesd’une routine monotone. En revanche, si les risquessont nombreux, le fait de lesassumer permet en contre-partie de dégager des margesplus confortables que dansd’autres domaines de latopométrie. Les évolutionsrécentes ont montré que lademande avait de bonneschances de continuer àaugmenter. Les cabinets quis’y engagent ont toutes lesraisons possibles pourdévelopper une politique dequalité totale. Dans denombreux cas, une certifica-tion est même devenuenécessaire. C’est un métierdirectement voisin de celuides géomètres-experts, quipousse au maximum un deleurs domaines de compé-tences techniques ; ilspeuvent donc aisémentdécider de s’y consacrerpourvu qu’ils consententl’investissement nécessaire, en termes de matériels biensûr, mais aussi et surtout enmatière de formation de leur personnel.

Aéroréfrigérants de

la centrale nucléaire

de Saint-Laurent-des-

Eaux (Loir-et-Cher).

Métrologie et auscultation d’ouvrages

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geantes en termes de préci-sion. Les TS avaient été conçuscomme une extension descapacités de l’IGN en matière degéodésie en vue d’explorer denouveaux marchés et de valoriserles investissements de l’Etat dansce secteur tout en rendant desservices innovants. Les décennies suivantes ont vuprogressivement les choseschanger dans plusieurs directions.On a assisté à quelques dévelop-pement de matériels spécifique-ment adaptés à la métrologie :centrages forcés mécaniquesnormalisés et industrialisés,centrages optiques de hauteprécision, appareils électro-niques de mesure de distancespécifiquement destinés à lamétrologie (très haute précision,courte portée).

La démocratisation de la haute précision

Les matériels «normaux» degéomètre ont intégré progressi-vement ces technologies permet-tant la haute précision, avec unimpact de plus en plus modérésur leurs prix. Les géomètres ontainsi pu choisir d’acquérir pourleurs travaux courants desmatériels, certes un peu pluschers, mais qui leur permettentoccasionnellement de traiter deschantiers de métrologie, sans enfaire leur spécialité. Cettedémocratisation de la hauteprécision a beaucoup facilitél’ouverture de ce marché, initia-lement «de niche».L’activité de métrologie a étéintégrée dans un nombre crois-sant de cabinets de géomètres-experts, au fur et à mesure de lacroissance des débouchés.Certaines sociétés se sont mêmespécialisées dans ce domaine,intégrant en outre des techniquesissues de la photogrammétrie.Les maîtres d’ouvrages ont, euxaussi, progressivement inté gréles besoins futurs de métrologiede leurs bâtiments de plus

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Les théodolites et tachéomètres électroniquesLa mesure d’angles obtenue peutatteindre une précision de l’ordre de1mm ou 2mm à 1km de distance.Sur des distances de quelquesdizaines de mètres, on dispose doncd’une précision sans équivalent dansd’autres techniques, pourvu que lescentrages soient de même niveau deprécision. En outre, lorsque cestachéomètres ont pu être motorisés, ilsont permis le suivi régulier de groupesparfois importants de réflecteurs fixéssur un ouvrage, ce qui permet alorsun suivi temporel très précis de lagéométrie d’un groupe de points.

Les moyens de centrage Ils sont essentiels et doivent permettrede centrer divers appareils et leursaccessoires avec une précision del’ordre de 0,01mm, ce qui ne va pasde soi. Beaucoup de ces matériels decentrage forcé sont d’ailleurs issus desdéveloppements menés aux TS del’IGN et surtout ensuite au Cern, tantles besoins de métrologie de très hauteprécision sur un grand nombre depoints y ont été intenses. Les centragesdes accessoires sont critiques euxaussi, ce qui est parfois oublié decertains praticiens : réflecteurs, cibles,etc., doivent eux aussi avoir un excen-trement, sinon nul du moins connu,ce qui différencie les matériels detopométrie courante de ceux qualifiéspour la métrologie, même si leursaspects externes sont rigoureusementsemblables. Et ces accessoires devien-nent alors passablement onéreux,d’autant plus que le nombre requispeut s’avérer important pour traiterconvenablement un chantier.

Tachéomètres électroniques,fils ou rubans invarOn peut établir les mesures dedistances avec certains tachéomètresélectroniques bien étalonnés lorsquela précision du millimètre estsuffisante ; ces mesures peuvent aussi,encore aujourd’hui, être basées sur

des fils ou des rubans invar si lesdistances ne sont pas trop impor-tantes. La mesure des distances atoujours été comparativement lemaillon faible des chantiers de métro-logie, avec un modèle d’erreur bienmoins favorable que celui de lamesure d’angles. Mais, comme il fautaussi quelques distances pour mettre àl’échelle des micro-triangulations, c’estune partie inévitable.

Les matériels de photogrammétrieIls ont beaucoup évolué et un secteurcomplet, la métrologie photogrammé-trique, a été développé à partir deceux-ci. Dans un premier temps, ils’agissait du «ré-emploi» de technolo-gies classiques sur des chantiers parti-culiers (l’IGN a là aussi été pionnieravec son unité de travaux spéciauxphotogrammétriques dès les années1960) : contrôles de formes de grossespièces de fonderie ou de chaudron-nerie, mesure d’objets de patrimoinecomme des statues, des éléments debâtiments, etc. Puis, l’imagerie

numérique est arrivée et les dévelop-pements qui ont suivi ont ouvert denombreuses possibilités nouvelles, quise sont avérées être tout à faitadaptées à des opérations de métro-logie, tout particulièrement pour desouvrages sur lesquels il n’est pas aiséd’aller disposer des cibles ou desréflecteurs.

Les scanners laserPlus récemment, les scanners laseront apporté leur contribution àcertains chantiers en complément, ouen remplacement, de solutions photo-grammétriques, car ils ouvrent laporte à des mesures presque entemps réel, sans avoir besoin dedisposer des cibles ou des marqueurssur l’ouvrage. Il faut rappeler quedisposer des cibles n’est pas uneopération neutre : outre la difficultétechnique, et donc les coûts pourcertaines configurations, il fautsignaler leur impact psychologique,parfois difficile à gérer, lorsque ilapparaît ainsi publiquement qu’unouvrage est sous surveillance.

Des matériels et des mesures

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Les tours modernes de La Défense, l’antique pont du Gard et le barrage de Roselend, des ouvrages qui nécessitentune auscultation récurrente...

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Matériel courantUn ou plusieurs tachéomètres dehaute précision, éventuellementmotorisés. Particularité de cet investis-sement ? Il s’agit d’un matériel quin’est pas spécialisé et qui peut bienévidemment servir à tous les travauxclassiques d’un géomètre-expert. Enmatière de précision, qui peut le pluspeut le moins, et un tachéomètreultra-précis n’est pas plus compliquéd’emploi qu’un appareil plus courant,quand il est utilisé avec des procé-dures classiques. Il n’y a donc qu’unsurcoût limité à amortir si les activitésde métrologie n’assurent pas le pleinemploi du matériel.

Matériel spécifiquePar exemple : centrales de mesures,logiciels d’acquisition, mais aussimatériels de centrages de haute préci-sion et les accessoires nécessaires. Cetinvestissement peut s’élever à desmontants non négligeables. En

revanche, il ne pourra guère être réuti-lisé sur des chantiers courants car ils’agit de matériels fragiles, de simpleschocs d’apparence anodins pouvantfaire perdre la qualité de leur centrageet donc leur précision.

Savoir-faire technique des personnelsIl s’agit d’une partie absolumentfondamentale du dispositif permettantà l’entreprise de fournir une prestationde qualité. Ce savoir-faire est trèsparticulier, peu répandu et pas néces-sairement facile à acquérir. Les écolesd’ingénieur en géomatique fournissenten général un bon aperçu desproblèmes à maîtriser, mais bienévidemment pas la pratique corres-pondante. Or, la métrologie estbeaucoup affaire d’expérience,complétée d’une réelle virtuosité enmatière de calculs, tant pour menerdes simulations avant chantier quepour extraire le maximum d’éléments

des mesures réelles, pour évaluer laprécision réellement obtenue et semettre en position de pouvoir garantirles résultats. Il ne s’agit pas de savoiruniquement se servir de logiciels dumarché, il faut aussi savoir exactementce qui se passe à l’intérieur, ce qui estgénéralement difficile, sinon presqueimpossible, sauf pour des réutilisationsde logiciels en open source. Idéale-ment, l’entreprise devrait disposerd’outils logiciels dont elle puissegarantir complètement le fonctionne-ment. En pratique, même si laprogrammation de compensations parmoindres carrés n’est pas un exploit,on peut regretter que bien peu s’yrisquent, ce qui conduit à ne disposerque de plus en plus rarement del’ensemble de l’expertise requise dansl’entreprise, en s’en remettant defaçon aveugle à des éditeurs delogiciels. Or, si l’expertise de cesderniers est rarement prise en défaut,on se trouve souvent en manqued’informations détaillées sur ce quefait réellement chaque programme.Sous couvert de confidentialité dedéveloppements industriels se cachesouvent en réalité une certaineparesse en matière de communica-tion, compliquée par de réelles diffé-rences de culture scientifique entre lesexperts ayant développé les logicielset ceux les utilisant. On est parfoissurpris de constater, dans le domainede sciences pourtant extrêmementrigoureuses comme les mathéma-tiques, les statistiques, ou simplementles différentes branches de la géoma-tique, à quel point les termestechniques sont difficiles à traduire etsouffrent de véritables différencesculturelles. Ces considérations rappel-lent que le savoir-faire technique despersonnels est un investissementprioritaire, qu’il est d’ailleurs probable-ment la partie la plus onéreuse dudispositif, et aussi la partie la plusfragile.

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en plus en amont de saconception, et ont accepté d’yconsacrer une dépense crois-sante.Les tendances actuelles de lamétrologie sont issues des possi-bilités offertes par les dévelop-pements matériels (lire l’articlepage 32), très bien industrialisés,et par les moyens modernes decalcul et de communication dedonnées. La métrologie aujour-d’hui est très sollicitée pourfournir la géométrie desouvrages, certes, mais aussi etsurtout son évolution temporelle,avec parfois des fréquences demesure se rapprochant du tempsréel. L’exemple du métrod’Amsterdam est tout à faittypique, avec un ensemble demesures sur toute une zonepouvant être affectée par desaffaissements liés au chantier, etceci chaque heure : plus de 70tachéomètres motorisés visent enpermanence plus de 5 000réflecteurs depuis près de cinqans ; un chantier emblématiquedes attentes actuelles des maîtresd’ouvrage dans ce domaine (lireaussi page 42).Parmi les autres tendances, il fautnoter l’importance de la métro-logie comme ensemble demesures de paramètres acquis enmême temps que d’autres parfois

très différents (température,vitesse du vent, ensoleillement),mais aussi de nombreusesmesures in situ obtenues sur descapteurs locaux (jauges decontrainte, inclinomètres, etc.).Ce qui permet en théorie uneconnaissance très complète du«fonctionnement» intime del’ouvrage face à des phéno-mènes externes. La logique estalors d’exploiter ces mesures parréférence aux déformationsattendues, issues de modèles decomportement établis par lesbureaux d’études. Mais la massede données acquises devienttelle qu’il faut aussi développerun système expert, indispensablepour assister le maître d’ouvragedans ce déluge de mesures.

Simuler les processus de mesure

La métrologie devient ainsi undes outils de ce système expertauquel elle participe, sans plus.La valeur ajoutée étant apportéelors de la synthèse des donnéesacquises, il devient alors essen-tiel de savoir garantir la fiabilitéet, plus simplement, la «qualité»des données au sens des normesIso. Ceci requiert alors de fournirune véritable expertise lors de la

conception des processus demesure, et il est désormais trèsfréquent que le client demandeune simulation numérique àl’appui des descriptifs dessolutions proposées. Du reste,pour l’entreprise exécutante,cette simulation est presquetoujours nécessaire pour dimen-sionner correctement lesmesures à effectuer.Il est essentiel de mentionner lecaractère critique que revêtactuellement le processus demaîtrise de la qualité en matièrede métrologie : les enjeux desrésultats des mesures sontsouvent très importants comptetenu des incidences écono-miques d’un ouvrage dont lesdéformations sont jugées dange-reuses. Dans de telles conditions,il faut s’assurer contre tousrisques de fournir des faux résul-tats. Les clients demandentd’ailleurs de plus en plus souventune certification de leur fournis-seur et une copie des documentsqualité est requise lors de laréponse aux appels d’offres.Enfin, il faut souligner l’impor -tance qu’a revêtu, dans ledomaine de la métrologie,l’arrêté du 16 septembre 2003relatif aux spécifications deslevés (lire Géomètre n°1999,décembre 2003). Ce texte permetdésormais de spécifier de façonbien adaptée les levés de trèshaute précision, en utilisant lanotion d’erreur interne et lescalculs en conséquence. Le texteaide aussi à spécifier lesmodalités pratiques de contrôleet de recette technique de ceslevés, et les textes d’accompa -gnement ont bien montrécombien les matériels employésne suffisaient pas à eux seuls àidentifier la précision atteinte. Unmême matériel, selon la procé-dure adoptée (avec donc descoûts de mise en œuvre diffé-rents), ne donne pas la mêmeprécision, sans même évoquerici la plus ou moins grandeadresse manuelle des opérateursimpliqués...

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Le savoir-faire, investissement prioritaire des cabinets

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Les marchés du domaine sont assez divers. Il serait d’ailleurs sansdoute utile de disposer d’une étude de marché régulière afind’orienter de façon efficace les investissements. De quelle naturesont-ils ? De matériels et de savoir-faire, trois sous-ensemblespeuvent être définis.

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Une foreuse de tunnel

nécessite un positionne-

ment d’une extrême

précision.

Indispensable : la formation continue.

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Le suivi de remblais, de mursAutre exemple, dans un type dechantiers assez ressemblantsmais qui font intervenir destechniques différentes et moinsclassiques : le suivi de remblais,de murs en maçonnerie ou enterre armée. Ici, on peut parfoissuivre l’altimétrie de repères,parfois aussi leur planimétrieselon le type de configuration,et l’emploi du tachéomètre estalors le plus indiqué comptetenu de l’accessibilité despoints. A noter que, lorsque lamatérialisation avec des repèrespose problème (sols peucohérents, difficultés d’accès),les levés au laser terrestre, ou aumoins avec un tachéomètrecapable de mesures dedistances sans réflecteur,peuvent donner des résultatstrès satisfaisants. Quelquesmilliers de points avec un écart-type d’un centimètre peuventpermettre de déceler un mouve-ment d’ensemble sur un versantinstable, un talus, un mur enterre armée, etc., sans matériali-sation des points mesurés. Detels marchés sont généralementliés à des travaux pour des voiesrapides nouvelles, avecbeaucoup de remblais-déblais,mais aussi pour des routes dansdes terrains avec des pentesfortes. Pour ce cas, comme pourle précédent, il pourra s’agir demarchés récurrents, se prolon-geant sur plusieurs années,donc assez faciles à gérerpuisque sans contraintes calen-daires particulières.

Le contrôle de grandsouvrages routiersPlus spécifique comme travail,le contrôle de ponts suspendus,de viaducs, ou autres grandsouvrages routiers assez large-ment déformables selon lacharge, le vent, etc. Il s’agit detravaux beaucoup plusspéciaux, chaque cas étantparticulier. Une ingénierie préli-minaire, parfois très complexe,

doit être mise en œuvre pouroptimiser les mesures à effec-tuer en fonction des besoinsprécis, pas toujours faciles àspécifier. Il est souhaitabled’être proche de la maîtrised’ouvrage avant que l’appeld’offres ne soit rédigé, afind’aider à sa rédaction. Sinon, laformalisation des besoins peutconduire à des spécificationsirréalistes, ou inutilementprécises, engendrant des coûtstrop élevés pour ceux qui tente-raient de les respecter, sansparler de la distorsion deconcurrence avec ceux qui neles respecteraient pas en les«interprétant» à leur façon. Il ya donc une place pour desprestations de pure assistance àla maîtrise d’ouvrage. Làencore, ce type de chantierspeut être récurrent sur plusieursannées. En revanche, il n’estpas rare qu’il y ait des impéra-tifs extrêmement forts de planifi-cation, pas toujours faciles àfaire coexister avec les autresactivités de l’entreprise. Parexemple pour un pontsuspendu qui est soumis à desessais en charge, il est hors dequestion, au moment critique,de se trouver avec des «person-nels clés» malades ou unmatériel de mesure essentiel enpanne... Bien entendu, de tellessujétions et de tels risquespermettent en contrepartie desmarges mieux rémunérées.

Les ouvrages à hautsrisquesLes ouvrages dont la sécurité esttrès critique et dont la déforma-tion attendue est faible:barrages, centrales nucléaires. Iciencore, chaque cas est un casd’espèce, mais la norme en lamatière est d’être le plus précispossible et d’apporter unegarantie absolue sur les résultats.Tous les moyens techniquespossibles pourront être proposés,tant avec des méthodes topomé-triques qu’avec d’autres moyensannexes. Citons par exemple lesméthodes utilisantl’interférométrie radar pourdisposer d’une meilleureconnaissance des mouvementsdes terrains environnants, et ainsides zones où il est logiqued’aller implanter des repères deréférence. Dans de tels cadres,une certification est de plus enplus indispensable, tant lesenjeux économiques liés à unemauvaise métrologie peuventêtre graves. En revanche, lescalendriers d’exécution desmesures ne sont pas nécessaire-ment très contraignants.

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Les contrôles de routine de petitsouvrages d’artL’exemple le plus fréquent estcelui de ponts sur routes ouautoroutes. Il s’agit de casd’emploi assez typiques de latopométrie classique dugéomètre-expert, qui doitcependant être employée avecle plus de précision possible.Classiquement, un certainnombre de repères de nivelle-

ment sont installés ; en repre-nant l’exemple du pont, ils sontplacés sur le tablier, sur lespiliers, sur les culées... Parfois,quelques repères sont installésloin de l’ouvrage pour servir deréférence. On se pose alors laquestion –hélas sans fin– de lastabilité de cette référence ; unindice fort de réponse étantdonné par la stabilité relativede plusieurs de ces repères, s’ily en a plusieurs (et un profes-

sionnel prudent ne répondrapas de cette stabilité s’il n’y apas au moins deux repères). Latechnique normale étant icicelle du nivellement (dont laprécision ultime reste impres-sionnante par comparaisonavec tout autre méthode,même maintenant), l’emploid’un niveau et de mires dehaute précision en invar estnécessaire. Un certain savoir-faire est également indispen-sable, l’instrumentationmoderne n’empêchant pascomplètement toutes les fautespossibles, malgré les perfec-tionnements étonnants apportéspar l’électronique et la lectureautomatique : mires dont lanivelle est mal réglée (lesmesures seront fausses etpourtant la fermeture altimé-trique sera bonne), porte-mirenégligent (mire tenue plus oumoins verticale, crapauds malstabilisés), opérateur peuattentif (niveau mal réglé –çaarrive toujours, même avec lesniveaux électroniques actuels–et inégalités significatives entreles portées).Prudence; il s’agit detechniques ultra-classiques maisil faut les employer avec unevraie expertise, sinon la préci-sion nominale du matériel n’estpas atteinte. Il n’est d’ailleurspas rare de trouver des person-nels non géomètres quiessayent d’utiliser eux-mêmesde tels matériels (qui ne sontpas tellement onéreux) :l’impression de sécurité qui sedégage est trompeuse et onpourra les surprendre à malemployer ces matériels, entoute bonne foi de leur part.On ne s’improvise pasgéomètre...

Métrologie et auscultation d’ouvrages

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TOUR D’HORIZON DES TRAVAUXLES PLUS COURANTSMichel Kasser, directeur de l’ENSG

La métrologie est, par essence, une affaire de cas particuliers, c’est cequi fait son intérêt. Mais, en même temps, c’est ce qui est à l’origine desrisques encourus ; une réelle expertise technique de très haut niveau estdonc toujours nécessaire, depuis la négociation technico-commerciale(il faut bien spécifier le besoin mais aussi bien évaluer les risques) jusqu’auxmesures et aux calculs finaux. Voici quelques éléments d’une liste nonlimitative des marchés actuellement significatifs.

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Le barrage de Puylaurent

et la centrale nucléaire

de Nogent-sur-Seine.

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la plupart du temps la protec-tion de voies de communica-tion, que les contraintesgéographiques forcent à passeren contrebas de versantsparfois dangereux, ou lecontrôle à long terme de zonesparfois habitées et souslesquelles des galeries ont étéabandonnées. Ces surveillancess’analysent très bien selon lesmodèles précédemmentdécrits, avec des contraintesmoindres. Pour les glissementsde terrain, la fréquence desmesures peut être très ralentiedans la plupart des cas et, pourles subsidences minières, ils’agit des mesures de nivelle-ment, d’interférométrie radar,voire de mesures GPS, maissans que le temps réel soit demise. Les contraintes dechantier sont donc faibles,seule l’absolue maîtrise deserreurs reste indispensable. Cestypes de risques sont générale-ment supervisés par une exper-tise issue de l’équipement(laboratoires des Ponts-et-chaussées en particulier), et leBRGM est également unopérateur très actif dudomaine. Mais il est fréquentque les dispositifs de mesuregéométrique soient mis enœuvre par des géomètres-experts ; il existe donc de réelsmarchés dans ce domaine.

Le suivi d’éléments souscontraintesLa mesure de déformations depièces de grandes dimensionssous contraintes avec, pourexemple souvent cité, desmesures faites sur des ailesd’avion lors d’essais statiquesou dynamiques. En fait, cessituations se rencontrent aussipour d’autres secteurs. Il s’agitde marchés très spécialisés etles points essentiels ici sont lamaîtrise de la précision réelle etla capacité de mesurer encontinu. Les résultats sont inter-prétés par les bureaux d’études,la seule valeur ajoutée apportée

par le prestataire de serviceconcerne encore sa capacité àgarantir la valeur réelle del’erreur sur la mesure, ce quin’est pas un exercice toujoursaisé dans les conditionsconcrètes de travail. Il estsouvent demandé de réagir trèsrapidement, ce qui n’est bienévidemment pas propice à desréflexions approfondies, maisqui permet alors de valoriserl’expérience acquise.

La géométrie d’objets degrandes dimensionsLa mesure de la géométriedétaillée de zones complexes,ou d’objets de grandes dimen-sions, où la mesure précise du«tel que construit» est critique.On rencontre ce genre dedemandes par exemple dansdes chantiers navals, lorsqu’unnavire ou une plate-formepétrolière est construit enplusieurs sections. Des mesuresavant les opérations de raccor-dement sont alors indispen-

sables pour que l’aboutage sepasse bien. On rencontre aussice cas lorsqu’il faut intervenirsur un volume limité danslequel transitent de trèsnombreuses tuyauteries, parexemple pour en ajouter une.On se pose alors la question desavoir comment, dans unespace très encombré, il fautfaire pour ajouter cet élémentnouveau. Un cas extrêmeconsiste même à traiter ce casde figure dans un environne-ment hostile, par exemple unezone de centrale nucléaire oùles rayonnements rendent quasiimpossible un travail humain. Ils’agit alors d’effectuer toutes lesmesures en utilisant un systèmerobotisé ou piloté à distance.Les mesures géométriquesdétaillées de tels environne-ments deviennent assez diffi-ciles à mener, mais elles sebasent sur des techniques demétrologie classique, parmilesquelles le levé laser est deplus en plus utilisé.

Métrologie et auscultation d’ouvrages

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Les installations industriellesLorsque des machines requiè-rent un positionnement trèsprécis, lorsque des chemins deroulement doivent être parfaite-ment alignés, etc., que ce soitpour des installations initiales,ou pour des contentieux. LeCern est un excellent exemplede ce type de cas, les besoinsexprimés par les physiciensayant toujours été extrêmementexigeants, avec des centaines demachines à positionner, parfoismieux qu’au dixième de milli-mètre, sur plusieurs kilomètres...Un extraordinaire challenge quia été régulièrement réussidepuis plus de trente ans, avecdes moyens expérimentaux etpionniers en la matière, qui ontensuite été repris un peu partoutdans le monde. Dans lesmilieux industriels «normaux»,le vrai problème est à peu prèstoujours celui des spécificationsréelles. La plupart du temps,elles sont exprimées par despersonnes ayant une culture demécaniciens, et ne sont pasvraiment réalistes pour des situa-tions impliquant des dimensionsde plusieurs dizaines, voirecentaines de mètres. Dans ceregistre, un recalage sur lestermes techniques de l’arrêté de2003 (lire Géomètre n°1999,

décembre 2003) est de nature àbien faciliter les négociations.Ce sont des domaines oùl’expertise est souvent difficile àexpliquer, mais dans lesquelschaque cas est encore un casd’espèce. Une excellentemaîtrise de l’analyse d’erreursest ici indispensable car il fautgénéralement pouvoir donnerdes conclusions opposables àdes tiers, et ne donnant pasprise à des contestationsultérieures.

Les surveillances de surface pour des travauxsouterrainsMétros, tunnels, tous travauxqui se programment de plus enplus souvent dans nos sociétésurbanisées, dans lesquelles lefoncier devient tellement cherqu’il est préférable de passer envoirie souterraine. Ces chantiersmobilisent des financementsconsidérables, avec des impactssociétaux très complexes. Ceciengendre un besoin de rigueuret de tenue des délais enmatière de déroulement duchantier, qui a lui seul justifieune métrologie soignée. Enoutre, le risque de voir tous lesriverains réclamer la remise enétat de leurs bâtiments pour lamoindre fissure visible, et pasnécessairement liée au chantier,

rend hautement souhaitable lefait de pouvoir opposer desmesures objectives à toutesdemandes. On arrive ainsi à unsuivi géométrique en temps réelde milliers de points (lirel’exemple du métrod’Amsterdam page 42),éventuellement contrôlé par unorganisme tiers afin de coupercourt à des demandes indues.Ces mesures permettent aussiau responsable du chantier desavoir à temps s’il se passequelque chose d’imprévu dansle comportement des couchesgéologiques concernées, depetites déformations pouvantservir de précurseurs à desévénement catastrophiques(fontis, effondrements...) quientraîneraient au minimum descoûts importants, au pire desvictimes. Cette métrologie trèssophistiquée exige des finance-ments importants, quis’expriment volontiers commeun pourcentage du coût totalde l’ouvrage. Alors qu’il y avingt ans on ne dépassait querarement 0,1% du coût total enmétrologie, actuellementcertains chantiers atteignent4%, ce qui est signe de lamaturité des relations entre leBTP et la métrologie. La miseau point et l’exploitation dedispositifs de mesure ne sontsouvent pas suffisantes, il y ades réseaux de données àétablir, un systèmed’information temps réel, desastreintes de surveillance, etc.,qui rendent logique et trèsproductive une associationsolide entre le géomètre-expertet un industriel connexe auBTP, chacun restant maître deson domaine d’expertise.

Le suivi de risques géologiquesTant naturels (glissements deterrain) que d’origine anthro-pique (par exemple la dépriseminière, suite à l’abandon demines ou de carrières en find’exploitation). Les enjeux sont

Métrologie et auscultation d’ouvrages

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LEIC

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Assemblage des pièces

de l’Airbus A320

à Toulouse.

Les technologies de

pointe permettent une

précision au dixième

de micron.

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eux.» Cependant, le théodolite de base,si précis soit-il, ne suffit plus. Les grandsmarchés nécessitent des laserpoursuite, avec un fort investissementde départ puisque l’entrée de gammese fait à 100000 euros (le double il ya quelques années). Mais ce type dematériel permet une mesure en tempsréel très précise. Le laser suit un réflec-teur intégré sur la pièce à contrôlerpour dire instantanément si tout sepasse comme prévu. Les inconvénientssont le poids, de l’ordre de 200kg, etl’exigence d’un espace suffisant. «Enfait, sur un grand chantier, il n’y a riend’acquis, aucune technique unique»,précise Laurent Blanc. Souvent il faut,au cas pas cas, s’adapter. La vidéo-grammétrie par exemple permet uncontrôle au soixantième de seconde, ens’affranchissant des vibrations. Ce quipeut être un atout sur un sol instable.Il faut également les logiciels adaptés.«Il en existe dans le commerce, maisils ne peuvent pas tout résoudre. Parexemple, lorsque nous intervenons surles couvercles des centrales nucléaires,nous avons développé notre proprelogiciel pour permettre une action très

rapide, en intégrant les données dedosimétrie pour éviter d’exposer lespersonnels.» Aller vite et respecter uneprécision de l’ordre du dixième de milli-mètre, tel est le challenge.

La base Iso, mais bien au-delà...

Sur un plan pratique, ce genre dedossier nécessite un fort travail enamont. Avec notamment une phased’étude qui permet de bien cerner leprojet, de définir les outils à y consa-crer et les procédures à faire intervenir.Il faut souvent aider le donneur d’ordrespour qu’il exprime ses attentes, sescontraintes, sa demande de précision...Vient ensuite l’étude de faisabilité,parfois des tests grandeur nature surcertaines pièces. Lorsque le profes-sionnel débarque sur le chantier, cen’est donc que l’aboutissement denombreuses étapes préalables.En métrologie industrielle, chaquechantier a sa particularité. Pour leprojet LHC du Cern, il a fallu contrôlerla géométrie des aimants avant de les

descendre dans le tunnel et de vérifierleur positionnement millimétrique.Pour le télescope au Chili, la précisiondemandée était un écart de forme d’undixième de millimètre sur une parabolede 12m de diamètre. A l’arrivée, l’écartn’était que de 37 microns... «Ce qui estintéressant sur ces chantiers, c’est que,souvent, nous travaillons sur un proto-type, et qu’il y a ensuite un retourd’expérience», explique Laurent Blanc.Pour les grands chantiers industriels,quelles sont les garanties réclamées parles donneurs d’ordres? «Pour notrepart, nous ne sommes pas qualifiés Iso»explique Laurent Blanc. «Nos donneursd’ordres nous l’imposent d’autantmoins qu’ils ont souvent des exigencessupplémentaires. Par exemple, pournos chantiers avec EDF, nous sommesaudités sur la base Iso mais bien au-delà, pour être habilités à travailler enmilieu nucléaire. L’important ce n’estpas la norme de base, mais le fait derépondre exactement aux exigences denos clients. C’est ce qui est passionnantau quotidien.»

Michel Ravelet

Métrologie et auscultation d’ouvrages

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Quand un cabinet degéomètres-experts développel’essentiel de son activitéautour de la métrologie industrielle, l’erreur est interdite.

De nombreux cabinets de géo-mètres-experts ont développéune activité de niche en métro-

logie, souvent avec un ou plusieursclients qui, au fil des années, tissent desliens étroits avec le professionnel. C’estégalement le cas pour la surveillanced’ouvrages.En revanche, d’autres ont développéune véritable spécialisation. Certainessociétés se sont développées sur cecréneau, avec à la clé une présence trèsimportante sur la plupart des grandsprojets industriels.Pour Laurent Blanc, géomètre-expertDPLG, responsable la société Setis,installé à Grenoble, des activités en cedomaine (douze personnes dont troisingénieurs), il faut en fait distinguer lesactivités de topométrie industrielle de

celles de la métrologie dimensionnelle.Si, pour les premières, il s’agit d’unemise en œuvre classique du métier debase du géomètre-expert, avec desprécisions de l’ordre du millimètre,pour les secondes la précision estfréquemment de l’ordre du dixième demillimètre. «Les deux activités sontréellement distinctes. C’est évidem-ment dans la métrologie industrielleque les exigences sont les plus grandeset surtout que les enjeux économiquessont les plus importants, et qu’il n’y aaucun droit à l’erreur», explique-t-il.Les chantiers industriels nécessitentfréquemment une précision absolue.Assemblage de l’A380, centralesnucléaires, projet LHC du Cern,chantier Alma de radiotélescope auChili, laser méga joule près deBordeaux pour remplacer les essaisnucléaires en Polynésie, autant de réali-sations sur lesquelles Laurent Blanc etson équipe sont intervenus. Sur ce typede chantier, une seule personne estgénéralement détachée. L’important estde travailler en temps réel. «Legéomètre-expert ou le contrôleur est

intégré dans les process d’assemblage.Il intervient donc en binôme avecl’équipe de mécaniciens et donne sesconsignes. L’ennui c’est que, trèssouvent, son intervention n’est pasintégrée dans les plannings, ce qui créeune pression supplémentaire.» Pasquestion de faire attendre une chaînede montage, de stopper un haut-fourneau ou de bloquer une centralenucléaire. «Tout le monde sur unchantier nous attend : monteur, fraiseur,mécanicien. Nous n’avons pas le droità l’erreur mais il nous faut aussi savoirdire stop. C’est une particularité decette activité par rapport aux tâchesplus classiques du géomètre-expert.Nous n’avons pas le temps de faire lescorrections nécessaires au cabinet. Ilfaut agir immédiatement, sur lechantier.»

Un fort investissement au départ

Setis, par exemple, travaille beaucoupavec EDF (Areva) sur les centralesnucléaires, étant associée à unprogramme national de remplacementdes couvercles des cuves. Ce quiconsiste essentiellement à guider leséquipes techniques pour régler les railsde ces couvercles, le plus souvent enmilieu sinon hostile du moins dange-reux. Il faut aller vite, et ne pas setromper, avec une précision en tempsréel au dixième de millimètre...«L’avantage de ce type de chantier c’estque ce sont nos outils qui vont vers lapièce à contrôler. Travailler sur site estbeaucoup plus intéressant que de fairedes essais en salle blanche.»Décrocher de tels marchés n’est paschose facile. «C’est l’association desoutils classiques du géomètre-expert,par exemple le théodolite, et del’informatique, qui nous permetd’intervenir. Mais les donneurs d’ordresne s’attendent pas à nous avoir devant

Certains cabinets sont spécialisésdans les chantiers spectaculaires

Métrologie et auscultation d’ouvrages

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Après la Seconde Guerre mon-diale, la ville d’Amsterdam(Pays-Bas) disposait d’un réseau

de tramway bien conçu mais qui nesortait pas des limites d’avant-guerrede la ville. La municipalité décidadonc, comme c’était l’usage àl’époque dans beaucoup de paysd’Europe, de remplacer le tramwaypar un métro souterrain. Ce choixdevait permettre de relier de manièreefficace les banlieues au centre-ville.La première ligne ne fut inauguréequ’en 1977 et c’est en 2004 que futouverte la dernière section.Dans une ville déjà quadrillée par denombreux canaux, la surveillanced’éventuels affaissements de terrain etl’auscultation des bâtiments de surfacesont impératives. Les moyens mis enœuvre étaient donc importants (lire ci-contre).Ci-dessus, une station totale motoriséeet l’implantation de réflecteurs sur unimmeuble.

La surveillance horaire des travauxdu métro d’Amsterdam

Métrologie et auscultation d’ouvrages

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La figure ci-dessus montre la répartition typique des figures élémentaires desurveillance, avec les cibles visées et les sites des stations totales : certaines ciblessont visées par deux stations, et un calcul complet en bloc par moindres carrésest mené à la fin de chaque cycle de mesures, c’est-à-dire chaque heure. Cecipermet d’informer avec très peu de délai les responsables du chantier si desmouvements inattendus apparaissent sur les bâtiments, et évite ainsi toute évolu-tion néfaste liée au chantier. Une organisation informatique particulièrementétudiée permet tous les niveaux de gestion, depuis le suivi temporel de chaquepoint jusqu’à des synthèses plus ou moins complexes, avec bien entendu la totalitédes plans d’implantation des réflecteurs immédiatement accessibles.

Longueur du projet : 3,8km; 74 systèmes Cyclops (tachéomètres motorisés) ; 24h/24, 7 j /7, 5375 cibles ; 174 sondages (de 12m à 74m de profondeur) ; 1422 inclinomètres et 741 extensomètres ; 86 PC ; 4030 repères de nivellement ; Jusqu’à 75 cibles par station totale ; Distances de 3m à 100m.

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