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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ À
L'UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À TROIS-RIVIÈRES
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN PSYCHOLOGIE
PAR
RENÉEPROULX
LA CAPACITÉ D'ÉVALUER LES COMPÉTENCES
DÉVELOPPEMENT ALES DE L'ENFANT
CHEZ LES MÈRES NÉGLIGENTES
SEPTEMBRE 1994
Université du Québec à Trois-Rivières
Service de la bibliothèque
Avertissement
L’auteur de ce mémoire ou de cette thèse a autorisé l’Université du Québec à Trois-Rivières à diffuser, à des fins non lucratives, une copie de son mémoire ou de sa thèse.
Cette diffusion n’entraîne pas une renonciation de la part de l’auteur à ses droits de propriété intellectuelle, incluant le droit d’auteur, sur ce mémoire ou cette thèse. Notamment, la reproduction ou la publication de la totalité ou d’une partie importante de ce mémoire ou de cette thèse requiert son autorisation.
Sommaire
La maltraitance est un problème qui, depuis une vingtaine d'années, fait l'objet de
plusieurs recherches. Parmi les résultats obtenus jusqu'à présent, on constate que les
parents maltraitants nourrissent des attentes irréalistes face à leurs enfants (Herzog et al.,
1992; Houck et King, 1989; Steele, 1987; Larrance et Twentyman, 1983; Twentyman et
Plotkin, 1982). Si quelques études ont mesuré les connaissances que possèdent les
parents maltraitants quant au développement des enfants (Azar, Robinson, Hekirnian et
Twentyman, 1984; Kravitz et Driscoll, 1983; Twentyman et Plotkin, 1982), aucune
d'entre elles n'a cherché à savoir comment ces parents évaluent les compétences
développementales actuelles de leur propre enfant. Cette recherche vise donc à connaître
la capacité des parents maltraitants, les mères négligentes plus spécifiquement, à évaluer
les compétences développementales que possède leur enfant. Nous avons voulu savoir
s'il existe des différences quant aux secteurs de développement qui sont évalués et si
certaines caractéristiques propres à l'enfant, à la mère ou à la famille influencent la
compétence des mères négligentes à évaluer le développement de leur enfant. Notre
échantillon est composé de 17 enfants et de leur mère qui a fait l'objet d'un signalement au
CPEJ pour négligence. Cette recherche s'inscrit dans le cadre d'un vaste projet
d'intervention auprès des familles négligentes de la région 04 qui est mené par le Groupe
de recherche en développement de l'enfant et de la famille (GREDEF) de l'Université du
Québec à Trois-Rivières. Les résultats montrent que les mères qui composent notre
échantillon surestiment les compétences développementales de leur enfant pour les
secteurs de la motricité, de l'autonomie, du langage et des connaissances. Par ailleurs,
lorsqu'elles ont à situer le niveau de développement auquel fonctionne leur enfant, dans
chacun des cinq secteurs de développement étudiés (en situant l'enfant «dans la
moyenne», «en avance» ou «en retard» comparativement aux autres enfants de son âge),
elles le font relativement bien en ce qui concerne la motricité, le graphisme et les
connaissances. On observe, toutefois, qu'elles surestiment le niveau de développement
langagier de leur enfant et qu'elles sous-estiment son niveau d'autonomie. Pourtant, les
enfants négligés affichent un retard au niveau du langage tandis que l'autonomie est le
secteur pour lequel ils sont le plus développés. Les résultats révèlent également que les
mères négligentes surestiment davantage les compétences développementales des garçons
que celles des filles ; que plus l'enfant est âgé ou encore, que plus elles-mêmes sont âgées,
moins elles commettent d'erreurs en évaluant leur enfant; qu'elles évaluent légèrement
mieux l'aîné de deux de leurs enfants que le cadet; que les mères chez qui la négligence est
associée à des mauvais traitements physiques n'ont pas tendance à surestimer le
développement de leur enfant; que les mères vivant dans une petite agglomération évaluent
leur enfant avec moins d'exactitude que le font les mères vivant dans une grande ville.
Nos résultats mettent en lumière l'importance d'intervenir sur la capacité des mères
négligentes à identifier les compétences développementales et les besoins de leur enfant. TI
serait important d'amener les mères négligentes à être plus attentives aux divers aspects du
développement de leur enfant, à valoriser ce dernier dans ses compétences et à stimuler les
sphères de développement où il présente des difficultés. Le manque d'acuité des mères
négligentes à évaluer le développement de leur enfant pourrait jouer un rôle dans la
négligence.
TABLE DES MATIERES
LISTE DES TABLEAUX........................................................... li
INTRODUCTION ............................. ........ ........ ....................... 1
CHAPITRE 1: CONTEXTE THÉORIQUE.... ................................... 6
PHÉNOMENE DE LA NÉGLIGENCE.... .... .......... .......... ........... 7 Description . ~e ,la nég!ig~nce...................... .......... .............. .. ..... 7 Facteurs relIes a la negllgence................................................... 8 Impact de la maltraitance sur le développement de l'enfant.................. 10
THÉORIES DU DÉVELOPPEMENT DE L'ENFANT...................... 13 Théorie du développement psychosexuel de Freud................. .. ........ 16 Théorie du développement psychosocial d'Erikson........................... 18 Théorie du développement cognitif de Piaget........................ ...... .... 21 Théorie du développement psycho-affectif de Wallon........................ 22 Théorie du développement psychomoteur de Gesell...... ........ ............ 26 Quelques mesures du développement de l'enfant.............................. 30
CONNAISSANCES DES PARENTS DE LA POPULATION GÉNÉRALE CONCERNANT LE DÉVLEOPPEMENT DE L'ENFANT....................... . ... ............ . ................ .......... ...... 33 Sources d'informations utilisées par les parents.... ........ .... ............... 33 Impact des connaissances et des croyances parentales sur le développement de l'enfant..................................................... 35 Insruments de mesure des connaissances parentales quant au développement de 1'enfant............................................ ........ 37 Connaissances des parents concernant le développement de l'enfant............ ... ......... .... .. ......... ... ........................ ... ..... 40
CONNAISSANCES ET ATTENTES DES PARENTS MALTRAITANTS CONCERNANT LE DÉVELOPPEMENT DE L'ENFANT................................ ................................. ... 43
HYPOTHESES DE RECHERCHE............................................ 51 Hypothèse générale................................................. ...... ... .. ... 51 Hypothèses complémentaires.................................................... 51 Hypothèses exploratoires. .......... .............. ........... ............. ...... .. 52
Il
CHAPITRE 2: MÉTHODE.. ......................................................... 55
ÉCHANTILLON................................................................. 56
INSTRUMENTS................................................................. 61
DÉROULEMENT DE L'EXPÉRIENCE.. ....... ........... .......... .... .... 65
PRÉ-EXPÉRIMENTATION.................................................... 67
CHAPITRE 3: RÉSULTATS........................................................ 73
ANALYSE DES DONNÉES.................................................... 74 Analyse des données en lien avec les hypothèses principales de la recherche....................................................... 74 Analyse des données en lien avec les hypothèses exploratoires.... ............ .... .... ..... ........ .............. ....... .... ......... 77
PRÉSENTATION DES RÉSULTATS... ... ................... ........ ........ 78
CHAPITRE 4: DISCUSSION ............ .. ......... ..................... ..... ... .... 92
CHAPITRE 5: CONCLUSION .................................................. .... 110
RÉFÉRENCES ......................................................................... 116
APPENDICE .............................................. .. ...................... . ..... 127
~rotocole du questionnaire Evaluation du développement de l'enfant . ..... ... .... ... .. .. ...... .. .... .... 128
LISTE DES TABLEAUX
Tableau
1 Résumé des conduites propres à chaque stade du développement psychosexuel selon Freud................................ ................ .... ...... 17
2 Résumé des conduites propres à chaque stade du développement socio-affectif selon Erikson.. .. ....................... ... ................ ..... ..... 20
3 Résumé des acquisitions et des conduites propres à chaque stade du développement cognitif telles que décrites par Piaget.. .......... ........ .. ...... 23
4 Résumé des conduites propres à chaque stade de développement psycho-affectif selon Wallon................... .......... .. ...... . ................. 25
5 Résumé des comportements propres à chaque stade du développement psycho-moteur selon Gesell.. .................................... .... ... .. ......... 28
6 De~cripti~n des principales mesures du développement de l'enfant d'âge prescolaire............. . ............... . . . .. . ....... .. ....... . ................ . ... .. .. 31
7 Caractéristiques démographiques des familles étudiées.... ..................... 58
8 Caractéristiques des familles où deux enfants sont ciblés par la recherche.... 59
9 Caractéristiques démographiques des enfants étudiés................ ........... 60
10 Comparaison entre les compétences développementales évaluées par les mères et celles évaluées par l'expérimentateur .. .... ........... 79
Il Quotients de .dé~eloppement m~yens des enfants et niveaux de dévelop-pement estimes par les meres................ ....................... ....... .. ....... 81
12 Comparaison de l'évaluation des mères quant aux compétences dévelop-pementales des filles et des garçons ..... .. .................... .... ................. 82
13 Comparaison de l'évaluation des mères quant aux niveaux de dévelop-pement des filles et des garçons...... ................ .................. ............ 84
14 Comparaison des quotients de développement obtenus par les filles et les garçons ...... .. ........... .. .. .. ............................ .. ............ 85
15 Relation entre l'âge des enfants et le nombre d'erreurs commises par les mères à l'évaluation de leurs compétences et de leurs niveaux de développement... .. ..... ..... .. . . ..... .. .. ...... .. ... ..... ..... ..... .. .. ...... ....... 86
16 Comparaison de l'évaluation que font les mères quant à leurs deux enfants .. . . .. ... . ............. . . . .. . . .......... .... .. . ... ..... . . .. . ... . .. . ....... 87
III
17 Comparaison entre l'évaluation de l'expérimentateur et celle des mères chez qui la négligence est associée à des mauvais traitements... ... .... 89
18 Relation entre l'âge des mères et le nombre d'erreurs commises à l'évaluation des compétences et des niveaux de développement de leur enfant. .... .. .. .. .. . .... .. .... .. .... . .... . ..... . ... . ..... .. ...... . .. ..... ... ... . .. . 90
IV
Remerciements
L'auteure désire remercier tout spécialement Mme Colette Jourdan
Ionescu, sa directrice et professeure à l'Université du Québec à Trois
Rivières, pour son soutien, sa disponiblité, sa sensibilité et son sens de
l'humour; tant de qualités qui ont su se manifester tout au long de ce
projet et qui ont fait en sorte que celui-ci soit une expérience
grandissante.
L'auteure désire également remercier M. Rémi Coderre et M. Danis
Page au qui, à diverses étapes du projet, ont fourni un support technique
grandement apprécié.
Merci enfin à toute l'équipe du GREDEF ainsi qu'aux intervenants des
CPEJ de Trois-Rivières, Shawinigan, Drurnrnondville et Victoriaville,
qui ont rendu possible la réalisation de ce projet.
Introduction
La présente recherche s'inscrit dans le cadre d'un vaste projet d'intervention du
Groupe de recherche en développement de l'enfant et de la famille (GREDEF), de
l'Université du Québec à Trois-Rivières, auprès de familles maltraitantes de la région 04.
Ce projet, réalisé en collaboration avec les Centres de Protection de l'Enfance et de la
Jeunesse (CPEJ) de la région, consiste à offrir diverses sources de soutien (par exemple,
un groupe de thérapie et une famille soutien) à des familles qui ont fait l'objet d'un
signalement pour négligence. Les parents participent à ce programme d'intervention,
d'une durée de dix-huit mois, sur une base volontaire.
Toutefois, comme la recherche actuelle ne vise pas à connaître les effets du
programme d'intervention proposé par le GREDEF, notre échantillon est composé des
familles négligentes constituant le groupe témoin de ce programme. Ce sont donc des
familles qui ont, elles aussi, fait l'objet d'un signalement au CPEJ pour négligence, qui
ont été évaluées par le GREDEF, mais qui reçoivent plutôt les services traditionnels offerts
par le CPEJ.
Cette recherche a pour but de connaître la capacité qu'ont les mères négligentes
d'évaluer les compétences développementales actuelles de leur enfant ainsi que le niveau
de développement que possède ce dernier pour chacune des sphères de développement
suivantes: motricité, autonomie, graphisme, langage et connaissances. Le choix de
n'étudier que les mères s'explique par l'absence fréquente du père ou d'un conjoint stable
au sein de ces familles.
3
Nous constatons que plusieurs auteurs ont affirmé que les parents maltraitants
nourrissent des attentes irréalistes face à leur enfant (Herzog, Gara et Rosenberg, 1992;
Houck et King, 1989; Steele, 1987; Larrance et Twentyman, 1983; Twentyman et
Plotkin, 1982; Spinetta, 1978; Spinetta et Rigler, 1972; Steele et Pollock, 1968). Ils
expliquent cette situation tantôt par un manque de connaissances relatif aux besoins de
l'enfant (Herrenkohl, Herrenkohl et Egolf, 1983; Polansky et Chalmers, 1981), tantôt par
un manque d'empathie (Steele, 1987) ou encore, par un manque d'interactions avec
l'enfant (Bousha et Twentyman, 1984). Puisque nous savons qu'il est essentiel, pour
permettre à l'enfant de se développer, de lui fournir des expériences d'apprentissage qui
sont appropriées à ses compétences (Groner, 1990), le manque d'adéquacité des attentes
des parents maltraitants devrait avoir un impact négatif sur le développement de l'enfant.
Les nombreuses études réalisées auprès des familles maltraitantes reconnaissent
l'importance de l'éducation parentale au sein des programmes d'intervention. On observe
que les parents maltraitants ont souvent vécu eux-mêmes des expériences de maltraitance1
étant jeunes (Éthier, Palacio-Quintin, Couture, Jourdan-Ionescu et Lacharité, 1993;
Rutter, 1987), qu'ils sont isolés socialement (Éthier et al. , 1993; Chamberland, Bouchard
et Beaudry, 1986; Garbarino et Crouter, 1978) et qu'ils manquent de modèles éducatifs
appropriés (Mayer-Renaud et Berthiaume, 1985). Ceci pourrait expliquer certaines
difficultés qu'ils éprouvent à remplir adéquatement leur rôle de parent. Pourtant, nous en
savons encore trop peu sur la capacité qu'ils ont à reconnaître les compétences et les
besoins de leur enfant.
1 Bien que la dernière version du dictionnaire Robert ne contienne pas le terme «maltraitance», celui-ci est toutefois utilisé par les professionnels et les principaux auteurs qui travaillent dans le domaine des mauvais traitements dont Éthier, Palacio-Quintin, Couture, Jourdan-Ionescu et Lacharité (1993), Gruyer, Fadier-Nisse et Sabourin (1991) et Chamberland, Bouchard et Beaudry ( 1986) .
4
Les auteurs qui ont étudié les attentes des parents maltraitants se sont généralement
intéressés à mesurer les attentes de ces derniers face aux conduites de leur enfant (Stratton
et Swaffer, 1988; Reid et al., 1987; Larrance et Twentyman, 1983; Rosenberg et
Reppucci, 1983). D'autres études, celles-ci moins nombreuses, ont cherché à connaître
les attentes des parents maltraitants, cette fois, face aux acquisitions développementales
des enfants (Azar, Robinson, Hekimian et Twentyman, 1984; Kravitz et Driscoll, 1983;
Twentyman et Plotkin, 1982). Aucune de ces études n'a toutefois cherché à mesurer avec
quelle exactitude ces parents évaluent les compétences développementales actuelles de leur
propre enfant. On constate également que peu d'entre elles ont tenté de savoir s'il existe
des variables, autres que la maltraitance elle-même, qui influencent les attentes des parents
maltraitants.
Le présent mémoire est constitué de trois chapitres. Le premier chapitre commence
par une recension des écrits visant à cerner la problématique de la négligence, de même
qu'à connaître ses effets sur le développement de l'enfant. Seront ensuite brièvement
évoqués les principales théories du développement de l'enfant, les instruments utilisés
pour évaluer le développement, ainsi que la façon dont les parents acquièrent les
connaissances qu'ils possèdent en matière de développement de l'enfant. Pour finir, les
résultats des recherches concernant les attentes des parents maltraitants et non maltraitants
envers les acquisitions développementales des enfants seront présentés. Cette dernière
section nous permettra de démontrer la pertinence de la recherche actuelle, en plus de nous
conduire à la présentation des hypothèses qui la sous-tendent.
Le deuxième chapitre consiste à décrire l'échantillon étudié, les instruments utilisés, le
déroulement de l'expérimentation ainsi que de la démarche de pré-expérimentation qui a
5
été entreprise préalablement à cette recherche. Le troisième chapitre présente, pour sa part,
les analyses statistiques utilisées pour traiter les informations recueillies ainsi que les
résultats obtenus suite à ces analyses. Enfin, les chapitres quatre et cinq correspondent
respectivement à la discussion des résultats et à la partie conclusion. Ce dernier chapitre
est orienté sur les implications sociales des résultats de cette recherche, de même que sur
les pistes de réflexion qu'elle propose.
Contexte théorique
Le phénomène de la négligence
Définition de la négligence ,
La maltraitance envers les enfants est un problème criant de notre société qui, depuis
une vingtaine d'années, suscite beaucoup d'intérêt dans le domaine de la recherche, Le
phénomène de la maltraitance est complexe. On peut distinguer trois types de maltraitance:
l'abus sexuel, la violence physique et la négligence. Cependant, il n'est pas rare, dans la
pratique, de voir ces trois types de maltraitance coexister (Éthier et al., 1993). L'étude
réalisée en 1984 par l'American Human Association révèle que 46% des enfants négligés
sont également maltraités physiquement (cité dans Éthier, Palacio-Quintin, Jourdan
Ionescu, Lacharité et Couture, 1991), Nous tenterons, toutefois, dans cette recherche, de
nous limiter aux familles négligentes.
il existe diverses formes de négligence. Hegar et Yungman (1989) en ont identifié
trois. ils parlent de négligence:
- physique, soit la privation totale ou partielle des besoins physiologiques de base;
- affective, soit l'insatisfaction des besoins d'attention, de sécurité, d'affection et
d'estime de soi;
- développementale, soit la privation des soins de santé, de stimulation et
d'expériences d'apprentissage.
8
Bien qu'elles soient distinctes, ces trois formes de négligence sont généralement
interreliées (Éthier et al., 1993). En effet, un enfant peut être à la fois privé d'affection,
d'attention, de nourriture, de vêtements et de surveillance concernant sa santé et son
développement.
Les facteurs reliés à la négligence
Il faut considérer la maltraitance comme un phénomène multidimensionnel à la fois
rélié à des facteurs sociaux, individuels et familiaux . Une étude de Chamberland et al.
(1986) réalisée sur l'île de Montréal permet d'identifier quatre éléments qui seraient les
meilleurs prédicteurs de la maltraitance pour une famille: le fait que le revenu familial soit
inférieur au seuil de la pauvreté; le fait que la mère soit le seul soutien financier de la
famille; le fait que la mère ait été âgée de moins de 21 ans lors de sa première grossesse; le
fait qu'il y ait plus de trois enfants dans la famille.
La pauvreté est, certes, l'un des principaux facteurs sociaux qui caractérise les
familles maltraitantes (Chamberland et al., 1986; Bouchard, Beaudry et Chamberland,
1982; Garbarino et Crouter, 1978). Si la maltraitance ne se limite pas aux familles
économiquement défavorisées, la majorité des parents qui abusent ou négligent leurs
enfants connaissent pourtant des difficultés financières importantes relatives au non emploi
et à l'instabilité des ménages (Éthier et al., 1991). Il paraît important de souligner que,
parmi l'ensemble des familles maltraitantes, ce sont les familles négligentes qui sont les
plus défavorisées en termes de revenu financier, de statut social et de niveau d'éducation
(Crittenden, 1988; Giovannoni, 1971).
9
Les auteurs associent également la maltraitance à certaines caractéristiques concernant
la constitution du réseau social. Ils ont d'abord constaté que les parents maltraitants sont
plus isolés socialement que les parents non maltraitants (Garbarino et Crouter, 1978;
Chamberland et al. 1986). Deux études effectuées auprès de mères négligentes
démontrent qu'à pauvreté égale, les mères négligentes se sentent plus isolées que les
mères non négligentes (Éthier et aL, 1993; Polansky, Gaudin, Ammons et Davis, 1985).
De plus, lorsqu'elles sont comparées à des mères témoins de même statut socio
économique, les mères négligentes possèdent un réseau social moins dense, moins
diversifié et moins satisfaisant. Elles font davantage appel à leur conjoint ou à leurs
enfants pour obtenir du soutien et sollicitent moins leurs parents et la famille élargie (Éthier
et al., 1993).
Les mères négligentes sont extrêmement stressées par rapport à leur rôle de parent et
en retirent peu de plaisir (Éthier et al., 1993). Garbarino, Guttman et Seeley (1987)
affirment que le stress que vivent les parents maltraitants serait une variable individuelle
qui expliquerait le lien qui existe entre la pauvreté et la maltraitance. Il est à noter que le
stress parental est défini comme un état de malaise psychologique qui a trait à l'éducation
des enfants (Loyd et Abidin, 1985). Le stress des mères négligentes, contrairement à
celui des mères violentes, serait davantage relié à des situations anxiogènes chroniques
telles le nombre élevé d'enfants dans la famille et la pauvreté, qu'à des stress ponctuels,
soit, par exemple, une querelle de couple (Éthier et al. 1993). Bien que les mères
négligentes soient souvent perçues comme apathiques ou désintéressées face à leur rôle de
parent (Polansky, Borgman et DeSaix, 1972), il est possible qu'elles soient plutôt
dépassées par les exigences de la maternité. Elles réagiraient ainsi au stress par une
attitude de démission (Éthier et aL, 1993).
10
Par ailleurs, on retrouve chez les mères négligentes de fortes tendances dépressives
(Éthier et al. 1993; Downey et Coyne, 1990; Kinard, 1982), de même que de fréquents
problèmes de toxicomanie (Éthier et al., 1993; Lacharité, 1992). Certaines mères
maltraitantes ont elles-mêmes vécu des expériences de ruptures familiales, de violence et
d'abus sexuel au cours de leur enfance (Éthier et al. 1993; Rutter, 1987). Selon Steele
(1987), le parent qui, étant jeune, n'a pas été reconnu dans ses besoins et ses émotions
ressentira difficilement de l'empathie envers son enfant. Twentyman et Plotkin (1982)
ajoutent que le parent qui a été maltraité cherchera à travers son enfant la satisfaction de ses
propres besoins d'enfant, d'adolescent et d'adulte à la fois.
Enfin, les mères qui négligent leurs enfants le font souvent par ignorance des besoins
de l'enfant (Herrenkohl et al., 1983; Polansky et Chalmers, 1981). Cette ignorance serait
associée à l'absence de modèle éducatif (Mayer-Renaud et Berthiaume, 1985) ou encore, à
un fonctionnement intellectuel inférieur. En effet, quelques recherches (Éthier et al.,
1993; Hansen, Pallotta, Thishelman, Conaway et MacMillan, 1989; Crittenden, 1988;
Martin et Walkers, 1982) ont démontré que les mères négligentes possédaient un
fonctionnement cognitif inférieur à celui des mères non négligentes de même niveau socio
économique. De plus, Azar et al. (1984) constatent que les mères maltraitantes ont, en
général, de faibles habiletés quant à la résolution de problème.
Impact de la maltraitance sur le développement de l'enfant
Plusieurs recherches dont celles de Palacio-Quintin et Jourdan-Ionescu (1994), de
Éthier et al. (1993) et de Culp, Waykins, Lawrence, Letts, Kelly et Rice (1991) ont déjà
identifié les nombreux retards développementaux des enfants victimes de maltraitance. Il
1 1
est à noter que la plupart de ces études ne font pas la différence entre les enfants négligés
et les enfants victimes de violence car, comme nous l'avons déjà mentionné, ces deux
formes de maltraitance coexistent souvent, d'où la difficulté de les étudier de manière
distincte.
Précisons d'abord que la maltraitance n'est pas l'unique facteur qui puisse influencer
le développement cognitif des enfants; le milieu socio-économique l'influence également.
Une étude réalisée par Palacio-Quintin et Lacharité (1989) montre que les enfants
provenant de milieux économiquement défavorisés (dont la plupart des enfants maltraités
sont issus) ont un niveau de développement général inférieur aux enfants provenant de
milieux plus favorisés. Ce retard développemental a été démontré à travers plusieurs
études, dont celle de Forman (1979) concernant la créativité, celle de Roy et Palacio
Quintin (1984) concernant l'acquisition de la pensée opératoire, celle de Hébert et Wilson
(1977) concernant l'intelligence de façon générale et celle de Bernstein (1964) concernant
le développement du langage. De plus, une analyse des recherches comparatives du
développement de l'enfant en fonction du niveau socio-économique démontre que c'est à
partir de trois ans que les différences développementales entre les enfants des divers
milieux apparaissent clairement (Palacio-Quintin et Lacharité, 1989). Selon Palacio
Quintin et Lacharité (1989), le milieu économiquement défavorisé possède une culture
souvent carencée en stimulations, surtout en ce qui a trait aux jeux, aux jouets, au matériel
de lecture et aux apprentissages de nature académique. Enfin, l'instabilité financière reliée
à l'emploi, le fonctionnement intellectuel inférieur des parents, de même que leurs
pratiques éducatives rigides, semblent être des caractéristiques de ce milieu qui influencent
le développement intellectuel de l'enfant.
12
Bien que les recherches concernant le développement des enfants maltraités aient
contrôlé la variable «niveau socio-économique», elles montrent, tout de même, que les
enfants violentés et négligés possèdent un niveau de développement intellectuel inférieur
aux enfants non maltraités du même âge (Palacio-Quintin et Jourdan-Ionescu, 1994; Culp
et al., 1991 ; Cryan, 1985; Perri, Doran et Wells, 1983; Applebaum, 1977) et ce, surtout
en ce qui a trait à la pensée abstraite, précisent Éthier et al. (1991). Alors que Kent (1976)
affirme que, de tous les enfants maltraités, ce sont les enfants négligés qui ont le plus
grand retard cognitif, Éthier et al. (1991), ne rapportent aucune différence significative
entre le niveau de développement intellectuel des enfants victimes de violence physique et
les enfants négligés.
Les enfants maltraités affichent également divers problèmes de comportements
(Erickson et Egeland, 1987). Chez les enfants négligés, ces comportements se
caractérisent généralement par le retrait social et émotionnel (Hoffman-Plotkin et
Twentyman, 1984; Kent, 1976) alors que chez les enfants violentés, on retrouve
davantage de comportements agressifs (Hoffman-Plotkin et Twentyman, 1984; Martin et
Breezly, 1977). Toutefois, Éthier et al. (1991) rapportent que, lors d'une évaluation faite
auprès d'éducateurs en garderie et à l'école, les enfants négligés et victimes de violence
qui sont âgés entre quatre et six ans ne se distinguent pas des autres enfants du même
niveau socio-économique quant à leurs comportements agressifs. C'est plutôt au niveau
de leur attitude anxieuse et du retrait social qu'ils se distinguent des autres enfants.
Enfin, les enfants maltraités affichent un retard au niveau du développement du
graphisme (Palacio-Quintin et Jourdan-Ionescu, 1994; Éthier et al. , 1991) et du langage
(Culp et al., 1991 ; Éthier et al.,1991; Hugues et Di Brezzo, 1987; Allen et Oliver, 1982).
1 3
L'étude de Culp et al. (1991), tout comme celle de Allen et Oliver (1982), démontre que la
négligence, plus que l'abus physique, est le meilleur prédicteur de retards possibles de
langage. Christopoulos, Bonvillian et Crittenden (1988) remarquent d'ailleurs que les
mères négligentes ont moins d'interactions verbales avec leur enfant que les mères
violentes et les mères non maltraitantes.
Cependant, malgré tous les retards observés jusqu'ici chez les enfants maltraités,
l'autonomie constitue un secteur de développement où leurs compétences sont semblables,
voire légèrement supérieures à celles des autres enfants de même statut socio-économique
(Palacio-Quintin et Jourdan-Ionescu, 1994; Éthier et al. , 1991).
Théories du développement de l'enfant
Une théorie du développement de l'enfant est une façon d'expliquer l'évolution de
l'être humain au cours de son enfance (Cloutier et Renaud, 1990). La naissance marque
l'arrivée d'un être complexe, mais somme toute inachevé dont le développement a déjà été
amorcé au cours des quelques quarante semaines de sa vie intra-utérine (Cloutier et
Renaud, 1990; Gesell, 1946).
L'enfance est considérée comme une période critique (Cloutier et Renaud, 1990) où
de nombreuses transformations tant physiques que psychologiques surviennent. On la
retrouve souvent divisée en trois moments:
-la petite enfance (de la naissance à 2 ans) ;
- l'âge préscolaire (2 à 6 ans) ;
14
- l'âge scolaire (6 à 12 ans).
Les cinq ou six premières années de la vie sont déterminantes pour les cycles de vie
ultérieurs (Cloutier et Renaud, 1990; Dodson, 1972; Gesell et Hg, 1946).
H existe plusieurs façons d'envisager le développement de l'enfant. En effet, le
développement de l'enfant peut être décrit et analysé sous plusieurs angles tels le
développement physique (Tanner, 1978), psychomoteur (Gesell, 1940; Gesell et Hg,
1946, 1949), psycho sexuel (Freud, 1951; 1964), cognitif (Piaget, 1923, 1963, 1966,
1970; Wallon, 1942, 1947, 1962), moral (Piaget, 1932; Koh1berg, 1969, 1976) et socio
affectif (Ainsworth, 1969, 1972, 1979; Bowlby, 1969, 1973, 1980; Brazelton, 1980,
1983; Erikson, 1966, 1968; Mahler, 1958; Mahler, Pine et Bergman, 1975; Winnicott,
1970, 1971, 1972; Zazzo, 1979).
L'angle sous lequel le développement est analysé et les outils d'évaluation utilisés
influencent évidemment la nature des données qui sont recueillies. Par exemple, l'Échelle
de développement Harvey (1984), inspirée des travaux de Gesell, fournit des
renseignements à propos de l'enfant, différents de ceux qui seraient recueillis à partir
d'épreuves piagétiennes ou d'une épreuve projective, telle le Patte-Noire, dont
l'interprétation fait référence à la théorie psychanalytique. Dans le premier cas,
l'expérimentateur évalue la performance de l'enfant, les compétences qu'il a ou non
acquises, dans cinq sphères de son développement: motricité, graphisme, autonomie,
langage et connaissances. L'expérimentateur compare les compétences de l'enfant à celles
que possèdent la moyenne des enfants du même âge. L'expérimentateur ne fait qu'évaluer
les comportements qu'il observe. Dans le cas des épreuves piagétiennes,
l'expérimentateur obtient des informations sur la façon dont l'enfant raisonne. C'est le
1 5
fonctionnement intellectuel de l'enfant qui est étudié et qui est mis en relation avec le
fonctionnement intellectuel des autres enfants du même âge. À partir des conduites qu'il
observe, l'expérimentateur est en mesure de savoir comment l'enfant traite l'information.
Enfin, dans une épreuve projective, l'expérimentateur obtient des renseignements qui
concernent le vécu intérieur de l'enfant: ses conflits, ses angoisses, ses désirs. Le portrait
de l'enfant que nous fournit un instrument de mesure est donc en lien avec cet instrument
et, par conséquent, avec la perspective développementale de la théorie sur laquelle il
s'étaie.
Selon Tran-Thong (1980), quatre théories du développement auraient particulièrement
fait leur marque dans la psychologie contemporaine de l'enfant. Ces théories sont celles
de Freud, Piaget, Wallon et Gesell. Cloutier et Renaud (l990) ajoutent à cette liste la
théorie d'Erickson. Tous ces auteurs utilisent le concept de stades de développement,
mais les stades qu'ils définissent diffèrent de par leur nombre et leur nature. Il est
cependant à noter que, si l'on s'accorde pour dire que le développement est une évolution
graduelle (Kagan, 1983), aucune théorie développementale ne fait, quant à elle,
l'unanimité.
Nous présenterons rapidement la perspective théorique de ces auteurs, la méthode
scientifique qu'ils ont employée ainsi qu'un tableau résumant les principaux éléments des
stades de développement qu'ils ont identifiés . Enfin, nous verrons, à l'aide d'un court
exemple, quelques implications de chacune de ces théories pour les enfants concernés par
ce projet, soient les enfants âgés entre deux et six ans .
16
Théorie du développement psychosexuel de Freud
Freud s'est intéressé au développement de l'enfant dans le but de mieux comprendre
le fonctionnement des adultes. L'enfant est au centre de la théorie psychanalytique, mais
c'est un enfant construit à partir d'introspections d'adultes concernant leur vécu d'enfant.
Ces personnes avaient des problèmes d'ordre clinique et étaient vues par Freud dans un
contexte de cure. Freud croyait que les conflits (émergence d'une pulsion et d'une
défense qui s'y oppose) vécus par les enfants étaient les mêmes que ceux qui étaient vécus
par les adultes. Il faudra attendre la venue de Mélanie Klein, d'Anna Freud et de René A.
Spitz pour que l'observation directe d'enfants soit employée par la psychanalyse
(Ajuriaguerra et Marcelli, 1989).
La perspective choisie par Freud est celle du développement psychosexuel. Freud
cherchait à mettre en lien l'organisation de la personnalité avec l'évolution de la sexualité.
Selon lui, les bases de la personnalité adulte et la façon dont une personne compose avec
la réalité sont déterminées par la manière dont cette personne a traversé les divers stades de
son développement psychosexuel lorsqu'elle était enfant. Le développement
psycho sexuel est fonction de l'évolution biologique de l'individu et Freud (1951, 1964) le
divise en quatre stades (voir Tableau 1); les stades trois et quatre étant séparés par une
période de latence (temps d'arrêt). Chaque stade correspond à l'investissement d'une
nouvelle zone érogène source de pulsions sexuelles, à l'émergence d'un nouveau type de
conflit entre ces pulsions et les défenses qui s'y opposent ainsi qu'à l'établissement d'une
nouvelle modalité de contact avec l'environnement (Ajuriaguerra et Marcelli, 1989). Les
conduites propres à un stade inférieur ne disparaissent pas, mais elles ne sont plus
dominantes au cours du stade suivant (Cloutier et Renaud, 1990).
Stade 1 stade oral
(naissance à 1 an) - investissement de la zone orale (bouche, lèvres, langue) en vue de libérer les tensions sexuelles - la zone de la bouche est le premier médiateur du contact avec l'environnement
Tableau 1
Résumé des conduites propres à chaque stade du développement psychosexuel selon Freud
Stade 2 stade anal
(1 an à 3 ans) - investissement de la zone anale en vue de libérer les tensions sexuelles - exercice du contrôle sur l'environnement qui passe par l'acquisition du contrôle des sphincters (apprentissage de la propreté)
Stade 3 stade phallique
(3 à 5 ans) - préoccupation pour la sexualité et investissement des organes génitaux pour satisfaire les besoins d'ordre libidinal - conflit oedipien: pulsions sexuelles dirigées principalement vers le parent de sexe opposé; identification au parent du même sexe, mais sentiments ambivalents d'amour et de haine envers ce dernier; rivalité et culpabilité
Période de latence (5 à 12 ans)
Stade 4 stade génital
(6 ans à la puberté) - temps d'arrêt dans - changements l'évolution de la sexualité physiologiques qui - diminution des entraînent des pulsions préoccupations sexuelles sexuelles nouvelles - pulsions libidinales - pulsions sexuelles grandement investies dirigées vers les pairs du dans les activités sexe opposé scolaires, dans la relation - accès à une sexualité avec les amis du même d'adulte sexe et avec les adultes - recherche de nouveaux modèles sociaux auprès des adultes
1 8
Les conduites décrites par Freud sont généralement observables. Par exemple,
retrouve souvent, chez l'enfant de deux ou trois ans, de l'opposition. L'enfant en qui l'on
place une demande peut, à prime abord, refuser de collaborer à une tâche pour ensuite s'y
engager. Ce jeu de contrôle où l'enfant choisit de collaborer ou non correspond à
l'exercice d'un pouvoir sur soi et sur l'environnement nouvellement découvert.
Entre trois et cinq ans, ce sont davantage des comportements de séduction que
l'enfant manifeste. L'enfant cherche à plaire à l'adulte et à attirer son attention. Il tente,
entre autres, de ressembler au parent du même sexe que lui et de s'en rapprocher, mais
cherche également à déloger ce dernier de la place qu'il occupe afin de s'assurer d'obtenir
tout l'amour du parent du sexe opposé.
Théorie du développement psychosocial d'Erikson
La théorie du développement que propose Erikson s'inspire du travail de Freud.
Erikson utilise comme point de départ les stades du développement psychosexuel de
Freud, mais il les recadre dans un contexte social. Pour Erikson, l'enfant n'a pas
seulement un schème inné de développement; l'organisation de sa personnalité est
influencée par la réponse du milieu (Cloutier et Renaud, 1990; Maier, 1988).
Erikson est l'un des premiers auteurs à avoir reconnu que le développement se
prolongeait au-delà de l'adolescence. Ainsi, sa théorie couvre l'ensemble du cycle de la
vie, soit de la naissance jusqu'au troisième âge. La méthode qu'il employait pour
recueillir ses données consistait à observer des comportements de jeu chez les enfants et à
porter attention à des manifestations de l'inconscient lors d'entrevues cliniques. Erikson
19
s'est donc inspiré de cas cliniques, mais aussi de ses propres introspections ainsi que de
ses connaissances concernant le développement de l'enfant, de la psychanalyse, de
l'anthropologie et de l'histoire (Maier, 1988).
Chacun des huit stades de développement identifiés par Erikson est caractérisé non
seulement par l'investissement d'une zone érogène, mais aussi par une modalité
relationnelle spécifique et est associé à un défi psychosocial que l'individu doit relever. À
chaque stade, l'individu est placé face à deux tendances qui s'opposent. L'une de ces
tendances, dite la tendance positive, correspond au désir de vivre, d'obtenir des
gratifications, de se dépasser. L'autre tendance, la tendance négative, correspond au désir
de régresser, de retourner à une phase moins complexe du développement (Maier, 1988).
Le défi du développement est relevé quand la tendance positive domine la tendance
négative (Cloutier et Renaud, 1990). Chaque stade du développement amène donc un
nouveau combat que la personne tente de gagner pour arriver à se développer davantage.
Le Tableau 2 fait la synthèse des enjeux propres à chaque stade du développement socio
affectif tel que décrit par Erikson (1966, 1968).
De façon concrète, on peut constater qu'entre un an et trois ans, l'enfant acquiert
d'importantes habiletés dont la parole, la marche et le contrôle des sphincters. Ces
habiletés lui donnent de plus en plus de liberté et de pouvoir sur lui-même et
l'environnement. Les réussites qui en découlent lui apportent un sentiment de confiance et
d'autonomie . Par contre, les échecs sont vécus très difficilement. Ils entachent son
estime de soi, le font douter de ses compétences et le rendent honteux.
Tableau 2
Résumé des conduites propres à chaque stade du développement socio-affectif selon Erikson
Stade 1 confiance / méfiance
(naissance à 1 an) - acquisition de la confiance de base s'il existe une correspondance entre les besoins de l'enfant et la réponse du milieu sinon, l'anxiété, l'insécurité et la méfiance se développent - l'enfant s'approprie le monde par l'intermédiaire de la bouche et lui répond selon les mêmes modalités
Stade 5 identité / diffusion
(adolescence )
- recherche et construction de l'identité - l'abondance des choix identificatoires ou le manque d'intégration de ces choix amène un sentiment de diffusion, de dispersion - recherche de gratification sexuelle avec les personnes du sexe opposé
Stade 2 autonomie / doute
(1 an à 3 ans) - acquisition d'habiletés de contrôle sur le monde et soi-même (dont l'apprentissage de la propreté) qui permettent à l'enfant de faire des choix - l'enfant qui doute de son pouvoir ou qui n'arrive pas à l'exercer comme il le voudrait voit son estime de soi diminuer - période d'ambivalence entre le désir d'autonomie et le désir de dépendance qui génère de la honte et qui se manifeste à travers des actions qui s'opposent (ex .: retenir ou laisser aller)
Stade 6 intimité et solidarité / isolement
(jeune adulte)
- participation à la vie de la communauté et investissement de soi dans une relation d'intimité avec un amoureux et/ou un ami - le défi consiste à s'investir sans perdre son identité pour autant - l'isolement est la conséquence de l'échec à s'investir au niveau social
Stade 3 initiative / culpabilité
(3 à 6 ans) - contingence entre l'accroissement des habiletés et des apprentissages de l'enfant et les demandes de son environnement - l'enfant met en pratique ses nouvelles compétences, mais il craint d'investir trop ou pas assez d'énergie à devenir autonome, ce qui génère de la culpabilité - quête d'identité et identification de l'enfant à des figures parentales
Stade 7 générativité /
concentration sur soi (âge adulte)
- investissement des énergies à travers diverses réalisations qui laisseront des traces dans le futur - le défi consiste à trouver un équilibre entre l'investissement dans les autres et dans la centration sur soi
Stade 4 compétence / infériorité
(6 à la puberté) - l'enfant canalise ses énergies dans des apprentissages et des réalisations de toutes sortes, mais il craint l'échec - l'enfant veut grandir, mais reste limité par son statut et ses compétences d'enfant; il développe un sentiment d'infériorité quand il ne croit pas avoir atteint le niveau de compétence auquel il souhaitait accéder
Stade 8 intégrité / désespoir
(troisième âge)
- acceptation de ses réalisations et de leurs limites - la personne accède à un sentiment d'être en paix avec elle-même ou sombre dans le désespoir
2 1
Entre quatre et six ans, l'enfant, plus certain de ses compétences, tente des
expériences nouvelles. Cet esprit d'initiative l'amène à créer des liens à l'extérieur du
noyau familial. C'est le début de la socialisation avec d'autres enfants du même âge.
Théorie du développement cognitif de Piaget
Piaget a cherché à comprendre et à décrire les liens qui existent entre l'action (le geste
ou la parole) et l'opération intellectuelle. Au-delà du comportement, il voulait savoir
comment se produisaient les changements au niveau des processus intellectuels de
l'enfant, à mesure que celui-ci avance en âge. C'est à partir d'expérimentations réalisées
avec des enfants, d'observations directes et longitudinales, que Piaget a pu identifier la
séquence selon laquelle ces changements s'opèrent et permettent à l'enfant de toujours
mieux s'adapter aux demandes de l'environnement. Bien que pleine d'enseignements, la
théorie piagétienne est, certes, la théorie qui a fait l'objet du plus grand nombre de
critiques (voir, par exemple, Bossé, 1990 et Cohen, 1981).
Piaget a divisé le développement cognitif en trois grandes périodes: la période
sensori-motrice (de la naissance à l'âge de 2 ans), la période préparatoire à la pensée
conceptuelle (2 à 11-12 ans) et le stade de la pensée cognitive proprement dite (pensée
conceptuelle et représentative). La deuxième période identifiée se scinde en deux sous
périodes distinctes: la période pré-opératoire et la période des opérations concrètes.
Les périodes dont parle Piaget se nomment stades. Les stades sensori-moteur, pré
opératoire et opératoire sont eux-mêmes constitués de sous-stades. Chaque stade prépare
celui qui lui succède et marque la fin du stade précédent. Les acquisitions s'accumulent,
22
s'emboîtent de façon à permettre à l'enfant une capacité d'adaptation à l'environnement
toujours meilleure. C'est un processus continuel de recherche d'équilibre qui se termine à
l'âge adulte (Cloutier et Renaud, 1990; Maier, 1988; Ajuriaguerra et Marcelli, 1989; Tran
Thong, 1980). Le Tableau 3 résume le développement cognitif de l'enfant à travers les
divers stades du développement cognitif tels que décrit par Piaget (1923, 1963, 1966,
1970).
On constate, par exemple, qu'entre deux et six ans, l'enfant reproduit fréquemment,
dans son jeu, des situations qu'il vit et observe. À cet âge, il peut évoquer des objets, des
personnes ou des situations. Il n'a plus besoin de les percevoir «en direct» puisque ces
éléments perdurent dans son esprit. La fonction symbolique est une acquisition majeure
dans la vie de l'enfant à cette période. Par ailleurs, si l'on place cet enfant dans une
situation où il doit répondre à une question telle «Que dois-tu faire si tu es perdu?», il ne
pourra y répondre adéquatement à moins qu'il n'en ait lui-même fait l'expérience ou en ait
entendu parler. Comme sa pensée est fonction de ses propres perceptions (égocentrisme),
l'enfant de cet âge ne peut imaginer ce qu'une autre personne penserait ni comment celle-ci
agirait dans une situation semblable.
Théorie du développement psycho-affectif de Wallon
Wallon a utilisé ce qu'il appelait l'étude objective de la conscience pour recueillir les
renseignements nécessaires à la construction de sa théorie. Cette méthode d'étude se
voulait différente de celle qu'utilisait Freud, à savoir l'introspection. L'étude objective de
la conscience consistait à observer, chez des adultes ayant des psychopathologies, des
manifestations psychiques et des réactions physiologiques, à les mettre en lien entre elles
Tableau 3
Résumé des acquisitions et des conduites propres à chaque stade du développement cognitif telles que décrites par Piaget
Stade 1 Stade 2 sensori -moteur pré-opératoire
(naissance à 2 ans) (2 à 7-8 ans) - exercice des réflexes - développement de la fonction - réactions circulaires: effort de symbolique, du langage et de la coordination de gestes en vue représentation mentale de réussir un mouvement, de permettant la capacité de faire prolonger une action ressurgir le passé et d'anticiper intéressante, de répondre à une le futur situation nouvelle et d'atteindre - pensée statique: un but représentations sur lesquelles -permanence de l'objet: capacité aucune transformation ou de considérer l'objet comme combinaison ne peut être faite existant même s'il est hors du - pensée égocentrique: champ visuel organisation de la pensée collée - premières représentations à l'univers immédiat de l'enfant mentales - centration: capacité de ne
raisonner qu'en fonction d'une seule dimension d'un élément à la fois
Stade 3 opératoire concret (7 -8 à 11-12 ans)
- capacité graduelle de se décentrer, de coordonner des représentations et de les rendre réversibles - développement du principe de conservation (réversibilité) des liquides, du poids, de la longueur et de la surface - capacité graduelle d'effectuer mentalement des transformations dans le temps et dans l'espace - opérations qui s'effectuent exclusivement sur du matériel concret
Stade 4 opératoire formel (11-12 à 16 ans)
- capacité d'effectuer des opérations sur du matériel abstrait et symbolique (langage, idées, symboles mathématiques) - capacité de faire des hypothèses et des déductions de plus en plus complexes
24
ou avec les circonstances qui avaient amené leur apparition (Tran-Thong, 1980). Wallon
s'est ensuite intéressé à la psychologie de l'enfant en vue de mieux comprendre les
origines biologiques de la conscience. C'est ainsi qu'il a observé, dans un contexte
clinique et de laboratoire, des comportements d'enfants dits «anormaux» afin de pouvoir
comprendre ce qui se passait dans leur psychisme. C'est en comparant les comportements
de ces enfants à diverses périodes de leur développement qu'il est arrivé à élaborer une
théorie sur les origines de la pensée et du caractère.
Les cinq stades décrits par Wallon ne se succèdent pas de façon continue, comme le
font les stades piagétiens. Selon Wallon, le développement psychique de l'enfant n'est
pas continu, mais plutôt constitué d'oscillations, de mouvements d'une direction à une
autre et de mutations. Ces oscillations et ces changements relèvent d'une inter-influence
entre l'évolution de l'intelligence et de l'affectivité et marquent le début de chaque stade
(Tran-Thong, 1980). Le Tableau 4 résume les principaux éléments de la théorie du
développement de l'enfant tel que décrit par Wallon (1942, 1947, 1962).
Selon Wallon, l'enfant âgé de deux ou trois ans s'ouvre sur un monde qu'il perçoit
comme différent de lui . Il bouge, il manipule, il explore son environnement. Il
communique par des gestes, des mimiques et des mots de plus en plus nombreux. Parce
que la capacité de l'enfant à se représenter mentalement la réalité ne commence qu'à se
développer, il a de la difficulté à trouver des mots pour exprimer sa pensée. Dans ces
moments, il utilisera plutôt son corps pour se faire comprendre en pointant, par exemple,
un objet ou encore, en illustrant par un mouvement une activité dans laquelle il désire
s'engager.
Tableau 4
Résumé des conduites propres à chaque stade de développement psycho-affectif selon Wallon
Stade 1 stade impulsif
émotionnel (naissance à 1 an)
- impulsivité motrice (décharges de réflexes) qui témoigne d'un manque de contrôle sur le corps - premières expressions émotionnelles à travers les explosions vocales, les mimiques et les sounres
Stade 2 Stade 3 stade sensori-moteur stade du
et projectif personnalisme (1 an à 3 ans) (3 à 6 ans)
- activité circulaire - développement de (répétition de gestes de l'indépendance et manière de plus en plus construction du caractère élaborée en vue de (opposition, séduction, coordonner les champs adoption de conduites sensoriel et moteur) fortement valorisées) - apparition du langage - intégration du schéma - exploration du monde corporel et conscience de des objets par soi (se reconnaître com-l'intermédiaire de la me un être distinct) bouche, des yeux, des - socialisation mains, du langage et de - progrès au niveau des la marche perceptions sensorielles - intentionnalité dans les et de l'intelligence gestes pratique - intelligence intuitive des situations (à partir de ses expériences sensori-motrices, l'enfant adopte des conduites appropriées face à des situations nouvelles) - imitation et naissance de la représentation
Stade 4 stade catégoriel
(6 à Il ans) - acquisition de l'attention - capacité de faire varier les classements selon les propriétés des objets ou des situations (par couples puis comparaison et catégorisation vers 9-10 ans) - capacité d'identifier de manière mécanique (par combinaison) des liens de cause à effet
Stade 5
puberté et adolescence
- personnalité polyvalente et conscience de soi (capacité de s'identifier à plusieurs membres d'un groupe tout en se différenciant des autres) - crise pubertaire ou remise en question des attitudes, des croyances et des valeurs - raisonnement déductif qui permet de dégager des lois des situations expérimentées
26
L'enfant âgé entre trois et six ans, quant à lui, développe son autonomie. Il découvre
sa personne, il s'oppose en vue de protéger son autonomie naissante, il revendique ses
droits et tente de se faire valoir. Parce qu'à ce stade l'enfant se reconnaît vraiment comme
un être distinct, il devient alors capable d'utiliser, par exemple, les pronoms personnels de
façon plus appropriée.
Théorie du développement psycho-moteur de Gesell
Le système des stades de Gesell est celui qui nous intéresse le plus puisque les
instruments qui ont servi à recueillir les données de cette recherche en sont fortement
inspirés. Les travaux de Gesell (Gesell, 1940; Gesell et Ilg, 1949) sont des plus
exhaustifs. Gesell a répertorié les acquisitions faites au cours de l'enfance à partir
d'études transversales et longitudinales sur de nombreux enfants, grands et petits. À la
différence de Wallon, Gesell observe des enfants dits «normaux». Gesell utilise, selon
l'âge de l'enfant, l'observation directe dans un contexte de laboratoire (il se sert
d'enregistrements sur bande vidéo dans le cas des jeunes enfants), les tests et les
interviews. Il a également fait l'étude longitudinale d'un couple de jumeaux.
Selon Gesell, le développement de l'enfant peut être évalué en fonction des quatre
domaines d'acquisition suivants:
- les comportements moteurs (posture, locomotion, préhension, ensembles
posturaux);
- les comportements adaptatifs (capacité à identifier les éléments significatifs d'une
situation et à se servir des expériences actuelles et passées pour s'adapter à de
nouvelles situations);
-les comportements verbaux (toute forme de communication et de compréhension
de gestes, de sons et de paroles);
- les comportements personnels et sociaux (réactions personnelles face à des
demandes de l'environnement).
27
Tran-Thong (1980) nous rappelle que Gesell a répertorié 24 stades de développement
de la naissance à 16 ans. Cependant, Osterrieth, Piaget, Saussure, Tanner, Wallon et
Zazzo ont, en 1956, ramené le système de Gesell à sept stades, lequel système est
désormais utilisé dans les écrits. Le Tableau 5 présente d'ailleurs la théorie du
développement de Gesell telle que condensée en sept stades (Gesell, 1940; Gesell et Hg,
1946, 1949; Gesell et Amatruda, 1964; Tran-Thong, 1980). Il faut noter que, lorsque
Gesell parle de ségrégation garçons-filles au stade 6 du développement psychomoteur, il
fait référence à une réalité de son époque, à savoir que les garçons et les filles étaient
éduqués différemment et qu'à l'école, ils étaient séparés.
Gesell ne parlait pas tant de stades, mais plutôt de niveaux d'âge. Les niveaux d'âge
sont des niveaux de maturité qui sous-entendent certaines conduites propres. Les âges
chronologiques qui leur sont associés sont des zones d'âge approximatives. Comme chez
Wallon, les stades de Gesell sont vécus comme une succession de périodes d'oscillations
entre des comportements de recul qui semblent remettre en jeu les acquisitions déjà faites
et, d'autre part, un déploiement des compétences vers l'extérieur, vers un niveau de
développement plus évolué. Il est à noter que, bien que Gesell se soit limité à décrire le
développement jusqu'à l'âge de 16 ans, il considérait toutefois que le développement se
continuait jusqu'à l'âge de 25 ans.
Tableau 5
Résumé des comportements propres à chaque stade du développement psycho-moteur selon Gesell
Stade 1 Stade 2 Stade 3 (naissance à 1 mois) (l à 7 mois) (7 à 18 mois)
- premières adaptations vitales (régulation de la température corporelle, répartition plus éga-
- contrôle des muscles oculo-moteurs - établissement de la position debout, - position assise de la marche et de la course - sourire, roucoulements et sociabilité - imitation
Ie du tonus musculaire, délimitation plus claire du cycle sommeil-veille
enfantine - manifestation de divers affects dont - distinction entre personnes l'anxiété, la jalousie et la sympathie
- expression des besoins végétatifs par des manifestations sensorimotrices
familières et étrangères - intelligence logique pratique - répertoire d'expressions faciales qui permet de distinguer certaines émotions
Stade 4 Stade 5 Stade 6 Stade 7 (18 mojs à 3 ans) (3 à 5 ans) (5 à 10 ans) (10 à 16 ans)
- développement de la motricité fine - période de fléchissement du contrôle - comportement bipolarisé relié à des - contrôle des sphincters moteur (incertitude des gestes, transformations physiques et - déploiements des capacités tendance au bégaiement) accompagnée psychologiques: impulsivité, langagières de craintes, de frayeurs et d'un difficulté à organiser les nouvelles - comportement composé de dualités débordement de fantaisies (3 à 4) sensations, oscillation entre des (oui/non, attachement/résistance, etc.) - période de bouillonnement d'activi- comportements opposés (5 à 7 ans); et crises d'opposition tés motrices, verbales, sociales et - période d'intériorisation et de repli - conscience de soi et du temps intellectuelles (4 à 5 ans); sur soi (7 à 8 ans) suivi d'une période - représentation et images mentales - acquisition de l'attention d'extériorisation, d'exhubérance et de
sociabilité (8 à 10 ans); - affiliation au groupe - ségrégation garçons-filles - capacités intellectuelles nouvelles: anticipation, établissement de rapports, conceptualisation, classification et généralisation
- période de tension reliée à de grandes transformations physiques et psychologiques: instabilité de l'humeur et de la conduite, émotions intenses (10 à Il ans); - stabilisation de l'humeur, début de la pensée abstraite (12 ans); - période d'intériorisation et d'activités intellectuelles (12 à 13 ans); 13 à 16 ans: - période d'extériorisation, d'exhubérance et de sociabilité; - affirmation de soi, quête d'autonomie et choix de vie; - pensée abstraite
29
Si l'on se réfère au guide développemental élaboré par Gesell et Amatruda en 1964, le
Develapmental Diagnasis, ainsi qu'aux oeuvres de Gesell et Hg, The First Five Years af
Life (1940) et The Childfram Five ta Ten (1946) ,on peut s'attendre à ce qu'un enfant
puisse, selon son âge, effectuer les tâches suivantes:
- à deux ans: courir un peu, manger avec une cuillère, faire tenir en équilibre une
tour de sept blocs et nommer trois à cinq objets qu'il voit dans un livre;
- à trois ans: manger sans trop éclabousser, tracer une croix, se tenir sur un pied
quelques secondes, déboutonner ses vêtements;
- à quatre ans: sautiller sur un pied, tracer un losange, distinguer les termes «sur,
dans, au-dessus, en-dessous, etc.», dessiner un bonhomme constitué d'une tête,
de deux yeux et de deux membres rattachés à la tête;
- à cinq ans: marcher en équilibre sur une poutre de 4 cm de largeur, se brosser les
dents seul et bien, dessiner un bonhomme presque complet; compter dix objets;
utiliser la forme conditionnelle et hypothétique dans ses phrases;
- à six ans: reconnaître certains mots hors de leur contexte habituel, écrire son
prénom, compter au moins jusqu'à trente, écrire les chiffres jusqu'à vingt.
Ce survol des principales théories du développement de l'enfant nous montre
comment les divers auteurs ont tenté d'expliquer l'évolution de l'enfant à travers
différentes périodes qui se succèdent. Bien que leurs théories divergent en fonction de
leur formation et du secteur de développement qu'ils ont choisi d'étudier, tous parlent
pourtant du même enfant. Il nous apparaît toutefois important de mettre en évidence
l'apport considérable de Gesell à la connaissance du développement de l'enfant. Sa
théorie est sans doute l'une des plus complète puisqu'elle décrit plusieurs aspects du
développement, dont certains éléments recoupent les oeuvres de Piaget et de Wallon.
30
Quelques mesures du développement de l'enfant
Les instruments créés pour évaluer le développement de l'enfant sont nombreux.
Sweetland et Keyser (1991) en ont répertorié tout près de 70 à l'intérieur de leur recueil
d'instruments d'évaluation. Le Tableau 6 présente quelques mesures de développement
répertoriées par Sweetland et Keyser. Les instruments qui figurent dans ce tableau sont
parmi les plus connus dans le domaine de l'évaluation en psychologie. Ont été retenus
ceux qui s'adressent aux enfants d'âge préscolaire, soient le Denver Developmental
Screening Test (Frankenburg, Dodds, Fandal, Kazuk et Cohrs, 1975), le Minnesota Child
Development Inventory (Ireton et Thwing, 1979), le Preschool Development Inventory
(Ireton, 1972) et le McCarthy Scales of Children's Abilities (McCarthy, 1972). Ces
tableaux indiquent, en termes d'âge et d'objectifs d'évaluation, à quelle clientèle
s'adressent les instruments. Ils traitent également des avantages et des inconvénients à
utiliser ces instruments au sein de notre recherche. Nous avons ajouté à cette liste deux
outils particulièrement utilisés au Québec: le Guide Portage d'intervention précoce
(Bluma, Shearer, Frohman et Hilliard, 1980) et l'Échelle de développement Harvey
(Harvey, 1984). C'est d'ailleurs sur cette dernière échelle que s'est arrêté notre choix,
parce qu'elle répondait davantage aux besoins de notre recherche et correspondait aux
caractéristiques de notre échantillon. Nous y reviendrons au cours du chapitre intitulé
«Méthode» .
Ainsi, chaque instrument possède ses particularités: le niveau d'âge des enfants à qui
il s'adresse, les objectifs de l'évaluation, la(les) dimension(s) du développement
évaluée(s), ainsi que les modalités de passation. Le choix de l'instrument correspond
donc à la fois aux caractéristiques de l'enfant à évaluer, aux caractéristiques de
l'instrument lui-même et aux objectifs d'intervention poursuivis.
Nom Denver Developmental
Screening Test
Minnesota Child Development lnventory
Preschool Development lnventory
Tableau 6
Description des principales mesures du développement de l'enfant d'âge préscolaire
Groupe d'âge Objectifs d'évaluation Critique naissance à
6 ans
1 an à 6,5 ans
3 à 6 ans
Évalue le développement social, adaptatif, moteur et langagier de l'enfant. L'instrument permet d'identifier les secteurs de développement qui sont problématiques et de faire des recommandations visant à investiguer ces secteurs de façon plus approfondie.
Évalue le développement moteur (motricité fine et globale), langagier (compréhension et expression) de l'enfant ainsi que son jugement, ses habiletés personnelles et sociales et le développement de son autonomie. Cet instrument permet d'évaluer le niveau de fonctionnement global de l'enfant, d'identifier les secteurs de développement qui sont problématiques et de faire des recommandations visant à investiguer ces secteurs de façon plus approfondie.
Évalue le développement moteur (motricité fine et globale), langagier (compréhension et expression) de l'enfant ainsi que son jugement, ses habiletés personnelles et sociales et le développement de son autonomie. L'instrument permet d'évaluer le niveau de dévelopment global de l'enfant et de déceler la présence de certains problèmes pouvant interférer avec les habiletés d'apprentissage de l'enfant. L'instrument permet de recommander l'investigation plus approfondie de certains aspects problématiques du fonctionnement de l'enfant.
Avantages: - l'administration est rapide (10-20 min.) et dynamique; - le matériel est peu coûteux et suscite l'intérêt de l'enfant. Désavantage: - l'instrument offre peu d'informations concernant le fonctionnement cognitif de l'enfant. Avantages: - l'instrument permet d'obtenir un aperçu relativement complet du fonctionnement de l'enfant; - l'administration est simple et requiert peu de matériel. Désavantages: - l'instrument comporte un grand nombre d'items (320); - comme le questionnaire est rempli par le parent, l'information recueillie peut être influencée par les attentes ou les désirs de ce dernier; - pour répondre au questionnaire, le parent doit avoir au moins complété une scolarité de niveau secondaire. Avantages : - l'instrument permet d'obtenir un aperçu relativement complet du fonctionnement de l'enfant; - l'administration est simple et requiert peu de matériel. Désavantages: - comme le questionnaire est rempli par le parent, l'information recueillie peut être influencée par les attentes ou les désirs de ce dernier.
Tableau 6
Description des principales mesures du développement de l'enfant d'âge préscolaire (suite)
Nom Groupe d'âge Objectifs d'évaluation Critique McCarthy Scales of Children 's Abilities
GI/ide Porlage d'intervention précoce
2,5 à 8,5 ans
naissance à 6 ans
Evalue le développement cognitif, langagier et moteur de l'enfant. L'instrument vise à prédire les aptitudes scolaires de l'enfant.
Éval ue le développement moteur, langagier, cognitif, social et l'autonomie. L'instrument vise à planifier et à mettre en application des objectifs de programme d'intervention.
Echelle de développement naissance à 8 ans Évalue le développement moteur (motricité globale et Harvey graphisme), langagier, l'autonomie, le graphisme et
les connaissances (compétences adaptatives). L'instrument permet d'évaluer le niveau de développement global de l'enfant ainsi que le fonctionnement de ce dernier pour chaque secteur de développement évalué. L'instrument permet de recommander l'investigation plus approfondie de certains aspects problémat iques du fonctionnement de l'enfant.
Avantages : - l'administration est agréable pour l'enfant puisque les tâches peuvent être présentées sous forme de jeu; Désavantage: - comme l'instrument est axé sur les aptitudes scolaires , il laisse de côté des compétences adaptatives importantes telles l'autonomie ou la compréhension de situations concrètes. Avantages : - l'administration est simple et peu être réali sée par un non professionnel; - pour chaque compétence évaluée, des suggestions d'intervention sont présentées. Désavantage: - l'instrument ne permet pas de quantifier le fonctionnement de l'enfant dans les secteurs de développement étudiés . Avantages : - l'administration est relativement rapide (30 à 45 min.) et est agréable pour l'enfant puisque les tâches peuvent être présentées sous forme de jeu; - le matériel requis est peu coûteux; - la majorité des items sont simples et concrets; ils peuvent, en eux-mêmes, être des pistes d'intervention pour les intervenants ou les parents.
Connaissances des parents de la population générale
concernant le développement de l'enfant
Sources d'informations utilisées par les parents
33
Les sources d'informations généralement utilisées par les parents au sujet du
développement de l'enfant sont les suivantes: les renseignements demandés à des
membres de la famille, à des amis, à des personnes du voisinage, à des professionnels; les
lectures; les groupes éducatifs; le «bon sens»; les expériences personnelles et
l'observation; les comparaisons faites avec d'autres enfants (Glascoe et MacLean, 1990;
Vukelich et Kliman, 1985).
Selon l'étude de Vukelich et Kliman (1985), les sources d'informations utilisées par
les mères pour se renseigner sur le développement des enfants diffèrent en fonction de leur
âge. Les auteurs ont comparé deux groupes de mères: des mères adolescentes, dont la
moyenne d'âge était de 16 ans, et des mères adultes, qui avaient en moyenne 28 ans.
Leurs résultats démontrent que les mères adolescentes font d'abord référence à des
personnes de leur entourage (famille, amis et voisins) pour obtenir des renseignements.
Une étude de Sparling (1980) rapporte, elle aussi , que les mères adolescentes ont
davantage recours à des membres de leur famille ou à des amis comme source première
d'information concernant les enfants. Les informations recueillies auprès des
professionnels (pédiatres, infirmières) viennent au deuxième rang chez les mères
adolescentes alors que celles tirées des lectures (livres et revues) viennent au troisième
rang (Vukelich et Kliman, 1985). Enfin, les mères adolescentes ont tendance à utiliser
une moins grande diversité de sources pour s'informer. Contrairement aux mères adultes,
34
les mères adolescentes ne comptent pas leurs expériences personnelles au nombre des
ressources qu'elles peuvent exploiter (Vukelich et Kliman, 1985).
Les mères adultes, elles, utilisent avant tout les livres et les magazines pour
s'informer. Vient ensuite le recours à des professionnels puis, à des personnes de
l'entourage. Les résultats de Glascoe et MacLean (1990) concernant les mères adultes ne
corroborent pas ceux de Vukelich et Kliman (1985). En effet, dans une étude réalisée
auprès de parents adultes ayant de jeunes enfants, Glascoe et MacLean montrent que la
source première d'informations utilisée est la comparaison que font les parents entre leurs
enfants et les autres enfants qu'ils côtoient (par exemple, les autres enfants de la famille,
les enfants des amis et ceux du voisinage).
Si l'âge de la mère semble être une variable qui influence le choix de la ressource que
les parents utilisent pour puiser leurs informations, leur niveau d'éducation et le type de
renseignements que ces derniers recherchent sont deux autres variables à considérer.
Ainsi, une étude de Sparling (1980) réalisée auprès de parents ayant de jeunes enfants
rapporte que, lorsqu'il s'agit de questions reliées à des problèmes de discipline, les
parents font avant tout appel à des membres de leur famille ou à des amis. Cependant,
quand ils cherchent à obtenir des renseignements qui concernent le développement
physique de l'enfant et les pratiques éducatives, les parents font davantage référence à des
professionnels ou à des lectures (livres et revues). Sparling rapporte également que, plus
les parents sont scolarisés, plus ces derniers cherchent à se renseigner par des lectures. Si
Glascoe et MacLean (1990) n'arrivent pas à obtenir un lien significatif entre la
scolarisation et le type de ressource utilisé par les parents, ils relèvent que les parents plus
scolarisés ont effectivement tendance à utiliser davantage les lectures pour se renseigner.
35
Enfin, Glascoe et MacLean rapportent que les parents plus scolarisés ont également
tendance à consulter davantage les professionnels et à participer à des groupes éducatifs.
Impact des connaissances et des croyances parentales sur le développement de l'enfant
Les connaissances et les croyances qu'ont les parents par rapport au développement
de leur(s) enfantes) constitue un prédicteur du développement futur de cet enfant (Houck et
King, 1989; Miller, 1988; McCullicuddy-DeLisi, 1985; Sameroff et Feil , 1985; Hunt et
Paraskevopoulos, 1980). Ainsi, le fait de surestimer ou de sous-estimer les compétences
de l'enfant influence nécessairement l'issue du développement de ce dernier. Pour
expliquer l'effet des attentes et des attitudes des parents sur le développement de l'enfant,
Hunt (1961) a développé le concept de «problem of the match» (problème de
correspondance ).
Hunt considère que le moteur du développement de l'enfant est l'écart qui existe entre
les demandes de l'environnement et le niveau de compétences ou de compréhension de
l'enfant. Pour que l'enfant se développe bien, il doit réussir à s'adapter aux demandes de
l'extérieur en fonction de ses compétences. Il doit en quelque sorte trouver un point
d'équilibre. Toutefois, cet écart entre les compétences de l'enfant et les demandes de
l'environnement doit être à la fois suffisamment grand et suffisamment petit (bonne
correspondance) pour que l'enfant puisse s'adapter à la demande et, par conséquent,
arriver à se développer. Si l'écart est trop grand (mauvaise correspondance) car, par
exemple, les parents surestiment le niveau de compétences de leur enfant, il en résulte un
sentiment de détresse pour l'enfant. D'autre part, si l'écart est absent (autre cas de
mauvaise correspondance), l'intérêt de l'enfant à se développer davantage n'est pas
36
suscité. C'est le cas, par exemple, d'un enfant dont on sous-estime les compétences,
qu'on ne stimule pas ou qu'on surprotège à l'excès. Quand une telle situation perdure,
l'enfant devient de plus en plus apathique et prend du retard au plan intellectuel.
Après avoir vérifié de façon empirique le concept de problem of the match, Hunt et
Paraskevopoulos (1980) affirment que, plus les mères évaluent avec justesse les
compétences de leur enfant, plus elles arrivent à stimuler le développement de celui-ci.
Les mères qui évaluent bien les compétences de leur enfant arrivent à structurer
l'information et l'environnement de façon à favoriser l'apprentissage chez l'enfant. On
peut mettre en lien le concept de Hunt avec la théorie bien connue de l'effet Pygmalion.
L'effet Pygmalion correspond à l'impact que possèdent les attentes de l'environnement
face à l'efficacité d'un individu sur le rendement de ce dernier (Cloutier et Renaud, 1990).
Des études menées, entre autres, par Bandura (1977) et par Kaley et Cloutier (1984)
montrent que, si l'environnement permet à un individu de croire que ses chances de
réussir une tâche sont bonnes (sentiment de compétence personnelle), le rendement de
l'individu à cette tâche sera meilleur que s'il croit que ses chances de réussite sont faibles .
L'effet Pygmalion a d'abord été étudié auprès d'enseignants et de leurs élèves par
Rosenthal (1966). Rosenthal a démontré que les attentes des enseignants envers le
rendement de leurs élèves influençaient de manière significative le rendement de ceux-ci.
Miller (1986), Sattler, Feldman et Bohanan (1985), Hunt et Paraskevopoulos (1980),
ainsi que Ninio (1979) sont quelques-uns des auteurs qui ont mesuré les attentes et les
connaissances des parents face à des compétences spécifiques de l'enfant. Leurs
recherches ont tenté de répondre aux questions suivantes: Quel est le degré d'exactitude
avec lequel les parents peuvent juger des habiletés de leurs enfants ou des enfants en
37
général? Est-ce que les parents auraient tendance à surestimer ou à sous-estimer les
compétences de l'enfant? Est-ce que la précision du jugement des parents varie en
fonction de la nature des compétences mesurées ou de l'âge d'apparition de ces
compétences? Enfin, ces auteurs ont cherché à savoir si le degré d'exactitude avec lequel
les parents évaluent les compétences des enfants varie selon qu'ils estiment la performance
de leur propre enfant ou l'âge d'acquisition de certaines compétences en général.
Instruments de mesure des connaissances parentales quant au développement de l'enfant
Plusieurs instruments ont été développés en vue de mesurer les connaissances ou les
croyances des parents concernant le développement de l'enfant. Ces instruments varient
en fonction de deux perspectives d'étude, soit l'estimation d'âges d'acquisition de
compétences spécifiques au cours de l'enfance et l'estimation de la performance de
l'enfant à diverses tâches qui lui sont proposées. Nous verrons, dans un premier temps,
quelques instruments consistant à demander aux parents d'estimer l'âge d'acquisition de
diverses compétences développementales et nous présenterons ensuite quelques
instruments qui portent, cette fois, sur l'estimation des parents quant à la performance de
leur enfant ou à celle d'autres enfants à dés tâches spécifiques.
Estimation de l'âge d'acquisition des compétences chez les enfants en général
Parmi les mesures qui évaluent les connaissances des parents quant aux âges
d'acquisition de certaines compétences, on retrouve le KnowLedge of Infant Developement
Inventory, créé par MacPhee (1981) , mais non publié (cité dans Miller, 1988), et le High
Scope KnowLedge ScaLe de Epstein ( 1980). Ces instruments évaluent les connaissances
38
des parents par rapport à des comportements qui apparaissent au cours des deux premières
années de la vie de l'enfant, dans des domaines aussi divers que les perceptions
sensorielles, l'alimentation, le sommeil, le langage et la motricité. Il est demandé aux
parents d'estimer l'âge auquel apparaissent généralement ces comportements.
Par ailleurs, d'autres instruments ont été créés pour mesurer les connaissances
concernant le développement des enfants âgés de plus de deux ans, soient le
DeveLopmentaL Expectations Questionnaire (Hess, Kashiwagi, Azuma, Price et Dickson,
1980), le Child DeveLopment Questionnaire (Mash, 1980 cité dans Azar, Robinson,
Hekimian et Twentyman, 1984), et le Parent Expectation ScaLe (Vukelich et Kliman,
1985), pour n'en nommer que quelques uns. Ces questionnaires consistent, eux aussi, à
demander aux parents d'estimer l'âge auquel les enfants acquièrent généralement certaines
compétences spécifiques. Les items choisis représentent des aquisitions de base du
développement de l'enfant telles l'acquisition de la propreté, l'apparition des premiers
mots, la capacité de compter, de monter les escaliers, etc.
De plus, on peut évaluer les connaissances des parents à partir d'épreuves
piagétiennes ou encore, à partir de sous-tests tirés de tests d'intelligence, en demandant
aux parents d'estimer l'âge auquel les enfants réussissent généralement les tâches
présentées par l'expérimentateur.
Dans les trois cas, on peut mesurer les connaissances des parents en comparant leurs
estimations avec les normes développementales déjà existantes. Aucun des instruments
utilisés jusqu'à maintenant ne semble faire l'unanimité. Les auteurs ont davantage
tendance à construire des questionnaires qui répondent aux besoins spécifiques de leur
39
recherche. Par contre, cette construction s'étaie toujours sur des compétences
développementales ayant fait l'objet d'études empiriques ou encore, sur d'autres tests déjà
validés.
Estimation de la performance de l'enfant
Pour évaluer le degré d'exactitude avec lequel les parents estiment les compétences de
l'enfant, qu'il soit ou non le leur, on utilise généralement des items tirés d'un test
psychométrique qui seront éventuellement administrés à l'enfant. Par exemple, Miller
(1986) utilise quelques épreuves piagétiennes et certains sous-tests provenant de tests
d'intelligence. Il demande d'abord aux parents de dire si, oui ou non, ils croient que leur
enfant peut réussir les tâches sélectionnées puis, il demande à l'enfant d'effectuer ces
dernières. De son côté, Roman (1980) a suivi la même méthode, mais cette fois, avec le
Peabody Picture Vocabulary Test. Enfin, Miller et Davis (1992) ont demandé aux parents
d'estimer à la fois la performance de leur propre enfant et la performance d'un groupe
d'enfants du même âge à des tâches tirées du Stanford-Binet et du Kaufman Assessment
Battery for Children.
Il faut souligner que ces deux perspectives de questionnement, à savoir l'estimation
de l'âge d'acquisition des compétences chez les enfants en général et l'estimation de la
performance chez son propre enfant, nous fournissent des informations de nature assez
différente concernant les parents. Alors que les questionnaires consistant à demander aux
parents d'estimer des âges d'acquisition nous renseignent davantage sur les connaissances
«théoriques» que ceux-ci possèdent, les questionnaires qui consistent à demander aux
parents ce que leur enfant peut ou ne peut pas faire nous renseignent davantage sur les
40
connaissances qu'ils ont acquises en observant l'enfant ainsi que sur les attentes qu'ils
nourrissent face à ce dernier. Bien entendu, on peut croire que, dans le cas des mesures
qui concernent les connaissances du développement des enfants en général, les parents
risquent aussi de répondre en fonction des croyances et désirs qu'ils nourrissent envers
leur(s) propre(s) enfantes). Comme le souligne Miller (1988), cela pourrait avoir pour
effet de biaiser les résultats de la recherche. C'est donc dans la perspective selon laquelle
les parents évaluent les compétences de leur propre enfant, que nous avons choisi de
mener notre étude.
Connaissances des parents concernant le développement de l'enfant
Les recherches qui ont mesuré les connaissances des parents concernant le
développement de l'enfant arrivent à trois constats intéressants. D'abord, les parents
estiment relativement bien les compétences des enfants, qu'ils soient ou non les leurs et
ce, surtout s'il leur est demandé d'estimer la performance de l'enfant à des tâches
spécifiques plutôt que d'estimer des âges d'acquisition de compétence. Alors qu'on
retrouve des taux de concordance variant de 38% à 59% entre les âges d'acquisitions
estimés par les parents et les normes développementales (Miller, White et Delgado, 1980;
Kliman et Vukelich, 1985; Vukelich et Kliman, 1985), ces taux vont généralement au-delà
de 70% quand l'estimation de la performance de l'enfant donnée par les parents est
comparée à celle qui est évaluée par un expérimentateur (Miller et Davis, 1992; Miller,
1986; Hunt et Paraskevopoulos, 1980). Il a également été démontré que les parents dont
l'enfant possède des retards développementaux font , eux aussi , une évaluation
relativement juste des compétences de leur enfant (Diamond et LeFurgy, 1992; Coplan,
1982; Colligan, 1977).
41
Le deuxième constat porte sur le fait que la majorité des recherches qui évaluent les
connaissances qu'ont les parents dans plus d'un secteur de développement de l'enfant ne
rapportent pas de différence marquée quant à l'exactitude de l'évaluation des parents entre
ces secteurs. Miller et Davis (1992) ont démontré qu'il existe des corrélations
significatives entre la performance estimée par les mères et le résultat de l'enfant à des
tâches de mémoire, de problèmes mathématiques et de reproductions de formes
géométriques. Pourtant, ils ne retrouvent pas de telles corrélations dans le cas de tâches
qui concernent les compétences langagières. Ces résultats surprennent puisque l'on
pourrait croire que le domaine du langage contient des conduites plus facilement
observables pour les parents que celles que l'on retrouve dans le domaine de la cognition.
D'ailleurs, Edwards-Beckett (1992) remarque que les parents préfèrent être questionnés
sur des conduites observables et concrètes plutôt que d'avoir à évaluer du matériel abstrait.
Le troisième constat consiste à dire que certaines caractéristiques de l'enfant et de la
famille influencent le jugement des parents. Premièrement, on remarque que, lorsqu'il y a
erreur de jugement de la part des parents, les compétences des tout jeunes enfants (deux
ans et moins) sont généralement sous-estimées alors que celles des enfants plus âgés (plus
de deux ans) sont plutôt surestimées (Miller, 1986; Crouchman, 1985; Hunt et
Paraskevopoulos, 1980; Miller, White et Delgado, 1980; Ninio, 1979) et ce, surtout si
l'enfant évalué est son propre enfant (Pharis et Manosevitz, 1980). Goodnow et Collins
(1990) considèrent que l'évaluation des compétences de l'enfant est davantage reliée à des
images ou à des stéréotypes. Il semble que les parents sous-estiment les compétences des
jeunes enfants parce qu 'ils les considèrent comme plus «bébés» alors qu'ils surestiment
celles des enfants plus vieux qu'ils considèrent davantage comme «des grands».
42
L'étude de Marcus et Corsini (1978) montre que les pères surestiment les
compétences de leur fille, mais ils n'observent pas une telle différence chez les mères. Par
contre, l'étude de Martin et Johnson (1992), dans laquelle on compare l'évaluation des
mères à celle d'enseignants, arrive à la conclusion que les mères surestiment les
compétences de leur fille. Toutefois, ce résultat ne concerne que les habiletés motrices.
Les études de Vukelich et Kliman (1985) et de McGillicuddy-DeLisi (1982) montrent,
quant à elles, que plus les mères sont scolarisées, plus elles possèdent de connaissances
en ce qui concerne le développement de l'enfant. Ces deux auteurs, de même que Fry
(1985) et Sparling (1980) ont également constaté que plus les mères sont jeunes, moins
elles possèdent de connaissances dans le domaine du développement de l'enfant.
De plus, Ninio (1979) et Marcus et Corsini (1978) affirment que les parents de niveau
socio-économique faible ont des attentes significativement moins élevées envers les
compétences de leur enfant (Ninio, 1979; Marcus et Corsini, 1978) que les parents de
niveau socio-économique plus élevé. Cependant, puisque l'étude de Marcus et Corsini
(1978) montre que les parents qui font partie de la classe moyenne ont des attentes
exagérément élevées face aux compétences de leur enfant, on peut croire que les parents de
niveau socio-économique faible ne font, en fait, qu'une évaluation plus réaliste de leur
enfant.
Enfin, Martin et Johnson (1992) observent que les mères qui vivent en milieu rural
évaluent avec moins de justesse les compétences de leur enfant. Les auteurs croient que,
vu leur isolation, ces mères ont moins de points de référence qui leur permettent d'évaluer
adéquatement le développement de leur enfant.
43
Il est, par ailleurs, étonnant de constater qu'on ne retrouve aucun lien significatif entre
le nombre d'enfants dans la famille et les connaissances que possède la mère au sujet du
développement de l'enfant (Vukelich et Kliman, 1985; McGilliduddy-DeLisi, 1982).
L'étude de McGillicuddy-DeLisi montre cependant que les connaissances que possèdent
les pères face au développement de l'enfant sont, pour leur part, influencées par le nombre
d'enfants qui composent la famille. À prime abord, ces résultats laissent à penser que
seuls les pères tireraient des leçons des comportements observés chez les premiers enfants
de la famille. Or, un tel résultat pourrait être expliqué par le fait que les hommes, parce
qu'ils ont moins de connaissances face à l'enfant qu'en ont les femmes à la venue d'un
premier né, font un nombre plus grand nombre d'apprentissages au fil des années qu'en
font les femmes.
Connaissances et attentes des mères maltraitantes
concernant le développement de l'enfant
Au-delà des différences objectives qui existent entre les enfants maltraités et les
enfants non maltraités de même statut socio-économique, les recherches de Bugental,
Mantyla et Lewis (1989), de Pianta, Egeland et Erickson (1989) de Reid, Kavanagh et
Baldwin (1987) ainsi que celle de Wood-Shuman et Cone (1986) montrent que les mères
maltraitantes,comparativement à des mères non maltraitantes, ont tendance à décrire leurs
enfants comme étant plus difficiles et plus problématiques. Elles attribuent souvent des
intentions malveillantes à leurs comportements (Larrance et Twentyman, 1983). De plus,
Reid et al. (1987) constatent que les mères violentes rapportent plus de problèmes de
conduites, de comportements agressifs et d'hyperactivité chez leur enfant que ne le font les
mères d'un groupe contrôle. Pourtant, des observateurs externes ne trouvent pas de
44
différence marquée entre les comportements des enfants maltraités et ceux du groupe
contrôle.
Les parents maltraitants auraient des attentes irréalistes face à leurs enfants (Herzog et
al., 1992; Houck et King, 1989; Steele, 1987; Larrance et Twentyman, 1983;
Twentyman et Plotkin, 1982; Steele et Pollock, 1968). Les demandes que les parents
violents adressent à leurs enfants seraient trop grandes, trop intenses et prématurées,
compte tenu de leur niveau de développement (Spinetta, 1978; Spinetta et Rigler, 1972;
Steele et Pollock, 1968). Bref, ils agiraient avec l'enfant comme si ce dernier était
beaucoup plus vieux que son âge, voire un adulte. Morris et Gould (1963) parlent de
renversement des rôles (roie reversai), c'est-à-dire que l'enfant est traité comme un adulte
alors que le parent se place dans la position de l'enfant, soit de celui qui demande à ce que
ses besoins et ses désirs soient satisfaits. Ce phénomène peut être attribuable à un manque
de connaissances relatif aux besoins de l'enfant (Herrenkohl, Herrenkohl et Egolf, 1983;
Polansky et Chalmers, 1981), à un manque d'empathie de la part des parents (Steele,
1987) ou encore, à un manque d'interactions avec l'enfant (Bousha et Twentyman, 1984).
Azar, Robinson, Hekimian et Twentyman (1984) ont démontré empiriquement
l'ampleur des attentes des mères maltraitantes en les comparant à celles des mères d'un
groupe contrôle. D'abord, ils ont trouvé que les mères maltraitantes, qu'elles soient
violentes ou négligentes, s'attendent à ce que l'enfant puisse, dès l'âge préscolaire,
prendre des responsabilités familiales, par exemple, prendre soin de ses frères et soeurs
plus jeunes. Elles s'attendent également à ce que l'enfant puisse manifester des
comportements et des sentiments qui sont appropriés aux situations dans lesquelles ce
dernier se retrouve. De plus, comparativement aux mères contrôle, les mères maltraitantes
45
ont davantage tendance à sanctionner précocement des comportements qu'elles jugent
inappropriés.
Les recherches qui ont étudié systématiquement les connaissances que les parents
maltraitants possèdent en ce qui concerne le développement de l'enfant, que ce soit le leur
ou les enfants en général, sont peu nombreuses. Elles apportent des nuances à
l'hypothèse découlant des observations de Spinetta (1978), de Spinetta et Rigler (1972) et
de Steele et Pollock (1968) selon laquelle les parents maltraitants s'attendraient à ce que
l'enfant acquiert des compétences à un âge inférieur aux normes développementales. On
constate que ces recherches s'adressent davantage à des parents violents qu'à des parents
négligents, que les parents étudiés sont davantage des mères que des pères et que les
compétences qui sont au coeur de leur questionnement concernent les enfants âgés de plus
de deux ans. On remarque également que les auteurs de ces recherches optent davantage
pour la perspective selon laquelle les parents estiment l'âge d'acquisition de certaines
compétences. En effet, une seule recherche, celle de Larrance et Twentyman (1983), a
cherché à savoir comment les mères maltraitantes estimaient la performance de leur enfant.
Dans cette recherche, les mères violentes et négligentes prédisent davantage
d'insuccès à leur enfant, lorsqu'elles le comparent à un autre enfant, que ne le font des
mères non maltraitantes (Larrance et Twentyman, 1983). Les tâches sur lesquelles portent
leur prédiction sont la réalisation d'un casse-tête et la victoire à un jeu de hasard. Malgré
un résultat intéressant, la limite de cette recherche réside dans le fait que les auteurs n'ont
pas cherché à vérifier quel enfant obtenait effectivement plus de succès à ces deux tâches.
46
Examinons donc avec quel degré d'exactitude les mères maltraitantes estiment l'âge
d'acquisition de certaines compétences développementales. D'abord, Berg (cité dans
Kravitz et Driscoll, 1983) observe, en 1975, que les parents qui violentent leur enfant
estiment l'acquisition des compétences à un âge significativement plus tardif que ne le font
les parents d'un groupe contrôle. Dans leur étude, Kravitz et Driscoll (1983) arrivent au
même résultat. De plus, lorsque les estimations des parents sont comparées à des nonnes
développementales, Kravitz et Driscoll trouvent que les parents qui violentent leur enfant
obtiennent un nombre d'erreurs significativement plus élevé que celui des parents non
maltraitants. Par contre, les erreurs des parents violents, tout comme celles des parents du
groupe contrôle, consistent tantôt à sous-estimer les âges d'acquisiton, tantôt à les
surestimer. Ainsi, bien que Kravitz et Driscoll aient d'abord trouvé que les âges
d'acquisition estimés étaient significativement plus tardifs chez les parents violents que
chez les parents du groupe contrôle, cette différence n'est plus significative après que les
estimations aient été comparées aux nonnes développementales.
Azar et al. (1984), Kravitz et Driscoll (1983) ainsi que Twentyman et Plotkin (1982)
ont également démontré l'existence d'erreurs bi-directionnelles dans les estimations que
font les parents maltraitants au sujet de l'âge d'acquisition de certaines compétences. Ils
infinnent, eux aussi, l'hypothèse découlant des affinnations de Spinetta et Rigler (1972) et
de Steele et Pollock (1968). Les résultats de Twentyman et Plotkin arrivent à la
conclusion que, lorsqu'on compare les estimations des mères à des normes
développementales, les mères violentes et les mères négligentes font un nombre d'erreurs
bi-directionnelles significativement plus élevé que les mères non maltraitantes.
Twentyman et Plotkin observent toutefois que les mères violentes se distinguent des deux
autres groupes de mères quant à la perception qu'elles ont du développement de leur
47
enfant par rapport à celui des autres enfants du même âge. Ainsi, alors que les mères
négligentes et les mères du groupe contrôle estiment que leur enfant développe ses
compétences plus hâtivement que les autres enfants de son âge, les mères violentes, elles,
estiment le contraire.
Dans le même ordre d'idées, Reid et al. (1987) ont démontré que les mères violentes
ont une perception de leur enfant qui est plus négative que celle des mères non
maltraitantes. À un questionnaire où les mères évaluent cinq caractéristiques de leur
enfant, les enfants maltraités sont perçus comme étant significativement moins intelligents
et ce, même si leurs performances académiques sont équivalentes à celles des enfants du
groupe contrôle.
Enfin, les résultats de Azar et ses collègues (1984), bien qu'ils démontrent, eux
aussi, des erreurs bi-directionnelles dans les estimations des parents maltraitants, ne
corroborent pas entièrement ceux de Kravitz et Driscoll (1983) ni ceux de Twentyman et
Plotkin (1982). En effet, dans l'étude d'Azar et al., les parents maltraitants ne commettent
pas un nombre d'erreurs qui soit significativement plus élevé que celui des parents du
groupe contrôle. L'étude contient également d'autres résultats qui, bien que non
significatifs , sont particulièrement intéressants. Ceux-ci montrent que les mères
négligentes ont une forte tendance à estimer des âges d'acquisition de compétences qui
sont supérieurs aux normes développementales. Cela signifie que les mères négligentes
s'attendent davantage à ce que les enfants acquièrent des compétences plus précocement
qu'ils ne le font dans la réalité, comme le prétendaient Spinetta ( 1978), Spinetta et Rigler
(1972), de même que Steele et Pollock (1968) .
48
Afin d'expliquer l'écart qui existe entre les observations faites par Spinetta (1978),
Spinetta et Rigler (1972) et Steele et Pollock (1968) et certains résultats empiriques qui
démontrent le contraire, Twentyman, Rohrbeck et Arnish (1984) proposent un modèle qui
décrit le cycle de la violence faite à l'enfant. Ce modèle, qui comprend quatre stades, tente
d'expliquer comment la perception qu'ont les parents violents de leur enfant évolue. Dans
le premier stade, les parents possèdent des attentes irréalistes envers leur enfant. Ils
s'attendent à ce que l'enfant acquiert très vite des compétences (ils surestiment les
compétences de l'enfant). Dans le deuxième stade, les comportements de l'enfant
contrecarrent les attentes des parents. Ceux-ci constatent que leur enfant ne se développe
pas aussi vite qu'ils le souhaiteraient, mais conservent leurs attentes élevées. Dans le
troisième stade, les parents prêtent des intentions négatives à l'enfant. Ils croient que, si
l'enfant n'acquiert pas les compétences souhaitées, c'est parce qu'il le fait exprès. Ils
croient en fait que l'enfant veut délibérément les contrarier. Enfin, dans le stade quatre,
les parents réagissent de façon excessive et punissent l'enfant. En ce qui concerne la
perception de l'enfant que possèdent les parents négligents, celle-ci suivrait une trajectoire
semblable. Par contre, leurs comportements seraient beaucoup moins excessifs.
En résumé, les recherches empiriques qui ont cherché à mesurer les connaissances
des parents maltraitants en matière de développement de l'enfant arrivent aux conclusions
suivantes:
1) les parents violents et les parents négligents font significativement plus
d'erreurs que les parents d'un groupe contrôle lorsque l'on compare leurs
estimations d'âge d'acquisition à des normes développementales (Kravitz et
Driscoll, 1983; Twentyman et Plotkin, 1982);
2) les mères violentes ont tendance à estimer des âges d'acquisition qui sont plus
tardifs que ceux retrouvés dans les normes alors que les mères négligentes ont
tendance à estimer des âges d'acquisition qui sont, pour leur part, plus précoces
que ceux retrouvés dans les normes (Azar et al., 1984);
49
3) en général, les parents violents estiment des âges d'acquisition de compétences qui
sont significativement plus tardifs que ceux estimés par les parents négligents ou
par les parents d'un groupe contrôle (Kravitz et Driscoll, 1983; Twentyman et
Plotkin, 1982; Berg, 1975);
4) les mères violentes considèrent leur enfant comme moins intelligent lorsque l'on
compare leur appréciation de l'enfant à celle de mères d'un groupe contrôle (Reid et
al., 1987);
5) contrairement aux parents violents, les parents négligents, tout comme les parents
d'un groupe contrôle, estiment des âges d'acquisition de compétences qui sont plus
précoces pour leur enfant que pour les enfants en général (Twentyman et Plotkin,
1982);
6) par contre, lorsque l'on place l'enfant de la mère et un autre enfant du même âge
face à une tâche, les mères négligentes et les mères violentes prédisent moins de
succès à leur enfant que ne le font les mères d'un groupe contrôle (Larrance et
Twentyman, 1983).
Malheureusement, après la lecture de ces recherches, nous en savons encore très peu
sur le degré d'exactitude avec lequel les mères maltraitantes évaluent le développement de
leur enfant. Nous en savons encore moins en ce qui concerne les mères négligentes,
sinon que ces mères ont tendance à croire que certaines compétences développementales
s'acquièrent plus tôt que ce qu'en disent les normes développementales (Azar et al. , 1987)
et qu'elles sous-estiment les compétences de leur enfant face à la réalisation d'une tâche,
50
lorsqu'elles le comparent à un autre enfant (Larrance et Twentyman, 1983). Ce dernier
constat doit toutefois être interprété avec grande prudence puisque, dans cette recherche,
les auteurs n'ont pas comparé l'estimation des mères aux compétences réelles de l'enfant.
Il est à noter que les observations cliniques faites jusqu'à maintenant par les
chercheurs, les animateurs de groupe et les membres des familles-soutien du GREDEF
montrent que les mères négligentes ont une perception des compétences de leurs enfants
qui n'est pas conforme à ce qui est retrouvé dans la réalité. Les mères ne semblent pas
être conscientes des retards de développement qu'affichent indéniablement leurs enfants
(Palacio-Quintin et Jourdan-Ionescu, 1994; Éthier et al., 1993, 1991; Culp. et al., 1991)
ou du moins, elles en minimisent l'ampleur.
La présente recherche vise donc à vérifier si, effectivement, les mères négligentes
commettent des erreurs dans l'évaluation qu'elles font des compétences de leur enfant et,
si tel est le cas, dans quelle direction ces erreurs se situent (estimations supérieures ou
inférieures aux compétences réelles de l'enfant). Parce qu'il est essentiel, pour permettre à
l'enfant de se développer, de lui fournir des expériences d'apprentissage qui sont
appropriées à ses compétences (Groner, 1990), le parent devrait être en mesure d'évaluer
relativement bien ce que son enfant est capable de faire et de comprendre. Dans un
premier temps, les mères se verront présenter une série de compétences
développementales et estimeront si leur enfant les a ou non acquises. Dans un deuxième
temps, les mères situeront leur enfant par rapport aux autres enfants de son âge en ce qui
concerne son niveau de développement global pour chacun des cinq secteurs de
développement étudiés: motricité, graphisme, langage, connaissances et autonomie. Le
groupe d'âge ciblé par la recherche concerne les enfants d'âge préscolaire et ceux qui
5 1
débutent tout juste leur scolarisation. Pour arriver à mesurer la justesse avec laquelle les
mères négligentes évaluent les compétences de leur enfant, nous comparons leurs
estimations aux résultats qu'obtient l'enfant à une échelle de développement.
Hypothèses de recherche
Hypothèse générale:
Dans cette recherche, nous supposons que l'estimation que font les mères négligentes
des compétences développementales de leur enfant ne correspond pas aux compétences
réelles de ce dernier, telles qu'elles sont évaluées à l'aide d'une échelle de développement.
À partir des résultats obtenus par Kravitz et Driscoll (1983), de même que par Twentyman
et Plotkin (1982) en comparant les estimations des parents maltraitants à des normes
développementales, nous supposons que l'écart entre les estimations des mères et les
résultats obtenus par l'enfant à l'échelle de développement sera significatif.
Hypothèses complémentaires
1- Comme les mères négligentes ont tendance à estimer des âges d'acquisition qui sont
plus précoces que ceux retrouvés dans les normes (Azar et al. , 1984), les mères de notre
échantillon estimeront que leur enfant a acquis la plupart des compétences
développementales qui leur seront soumises à évaluation. L'écart entre le nombre de
réponses positives émises par la mère et le nombre d'items effectivement réussis par
l'enfant à l'échelle de développement sera significatif et ce, pour chaque secteur de
développement étudié.
52
2- Puisque les mères négligentes prédisent moins de succès à leur enfant qu'à un autre
enfant du même âge face à la réalisation d'une tâche (Larrance et Twentyman, 1983), nous
pourrions nous attendre à ce que les mères de notre échantillon sous-estiment le niveau de
développement de leur enfant lorsqu'elles le comparent à celui des autres enfants du même
âge. Cependant, comme, dans notre recherche, les mères n'ont pas à comparer
directement leur enfant à un autre enfant, mais plutôt à ce qu'elles connaissent des enfants
en général, cette affirmation semble peu valable. Nous supposons plutôt que les mères qui
composent notre échantillon, parce qu'il a été démontré que les mères négligentes
s'attendent à ce que les âges d'acquisition de compétences développementales soient plus
précoces pour leur enfant que pour les autres enfants du même âge (Twentyman et
Plotkin, 1982), évalueront le niveau de développement de leur enfant comme étant
supérieur à celui des autres enfants du même âge et ce, pour chaque secteur de
développement étudié.
Hypothèses exploratoires:
1- Conformément aux résultats de Martin et Johnson (1992), qUi ont comparé
l'évaluation de l'enfant faite par les mères (population générale) avec celle des
enseignants, nous pouvons nous attendre à ce que les mères de notre échantillon
surestiment les compétences développementales, de même que le niveau de développement
que possèdent les filles, dans le secteur de la motricité.
2- S'il est exact, d'après le modèle proposé par Twentyman et al. (1984) que les attentes
des mères maltraitantes face au développement de l'enfant sont particulièrement élevées
lorsque les enfants sont jeunes, les mères de notre étude devraient surestimer davantage
53
les compétences développementales et le niveau de développement que possèdent les plus
jeunes enfants qui composent l'échantillon et, par conséquent, obtenir un nombre plus
élevé d'erreurs lorsqu'elles évaluent ces derniers. Nous supposons donc que, plus les
enfants sont jeunes, plus les mères commettront d'erreurs dans leur évaluation.
3- Si le modèle proposé par Twentyman et al. (1984) est exact, les mères négligentes
devraient surestimer davantage les compétences et le niveau de développement de l'enfant
qui occupe une position de cadet par rapport à un autre membre de sa fratrie. Parce qu'il
est moins âgé, la mère de cet enfant devrait encore nourrir des attentes élevées envers lui.
4- Comme l'ont démontré les études de Reid et al. (1987), de Azar et al. (1984) et de
Twentyman et Plotkin (1982), nous nous attendons à ce que les mères dont le signalement
de négligence est associé à un de mauvais traitements sous-estiment les compétences
développementa1es ainsi que le niveau de développement de leur enfant.
5- Comme les études menées par Vukelich et Kliman (1985) et par McGillicuddy-DeLisi
(1982) sur une population de mères non maltraitantes montrent que plus les mères sont
scolarisées, plus elles possèdent de connaissances concernant le développement de
l'enfant, nous pourrions donc retrouver un lien négatif entre le nombre d'erreurs
commises par les mères de notre échantillon et leur niveau de scolarisation. Ainsi, plus les
mères négligentes seraient scolarisées, moins elles commettraient d'erreurs dans
l'évaluation qu'elles font des compétences développementales de leur enfant.
6- Nous pourrions retrouver un lien négatif entre l'âge des mères négligentes et le
nombre d'erreurs qu'elles commettent en évaluant l'enfant. D'après les recherches de
54
Vukelich et Kliman (1985), de Fry (1985) et de Sparling (1980), plus les mères sont
âgées, plus elles possèdent de connaissances en ce qui concerne le développement de
l'enfant. Ainsi, plus les mères de notre échantillon sont âgées, moins elles devraient
commettre d'erreurs dans l'évaluation qu'elles font de leur enfant.
7 - D'après les résultats obtenus par Marcus et Corsini (1978) auprès d'une population
de parents non maltraitants, plus les mères comptent sur des revenus familiaux élevés,
plus leurs attentes quant au développement de l'enfant sont grandes. Nous pourrions
donc trouver un lien positif entre les revenus familiaux et le nombre d'erreurs commises
par les mères.
8- Puisque l'étude de Martin et Johnson (1992), effectuée auprès de mères de la
population générale, montre que les mères qui vivent en milieu rural possèdent moins de
connaissances concernant le développement de l'enfant que les mères de milieu urbain,
nous pourrions retrouver un nombre d'erreurs plus élevé chez les mères négligentes vivant
en milieu rural que chez celles qui vivent en milieu urbain.
Méthode
Ce deuxième chapitre a comme objectif la description des différents aspects de la
méthode utilisée pour réaliser cette recherche. Nous présenterons d'abord l'échantillon,
les instruments de mesure utilisés et la procédure de l'expérimentation. Nous décrirons
ensuite la démarche de pré-expérimentation qui a été nécessaire avant de réaliser
l'expérimentation proprement dite.
Échantillon
Notre échantillon comprend 17 familles dont la mère a été signalée au Centre de
Protection de l'Enfance et de la Jeunesse (CPEJ) de la région 04 pour négligence. Deux
de ces mères ont également un signalement pour mauvais traitements. Les critères faisant
que le signalement d'un enfant négligé est retenu sont les suivants: abandon, rejet affectif
grave et continu de la part des parents ou de ceux qui en ont la garde, isolement, absence
de soins marquée ou privation de conditions matérielles nécessaires à la satisfaction de ses
besoins fondamentaux (ministère de la Santé et des Services Sociaux, 1989). Le choix de
ne retenir que les mères pour les fins de la recherche s'explique, d'une part, par le fait que
celles-ci sont plus susceptibles de connaître les compétences de l'enfant dans le quotidien
(alimentation, hygiène, habillement, langage, dessin, etc.) et, d'autre part, parce que
certaines d'entre elles sont monoparentales ou encore, vivent avec un conjoint, autre que le
père de l'enfant, depuis une période plus ou moins longue. Nous tenons à souligner que
la taille de notre échantillon est comparable à celle des autres recherches qui sont réalisées
dans le domaine de la maltraitance. Par exemple, les recherches de Reid et al. (1987), de
57
Azar et al. (1984) et de Larrance et Twentyman (1983) portent sur un nombre de familles
maltraitantes qui n'excède pas 21.
Notre groupe est constitué de 17 mères âgées entre 21 et 38 ans (M=28,59 ans). Sept
d'entre elles sont monoparentales et dix, vivent avec un conjoint. Parmi les mères qui
vivent avec un conjoint, quatre vivent avec le père de l'enfant et six vivent avec un
conjoint depuis une période qui varie entre un an et sept ans. Leur niveau socio
économique est fonction de leur statut conjugal. Dans les familles monoparentales, le
revenu annuel est généralement très faible (entre 10 000$ et 14999$) alors que chez les
familles biparentales, on retrouve un revenu annuel faible à moyen (entre 10 000$ et
40 000$). Seules deux mères occupent un emploi, une est étudiante à temps complet
alors que les autres reçoivent des prestations d'aide sociale. Dans les dix foyers
biparentaux, on retrouve deux conjoints qui occupent un emploi déclaré, un qui est
étudiant et sept qui vivent de l'aide sociale. Les emplois qu'occupent ces personnes sont
tous des emplois plus ou moins réguliers et ne requérant aucune formation spécialisée (par
exemple, journalier, serveuse, etc.). Enfin, le niveau de scolarité des mères va de la 3e
année du secondaire à la première année du collégial. Elles ont presque, en moyenne,
complété un secondaire 5 (M= 1 0,94 années de scolarité). Les caractéristiques des mères
négligentes et de leur famille sont présentées dans le Tableau 7.
Parmi les 17 familles qui composent notre échantillon, quatre comprennent deux
enfants dont l'âge correspond à celui qui est ciblé par la recherche (2 ans à 6 ans Il mois).
Puisqu'il fallait ne retenir qu'un seul enfant par famille , de manière à ce que chacune
d'entre elles ait une représentation équivalente dans la recherche au moment de traiter les
données, nous avons dû traiter à part quatre des 21 enfants qui composaient l'échantillon
58
Tableau 7
Caractéristiques démographiques des familles étudiées
Caractéristiques
Situation conjugale de la mère Vit seule Vit avec le père de l'enfant Vit avec un conjoint qui n'est pas le père de l'enfant (depuis plus d'un an)
Occupation de la mère Possède un emploi Est étudiante Ne travaille pas (aide sociale)
Occupation du conjoint Possède un emploi Est étudiant Ne travaille pas (aide sociale)
Nombre d'enfants dans la famille 1 enfant 2 enfants 3 enfants 4 enfants
Age moyen de la mère
Dispersion des âges
Scolarité moyenne de la mère
Dispersion des années de scolarité
Familles négligentes (n=17)
n
7 4 6
2 1
14
2 1 7
6 7 3 1
%
41% 24% 35%
12% 6%
82%
20% 10% 70%
35% 41% 18% 6%
28,59 ans
21 à 38 ans
10,94 ans
9 à 13 années
59
initial. Comme nous le verrons dans le prochain chapitre, ces quatre enfants font l'objet
d'un calcul particulier en lien avec une hypothèse de recherche, mais ne sont pas
considérés comme faisant partie de l'échantillon proprement dit. La sélection de ces
enfants a reposé sur la variable «rang de l'enfant dans la famille». Ainsi, deux aînés et
deux cadets ont été traités à part. L'un d'entre eux est le plus jeune de la recherche alors
qu'un autre est le plus âgé (voir Tableau 8).
Tableau 8
Caractéristiques des familles où deux enfants sont ciblés par la recherche
Rang de l'enfant Age Sexe (en mois) (1 =~arlon, 2=fille)
Famille 1 enfant 1 2e 82 1 enfant 2* 3e 64 2
Famille 2 enfant 1 * 1er 63 1 enfant 2 2e 25 1
Famille 3 enfant 1 * 1er 53 2 enfant 2 2e 41 1
Famille 4 enfant 1 1er 72 2 enfant 2* 2e 54 2
* enfant faisant partie du groupe étudié
L'échantillon actuel comprend donc 17 enfants âgés entre 2 ans 5 mois et 6 ans 5
mois et leur mère (n=17) . L'âge moyen des enfants est de 50,71 mois (voir le Tableau 9).
On compte parmi eux 10 garçons et sept filles. Les enfants, pour la plupart des aînés de
famille, proviennent de familles composées d'un à quatre enfants. Leur rang dans la
fratrie va de premier à troisième. Il nous paraissait important que les enfants retenus
Tableau 9
Caractéristiques démographiques des enfants étudiés
Garçons Filles
Caractéristiques
Rang dans la famille Premier Deuxième Troisième
Fréquentation de la garderie ou de l'école Garderie (2 à 5 jours par semaine) Maternelle Première année Aucune fréquentation
Milieu de vie de l'enfant Vit au domicile familial Placé en famille d'accueil
Age moyen de l'enfant
Dispersion des âges
Enfants négligés (n=17)
n %
10 59% 7 41%
10 59% 5 29% 2 12%
6 35% 3 18% 1 6% 7 41%
15 88% 2 12%
50,71 mois
29 à 77 mois
60
n'aient pas terminé la première année du primaire pour éviter que la perception que la mère
possède face aux compétences développementales de son enfant ne soit trop influencée par
les informations provenant du milieu scolaire. Ainsi , on ne retrouve qu'un enfant en
première année de l'élémentaire et trois enfants qui fréquentent la maternelle. Chez les
enfants de cinq ans et moins, six fréquentent régulièrement une garderie, à raison de deux
à cinq jours par semaine. Enfin, sept enfants ne fréquentent aucun de ces deux types
d'institution .
61
Il faut mentionner que deux des 17 enfants ont été placés en famille d'accueil environ
six mois avant que l'évaluation n'ait lieu. Toutefois, les contacts de ces enfants avec leur
mère biologique sont suffisamment fréquents pour que la mère puisse connaître les
compétences développementales actuelles de son enfant et, par conséquent, répondre à
notre questionnaire.
Instruments
Les informations concernant l'enfant, la mère ainsi que celles qui concernent la
famille en général sont recueillies à l'aide du Questionnaire démographique (Éthier, 1993).
Les compétences et le niveau de développement que possède actuellement l'enfant sont
évalués à partir de l'Échelle de développement Harvey (1984), tandis que le degré
d'exactitude avec lequel les mères négligentes évaluent ces mêmes aspects du
développement de leur enfant est évalué grâce au questionnaire Évaluation du
développement de l'enfant (1993). Il est à noter que l'expérimentateur administre d'abord
le questionnaire à la mère et que, par la suite, il évalue l'enfant à partir de l'échelle de
développement par l'expérimentateur.
L'Échelle de développement Harvey est destinée aux enfants âgés de moins de huit
ans. Elle mesure cinq secteurs de développement, soient la motricité, l'autonomie, le
graphisme, le langage et les connaissances générales. Chaque secteur de développement
comprend 36 items pondérés en mois de développement qui s'additionnent pour fournir
un âge développemental propre à chaque secteur évalué. Cet âge de développement, placé
en rapport avec l'âge chronologique de l'enfant, nous fournit un quotient de
développement. Le quotient global de développement s'obtient en faisant la moyenne des
62
cinq âges de développement trouvés, puis en la mettant en rapport avec l'âge
chronologique du sujet. Un chiffre inférieur à 1,00 est un indice de retard de
développement, alors qu'un chiffre plus grand que 1,00 suggère un développement plus
rapide que la moyenne (Harvey, 1984). Notons que, comme les items sont bien définis et
concrets et que l'unique mode de réponse est celui du «oui» ou «non», peu de place est
laissée à la subjectivité de l'expérimentateur entrainé.
L'Échelle de développement Harvey a été choisie en fonction de ses nombreux
avantages:
- qualités psychométriques (coefficient de fidélité entre 0,96 et 0,99 et validité de
construit);
- évaluation faite sous forme de jeux et d'activités quotidiennes qui plaisent aux
enfants sans exiger d'eux une attention trop soutenue (élément important considérant
que les enfants qui composent l'échantillon ont généralement une faible capacité
d'attention);
- évaluation qui peut être faite à la maison;
- matériel requis peu coûteux, composé d'objets que l'on peut retrouver dans la
plupart des foyers;
- items concrets qui peuvent offrir des pistes d'intervention aux parents ou aux
intervenants dans les plus faibles secteurs de compétence de l'enfant.
Le degré d'exactitude avec lequel les mères négligentes évaluent les compétences ainsi
que le niveau de développement de leur enfant est, pour sa part, mesuré à l'aide du
questionnaire Évaluation du développement de l'enfant (voir Appendice A), construit par
Proulx et Jourdan-Ionescu (1993) . Ce questionnaire comprend 45 items tirés
63
intégralement de l'Échelle de développement Harvey, dont neuf items par secteur de
développement (n=5), et cinq questions concernant le niveau de développement de l'enfant
pour chaque secteur étudié. Tous les items sélectionnés dans l'Échelle de développement
Harvey se situent entre 18 et 78 mois d'âge développemental. Ces items sont parmi les
plus concrets et les plus facilement identifiables que l'échelle contienne, permettant ainsi à
une personne qui n'a pas de formation spécifique à l'évaluation de pouvoir y répondre
aisément.
Dans un premIer temps , on demande aux mères d'évaluer les compétences
développementales de leur enfant. Pour ce faire , les mères disent si, «oui» ou «non»,
elles croient que leur enfant possède la compétence décrite dans chacun des items du
questionnaire. Un «oui» correspond à la valeur 1 alors qu'un «non» correspond à la
valeur O. Pour comparer leur évaluation à celle de l'expérimentateur, on met en lien les
scores qu'elles attribuent à l'enfant et le score obtenu par l'enfant aux 45 items
correspondant lors de l'administration de l'Échelle de développement Harvey.
Dans un deuxième temps, on demande aux mères de situer le nlveau de
développement de leur enfant, par rapport à celui des autres enfants du même âge, en le
plaçant dans l'une des trois zones de développement suivantes: «en retard», «en avance»
ou «dans la moyenne». Les mères répètent cet exercice pour chacun des cinq secteurs de
développement étudiés. Afin de comparer les réponses des mères à l'évaluation de
l'expérimentateur, les quotients de développement obtenus par les enfants à l'Échelle de
développement Harvey (dans sa forme complète) sont calculés pour chaque secteur étudié.
Selon le quotient de développement qu'ils obtiennent dans chacun des secteurs,
l'expérimentateur situent les enfants dans une zone correspondant à leur niveau de
64
développement (<<en retard», «en avance» ou «dans la moyenne»). De cette façon, les
zones de développement estimées par les mères peuvent être comparées aux zones dans
lesquelles se situent effectivement leur enfant, lorsqu'il est évalué par l'expérimentateur.
Ainsi, la première partie du questionnaire nous renseigne sur les connaissances que
possèdent les mères négligentes au sujet des compétences et du niveau de développement
de leur enfant. Elle nous renseigne également sur la capacité des mères négligentes à bien
observer le développement de leur enfant et à l'évaluer avec justesse. La deuxième partie
du questionnaire nous renseigne, quant à elle, sur la perception qu'ont les mères de leur
enfant lorsqu'elles le comparent aux autres enfants du même âge et, par conséquent, sur
les connaissances qu'elles possèdent au sujet du développement des enfants en général.
Le choix de ne conserver qu'un nombre restreint d'items de l'Échelle de
développement Harvey est à la fois motivé par certaines caractéristiques de l'instrument et
par certaines caractéristiques de notre échantillon. D'une part, l'Échelle de développement
Harvey comprend un nombre élevé d'items (n= 108). Certains items ont un niveau de
complexité assez élevé parce qu'ils représentent des comportements que les parents ont
peu l'occasion d'observer dans le quotidien ou encore, parce qu'ils nécessitent une
connaissance plus approfondie du développement de l'enfant. Par exemple, les items
«Différences 1 et II», retrouvés dans le secteur du langage, consistent à vérifier si l'enfant
peut regrouper des concepts sous certaines catégories afin d'en faire ressortir les
différences.
D'autre part, les caractéristiques des mères qui composent notre échantillon imposent
des limites à l'évaluation. Ces mères sont relativement peu scolarisées, elles sont
65
abondamment sollicitées par divers intervenants sociaux et vivent des stress importants
tels la pauvreté, les conflits interpersonnels et la crainte de se voir retirer la garde de leurs
enfants. Elles sont donc peu disponibles, anxieuses et méfiantes. C'est pourquoi nous
avons pensé que leur demander de répondre aux 108 items de l'Échelle de développement
Harvey risquerait fortement d'entraîner chez elles une perte d'intérêt et de concentration
qui, par le fait même, mettrait en jeu la qualité des informations pouvant être recueillies.
Déroulement de l'expérience
Les évaluations ont été effectuées dans un contexte d'étroite collaboration entre le
Groupe de recherche en développement de l'enfant et de la famille (GREDEF) et les
Centres de Protection pour l'Enfance et la Jeunesse (CPEJ) de la région 04, soient ceux de
Trois-Rivières, Shawinigan, Drummondville et Victoriaville 1 . Ce sont les intervenants
du CPEJ qui ont référé au GREDEF les familles reconnues comme vivant de la négligence
après avoir obtenu le consentement écrit du(des) parentes). Puisque les familles ciblées
par la recherche n'ont pas demandé elles-mêmes les services du CPEJ, on ne peut
considérer leur participation au projet du GREDEF comme étant totalement volontaire.
Toutefois, elles restaient libres, malgré les mesures imposées par le CPEJ, d'y participer.
Les familles ont fait l'objet d'une vaste évaluation à l'intérieur de laquelle divers tests
étaient administrés aux mères, aux pères (quand ces derniers vivaient encore auprès de
leur famille) et aux enfants par des évaluateurs préalablement formés. Il est à noter que
l'auteure a administré l'Échelle de développement Harvey et le questionnaire Évaluation du
1 Il convient de remercier les intervenants des CPEJ de Trois-Rivières, Shawinigan, Drummondville et Victoriaville pour leur précieuse collaboration lors du recrutement des sujets.
66
développement de l'enfant à la majorité des sujets faisant partie de l'échantillon. Quand
l'auteure ne pouvait procéder elle-même à l'évaluation des sujets, c'est une évaluatrice (la
figure féminine a été conservée) préalablement formée par l'auteure qui le faisait. Cette
évaluatrice avait conduit au moins deux évaluations en présence de l'auteure afin de
s'assurer que leur méthode d'administration et de cotation était la même.
L'évaluation s'est déroulée entre janvier et avril 1994. Les mères et les enfants étaient
généralement évalués à la maison. Cependant, quelques enfants ont dû être évalués dans
les locaux du CPEJ à cause du peu d'espace et de tranquillité qu'offrait leur domicile.
Avant de se rendre au domicile familial ou au CPEJ, l'évaluatrice avait contacté la mère par
téléphone pour lui expliquer la nature et le déroulement de l'évaluation et pour prendre
rendez-vous avec elle et l'enfant. La rencontre d'évaluation comportait quatre étapes.
D'abord, les premières minutes visaient à prendre contact avec la mère et l'enfant de
manière à faire davantage connaissance et à détendre l'atmosphère. Dans un deuxième
temps, la mère répondait au questionnaire Évaluation du développement de l'enfant dont
les questions étaient lues et expliquées par l'évaluatrice. L'enfant était présent, mais la
mère ne pouvait ni le consulter ni lui demander d'effectuer des tâches qui auraient orienté
ses réponses. L'évaluation de l'enfant à partir de l'Échelle de développement Harvey
correspondait à la troisième étape de la rencontre. La mère pouvait, si elle le désirait,
rester présente tout au long de l'évaluation. Enfin, l'évaluatrice compilait les données
recueillies pour en faire part à la mère. Elle lui fournissait également quelques pistes
d'intervention pour stimuler le développement de l'enfant dans les secteurs plus faibles
(par exemple, suggestion de questions à adresser à l'enfant dans des activités quotidiennes
pour le stimuler à parler et à apprendre des mots, faire du découpage pour améliorer sa
motricité fine, etc. ).
67
Pré-expérimentation
Une pré-expérimentation a été réalisée de janvier à mai 1993. Cette expérience avait
d'abord pour but de vérifier la pertinence de faire remplir aux mères l'Échelle de
développement Harvey en entier (l08 items). Trois mères de niveau socio-économique
moyen et ayant au moins complété leur cinquième secondaire ont été sollicitées pour
répondre à nos questions. L'une d'entre elles s'est arrêtée après 45 minutes sans même
avoir répondu à toutes les questions. Quant aux deux autres, elles ont complété le
questionnaire, mais de manière très expéditive car elles se disaient ennuyées par les
aspects suivants du test: longueur du test, répétition monotone de l'unique question (<<Est
ee que votre enfant peut... ») et complexité de certains items (pour les items plus
complexes, il fallait expliquer aux mères quels étaient les éléments qui nous permettaient
de juger si une compétence était ou non acquise). De plus, les mères éprouvaient peu
d'intérêt pour les items qui n'avaient pas trait à des compétences qu'elles avaient déjà eu
l'occasion d'observer. Le fait de ne pas savoir si leur enfant était capable de telle et telle
chose semblait susciter un sentiment d'incompétence chez elles.
C'est à la suite de l'échec obtenu avec la forme intégrale de l'Échelle de
développement Harvey que nous avons choisi de créer un questionnaire à partir d'un
nombre limité d'items seulement. Nous avons alors réalisé une première forme du
questionnaire d'évaluation du développement de l'enfant. La deuxième partie de notre
pré-expérimentation visait alors à vérifier si ce questionnaire était bien adapté aux
compétences des mères négligentes et s'il nous permettait d'obtenir des résultats
comparables à ceux qui étaient recueillis à partir de l'échelle de développement.
68
Vingt-cinq mères identifiées comme négligentes ont répondu à ce questionnaire alors
que leurs enfants étaient évalués à partir de l'Échelle de développement Harvey. Seuls les
46 enfants âgés entre deux et six ans ont été retenus pour la pré-expérimentation, dont 25
garçons et 21 filles. Ces familles participaient au projet d'intervention du GREDEF déjà
mentionné, projet dont la durée était de 18 mois et qui en était à ses débuts. Elles avaient
été référées par les praticiens des CPEJ de la région 04 après avoir donné leur
consentement par écrit.
La première forme de notre questionnaire comptait 25 questions inspirées de l'Échelle
de développement Harvey. Pour chacune des questions, la mère estimait son enfant en
retard, dans la moyenne ou en avance par rapport aux autres enfants du même âge.
Chaque question représentait une compétence mesurée par un ou plusieurs items d'un
secteur de développement du Harvey. Par exemple, la compétence «se chausser»
regroupait les items suivants de l'échelle d'autonomie:
«Met bas et souliers seul et bien.»
«Peut lacer ses souliers.»
«Peut faire un noeud simple.»
«Peut faire une boucle.»
(item #19)
(item #26)
(item #27)
(item #30)
Les mères répondaient au questionnaire dans le contexte d'une rencontre de groupe.
Les questionnaires étaient distribués aux mères qui devaient les lire et y répondre seules.
Certaines mères, qui venaient au groupe accompagnées de leur conjoint, ont pourtant
rempli le questionnaire avec l'aide de ce dernier. C'est ainsi que sept questionnaires ont
dû être annulés. De plus, treize autres questionnaires ont été annulés parce que la mère
avait laissé plus de trois cases-réponses libres.
69
Au total, seulement 26 questionnaires remplis par 17 mères ont été acceptés sur les 46
questionnaires qu'avaient remplis les 25 mères du groupe. Dans le cas où plus d'un
enfant d'une même famille avaient été correctement évalués par la mère, nous procédions à
une sélection de façon à ne conserver qu'un enfant par famille. Cette mesure était destinée
à conserver une représentation égale de chaque famille dans l'échantillon. Nous avons
tenté d'obtenir une répartition qui soit la plus équivalente possible au niveau des variables
suivantes: sexe et rang dans la famille. Cependant, la variable «rang dans la famille» s'est
révélée difficilement contrôlable.
C'est ainsi que l'échantillon final de cette pré-expérimentation s'est vu constitué de
neuf garçons et de huit filles âgés entre 42 et 82 mois. Ces enfants avaient un rang de
premier à cinquième dans leur fratrie; cinq enfants étant le nombre le plus élevé d'enfants
retrouvé dans ces familles. Les mères, quant à elles, étaient âgées entre 25 et 36 ans.
Elles vivaient seules ou avec un conjoint. Une seule d'entre elles possèdait un emploi au
moment de l'évaluation. Le revenu annuel des familles n'excédait pas 24 000$. Leur
scolarité allait de la cinquième année du primaire à la cinquième année du secondaire.
Des corrélations de Spearman ont été effectuées pour déterminer si les réponses des
mères étaient ou non en lien avec les résultats de l'enfant à l'Échelle de développement
Harvey. Nous avons obtenu des corrélations significatives pour deux secteurs de
développement, soient la motricité (p < .02) et le langage (p < .02). Ces corrélations ne
témoignent toutefois que d'un taux d'accord de 61 % pour la motricité et de 37% pour le
langage, taux à partir duquel il est difficile de tirer des conclusions. Précisons que les taux
d'accord entre l'évaluation de la mère et celle de l'expérimentatrice sont de 33% pour les
70
connaissances (p < .27), de 30% pour l'autonomie (p < .32) et de 18% pour le graphisme
(p < .56).
Les conclusions de cette étape de pré-expérimentation sont les suivantes.
Premièrement, la construction de la première forme du questionnaire d'évaluation du
développement de l'enfant était telle que la seule opération statistique qu'il était possible
d'utiliser (corrélation de Spearman) ne permettait qu'une interprétation très limitée des
résultats. De plus, le questionnaire n'offrait aucune alternative de réponse au parent dans
le cas où l'enfant n'avait pas acquis la(les) compétence(s) décrite(s). Cela semble avoir
conduit certaines mères à laisser libre l'espace destiné à leur réponse. Il faut souligner que
13 des 20 questionnaires annulés (une proportion de 65%) l'ont été parce qu'au moins
trois questions n'avaient pas été complétées. Enfin, le fait d'avoir laissé les mères lire et
répondre seules au questionnaire, donc sans personne-ressource pour clarifier les items,
peut également expliquer le nombre élevé de questionnaires non complétés qui ont dû être
mis de côté.
Le choix de ne conserver qu'un seul enfant par famille a également posé un problème
important lors de cette étape de pré-expérimentation. Bien que McCullicuddy-DeLisi
(1982) ait démontré que les attentes des mères qui composaient son échantillon ne
variaient pas en fonction du nombre d'enfants qu'elles ont, il n'en demeure pas moins que
la première source d'information utilisée par les parents pour évaluer le développement de
leur(s) enfantes) est la comparaison qu'ils font avec d'autres enfants (Glascoe et MacLean,
1990). Les résultats de Glascoe et MacLean suggèrent, pour leur part, que les
connaissances des parents au sujet du développement de l'enfant s'accumulent et se
modifient avec l'arrivée d'autres enfants et modifient, par conséquent, les attentes des
7 1
parents. Ainsi, il nous a semblé important d'évaluer, lors de l'expérimentation
proprement dite, tous les sujets enfants âgés entre 2 ans et 6 ans Il mois d'une même
famille afin de vérifier, à titre exploratoire, s'il existe effectivement une différence entre
l'évaluation qu'une mère fait de l'un ou de l'autre de ses enfants.
C'est au terme de cette étape de la pré-expérimentation que la forme finale du
questionnaire Évaluation du développement de l'enfant (Proulx, Jourdan-Ionescu, 1993) a
été construite. Comme nous l'avons expliqué dans la partie traitant des instruments de
mesure, cette deuxième forme est constituée de 45 items tirés de l'Échelle de
développement Harvey. Les items du questionnaire correspondent exactement à ceux que
l'on retrouve dans l'échelle et leur modalité de réponse est la même (<<oui» ou «non»). La
deuxième forme du questionnaire a été testée auprès de deux mères de niveau socio
économique moyen. Leur enfant, lui, était évalué à partir de l'Échelle de développement
Harvey. Nous nous sommes ainsi assurés d'avoir trouvé des points de comparaison
totalement équivalents entre le questionnaire Évaluation du développement de l'enfant et
l'Échelle de développement Harvey. De plus, les commentaires positifs donnés par les
mères ont confirmé le bien-fondé d'administrer un questionnaire contenant un moins
grand nombre moindre d'items que ceux contenus dans l'Échelle de développement
Harvey.
Cette pré-expérimentation nous a donc permIS d'apporter les modifications
nécessaires à la constitution de l'échantillon (conserver tous les enfants âgés entre 2 ans et
6 ans Il mois d'une même famille) ainsi qu'à celle du questionnaire Évaluation du
développement de l'enfant. Nous nous sommes assurés que la forme finale du
questionnaire est plus claire, plus complète et qu'elle fournisse des points de comparaison
72
tout à fait équivalents avec les résultats obtenus par l'enfant à l'Échelle de développement
Harvey . Enfin, nous avons pris conscience de la place importante de l'expérimentateur
comme support à la mère lorsque cette dernière doit remplir le questionnaire et comme
personne-ressource pouvant brièvement orienter cette dernière dans ses pratiques
éducatives.
Résultats
Le présent chapitre se divise en deux parties. D'abord, la première partie consiste à
décrire la manière dont les données recueillies ont été traitées et analysées en vue de
vérifier les hypothèses émises dans cette recherche. La deuxième partie est, quant à elle,
consacrée à la présentation des résultats.
Analyse des données
Dans cette recherche, deux catégories d'hypothèses sont vérifiées: les hypothèses de
recherche proprement dites et les hypothèses exploratoires. Puisque différentes méthodes
d'analyse ont été utilisées pour traiter les informations qui concernent chacune de ces deux
catégories d'hypothèses, nous les avons regroupées en deux sections distinctes.
Analyses des données en lien avec les hypothèses de recherche principales
Pour comparer l'évaluation des compétences développementales de l'enfant faite par
les mères à celle qui est faite par un expérimentateur, nous avons calculé les résultats
moyens qu'obtiennent les enfants au questionnaire Évaluation du développement de
l'enfant, ainsi que ceux qu'ils obtiennent aux items correspondants dans l'Échelle de
développement Harvey. Nous tenons à préciser, une fois de plus, que les items retrouvés
dans le questionnaire adressé aux mères font partie de l'Échelle de développement Harvey.
Effectivement, neuf items provenant de chacun des cinq secteurs de développement
retrouvés dans l'échelle de développement ont été sélectionnés en vue composer le
75
questionnaire Évaluation du développement de l'enfant. C'est ainsi que nous obtenons,
tant pour le questionnaire que pour les items correspondants dans l'échelle de
développement, un score total sur 45, de même que cinq scores, calculés sur 9, qui sont
associés à chaque secteur de développement étudié. Ces totaux sont obtenus en attribuant
aux items la valeur 1 ou 0, selon que l'enfant a acquis ou n'a pas acquis la compétence
décrite dans l'item, puis en additionnant ces valeurs.
Des analyses descriptives ont également été effectuées en vue de vérifier la justesse
avec laquelle les mères négligentes situent le niveau de développement que possède leur
enfant, pour chaque secteur de développement étudié, lorsqu'elles comparent ce niveau de
développement à celui que possèdent en moyenne les autres enfants du même âge. Pour
effectuer ces analyses, les quotients de développement moyens des enfants, pour chaque
secteur de développement, ont d'abord été calculés et ce, à partir des résultats que les
enfants obtiennent à l'Échelle de développement Harvey, dans sa forme complète. Les
quotients de développement sont calculés en additionnant les items réussis par l'enfant à
chaque secteur de développement (les items sont déjà pondérés en mois de
développement), puis en divisant cette somme par l'âge chronologique de l'enfant. Le
quotient de développement provient donc de la division de l'âge développemental par l'âge
chronologique de l'enfant.
Afin de comparer les quotients de développement obtenus par les enfants aux trois
zones dans lesquelles les mères sont invitées à situer le niveau de développement de leur
enfant (<<dans la moyenne», «en retard», «en avance»), les quotients de développement
sont transformés en des valeurs discrètes de 0, 1 et 2. La valeur 1 correspond à un niveau
de développement qui se situe «dans la moyenne» de celui que possèdent les autres
76
enfants du même âge, la valeur 0 indique que l'enfant est plutôt «en retard» par rapport
aux autres enfants de son âge et la valeur 2 indique que l'enfant est plutôt «en avance» sur
ces derniers.
Pour arriver à situer les quotients de développement obtenus par les enfants à
l'Échelle de développement Harvey dans des zones de développement, nous avons dû
recourir à des normes provenant de mesures d'intelligence. Nous nous sommes basés sur
la zone de performance moyenne retrouvée dans la plupart de ces mesures, soit une
performance moyenne de 1 (l'âge mental divisé par l'âge chronologique) plus ou moins un
écart-type de 0,15. Le choix de cette procédure est motivé, d'une part, par le fait que
Harvey (1984) n'ait pas délimité de zones de développement qui puissent indiquer à quel
niveau se situe le développement des enfants évalués à partir de son échelle et, d'autre
part, par le fait que le nombre peu élevé d'enfants qui composent notre échantillon ne nous
permet pas d'obtenir une courbe normale à partir de laquelle nous puissions délimiter
nous-mêmes ces zones. Ainsi, nous avons considéré qu'un quotient de développement
compris entre 0,85 et 1,15 se situe dans la moyenne (valeur attribuée: 1), qu'un quotient
inférieur à 0,85 est un indice de retard (valeur attribuée: 0) et qu'un quotient de
développement supérieur à 1,15 indique que l'enfant est en avance par rapport au niveau
de développement attendu à son âge (valeur attribuée: 2).
Nous avons choisi, pour mesurer les écarts qui existent entre l'évaluation des mères
et l'évaluation de l'expérimentateur, de procéder à des tests de différence de moyennes
Wilcoxon. Le test Wilcoxon est, dans le domaine des analyses non paramétriques,
l'équivalent du test-t. Il vise à comparer deux variables d'une même population sur leur
moyenne et à indiquer la direction que prend l'écart retrouvé entre ces deux variables
77
(Siegel, 1956). Ce test nous permet donc de vérifier si l'écart entre l'évaluation des mères
et celle de l'expérimentateur est significatif et si cet écart est relié au fait que les mères
évaluent le développement de leur enfant comme étant supérieur ou inférieur à ce
qu'observe l'expérimentateur.
Une série de tests Wi1coxon a donc été effectuée sur les données concernant les 45
compétences développementales étudiées afin de comparer l'évaluation des mères à celle
de l'expérimentateur. Une autre série de tests Wi1coxon a également été effectuée en vue
de comparer les zones dans lesquelles le niveau de développement des enfants est situé
lorsque ce sont les mères ou l'expérimentateur qui les évaluent.
Analyses de données en lien avec les hypothèses exploratoires
Afin de vérifier s'il existe un écart significatif entre les erreurs commises par les
mères en évaluant les filles et celles qu'elles commettent en évaluant les garçons, des tests
Mann-Whitney ont été effectués. Ce test non paramétrique est également un équivalent du
test-t. Le test Mann-Whitney vise à comparer deux populations distinctes sur leur
moyenne concernant une même variable (Siegel, 1956). Avant d'utiliser cette ananlyse
statistique, il nous a toutefois fallu créer de nouvelles variables qui représentent le nombre
moyen d'erreurs commises par les mères à chacun des secteurs de développement. Pour
ce faire, nous avons soustrait, pour chaque secteur étudié, le résultat moyen correspondant
à l'évaluation de l'expérimentateur du résultat moyen correspondant à l'évaluation des
mères. Cette procédure a également été utilisée pour vérifier s'il existe un écart significatif
quant au nombre d'erreurs commises par les mères quand deux enfants d'une même
78
famille sont évalués, de même que pour vérifier s'il existe un lien entre lieu de résidence
de la famille (milieu urbain ou rural) et le nombre d'erreurs commises par les mères.
Enfin, des corrélations non paramétriques de Spearman ont été effectuées pour
vérifier si l'on retrouve un lien significatif entre le nombre d'erreurs commises par les
mères et chacune des quatre variables démographiques suivantes: l'âge de l'enfant, l'âge
de la mère, le niveau de scolarité de la mère et les revenus familiaux.
Présentation des résultats
Les résultats confirment l'hypothèse générale selon laquelle il existe un écart
significatif entre l'évaluation que font les mères négligentes concernant les compétences
développementales de leur enfant et les compétences effectivement acquises par l'enfant,
telles qu'elles sont évaluées par un expérimentateur. Cet écart est significatif pour
l'ensemble des compétences évaluées (Z(17)=-3.55, p < .001), de même que pour les
compétences regroupées sous chacun des cinq secteurs de développement étudiés (la
motricité, l'autonomie, le langage et les connaissances obtiennent un Z( 17) variant entre
-3.11 et -2.87, p < .01), excepté le secteur du graphisme où, toutefois , le seuil de
signification est presqu'atteint (Z(17)=-1.91, p < .06) . Le Tableau la fait état de ces
résultats.
Les mères de notre échantillon commettent en moyenne 7,94 erreurs. Cela signifie
que le taux de concordance de leur évaluation avec celle de l'expérimentateur est d'environ
82%. Les différences retrouvées entre l'évaluation des mères et l'évaluation de
l'expérimentateur s'expliquent par le fait que, lorsque les mères commettent des erreurs en
Tableau la
Comparaison entre les compétences développementales évaluées par les mères et celles évaluées par l'expérimentateur
Évaluation de Erreurs commises l'enfant par les mères
(score moyen)
Éval. Éval. Nombre Disper- N. de mères expérim. moyen sion mères qui
surestiment
Motricité 7,00 4,82 2,23 1à6 12
Autonomie 5,59 4,59 1 à 5 Il
Graphisme 5,12 4,12 l,59 1à4 11
Langage 6,76 4,71 2,41 1 à 5 13
Connais- 5,71 4,12 1,94 1 à 5 14 sances
Total 30,18 22,35 7,94 1 à 18 16
* p < .01 ** P < .001
79
Z
-3.11*
-2.93*
-1.91
-3.05*
-2.87*
-3.55**
évaluant les compétences développementales de leur enfant, ces erreurs consistent
généralement à surestimer l'enfant, ce qui confirme l'hypothèse 1 de notre recherche. Il
est à noter que les deux mères qui ont un enfant placé en famille d'accueil ne sont pas
parmi celles dont l'évaluation possède le plus grand écart par rapport à celle de
l'expérimentateur.
80
L'hypothèse 2 qui présume que les mères négligentes, lorsqu'elles comparent leur
enfant à d'autres enfants du même âge, situent le niveau de développement de leur enfant
dans une zone qui est supérieure à celle dans laquelle l'enfant se situe effectivement, n'est
que partiellement confirmée. Les résultats montrent que les mères négligentes évaluent
bien le niveau de développement de leur enfant en ce qui concerne la motricité, le
graphisme et les connaissances. Cependant, nous observons, d'une part, que les mères
situent le développement langagier de leur enfant dans une zone qui est supérieure au
niveau de développement réel de l'enfant et que, d'autre part, elles situent leur niveau
d'autonomie dans une zone qui est, cette fois, inférieure au niveau de développement réel
de l'enfant. Les mères surestiment donc le niveau de développement langagier de leur
enfant, mais sous-estiment son niveau de développement en ce qui concerne l'autonomie
Ces résultats sont présentés dans le Tableau Il.
Il faut souligner que les quotients de développement qu'obtiennent les enfants de cet
échantillon (voir le Tableau 11) sont comparables à ceux qui ont déjà été rapportés par
Palacio-Quintin et J ourdan-Ionescu (1994) concernant une autre population d'enfants
négligés, qui proviennent de la même région que les enfants de notre échantillon. Dans
leur étude, Palacio-Quintin et Jourdan-Ionescu ont comparé, à partir des résultats obtenus
par les enfants à l'Échelle de développement Harvey, les quotients de développement des
enfants négligés à ceux des enfants d'un groupe contrôle. Les auteurs trouvent que,
comparativement aux enfants non négligés , les enfants cibles affichent un retard
significatif dans les cinq secteurs de développement évalués par l'échelle, excepté le
secteur de l'autonomie. Les enfants de notre échantillon, comme ceux qui ont été étudiés
par Palacio-Quintin et Jourdan-Ionescu, obtiennent des quotients de développement
moyens inférieurs à 1 (indice de retard) pour les secteurs graphisme, langage et
Motricité
Autonomie
Graphisme
Langage
Connaissances
Total (N=85)
* p < .05
Tableau Il
Quotients de développement moyens des enfants et niveaux de développement estimés par les mères
Nombre de mères
QD Sous- Surestiment moyen estiment
1,04 3 3
1,21 8 *
0 ,91 4
0,92 2 9*
0,92 3
n=15 n=20 18% 23%
8 1
qui
Évaluent bien
11
8
12
6
13
n=50 59%
connaissances ainsi que des quotients supérieurs à 1 en ce qui concerne la motricité et
l'autonomie; l'autonomie étant de loin le secteur le plus développé.
Le Tableau 12 permet de constater qu'il existe des différences significatives entre le
nombre d'erreurs commises par les mères négligentes par rapport à l'évaluation des
compétences développementales des filles et celles des garçons pour les secteurs de la
motricité (2(17)=-2.40, P < .01) et de l'autonomie (2(17)=2.59, p < .01 ). L'hypothèse
exploratoire selon laquelle les mères de notre échantillon surestimeraient les compétences
motrices des filles est confirmée. En fait , les mères négligentes ont tendance à surestimer
Tableau 12
Comparaison de l'évaluation des mères quant aux compétences développementales des filles et des garçons
Garçons Filles (n=10) (n=7)
Score Score Score Score moyen moyen moyen moyen mères expérim. mères expérim.
Motricité 7,20 4,10 6,71 5,86
Autonomie 5 3,50 6,43 6,14
Graphisme 4,20 2,90 6,49 5,86
Langage 6,30 4 7,43 5,71
Connais- 4,90 3,40 6,86 5,14 sances
Total 27,60 17,90 33,92 28,71 d=9,70 d=5,21
** p < .01
82
N. d'erreurs
GIF
Z
-2.40**
-2.59**
-.85
-.84
-.05
-1. 72
en général les compétences développementales de leur enfant, qu'il soit un garçon ou une
fille. Toutefois, ce sont les compétences développementales des garçons qui, mis à part le
secteur des connaissances, sont les plus grandement surestimées et ce, malgré le fait que
les filles aient acquis plus de compétences que les garçons pour tous les secteurs de
développement étudiés. Les filles qui composent notre échantillon sont également
légèrement plus âgées que le sont les garçons.
83
De plus, nous observons que, lorsqu'il est demandé aux mères de situer le niveau de
développement que possède leur enfant, pour chacun des cinq secteurs de développement
étudiés, on ne retrouve pas d'écart marqué entre les filles et les garçons quant au nombre
d'erreurs commises par leur mère (voir le Tableau 13). Toutefois, on observe que les
mères ont tendance à surestimer le niveau de développement langagier des filles et à sous
estimer leur niveau d'autonomie. Il est important d'ajouter que lorsque l'on compare les
résultats moyens obtenus par les enfants des deux sexes à l'Échelle de développement
Harvey (dans sa forme complète), les filles obtiennent un quotient de développement
légèrement inférieur à celui des garçons en matière de langage et un quotient de
développement qui lui est supérieur en ce qui a trait à l'autonomie; l'autonomie étant le
secteur où les filles se démarquent le plus des garçons. Par ailleurs, aucun des écarts
retrouvés entre les quotients développementaux des filles et ceux des garçons, à l'échelle
de développement, ne s'avère être significatif lorsqu'ils sont soumis à des tests Mann
Whitney (voir le Tableau 14).
Lorsque l'âge de l'enfant en mis en relation avec le nombre d'erreurs commises par
les mères négligentes à l'évaluation des compétences développementales de ce dernier, on
obtient une corrélation négative entre le nombre d'erreurs commises par les mères et l'âge
de l'enfant. Cette corrélation négative est significative quant à l'ensemble des 45
compétences étudiées (r=-.58, p < .01), de même qu'en ce qui a trait aux secteurs de la
motricité (r= -.50, p < .05) et du langage (r=- . 71, P < .001). Ces résultats, qui sont
présentés dans le Tableau 15 confirmeraient en partie l'hypothèse exploratoire selon
laquelle plus l'enfant est âgé, moins les mères négligentes commettent d'erreurs en
évaluant ses compétences développementales. Il est à noter que les enfants les plus âgés
de notre échantillon fréquentent l'école, ce qui pourrait être en lien avec ces résultats. De
Tableau 13
Comparaison de l'évaluation des mères quant aux niveaux de développement des filles et des garçons
Garçons Filles (n=10) (n=7)
84
Nombre de mères qui Nombre de mères qui
Sous- Sur- Évaluent Sous- Sur- Évaluent estiment estiment bien estiment estiment bien
Motricité 1 2 7* 2 1 4
Autonomie 3 1 6 5* 0 2
Graphisme 3 6 1 1 5*
Langage 2 4 4 0 5* 2
Connais- 1 8* 0 2 5 * sances
Total n=8 n=11 n=31 n=8 n=9 n=18 (G: N=50) 16% 22% 62% 23% 26% 51% (F: N=35)
* taux supérieur ou égal à 70%
plus, on constate que plus les enfants sont âgés, plus ils possèdent de compétences
développementales. Cela est particulièrement vrai pour le secteur du langage, où une
relation significative entre l'âge de l'enfant et ses compétences acquises, telles qu'évaluées
par l'expérimentateur, est obtenue (r=-.62, p < .01).
85
Tableau 14
Comparaison des quotients de développement obtenus par les garçons et les filles
QD moyen
Garçons Filles d Z
Motricité 1,02 1,07 0,05 -.59
Autonomie 1,14 1,31 0,17 -1.37
Graphisme 0,88 0,97 0,09 -1.07
Langage 0,93 0,90 0,03 -.29
Connaissances 0,95 0,95 0,89 -.98
Total 0,98 1,03 0,05 -.98
Par ailleurs, lorsque l'on analyse les erreurs commises par les mères à l'évaluation du
niveau de développement que possède l'enfant, pour chaque secteur de développement
étudié, on observe, une fois de plus une relation négative entre l'âge de l'enfant et le
nombre d'erreurs commises par la mère pour les secteurs autonomie, langage et motricité;
ce dernier secteur témoignant d'un lien significatif entre les deux variables (r=-.49, p <
.05). Par contre, la corrélation tend à être positive pour le secteur du graphisme et celui
des connaissances. Ainsi, dans ces deux secteurs, plus l'enfant est âgé, plus la mère
aurait tendance à commettre des erreurs en évaluant son niveau de développement.
86
Tableau 15
Relation entre l'âge des enfants et le nombre d'erreurs commises par les mères à l'évaluation de leurs compétences et de leurs niveaux de développement
Relation entre l'âge de l'enfant et les
erreurs commises à l'évaluation de ses
compétences développementales
Relation entre l'âge de l'enfant et les
erreurs commises en situant son niveau de développement
Coefficients de corrélation
Motricité Autonomie Graphisme Langage Connaissances
-.50* -.38 -.08 -.71 *** -.09
-.49* -.29 .21 -.38 .26
* p < .05 *** p < .001
L'ensemble de ces résultats montre donc que l'hypothèse concernant le lien négatif entre
l'âge de l'enfant et les erreurs commises par les mères n'est que partiellement confirmée.
Des résultats comparables sont retrouvés lorsque les mères négligentes ont à évaluer
deux de leurs enfants. D'abord, on observe que lorsque ces mères, qui sont au nombre de
quatre, évaluent les compétences développementales de leurs enfants, ce sont les
compétences développementales de l'aîné, donc de celui qui est le plus âgé des deux, qui
sont évaluées avec le plus de justesse (voir le Tableau 16). Cela indique que les
compétences développementales des enfants qui sont les plus vieux d'une famille, bien
87
Tableau 16
Comparaison de l'évaluation que font les mères quant à leurs deux enfants
Évaluation des Évaluation du compétences dével. niveau de dével.
de l'enfant de l'enfant (score total moyen) (cote moyenne)
Mères Expérim. d Mères Expérim. d
Évaluation 26,5 19 7,5 1,25 1,25 ° des cadets
Évaluation 35,75 33 2,75 1,40 1,05 0,35 des aînés
qu'elles soient plus nombreuses, ont moins tendance à être sur-évaluées que celles des
cadets. Cependant, lorsque les mères ont à situer le niveau de développement de leurs
deux enfants, c'est le niveau de développement du cadet qu'elles situent généralement le
mieux. Il est à noter que les enfants , qui, dans notre échantillon, font partie d'une même
fratrie (n=8) ont un quotient de développement global qui est comparable (le QD global est
obtenu en divisant le nombre total d'iems réussis dans les cinq secteurs de développement
par l'âge chronologique de l'enfant). Ainsi, on ne devrait pas retrouver d'écart entre les
niveaux de développement qui leur sont attribués. Rappelons que ces résultats doivent
être considérés avec une grande prudence puisque seules quatre familles ont été utilisées
pour les fins de cette analyse.
88
Dans le cas des deux mères dont le signalement de négligence est associé à la
présence de mauvais traitements physiques, on observe que l'évaluation qu'elles font des
compétences développementales de leur enfant est conforme à celle de l'expérimentateur
(voir Tableau 17). Ces mères sont même celles dont l'évaluation des compétences de
l'enfant possède le moins d'écart par rapport à celle de l'expérimentateur (on retrouve
respectivement 1 et 3 points d'écart entre le score total de la mère et celui de
l'expérimentateur). De plus, lorsque ces mères évaluent le niveau de développement de
l'enfant, pour chaque secteur de développement, elles l'évaluent relativement bien. L'une
d'entre elles sous-estime cependant le niveau de développement de son enfant en ce qui
concerne le graphisme et le langage. Ainsi, contrairement aux mères négligentes, les
mères qui, dans notre échantillon, violentent leur enfant ont peu tendance à surestimer les
compétences de ce dernier. Ces résultats ne vérifient toutefois pas l'hypothèse
exploratoire émise au sujet de ces mères qui négligent et maltraitent physiquement leur
enfant. Nous avions supposé que ces mères sous-estimeraient les compétences ainsi que
le niveau de développement de leur enfant. Nous observons toutefois que l'une de ces
deux mères (la mère de l'enfant 1) possède le niveau de scolarité le plus élevé de toutes les
mères constituant l'échantillon. Cela aurait pu influencer les résultats.
Les analyses statistiques effectuées entre les diverses variables démographiques de la
famille (âge de la mère, niveau de scolarité, revenus familiaux et lieu de résidence de la
famille) et le nombre d'erreurs commises par les mères négligentes à l'évaluation des
compétences développementales de leur enfant sont peu concluantes, sauf pour les
variables «âge de la mère» et «lieu de résidence de la famille».
Enfant 1
Enfant 2
Tableau 17
Comparaison entre l'évaluation de l'expérimentateur et celle des mères chez qui la négligence est associée à des mauvais traitements
Évaluation des Évaluation du compétences dével. niveau de dével.
de l'enfant de l'enfant (score total) (cote moyenne)
Mère Expérim. d Mère Expérim.
26 25 1,20
35 32 3 0,80 0,60
89
d
-0,20
0,20
En effet, lorsque l'on met en relation l'âge des mères et le nombre d'erreurs qu'elles
commettent, on observe que plus les mères sont âgées, moins elles ont tendance à
commettre d'erreurs à l'évaluation des compétences, de même qu'à l'évaluation des
niveaux de développement de leur enfant (voir le Tableau 18). Seul le secteur des
connaissances ne suit pas cette tendance. Un lien significatif est obtenu par rapport au
langage (respectivement r=-.59, p < .05 à l'évaluation des compétences
développementales et r=- .66, p < .01 à l'évaluation du niveau de développement). Les
résultats confirment partiellement l'hypothèse que nous avions émise, à savoir que plus les
mères sont âgées, moins elles devraient commettre d'erreurs à l'évaluation de leur enfant.
Aucune corrélation significative n'est retrouvée entre le nombre d'erreurs commises
par les mères et les variables qui concernent le niveau de scolarité de la mère ou le revenu
de la famille. Par contre, il existe un écart significatif entre le nombre d'erreurs commises
Tableau 18
Relation entre l'âge des mères et le nombre d'erreurs commises à l'évaluation des compétences et des niveaux de développement de leur enfant
Coefficients de corrélation
90
Motricité Autonomie Graphisme Langage Connaissances
Relation entre l'âge de la mère et les
erreurs commises à -.33 -.24 -. 12 -.59* .45 l'évaluation des
compétences déveI. de l'enfant
Relation entre l'âge de la mère et les
erreurs commises en -.29 -.07 -.04 -.66** .22 situant le niveau de
développement de l'enfant
* p < .05 *** p < .001
par les mères et leur lieu de résidence. Les mères qui habitent un village ou une petite ville
de moins de 10 000 habitants (n=5) commettent plus d'erreurs en évaluant les
compétences développementales de leur enfant que les mères qui habitent une grande ville
(n= 12). Les résultats au test Mann-Whitney montrent que l'écart entre les deux groupes
est significatif pour l'ensemble des compétences développementales de l'enfant (Z( 17)=-
2.44, P < .05), de même que pour le secteur des connaissances (Z(17)=-2.38 , p < .05).
De tels écarts ne sont pas retrouvés lorsque les mères ont à situer les niveaux de
développement de leur enfant. On doit toutefois noter que les enfants vivant dans une
petite agglomération comptent parmi ceux qui, dans notre échantillon, sont les plus jeunes
9 1
et, par conséquent, les moins outillés en termes de compétences développementales.
Enfin, dans quatre cas sur cinq, leurs mères sont monoparentales et comptent sur un très
faible revenu familial (entre 10 000 et 14999$).
Discussion
Les résultats confirment l'hypothèse générale de cette recherche, selon laquelle il
existe un écart significatif entre l'évaluation que font les mères négligentes quant aux
compétences développementales de leur enfant et l'évaluation qu'en fait un
expérimentateur. Cet écart est significatif tant pour l'ensemble des compétences étudiées
que pour les secteurs de la motricité, de l'autonomie, du langage et des connaissances,
pris individuellement. Un écart quasi significatif est obtenu pour le secteur du graphisme.
Ces résultats sont comparables à ceux de Kravitz et Oriscoll (1983) et de Twentyman et
Plotkin (1981) qui ont démontré que, lorsque l'on compare les âges d'acquisition de
compétences estimés par des parents à des normes développementales, les parents
maltraitants font significativement plus d'erreurs que les parents non maltraitants.
La présence d'erreurs bi-directionnelles, telle qu'elle est retrouvée dans les
recherches que Azar et al. (1984), Kravitz et Oriscoll (1983) et Twentyman et Plotkin
(1982) ont menées auprès de parents maltraitants (violents ou négligents), est également
retrouvée chez les mères ciblées par cette recherche. Les mères négligentes que nous
avons étudiées surestiment l'acquisition de certaines compétences chez leur enfant alors
qu'elles en sous-estiment d'autres. Toutefois, la grande majorité des erreurs consiste à
surestimer les compétences développementales de leur enfant. Effectivement, on observe
que les compétences motrices, langagières, de même que les compétences concernant le
graphisme et l'autonomie sont significativement surestimées. Les compétences associées
au secteur des connaissances tendent également à aller dans cette direction.
94
Cette sur-évaluation des compétences développementales de l'enfant par leur mère
confirme l'hypothèse 1 de cette recherche. Elle était attendue puisque, d'une part, Spinetta
(1978), Spinetta et Rigler (1972) et Steele et Pollock (1968) avaient déjà observé que les
parents maltraitants s'attendent à ce que leurs enfants se développent précocément et se
comportent de façon plus mature qu'ils ne peuvent le faire, compte tenu leur âge. D'autre
part, il a été démontré empiriquement que les mères négligentes, lorsqu'elles ont à estimer
des âges d'acquisition de compétences chez les enfants en général, ont tendance à estimer
des âges qui sont plus précoces que ceux retrouvés dans les normes développementales
(Azar et al., 1984; Twentyman et Plotkin, 1982). Elles ont également tendance, tout
comme le font des mères non maltraitantes, à estimer des âges d'acquisition de
compétences qui sont plus précoces pour leur enfant que pour les enfants en général
(Twentyman et Plotkin, 1982).
Par ailleurs, on observe que lorsqu'il est demandé aux mères d'évaluer le niveau de
développement que possède leur enfant, pour chaque secteur de développement étudié,
elles s'avèrent plus exactes qu'à l'évaluation des compétences développementales. Dans
l'hypothèse 2 de notre recherche, nous avions supposé que lorsque les mères négligentes
situent les niveaux de développement de leur enfant, en comparant son rendement à ce
qu'elles connaissent du développement des enfants de cet âge, elles placeraient, pour
chaque secteur de développement étudié, leur enfant dans une zone qui est supérieure au
niveau de développement réel de l'enfant, tel qu'il est évalué par un expérimentateur. Les
résultats montrent plutôt que seul le niveau de développement langagier des enfants est
surestimé. Pour ce secteur, la majorité des mères ont considéré que le niveau de
développement de leur enfant était dans la moyenne alors qu'il marquait plutôt un retard.
Pourtant, on observe que ce secteur est l'un des plus faiblement développés chez les
95
enfants de notre échantillon, de même que chez les enfants négligés en général (Palacio
Quintin et Jourdan-Ionescu, 1994; Culp et al., 1991).
De plus, on observe que, si les mères qui composent notre échantillon évaluent
relativement bien le niveau de développement de leur enfant pour les secteurs de la
motricité, du graphisme et des connaissances, elles le sous-estiment en matière
d'autonomie. Soulignons que l'autonomie est le secteur dans lequel les enfants de notre
échantillon performent le mieux. Il a également été démontré que l'autonomie était l'un
des rares secteurs où les enfants négligés ne présentent pas de retards de développement.
Ils y performent même mieux que des enfants non négligés de même niveau socio
économique (Palacio-Quintin et Jourdan-Ionescu, 1994).
D'après une étude de cas réalisée par Herzog, Gara et Rosenberg (1992), les attentes
irréalistes des parents maltraitants envers le développement de leur enfant correspondraient
à un refus de se reconnaître comme parent maltraitant ainsi qu'à un refus de reconnaître le
fait que leurs propores parents étaient maltraitants. Les mères maltraitantes chercheraient à
maintenir une grande distance entre la perception qu'elles ont de leurs parents et d'elles
mêmes comme parent maltraitant par rapport à celle qu'elles ont de leur enfant et d'elles
mêmes comme enfant maltraité. D'après Herzog et al., il semble que ces mères croient
qu'en évitant d'avoir des perceptions négatives par rapport à leur enfant, elles réduiront
leurs chances de maltraiter celui-ci.
Pour leur part, Sameroff et Feil (1985) croient que les parents en général interprètent
les comportements de leur enfant en fonction de leur compréhension du développement de
l'enfant. Sameroff et Feil ont identifié trois niveaux de compréhension que peuvent avoir
96
les parents. Ces niveaux sont comparables aux stades de compréhension que l'on
retrouve dans la théorie piagétienne. Le niveau 1 est dit symbiotique. Les parents qui
sont à ce niveau n'arrivent pas à se différencier de leur enfant. Herzog et al. (1992)
laissent entendre que les parents maltraitants posséderaient une telle difficulté. Les parents
qui sont au niveau 1 interprètent les comportements de leur enfant en fonction de ce qu'ils
ressentent par rapport à ce dernier et en fonction des succès qu'ils obtiennent avec lui. Ils
n'utilisent pas de notions théoriques pour comprendre son développement. Leur principe
consiste à dire que ce qui est bon pour eux est bon pour l'enfant. Le deuxième niveau est
le niveau catégoriel. Les parents qui sont à ce niveau sont capables de voir qu'eux et leur
enfant forment deux entités distinctes. Toutefois, ils catégorisent les comportements de
l'enfant d'après ce qu'ils connaissent d'un «bon enfant» ou d'un «mauvais enfant». Ils
attribuent les comportements soit à l'enfant, soit à un facteur extérieur, sans pouvoir
considérer simultanément plusieurs aspects du contexte dans lequel se produisent ces
comportements. Leur pensée est rigide, statique. Le troisième niveau, le niveau
compensatoire, correspond à la compréhension la plus évoluée et la plus nuancée de
l'enfant. Le terme compensatoire est utilisé dans le sens de «contrepoids». Les parents
qui sont à ce niveau prennent en considération plusieurs éléments qui se rattachent aux
comportements et les sous-pèsent afin de trouver l'interprétation qui soit la plus juste
possible, c'est-à-dire, celle qui «pèse le plus dans la balance».
Ainsi, parce que les mères maltraitantes semblent davantage posséder un niveau de
compréhension de l'enfant qui est symbiotique, on peut penser que l'évaluation que font
les mères ciblées par notre recherche des compétences de l'enfant ne serait liée à aucune
théorie, mais plutôt aux émotions qu'elles ressentent face à l'enfant. Puisqu'elles
souhaiteraient se voir comme étant de bonnes mères, malgré l'image que leur renvoie leur
97
enfant, leur entourage et la société en général, elles ont tendance à décrire leur enfant
comme étant bon et compétent. La sur-évaluation de l'enfant serait donc pour elles un
moyen de se gratifier et de maquiller la réalité afin de préserver une image de soi qui soit la
meilleure possible.
Enfin, Murphey (1992) constate que lorsqu'il existe un écart entre les croyances que
possèdent les parents quant au développement de l'enfant et les compétences qu'ils
observent chez ce dernier, les parents ont tendance, soit à ajuster leurs croyances ou
encore, à agir sur l'enfant afin que ce dernier manifeste des comportements qui soient
conformes à leurs croyances (Murphey, 1992). Nos résultats suggèrent que les mères
négligentes ont une attitude rigide à l'égard du développement de leur enfant et qu'elles ont
davantage tendance à agir sur l'enfant qu'à modifier leurs attentes. D'ailleurs, comme le
propose le modèle de Twentyman et al. (1984), les mères maltraitantes, en voyant que leur
enfant ne se développe pas comme elles l'entendent, ont davantage tendance à prêter à
l'enfant de mauvaises intentions et à le dévaloriser plutôt qu'à ajuster leurs attentes pour
les rendre plus réalistes.
Les attentes de l'environnement ont un impact sur le développement de l'enfant. Si
l'environnement de l'enfant lui permet de croire qu'il est compétent, l'enfant a plus de
chances de se montrer effectivement compétent et de bien perforrner dans les tâches qu'il
accomplit (Kaley et Cloutier, 1984). Ce phénomène, appelé effet Pygmalion, est bien
connu. Il arrive toutefois que des attentes élevées face au rendement de l'enfant aient
plutôt pour effet de diminuer les chances que cet enfant perforrne bien. L'étude de Hess,
Holloway, Dickson et Price (1984) en fait la preuve. Leur étude a démontré que les
attentes élevées des mères de la population générale sont prédictives d'une bonne
98
performance académique chez les enfants qui font leur entrée à l'école. Ils constatent
cependant que leur effet devient négatif lorsque les enfants arrivent à la fin du primaire.
Pour leur part, Hunt et Paraskevopoulos (1980) affirment que si l'écart entre les demandes
de l'environnement et les compétences de l'enfant est trop grand, l'enfant vit un sentiment
de détresse. L'enfant ainsi placé en situation d'échec voit son niveau d'anxiété augmenter
et son estime de soi, diminuer. En considérant la sur-évaluation des compétences de
l'enfant qui découlent de nos analyses et l'estime de soi faible qui est retrouvée chez les
enfants maltraités (Martin et Breezly, 1977), il est pertinent de croire que les enfants
négligés vivraient une telle détresse et que leur estime de soi serait affectée.
Il paraît important de souligner que les parents de la population générale ont, eux
aussi, tendance à surestimer les compétences des enfants âgés de plus de deux ans
(Goodvow et Collins, 1990; Miller, 1986; Hunt et Paraskevopoulos; Miller, White et
Delgado, 1980). Ce qui diffère toutefois dans le cas des mères négligentes, c'est qu'elles
perçoivent des forces là où leur enfant présente des difficultés, au niveau du langage plus
spécifiquement, et des difficultés , là où l'enfant performe bien, comme le secteur de
l'autonomie. Ainsi, l'image que la mère négligente renvoie à son enfant est déformée.
Cela risque de perturber la perception que l'enfant a de lui-même, de ses forces et de ses
limites. L'impact sera plus grand lorsque l'enfant sera confronté à l'évaluation plus
réaliste qu'en feront des personnes autres que les membres de sa famille, les enseignants
par exemple. Par ailleurs, puisque la mère ne reconnaît pas à l'enfant les compétences
qu'il possède, l'enfant se trouve à ne jamais être valorisé pour ce qu'il est réellement.
Les intervenants du GREDEF, dans leurs contacts avec les familles où l'on retrouve
de la négligence, observent effectivement que les mères font une évaluation inappropriée
99
du développement de leurs enfants. Elles semblent, d'une part, peu conscientes des
retards développementaux qu'affichent leurs enfants. Ce manque d'acuité est
particulièrement notable en ce qui concerne le langage. Les enfants négligés, les plus
jeunes surtout, ont souvent un langage pauvre et difficile à comprendre (mots transformés,
utilisation inappropriée des mots et mauvaise prononciation). On peut penser que les
mères ne perçoivent pas ces problèmes parce qu'elles se seraient habituées à décoder le
langage de leur enfant, parce qu'elles interagissent peu verbalement avec leur enfant
(Christopoulos et al., 1988) ou encore, parce que, comme on le constate souvent, leur
propre langage est pauvre.
D'autre part, il est remarquable de voir à quel point les enfants négligés apprennent à
se débrouiller et à voir à leurs besoins dès leur jeune âge. Azar et al. (1984) ont d'ailleurs
démontré que les mères maltraitantes s'attendent à ce que l'enfant puisse, dès l'âge
préscolaire, prendre des responsabilités familiales telles que de prodiguer des soins à ses
frères et soeurs plus jeunes. Les mères négligentes s'appuieraient peut-être sur le fait noté
par Winnicott (1957), selon lequel les enfants cherchent en général à être parent dans leurs
jeux.
Si les mères négligentes sous-estiment le niveau d'autonomie de leur enfant, c'est
probablement parce que l'enfant n'arrive pas à répondre à leurs demandes exagérément
grandes. Tout porte à croire que si les mères négligentes ne sont pas amenées à
reconnaître que leurs attentes concernant l'autonomie de l'enfant sont inappropriées, elles
continueront de faire des demandes exagérément grandes. On peut supposer que, plus
l'enfant sera autonome, plus l'attitude négligente de la mère sera, en quelque sorte,
100
encouragée et que, plus la mère se montrera négligente, plus l'enfant développera son
autonomie.
Les résultats montrent que la sur-évaluation des mères quant aux compétences
développementales de leur enfant est influencée par le sexe de ce dernier. Comme nous
nous y attendions, les mères surestiment les compétences motrices de leur fille.
Toutefois, les résultats montrent surtout que les mères négligentes ont tendance à
surestimer davantage les compétences développementales des garçons que celles des filles.
Cet écart entre les filles et les garçons est particulièrement marqué en ce qui a trait à la
motricité et à l'autonomie. Pourtant, on constate que les filles qui composent notre
échantillon ont acquis plus de compétences que les garçons et ce, pour les cinq secteurs de
développement étudiés. Cela peut être attribuable, du moins en partie, au fait qu'elles
soient en général plus âgées que le sont les garçons.
Par ailleurs, lorsque les mères doivent situer le niveau de développement de leur
enfant, pour chaque secteur de développement étudié, l'écart entre les garçons et les filles
n'est plus aussi notable. En effet, les résultats montrent qu'à ce type d'évaluation, les
mères ne commettent pas plus d'erreurs en situant les niveaux de développement des
garçons que ceux des filles . Par contre, elles ont tendance à surestimer le niveau de
développement langagier des filles et à les sous-estimer, une fois de plus, dans le secteur
de l'autonomie. Nous croyons que les mères négligentes ont des atttentes particulièrement
grandes envers le niveau d'autonomie des filles. D'ailleurs, on observe que ce sont
souvent elles qui, très jeunes, remplissent le rôle de mère auprès de leurs frères et soeurs
plus jeunes. Il est important d'ajouter qu'à l'Échelle de développement Harvey, les filles
et les garçons n'obtiennent pas de résultats significativement différents à l'un ou à l'autre
101
des cinq secteurs de développement évalués, lorsque leur âge chronologique est pris en
considération. Toutefois, on observe que les filles possèdent un niveau de développement
supérieur à celui des garçons dans les secteurs de la motricité, du graphisme et de
l'autonomie; l'autonomie étant le secteur où elles se distinguent le plus des garçons.
Parmi les recherches qui traitent des connaissances et des attentes que possèdent les
parents maltraitants ou non quant au développement de l'enfant, on retrouve relativement
peu d'informations concernant les différences reliées au sexe de l'enfant. Les
informations que nous possédons à ce sujet proviennent des études de Martin et Johnson
(1992) et de Marcus et Corsini (1978). Leurs recherches ont été réalisées auprès de
parents non maltraitants seulement. Alors que Marcus et Corsini trouvent que seuls les
pères surestiment les compétences développementales des filles, Martin et Johnson
démontrent que les mères surestiment également certaines compétences chez elles, les
compétences motrices plus précisément. Il existe sûrement des facteurs spécifiques à la
dynamique mère-fils ou mère-fille qui sont en lien avec l'évaluation que font les mères du
développement de leur enfant. Il serait particulièrement intéressant d'explorer cet aspect
de la relation mère-enfant auprès des familles où l'on retrouve de la négligence.
L'hypothèse exploratoire qui consiste à dire que, plus les enfants sont âgés, plus les
mères évaluent avec exactitude leurs compétences développementales est confirmée.
Effectivement, on retrouve une relation négative entre l'âge de l'enfant et le nombre
d'erreurs commises par leur mère, pour chaque secteur de développement étudié, mis à
part le secteur des connaissances. Cela signifie qu'à mesure que l'enfant vieillit, les mères
commettent moins d'erreurs en évaluant ses compétences. Cette relation atteint un seuil de
signification dans les secteurs motricité et langage. Ces résultats peuvent être en lien avec
102
le fait que plus les enfants qui composent notre échantillon sont âgés, plus leur quotient de
développement, évalué à l'Échelle de développement Harvey, est élevé. Ainsi, les mères
ne surestimerait pas moins les enfants à mesure qu'ils vieillissent, mais l'écart entre leur
sur-évaluation de l'enfant et les compétences réelles de celui-ci s'estomperait au fil des
années. Nous pouvons également associer cette relation au fait que, dans cet échantillon,
les enfants les plus âgés fréquentent l'école. Par conséquent, leur mère reçoit des
informations de l'extérieur concernant leur développement, ce qui peut rendre plus exacte
l'évaluation qu'elles font de leur enfant. Enfin, il est probable qu 'à la fin de l'âge
préscolaire, l'enfant négligé ait déjà répondu à la majeure partie des attentes de sa mère en
termes de développement.
Twentyman et al. (1984) constatent que les parents maltraitants ont des attentes
irréalistes face au développement de leur enfant et que plus l'enfant vieillit, plus les parents
sont confrontés à une réalité qui diffère de leurs attentes. Pourtant, ceux-ci ne modifient
pas leurs attentes. Il deviennent plutôt de plus en plus frustrés et attribuent à l'enfant la
responsabilité de leur tourment. Cette escalade d'agressivité expliquerait, en partie du
moins, pourquoi les parents en arrivent à violenter ou à négliger leur enfant.
Toutefois, lorsque l'âge de l'enfant est mis en lien avec l'évaluation que font les
mères du niveau de développement que possède leur enfant par rapport à celui des autres
enfants du même âge, pour chaque secteur de développement étudié, l'hypothèse de départ
n'est plus confirmée. Des relations négatives entre l'âge de l'enfant et les erreurs
commises par la mère sont obtenues pour les secteurs de la motricité, du graphisme et du
langage seulement. La relation retrouvée dans le secteur de la motricité est significative.
Cela suggère que la motricité est le secteur pour lequel les mères négligentes arrivent le
103
mieux à évaluer le développement de leur enfant à mesure que l'enfant vieillit et ce,
probablement parce que le développement moteur est le plus facilement observable de tous
les secteurs étudiés. Ainsi, l'hypothèse voulant que les mères négligentes commettent
moins d'erreurs à mesure que l'enfant vieillit n'est que partiellement vérifiée.
Nous observons également que lorsqu'une mère évalue les compétences
développementales de ses deux enfants, elle a davantage tendance à surestimer les
compétences du cadet. Ce résultat confirme notre hypothèse , selon laquelle les
compétences développementales de l'enfant qui occupe un rang d'aîné par rapport à un
autre enfant de la famille devraient être évaluées avec plus de justesse que celles de son
cadet. Cependant, ce sont les niveaux de développement de l'enfant cadet qui ont
tendance à être situés avec légèrement plus d'exactitude. En ce sens, l'hypothèse n'est
plus confirmée. On observe qu'à l'Échelle de développement Harvey les deux enfants
d'une même famille obtiennent des résultats comparables, ce qui ne justifie pas le fait d'en
surestimer un plus que l'autre.
Cette étude exploratoire concernant l'évaluation que fait une mère de ses deux enfants
nous paraît intéressante et devrait faire l'objet de plus amples recherches. Bien que les
études de Vukelich et Kliman (1985) et de McGillicuddy-DeLisi (1982) n'aient démontré
aucun lien significatif entre le nombre d'enfants qui composent la famille et les
connaissances que possèdent les mères quant au développement de l'enfant, nos résultats
laissent supposer que, dans le cas de mères négligentes du moins, il en existerait un.
D'ailleurs, le modèle de Twentyman et al. (1984) appuierait cette hypothèse. S'il est vrai
que les parents maltraitants, dévalorisent un peu plus l'enfant à mesure qu'il vieillit, on
104
peut croire que les enfants les plus âgés d'une fratrie seraient évalués différemment par
rapport aux enfants qui sont plus jeunes.
De plus, nous avons tenté de savoir s'il existait un écart entre l'évaluation que font les
mères négligentes du développement de leur enfant et celle de mères qui, à la fois,
négligent et infligent de mauvais traitements à leur enfant. Les études qui concernent les
attentes des parents maltraitants face au développement de l'enfant montrent des
différences importantes entre les attentes des parents violents et celles des parents
négligents (Reid et al., 1987; Azar et al., 1984; Twentyman et Plotkin, 1982). Nous
avons donc présumé, à titre exploratoire, que les mères qui , dans notre échantillon,
avaient un signalement de mauvais traitements associé à celui de négligence (elles ne sont
que deux) se démarqueraient de l'évaluation des autres mères négligentes. Conformément
aux résultats des études précitées, nous nous attendions à ce que les mères négligentes et
violentes sous-estiment le développement de leur enfant. Cependant, nos résultats
montrent plutôt qu'elles ont tendance à bien évaluer les compétences et les niveaux de
développement de leur enfant. Elles comptent même parmi celles qui, dans notre
échantillon, évaluent leur enfant avec le plus de justesse, ce qui ne corrobore pas avec les
résultats de Reid et al. (1987), de Azar et al. (1984) et de Twentyman et Plotkin (1982). Il
faut toutefois interpréter ces résultats avec une extrême prudence puisque seules deux
mères faisaient l'objet de cette analyse. De plus, l'une d'entre elle avait le niveau de
scolarité le plus élevé de toutes les mères constituant l'échantillon.
À titre exploratoire, nous avons également tenté de vérifier s'il existait un lien entre le
degré d'exactitude avec lequel les mères négligentes évaluent le développement de leur
enfant et diverses caractéristiques démographiques de la famille. D'abord, les résultats ne
105
montrent aucun lien significatif entre le niveau de scolarité de la mère ou le revenu de la
famille par rapport au nombre d'erreurs que commet la mère à l'évaluation de l'enfant.
Par contre, l'âge de la mère et le lieu de résidence de la famille s'avèrent être en lien avec la
justesse de l'évaluation de la mère. Effectivement, les résultats révèlent que plus la mère
est âgée, moins elle tend à commettre d'erreurs à l'évaluation des compétences et du
niveau de développement de son enfant dans les secteurs de la motricité, de l'autonomie,
du graphisme et du langage. Un lien significatif est obtenu pour le secteur du langage.
Ces résultats n'étonnent pas puisque qu'il est raisonnable de croire que plus les mères sont
âgées, plus elles ont acquis de connaissances et d'expérience face à l'enfant. Cela fait en
sorte que leur conception de l'enfant est plus réaliste et leur évaluation, plus juste. Ces
résultats confirment notre hypothèse et corroborent avec les résultats d'études antérieures.
En effet, Vukelich et Kliman (1985), Fry (1985) et Sparling (1980) ont tous démontré que
les mères plus âgées (plus de 20 ans) possédaient plus de connaissances concernant le
développement de l'enfant que les mères plus jeunes.
On observe enfin que les mères qui habitent une grande ville (plus de 10 000
habitants) commettent moins d'erreurs à l'évaluation des compétences de l'enfant
lorsqu'on les compare à des mères qui vivent dans des petites agglomérations. Cela
confirme l'hypothèse exploratoire émise à ce sujet. Si le lieu de résidence de la famille
paraît être en lien avec le nombre d'erreurs commises par les mères, on constate que
d'autres variables démographiques importantes pourraient expliquer le résultat qui est
obtenu. En effet, on retrouve , parmi les familles vivant dans de petites villes, une
proportion plus importante de mères monoparentales à revenus très faibles ainsi qu'une
proportion plus importante d'enfants comptant parmi les moins âgés de l'étude. Ainsi,
nous associons davantage la confirmation de cette hypothèse exploratoire à l'effet indirect
106
de variables qui n'ont pas été contrôlées qu'à l'existence d'un lien direct tel que retrouvé
par Marcus et Corsini (1978) entre la capacité des mères à évaluer les compétences de leur
enfant et leur lieu de résidence.
Cette recherche nous permet donc de mieux connaître l'évaluation que font les mères
négligentes des compétences et du niveau de développement de leur enfant, par rapport à
cinq secteurs de développement. Cet aspect de la maltraitance était, jusqu'à présent très
peu documenté. Nos résultats suggèrent que plusieurs facteurs sont susceptibles
d'influencer l'évaluation que font les mères négligentes des compétences
développementales de leur enfant. Ainsi, on constate que la nature des compétences
évaluées, le sexe de l'enfant, son âge, son rang dans la fratrie , l'âge de la mère et lieu de
résidence de la famille sont autant de facteurs qui, jusqu'ici peu étudiés, semblent pourtant
déterminer les attentes que les mères négligentes possèdent face au développement de
l'enfant. Il serait intéressant que ces variables, dans le cadre d'une recherche mesurant la
capacité des mères négligentes à évaluer les compétences de leur enfant, bénéficient de
plus amples analyses.
Évidemment, vu la petite taille de notre échantillon et l'absence d'un groupe contrôle,
nos résultats doivent être interprétés avec réserve. Toutefois, comme il est difficile, d'une
part, d'entrer en contact avec des parents qui ont fait l'objet d'un signalement à la CPEJ et,
d'autre part, de trouver un groupe témoin qui leur soit précisément apparié, toute
recherche menée auprès de cette population risque d'être confrontée à ces mêmes limites
méthodologiques. Il faut souligner que lors de l'interprétation des résultats, chaque
variable démographique a été prise en considération afin d'apporter des nuances à ces
107
résultats et de les rendre aussi exacts que possible. Nous avons également vu à ce que les
garçons et les filles soient représentés de façon équitable.
Nous avons tenu à ce que les enfants soient évalués en fonction des mêmes items, par
leur mère et par l'expérimentateur, afin d'avoir des points de comparaison qui soient
identiques. C'est pourquoi nous avons selectionné 45 items de l'Échelle de Harvey,
l'instrument utilisé par l'expérimentateur, pour constituer la première section du
questionnaire Évaluation du développement de l'enfant. Cette procédure est comparable à
celle que Miller (1986) et Miller et Davis (1992) ont utilisée pour mesurer l'évaluation que
les parents de la population générale font des compétences de leur enfant. Leur
questionnaire consistait à demander aux parents de prédire la performance de leur enfant à
certaines épreuves piagétiennes ainsi qu'à des sous-tests tirés de tests d'intelligence qu'ils
avaient sélectionnés. Ils demandaient ensuite aux enfants de réaliser ces tâches afin de
comparer les résultats de ces derniers à l'évaluation de leur parent. .
La deuxième section du questionnaire Évaluation du développement de l'enfant, dans
laquelle les mères ont à situer le niveau de développement de leur enfant, pour chacun des
cinq secteurs de développement étudiés, est toutefois plus limitée quant à l'information
qu'elle nous apporte. Les résultats qui sont en lien avec cette section doivent donc être
interprétés avec plus de prudence. Dans cette section, les mères situent le niveau de
développement de leur enfant dans l'une des trois zones suivantes: «dans la moyenne»,
«en retard» ou «en avance». Il aurait peut-être été préférable que les mères puissent avoir
recours à une échelle de type Likert à cinq niveaux de développement plutôt que trois pour
évaluer leur enfant avec plus de précision. Toutefois, nous constatons qu'une telle
modalité de réponse, bien que fort intéressante, aurait été difficile à exploiter avec des
108
mères qui, dans notre cas, sont culturellement défavorisées. Pour arriver à dire que
l'enfant est «plutôt en retard» ou ~<plutôt en avance», la personne qui évalue l'enfant doit
posséder de bonnes connaissances concernant le développement des enfants. D'ailleurs,
nous avons noté que les mères de notre échantillon trouvaient déjà difficile d'avoir à situer
le niveau de développement dans l'une des trois catégories qui leur étaient présentées.
Nous avons observé que les mères situaient massivement leur enfant dans la zone
moyenne, peut-être parce qu'en choisissant celle-ci, elles croyaient courir moins de risque
de se tromper.
Nos résultats mettent en lumière l'importance d'intervenir sur la capacité des mères
négligentes à identifier les compétences développementales et les besoins de leur enfant.
Le manque d'acuité à évaluer le développement de leur enfant que l'on retrouve chez elles
pourrait jouer un rôle dans la négligence. Les mères négligentes auraient besoin de
recevoir davantage de feedback sur le développement de leur enfant. Les intervenants
sociaux, par exemple, pourraient pallier à ce besoin en voyant à ce qu'une brève
évaluation de l'enfant soit faite par un professionnel, puis à ce que les résultats soient
transmis à la mère en des termes simples et concrets. Des activités visant à stimuler
l'enfant pourraient également être proposées à la mère.
En termes de prévention, notre recherche met l'accent sur l'importance de rendre plus
réalistes les attentes des parents face au développement de leur enfant. Pour y arriver, il
faut sensibiliser les parents aux besoins, aux forces et aux faiblesses de l'enfant comme
certains ont déjà commencé à le faire . On pense aux cours prénataux, à la visite de
l'infirmière au domicile familial quelques jours après l'accouchement, aux réunions de
parents tenues par l'école ou par les organismes communautaires, aux émissions d'intérêt
109
public ou encore, à toute forme de contact que les intervenants sociaux, les intervenants
communautaires, l'école et les professionnels de la santé peuvent avoir avec les familles .
Conclusion
Cette recherche, qui visait à mesurer la capacité des mères négligentes à évaluer les
compétences développementales de leur enfant, arrive à plusieurs conclusions
intéressantes. Les résultats révèlent qu'il existe, en général, un écart marqué entre
l'évaluation que font les mères négligentes des compétences développementales que
possède leur enfant ainsi que du niveau de développement auquel fonctionne ce dernier,
dans divers secteurs de développement, et l'évaluation d'un expérimentateur. Les mères
négligentes commettent des erreurs qui consistent, soit à surestimer ou à sous-estimer le
développement de leur enfant. La direction que prennent ces erreurs varie en fonction du
secteur de développement évalué, du sexe de l'enfant et de l'âge de ce dernier. On
observe également que d'autres caractéristiques telles le rang de l'enfant dans la famille,
l'âge de la mère, le lieu de résidence de la famille, de même que la présence de mauvais
traitements (violence physique envers l'enfant), sont en lien avec la compétence des mères
négligentes à évaluer leur enfant.
Les résultats montrent que les mères qui composent notre échantillon surestiment les
compétences développementales de leur enfant pour les secteurs de la motricité, de
l'autonomie, du langage et des connaissances. Par ailleurs, lorsqu'elles ont à situer le
niveau de développement auquel fonctionne leur enfant, dans chacun des cinq secteurs de
développement étudiés (en situant l'enfant «dans la moyenne», «en avance» ou «en
retard» comparativement aux autres enfants de son âge), elles le font relativement bien en
ce qui concerne la motricité , le graphisme et les connaissances. On observe, toutefois,
qu'elles surestiment le niveau de développement langagier de leu.r enfant et qu'elles sous-
112
estiment son niveau d'autonomie. Pourtant, les enfants négligés affichent un retard au
niveau du langage tandis que l'autonomie est le secteur pour lequel ils sont le plus
développés.
Ces résultats montrent que les attentes des mères négligentes sont relativement faibles
en ce qui concerne le développement du langage et qu'elles sont, par ailleurs, élevées
envers le développement de l'autonomie. Ces résultats suggèrent également que les mères
négligentes perçoivent des forces là où leur enfant présente des difficultés et qu'elles
perçoivent négativement les domaines où l'enfant se développe bien.
On note que le sexe de l'enfant est, lui aussi, en lien avec le degré d'exactitude de
l'évaluation des mères négligentes. Effectivement, les mères ciblées par la recherche ont
davantage tendance à surestimer les compétences développementales des garçons que
celles des filles et ce, particulièrement dans les secteurs de la motricité et de l'autonomie.
Par ailleurs, lorsque les mères ont à situer le niveau de développement de leur enfant par
rapport à celui des autres enfants du même âge, elles ont tendance à situer les filles dans
un zone supérieure à leur niveau de développement réel en ce qui concerne le langage et
dans une zone inférieure, en ce qui à trait à l'autonomie. Ces tendances ne sont pas
observées chez les garçons. Cela signifie que les mères surestiment le niveau de
développement langagier de leur fille, mais qu'elles sous-estiment leur niveau
d'autonomie. Pourtant, on constate que les filles qui composent notre échantillon
possèdent un niveau de développement élevé dans le secteur de l'autonomie. Celui-ci est
même supérieur que celui des garçons. Par ailleurs , leur niveau de développement
langagier est plutôt faible, voire inférieur à celui des garçons.
113
De plus, on observe que l'âge de la mère et l'âge de l'enfant sont en lien avec le
nombre d'erreurs que commettent les mères à l'évaluation de leur enfant. D'une part, les
résultats révèlent que plus la mère est âgée, moins elle commet d'erreurs à l'évaluation des
compétences et du niveau de développement de l'enfant et ce, pour tous les secteurs de
développement étudiés, excepté les connaissances. C'est dans le secteur de langage que
cette relation est la plus marquée.
Les résultats montrent, d'autre part, que plus l'enfant est âgé, moins la mère a
tendance à commettre d'erreurs en évaluant ses compétences développementales. Ceci est
particulièrement vrai pour les secteurs de la motricité et du langage. Ces résultats peuvent
être en lien avec le fait que plus les enfants qui composent notre échantillon sont âgés, plus
leur quotient de développement, évalué à l'Échelle de développement Harvey, est élevé.
Cependant, lorsqu'il est demandé aux mères de situer le niveau de développement que
possède l'enfant aux divers secteurs de développement étudiés, le direction du lien qui
existe entre le nombre d'erreurs commises par la mère et l'âge de l'enfant varie selon les
secteurs de développement. Ainsi, on constate que plus l'enfant est âgé, moins les mères
ont tendance à commettre d'erreurs en situant son niveau de développement dans les
secteurs de la motricité, de l'autonomie et du langage. La motricité est le secteur pour
lequel les mères commettent le moins d'erreurs à mesure que vieillit l'enfant. Par contre,
plus l'enfant est âgé, moins les mères arrivent à bien situer leur niveau de développement
dans les secteurs du graphisme et des connaissances.
À titre exploratoire, nous avons constaté que , lorsque les mères négligentes évaluent
deux de leurs enfants , ce sont les compétences développementales de l'aîné qu'elles
tendent à évaluer avec le plus de justesse. Ce résultat va dans le même sens que la relation
114
négative que l'on retrouve entre l'âge de l'enfant et le nombre d'erreurs commises par la
mère. Toutefois, lorsqu'elles situent le niveau de développement que possèdent leurs
enfants par rapport à celui des autres enfants du même âge, pour chacun des secteurs de
développement étudiés, les mères ont alors tendance à commettre moins d'erreurs en
évaluant du cadet.
Nous avons également observé, à titre exploratoire, que les deux mères qui, dans
notre échantillon, ont un signalement de mauvais traitements associé à de la négligence,
évaluent bien les compétences développementales de leur enfant. Elles situent tout aussi
bien le niveau de développement auquel il fonctionne, pour chaque secteur de
développement étudié. Elles sont d'ailleurs celles qui commettent le moins d'erreurs à
l'évaluation de leur enfant au sein de l'échantillon. Il est à noter, cependant, que l'une de
ces deux mères possède le niveau de scolarité le plus élevé que l'on retrouve parmi les
mères étudiées. Ces résultats laissent entendre que les mères qui, à la fois, négligent et
violentent leur enfant ne partagent pas la tendance qu'ont les mères négligentes à
surestimer le développement de leur enfant.
Enfin, nous retrouvons un lien entre le lieu de résidence de la famille et la compétence
des mères à évaluer leur enfant. En effet, les mères qui habitent dans un village ou une
petite ville (moins de 10 000 habitants) commettent plus d'erreurs que les mères qui
habitent une grande ville, surtout en ce qui concerne les compétences motrices et les
connaissances de leur enfant. Toutefois, ce lien n'est plus significatif lorsque l'évaluation
des niveaux de développement de l'enfant est prise en considération. Ce lien pourrait être
d'ailleurs dû au fait que, dans cet échantillon, les mères qui vivent dans de petites
agglomérations sont généralement monoparentales et très défavorisées au plan socio-
115
économique. De plus, leur enfant compte parmi les plus jeunes enfants composant
l'échantillon et, par conséquent, parmi les moins outillés au niveau des compétences
développementales.
Nos résultats mettent en lumière l'importance d'intervenir sur la capacité des mères
négligentes à identifier les compétences développementales et les besoins de leur enfant. il
serait important d'amener les mères négligentes à être plus attentives aux divers aspects du
développement de leur enfant, à valoriser ce dernier dans ses compétences et à stimuler les
sphères de développement où il présente des difficultés. Le manque d'acuité des mères
négligentes à évaluer le développement de leur enfant pourrait jouer un rôle dans la
négligence.
Nos résultats indiquent également que plusieurs variables tendent à influencer la
capacité des mères négligentes à évaluer les compétences développementales de leur
enfant, ce qui n'avait presque jamais été exploré jusqu'à présent. De plus amples
recherches permettraient de vérifier l'exactitude des résultats que nous obtenons.
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Appendice
" Evaluation du développement de l'enfant
Famille No: _____ . ___ _ Évaluateur: ----------Code de l'enfant ______ _ Date de naissance: ______ _ Date de l'évaluation:_/_/199_
Indiquez par un «X» si oui ou non votre enfant a acquis les habiletés suivantes.
Votre enfant OUI NON
l. Monte et descend l'escalier debout. 2. Se verse à boire lui-même. 3. Trace un cercle (reconnaissable). 4. Nomme six (6) objets spontanéments sur une grande image (ex.: six
objets que l'on retrouve dans la cuisine). 5. Peut ouvrir la porte. 6. Peut marcher sur une ligne, en équilibre, un pied devant l'autre. 7. Donne son nom et son prénom. 8. Peut déboutonner ses vêtements. 9. Peut faire un trait vertical. la. Lance une balle en l'air et la rattrape. 11. Plie une feuille de papier en 2 parties égales. 12. Peut sauter à pieds joints par-dessus une corde placée à quinze (15)
centimètres du sol. 13. Trace un carré (quatre côtés et aucun angle arrondi). 14. Connaît l'argent (identifie des pièces de monnaie ou de papier comme
étant des «sous», des «cennes», des «piastres» ou «de l'argent»). 15. Se lave les mains et le visage sans aucune aide. 16. Peut nommer six (6) couleurs. 17. Distingue l'avant-midi de l'après-midi. 18. Dessine un bonhomme reconnaissable (une tête et deux autres
éléments comme les yeux, la bouche, les bras, les pieds, etc.) 19. Utilise un couteau pour ses tartines. 20. Peut nommer trois (3) parties de son corps. 21. Connaît son sexe. 22. Court et donne un coup de pied sur une balle sans s'arrêter. 23. Peut compter dix ( la) blocs. 24. Connaît son âge. 25. Peut faire tenir en équilibre une tour de huit (8) blocs. 26. Connaît l'usage de deux (2) des objets suivants: un couteau, un
crayon, une clé, une tasse, une chaise et une auto. 27. Connaît son adresse (deux éléments parmi les suivants: numéro de
porte, rue, ville) ..
28. Peut faire un noeud simple. 29. Monte l'escalier comme un adulte (debout, en alternant les pieds). 30. Connaît ce qui va plus vite entre: un grand garçon qui court et un petit
garçon qui court, un oiseau qui vole et un avion, une automobile et une bicyclette.
31. Dessine une maison. 32. Met ses bas et ses souliers seul et bien (enfile le bas avec le talon du
bon côté et met ses souliers correctement sans pouvoir encore les lacer).
33. Se tient en équilibre sur un pied (environ 6 secondes). 34. Utilise le singulier ou le pluriel selon le cas. 35. Peut boutonner ses vêtements. 36. Connaît le nombre de doigts qu'il a dans ses deux (2) mains mises
ensembre (sans avoir à les compter) . 37. Connaît dix (10) couleurs 38. Ecrit son prénom. 39. Peut faire une boucle. 40. Saute par terre sans tomber à partir de la troisième (3e) marche de
l'escalier. 41. Distingue la droite et la gauche. 42. Peut dire ce qui est semblable entre: une carotte/une patate; un tigre/un
chat; un sou/un bouton. L'enfant doit pouvoir donner au moins une ( 1) réponse correcte.
43. Peut tracer un losange. 44. Descend l'escalier en courant. 45. Entretient bien ses ongles (il les coupe et les nettoie lui-même).
Encerclez le chiffre qui correspond à votre perception du niveau de développement de l'enfant par rapport aux autres enfants de son âge. Diriez-vous qu'en ce qui concerne les secteurs de développement suivants, il est:
-en retard par rapport aux autres enfants de son âge; -dans la moyenne, c'est-à-dire au même niveau que les autres enfants de son
âge; -en avance sur les autres enfants de son âge.
en dans la en retard moyenne avance
l. Motricité: courir, marcher, sauter, se tenir en équilibre, etc.
2. Autonomie: se vêtir, se chausser, s'alimenter, voir à son hygiène, être propre, etc.
3 . Graphisme: dessiner, tracer des formes, manipuler des petits objets, etc.
4. Langage: nommer des objets, des couleurs, faire des phrases, comprendre le sens des mots, etc.
5. Connaissances: savoir compter, connaître des informations sur lui et sur ce qui l'entoure (son âge, son adresse, son jour d'anniversaire, l'argent, le moment de la journée, distingue la droite et la gauche, etc.).