Moncomble Yann - Le pouvoir de la drogue dans la politique mondiale

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En 1990, les profits estimés de la drogue à travers le monde auront dépassés les 300 milliards de dollars — le budget de la France n’étant que de 150 milliards de dollars ! Ce montant faramineux explique la puissance des grands patrons de la drogue, qui ne sont pas toujours ceux que la presse aux ordres, montent en épingle. Le pouvoir financier de la drogue est devenu, dans bien des pays, un Etat dans l’Etat. De ce fait, bien des partis politiques, à leur insu ou non, profitèrent ou profitent de cette manne tombée du ciel. Mais non sans retombées politiques...L’argent de la drogue ne se coule plus dans les interstices du système, il l’a inondé. Comme l’écrivait si bien Jean-Michel Helvig dans Libération du 28 août 1989 : « À l’instar des pétrodollars, les narcodollars pèsent sur les marchés financiers, et aucune frontière n’a pu leur résister. Nulle banque — si nationalisée soit-elle — n’est assurée qu’elle ne détient aucun argent sale. »Des manipulations d’argent sale, nous vous en offrons une floppée à travers le monde, passant de la « Pizza Connection » à la « Pesetas Connection », sans oublier la « Libanese Connection » et surtout la « Swiss Connection ». Des dizaines et des dizaines de banques et d’individus sont mouillés dans cette affaire.Le Chase Manhattan, la Bank of America, l’Irving Trust, la Great American Bank, etc., autant d’institutions financières mises en cause dans le recyclage des fonds des trafiquants. Est-ce un hasard si nombre de dirigeants de ces banques se trouvent être dans le même temps, parmi les membres les plus importants du C.F.R. et de la Trilatérale ?Certaines pointes de cet iceberg servent à l’espionnage et au financement de certaines opérations. C.I.A., K.G.B., Mossad, D.G.S.E., rivalisent de zèle dans le maniement de l’épouvante, en passant de la guerre civile, au trafic d’armes et au terrorisme. De la Colombie au Pérou, de Cuba à l’U.R.S.S. en faisant un détour par la Bulgarie, et, de là, atterrissant dans nos pays occidentaux : la France, l’Allemagne, la Hollande, les pays scandinaves... aucun pays n’est épargné dans ce trafic de l’horreur et de la manipulation. But avoué de ces gens qui travaillent au service de certaines internationales : affaiblir la résistance morale et physique des élites occidentales par l’intermédiaire de la drogue.Vous trouverez dans cette étude, des noms, des faits, des chiffres à faire frémir, tant l’étendu de ce fléau se mêle à la vie de tous les jours, à votre vie.Ce dossier n’est pas à proprement parler... stupéfiant. Il est explosif.

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LE POUVOIRDE LA

DROGUEDANS LA

POLITIQUE MONDIALE

Du mme auteurLa Trilatrale et les secrets du mondialisme LIrrsistible expansion du mondialisme(Editions Faits et Documents, 1980). (Editions Faits et Documents, 1981). (Editions Faits et Documents, 1982). (Editions Faits et Documents, 1983). (Editions Faits et Documents, 1985). (Editions Faits et Documents, 1986). (Editions Faits et Documents, 1987). (Editions Faits et Documents, 1989).

Les Vrais responsables de la Troisime Guerre mondiale Du Viol des foules la synarchie ou le complot permanent La Maffia des Chrtiens de gauche

Quand la Presse est aux ordres de la Finance Les Professionnels de lanti-racisme La Politique, le Sexe et la Finance

Yann Moncomble

LE POUVOIRDE LA

DROGUEDANS LA

POLITIQUE MONDIALEP r face dHenr y C o st on

Faits et Documents

Cet ouvrage introuvable nous a pris beaucoup de temps en recherche du fait de son contenu drangeant pour beaucoup de personnalit et pour sa reprise numrique.

Cette diffusion est gratuiteCeux qui auraient lopportunit de le mettre en vente seront chtis par la mise en ligne de tout leur catalogue, sauf bien entendu les ayant-droits ( qui nous offrirons le rsultat de notre travail sans autre contre-partie que nos remerciements), qui nont jusqu ce jour offert la populace avide de connaissance aucune rdition connue. Cela est dit et sera, car il suffit...tion ra alt n jou i ra t.

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Imprim en France 1990 by Yann Moncomble, Paris Tous droits rservs pour tout pays, y compris l U. R. S. S. Veuillez adresser toutes communications concernant cet ouvrage Yann Moncomble, B. P. 24, 27330 La Neuve-Lyre Ceux qui trouvent sans chercher, sont ceux qui ont longtemps cherch sans trouver. Un serviteur inutile, parmi les autres. Octobre 2011 Scan, ORC, Mise en page LENCULUS pour la Librairie Excommunie Numrique des CUrieux de Lire les USuels

Nassera

prface

Le thoricien du libralisme et du capitalisme, Guy Sorman, dont linfluence dans les milieux daffaires et les mdias conformistes nest pas ngligeable, dclarait un jour que le meilleur moyen de combattre la toxicomanie tait de mettre la drogue la porte de tous, sans obstacle. Il tait relay, quelque temps de l, par The Economist de Londres (1), journal connu pour reflter lopinion des financiers internationaux qui, aprs avoir reconnu que les drogues sont dangereuses , ajoutait doctement que lillgalit qui les entoure ne lest pas moins . Et il prconisait la vente libre des drogues, se bornant recommander quune tiquette mentionne, sur chaque paquet, leurs effets nocifs . Selon le porte-parole du capitalisme cosmopolite, cette lgalisation du commerce des stupfiants aurait pour consquence que les drogues empoisonneraient moins de consommateurs, tueraient moins de dealers, corrompraient moins de policiers et rapporteraient des revenus lEtat . La dpnalisation est risque, concluait lditorialiste du journal financier, mais la prohibition lest encore plus. Un juriste de mme tendance a crit, sur le sujet, un volume paru rcemment pour donner une base lgale la dpnalisation de la drogue. Francis Caballero cest le nom de ce juriste constatant que le systme bancaire est contamin par le recyclage de largent du trafic , que le cot de la lutte antidrogue augmente sans cesse et que les prisons se remplissent alors que loffre des stupfiants ne fait que crotre , estime que la rpression snerve et devient de plus en plus attentatoire aux liberts individuelles (2) . Les droits lmentaires des personnes sont bafous, ajoute-t-il, indign, des lois anticonstitutionnelles sont votes, le droit la drogue empoisonne latmosphre de la plante. Il est difficile de ne pas faire un rapprochement entre le laxisme des uns et lesprit de lucre des autres. moins dtre aveugle ou de mauvaise foi, comment peut-on pr1 2 septembre 1989. 2 Francis Caballero, Le Droit de la Drogue, Paris, 1989.

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coniser la vente libre dun produit nocif quand on sait quelle ne ferait que multiplier le danger ? Lexemple des Pays-Bas est l pour nous convaincre de linefficacit de la solution propose. La tolrance de la lgislation nerlandaise lendroit des drogus et le laxisme des autorits espagnoles et italiennes dans le mme sens a pour rsultat une augmentation de la toxicomanie dans les pays concerns, mais aussi une recrudescence du trafic de la drogue en Europe. Le monopole de lEtat a transform les PaysBas en vritable entrept de drogue pour les trafiquants internationaux. Quant lEspagne, elle est devenue la tte de pont du trafic sur le continent. Nous pensons que la principale voie daccs de la cocane en Europe est la pninsule ibrique, dclarait rcemment John Lawn, directeur de la Drug Enforcement Agency, et nous savons que le Cartel de Medelln a des relations directes en Espagne. Les chiffres lui donnent raison. En 1989, 3 471 kilos de cocane ont t saisis sur le territoire de la Rpublique espagnole. Ce qui reprsente trois fois ce que la police avait saisi lanne prcdente en Espagne et davantage que dans le reste de lEurope. Pour le haschich, la Rpublique espagnole arrivait galement en tte des saisies europennes, avec plus de 90 tonnes. Les banquiers qui, ici et l, participent au blanchiment de largent sale et des narco-dollars, sont connus de la police, mais leur habilet et le secret dont ils sentourent et pas seulement en Suisse les mettent labri des poursuites. Sauf trs rares exceptions, la presse se garde bien de publier le rsultat des enqutes de ses reporters. En faisant paratre ce livre explosif, Yann Moncomble prend le problme de la drogue bras le corps. Il ne se borne pas dnoncer le pril que les stupfiants font courir nos enfants, il soulve un coin du voile qui recouvre pudiquement les agissements des dealers, il nous montre que sans le concours actif de banquiers influents et dhommes daffaires aux relations politiques tendues, ces pourrisseurs de notre jeunesse ne pourraient se livrer leur honteux, leur criminel trafic. Une fois de plus, il nous permet de prendre la main dans le sac, ces a financiers qui mnent le monde (1). Admirons son courage et aidons-le rpandre ces vrits.

Henry COSTON 6 fvrier 1990

1 Titre du livre de Henry Coston : une nouvelle dition, augmente, actualise et illustre des Financiers qui mnent le monde, vient de paratre. (Publications Henry Coston, B. P. 92-18, 75862 Paris Cedex 18.)

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Dans son bulletin Le Mois, du 7-8-1989, revue de la Socit de Banque Suisse (S. B. S.) on pouvait lire, non sans sempcher de sourire : Le 1er dcembre 1987 a t inaugur lagence de Miami. Objectif de cette dernire, permettre la clientle prive fortune dAmrique latine et du sud des Etats-Unis daccder plus facilement aux prestations de service de notre banque qui lui sont destines.

le capitalisme de la drogue... de banques banques

Comment blanchir des narco-dollars ? Cest ainsi que dbute une remarquable tude parue dans Science et Vie Economie Magazine de novembre 1989, sous la signature de Mohsen Toumi. Nous la lui empruntons car cest clair, net et prcis. Le 18 septembre dernier, les reprsentants de quinze pays riches se sont runis Paris pour renforcer la coordination internationale contre le blanchiment de largent de la drogue. Nos responsables politiques se sont en effet aperus que la lutte portait surtout sur le trafic des produits eux-mmes et trs peu sur les circuits financiers. Et que, au-del de la guerre contre les intermdiaires et les producteurs (comme en Colombie), il serait au moins aussi efficace de frapper les gros trafiquants au tiroircaisse. Il faut dire quil y a de quoi faire : lensemble du trafic de stupfiants aurait gnr, en 1988, 500 milliards de dollars. Soit lquivalent du PIB de la France en 1985 ! Ce chiffre repose bien entendu sur lestimation du volume physique de drogue consomme. Et dans ce domaine on ne peut quextrapoler partir des saisies effectues. Les autorits amricaines et franaises estiment, dans le cas de lhrone, que ces saisies reprsentent tout juste 5 % de la production mondiale. Au total, lan dernier, la consommation de feuilles (coca, marijuana, haschisch) aurait atteint 30 000 tonnes et celle de poudre (cocane et hrone) 800 tonnes. En multipliant ces quantits par les prix de vente au dtail pratiqus un peu partout dans le monde, on obtient des montants variant entre 300 et 500 milliards de dollars. M. Kendall, secrtaire gnral dInterpol penche plutt pour le second chiffre (1). Mais quel que soit leur montant, ces narco-dollars reprsentent une norme masse dargent liquide. Et cest l que commencent les problmes pour tous ceux qui peroivent la majeure partie de ce pactole. Cest--dire les transformateurs de produits-base, les transporteurs et les grossistes. Le premier est tout btement un problme physique : comment stocker et transporter une telle quantit de billets ? Il parat difficile de se dplacer longueur de journe avec un fourgon blind en guise de porte-feuille et, naturellement, il est suspect1 Interview accorde au Middle East Insider.

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deffectuer toute une srie de transactions en liquide. Dailleurs, dans de nombreux pays, au-del dun certain montant, les paiements en cash ne sont pas admis. Impossible, par ailleurs, de dposer une valise entire de billets la banque ; cest la meilleure manire dveiller les soupons, du moins dans les grands tablissements qui ont pignon sur rue. Deuxime problme : cet argent, sil reste liquide, ne rapporte rien. Il faut donc linvestir et le placer. Do la ncessit de le blanchir , cest--dire la fois de lui faire changer de nature (le transformer en monnaie scripturale), de lui donner une apparence respectable (en dissimuler lorigine dlictueuse) et de lutiliser de manire profitable (le transformer en actifs mobiliers ou immobiliers). LExpression de blanchiment nest pas rcente : elle remonte lpoque de la prohibition aux Etats-Unis, o les revenus des ventes dalcool illicite, tous en billets de banque, taient investis dans des blanchisseries de quartier, lgalement inscrites au Registre du commerce. Le systme tait simple. lpoque, il tait tout fait possible dacheter une boutique en liquide. Lavantage tait double : dune part largent sale tait investi dans un commerce lgal, dautre part, les clients payant tous en espces, il tait facile daugmenter la recette normale de la semaine en y ajoutant les bnfices provenant du trafic dalcool. Le grant portait le tout sa banque qui ny voyait que du feu. Aujourdhui, il existe de nombreux et souvent meilleurs moyens pour blanchir les narco-dollars. Pour commencer, le vieux systme de la blanchisserie du temps de la prohibition est encore utilis. Lachat dun commerce, dans lequel les clients paient en liquide, est une valeur sre. Encore que, selon les spcialistes, il est difficile de faire la part dans ces investissements de ce qui provient de la drogue, ou dautres formes de dlinquance. Certains capitaux dorigine douteuse utilisent aussi le monde du show-business pour se refaire une virginit. Le procd est apparemment trs dvelopp en Italie, en France et en Belgique. La tourne triomphale de la vedette (qui en ralit fait un bide partout) permet de mettre sur un compte en banque tout largent sale qui est prsent officiellement comme la recette des spectacles. De mme, certaines socits cres dans des paradis fiscaux servent de relais pour recueillir les recettes de films diffuss dans de nombreux pays. Sil est impossible de vrifier le nombre exact de spectateurs, il est facile en revanche de recycler ainsi de largent douteux. Plus srieux, car portant sur des sommes nettement plus importantes, le systme du casino. Le principe est simple : on achte pour 500 000 dollars (par exemple) de jetons dans un casino. On ne joue rien mais quelques heures plus tard on change les plaques contre un chque du casino, de mme montant, que lon va tout simplement dposer sur son compte. Officiellement, il sagira, en cas de contrle, dun gain au jeu. Le systme fonctionne trs bien dans sa variante internationale. Aprs avoir chang un gros paquet de billets contre des jetons quon nutilise pas, grce un simple tlex on peut transfrer la somme dans un casino amricain ou moyen-oriental appartenant la mme chane. L on va prendre ses jetons, on ne joue toujours rien et on va tranquillement les changer contre un chque la caisse en sortant. Rien dire. Et largent est bel et bien blanchi. Mme si ces mthodes permettent de traiter de gros montants, le blanchiment bancaire est, de loin, celle qui permet actuellement den recycler la majeure partie. Certaines affaires ont permis depuis quelques mois aux autorits internationales de se faire une ide assez prcise sur les mcanismes mis en 14

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uvre. Comme on va le voir, les trafiquants ont su largement exploiter la mondialisation des transferts de capitaux qui caractrise la finance moderne. Aroport de Los Angeles, 27 novembre 1986. Craignant un attentat la valise pige, la police dcide de faire sauter trois valises laisses dans un coin par leur propritaire. Elles se rvlent inoffensives : elles contiennent deux millions de dollars en petites coupures ! La police amricaine a, sans le savoir, mis la main sur un transfert de narco-dollars. Partout dans le monde, des passeurs transportent largent liquide, en utilisant les mmes chemins et les mmes techniques que pour transporter la drogue. Lobjectif est de pouvoir dposer cet argent dans une banque. Mais pas nimporte quelle banque : il faut un guichet complaisant pour accueillir les liasses suspectes. En ralit, il existe principalement deux catgories de banques susceptibles daccepter de tels dpts : les banques installes dans des paradis fiscaux, quelles soient ou non filiales de grandes banques internationales, et les banques suisses. Les places financires offshore que sont les Bahamas, Panama, les les Vierges, les les Camans, Chypre, etc., ne sont pas vraiment regardantes sur la nature et lorigine des fonds qui sont dposs plein tombereau. Les autorits de ces petits Etats ont parfois permis aux banques de disposer de postes de dbarquement spciaux dans les aroports, sans contrles policier ou douanier contraignants. Aux les Vierges britanniques, une filiale de la vnrable Barclays Bank a mme install un hliport priv. Dans tous ces endroits de la zone carabe, les trafiquants peuvent donc dposer tranquillement leurs liquidits en provenance directe de Colombie ou de Miami. ces paradis fiscaux, il faudrait ajouter toute une srie de places financires o le fait de dposer une valise entire de billets de banque ntonne personne : toute lAmrique centrale, certaines place du Moyen-Orient (le Souk El Manach Koweit, le Liban), la Malaisie, lle Maurice, Hong Kong... La Suisse, cest bien connu, offre depuis longtemps une entre libre et illimite pour lor et les devises de toutes provenances. Il se ralise chaque anne en Suisse 65 milliards de dollars de transactions diverses en billets, soit 8 % de lensemble de ces transactions dans le monde ! Et certaines affaires rcentes ont mis en vidence le rle particulirement actif de quelques-unes des principales banques du pays dans le recyclage de narco-dollars : lUnion de banque suisse et le Crdit Suisse. Le systme helvtique comporte deux phases. Dans un premier temps, les passeurs dposent de grosses quantits de narco-dollars chez un intermdiaire qui peut tre un avocat, un notaire ou un agent de change. En Suisse, ces professions ont la particularit de pouvoir fonctionner comme un tablissement financier sans tre soumis la lgislation bancaire. Un passeur peut donc tout fait lgalement dposer une caisse entire de billets de banque dans le cabinet dun avocat. Cette premire opration correspond ce que les spcialistes appellent le prlavage . Dans un deuxime temps, aprs avoir peru ses honoraires, cet avocat va dposer ces sommes dans des banques rputes, sans tre oblig de rvler lidentit de son client_ Largent ainsi dpos sur un compte numrot, en vertu du fameux secret bancaire suisse, est bon pour le service : on pourra effectuer des virements de compte compte sur toute la surface du globe. La Suisse, outre ces facilits, est trs prise en raison de la qualit du service offert : les transferts peuvent se faire en quelques heures seulement. Mais pour justifier ces virements, encore faut-il pouvoir fournir des raisons honorables. Ces justifications constituent la seconde tape du blanchiment. Les tech15

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niques utilises sont toujours assez simples quant leur principe mais complexes dans leur mise en uvre : les virements sont multiplis dun point lautre du globe au profit de multiples intermdiaires ou hommes de paille. Deux moyens principaux ont t dcouverts : les fausses factures et les prts apparents. Dans le premier cas, il suffit quun gros bonnet de la drogue dispose dune officine de complaisance, par exemple aux Etats-Unis. Celle-ci met des factures pour une prestation de service fictive, et se fait rmunrer partir dun compte dtenu par une socit cran dans une banque, par exemple aux Bermudes. Ledit compte en banque tant aliment en liquide comme on sait. Dans le second cas, notre gros bonnet dsire investir dans limmobilier de tourisme, par exemple sur la Cte dAzur. Pour cela il va demander un prt (comme tout le monde) dans une banque Genve. Grce des complicits, le prt accord sera garanti par le montant du compte numrot quil dtient dans la mme banque. Il sen fera virer le montant sur son compte, dans une filiale de la banque helvtique en France. Le montant du prt correspondra au montant du dpt et les intrts payer correspondront aux intrts perus sur le compte numrot, moins les commissions bien entendu. Cest comme cela notamment que la BCCI lavait les narco-dollars en provenance du cartel de Medelln. Cette fois, a y est : largent de la drogue est blanchi, il est de nature bancaire et il a une origine lgale. Ds lors il peut tre investi dans des secteurs de lconomie (le high tech est, parat-il, trs pris), plac dans des titres de pre de famille (les bons du Trsor amricain par exemple), voire utilis dans des actions de raiders puisque les OPA ont besoin de fonds importants en peu de temps. Mais le blanchiment a galement des consquences plus qualitatives sur lensemble des conomies concernes. Pour recycler une telle masse dargent, il faut des rseaux, des complicits, des protections. A Paris, dans un arrondissement chic, une socit de communication, dont le sige social se trouve dans un paradis fiscal de la Mditerrane, fait des tudes pour le compte dentreprises, dite des revues techniques et a une petite activit de publicit. Une cinquantaine de personnes sont employes : conomistes, journalistes, secrtaires, etc. Le loyer des locaux est rgl 50 % en liquide et une bonne partie du personnel est rmunr en petites coupures usages (billets de 10, 20, 50 et 100 dollars). Le mme groupe possde dautres officines aux activits similaires en Suisse, en Espagne, en Grande-Bretagne et en Italie. En un an, cest environ 11 millions de dollars en liquide qui sont convertis en prestations de service et dpenses de fonctionnement. Cette activit a un double objectif : blanchir des narcodollars naturellement mais aussi acheter de linfluence. Les partis politiques nont rien voir avec la drogue... mais dans tous les pays, ils ont besoin dargent. Les grandes firmes internationales ne sont pas des trafiquants de cocane... mais elles ont parfois besoin dintermdiaires et de services en tout genre pour exporter. Jusquo vont les responsabilits lintrieur des banques suisses que nous avons cites ? Chaque fois, cest une branche, un chelon seulement de linstitution qui sest rvl fautif. Mais ce systme de corruption mouille lensemble. Du coup, ce sont les plus grands noms de la finance qui sont priodiquement mis en cause. Aux Etats-Unis, la First Bank of Boston, seizime banque du pays, sest trouve, en 1985, incapable de justifier des transactions avec ltranger pour un montant de 12 16

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milliards de dollars ! Toujours en 1985, la respectable firme de courtage new-yorkaise Hutton a t directement accuse davoir blanchi 13,5 millions de dollars avec laide (encore) du Crdit Suisse. Dans une enqute sur largent de la drogue diffuse par Canal +, Jean-Pierre Mascardo a rcemment mis en cause une bonne partie du gratin de la banque amricaine : Chase Manhattan, Irving Trust, Bank of America, etc. Le plus grand scandale narcobancaire de ces derniers mois est certainement celui de la BCCI (Bank of Commerce and Credit International). Cette banque nest pas une petite officine miteuse dun pays en voie de dveloppement : domicilie aux Luxembourg, elle compte 400 agences dans 73 pays et sappuie sur 20 milliards de dollars de dpts. Laffaire de la BCCI montre bien la fois, les liens financiers entre les rseaux compromis de la banque et le monde bancaire officiel, la volont de mouiller des hommes daffaires connus, des hommes politiques en vue et mme des organisations caritatives, comme celle de lancien prsident Carter. Du coup, on ne sait plus qui est honnte et qui ne lest pas, qui est complice et qui est naf. Car, et cest le dernier chelon, les narcodollars peuvent corrompre jusquaux Etats. Certes, lIran encourage ouvertement le trafic de drogue pour la bonne cause . Mais, mme les Etats qui, officiellement, se disent prts combattre le flau par tous les moyens, ont eux aussi leurs faiblesses. Notamment lorsque le trafic de la drogue rejoint le trafic des armes. Les spcialistes estiment que le trafic mondial des armes est au moins gal aux ventes officielles, soit 50 milliards de dollars par an. Il y a de nombreux conflits sur le globe (Afghanistan, Nicaragua, Liban, IranIrak, etc.) o les parties en prsence sont soutenues plus ou moins discrtement par les grands pays. Pour les aider, il faut leur fournir des armes. Mais pas au grand jour. Quelle aubaine pour les dtenteurs de narcodollars en peine de recyclage ! Dun ct, celui de lombre, il faut acheter des armes discrtement (en contrebande ou auprs de marchands de canons ayant pignon sur rue) et les faire passer clandestinement. Tout ceci cote cher mais les narco-dollars sont l. De lautre, il faut pouvoir se faire payer le plus lgalement du monde. Les fonds spciaux de tous les gouvernements du monde sont l. Entre les deux, toute une srie dintermdiaires, de banques offshore, de certificats dexportation bidon, de socits crans. cet gard, laffaire de lIrangate est exemplaire : un pays, les Etats-Unis, qui dun ct lutte contre la drogue et de lautre fournit discrtement des armes lIran (producteur de drogue) avec la complicit de citoyens israliens qui eux-mmes entranent les milices prives de trafiquants colombiens ! On le voit, le blanchiment a plusieurs dimensions. Ds lors quau sein des mcanismes financiers internationaux se mlent troitement largent sain et largent sale, lofficiel et le clandestin, la logique des trafiquants et la raison dEtat, il peut paratre drisoire de vouloir coordonner la lutte internationale contre le blanchiment. Pourtant, il est vrai, la base de tout lengrenage, les diffrences de lgislation entre les pays constituent autant de failles exploites par les trafiquants. Deux catgories de pays sopposent : certains comme la France ont eu longtemps un systme de contrle des changes, qui les a srement protgs contre les trafics importants, et une lgislation stricte contre les paiements en liquide. Mais par contre, les mesures lgislatives permettant de condamner le recyclage de largent sale sont soit inexistantes, soit rcentes (loi du 31 dcembre 1987 pour la France). Dautres 17

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pays ont en revanche un arsenal juridique visant spcifiquement le blanchiment (lItalie depuis 12 ans pour lutter contre la mafia et surtout les Etats-Unis). Mais dun autre ct, ils sont trs laxistes sur les transferts de fonds. Enfin, que faire face aux paradis fiscaux, si tolrants lgard des narco-dollars mais aussi tellement accueillants pour de nombreuses et respectables socits fuyant les tracasseries administratives de leur pays dorigine ? Voyons maintenant ces affaires en dtails. Quand ils reoivent le carton dinvitation trs gentry leur annonant le mariage de Robert L. Musella et de Kathleen Corrine Erickson, des relations daffaires devenus des amis, Ian Howard, directeur de la Bank of Credit and Commerce International (B.C.C.I.) Paris, et son assistant Sibte Hassan, nhsitent pas, tout comme Syed Aftab Hussein, le manager de la B.C.C.I. Panama, Akbar Ali Bilgrani, un des dirigeants de la division latino-amricaine de la banque, en compagnie dAmjad Awan, de Miami, ils sautent dans un avion via la Floride. laroport, ils sont attendus par des limousines noires vitres fumes. Le lendemain, ils se retrouvent en compagnie de deux autres cadres de la B.C.C.I. de Miami. Ils ne souponnent rien. Cest lorsque les portes de lascenseur souvrent que le pige se referme dfinitivement. En quelques secondes, les cartons dinvitation sont alors prestement changs contre une paire de menottes et un Welcome to Tampa, you are under arrest ! (Bienvenu Tampa, vous tes en tat darrestation !) Surprise totale : lun des banquiers rigole mme franchement en croyant un raffinement comique de la soire, sexclamant : Formidable ! Que la fte commence... On le comprend... quelques semaines plus tt, on lui avait fait le mme coup. Lors dune soire de rve, une strip-teaseuse de choc lui avait dj pass les menottes. Ctait prmonitoire. Ainsi se terminait un des pisodes les plus rocambolesques dune enqute extraordinaire mene aux Etats-Unis, en France, en Grande-Bretagne, au Luxembourg, en Suisse, en Amrique latine. Les autorits charges de lutter contre les trafiquants de drogue internationaux avaient dcid de frapper un grand coup contre les institutions financires qui mettent leur exprience au service des criminels pour blanchir largent de la drogue. Le lendemain, William Von Raab, patron des douanes amricaines, prsentait les rsultats de la plus longue et la plus complexe enqute jamais ralise sur le blanchiment de largent de la drogue, en ces termes : Au cours des dernires soixantedouze heures, nous avons ralis notre premier raid financier, et donn au terme OPA hostile une nouvelle signification. Quatre-vingt-deux inculpations et trenteneuf arrestations opres le 10 octobre 1989 par ses services, en collaboration avec les douanes franaises et anglaises, qui effectuaient des perquisitions aux siges locaux de la B.C.C.I. Comment en tait-on arriv l ? Simplement, si lon puis dire. Un jour, les services ont eu lide gniale digne du feuilleton Un flic dans la Mafia dintroduire des agents dans les rseaux financiers, se prter aux magouilles des banquiers de la drogue, leur proposer mme des moyens de rendre leurs stratagmes plus efficaces. Pour prparer leur fausse crmonie de mariage, Robert et Kathleen on pass plus de deux ans comme agents infiltrs dans les rouages amricains du fameux cartel de Medelln. Daprs les documents officiels de la justice amricaine, la premire rencontre des trafiquants avec les agents clandestins des Douanes, a lieu Miami, le 18

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14 juillet 1986, Robert Musella et Kathleen Erickson, ont, leur service, une socit du nom de Financial Consulting base Port Richey, sur la cte ouest de la Floride, quelques kilomtres au nord de Tampa. Cest par lintermdiaire de celle-ci que Gabriel Jayme Mora, dit Jimmy , sollicite leur aide afin douvrir des comptes bancaires Miami. Un mois plus tard, Gonzalo Mora Junior fait son apparition et leur remet 16 400 dollars, dposer sur lun de ces comptes. La confiance rgne car Robert Musella na pas son pareil pour transformer dnormes quantits dargent liquide provenant des ventes de cocane en argent propre. Il ouvre de multiples comptes dans de nombreuses institutions financiers, multiplie les transferts de compte bancaire compte bancaire, souscrit des emprunts au nom de socits crans cres de toutes pices et rembourses par dautres socits crans. Au bout du compte, il blanchira dit-on, pour monter son stratagme, 18 millions de dollars pour le compte des trafiquants colombiens. Gabriel Jayme Mora est un client de grand calibre. Il rcolte des fonds en Floride, Los Angeles, Houston, Detroit, New York, Chicago et Philadelphie. Robert et Kathleen gagnent progressivement sa confiance et les sommes augmentent jusqu 200 000 dollars, au printemps 1987. Mora prsente alors ses nouveaux amis Roberto Baez Alcaino, un gros fournisseur de drogue de Los Angeles surnomm le Joaillier , dont la bijouterie de Los Angeles est utilise comme couverture. Il sera arrt New York le 14 septembre 1988 au moment o il prenait livraison de plusieurs kilos de cocane, cachs dans des botes danchois. Mora fait aussi la liaison pour John D, alias Don Chep, alias Arturo, alias Kiku, un autre blanchisseur de premier plan. Le 11 fvrier 1987, nos agents touchent au but en tant mis, pour la premire fois, face Ricardo Argudo, un Panamen employ de la B.C.C.I. de Tampa. Cest un premier contact. Le 3 avril, Ricardo Argudo vient discuter avec Musella de lutilisation de comptes ouverts dans des succursales trangres de la B.C.C.I. afin dchapper lidentification par les autorits de transactions financires effectues pour les clients de la banque . Progressivement, les versements confis Robert et Kathleen atteignent des sommets. Une remise atteindra 750 000 dollars en octobre 1987, une autre de 980 000 dollars en novembre. En janvier 1988, ce sont 1 500 000 dollars qui sont livrs. Le 22 dcembre 1987, Syed Aftab Hussein, un des responsables de la B.C.C.I. Panama, tlphone un agent des douanes, infiltrs dans le rseau Tampa, pour lui recommander de prendre contact avec Amjad Awan, directeur adjoint de la division latino-amricaine de la B.C.C.I., en poste Miami. Awan est souponn davoir gr pour le compte de Noriega quelques 20 millions de dollars sales sur un compte de la B.C.C.I. Lavocat dAwan essaya de disculper son client, affirmant que celui-ci a dailleurs accept de cooprer pleinement avec la commission snatoriale. Faux, rplique tranquillement Mark V. Jackowsky, assistant du procureur gnral de Floride Tampa. Awan a mme dit [la conversation est enregistre] : si je coopre avec le Snat, jenterre la B.C.C.I. et je menterre moi-mme. Le 22 dcembre 1987, en tout cas, Hussein mentionne au tlphone Awan le blanchiment de 1 500 000 dollars. Un mois plus tard, Awan et un autre invit de la noce, Akbar Bilgrani, ouvrent un compte au nom dun associ de Musella la Banque de Commerce et de Placements (B.C.P.), place Cornavin, Genve, les reprsentants en Suisse de la B.C.C.I. 19

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Le 29 avril 1988, Awan parle douvrir des comptes destins blanchir largent dans la filiale franaise de la B.C.C.I. Musella viendra lui-mme trois reprises Paris la dernire fois au mois de septembre discuter, au sige de la B.C.C.I. aux Champs-Elyses, avec les responsables de la filiale franaise. Avec laide dun cabinet davocats genevois, Musella cre une myriade de socits fictives qui serviront faire tourner largent. 7 millions de dollars sont ainsi passs par la succursale de la B.C.C.I. La B.C.C.I. va alors offrir toutes les ressources de son rseau international. En mai 1988, les agents infiltrs rencontrent Paris, lors de plusieurs rendez-vous, Nazir Chinoy, ressortissant pakistanais, le directeur gnral pour lEurope et lAfrique, et Ian Howard, ressortissant indien, pour y discuter en clair du blanchiment des fonds de Mora et Don Chep. Ils mettent mme au point des codes tlphoniques. Puis ils se rendent la B.C.C.I. de Londres. Linstitution financire est dsormais trempe jusquau cou dans le recyclage de largent sale. Lampleur des accusations visant la B.C.C.I. et ses employs ceux-ci avaient blanchis 14 millions de dollars, mais les autorits laissent entendre que les sommes totales pourraient tre plus importantes a donn loccasion ladministration des Douanes amricaines de lancer un avertissement solennel et spectaculaire aux banquiers du monde entier, devenus soudain suspects de mille malfices. Sil y a des voyous parmi vos clients, a lanc William Von Raab, vous risquez de le devenir vous-mmes. Mon message aux banquiers internationaux est clair. Si vous ne savez pas do vient largent de vos clients, vous pourriez tres les prochains sur la liste. Dclaration de guerre que nacceptent pas les dirigeants de la B.C.C.I. Ils affirment dans un communiqu que la banque na t aucun moment impliqu sciemment dans le blanchiment dargent li au trafic de drogue... Les accusations se rfrent des personnes qui, la connaissance de la banque, sont des victimes innocentes . Alors, pourquoi une banque dune telle dimension, qui pse 20 milliards de dollars de dpts, possde quatre cents agences dans soixante-treize pays embauchant treize mille cinq cents personnes, sest-elle mle du blanchiment des narco-dollars ? Tout simplement parce que le mtier dune banque, cest de faire de largent. La B.C.C.I. a une politique commerciale agressive et son taux de croissance dpasse largement celui de ses concurrents. Elle a fait sa fortune et sa renomme en grant largent de Pakistanais immigrs et celui des mirs de lor noir. Avec ces derniers, elle a pris lhabitude de tenir des gros comptes un peu spciaux : une de ses succursales londoniennes a ainsi t ouverte pour un unique client de poids, dont la taille justifiait elle seule linvestissement De plus, elle a t inquite par une commission du Snat amricain pour stre occupe des comptes du gnral Noriega, entre 1982 et 1988, ainsi quelle a permis au milliardaire Adnan Khashoggi de transfrer 12 millions de dollars de lagence de Monte Carlo au profit dun marchand darmes en 1986, afin dacheter du matriel utilis dans laffaire de l Irangate . Les innombrables socits que contrle Adnan Khashoggi ont un point commun : leur discrtion. Pourtant, on connat les principales structures de la Khashoggi connection : trois holdings, dont le plus important, Triad International Marketing (Liechtenstein) et une filiale de la Triad Holding Corporation dont le sige est Luxembourg. Adnan Khashoggi tait arrt et mis en prison dbut 1989, pour avoir aid le prsident Ferdinand Marcos mettre labri des millions de dollars appartenant lEtat 20

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philippin. Il aurait donc t le complice de Marcos. Et ledit Marcos, qui serait le principal auteur du dlit, est libre comme lair Hawaii, sur le sol amricain ! Etrange, non ? La vrit, cest que laffaire Marcos ne serait quun prtexte. Si les Suisses ont mis Khashoggi lombre, la demande des Amricains, cest parce quon veut le faire parler dune autre affaire sur laquelle on pense quil en sait trs long. Khashoggi a, en effet, depuis longtemps parmi ses relations daffaires un homme que lon souponne tre le grand blanchisseur de largent sale de la drogue, le vritable cerveau mondial du trafic. Il est un fait certain que lon retrouve beaucoup de Saoudiens (1) au sein de la B.C.C.I. Parmi ses principaux actionnaires, on trouve non seulement lmir dAbu Dhabi, Zayed Ben Sultan an Nayane, mais aussi Kamal Adham, chef des services secrets saoudiens, Gaith Pharaon, un des hommes daffaires saoudiens les plus puissants, qui, par lintermdiaire de la Pharaon Holding Ltd, dtient 26 % du capital de Primistres Flix Potin et 28,5 % du capital de Paris-Parc, socit qui construit et gre le parc dattractions de Mirapolis Cergy-Pontoise et Salem Ahmed Ben Mahfouz, un Saoudien, propritaire de la plus grande banque locale de son pays, la National Commerce Bank, et grand ami de Khashoggi. Or, il faut souligner que ces allis puissants des Etats-Unis dans le Golfe possdent la majorit de la B.C.C.I., et que cette dernire navait pas non plus lsin pour se faire des amis au plus haut niveau de ladministration amricaine. Ainsi Global 2000, un organisme de charit fond par lex-prsident Jimmy Carter, membre de la Trilatral, a reu des dons reprsentant plusieurs millions de dollars de la part de la B.C.C.I. Le prsident fondateur de la B.C.C.I., Agha Hassan Abedi, tait trs li Jimmy Carter et Alan Garcia, le prsident du Prou. Carter ira jusqu coopter M. Abedi comme vice-prsident de Global 2000. M. Abedi, de son ct, offrira, en le faisant payer par lagence de la B.C.C.I. Londres, un Bing 727 priv lancien prsident des Etats-Unis. Certes, M. Carter va utiliser cet avion dans le cadre de sa fondation pour semer la bonne parole travers le monde. Mais largent de la drogue trouve l un extraordinaire canal de blanchiment la fois financier et moral. Bert Lance, ancien directeur du Budget dans ladministration Carter, et ami de longue date avec Agha Hassan Abedi, deviendra lun des directeurs de lI.C.I.C. (International Credit and Investment Co), une filiale de la B.C.C.I. base aux les Camans. Celui-ci tait dailleurs dj associ Gaith Pharaon dans Je cadre de la National Bank of Georgia, avec pour mission prcise dacqurir la Financial General Bankshares de1 Certains scandales ont dfray la chronique. Il y eut larrestation dun neveu du roi Fahd dArabie Saoudite, le prince Ben-Saoud Abderlazizi qui fut arrt deux reprises pour avoir organis limportation de cocane... et a t libr aprs avoir pay une caution de 150 000 livres (1 750 000 francs) ; ainsi que celle du petit neveu de Sir Winston Churchill, James Spencer, marquis de Blandford, fils et hritier du duc de Marlborough, lune des grandes familles de laristocratie anglaise ! En Italie, un scandale dfraie la chronique. Il sagit dun trafic illgal darmes vers lIrak qui a donn lieu une commission de 180 millions de dollars. La justice italienne accuse Michel Merhej, syro-saoudien install en France, dtre lun des bnficiaires de ce trafic tandis que le colonel Giovannone, dans une note au juge Carlo Palermo, fait allusion un trafic de drogue. Le mme Michel Merhej est en outre lun de ceux qui approvisionnait lIran en munition. Suliman Olayan, lun des plus riches businessmen dArabie Saoudite, gros actionnaire de la Chase Manhattan Blaziziank et de la First Chicago Bank deux banques impliques dans le blanchiment des narco-dollars, est le personnage cl de la fusion entre le Crdit Suisse et la First Boston.

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Washington (F.G.B.I.) pour le compte de M. Abedi. Il ny russira pas. Mais le banquier pakistanais, par lintermdiaire de la socit financire de M. Pharaon, la Koweit International Finance Co (K.I.F. Co, base aussi aux les Camans), parviendra finalement prendre le contrle de ltablissement de Washington. Grce lappui de M. Carter, plusieurs personnalits amricaines entreront dans le conseil dadministration de la F.G.B.I. : on peut citer entre autres. Clark Clifford, Symington W. Stuart, membre du C.F.R. et James Gavi, qui appartiennent tous deux au clbre cabinet daffaires Arthur D. Little. cette filiale de la B.C.C.I., lI.C.I.C., au sein de laquelle Bert Lance occupait un poste important, il se vit dans lobligation de rembourser une avance qui lui avait t consentie sur une affaire nayant finalement jamais eu lieu, en sorte que les commissaires aux comptes de la firme spcialise de Price Water House furent satisfaits. Mais largent du remboursement avait t fourni M. Lance (1) par une autre socit du mme groupe que Price Water House ! Le systme de la B.C.C.I. tel quil est organis le permet... Autre personnage important li la B.C.C.I., Clark Clifford, conseiller de tous les prsidents amricains depuis Harry Truman et ancien secrtaire dEtat la Dfense de Lyndon Johnson. Eminence grise du C.F.R., li Henry Kissinger depuis les annes 1960, prsident de la First American Bank, Clifford a t de 1966 1972, un des partisans acharns de labandon du Vit-nam du Sud aux communistes. Il est ce point compromis que ds quil est averti, il se rend auprs du snateur dmocrate John Kerry (responsable de la sous-commission adquate du Snat) et lui enjoint dtouffer son nom et le fait quil soit intervenu continuellement pour dfendre le gnral Noriega, li comme lui la B.C.C.I. Kerry refuse. Clifford tlphone aussitt Miami pour conseiller son ami Amjad Awan, un des fondateurs de la banque et directeur de ses oprations latino-amricaines, de disparatre avant dtre appel dposer . Clifford ignorait quAwan avait dj dpos en secret au Snat le 30 septembre prcdent (2). Autre scandale o lon retrouve la B.C.C.I. : laffaire Yorgos Koskotas, magnat de la banque et de la presse hellniques. Qui est ce Grec ? En 1979, aprs une douzaine dannes dmigration amricaine, il entre comme employ la Banque de Crte, le dixime tablissement priv du pays. Trois ans plus tard, il en est le propritaire. Entretemps, en 1983, il cre un groupe de presse : Grammi qui va dEna, lquivalent de notre Paris-Match, devenu premier sur son crneau, Mark), mensuel culturel et branch. Entre lautomne 1987 et lt 1988, Koskotas construit sur la route de Marathon, au nord dAthnes, le complexe ddition le plus moderne dEurope : bton, or et marbre blanc, truffs dlectronique dernier cri, informatisation de la rdaction aux rotatives qui dbitent 45 000 exemplaires lheure. Linvestissement est la hauteur : 8 milliards de drachmes (350 millions de francs). Il lance grands frais un journal tout en couleur : 24 heures, copie conforme de lamricain U.S.A. Today, rafle deux titres conservateurs, puis soriente vers le pasok, le parti socialiste au gouvernement en rachetant en dcembre 1987 I Kathimerini et six mois plus tard, Vradyni dont il censure la Une, compromettante pour le Premier ministre Andras Papandrou.1 Directeur de la First National Bank de Calhoun, en Gorgie, en 1977, Lance avait t accus davoir utilis les fonds de cette dernire, pour lui, et pour ses amis politiques. 2 C.E.I, 27 octobre 1988.

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Trop cest trop, surtout quil refuse obstinment de dvoiler lorigine de fonds apparemment inpuisables. Aprs de multiples pressions Koskotas na pas que des amis , une enqute est ouverte sur les comptes de la Banque de Crte, quartier gnral du holding de Koskotas. La commission parlementaire rvle lexistence de socits financires rattaches la banque ayant leur sige social au Luxembourg, comme la socit Medit Fin International. Selon le quotidien I Proti du 13 fvrier 1989, celle-ci serait implique dans le trafic darmes et de stupfiants avec de grandes banques transnationales, telles que la Credit Bank et sa filiale le Credit Trust. Les marchs viss taient lAfrique du Sud, lIran et lIrak. Les entreprises publiques grecques darmement, EBO (Industrie hellnique darmements) et Pyrkal sont compromises. En 1985, EBO aurait conclu un accord avec lIrak de 70 millions de dollars pour la livraison darmes par lintermdiaire de socits commerciales situes hors de Grce. Principal accus de ces malversations : lancien directeur dEBO, Stamatis Kambanis, et trois de ses collgues, Dimitri Halatsas (conseiller juridique), Ioannis Papadopoulos (directeur des achats) et Dimitri Kyriakarakos (directeur financier). Kambanis, directeur dEBO, en fuite, doit rpondre de diverses malversations ayant cot 9 millions de francs aux contribuables hellniques, dune fraude de 21 millions de francs sur lachat de matriel canadien et dun versement de 36 millions de francs de pots-de-vins des socits fantmes censes ouvrir le march irakien aux obus grecs. Ces firmes-couvertures sont la Getaway, la Coastal et lAssas, selon la presse grecque. Le dirigeant de lune delles, un Amricain du nom de Baumgart, se serait dailleurs plaint de ne pas avoir touch sa commission, qui aurait atterri directement dans la poche de Kambanis. Or, ce dernier aurait eu, daprs le trs srieux priodique athnien Anti, des contacts troits avec la Banque de Crte, proprit de Koskotas, et avec la B.C.C.I. luxembourgeoise. Or, les mmes noms rapparaissent : Agamemnon Koutsogiorgas, dauphin officiel du Premier ministre, et George Louvaris, ami de la matresse dAndras Papandrou, et reprsentant en Grce de la socit Matra. Il a t galement rvl que Medit Fin International entretient dtroites relations avec la B.C.C.I. implique dans le trafic de cocane. La commission conduite par la Banque de Grce, charge de contrler les affaires de la Banque de Crte, a montr lexistence dune demande de transfert de fonds de 70 millions de dollars de la part de la Banque de Crte lintention de la B.C.C.I. au moment des faits. Bien quelle nie, argumentant la falsification, la Banque Merryll Lynch, galement implique dans le blanchiment de la drogue, aurait tenu un compte de 13 millions de dollars pour Koskotas, que ses adversaires accusent davoir blanchi largent de la mafia grco-amricaine de la drogue. Ce qui expliquerait lorigine de fonds apparemment inpuisables... Mais pour comprendre la B.C.C.I., il faut vous faire un peu dhistoire. La Bank of Credit and Commerce International a t fonde en 1972. sa fondation, elle figurait dj au 49e rang des banques de dpt du monde et avait un des taux de croissance les plus rapides du globe. En moins de dix ans, elle tait devenue lune des banques arabes les plus importantes, au niveau de lArab Bank de Jordanie qui se trouvait au 23e rang des banques daffaires mondiales. Mais elle est la premire vraiment internationale dans sa catgorie. Si elle nest pas la premire banque du tiers-monde, elle est en tout cas la premire banque tiers-mondiste du globe. Son activit est au service du concept . Lequel ? Celui de son fondateur, Agha Hassan Abedi, Pakistanais dorigine. Mais ce 23

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concept -l ressemble plutt celui dune secte qui demande intronisation. Suffisamment en tout cas pour que le directeur de la filiale de Paris, en 1982, M. Deane, pourtant prt donner tous les nombreux renseignements chiffres lappui, sur lentreprise, prfre ne pas entrer dans de tels dtails. Autour de la B.C.C.I. et de son fondateur sest dvelopp un rseau dinfluence qui plante ses ramifications dans les circuits dinformation, principalement partir de Londres. M. Abedi est lorigine de la Third World Foundation (Fondation du tiersmonde), dirige par M. Althaj Gauhar, galement dorigine pakistanaise, et ami de Abedi. Cette fondation, dont les activits sont multiples, publie notamment le Third World Quaterly qui assure LExpression de multiples personnalits du tiers-monde et la publicit politique de nombreux autres magazines tiers-mondistes, souvent dinspiration socialiste ou marxiste. Mais, surtout, la Fondation a conclu avec le quotidien de Londres, The Guardian, proprit du Scott Trust, dont on sait quil ne manque pas comme la plupart des quotidiens de problmes conomiques, un accord au terme duquel celui-ci publie chaque semaine un supplment sur le tiers-monde, dont les lments rdactionnels lui sont fournis, directement ou indirectement par la Third World Foundation. Cest plus encore lefficace monopolisation indirecte et discrte de linformation que limpact de ses activits financires, pourtant non ngligeables, qui rend les activits de la B.C.C.I. particulirement dignes dintrt. ct des comptes de filiales sur papier glac et des. conseils dadministrations peupls des ternels notables locaux rassurants, les structures partir desquelles les fils de cette affaire sont tirs, sont opaques. Un holding situ au Luxembourg (B.C.C.I. S.A.), et lautre (B.C.C.I. Overseas Ltd), dans lle de Grand-Caman, aux Bahamas. La filiale de Londres, dpend du Luxembourg, alors que celle de Paris dpend de Caman, o plusieurs socits entrecroises contrlent la principale, en sorte quil est en dfinitive extrmement difficile de savoir qui sont les actionnaires ayant la haute main sur lensemble. Il y a bien dautres bizarreries. Par exemple, les autorits bancaires londoniennes nont pas accord la branche britannique de la B.C.C.I. le statut plein de banque reconnue, mais celui de licence deposit taker de seconde catgorie. Le fait que le groupe nait aucune base nationale dorigine et ne soit quun montage international en est la raison principale, les possibilits de contrle tant, dans ces conditions limites... Ce qui arrange bien du monde. Au Pakistan mme, la B.C.C.I. est considre comme banque trangre, bien que ses dirigeants entretiennent les meilleures relations avec le rgime dAli Bhutto. Autres curiosits, la Bank of America qui se trouvait associ au dmarrage de la B.C.C.I., a liquid progressivement sa participation partir de 1979, en dpit de la spectaculaire croissance de la B.C.C.I. Version officielle : daprs une tude de la revue New Statesman du 18 octobre 1981, quand les auditeurs de la banque amricaine sont arrivs pour vrifis une branche de la B.C.C.I. dans lun des mirats du Golfe, ils auraient dcouvert... quelle nexistait pas, en sorte quun divorce poli aurait t par la suite organis dun commun accord. Divorce auquel nous ne croyons pas tant donn que la Bank of America est lun des tablissements bancaires inquits dans lenqute sur le blanchiment des narco-dollars ! Ds 1982, la B.C.C.I. avait plus de quarante-cinq succursales en Grande-Bretagne o elle ralisait environ 15 % de son chiffre daffaires, et ralisait quelque 45 % de ses activits en Afrique. Elle est lune des rares institutions financires tre installe 24

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aussi bien en Afrique francophone, au Nigria une des plaques tournantes de la drogue en Afrique comme par hasard et au Zimbabwe, o elle fut la premire et la seule banque trangre autorise aprs lindpendance. En 1980, elle se permettait de racheter la Hong Kong Metropolitan Bank, et dans le mme temps, la Banque de commerce et de placement, Genve bien que le groupe B.C.C.I. ne figura pas sous ce sigle en Suisse et arborait un vice-prsident dHoffman La Roche, sur la page de garde de son rapport annuel, ct dun ancien vice-prsident de la Bank of America ! Aujourdhui, lactionnariat priv dtient 88,4 % du capital, les 11,6 % restant tant entre les mains de lI.C.I.C. Foundation et de lI.C.I.C. Staff Benefit Fund, deux organisations cres par la B.C.C.I. et contrles par ses directeurs, lune vocation charitable, lautre consacre la gestion collective. ces titres, la B.C.C.I. a vers des sommes qui ont atteint 21 millions de dollars en 1987. Quand ses neuf responsables ont t emmens, menotts et enchans en 1989, la banque est tombe des nues, voyez-vous a... Alors que les liens de la B.C.C.I. avec les milieux de la drogue ne sont pas rcents : en 1980, deux de ses reprsentants Bogota avaient dj t impliqus dans un trafic de haschisch. En 1986, on la retrouve mle lIran-gate travers Adnan Khashoggi, trafiquant darmes. Ce qui nempche pas John Hillbery, directeur de la division internationale daffirmer quune campagne pernicieuse se dveloppe contre la B.C.C.I., qui nest au courant daucune prtendue violation de la loi . Mais le lendemain, il rectifie le tir, en diffusant une seconde dclaration destine procurer une perspective correcte face aux accusations des douanes amricaines . Mais ses arguments sont bien faibles... Hillbery essaie de nous faire croire que les directeurs arrts sont de jeunes cadres , lexception de Nazir Chinoy, le directeur pour lEurope et lAfrique, arrt Londres. Ce nest pas un hasard si la B.C.C.I. possde trois branches en Floride et seulement trois autres pour le reste des Etats-Unis. Alors pourquoi cette banque na-t-elle pas fait parler delle plus tt ? Pour deux raisons : son organigramme est particulirement complexe et surtout elle bnficie de parrainages prestigieux et de protections politiques au plus haut niveau, comme nous lavons vu. Le circuit tait le suivant : remise de largent liquide une agence B.C.C.I. en Floride ; virement des sommes dposes vers plusieurs succursales de la banque New York, Londres et Paris, o lon met des certificats de dpt 90 jours. En retour, un prt est consenti par une filiale de la B.C.C.I. (Bahamas) lagence de Floride. Dpts et prt sont videmment du mme montant. Il ne reste plus la succursale de Miami qu virer le montant du prt sur un compte appartenant aux gros bonnets de la drogue en Uruguay ou ailleurs. Suite ces affaires, la B.C.C.I. devait comparatre en Floride pour blanchiment dargent. Eh bien, ceux qui croyaient encore une justice gale pour tous et espraient avoir de nouvelles informations sur ltendue du trafic des narco-dollars, en seront pour leurs frais. Le 16 janvier 1990, la Banque de Crdit et de Commerce Internationale (B.C.C.I.) du Luxembourg, parvenait un accord avec le tribunal de Tampa, en Floride, afin dchapper ses juges : elle a plaid coupable et accept une mise lpreuve de cinq ans, assortie dune perte dactif de 14 millions de dollars. Une misre... 25

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Les manipulations dargent sale effectues par la B.C.C.I. ne sont pourtant ni la premire ni la plus importante des affaires de blanchiment de fonds dj dcouvertes par les limiers amricains. Le Times du 6 juillet 1981 crivait dj : Ce nest pas une concidence si la seule des filiales de la Banque centrale (Federal Reserve Board) prsenter un excdent de liquidits qui slve 4,7 milliards de dollars est celle dAtlanta en Floride. Ces liquidits en petites coupures proviennent en effet de la vente au dtail de la drogue. En 1982, la Capital Bank de Floride avait hberg 242 millions de dollars apports ses guichets par les trafiquants au rythme de plus dun million par jour. Cest un personnage nomm Beno Ghithis, install Miami, qui rvla quil avait blanchi plus de 240 millions de dollars en huit mois, soit une moyenne de 1,5 million de dollars par jour ouvrable. Son bureau tait install proximit du sige de la Capital Bank et certains de ses courriers chargs des dpts, connaissaient si bien les employs quils les appelaient par leurs prnoms, et nattendaient mme que largent soit compt. Dautres courriers allaient dposer largent dans des banques du Texas, de Californie et du Canada (1). Ils effectuaient jusqu trente ou quarante transactions par jour. Pour ne pas attirer lattention des caissiers (!) ils rduisaient la taille de chaque dpt 5 ou 7 000 dollars. Bien quelle aurait blanchi elle seule pour huit milliards de narco-dollars, la Capital Bank fut acquitt, comme fut acquitte la Banque de Nova Scotia qui avait encaiss au Canada 12 millions de dollars remis dans des sacs de sport par des coliers pour le compte de Gary Hendin, un avocat ayant mont dans son tude un faux bureau de change. Mis en cause en 1985 dans laffaire de la Pizza Connection une chane de pizzas new-yorkaises avait servi blanchir prs de 700 millions de dollars le fameux courtier de Wall Street E.F. Hutton, a eu de son ct beaucoup de chance. Sa branche de Providence (Etat du Maine) avait reu 13,5 millions de dollars en petites coupures et les avait transfres sur son agence de Lugano (Suisse), via le Crdit Suisse et diffrentes banques des Bahamas et des Bermudes. La Hutton les plaait sur les marchs termes pour le compte de Della Torre, un lieutenant du boss de la mafia, Giuseppe Bono ; la firme sen tira avec 2,75 millions de dollars damende, et la promesse (!) de ne plus recommencer. En juin 1987, pourtant, Yuri Androwitz, un de ses brokers de New York et Arnold Phelan, un de ses cadres dirigeants, blanchirent de nouveau, chacun de leur ct, des millions de dollars pour le compte de citoyens suisses ... Une autre partie de cet argent fut dpose dans des tablissements financiers rputs comme Merril Lynch, dont les grands patrons sont tous membres de la Pilgrims Society ou du C.F.R., et dont la banque franaise Paribas dtient 3 % du capital. Paribas se trouve tre au premier rang des trangres en Suisse par le montant de ses bnfices. Des enqutes ont rvls que des personnages chargs de blanchir largent avaient effectus des dpts dans deux des plus grandes banques helvtiques, le Crdit Suisse et la Suisse Bank Corp. Des banques aussi prestigieuses que la Sanwa Bank, un tablissement japonais class au 5e rang mondiale, la Chemical Bank of New York et la Citizen and Southern Bank dAtlanta, deux organismes contrls par la Pilgrims, viennent dtre condam1 Les autorits canadiennes estiment que prs de 7 milliards de dollars provenant de largent de la drogue circulent travers leurs banques, dont bon nombre ont des filiales dans les paradis fiscaux des Carabes.

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nes pour avoir accept de blanchir les narco-dollars... En tout, cest plus de quarante banques aux Etats-Unis qui font lobjet denqutes ! La Chase Manhattan Bank, de David Rockefeller, la Bank of America, lIrving Trust, toutes banques participant au financement du C.F.R. et de la Commission Trilatrale, le courtier en devises Deak and Co, la Croker Anglo de Californie... ainsi que la Banque Nationale de Mexico et lA.B.N. Algemene Bank Nederland la premire banque des Pays-Bas, toutes deux cites, avec la B.C.C.I., par Jean-Pierre Moscardo, dans son enqute Largent de la drogue (1) : autant dinstitutions financires mises en cause dans le recyclage des fonds des trafiquants. L aussi, on retrouve la liste dun des plus riches businessmen du royaume dArabie Saoudite, Suliman Olayan, gros actionnaire de la Chase Manhattan Bank et de la First Chicago Bank entre autres qui est, en mme temps, le personnage cl de la fusion actuellement en cours entre le Crdit Suisse et la First Boston, toutes banques galement inquites dans le blanchiment de largent de la drogue. En 1985, dj, une plainte avait t dpos concernant l touffement dune affaire concernant le lessivage de 1,2 milliard de dollars provenant de la drogue par la Bank of Boston, banque qui a des liens financiers troits avec linstitution financire appartenant la famille du procureur William Weld. lpoque, William Weld, en tant que procureur, avait demand une amende minime de 500 000 dollars contre la Bank of Boston pour clore les enqutes, protger les intrts financiers de sa famille et ceux de plusieurs responsables de la Bank of Boston qui avaient contribu au financement de ses campagnes lectorales. Le 20 janvier 1987, le procureur William Weld tait pris la main dans le sac intervenir en faveur de la mafia du Cartel de Medelln. Il avait class dans ses tiroirs des informations que lui avait fourni un snateur amricain, et qui impliquait la Southern Air Transport dans le trafic de drogue. Selon le Washington Post de lpoque, le conseiller spcial charg de laffaire de lIrangate, Lawrence Walsh, avait reu un rapport portant sur les liens entre la Southern Air Transport et la mafia colombienne de la drogue. Le journal rapportait que le snateur John Kerry, membre de la Commission snatoriale des Affaires trangres, stait entretenu avec Weld le 26 septembre 1986 pour linformer de quelquun qui aurait t un tmoin occulaire du rle de la Southern Air Transport dans le trafic de drogue. Ce tmoin aurait rapport au F.B.I. quil avait vu un avion-cargo portant la marque de la Southern, utilis pour un transfert de drogue contre des armes sur la base arienne de Baranquilla en Colombie. Selon ce tmoin, Jorge Ochoa, un des cinq patrons du Cartel de Medelln, supervisait directement lopration. Le rcit du tmoin ne fut pas pris au srieux par le F.B.I. tant donn que, selon le directeur de lagence William Webster, cette chose quon appelle narcoterrorisme nexistait pas. Quelques temps aprs lentretien entre le snateur Kerry et Weld, on lui rpondit : Le dpartement de la Justice considre que linformation fournie jusqu maintenant est insuffisamment dtaille. Lide qua Weld de la confiance accorder ce tmoin diffre beaucoup de celle du snateur Kerry qui, selon le Post, a dclar son quipe : Linformateur nous a donn des informations prcises concernant les liens entre le trafic de drogue et les1 Diffuse par Canal Plus.

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gouvernements trangers, la corruption impliquant des fonctionnaires du gouvernement amricain passs et actuels lis au trafic de drogue, et nous a rapport ce quil a vu du trafic de drogue contre des armes impliquant la Southern Air Transport. Cela est rapprocher du cas Barry Seal. Ce dernier, qui avait aussi travaill pour la Southern Air Transport, tait devenu un informateur de la Brigade des stupfiants amricaine (D.E.A.) pour dnoncer le trafic auquel se livrait son ancienne compagnie, lie, daprs certains renseignements la C.I.A. ! Il fut abattu Baton Rouge (Louisiane) par le Cartel... Alors, entre la Bank of Boston, William Weld, le F.B.I., la C.I.A., la drogue et le trafic darmes... Autre affaire touffe : lenqute ouverte sur les activits illicites de lessivage dargent organises par un certain Marvin Warner, propritaire de la Great American Bank, sigeant en Floride. Warner avait dj jou un rle important dans la faillite de la Home State Bank dOhio, qui cra un scandale international. Des lus de lEtat dOhio, y compris le gouverneur, le procureur et le prsident du Parti rpublicain, avaient reu des sommes considrables de M. Warner, et aidrent touffer les enqutes. Or lavocat de Marvin Warner tait Edward Bennett Williams, un associ intime de Henry Kissinger. Et ce nest rien ct de la Californias Crocker Bank, qui ngocia quelque temps plus tard une amende de 2,25 millions de dollars avec le fisc, pour avoir transfr 4 milliards de dollars sans les dclarer, vers six banques de Hong Kong, sans compter des oprations similaires avec sa filiale au Mexique. Quant la Bank of America, les fonds ainsi transfrs auraient atteint 12 milliards de dollars... et lamende ngocie, 4,75 millions. Et, pourquoi en Floride, la Banque fdrale amricaine accepte-t-elle de mettre en service plus de billets de 1 000 dollars que partout ailleurs aux Etats-Unis ? Pourtant, mme si les caisses de documents saisis aux siges de la B.C.C.I. aggravent encore les charges retenus contre la banque et mme si dautres affaires semblables surgissent, la guerre contre les financiers de la drogue a quelque chose de drisoire. Les 32 millions de dollars blanchis dcouverts par Robert et Kathleen ne reprsentent quune goutte deau dans locan. Moins dun millime de ce que rapporte chaque anne le trafic mondial des stupfiants. Nicolas Pless et Jean-Franois Couvrat, auteurs de louvrage La Face cache de lconomie mondiale , expliquaient : Tous les mois, on peut trouver dans la revue International Financial Statistics , les mouvements de capitaux transitant par les sept principaux paradis fiscaux : Bahamas, Camans, Panama, Bahrein, Hong Kong et Singapour. Au total on peut estimer que 1 000 milliards de dollars sont dposs dans des fonds offshore. Cela reprsente 20 % des dpts bancaires dans le monde. Le cas des les Camans est spectaculaire. un heure de Miami en avion, de lautre ct de Cuba, cette colonie britannique, cinq fois plus petite que lagglomration parisienne, occupe le septime rang dans la liste des pays classs selon le montant des dpts faits par des trangers : 242 milliards de dollars y ont trouv refuge. Cest--dire peu prs autant quen France (266 milliards). Cela reprsente la modique somme de deux millions de dollars dposs par habitant. Miami, une banque est parvenue blanchir jusqu 4 millions de dollars par jour. la fin, ils ne comptaient mme plus les billets. Ils les mettaient dans des grands 28

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cartons et les pesaient. Quand les flics ont dbarqu, les cartons taient maculs de cocane (1)... La Bourse amricaine est elle-mme touche de plein fouet. Le Trsor de Washington observe que des fonds exorbitants et de provenance douteuse sont injects dans des oprations financires. Et bien que George Bush ait soulign le 12 septembre 1989 que son gouvernement allait poursuivre toutes les pistes possibles pour remonter les filires dargent, et pour frapper les seigneurs de la drogue l o a fait mal , le monde de la finance montre une rsistance. Le message paru dans le Wall Street Journal du 1er septembre 1989 est le plus parlant. Sous le titre Si largent de la drogue a contribu au boom conomique, que va-t-il se passer si la guerre la drogue russit ? , larticle cite Lawrence Kudlow de la banque Bear Stearns : Il est presque indniable que le trafic de drogue a, malheureusement, servi de stimulateur lconomie. Le quotidien de Wall Street estime que le trafic de drogue reprsente 10 15 % du produit national brut des Etats-Unis. En septembre 1987, seize agents de change et trois employs de Wall Street taient arrts pour possession et trafic de cocane. Ces arrestations taient laboutissement dune enqute de quatre ans qui a permis a un agent des stups de se faire embaucher comme assistant courtier dans la firme Brooks Weinger. Un des directeurs de Brooks, Weinger, Robins & Leeds Inc, Wayne Robbins, tait interpell aprs des perquisitions dans deux bureaux new-yorkais de cette compagnie implante dans neuf villes amricaines. La police arrtait galement des employs de quatre autres socits prsentes Wall Street : Prudential-Bache mle de trs prs laffaire TrianglePchiney Advest Corp., Allied Capital et The New York Depository Trust. Les courtiers changeaient des informations confidentielles contre de la cocane, expdiaient des chantillons gratuits dhrone via des socits de messages ou se voyaient confier la gestion de comptes parce quils taient de bons fournisseurs de stupfiants, selon les dclarations du procureur new-yorkais Rudolph Giuliani. La cocane tait rgulirement utilise comme monnaie dchange , ajoutait-il, prcisant que des oprations dinitis ont loccasion permis certains accuss de faire des profits illgaux en bourse. Ainsi un responsable dune socit dont les titres devaient tre introduits sur le march par Brooks, avait reu de la cocane en change de 10 000 dollars dactions de son entreprise. Un autre homme aurait t engag comme courtier parce quil pouvait assurer un approvisionnement rgulier en cocane ! Autres rseaux de blanchiment de la drogue, le rseau de distribution des salles de cinma amricaines, o il ny a aucun contrle de la billetterie. Selon certains renseignements, une grande partie pourrait, dores et dj, tre la proprit de la mafia colombienne et amricaine. De la mme manire, plusieurs quipes de football amricaines du Nord et du Sud, constitues en socits, seraient, elles aussi, contrles par les narco-trafiquants. Cest ainsi que ces derniers glissent dans leurs recettes largent de la drogue. Impur lorigine, celui-ci en ressort blanchi pour tre dpos dans les banques sans que lon puisse en vrifier la source. Martin Fitzwater, porte-parole de George Bush, confiait Jacques Chirac, le plus srieusement du monde : Nous nous sommes dit que plusieurs O.P.A. pourraient1 Le Nouvel Observateur du 16-22 mars 1989.

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tre finances avec largent de la drogue. Imaginez que la mafia se porte acqureur dune socit darmement... Poussons encore plus loin lhypothse votre march est porteur pour lhrone. Imaginez quun rseau de Marseille sapproprie lune de vos socits darmes.... La mme menace pse-t-elle sur la France ? La rponse doit tre nuance, mme si la commission des Finances de lAssemble nationale et les conseillers de Pierre Brgovoy ont t intrigus par lO.P.A. conduit sur Path-Cinma. La puissance et le volume dargent dploys par les acheteurs italo-amricains et les circuits encombrs utiliss ont convaincu le ministre de lEconomie et des Finances dintervenir et de freiner lacquisition de la grande socit cinmatographique franaise. Il est vrai que Giancarlo Parretti, racheteur de Path et de Cannon, patron dune multitude de socits espagnoles, hollandaises et luxembourgeoises, a, rcemment, vit de peu la prison. Le 27 juillet 1989, le juge dinstruction madrilne Soto Vazquez lanait un mandat darrt contre le financier italien pour vasion illgale de devises. Lenqute mene en Espagne a mis au jour un rseau dvasion montaire impliquant dix-neuf personnes. Ce trafic, qui a pu servir blanchir de largent, a coul plus de 25 millions de francs vers la principaut dAndorre. Les accusations de plusieurs mdias espagnols, qui liaient Parretti aux finances de la Mafia, se trouve du coup ractives. Giancarlo Parretti est non seulement lun des bailleurs de fonds du Parti socialiste italien, mais dtient des amitis un peu partout dans le monde et, en France, il en a jusqu llyses. Il faut savoir en effet que lachat du groupe Path-Cinma par une coalition franco-italo-amricaine a t men par Max Thret, socialiste, ex-patron de la F.N.A.C. et ancien prsident de la socit des actionnaires du Matin, associ au groupe cinmatographique... Cannon, et Jean-Ren Poillot, P.-D.G. de la socit Mdia-Communication (Le Matin) et homme-lige de Paul Quils, membre du P.S. Or, comme par hasard, cest Paul Quils qui a fait le forcing auprs de Pierre Brgovoy pour que les trangers de Cannon soient autoriss par les Finances participer lachat de Path. Cest en effet un drle de cinma que lentre de Parretti. dans Path. On retrouve derrire tous ces gens un acheteur obscur, Florio Fiorini, financier italien install Genve, et patron de la S.A.S.E.A. (Socit anonyme suisse dexploitations agricoles), associ et grand ami de Giancarlo Parretti. Le holding de ce dernier, bas dans le paradis fiscal luxembourgeois, Interpart, a beaucoup daffaires en commun avec la S.A.S.E.A. Do vient, en effet, le milliard de francs qua cot Path ? Pour le moment, on ne trouve trace que de 480 millions. Ils proviennent dun crdit relais accord M.T.I. par la filiale nerlandaise du Crdit Lyonnais (C.L.B.N.). Or, pour raliser cette opration de rachat, Parretti a constitu une socit de droit franais laquelle Max Thret a complaisamment prt son nom : Max Thret Investissement (M.T.I.). Dans M.T.I., explique Valeurs actuelles du 27 fvrier 1989, Thret ne dtient que 30 % des actions travers sa maison ddition Le Signe. Le reste du tour de table est assur par une autre socit franaise Mdia Cinma Communication , une personne physique, Salvatore Picciotto, homme lige de Parretti, et une socit holding de droit nerlandais, Cannon International B V, contrle par Perretti. En direct, celui-ci ne dtient que 10 % du capital de M.T.I. Le plus gros actionnaire est Mdia Cinma Communication pour 40 %. Le prsident de cette dernire socit est M. Jean-Ren Poillot, ancien directeur 30

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de cabinet de M. Paul Quils, dj apparu au ct de MM. Thret, Parretti et Picciotto lors de la tentative de rachat du Matin de Paris. La participation de 40 %quil dtient dans Mdia Cinma Communication lui a cot un franc symbolique. Voil pour les capitalistes franais ! Largent a t directement vers Rivaud qui la rtrocd aux actionnaires minoritaires de Path : Suez-Lyonnaise des Eaux-Gnrale de Belgique (42 %) et le public (6 % ), pour acheter leurs parts. La banque Rivaud a accord M.T.I. un dlai de paiement pour le solde, 52 % des titres, dtenus par les socits du groupe et conservs dans ses coffres en attendant le rglement dfinitif. Autrement dit, MM. Parretti, Thret, Poillot et consorts ont achet Path temprament, sans apport de fonds propres ou quasi. Au passage, ils ont rafl laffaire Suez et la Lyonnaise des Eaux qui, avec laide de la Caisse des Dpts, avaient fait une contre-proposition sensiblement au mme cours (900 francs laction) et se proposaient de payer comptant. Sur quel critre la filiale nerlandaise du Crdit Lyonnais a-t-elle accord son prt M.T.I. ? Dans laudiovisuel, 480 millions de francs ne sont pas une somme considrable, a plaid dans une interview au Monde M. Jean-Jacques Brutschi, prsident du directoire de la filiale nerlandaise du Crdit Lyonnais. Cette banque parait effectivement trs puissante. Son portefeuille de prts stablit 51 milliards de francs sur un total de bilan de 75 milliards. Spcialise dans le financement du cinma aprs la reprise en 1981 de lancienne banque Slavenhurg, la filiale nerlandaise du Crdit Lyonnais a rcupr une activit cinmatographique qui reprsente aujourdhui un peu plus de 4,5 milliards de francs. Rapport ce dernier chiffre, le prt accord M.T.I. constitue donc plus de 10 % de lensemble de lactivit films de la banque. Ce nest pas une broutille. La banque ne sest pas engage sans garantie. Lesquelles ? No comment , rpond-on au sige de la filiale nerlandaise du Crdit Lyonnais. Un homme pourtant connat la rponse : M. Jean Naville. Soixante ans, portant beau, M. Naville a rcemment pris sa retraite du Crdit Lyonnais o il tait charg des affaires internationales la direction centrale. M. Naville na cependant pas totalement dcroch . Il est toujours administrateur de la filiale nerlandaise du Crdit Lyonnais. Il est encore directeur financier de Cannon France, la filiale distribution dans lHexagone de M. Parretti. Il est surtout depuis le mois doctobre le prsident dune petite socit belge Crgfonds localise depuis le 6 fvrier 1989 dans un cabinet dexpertisecomptable et fiscale, le cabinet Guy Cahn de Bruxelles. Quest-ce que cette socit ? Jusqu ces dernires semaines, Crgfonds tait une socit sur-mre-fille (la Bourse de Bruxelles na jamais clairci le mystre) dun autre holding belge trs connu, la Socfin, proprit en partie de M. Philippe Fabri, un alli de toujours de Rivaud ! Lactionnariat de Crgfonds a chang dernirement. Elle est contrle hauteur de 96 % par un holding suisse bas Genve, la Sasea, qui sest fait connatre en France, 31

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lautomne dernier, en rachetant un paquet daction Rivaud (38 %) au tandem Dumnil-Stern qui sen tait empar dans des conditions rocambolesques. Aujourdhui Crgfonds a pour actifs 17 % de la Socfin et une participation non rvle dans Socfinal : deux des trois holdings de tte du groupe Rivaud. Inconnue en France jusqu ces derniers mois, la Sasea est en passe de devenir une des nouvelles coqueluches de la place de Genve. Au printemps, elle va procdera une augmentation de capital de 1,6 milliard de francs franais. Tous les membres de son noyau dur (51 %) suivront. Ancien tablissement du Vatican, pass en 1985 sous la frule de M. Florio Fiorini, administrateur dlgu, ancien directeur de lEni (holding public italien), la Sasea est aujourdhui contrle hauteur de 26 % par un holding luxembourgeois (Transmarine), ex-proprit dune vieille famille darmateurs norvgienne, les Krohn. Lidentit des actionnaires qui sont derrire Transmarine est mystrieuse. Valeurs actuelles a pu identifier lactionnaire franais (6,25 %) en la personne de la famille Snclauze qui agit travers son gendre, M. Jean-Ren Bickart. 10 % du capital ont pu tre localiss Londres chez Gyllenhammar & Partners (le frre du prsident de Volvo). 4 % sont dans les mains dune vieille famille nerlandaise, les Fentener Van Vissingen. 5 % sont dtenus par un autre holding luxembourgeois Euro-belge fdrant des capitaux italiens. Le reste est dans le public. Au 30 juin 1988, le capital de la Sasea slevait 900 millions de francs, le total du bilan 2,08 milliards de francs et le bnfice net 48,5 millions de francs. La Sasea exerce quatre mtiers principaux : banque et services financiers, commerce international (crales, ptrole), assurance, tourisme et loisirs. Pour lessentiel, tout se joue depuis Amsterdam o la Sasea contrle trois holdings cls : Sasea holding BV, Chamotte Unie BV et Bobet NV. Ces deux dernires cotes la Bourse. Tous les interlocuteurs que nous avons rencontrs ont insist sur labsence de liens entre la Sasea et le groupe Interpart de M. Parretti. Cest jouer sur les mots. En ralit, les deux holdings ont lhabitude de travailler ensemble. Aux Pays-Bas, Sasea et Interpart se partagent parit (42 % chacun) Melia International BV. Melia porte une participation de 7 % dans Cannon Group, et contrle (plus de 50 %) une socit espagnole, la Renta Immobiliaria (Madrid) qui a rcemment rachet pour 300 millions de dollars les actifs immobiliers (salles) amricains de Cannon Group. Un accord qui a dclench une enqute de la S.E.C. aux Etats-Unis. En Italie, la Sasea a rachet une socit dassurance, De Angeli Frua, M. Parretti. Auparavant, dautres socits (Ausonia, Intercontinentale) avaient t rachetes par M. Parretti, puis cdes la Sasea qui, depuis, les a revendues... Cannon Group et De Angeli Frua sont deux cas intressants. Dans ces socits, M. Parretti a mis beaucoup dargent. Quelques mois aprs, la Sasea prenait le relais en apportant des capitaux et en prenant une participation importante. Est-ce la rdition de ce scnario que lon va assister avec Path ? M. Parretti ne serait-il que le faux nez de la Sasea ? Les mthodes du financier italien ne font pas lunanimit. M. Bettino Craxi, an32

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cien prsident du conseil, a prouv le besoin de dmentir tout lien damiti avec M. Parretti. M. Paul Quils tient signaler quil nentretient plus aucun contact avec lui depuis lpisode du Matin, mme sil accorde des entretiens sa revue Europa. la Sasea aussi, cet associ qui se met trop en avant, qui parle trop, gne un peu. M. Parretti entrane-t-il ses allis plus loin quils ne le souhaiteraient eux-mmes ? M. Eric Kistler, le secrtaire gnral de la Sasea, fait remarquer que Parretti nest pas le supercapitaliste quil prtend tre . Habitu jongler avec les rgles financires et fiscales, M. Parretti est parvenu, jusqu prsent, entretenir le flou sur sa situation relle. En Italie, il est actuellement en dlicatesse avec la Banca del Lavoro pour nonpaiement dun crdit consenti sa socit Cannon ; et, dans le mme temps, il soffre Path. Il est vrai quil ne manque pas damis : en 1986, sa socit a procd une augmentation de capital de 265 millions de francs. Elle a t entirement souscrite en espces ! Toujours est-il que beaucoup de gens se demandent do vient largent et si tout cela ne serait pas, en final, quun magnifique cran ... En France, toujours, tombait, en avril 1989, Hector Cuellar originaire de Colombie, de nationalit amricaine, accus davoir lav largent sale de la drogue pour le compte dun agent de change colombien, un nomm Alfaro, actuellement impliqu aux Etats-Unis dans une affaire de blanchiment de fonds provenant dun trafic de cocane entre les U.S.A. et la Colombie. Or, Hector Cuellar, nest pas nimporte qui. Cet homme de 50 ans, qui frquentait le Tout-Paris des finances et de la Bourse, tait le prsident dAmerican Express Carte France. En France, Daniel Lebgue, directeur gnral de la B.N.P., nhsita pas dire, afin de se ddouaner : Nous sommes dans la situation des compagnies ariennes qui savent quil peut y avoir des bombes bord, mais qui ignorent quand et o elles peuvent exploser. Voil maintenant les banquiers qui deviennent de pauvres victimes... Elle ferait bien (la B.N.P.), comme le souligne fort judicieusement la revue conomique franaise LExpansion dans son numro du 8-21 fvrier 1990, aussi de sinquiter de sa filiale B.N.P.I., qui prospre curieusement dans un Liban en guerre et tend ses activits dans les Carabes et au Panama, sous lil souponneux des Amricains. Mais tout largent des Carabes nest pas criminel ! plaide un des dirigeants du Crdit Lyonnais, dont les bureaux des Bahamas, de Curaao, de Panama et de Grand Caman intriguent le F.B.I. Avec la Barclays Bank, la Dresdner Bank, la Sognal, Indosuez, Paribas, le Crdit Lyonnais sest fait prendre en sandwich entre deux virements douteux. Sa filiale du Luxembourg grait, pour le compte dune socit baptise Piducorp, un compte de 1,2 million de dollars, provenant dun transfert de la Citicorp, filiale de la Citibank. Ordre fut donn de faire passer cette sommes le 25 octobre 1989 sur un compte du Banco Cafetero (grande banque colombienne) la Chase Manhattan Bank, de la famille Rockefeller. Largent ainsi blanchi tait destin Gonzalo Rodriguez Gacha, numro 3 du Cartel de Medelln. Les Amricains, qui pistaient sur informatique les transactions du Colombien, obtinrent des banques lannulation de lopration et le gel de 60 autres millions de dollars en Europe. Plus rcemment, le C.I.C. Paris signalait aux douanes franaises que des proches du gnral Noriega disposaient chez lui de comptes bien garnis. Une intervention judi33

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ciaire a permis le blocage de largent. Mais cet exemple est rvlateur car cela fait des annes que le dirigeant panamen tait connu comme trafiquant aux Etats-Unis. Le C.I.C. Paris a attendu... quil soit captur pour prvenir les autorits ! Ces faits-divers illustrent le formidable appareil que les parrains de la drogue sont parvenus installer sur toutes les places financires du monde. Une gigantesque machine laver les dollars qui utilise de moins en moins les truands, trop voyants, et de plus en plus des hommes au-dessus de tout soupon . New York, Londres, Paris, Genve, ainsi que dans tous les paradis fiscaux, sont recruts des personnalits qui disposent dune surface financire suffisante pour ne pas attirer lattention sur eux lorsquils signent des chques de 500 000 millions de dollars. Ce sont le plus souvent des hommes daffaires, des banquiers, mais aussi parfois des fils papa, des sportifs ou des gros propritaires. Bill et Don Wittington, deux champions automobiles clbres aux tats-Unis, ne risquent plus dtre oublis. Non pas parce quils ont remport les Vingt-Quatre Heures du Mans en 1979 devant Paul Newman, mais parce quils doivent 7 millions de dollars lEtat pour avoir organis un norme trafic de cocane et recycl les bnfices en achetant tout et nimporte quoi. Les frres Wittington taient parvenus tromper tout le monde en multipliant les achats de socits et en justifiant trs vite leur fortune par ces entreprises toutes neuves. Quant largent, il passait pour les bnfices dune socit cran amricaine, repartait ensuite dans une banque de Mexico do il revenait dot de certificats dinvestissements en bonne et due forme. Mais les parrains sont des gens prudents. Sils peuvent utiliser la mthode la plus simple, ils nhsitent pas. Or, le fin du fin pour faire de largent propre avec de largent sale, cest de sadresser un professionnel. Un banquier ou un agent de change. Moyennant une commission, le premier acceptera douvrir un compte avec, mettons 10 millions de francs. Il suffira de contracter un emprunt dune somme infrieure ampute du dessous-de-table au financier pour obtenir des billets utilisables dans le commerce lgal. Ni vu ni connu. Plus sophistiqu, est le recours au march boursier. Vous achetez Paris, Londres ou Chicago un contrat de taux dintrt au march terme. Vous vendez la baisse et dposez les gains sur un compte spcial qui, petit petit, gnre de largent propre. Le volume formidable des ordres la Bourse assure la dilution de largent sale dans largent propre. Certaines socits financires, installes dans les paradis fiscaux, nhsitent pas faire de la retape dans les journaux conomiques du monde entier. Par petites annonces, ils garantissent des services confidentiels pour toutes oprations de placement Leur signe de reconnaissance ? Ces officines se prtendent souvent compagnies off-shore . Et, bien entendu, les blanchisseurs de largent de la drogue sont carrment les banques elles-mmes. Nous avons dj vu lexemple de la B.C.C.I. Qui oserait souponner en effet un tablissement qui possde des filiales dans le monde entier et un sige aux Champs-Elyses. Que peuvent demander de plus les trafiquants en matire dhonorabilit ? Ce qui nous amne tout naturellement ouvrir le dossier de laffaire des narcodollars suisses. La rvlation de laffaire de la connexion libanaise, le plus important 34

le pouvoir de la drogue dans la politique mondiale

rseau de recyclage de narco-dollars jamais dcouvert en Suisse, a corn les certitudes helvtiques. La connexion libanaise a provoqu la chute de Mme Elisabeth Kopp, ministre de la Justice, et rvle un monde daffairisme insouponn derrire la faade respectable des institutions. Comme sil suffisait de tirer un fil, cest une vraie pelote qui commence se dvider. lautomne 1985, la police russit Lausanne un double coup de filet en arrtant deux cousins, Rami et Zekir Soydan, et un transporteur turc, coinc Milan avec trente kilos dhrone. Leurs aveux font souponner la Shakarchi Trading, socit que lon va retrouver tout au long de cette tude, de transformer en or expdi au ProcheOrient les bnfices de la drogue recycls sur des comptes bancaires suisses. Sollicit par les demandes dentraides judiciaires du juge turinois Vandano, le parquet de Zurich fit bloquer les comptes de la Shakarchi. Le squestre est lev dans les vingtquatre heures sur lintervention dun ancien partenaire du vice-prsident de la socit, lincontournable Hans Kopp. Dcids frapper le talon dAchille du rseau turco-libanais, les Narcotics amricains vont alors donner un coup de pouce dcisif aux investigations de leurs homologues italiens et tessinois. Au dbut de 1986, ils parviennent infiltrer une taupe, Sam le Blond qui gagne la confiance dun importateur de pamplemousse, Haci Mirza, tabli avec sa famille Zurich depuis 1979, et dj titulaire dun compte de trois millions de dollars lUnion des Banques suisses (U.B.S.). En juin 1986, lagent de change tessinois, Adriano Corti, se voit proposer par Gaetano Petraglia, commerant italien domicili Lugano, une tractation portant sur 600 kilos dhrone devant servir financer un march darmes, les deux trafics devant emprunter les mmes filires. Petraglia servant dintermdiaire un autre italien, n Istanbul, Nicola Giuletti, bras droit du gros bonnet turc de la drogue, Haci Mirza. Corti, dont le nom avait t mentionn dans laffaire de la Pizza connection avant quil ne soit blanchi par la justice, sempressa den informer la police. Lagent de change devait servir dappt pendant plusieurs mois. Le 27 novembre 1986, tandis que se prpare le pige la frontire italo-suisse, dans la lointaine Californie, ce sont la D.E.A. et le F.B.I. qui saisissent laroport de Los Angeles trois valises en partance pour Zurich, bourres de trois millions de dollars en petites coupures, fruit dune livraison de cocane colombienne. Destination, deux Libanais, les frres Jean et Barghev Magharian, connus comme cambistes sur cette place financire, o ils exercent sans autorisation de travail ou de rsidence dans une suite de la chane htellire Nova Park. Barghev a reu son premier visa dentre en 1976 sur rfrence du Crdit Suisse de Zurich et a dabord travaill pour la Shakarchi Trading. Jean la rejoint en 1984 pour ouvrir un bureau de change priv. la fin de 1986, la police cantonale vient les interroger propos dun virement erron sur leur compte bancaire commun... et ne stonne pas de voir cinq courriers employs leurs commerces de devises. Dbut 1987, le pige de Sam le Blond , se referme avec le dpart dIstanbul, le 29 janvier, dun camion de plaques de verre commandes par une vitrerie de Bienne. Plus, dans son double fond, vingt kilos dhrone pure et quatre-vingts kilos de morphine-base. Le 18 fvrier, le poids lourd entre sans encombre en Suisse par la douane de Chiasso, livre le verre Bienne et se gare Zurich, o les deux chauffeurs tlphonent leurs commanditaires qui leur donnent rendez-vous sur un parking proche du tunnel du Gothard. Le 21, saisie du camion et de son chargement. Le lendemain, 35

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les chauffeurs, qui ont empoch 80 000 FS, sont cueillis lHtel Unione. Au mme moment, Haci Mirza, qui fte son gain de 2,6 millions de francs suisses dans un palace de Lugano, LExcelsior, est ceintur avec Giuletti. Puis cest le tour de Petraglia. Un numro de tlphone va mettre les enquteurs tessinois sur la piste des frres Magharian. En septembre, le nouveau procureur du Tessin, Dick Marty, runit secrtement un sommet amricano-italo-helvtique Bellinzona, pour orienter les recherches sur les liens des deux Libanais avec les trafiquants de drogue internationaux et prciser leur rle dans le lavage dargent sale. Il accumule les preuves durant encore dix mois et, le 7 juillet 1988, ramne dans ses filets, outre les deux frres, quatre autres Libanais logs au Nova Park, un Syrien et deux Turcs, passeurs ou convoyeurs de fonds entre Sofia, Zurich, Genve, Ble, Chiasso... Les documents dcods parlent : les frres Magharian ont brass pour plus de sept milliards de francs suisses en devises diverses achemines par valises pleines et rparties sur une multitude de comptes bancaires pour acheter, notamment la Shakarchi, des dizaines de tonnes dor expdis en toute lgalit au Liban... Sans compter les trente millions de dollars dune vente de cocane, en Californie, par une banque de Colombie, un march qui leur vaudra, le 23 mars 1989, dtre jugs extradables vers les Etats-Unis. Le systme des frres Magharian tait simple. Ils sadressrent au Crdit Suisse (encore) qui a ralis la plus grosse opration en acceptant le dpt dun milliard et demi de francs suisses. LU.B.S., pour sa part, a pris livraison de 87 millions de francs en billets et leur a vendu (contre paiement cash) 960 kilos dor et crdita les comptes quelle leur a ouverts de 130 millions de francs. La presse suisse ayant rvl laffaire, la commission des banques sest vue dans lobligation douvrir une enqute en novembre 1988. Les banques ont rpondus quelles avaient fait leur travail, quelles staient renseignes sur lhonorabilit des frres Magharian et quelles navaient trouv aucun lment rdhibitoire. Le Crdit Suisse, par exemple, a questionn ses clients, lesquels lui ont rpondu quavec laccord tacite des autorits turques, ils se livraient un trafic de devises entre la Turquie et la Suisse, via la Bulgarie. Ce sont l. en Suisse choses courantes. Lenqute de la commission des banques a conclu que les tablissements incrimins se sont bien conforms la convention de diligence et quau pire on pouvait seulement leur reprocher davoir manqu de vigilance... Cest se foutre de la gueule du monde ! Surtout lorsque lon sait que : 1) cest le Crdit Suisse qui leur suggra de crer une socit Beyrouth une autre sera cre au Tessin ; 2) cest la direction du Crdit Suisse qui intervint auprs des ambassades suisses l