Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert Le Grand

Embed Size (px)

Citation preview

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    1/14

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    2/14

    434  Isabelle Moulin

    tamment dans le monde arabe. L’influence d’Avicenne sur Albert est souventsous-estimée au profit d’Averroès, bien que certains travaux récents aient pumontrer l’importance des positions avicenniennes sur la pensée d’Albert1. Sur

    la question de la contemplation, il est certain que la position d’Averroès sur lemode d’intellection a beaucoup aidé Albert à formuler sa notion d’intellectus speculativus. Mais ce n’est pas le mode d’intellection qui intéresse notre proposici mais plutôt le contenu, la finalité et la démarche de la contemplation intellec-tive. Recevant le même texte d’Aristote qu’Albert, Avicenne propose une lecturequi, sans exclure sa démarche personnelle de foi, reste tout entière fondée sursa réflexion philosophique, au contraire d’Albert qui distingue deux modes decontemplation distincts. Ainsi, si ces deux auteurs situent tous deux la félicitéhumaine dans la remontée ascendante ou ‘retour’ des créatures dans le Créateur,

    leur définition de la remontée et son mode d’effectuation est fondamentalementdifférent. Ce rapport de proximité et de distanciation nous semble fondamentalpour comprendre la dimension plus globale du rapport entre le bonheur et labéatitude.

    1. Avicenne : la bienheureuse remontéepar la contemplation philosophique

    Pour Avicenne, la question de la vie bienheureuse est conditionnée par la visiondu ‘retour’ des créatures en Dieu. Ce ‘retour’ n’est pas seulement une réflexionthéologique et un enseignement de la Loi religieuse. Il trouve sa place à la fin dela Métaphysique du Šifa-, qui est une œuvre philosophique, parce que le retourpeut être perçu par la raison et démontré par une réflexion syllogistique2. Leretour qui nous est enseigné par la foi est un retour qui concerne essentiellementle corps et sa résurrection après la mort ; le retour qui nous est enseigné par laphilosophie établit la félicité de l’âme : « Il te faut savoir qu’il y a un retour telqu’il est reçu par la foi, qui ne relève pas d’une voie visant à le démontrer mais

    à y ajouter foi grâce au témoignage de la prophétie [...] ; et un retour qui estappréhendé par l’intellect et l’argumentation démonstrative et confirmé par laprophétie »3. Comme le souligne Avicenne, la recherche de la félicité intellec-

    1 Voir par exemple, BERTOLACCI 2001.2 Pour le terme de promissio (maca-d), voir GARDET 1967, en particulier pp. 266-273, et surtout MICHOT 

    1986.3 « Oportet autem te scire quod promissio alia est quae fide recipitur, quia non est via ad probandum

    eam nisi credendo testimonio prophetae », AVICENNA, Liber de philosophia prima sive scientia divina (= Philosophia prima), IX, 7, ed. Van Riet, pp. 506-507, ll. 90-93 et « Et alia est promissio quae apprehen-ditur intellectu et argumentatione demonstrativa, et prophetia approbat », AVICENNA, Philosophia prima,IX, 7, ed. Van Riet, p. 507, ll. 97-99.

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    3/14

      Les deux sources du bonheur humain : contemplation intellective et vision de Dieu  435

    tuelle est celle de toute la philosophie, entendue comme une sagesse, qui ne niepas la félicité du corps, régie par la loi, mais qui porte toute son attention à cellede l’âme : « les sages théologiens désirent plus fortement atteindre cette félicité

    que celle des corps qui, bien qu’elle leur soit donnée, ni ne s’en préoccupent, nine l’apprécient, par comparaison avec cette félicité qui consiste en l’union avecla vérité première »4.

    Cette union avec la vérité, Avicenne en exprime à la fois le mode de fonction-nement et le moyen pour y parvenir. Selon lui, l’âme n’atteint une telle félicitéqu’en devenant elle-même un monde intellectuel ( saeculum intelligibile)5, danslequel sont inscrits la forme et l’ordre de toutes choses, de la substance première jusqu’aux corps célestes, en sorte qu’elle ne devienne pas elle-même la formedu tout, mais qu’elle soit en rapport de similitude avec elle, lui permettant ainsi

    de saisir la beauté et la bonté du monde6. Ce mode de ‘saisissement’ s’effectuesous la forme d’une union avec le premier principe. La félicité ultime de l’âmechez Avicenne lui permet de joindre ainsi à la fois sa position sur le rôle del’intellect et l’union de l’intellect particulier avec l’intellect agent, sa positionsur la création envisagée comme une émanation intellective à partir du Premiernécessaire jusqu’à la dernière intelligence et le travail intellectuel que celle-cia accompli sur terre, en sa qualité de viator.

    En effet, la condition d’obtention de la félicité réside dans le travail intellec-tuel que l’âme aura opéré lorsqu’elle a été unie à un corps. Lors de son union

    avec le corps, l’âme rationnelle néglige les plaisirs fugaces et imparfaits du corpsqui lui sont transmis par les sens, car le plaisir qu’elle prend à la ‘contemplation’intellectuelle est bien supérieur à celui qu’elle peut retirer des plaisirs vils ducorps : « Tu sais bien que lorsque tu réfléchis à un problème difficile qui t’in-téresse, qu’un plaisir sensible t’est proposé et qu’il t’est donné de choisir entreles deux, tu négliges le plaisir sensible si tu possèdes une noblesse d’âme »7.Le plaisir que l’homme viator retire de la vie intellectuelle est-il ainsi un plaisirplus grand que celui des corps ? Ce n’est pas tout à fait ce que dit Avicenne, car

    4 « Sapientibus vero theologis multo maior cupiditas fuit ad consequendum hanc felicitatem quamfelicitatem corporum, quae quamvis daretur eis, tamen non attenderunt eam, nec appretiati sunt eamcomparatione huius felicitatis quae est coniuncta primae veritati », AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7,ed. Van Riet, p. 507, ll. 1-5.

    5 AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7, ed. Van Riet, p. 510, ll. 72-73.6 « Dico igitur, quod sua perfectio animae rationalis est ut fiat saeculum intelligibile, et describatur

    in ea forma totius et ordo intellectus in toto, et bonitas fluens in omne [...] et sic transeat in saeculumintellectum instar esse totius mundi, cernens id quod est pulchritudo absolute et bonitas absolute etdecor verus, fiat unum cum ea, insculpta exemplo eius et dispositione eius, et incedens secundum viameius, conversa in similitudinem substantiae eius », AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7, ed. Van Riet, pp.510-511, ll. 72-83.

    7 « Tu autem scis quod, cum intendis in aliquid quod nimis est tibi cordi, si praesentatur tibi aliquidin quo est voluptas et fecerint te eligere unum de duobus, quod contemnes voluptatem, si fueris nobilisanimi », AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7, ed. Van Riet, p. 512, ll. 15-18.

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    4/14

    436  Isabelle Moulin

    pour lui, la question n’est pas celle du plaisir immédiat, mais du plaisir futur quel’homme ne peut pas retirer dans sa condition pérégrine. C’est en effet lorsquel’âme s’est séparée du corps que l’homme sort de son engourdissement qui l’em-

    pêchait de goûter pleinement les délices du plaisir de son esprit et ce qui luipermet d’atteindre le plaisir ultime : « lorsque la faculté intellectuelle [en l’âme]a atteint la vérité au point de perfection qu’il lui était possible [de parvenir],alors, une fois que [l’âme] a quitté le corps, elle peut parvenir à cette perfectionqu’il lui était possible d’atteindre. Il en va comme de celui qui est atteint detorpeur, à qui l’on présente des mets appétissants et à qui l’on fait goûter unedélicieuse nourriture mais qu’il ne peut ressentir. Lorsque la torpeur le quitte,il fait aussitôt l’expérience d’un immense plaisir. Et ce plaisir n’appartient enaucune façon au genre des plaisirs sensibles et animaux, mais il s’agit d’un

    plaisir qui ressemble à la bonne disposition naturelle des substances vivantes etpures. C’est le meilleur et le plus noble de tous les plaisirs »8. Il n’y a donc pasde comparaison possible entre le plaisir que l’homme reçoit de ses sens dans savie corporelle et celui qu’il reçoit après sa mort : les deux plaisirs ne sont pasdu même ordre et l’homme ne peut ressentir le plaisir le meilleur qui soit seu-lement après la séparation avec le corps. Toute sa vie morale consistera donc àrefuser les plaisirs qui l’éloignent du plaisir qu’il ressentira après sa séparationd’avec le corps. Durant sa vie terrestre, même dans une activité intellectuelleintense, l’homme reste encore comme engourdi par son corps et ne peut goûter

    de la félicité ultime.La question qui se pose maintenant est celle de savoir quel doit être le conte-

    nu du travail intellectuel de l’homme en chemin vers son retour à Dieu pour queson âme atteigne la félicité et, finalement, sa perfection ultime.

    La réponse d’Avicenne à cette question du contenu est indéterminée du pointde vue quantitatif, c’est-à-dire sur le nombre de connaissances à avoir 9 mais trèsprécise du point de vue qualitatif, c’est-à-dire sur les sujets qui doivent fairel’objet du travail10.

    8 « Cum autem virtus intelligibilis fuerit consecuta veritatem termino perfectionis, secundum quodsibi est possibile, tunc, cum separata fuerit a corpore, perficietur in ea perfectione quam sibi possibile estconsequi, ad similtudinem paralytici cui, cum praesentatur cibus concupiscibilis et compellitur gustarecibum delectabilem, ipse non sentit, si vero removetur paralysis ab eo, statim speculatur maximam delec-tationem. Sed illa delectatio non est de genere delectationis sensibilis et animalis ullo modo ; immo estdelectatio conveniens dispositioni naturali quae est substantiis vivis puris, et est excellentior et nobilioromni delectatione », AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7, ed. Van Riet, p. 514, ll. 44-54.

    9 Il dit en effet qu’il ne peut être certain de leur nombre : « Sed quantum de imaginatione intelligi-bilium oporteat animam hominis acquirere ad hoc ut pertranseat terminum in quo est illa quae incidit inhunc laborem, ita ut, cum pertransierit illum terminum, habeatur fiducia illius felicitatis, non est mihipossibile certe determinare », AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7, ed. Van Riet, pp. 515-516, ll. 78-82.

    10 Les objets d’étude doivent avoir les contenus suivants : les principes séparés ou premiers principes,découverts par voie démonstrative, les causes finales des mouvements universels, l’ordonnancement del’univers à partir du premier principe jusqu’aux êtres inférieurs, la providence et l’existence de Dieu et

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    5/14

      Les deux sources du bonheur humain : contemplation intellective et vision de Dieu  437

    Il ne suffit pas pourtant que l’âme se soit constitué un savoir bien défini (etqu’elle s’adonne aux plaisirs une fois ce savoir achevé). Elle ne doit pas oublierque la répétitivité de l’étude la pousse non seulement, de manière intensive, à

    posséder une meilleure connaissance de ce qu’elle étudie11, mais qu’elle luidonne aussi, d’un point de vue moral et non plus gnoséologique, le désir del’autre-monde et de la béatitude qui lui est promise12. L’activité intellectuelleagit donc sur les deux plans : sur le plan de la connaissance qui procurera duplaisir dans l’au-delà et sur le plan de la vertu qui pousse l’âme à préférer lavie post-mortem à celle qui l’unit au corps. C’est la raison pour laquelle il nepeut y avoir de bonheur véritable pour l’homme que si celui-ci rectifie la partiepratique de son âme : « Dico etiam quod haec verissima felicitas non perficiturnisi propter rectitudinem illius partis animae quae est practica »13. Le bonheur

    ici-bas réside donc bien dans la préparation de l’âme dans l’au-delà grâce àl’habitus, la souffrance que l’âme peut éprouver dans sa vie terrestre n’étant liéequ’au corps qui la détourne de son véritable désir 14. Certes, l’âme se séparantdu corps, peut éprouver une souffrance, mais celle-ci n’étant pas un concomitantnécessaire à sa plus grande félicité, une telle souffrance n’est qu’accidentelleet non substantielle. D’ailleurs, une telle souffrance est de courte durée15. Dansces conditions, la philosophie est pour Avicenne, comme l’a si bien montré G.Verbeke, une médecine de l’âme. Elle est celle qui délivre de l’incertitude, dudoute et de l’erreur. La philosophie est un autre « Canon de Médecine »16.

    enfin, une connaissance fondamentale d’elle-même (son existence, sa connaissance et sa place dans lemonde) : « Sed est paene possibile, quia puto hoc esse scilicet ut anima hominis imaginet principia sepa-rata verissime et credat illa esse credulitate verissima, eo quod sunt apud eam per demonstrationem, et utsciat causas finales [et] eorum quae incidunt in motus universales absque particularibus non habentibusfinem, et ut quiescat apud eam dispositio totius et comparatio suarum partium inter se ad invicem etordinatio proveniens a primo principio usque ad ultimum eorum quae sunt et eorum quae incidunt interea, et ut imaginet curam et qualiter est ; et ut essentia quae praecedit omnia certificetur quale est suumesse proprium et qualis unitas, et qualiter potest sciri ita ut non comitetur eam multitudo et alteratio ullomodo, et quomodo est ad eam comparatio ordinationis eorum quae sunt », AVICENNA, Philosophia prima,IX, 7, ed. Van Riet, p. 516, ll. 82-93.

    11

     « Et deinde quod speculator, quanto plus addiderit speculationis, tanto plus addetur aptitudo adfelicitatem », AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7, ed. Van Riet, p. 516, ll. 93-95.12 « Et quod non liberatur homo ab hoc mundo et ab eius illecebris, nisi postquam, totus suspensus ab

    illo mundo, desideret id quod est ibi et amor eorum quae sunt ibi removeat eum omnino a considerationeeius quod est post se », AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7, ed. Van Riet, p. 516, l.l 95-98.

    13 AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7, ed. Van Riet, pp. 516-517, ll. 99-00.14 « Item substantiam animae corpus occupat et reddit stultam et facit eam oblivisci sui desiderii

    proprii et inquirendi perfectionem quae sibi competit », AVICENNA,  Philosophia prima, IX, 7, ed. VanRiet, p. 518, ll. 22-24.

    15 « Cum separatur anima a corpore, sentit illam contrarietatem esse magnam et quia nocuit sibimultum. Hoc autem nocumentum et hic dolor non est ex aliquo comitanti inseparabili, sed ex accidentiextraneo ; accidens vero extraneum non durat nec remanet », AVICENNA, Philosophia prima, IX, 7, ed.Van Riet, pp. 518-519, ll. 38-41.

    16 VERBEKE 1983, pp. 7-8 : « Philosophie ist eine Heilkunde: die Medizin befasst sich nur mit demKörper; man braucht auch eine Wissenschaft, die den Geist der Menschen genesen kann, den Geist der-

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    6/14

    438  Isabelle Moulin

    L’activité intellectuelle comporte ainsi des objets précis hiérarchisés en fonc-tion de leur proximité avec le premier principe, cette proximité étant entendueen termes d’émanation causale à partir du Premier Nécessaire. Du point de vue

    de l’objet de connaissance intellective, le retour défini comme une élévationéthique est fondé sur la sortie métaphysique du premier principe17.

    Une telle conception de la félicité introduit, d’un point de vue humain etpolitique, une forte hiérarchisation des hommes entre eux, cette hiérarchie étantfondée non pas seulement sur le comportement de leur vie morale (sagesse pra-tique), mais également sur le déploiement des diverses formes de sagesse. Lasagesse vertueuse ne permet pas à elle seule de rendre l’homme parfaitementheureux. Comme nous l’avons vu, seul l’homme qui possède, en plus de cesvertus, la sagesse spéculative, atteint la vraie félicité18. Il demeure que si un

    homme reçoit, du fait de la divine Providence, la vertu de la prophétie19, en plusde la sagesse pratique et de la sagesse spéculative, alors un tel homme mérite derecevoir un culte, puisqu’il est « le Maître du monde terrestre et le successeur deDieu en lui »20. Avicenne réalise donc parfaitement l’union de l’aristotélisme etdu platonisme dans une perspective religieuse : tout en conservant le dédouble-ment de la sagesse pratique et théorique et la dimension du bonheur aristotéli-cien qui trouve son fondement et son expression dans la philosophie, Avicenneretrouve le sage législateur de Platon, guidé par le Bien. Il l’insère cependantdans sa propre perspective philosophique et religieuse dans laquelle Dieu, selon

    son plan divin, suscite des prophètes pour donner des lois aux hommes. La fé-licité cependant est d’ordre purement philosophique21. Nul n’a besoin d’être unprophète pour atteindre la vraie béatitude en ce monde. La philosophie produità elle seule la félicité parfaite22.

     jenigen, die in Unsicherheit, Zweifel und Irrtum verkehren. Nach Avicenna ist gerade das die Aufgabeder Philosophie, besonders der Ersten Philosphie: sie ist auch ein “Canon Medicinae”, die Medizin desGeistes ».

    17 « Le retour, tel qu’il est conçu dans le Livre de la genèse et du retour, est en somme un phénomène

    s’inscrivant dans le prolongement d’un processus de création et dont les dimensions sont celles de l’uni-vers créé en sa totalité », MICHOT 1986, p. 11. Dans sa note 11 p. 11, il note qu’une telle conception duretour ne s’écarte pas de celle qui est développée dans le Šifa- et dans les Išara-t.

    18 AVICENNA, Philosophia prima, X, 5, ed. Van Riet, p. 552, ll. 14-15.19 AVICENNA, Philosophia prima, X, 2, ed. Van Riet, p. 533, ll. 14-18.20 AVICENNA, Philosophia prima, X, 5, ed. Van Riet, p. 553, ll. 16-17.21 « C’est la connaissance philosophique qui se parfait en une connaissance de même nature »,

    GARDET 1952, p. 36.22 Bien entendu, comme nous l’avons dit, la béatitude de la résurrection est bien supérieure à notre

    bonheur terrestre. Mais la remontée pérégrine vers le premier principe passe par la philosophie qui nousprépare au véritable ‘retour’ de la résurrection. La ‘religion’, au sens le plus commun du terme, ou religio-sité, n’est pas la voie privilégiée d’accès au divin. Il ne convient qu’aux hommes peu versés dans la véritédes choses. Voir sur ce point également le  Discours décisif  d’Averroès. C’est ce que souligne GOODMAN 1982, p. 171, à propos du contact avec l’Intellect Agent qu’une telle attitude philosophique présuppose :« Ibn Sı-na- forestalls the oscillation not with a spiritual regimen but with the discipline of metaphysics ».

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    7/14

      Les deux sources du bonheur humain : contemplation intellective et vision de Dieu  439

    Chez Albert le Grand, nous trouvons une position proche de l’aristotélismequi situe la félicité de l’homme dans la contemplation et proche de celle d’Avi-cenne sur la question des objets d’intellection et du retour de l’homme vers Dieu.

    Mais le retour chez Albert doit inclure la théophanie de la grâce, autrementdit, la « lumière de gloire » (lux gloriae). La contemplation n’est pas purementdéfinie en termes philosophiques et la philosophie ne constitue pas à elle seulela réponse à la question de la félicité de l’homme.

    2. Albert le Grand : contemplation philosophiqueet contemplation théologique

    Pour Albert le Grand, l’ultime félicité dépend de la vertu contemplative qui setraduit par une opération de notre intellect spéculatif 23. Les objets d’intellectionde notre contemplation sont diversifiés, comme le peuvent être les différentsobjets de science. Cependant, notre faculté contemplative ne relève que d’uneseule vertu qui les unifie toutes et que l’on appelle la sagesse. Tout comme chezAvicenne, il y a donc une unité des objets de la contemplation fondés sur unehiérarchisation des sciences. Pour Albert, cette hiérarchisation est fondée surune subordination des sciences qui, ultimement, trouvent toutes leur originedans le premier principe. Dans son commentaire de l’ Ethique, Albert définit

    la sagesse comme une sorte de genre suprême24 duquel découlent toutes nosconnaissances : « dans l’ensemble de l’ordre de la connaissance, tous les objetsdu savoir se manifestent dans la lumière des choses premières, qui sont les pre-miers principes et qui sont l’objet de la sagesse »25. La contemplation “sapien-tiale” (contemplatio sapientialis) qui est à la fois le moyen et la fin de la félicitéhumaine est, comme le dit également Aristote, l’activité qui nous rapproche leplus de l’activité divine26. Pour autant, elle ne nous est pas donnée d’embléemais suppose un habitus acquis grâce à notre intellect spéculatif. Comme le ditAlbert, « l’intellect, en tant qu’il est imparfait, ne nous permet pas de contem-

    Notons que Goodman présente une analyse très fine du ‘contact’ avec l’Intellect Agent chez Avicennequi permet de montrer comment Avicenne résout le rapport de l’homme à Dieu dans la contemplationsans union panthéistique en lui (pp. 165-171). Ce rapport est comparable à celui que l’on trouve dans lathéorie avicennienne de la création. Voir notre article avec David Burrell posant le double mouvement« articulating the connection » / « formulating the distinction » (l’expression est de D. Burrell), dansCreation (forthcoming).

    23 « Felicitas ultima sit secundum virtutem contemplativam et operationem intellectu speculativi »,ALBERTUS Magnus, Super Ethica, X, 11, ed. Kübel, p. 747, ll. 54-56.

    24 « Sicut diffinitio hominis diffinitionem animalis », ALBERTUS Magnus, Super Ethica, X, 11, ed.Kübel, p. 748, ll. 13-14.

    25 ALBERTUS Magnus, Super Ethica, X, 11, ed. Kübel, p. 748, ll. 14-17.26 ALBERTUS Magnus, Super Ethica, X, 11, ed. Kübel, p. 752, l. 5-6.

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    8/14

    440  Isabelle Moulin

    pler les choses divines, mais en tant qu’il se perfectionne grâce à l’habitus de lasagesse (habitum sapientiae), il suffit pour la contemplation philosophique »27.Ainsi, comme pour Aristote, c’est en exerçant notre activité intellective que nous

    sommes le plus semblable à Dieu.Deux différences majeures séparent toutefois Albert le Grand et Aristote :

    premièrement, la sagesse philosophique n’est pas seulement une activité librequi a pour but l’actualité de notre puissance, sur les objets les plus divins, maiselle constitue une réponse à la nature de l’homme qui se définit comme parti-cipation aux biens qui lui ont été donnés ; deuxièmement, la sagesse philoso-phique ne peut produire, à elle seule, la félicité humaine.

    1) Pour Aristote, l’activité intellective nous rend semblable au divin parcequ’elle est l’acte qui se rapproche le plus de l’acte divin d’intellection. Être

    pleinement en acte, c’est être éveillé et exercer son intelligence. C’est la raisonpour laquelle le premier principe n’est jamais en sommeil et pense toujours. Parconséquent, l’intellect est, en l’homme, « l’élément divin qui réside en lui »28.Notre intellect nous permet d’exercer, de manière temporaire (puisque notre vieest limitée) et intermittente (puisque nous ne pensons pas toujours), la mêmeactivité que le premier principe. C’est la raison pour laquelle Aristote souligneque « pareille existence dépasse peut-être ce qui est humain »29. C’est doncdans une ressemblance d’actualité que l’homme tire sa félicité. Pour autant,il ne suffit pas d’exercer son intellect pour être un sage. L’objet d’intellection

    reste significatif pour Aristote. En  Métaphysique, A, 2, Aristote souligne quela sagesse est la science la plus noble et la plus divine car elle est celle que ledieu possède de préférence et qui traite des choses divines30, autrement dit, « lascience des causes », et en particulier, la causalité finale31.

    Pour Aristote, le désir naturel de l’homme le pousse à rechercher le bienqu’il conçoit comme le bonheur. Mais il ne s’accorde pas toujours sur la fin. Toutl’ouvrage de l’ Ethique à Nicomaque vise justement à définir le véritable bonheurde l’homme par un cheminement de réflexion sur les vertus32 pour que l’homme

    27 ALBERTUS Magnus, Super Ethica, X, 11, ed. Kübel, p. 748, ll. 13-19.28 ARISTOTELES, Ethique à Nicomaque, X, 1171b27-28, trad. Bodéüs, p. 528.29 ARISTOTELES, Ethique à Nicomaque, X, 1171b26, trad. Bodéüs, p. 528.30 « Celui qui choisit la science pour elle-même choisira, de préférence à tout, la science la plus

    haute : telle est la science de ce qui est au plus haut point objet de science. Or sont au plus haut pointobjets de science les objets premiers, c’est-à-dire les causes, car, par eux et à partir d’eux, on acquiertaussi la connaissance des autres choses », ARISTOTELES,  Métaphysique, A, 2, 982b1-8, trad. Jaulin /Duminil, p. 77.

    31 « La science la plus propre à commander [...] est celle qui acquiert la connaissance de la fin en vuede laquelle chaque chose doit être faite, c’est-à-dire le bien de chaque chose et globalement le meilleurdans la nature entière », ARISTOTELES, Métaphysique, A, 2, 983a5-10, trad. Jaulin / Duminil, p. 78.

    32 L’effet de clôture de l’ Ethique à Nicomaque est particulièrement saisissant si l’on suit l’édition deRichard Bodéüs qui place en appendice le chapitre X du livre X. La conclusion posée par Aristote enfin d’ouvrage : « on voit que le sage, plus que tout autre, doit être l’homme heureux » (1179b32) est la

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    9/14

      Les deux sources du bonheur humain : contemplation intellective et vision de Dieu  441

    place son bonheur dans la réalisation de sa finalité propre. Doué d’un intellect,c’est dans la “contemplation” spéculative qu’il réalisera la finalité de sa nature,et par conséquent, sera le plus heureux.

    Pour Albert également, le bonheur de l’homme consiste dans la réalisationde sa finalité et ainsi dans la contemplation intellective. Définissant la contem-plation dans son Commentaire de l’Ethique, Albert souligne qu’elle est « uneopération de l’intellect qui n’est pas empêchée et qui est en relation avec lafin de la félicité »33. Cette relation est définie comme une contemplation de“l’ordre” qui existe entre les objets de contemplation jusqu’à l’objet le plus éle-vé, le premier principe, qui procure la plus grande félicité34. C’est donc lorsquel’opération de son intellect est de cette sorte que la nature de l’homme s’épanouit( superfloret) parce que ce dernier a atteint son optimum (attingit suum optimum).

    Sur la question de l’objet de la contemplation, Albert rejoint Aristote puisque lacontemplation de l’ordre implique la remontée vers la cause première.

    Cependant, la remontée aristotélicienne n’est pas un “retour”. L’aristotélismed’Albert se trouve corrigé par la dimension dionysienne de la nature définieen fonction de la capacité réceptrice donnée par Dieu. Dans ces conditions,l’homme doit effectuer un retour intellectif qui, comme le souligne E.H. Weber,est un accomplissement de la perfection première ou nature propre à l’intellectcréé35. Autrement dit, pour Albert, dans le processus de conjonction de l’intel-lect spéculatif, il y a un accomplissement de soi. C’est ainsi la participation aux

    biens divins en fonction de notre virtus recipiendi qui fonde notre similitude avecDieu et non plus seulement la possession et l’activité de notre intellect : « plusquelque chose participe de la pluralité des biens de l’être premier, plus il estproche et semblable à lui, comme le dit Denys, et il en va ainsi pour l’homme »36.Cette dimension particulière d’accomplissement qui dépasse la dimension de lasimple possession d’un savoir, absente chez Aristote, mais bien présente chezAvicenne, constitue le fondement du “retour” dans le principe premier, la ré-ponse du reditus à l’exitus, autrement dit encore, du retour au don premier créa-teur. Le mouvement téléologique de la conversion transforme le désir finalisé

    du Bien chez Aristote en un véritable processus d’ontogénie dans lequel l’être

    réponse directe au questionnement du premier livre : « le bien, c’est la visée de tout. Néanmoins, unecertaine différence apparaît entre les fins » (1094a2-4).

    33 « Dicendum quod contemplari, secundum quod hic accipitur, dicit operationem intellectus nonimpeditam, relatam ad finem felicitatis », ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 16, ed. Kübel, p. 774, ll.23-25.

    34 « Ad finem autem felicitatis refertur, quando omnia contemplabilia accipiuntur in ordine ad ul-timum, in cuius contemplatione est summa felicitas, scilicet ad contemplationem primi », ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 11, ed. Kübel, p. 774, ll. 34-40.

    35 WEBER 1994, p. 165.36 ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 11, ed. Kübel, p. 752, ll. 27-29.

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    10/14

    442  Isabelle Moulin

    naturel suit le rapport téléologique des médiations au Bien, comme l’a si bienmontré Stanislas Breton37.

    Les objets d’intellection qui relèvent de la sagesse sont donc bien très simi-

    laires chez Aristote, Avicenne et Albert, de même que la réalisation de la finalitéde la nature humaine, mais le rapport au divin, qui fonde à la fois ces objetsd’intellection et la nature de l’homme, est très différent chez Aristote d’une part,Avicenne et Albert d’autre part. Pour Avicenne et Albert, l’intellect est l’élémentdivin en l’homme parce qu’il est émané de Dieu ; pour Aristote, il est divin enraison de sa similitude dans l’activité de l’acte.

    2) Nous avons vu que pour Avicenne, la félicité pouvait être atteinte parla seule activité philosophique. C’est évidemment également le cas pour Aris-tote. Pour Albert en revanche, l’habitus de la sagesse ne nous conduit qu’à la

    contemplation philosophique. Seule la théophanie qui provient de Dieu nous faitatteindre la contemplation divine : « intellectus [...] secundum quod perficiturper habitum sapientiae, sic sufficiens est ad contemplationem philosophicamet, secundum quod perficitur per theophanias descendentes a deo, sic perficitur addivinam contemplationem  »38. Or contemplation philosophique et contempla-tion théologique « ne sont pas tout à fait identiques »39. Elles diffèrent sur troispoints fondamentaux : 1) l’habitus 2) la fin 3) l’objet. En habitus, parce que l’oncontemple les objets théologiques par la lumière infuse qui vient de Dieu ; de parla fin, car la théologie place la finalité ultime de l’homme dans la contemplation

    de Dieu in patria, tandis que la philosophie ne situe sa finalité que dans notremonde, in via ; du fait de leur objet enfin, parce que la philosophie et la théo-logie n’entretiennent pas le même mode de relation à l’objet connaissable. Il nes’agit pas, en effet, d’une différence portant sur l’objet en son essence, puisquela substance étudiée est la même dans les deux contemplations, mais d’unedifférence portant sur le mode : « in objecto etiam non quantum ad substantiam, sed quantum ad modum »40. Ainsi, Dieu est contemplé philosophiquement entant qu’il fait l’objet d’une conclusion démonstrative (ut quandam conclusionemdemonstrativam), tandis qu’il est contemplé théologiquement par-delà la ratio-

    nalité et l’existence de l’intellect ( supra rationem et intellectum existentem)41.Comme le dit Albert : « le philosophe possède la certitude de la démonstration,sur laquelle il s’appuie, tandis que le théologien s’appuie sur la vérité premièrepar soi et non par la raison, même s’il la possède, et c’est pourquoi le théologienest en admiration mais non le philosophe »42.

    37 BRETON 1977.38 ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 11, ed. Kübel, p. 752, ll. 15-21.39 ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 16, ed. Kübel, p. 774, l. 82.40 ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 16, ed. Kübel, p. 775, ll. 3-4.41 ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 16, ed. Kübel, p. 775, ll. 7-8.42 « Et ideo est diversus modus contemplandi, quia philosophus habet certitudinem demonstrationis,

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    11/14

      Les deux sources du bonheur humain : contemplation intellective et vision de Dieu  443

    Sans vouloir ouvrir un nouveau chapitre sur les rapports foi/raison, on peutsouligner qu’Albert ne sépare qu’en apparence la rationalité de la théologie.Elle la dépasse ( supra) mais elle la possède (etiamsi habeat ipsam). Une telle

    conception des rapports de la contemplation philosophique à la contemplationthéologique ne peut s’entendre que si l’on conçoit une unité des deux contempla-tions qui dépasse le mode cognitif de l’objet premier. Cette unité se trouve toutd’abord dans la perfection de la vie morale qui constitue un réquisit fondamen-tal puisque les vertus morales « libèrent l’homme des perturbations produitespar les passions »43 qui l’empêchent d’exercer sa faculté contemplative. Elle serencontre également dans « l’absence de doute du côté de la foi qui est orientéeau repos en Dieu, qui est la félicité suprême » 44. La présupposition de la foi dansla pratique philosophique garantit l’unité fondamentale de la vérité, par-delà la

    distinction des finalités propres à chaque discipline et de leurs méthodes. Elleest la raison pour laquelle il n’y a pas de distinction sur la substance de leurobjet, mais seulement sur leur mode d’appréhension de l’objet. Contemplationphilosophique et contemplation théologique sont ainsi les deux moyens pourl’homme d’atteindre sa pleine félicité, in via et in patria.

    Conclusion

    Le rapport entre la contemplation philosophique et la contemplation théolo-gique, absent chez Avicenne, puisque ce dernier définit le « théologique » d’unetoute autre manière, témoigne de la volonté d’Albert d’accorder toute sa place àla recherche philosophique qui poursuit une même vérité et procure à l’hommela plus grande félicité dans son existence pérégrine. Albert le Grand, tout enreprenant la théorie augustinienne de l’infusion divine pour la contemplationthéologique, la corrige cependant par son aristotélisme qui lui fournit une dé-finition de la nature humaine lui permettant de rendre compte de la finalité del’homme dans son existence terrestre. L’homme, qui se définit ultimement par la

    possession de son intellect, oriente son désir naturel du Bien vers la contempla-tion intellective pour acquérir la sagesse qui est la source de sa félicité naturelle.

    Cet aristotélisme d’Albert le Grand est à son tour corrigé par les influencesdionysienne et avicennienne qui replacent la définition aristotélicienne de la

    cui innititur, sed theologus innititur primae veritati propter se et non propter rationem, etiamsi habeatipsam, et ideo theologus miratur, sed non philosophus », ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 16, ed.Kübel, p. 775, ll. 8-17.

    43 ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 11, ed. Kübel, p. 774, l. 29.44 « Convenit enim in hoc quod etiam in theologica est inspectio per intellectum aliquorum spiritua-

    lium sine impedimento passionum ex parte subiecti et dubietatis ex parte fidei ordinata ad quiescendumin deo, quod est summa felicitas », ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica, X, 11, ed. Kübel, p. 774, ll. 80-87.

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    12/14

    444  Isabelle Moulin

    nature de l’homme dans la perspective du retour. La finalité de la nature hu-maine n’est plus seulement une réalisation du désir naturel du Bien mais ellese définit également comme une réponse au don premier originaire, à la mesure

    de la capacité naturelle qui lui a été généreusement accordée dans le proces-sus émanatif du Dieu créateur. Contemplation philosophique et contemplationthéologique, quoique distinctes, s’unissent ainsi dans le reditus des créaturesdans le Créateur.

    Bibliographie

    Sources

    ALBERTUS MAGNUS, Super Ethica. Commentum et Quaestiones, ed. W. Kübel, Aschendorff,Münster 1986 (Opera omnia, 14).

    ARISTOTELES, Métaphysique, trad. A. Jaulin / M.P. Duminil, GF, Paris 2009.ARISTOTELES, Ethique à Nicomaque, trad. R. Bodéüs, GF, Paris 2004.AVICENNA, Liber de philosophia prima sive scientia divina, ed. S. Van Riet, Peeters, Louvain

     / Brill, Leiden 1980.

     Études

    BERTOLACCI 2001 = A. BERTOLACCI,  Le citazioni implicite testuali della Philosophia primadi Avicenna nel Commento alla Metafisica di Alberto Magno : analisi tipologica, in Documenti e Studi sulla Tradizione Filosofica Medievale, 12 (2001), pp. 179-274.

    BRETON 1977 = S. BRETON, Langage spatial, langage métaphysique dans le néoplatonismeérigénien, in R. ROQUES (éd.), Jean Scot Erigène et l’histoire de la philosophie, Editionsdu CNRS, Paris 1977, pp. 357-366.

    BURRELL / MOULIN (forthcoming) = D.B. BURRELL / I. MOULIN, Creation, in J. WAWRYKOW  / T. PRÜGL (eds.), The Cambridge History of Later Medieval Theology (forthcoming).

    GARDET  1952 = L. GARDET,  La connaissance mystique chez Ibn Sı-na-  et ses présupposés philosophiques, Publications de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire,Le Caire 1952.

    GARDET 1967 = L. GARDET, Dieu et la destinée de l’homme, in G.-C. ANAWATI / L. GARDET (éds.), Les grands problèmes de la théologie musulmane. Essai de théologie comparée,Vrin, Paris 1967 (Études Musulmanes, 9).

    GOODMAN 1992 = L.E. GOODMAN, Avicenna, Routledge, London-New York 1992.MICHOT  1986 = J.R. MICHOT,  La destinée de l’homme selon Avicenne. Le retour à Dieu

    (ma’a-d) et l’imagination, Peeters, Louvain 1986.VERBEKE 1983 = G. VERBEKE, Avicenna. Grundleger einer neuen Metaphysik, Westdeutscher

    Verlag, Wiesbaden 1983 (Rheinisch-Westfälische Akademie der Wissenschaften, G263).

    WEBER 1994 = E.H. WEBER, Les emprunts majeurs à Averroès chez Albert le Grand et son

    école, in F. NIEWÖHNER  / L. STURLESE  (Hrsg.),  Averroismus im Mittelalter und in der Renaissance, Spur Verlag, Zürich 1994, pp. 149-179.

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    13/14

      Les deux sources du bonheur humain : contemplation intellective et vision de Dieu  445

    Abstract: This contribution aims at putting forth two different receptions of the Aristote-lian conception of the intellectual contemplation as the unique source of human happi-ness. As it is defined in the Nicomachean Ethics, Aristotle understands intellectual con-templation as a philosophical activity, based on the same model as the divine activity of theprime mover. Following Aristotle, Avicenna defines beatitude in pure philosophical terms,thus excluding any religious requisite or divine intervention. Albert the Great appears tobe extremely dependent from Aristotle’s and Avicenna’s influences but includes theolog-ical contemplation based on the lux gloriae for human beatitude. Beyond the historicalinterest, this paper hopes to provide an insight into the relationship between terrestrialhappiness and celestial beatitude and to show how philosophy and theology interact toconstrue such a relation.

    Key words: Aristotle; Avicenna; Albert the Great; Contemplation; Ethics; Happiness;Beatitude; Afterlife; Pleasure; Wisdom; Creation.

    Isabelle MOULINInstitut d’Etudes Médiévales de l’Institut Catholique de Paris21, rue d’AssasF - 75006 [email protected] 

  • 8/19/2019 Moulin2015 Les Deux Sources Du Bonheur Humain - Contemplation Intellective Et Vision de Dieu_Avicenne, Albert …

    14/14