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Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 479—481 LETTRE / Génito-urinaire Nécrose corticale rénale unilatérale : à propos d’un cas R. Quin a , S. Moliere a , E. Rust b , M. Ohana a , C. Roy a,a Service de radiologie B, nouvel hôpital Civil, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg, France b Service de biophysique et médecine nucléaire, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France MOTS CLÉS Rein ; Ischémie ; Choc ; Insuffisance rénale ; Hydronéphrose La nécrose corticale rénale bilatérale est une cause rare mais classique d’insuffisance rénale aiguë, survenant au décours d’un état de choc. Elle aboutit à une insuffisance rénale majeure irréversible. La forme unilatérale est exceptionnelle et fait soupc ¸onner un mécanisme particulier qui autorise la préservation de la fonction rénale. Cette observation originale a pour but d’exposer cette hypothèse pathogénique et de présenter une iconographie récente. Observation Une femme de 38 ans, sans antécédent est admise aux urgences pour colique néphrétique gauche évoluant depuis 72 heures. Elle présente un discret de syndrome inflammatoire. Un scanner sans injection réalisé 48 heures auparavant retrouve une lithiase de 4 mm enclavée dans le méat urétérovésical droit responsable d’une uréterohydronéphrose. Vingt-quatre heures après l’admission, au décours de la pose d’une sonde JJ, il se pro- duit un choc septique nécessitant une prise en charge immédiate en réanimation avec apparition d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Un examen TDM réalisé le jour même sans puis après injection (clearance créatinine 55 mL/min) met en évidence à gauche, au temps veineux tardif, l’absence de rehaussement de la corticale interne, pathognomonique d’une nécrose (Fig. 1 et 2). Au temps tardif, il n’y a pas d’opacification du système excréteur gauche. L’axe urinaire droit est normal avec la sonde JJ droite est en bonne position (Fig. 3). DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.01.026. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Roy). 2211-5706/$ see front matter © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2012.09.022

Nécrose corticale rénale unilatérale : à propos d’un cas

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Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 479—481

LETTRE / Génito-urinaire

Nécrose corticale rénale unilatérale : à propos d’uncas�

R. Quina, S. Molierea, E. Rustb, M. Ohanaa, C. Roya,∗

a Service de radiologie B, nouvel hôpital Civil, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, placede l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg, Franceb Service de biophysique et médecine nucléaire, hôpital de Hautepierre, hôpitauxuniversitaires de Strasbourg, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France

MOTS CLÉSRein ;Ischémie ;Choc ;Insuffisance rénale ;Hydronéphrose

La nécrose corticale rénale bilatérale est une cause rare mais classique d’insuffisancerénale aiguë, survenant au décours d’un état de choc. Elle aboutit à une insuffisancerénale majeure irréversible.

La forme unilatérale est exceptionnelle et fait soupconner un mécanisme particulierqui autorise la préservation de la fonction rénale. Cette observation originale a pour butd’exposer cette hypothèse pathogénique et de présenter une iconographie récente.

Observation

Une femme de 38 ans, sans antécédent est admise aux urgences pour colique néphrétiquegauche évoluant depuis 72 heures. Elle présente un discret de syndrome inflammatoire.

Un scanner sans injection réalisé 48 heures auparavant retrouve une lithiase de 4 mmenclavée dans le méat urétérovésical droit responsable d’une uréterohydronéphrose.Vingt-quatre heures après l’admission, au décours de la pose d’une sonde JJ, il se pro-duit un choc septique nécessitant une prise en charge immédiate en réanimation avecapparition d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).

Un examen TDM réalisé le jour même sans puis après injection (clearance créatinine

55 mL/min) met en évidence à gauche, au temps veineux tardif, l’absence de rehaussementde la corticale interne, pathognomonique d’une nécrose (Fig. 1 et 2). Au temps tardif, iln’y a pas d’opacification du système excréteur gauche. L’axe urinaire droit est normal avecla sonde JJ droite est en bonne position (Fig. 3).

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.01.026.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional

Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (C. Roy).

2211-5706/$ — see front matter © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2012.09.022

480 R. Quin et al.

Figure 1. TDM injectée au temps veineux tardif, coupe axiale.Défaut de rehaussement de la corticale du rein gauche (flèche),mais avec conservation sur certains segments d’un liseré densesous-capsulaire. Noter l’intégrité de la médullaire du rein gauche. Iled

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Figure 3. TDM injectée au temps veineux, reconstruction courbesur la sonde JJ droite. Le calcul urétéral se situe contre la sonde àla jonction uretère pelvien-uretère lombaire (flèche).

xiste épanchement intrapéritonéal peu important (tête de flèche)ans le cadre de la défaillance polyviscérale, rapidement résolutif.

Deux mois après, une scintigraphie rénale au DMSAdimercaptosuccinate-99mTc) révèle un rein gauche hypo-onctionnel assurant 16 % de la fonction rénale totale.

Trois mois après, la fonction rénale reste modérémentltérée. Une IRM rénale est réalisée (Fig. 4 et 5) témoignant’une récupération partielle du rein lésé.

iscussion

a nécrose corticale aiguë bilatérale survient dans certainsontextes de défaillance polyviscérale. Elle complique lesIVD sur grossesse pathologique avec ou sans sepsis, surhoc septique isolé ou intoxication. La nécrose corticale estgalement décrite sur greffon rénal.

La nécrose est d’origine ischémique, secondaire à un

pasme vasculaire et/ou des lésions de microangiopathiehrombotique diffuses ayant pour promoteur la CIVD. Ellentraîne une destruction du cortex rénal avec conservatione la médullaire, du cortex juxta-médullaire et d’un liséré

igure 2. TDM injectée au temps veineux en coupe coronale.écrose corticale étendue à gauche (flèche) avec conservation d’un

iseré dense segmentaire sous-capsulaire. Sonde JJ à droite et inté-rité du rein droit. Épanchement intrapéritonéal (tête de flèche).

Figure 4. IRM, trois mois après ; séquence dynamique EGT1 autemps artériel. Il montre un rein gauche hypotrophique mais avecprise de contraste du cortex aminci, témoignant d’une récupérationpartielle.

Figure 5. IRM, trois mois après ; séquence dynamique EGT1 autemps tubulaire. Le rein droit présente une hypertrophie compensa-trice avec un parenchyme homogène par opposition au rein gauche,où la corticale reste hypoperfusée.

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Nécrose corticale rénale unilatérale : à propos d’un cas

de cortex sous-capsulaire. En cas de sepsis, il s’y ajoute deslésions endothéliales médiées par des endotoxines.

Elle est de mauvais pronostic avec des séquelles rénalesirréversibles nécessitant une épuration extrarénale défini-tive.

Actuellement, l’imagerie affirme précocement le dia-gnostic et la ponction biopsie rénale n’est plus indispen-sable. Si l’aspect échographique est évocateur devant uncortex hyperéchogène souligné par une échogénicité nor-male de la zone sous-capsulaire (Fig. 1) et juxta-médullaire,l’examen TDM est pathognomonique [1] devant une hypo-densité du cortex après injection de contraste qui se justifie,malgré l’insuffisance rénale, devant la gravité du tableau etpar le fait que l’épuration extrarénale sera constammentréalisée.

La forme unilatérale est exceptionnelle. À notre connais-sance, sept cas isolés et très anciens sont rapportésdans la littérature [2—8]. Ils font état en plus du chocde circonstances particulières, dont six dans un contexted’hydronéphrose controlatérale [2—7] et un cas au décoursd’un effort physique intense [8]. Notre observation est lepremier cas rapporté de nécrose corticale unilatérale avechydronéphrose controlatérale sur colique néphrétique avecchoc septique. La scintigraphie rénale au DMSA pourraitavoir un rôle complémentaire à la TDM pour, d’une part,mieux délimiter la zone de nécrose corticale et, d’autrepart, évaluer la valeur fonctionnelle résiduelle du rein [8].La présence d’une hydronéphrose unilatérale permettraitdonc de préserver un rein en cas de choc et de conserverune fonction rénale normale ou peu altérée. Il est proposédeux hypothèses avec des facteurs possiblement associéspour expliquer le rôle protecteur de l’hydronéphrose :• un facteur mécanique : l’hyperpression produite sur le

parenchyme permettrait de diminuer le nombre de micro-thrombis dans les artérioles glomérulaires. Elle induitégalement des changements dans l’hémodynamique glo-mérulaire par ouverture d’anastomoses provenant desartères capsulaires [9] ;

• des facteurs biochimiques. Les endotoxines sont impli-quées dans la nécrose corticale par un effet lytique surl’endothélium vasculaire [10] et en cas d’hydronéphrose

leur apport est diminué au niveau glomérulaire. Laprésence d’une hydronéphrose induit également la pro-duction d’agents protecteurs tel l’« insulin-likegrowthfactor » et la prostaglandine E2 [3]. Ces agents

[

481

neutraliseraient la vasoconstriction des artérioles affé-rentes avec modulation de l’action de l’angiotensine II,exercant un rôle protecteur contre l’ischémie rénale.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

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