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24 heures | Lundi 14 octobre 2019 Point fort 3 VCX l’impact des chats sur la biodiver- sité en Suisse. Il y a des dangers – pollution, destruction des habitats par exemple – bien pires pour la survie des oiseaux et autres petits animaux que les chats.» Stéphane Crausaz, porte-pa- role de la Société vaudoise de protection des animaux, est de l’avis de la biologiste. «Le pro- blème, c’est la prolifération de chats errants, explique-t-il. Mais en Suisse la situation est sous con- trôle et, surtout, aucun chiffre ni étude ne tend à prouver que les félins seraient responsables, chez nous, de la diminution ou de la mise en danger d’espèces d’oiseaux ou de petits mammifè- res.» À la mi-août, la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national a déposé une motion visant à ren- dre obligatoire l’identification électronique de tous les chats et à permettre, sans autre accord né- cessaire, la stérilisation des ma- tous inconnus au registre. Pour illustrer ses propos relati- vistes, Madeleine Geiger se lance dans un calcul. «En 2010, nous avons participé à une étude pour connaître le nombre de victimes perpétrées par les chats. Nous sommes arrivés à une estimation de 100 000 à 300 000 individus par mois.» Selon une étude améri- caine, annuellement chaque fa- çade de maison serait responsable de la mort d’au moins un oiseau. «En Suisse, il y a 1,7 million de mai- sons sans compter les bâtiments utilisés comme bureaux ou pour l’industrie. Il y a donc par extrapo- lation autant d’oiseaux qui s’écra- sent contre les fenêtres de ces bâti- ments.» Soit environ 140 000 par mois. «Ce qui est autant que sous les griffes des chats.» de vertébrés dans une centaine d’îles de la planète où ils avaient été introduits. Gardienne de la bio- diversité dans le monde, l’Union internationale pour la conserva- tion de la nature avait même classé en 2010 le chat parmi les espèces les plus invasives du monde. Sale réputation De quoi porter un coup à la réputa- tion des matous. «On ne peut pas comparer la dangerosité des chats d’Europe ou de Suisse avec ceux introduits sur ces îles», indique Madeleine Geiger. «Il n’existe pour l’heure pas d’études scientifiques qui permettraient de connaître P ostée derrière la fenê- tre, Plume inspecte l’espace vert à l’exté- rieur, guettant le moindre mouvement suspect dans les arbres, buissons et pelouse. La petite chatte de 1 an attend avec impatience le mo- ment où son maître la laissera sor- tir. Son terrain de chasse est cons- titué d’un petit jardin arborisé, quasi en face de la piscine-pati- noire de Montchoisi, où passent volontiers oiseaux, lézards et pe- tits mammifères. Nous sommes avec Marylène Wassenberg, comportementaliste pour chats, qui nous emmène sur les traces de Plume. Le félin a joué les cobayes pour une expérience initiée par Sauvageons en ville, un projet collaboratif entre l’UNIL, les Musée et jardins botaniques canto- naux et la Ville de Lausanne, dont le but consiste à organiser des évé- nements pour montrer la nature en ville. La chatte – comme quatre autres minets lausannois – a porté un traceur GPS qui a enregistré ses allées et venues les 18 et 19 sep- tembre 2019. «Elle ne sort quasi jamais du périmètre de son jardin arborisé», explique l’experte en désignant le tracé sur la carte. «Et elle revient souvent à la maison durant la journée. Ses maîtres me l’ont dit: ils la rappellent régulière- ment avec des croquettes pour évi- ter qu’elle ne parte trop loin.» Nous traversons le jardin, ob- servant plusieurs arrêts aux en- droits stratégiques – piliers de ba- lançoire, arbres et mobilier ur- bain – où Plume a usé de ses griffes pour marquer son territoire. Le tracé le montre clairement, hor- mis une école à proximité qu’elle a visitée à l’heure de la récréation, la minette ne s’éloigne guère. «C’est une chatte sociabilisée aux enfants, car elle vit avec des ados, développe Marylène Wassenberg. Elle a dû être attirée par les bruits des élèves dans la cour.» La petite chatte n’a du reste pas besoin d’aller chercher loin son bon- heur: son terrain de chasse favori se trouve juste sous son nez, pour autant que ses maîtres lui ouvrent la porte… Au service des hommes «Il y a près de 9500 ans, les hu- mains ont domestiqué les chats pour leurs talents de chasseurs», indique Madeleine Geiger, biolo- giste et chercheuse chez Swild, ONG zurichoise qui œuvre pour la conservation de la nature en Suisse. En s’en prenant aux ron- geurs, les matous aidaient à proté- ger les réserves de céréales ou à limiter la propagation de maladies. «L’idée, c’était de partir sur les tra- ces des chats traqués par GPS, de montrer l’impact de nos minous sur la biodiversité et de donner des conseils aux maîtres pour limiter la casse», explique Julien Leuen- berger, de Sauvageons en ville. En 2011, une étude publiée dans la revue «Global Change Bio- logy» expliquait les effets désas- treux des chats sur les populations Catherine Cochard Instinct de chasse Sous des dehors mignons, «Plume» est un prédateur qui tuera si l’occasion se présente. VANESSA CARDOSO Animaux Votre chat menace moins la biodiversité que vous À Lausanne, des félins ont été équipés d’un GPS pour enregistrer leurs déplacements et identifier les éventuels points de rencontre avec des proies vulnérables Des pistes pour limiter les dégâts U Les chats ont un impact relatif sur la faune. Malgré tout, leurs propriétaires peuvent mettre en place des solutions pour tenter de limiter le nombre de proies. «Il faut stériliser les félins pour éviter qu’ils ne prolifèrent et que certains d’entre eux ne redeviennent sauvages», insiste Stéphane Crausaz, de la Société vaudoise de protection des animaux. «On peut les garder à l’intérieur, surtout la nuit, au printemps, lorsque les oisillons viennent de naître et qu’ils ne sont pas encore capables de voler», propose Julien Leuenberger, de Sauvageons en ville. «Pourquoi ne pas opter pour du cat-sharing afin d’éviter et celui de papa. Plébiscitée par de nombreux propriétaires, la clochette autour du cou n’est pas efficace. «Les chats comprennent très vite comment chasser malgré elle», déplore Julien Leuenberger. Il existe néanmoins une solution qui a fait ses preuves: le collier Birdsbesafe. «C’est une sorte de collerette aux couleurs vives qui permet aux oiseaux de repérer facilement le prédateur qui la porte, détaille Madeleine Geiger. Nous la testons actuellement pour savoir si elle fonctionne dans le contexte européen.» Cette solution américaine permettrait selon ses inventeurs de réduire de 87% le nombre de proies capturées. En chiffres Selon la Société nationale pour l’alimentation des animaux familiers, en 2018 la Suisse comptait 1,63 million de chats domestiques, pour seulement 505 745 chiens. La proportion de ménages helvétiques dotés d’un chat est de 28% contre 12% pour ceux où vit un chien. On compte en moyenne 1,7 chat par logement. Si la Suisse est le pays d’Europe qui compte le moins de chiens (6) par centaine d’habitants, c’est en revanche l’une des contrées européennes qui dénombre le plus de chats - 19,5 - pour 100 habitants, devancée seulement par la France (20 pour 100 habitants). En vidéo U Scannez le QR code pour partir sur les traces de «Plume» avec la spécialiste Marylène Wassenberg. que le nombre de chats domestiques n’explose année après année et avec lui leurs victimes?» Un peu comme les enfants de divorcés qui alternent entre l’appartement de maman Difficile de passer inaperçu avec un tel collier. DR Grâce à un traceur GPS, les pérégrinations de «Plume» ont pu être enregistrées et analysées. SAUVAGEONS EN VILLE/GEO.ADMIN.CH 30m 20 10 0

New 24 heures Animaux Votre chat menace moins la biodiversité … · 2019. 10. 14. · ces des chats traqués par GPS, de montrer l’impact de nos minous sur la biodiversité et

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Page 1: New 24 heures Animaux Votre chat menace moins la biodiversité … · 2019. 10. 14. · ces des chats traqués par GPS, de montrer l’impact de nos minous sur la biodiversité et

24 heures | Lundi 14 octobre 2019 Point fort 3

VCX

l’impact des chats sur la biodiver-sité en Suisse. Il y a des dangers –pollution, destruction des habitatspar exemple – bien pires pour lasurvie des oiseaux et autres petitsanimaux que les chats.»

Stéphane Crausaz, porte-pa-role de la Société vaudoise deprotection des animaux, est del’avis de la biologiste. «Le pro-blème, c’est la prolifération dechats errants, explique-t-il. Maisen Suisse la situation est sous con-trôle et, surtout, aucun chiffre niétude ne tend à prouver que lesfélins seraient responsables, cheznous, de la diminution ou de lamise en danger d’espèces

d’oiseaux ou de petits mammifè-res.» À la mi-août, la Commissionde la science, de l’éducation et dela culture du Conseil national adéposé une motion visant à ren-dre obligatoire l’identificationélectronique de tous les chats et àpermettre, sans autre accord né-cessaire, la stérilisation des ma-tous inconnus au registre.

Pour illustrer ses propos relati-vistes, Madeleine Geiger se lancedans un calcul. «En 2010, nousavons participé à une étude pourconnaître le nombre de victimesperpétrées par les chats. Noussommes arrivés à une estimationde 100 000 à 300 000 individuspar mois.» Selon une étude améri-caine, annuellement chaque fa-çade de maison serait responsablede la mort d’au moins un oiseau.«En Suisse, il y a 1,7 million de mai-sons sans compter les bâtimentsutilisés comme bureaux ou pourl’industrie. Il y a donc par extrapo-lation autant d’oiseaux qui s’écra-sent contre les fenêtres de ces bâti-ments.» Soit environ 140 000 parmois. «Ce qui est autant que sousles griffes des chats.»

de vertébrés dans une centained’îles de la planète où ils avaientété introduits. Gardienne de la bio-diversité dans le monde, l’Unioninternationale pour la conserva-tion de la nature avait même classéen 2010 le chat parmi les espècesles plus invasives du monde.

Sale réputationDe quoi porter un coup à la réputa-tion des matous. «On ne peut pascomparer la dangerosité des chatsd’Europe ou de Suisse avec ceuxintroduits sur ces îles», indiqueMadeleine Geiger. «Il n’existe pourl’heure pas d’études scientifiquesqui permettraient de connaître

Postée derrière la fenê-tre, Plume inspectel’espace vert à l’exté-rieur, guettant lemoindre mouvement

suspect dans les arbres, buissonset pelouse. La petite chatte de 1 anattend avec impatience le mo-ment où son maître la laissera sor-tir. Son terrain de chasse est cons-titué d’un petit jardin arborisé,quasi en face de la piscine-pati-noire de Montchoisi, où passentvolontiers oiseaux, lézards et pe-tits mammifères.

Nous sommes avec MarylèneWassenberg, comportementalistepour chats, qui nous emmène surles traces de Plume. Le félin a jouéles cobayes pour une expérienceinitiée par Sauvageons en ville, unprojet collaboratif entre l’UNIL, lesMusée et jardins botaniques canto-naux et la Ville de Lausanne, dontle but consiste à organiser des évé-nements pour montrer la natureen ville. La chatte – comme quatreautres minets lausannois – a portéun traceur GPS qui a enregistré sesallées et venues les 18 et 19 sep-tembre 2019. «Elle ne sort quasijamais du périmètre de son jardinarborisé», explique l’experte endésignant le tracé sur la carte. «Etelle revient souvent à la maisondurant la journée. Ses maîtres mel’ont dit: ils la rappellent régulière-ment avec des croquettes pour évi-ter qu’elle ne parte trop loin.»

Nous traversons le jardin, ob-servant plusieurs arrêts aux en-droits stratégiques – piliers de ba-lançoire, arbres et mobilier ur-bain – où Plume a usé de ses griffespour marquer son territoire. Letracé le montre clairement, hor-mis une école à proximité qu’ellea visitée à l’heure de la récréation,la minette ne s’éloigne guère.«C’est une chatte sociabilisée auxenfants, car elle vit avec des ados,développe Marylène Wassenberg.Elle a dû être attirée par les bruitsdes élèves dans la cour.» La petitechatte n’a du reste pas besoind’aller chercher loin son bon-heur: son terrain de chasse favorise trouve juste sous son nez, pourautant que ses maîtres lui ouvrentla porte…

Au service des hommes«Il y a près de 9500 ans, les hu-mains ont domestiqué les chatspour leurs talents de chasseurs»,indique Madeleine Geiger, biolo-giste et chercheuse chez Swild,ONG zurichoise qui œuvre pour laconservation de la nature enSuisse. En s’en prenant aux ron-geurs, les matous aidaient à proté-ger les réserves de céréales ou àlimiter la propagation de maladies.«L’idée, c’était de partir sur les tra-ces des chats traqués par GPS, demontrer l’impact de nos minoussur la biodiversité et de donner desconseils aux maîtres pour limiterla casse», explique Julien Leuen-berger, de Sauvageons en ville.

En 2011, une étude publiéedans la revue «Global Change Bio-logy» expliquait les effets désas-treux des chats sur les populations

Catherine Cochard

Instinct de chasseSous des dehors mignons, «Plume» est un prédateur qui tuera si l’occasion se présente. VANESSA CARDOSO

Animaux

Votre chat menace moins la biodiversité que vousÀ Lausanne, des félins ont été équipés d’un GPS pour enregistrer leurs déplacements et identifier les éventuels points de rencontre avec des proies vulnérables

Des pistes pour limiter les dégâtsU Les chats ont un impact relatif sur la faune. Malgré tout, leurs propriétaires peuvent mettre en place des solutions pour tenter de limiter le nombre de proies. «Il faut stériliser les félins pour éviter qu’ils ne prolifèrent et que certains d’entre eux ne redeviennent sauvages», insiste Stéphane Crausaz, de la Société vaudoise de protection des animaux. «On peut les garder à l’intérieur, surtout la nuit, au printemps, lorsque les oisillons viennent de naître et qu’ils ne sont pas encore capables de voler», propose Julien Leuenberger, de Sauvageons en ville. «Pourquoi ne pas opter pour du cat-sharing afin d’éviter

et celui de papa. Plébiscitée par de nombreux propriétaires, la clochette autour du cou n’est pas efficace. «Les chats comprennent très vite comment chasser malgré elle», déplore Julien Leuenberger. Il existe néanmoins une solution qui a fait ses preuves: le collier Birdsbesafe. «C’est une sorte de collerette aux couleurs vives qui permet aux oiseaux de repérer facilement le prédateur qui la porte, détaille Madeleine Geiger. Nous la testonsactuellement pour savoir si elle fonctionne dans le contexte européen.» Cette solution américaine permettrait selon ses inventeurs de réduire de 87% le nombre de proies capturées.

En chiffres

Selon la Société nationale pour l’alimentation des animaux familiers, en 2018 la Suisse comptait 1,63 million de chats domestiques, pour seulement 505 745 chiens. La proportion de ménages helvétiques dotés d’un chat est de 28% contre 12% pour ceux où vit un chien. On compte en moyenne 1,7 chat par logement.Si la Suisse est le pays d’Europe qui compte le moins de chiens (6) par centaine d’habitants, c’est en revanche l’une des contrées européennes qui dénombre le plus de chats - 19,5 - pour 100 habitants, devancée seulement par la France (20 pour 100 habitants).

En vidéo

U Scannezle QR codepour partirsur lestraces de«Plume»

avec la spécialiste Marylène Wassenberg.

que le nombre de chats domestiques n’explose année après année et avec lui leurs victimes?» Un peu comme les enfants de divorcés qui alternent entre l’appartement de maman

Difficile de passer inaperçu avec un tel collier. DR

Grâce à un traceur GPS, les pérégrinations de «Plume» ont pu être enregistrées et analysées. SAUVAGEONS EN VILLE/GEO.ADMIN.CH

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