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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous les pays, y compris la Russie.

Copyright by Librairie Gallimard, 1951.

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A LA MÉMOIRE' DES VIEUX DIEUX DU SALUT

Q UI ONT BERCÉ L'INQUIÉTUDE DES HOMMES

AVANT Q U'APPARAISSE DANS LA GLOIRE CÉLESTE

LE DIEU MOURANT ET VIVANT.

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PREMIÈRE PARTIE

JÉSUS L'HOMME-DIEU

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L'AUTEUR Voici, je veux écrire de Jésus.LA Foi Prends garde. Tu blesseras beau-

coup de gens, tu en instruiras peu.LA RAISON Courage! il faut dire ce qu'on sait,

comme on le sait.

LA Foi Je précède, moi, le savoir. Lacroyance est bonne, le savoir est incertain.

LA RAISON Non! il est facile de croire, diffi-cile de savoir.

LA Foi .Il est difficile de croire. Croireest l'unique nécessaire. Croire est ce qui faitl'homme.

L'AUTEUR Je veux montrer la recherche

d'un incroyant respectueux.LA Foi Rien de plus?L'AuTEUR Rien de plus.

Ces cahiers de réflexions et de souvenirss'adressent à peu de personnes.

Qui de nous peut dire qu'il aborde le débat deJésus sans avoir, un parti? Le croyant le prenddans sa foi. Le, rationaliste imagine le prendredans le sens commun. Si nous avons la force

de suspendre notre opinion et de suivre uneenquête patiente, nous pouvons partir ensemble.

Jésus est un thème redoutable. En tant

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LE DIEU JÉSUS

qu'homme historique (si Jésus est un hommehistorique), il n'est saisissable que dans destextes religieux qui déconcertent l'historien. Entant que Dieu (si Jésus est la seconde Personnedu Dieu unique), il n'est pas, tel qu'Adonis, ouMithra, ou ce Dionysos qui a marqué de sonsouffle tant d'objets de nos musées, un dieuaboli qu'on puisse fixer et disséquer en son lin-ceul de pourpre. Il règne, il. agit, aujourd'hui etdepuis des siècles, sur la partie la plus civiliséedu globe. Il est le Dieu vivant des chrétiens,aussi vivant de nos jours qu'il le fut aux origi-nes. S'il a paru subir des éclipses il a bientôtrepris un nouvel éclat. Dans l'ordre spirituel, ilest en Occident sans rival divin. Dans l'ordre

temporel il est, en importance, en biens, leplus grand Habitant de la terre. Il a des temples,antiques ou neufs, basiliques ou chapelles danstous les quartiers des villes, dans tous les vil-lages, des monastères, des palais, des bureaux,des écoles. Le patrimoine du Crucifié est plusgrand que celui d'aucun Etat. Sa croix, dresséepartout, témoigne partout de sa présence. Au-dessus des morts, petits tas de phosphates, elleatteste leur éternelle vie. Elle rappelle que l'hu-manité disparue a reçu de lui la promesse de larésurrection et qu'elle attend la trompette deson Jugement. Trois fois par jour l'Angelus an-nonce qu'il s'est fait homme et qu'il a habitéparmi nous.

Jésus n'est certes pas un bon sujet littéraire.Les gens avisés, les gens de goût se taisent avecdécence quand le nom de Jésus est prononcé.Traiter de Jésus, c'est prendre un brevet dehuron. Les académies qui accueillent avec faveurla description d'un dieu de la Phénicie ou desanciens Germains repousseraient toute étude

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JÉSUS l'homme-dieu

directe de la divinité ou de l'historicité de Jésus.

« Les savants qui commentent sans se lasser lescérémonies religieuses des Canaques ou desAztèques, négligent unanimement de s'occuperde la messe. » (Roger Caillois.) Pas plus que lesoleil et la mort, Jésus ne se regarde fixement.

Tout cela dit, je crois possible d'évoquer enesprit un cénacle de gens instruits, de chrétienslibres, d'hommes droits, réunis à l'écart de lamasse pieuse, à l'écart aussi de la masse antire-ligieuse, comme en quelque prieuré désaffecté.Avec eux je débattrai le problème central deJésus, j'entends le problème conjoint de sonhistoricité et de sa divinité. Que chacun de nousdépose pour quelques heures le parti qu'il apris sur le sujet, l'intérêt personnel qu'il y porteà bon droit, les passions, l'émotion même dontil l'échauffe. Renonçons à l'ardeur contentieuse« Toutes les fois que nous accusons, jugeons,tranchons, le fond n'est pas atteint. » (Valéry.)Abordons de sang-froid ces maudites questionséternelles, comme dit Dostoïevski. A ce prix,nous pouvons espérer dissiper quelques brumesopaques et avancer vers la clarté.

Le premier point où porter le pinceau lumi-neux, le voici. Jésus, homme et Dieu, se pré-sente comme un Etre mystérieux, sans pareil,sans analogue. Unique aux deux sens du mot.Il est Dieu et homme en une seule personne. Ilest unique aussi en son espèce, dans tout l'uni-vers réel ou conçu. Il n'est aucunement un demi-dieu, tels que ceux à qui les Grecs rendaient unculte et qui étaient intermédiaires entre leshommes et les dieux. Il a la plénitude de laDivinité, au point qu'étant Dieu dans la religion

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du monothéisme, le monothéisme est sauvegardé.Et la plénitude de l'Humanité au point quesaint Thomas ose écrire « Si Jésus cessait de

posséder la nature humaine, la nature humainedisparaîtrait, ne pouvant se soutenir dans l'être. »Il est tellement homme qu'il a souffert unsupplice d'esclave, c'est-à-dire l'extrême de l'hu-miliation. AvanE de pénétrer dans la broussailledes commentaires et ,des chicanes*, contemplonsl'Etre attirant que les Evangiles proposent àla foi. Il possède en totalité les deux conditions,la divine et l'humaine, qui lui sont nécessairespour sauver l'humanité.

Par rapport à Dieu il est Dieu le Fils, parrapport à nous Dieu le Frère. Rien de plus grand,de plus efficace, de plus bouleversant n'a jamaisété présenté aux hommes. On n'a pas le droitde penser petitement de Jésus. Nul ne devraittraiter de Jésus, s'il n'a pas mesuré d'abordson envergure infinie.

Croire qu'un tel Etre puisse exister, qu'ilexiste, voilà le postulat éblouissant de la foichrétienne. Tout le reste en découle grâce,culte, sacrements, Eglise, théologie, avec sura-bondance. Que Jésus soit, et la terre se couvrede cathédrales. Une foi si hardie, une foi siénorme répond, à coup sûr, à un puissant appeldes cœurs. Elle correspond à quelque infini mys-térieux de la nature humaine, puisqu'elle a gagnétant d'hommes et traversé tant de siècles.

Dès que vous avez accepté, par un acte defoi prononcé au fond des entrailles, l'existencede l'Etre singulier qui est tout l'homme et toutDieu, vous êtes en communion spirituelle avecdes milliards de morts et des millions de vivants,portion notable de la masse totale de l'huma-nité. Du même coup vous avez la clef de l'im-

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mense littérature chrétienne. Pour commencer,vous avez accès de plain-pied aux écrits sacrés,témoins primitifs de la foi, saint Paul, l'Apo-calypse, les Evangiles.

Rien dans le grand prophète Paul, rien dansla sublime Apocalypse, rien dans les beaux

Evangiles pétris de miracles, rien de ce qui sus-cite aux incroyants difficultés sur difficultés nepeut arrêter le croyant. S'étonnera-t-il que Paulet Jean, les premiers descripteurs du ChristJésus, parlent de lui en mystiques et en vision-naires ? Est-il donc possible d'appréhender laréalité divine autrement que par la voie mys-tique de la révélation? Sera-t-il scandalisé devoir le récit évangélique s'écarter des vraisem-blances humaines? Jésus qui est tout l'homme,sauf le péché, n'est pas tout entier homme. Ilserait inconcevable et vain qu'un Dieu-hommeeût passé sur la terre sans que rien n'eût jamaismanifesté le Dieu.

Le chrétien, le catholique surtout, lit plusvolontiers les Evangiles que saint Paul et quel'Apocalypse. Il se figure moins Jésus dans sagloire céleste ou parmi les trompettes de sonAvènement que dans l'humble et tragique détailde sa carrière d'homme. Il voit « un nouveau-

né vagissant, une main qui enseigne et qui guérit,une face couverte de sang et de crachats » (Mau-riac). A aucun moment il n'oublie ni ne peutoublier qu'il s'agit de Dieu. De là vient le pathé-tique intense. Otez Dieu il reste une histoireparmi d'autres, non peut-être la plus émouvante.D'autres martyrs ont souffert autant.

Ce chrétien, mettra-t-il en soupçon la nais-sance virginale? Et pourquoi? La venue de Dieuau monde peut-elle s'opérer mieux qu'à traversle sein d'une vierge pure? Doutera-t-il de la

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LE DIEU JÉSUS

résurrection de Lazare? Certes non! Jésus ne

fait-il pas- renaître le chrétien qui participe dèsmaintenant à la vie éternelle? Le miracle de

Lazare est-il plus grand que ce miracle-là?N'en est-il pas le signe? Et la résurrection deJésus, qui en douterait sans être insensé? UnEtre divin, peut-on concevoir qu'il meure sansressusciter? En l'Homme-Dieu, le Dieu n'est pasplus difficile à croire que l'homme. Si l'onpréfère, l'homme n'est pas plus facile à croireque le Dieu. La difficulté est indivisible.'

Les premiers livres chrétiens, dépôts de la foipremière, restent à l'heure présente, après bien-tôt deux millénaires, intelligibles et clairs auxchrétiens. Ils expriment, en sa substance, la foiqui vibre et fleurit encore. Ils n'ont pas cesséd'être actifs et d'être actuels. D'aucun livre

antique on ne peut dire autant.De la sorte, quand, au milieu du siècle ving-

tième de la foi chrétienne, nous posons la ques-tions formidable Qui esl Jésus? nous recevons,en premier, la réponse de la tradition chrétienneJésus est l'Homme-Dieu. Réponse imposante qui,commande le respect. Elle est celle des plus an-ciens documents que nous lisions sur Jésus. Main-tenue, enflée de siècle en siècle, elle est la clameurde l'immense peuple chrétien, celui qui dort dansles tombeaux, celui qui chante debout le Credodans les églises, l'aveu de tous les morts dont jesuis né. Elle est aujourd'hui la réponse desenfants des catéchismes et celle des savants chré-

tiens des solides exégètes catholiques commedes libres critiques protestants.

Je l'ai recueillie, par exemple, dans le beaulivre didactique du Père Léonce de Grandmai-

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son sur Jésus-Christ 1. J'ai vu l'auteur, en 1924,chez un amateur et médiateur de rencontres

spirituelles, le comte de Saussine. Le Père étaitgrand, droit, un peu raide, comme un croisé. Sesyeux nets et sa voix mâle exprimaient une foibien armée, sûre d'elle. Il faisait un signe decroix avant de prendre sa tasse de thé. Il avait,toutes prêtes, sur l'Homme et le Dieu, sur l'his-toire et le mystère, des réponses limpides etsobres. Comme je lui manifestais l'impossibilitéoù j'étais d'assembler en un Etre unique l'absolude Dieu et les contingences d'un homme réel,il fut un peu agacé de l'objection. Il concédapoliment « C'est une option philosophique. »Il ne pensait pas qu'on pût, pour si peu, délaisserune croyance que soutient un si large soubasse-ment.

J'ai rencontré l'année suivante, à Jérusalem,le prince des exégètes catholiques, le Père La-grange. Admirable sémitisant, helléniste commeWilamowitz, bibliste complet, il avait la plusfine culture antique sous le lourd fourniment del'érudition moderne. Je regrettais un peu quesa science copieuse fût servie quelquefois commeun pilaf sans apprêt. Des yeux profonds, un nezfort, une barbiche grise annonçaient la bonté.Sous ses paroles affleuraient une nature noble etfraternelle. Vous auriez dit un savant infati-

gable en qui subsistait un adolescent aussiconfiant et pur qu'au jour de sa première com-munion. Près de lui son prieur, travailleur exem-plaire aussi, robuste laboureur sur les champsd'Assyrie, avait-il gardé ce joyau d'enfance? Ildevait quitter bientôt la bure pour entrer dansla vie laïque et à l'Institut.

1. Paris, Beauchesne, 1920, 2 volumes.

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Le Père Lagrange était l'urbanité même. Avecgrâce il me fit les honneurs du couvent de Saint-Etienne et de sa bibliothèque bien ordonnée,asile de science dans la ville triplement sainte. Ilsouleva de sa main les planches qui couvraientquelques vestiges archéologiques. Il me louad'avoir rapproché un vers d'Homère du versetévangélique où Jésus dort sur un coussin, à laproue de la nef. Je venais de publier un essai surle Myslôre de Jésus. Je lui dis combien je m'éloi-gnais du système de Renan et de Loisy quiconsidèrent Jésus comme un juif obscur qu'on au-rait déifié. En Jésus le Dieu me semblait beau-

coup plus prouvé que l'homme. Je vis^que mesparoles ne le blessaient pas. Après un silence, ilme dit en souriant « Renan ne voit que l'hommeen Jésus, vous n'y voyez que le Dieu. Renan etvous, Monsieur, à vous deux, vous faites un assez

bon catholique. »Je ne sais pourquoi j'ai retenu de notre entre-

tien un détail signifiant. Le Père mettait ladernière main à son commentaire de l'Evangileselon saint Jean. J'étais curieux de connaître sa

conclusion sur l'auteur du chef-d'œuvre évangé-lique. « Le livre, me dit-il, montre une connais-sance de Jérusalem que n'ont pas, loin de là, les

trois autres Evangiles. Il nous apprend aussi queJésus fit des disciples à Jérusalem, pendant sesdivers séjours. J'incline à penser que l'auteur estl'un de ces disciples innommés. Celui dans la mai-son de qui Jésus a mangé le jour de la Cène, celuiqui était une relation du grand-prêtre. » L'in-dication avait de l'intérêt. A Paris, dès que lelivre parut 1, je l'ouvris avidement. Hélas! j'ap-pris à la première page que l'Evangile a pour

1. Evangile selon saint Jean, Paris, Gabalda, 1925.

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auteur Jean, fils de Zébédée, c'est-à-dire un dis-ciple galiléen. « Ce point est fixé par la traditionecclésiastique ». La Commission Biblique, gar-dienne raide et formelle de traditions d'inégalevaleur, tient à ses savants la bride bien courte.L'exégète catholique, je le sais, défend la disci-pline chrétienne, et. le protestant la liberté chré-tienne. Mais j'ai vu de beaux savants catholiquespiaffer sous un harnais vieilli. Le doux abbé Le-long, scholar exact et fin, prit les pseudonymesde V. Normand et de Siouville pour écrire àl'aise sur les anciens textes chrétiens. Le Socrate

lazariste, M. Pouget n'a pratiquement rien écrit.Il a trouvé par bonheur en Jean Guitton sonXénophon, même son Platon 1.

Depuis les bouleversements de la guerre, lescentres catholiques de recherches, Rome, Paris,Louvain, Le Saulchoir, Fourvière, le Carmelbrillent d'un nouvel éclat. Le Père A.-J. Festu-

gière, fin cristal qui résonne à tous les frémisse-ments antiques, explore les courants religieux dela pensée grecque. il illumine tout ce dont ilparle. Le chanoine Cerfaux et le Père Bonsirvensont de bons introducteurs à saint Paul, lePère de Lubac et le Père Daniélou à Origène.Vétéran de l'histoire des dogmes, le Père Lebre-ton a tracé d'excellents chapitres de l'histoirede l'Eglise. Ils n'ont pas l'occasion ni la tâched'aborder de front le problème historique deJésus. Pensent-ils peut-être qu'il ne se poseplus? Ou qu'il convient de ne pas le remuer,quand il repose?

J'ai vu récemment mon ancien et cher adver-

saire, le vieil abbé Lepin. Nous avons un peuferraillé quand il était professeur d'apologé-

1.'Portrait de M. Pouget, Paris, Gallimard, 1941.

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tique au grand séminaire de Lyon. Sa polé-mique a toujours eu le frais parfum de la bonnefoi. La charité de celui que Loisy appelait « lecandide sulpicien » ne s'épuise pas à la mort.Entre les pages de son bréviaire, il garde unephotographie de Loisy. En murmurant sa prière,il demande à Dieu le salut éternel du prêtreexcommunié. Frêle octogénaire, huile pure quis'éteint, il vit sur la haute colline de Fourvière,en un vieux parc, au milieu de saintes filles.Des balcons de la mort, il regarde le soir dumonde avec sérénité. Il est sur le lieu même où

saint Irénée, vers l'an 185, a écrit sa Réfutationde la f ausse science et sa Démonstration de laprédication aposlolique. Depuis Irénée jusqu'àM. Lepin la démonstration est restée fondamen-talement la même. Le doux vieillard qui m'ac-cueille s'efface par instant. Je crois entrevoirl'évêque de la Gaule, « zélé pour la cause duChrist », Grec de naissance, barbare de cœur,homme simple et franc qui sentait si vivementl'Esprit Saint dans l'Eglise et qui touchait, parPolycarpe, au sublime groupe des chrétiensd'Ephèse de qui nous est venu l'Evangile desaint Jean.

A mon cher adversaire, j'ai avoué que je fai-sais une distinction entre Jésus homme et Jésus

homme historique. Dan? Paul, dans l'Apocalypse,Jésus est homme sans doute, homme en formecéleste. Un homme historique, il ne l'est quedans les Evangiles, particulièrement dans Luc.Des premiers écrits aux seconds le corps deJésus s'est précisé dans le sens de chair, enmême temps qu'était fortement affirmée parl'Eglise la résurrection de la chair. Le succes-seur d'Irénée m'a écouté sans impatience. Ilm'a dissuadé de suivre le sentiment d'un « Hol-

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JÉSUS L'HOMME-DIEU

landais hurluberlu » (Eysinga, je suppose) etd'imaginer que le Jésus historique ait été créépar la foi. Comme je m'obstinais un peu, il m'atouché le bras et m'a dit d'une voix persuasive« Ne sentez-vous donc pas l'énorme élan d'amourqui a emporté Dieu vers les hommes? Il n'a pus'accomplir jusqu'au bout que dans une incar-nation totale. » Son visage, diaphane comme unehostie, s'embrasait par l'amour. Je n'ai pasélevé les objections que j'avais préparées.

Je connais surtout par leurs livres les cri-tiques protestants. J'ai reçu de Harnack un oudeux billets marqués de la brièveté impérialedu Napoléon de la théologie. Au fil de la vie j'airencontré le bon Klostermann, dont l'art étaitde comprimer le plus copieux commentaire d'unEvangile jusqu'à la densité maxima, Cari Cle-men, sage et modéré, qui n'était dépaysé dansaucun des secteurs de l'histoire des religions, leperspicace Martin Dibelius qui essayait deretrouver, dans les structures littéraires desrécits évangéliques, ce que fut le choc chrétien,Lohmayer, solide paysan du Danube, sensibleaux rythmes, qui foulait avec entrain toutesles plates-bandes du Nouveau Testament. J'au-rais aimé connaître l'exquis Albert Schweizerqui, après avoir mis sa marque sur la recherchede Jésus et de Paul, est parti en mission médi-cale et spirituelle au cœur de l'Afrique, pourmarcher comme Paul en nouveauté de vie.

Par goût j'ai préféré, en matière d'exégèse,les Anglais et les Américains aux Allemands. Ily a une façon de savoir le grec que l'on n'a qu'àOxford et une vision fraîche des textes quisemble particulière aux Américains. J'ai fait

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