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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2010 -Grenoble 7-9 juillet 2010 NOUVELLE APPROCHE DE DIMENSIONNEMENT D’UN MERLON : PROTECTION D’UN BATIMENT A VAL D’ISERE AN INNOVATIVE DESIGN PROCESS FOR A ROCKFALL EMBANKMENT : APPLICATION IN THE PROTECTION OF A BUILDING AT VAL D’ISERE Julien LORENTZ 1 , Jean-Patrick PLASSIARD 2 , Laurent MUQUET 1 1 Bureau d’étude IMS RN, Montbonnot, France 2 IUT Lyon 1, Département de génie civil, Villeurbanne, France RÉSUMÉ – A Val d’Isère (Savoie), un merlon de protection d’un immeuble neuf a été dimensionné par IMSRN en 2008, grâce à la méthode aux éléments discrets. Des simulations numériques dynamiques ont permis, d’une part de vérifier la stabilité interne de l’ouvrage, et d’autre part de prendre en compte les efforts dynamiques transmis à l’ouvrage lors d’un éventuel impact. ABSTRACT – An embankment at the ski resort of Val d’Isère has been designed by IMSRN during summer 2008 with the discrete elements method. Dynamical numerical simulations allowed verifying the internal stability and taking into account dynamical force transmitted to the embankment during impact. 1. Introduction Pour réaliser le projet de construction d’un immeuble sur le territoire de la commune de Val d’Isère (Savoie, France), une étude de conception et de dimensionnement d’un merlon pare blocs a été menée par le bureau d’étude IMSRN. Ce projet présente la particularité d’implanter un merlon en milieu urbain avec de fortes contraintes spatiales (Figure 1). Afin d’optimiser les dimensions du merlon, une étude numérique de l’impact d’un bloc sur le merlon a été réalisée en utilisant un code de calcul aux éléments discrets. L’article présente l’approche menée par IMSRN pour dimensionner le merlon de protection. D’abord, le contexte géotechnique du site et le choix de la structure de protection sont abordés. Puis, le modèle numérique du merlon est exposé. Enfin, les simulations numériques sont présentées. Figure 1. Construction du merlon de protection, Val d’Isère Eté 2008. 697

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NOUVELLE APPROCHE DE DIMENSIONNEMENT D’UN MERLON : PROTECTION D’UN BATIMENT A VAL D’ISERE

AN INNOVATIVE DESIGN PROCESS FOR A ROCKFALL EMBANKMENT : APPLICATION IN THE PROTECTION OF A BUILDING AT VAL D’ISERE

Julien LORENTZ1, Jean-Patrick PLASSIARD2, Laurent MUQUET1 1 Bureau d’étude IMS RN, Montbonnot, France 2 IUT Lyon 1, Département de génie civil, Villeurbanne, France

RÉSUMÉ – A Val d’Isère (Savoie), un merlon de protection d’un immeuble neuf a été dimensionné par IMSRN en 2008, grâce à la méthode aux éléments discrets. Des simulations numériques dynamiques ont permis, d’une part de vérifier la stabilité interne de l’ouvrage, et d’autre part de prendre en compte les efforts dynamiques transmis à l’ouvrage lors d’un éventuel impact. ABSTRACT – An embankment at the ski resort of Val d’Isère has been designed by IMSRN during summer 2008 with the discrete elements method. Dynamical numerical simulations allowed verifying the internal stability and taking into account dynamical force transmitted to the embankment during impact.

1. Introduction

Pour réaliser le projet de construction d’un immeuble sur le territoire de la commune de Val d’Isère (Savoie, France), une étude de conception et de dimensionnement d’un merlon pare blocs a été menée par le bureau d’étude IMSRN. Ce projet présente la particularité d’implanter un merlon en milieu urbain avec de fortes contraintes spatiales (Figure 1). Afin d’optimiser les dimensions du merlon, une étude numérique de l’impact d’un bloc sur le merlon a été réalisée en utilisant un code de calcul aux éléments discrets.

L’article présente l’approche menée par IMSRN pour dimensionner le merlon de protection. D’abord, le contexte géotechnique du site et le choix de la structure de protection sont abordés. Puis, le modèle numérique du merlon est exposé. Enfin, les simulations numériques sont présentées.

Figure 1. Construction du merlon de protection, Val d’Isère Eté 2008.

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2. Contexte géotechnique

Le projet de construction du merlon de protection est implanté sur des moraines Würmiennes compactes (localement sur consolidées).Celles-ci sont recouvertes par des terrains de couverture composés d’éboulis de surface décomprimés, généralement peu épais.

Le merlon a dû être implanté juste en amont du projet de construction en se fondant directement sur les moraines compactes. Pour limiter l’emprise au sol, un merlon à parements raidis, reposant sur un massif surélevé, et renforcé par des nappes de géotextile a été préconisé (Figure 1). 3. Dimensionnement du merlon 3.1. Phénomène de référence 3.1.1. Analyse des zones instables en falaise

Figure 2.Versant en amont du projet Exemple de bloc instable.

Une étude détaillée du versant (figure 2) en amont du projet a été effectuée en grande partie en technique alpine. Elle a permis de recenser un très grand nombre de zones instables à risque de volumes variés.

Etant donné l’ampleur de la falaise, il n’est pas envisageable de réaliser des travaux de confortements actifs en paroi suffisamment exhaustifs pour garantir la sécurité. Ainsi, pour protéger le projet de construction, une protection passive de type merlon pare blocs est préconisée, seule protection adaptée aux caractéristiques du site. Le phénomène de référence retenu est un éboulement de blocs rocheux d’un volume maximum de 30 m3 (phénomène déjà observé par le passé avec un délai d’occurrence inférieur à 100 ans).

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3.1.2 Propagation Les blocs provenant du versant en amont du lieu d’implantation de l’ouvrage sont

susceptibles de chuter depuis la falaise haute d’une centaine de mètres, et de se propager sur un versant recouvert d’éboulis incliné entre 30 et 40° sur une longueur de plus de 600 m.

Des simulations numériques de trajectographie en 2D ont été entreprises afin d’estimer les hauteurs de passage de blocs rocheux ainsi que leurs énergies cinétiques acquises au niveau de l’implantation du merlon de protection. La simulation a montré que la configuration d’impact la plus préjudiciable pour l’ouvrage correspond à un bloc ayant une hauteur de passage de 4 m pour une énergie de l’ordre de 10 000 kJ (figure 3).

Figure 3.Représentation du profil de calcul de trajectographie 3.2. Vérification de la résistance du merlon à l’impact

Pour vérifier la résistance du merlon à l’impact et connaître les efforts transmis à la base de la structure, des simulations numériques ont été entreprises à l’aide d’un code de calcul aux éléments discrets. 3.2.1. Code de calcul aux éléments discrets

Les simulations numériques ont été réalisées en 3 dimensions avec le code de calcul SDEC (Spherical Discrete Elements Code). Ce code, originellement développé par F. Donzé (Donze, 1995), a été adapté dans le cadre de programmes de recherche entrepris par IMS RN et menés depuis 2003 en collaboration avec le laboratoire 3SR de Grenoble.

La méthode des éléments discrets est mieux appropriée qu'une méthode continue pour traiter les impacts sur merlons pour lesquels de grandes déformations et de l'éjection de matière peut intervenir. De plus, SDEC utilise une approche régulière de la mécanique du contact avec un schéma explicite en temps, convenant ainsi à la modélisation de phénomène d'impact.

La loi de contact entre éléments est définie en élasticité par des rigidités normales et tangentielles ainsi qu'une rigidité en roulement (Plassiard, 2009). La dissipation du système est assurée par un critère de glissement de type Mohr Coulomb associé à

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une dissipation visqueuse dans la direction normale et un frottement de roulement permettant de limiter la résistance au roulement. 3.2.2 Merlon numérique de référence

Les simulations numériques ne prennent pas en compte les détails de construction de la solution proposée et notamment la présence du renforcement par géotextiles. Un merlon numérique homogène est déterminé avec des caractéristiques géomécaniques globales d’un merlon renforcé par des géotextiles (Figure 4). Ainsi, les renforts sont représentés par une cohésion de 30 kPa, conformément à la méthode choisie par le CETE (Subrin, 2006).

Figure 4. Modèle numérique aux éléments discrets du merlon.

La configuration de référence est un merlon dont les caractéristiques géométriques sont fournies dans le tableau I:

Tableau I. Caractéristiques géométriques du merlon numérique

Hauteur du merlon 6,5 m

Epaisseur en crête 5 m

Inclinaison des parements 75°

Longueur du merlon 16 m

Nombre d’éléments 150 000

Hauteur du centre d’inertie de l’impacteur 2/3 de la hauteur du merlon

La longueur de l’ouvrage réel est de l’ordre de 100 m, mais un impact entraîne

des déformations irréversibles dans une zone plus limitée. D’après Labiouse, la diffusion des efforts est bornée dans une section horizontale à deux droites inclinées à 45° (Labiouse, 1996). En tenant compte de la hauteur d’impact et du diamètre du bloc, la répercussion en aval intervient sur une longueur de 16 m. Des simulations numériques sur des merlons plus longs ont permis de valider cette hypothèse. La cinématique du bloc à l’impact est identique pour les différentes géométries simulées.

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Les caractéristiques quasistatiques du matériau constitutif de l’ouvrage sont présentées dans le tableau II. La calibration successive des paramètres locaux du modèle permet de reproduire un comportement analogue (Plassiard, 2009).

Tableau II. Caractéristiques géomécaniques globales du merlon numérique

Poids volumique 18 kN.m-3

Module initial 100 MPa

Coefficient de Poisson 0,2

Angle de frottement (pic) 43°

Angle de frottement (palier) 32°

Angle de dilatance 15 °

Cohésion 30 kPa

3.2.3 Simulations numériques de l’impact

A partir de la configuration de base présentée au paragraphe précédent, de nombreuses simulations numériques ont été réalisées, dépassant le cadre initial du projet.

L’influence de l’inclinaison de l’impact a été étudiée pour comprendre le comportement de l’ouvrage à l’impact. L’influence de la compaction a été aussi étudiée pour optimiser la capacité de l’ouvrage à dissiper l’énergie du bloc. Enfin, l’influence combinée de l’orientation de l’impact et de la vitesse de rotation du bloc rocheux a été examinée.

Cet article propose d’étudier l’influence de l’orientation de l’impact pour la configuration de base, puis pour un merlon d’une épaisseur en crête de 4 m. Pour étudier l’influence de l’orientation de l’impact, deux simulations numériques ont été réalisées (Figure 5) :

- un impact horizontal (cas le plus défavorable pour la stabilité à l’impact du merlon),

- un impact incliné vers le sol de 30° par rapport à l’horizontal (cas le plus probable selon les calculs de trajectographie).

Figure 5. Configuration de référence : Impact horizontal , Impact incliné de 30° vers le bas.

X

Z

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3.2.4 Résultats des simulations

-5.5 -5 -4.5 -4 -3.54

4.2

4.4

4.6

4.8

5

5.2

5.4

5.6

5.8

Trajectoire plan x-z

x (m)

z (m

)

30°0°

Figure 6. Trajectoire (plan X-Z) de l’impacteur dans le merlon

Le graphe de la figure 6 montre la trajectoire du bloc dans la section transversale de l’ouvrage pour les deux inclinaisons d’impact. L’axe Z correspond à l’altitude du centre d’inertie du bloc et l’axe X correspond à la profondeur de pénétration de l’impacteur dans le merlon.

Les deux simulations montrent que le merlon numérique de référence permet d’arrêter le bloc, car la position de l’impacteur selon X croit, puis diminue. L’impacteur est donc arrêté par le merlon.

On remarque que la profondeur de pénétration est 2 fois plus importante pour l’impact horizontal (0°) que pour l’impact incliné.

Dans un but d’optimisation permettant de limiter l’emprise du merlon, un impact sur un merlon de 4 m d’épaisseur en crête a été simulé. Tous les autres paramètres restent inchangés. Pour cette nouvelle configuration, un impact horizontal et un impact incliné de 30° ont aussi été étudiés (figure 7).

Figure 7. Deuxième configuration : Impacts horizontal ou incliné de 30° vers le bas. Pour cette deuxième configuration, les 2 simulations montrent aussi qu’un merlon

de 4 m d’épaisseur en crête permet d’arrêter le bloc.

Position de l’impacteur en début

30°

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Les contraintes géotechniques et foncières du projet imposent la construction de

ce merlon sur un massif surélevé de plusieurs mètres en terre armée. Grâce aux simulations numériques précédentes, les efforts transmis à la base du merlon sont quantifiés et peuvent ainsi être utilisés lors du calcul de stabilité générale.

Les graphes de la figure 8 récapitulent les efforts horizontaux et verticaux mesurés sur l’embase du merlon lors des impacts pour les quatre cas de figure (épaisseur de crête de 4 et 5 m et inclinaison de l’impact de 0 à 30° vers le bas).

0 0.1 0.2 0.3 0.4-1

0

1

2

3

4

5

6effort horizontal sur embase

temps (s)

Effo

rt (

MN

)

0° crete 5 m 30° crete 5m 0° crete 4 m 30° crete 4 m

0 0.1 0.2 0.3 0.4-35

-30

-25

-20

-15

-10

-5effort vertical sur embase

temps (s)

Effo

rt (

MN

)

0° crete 5m 30° crete 5m 0° crete 4 m 30° crete 4 m

Figure 8. Evolutions des efforts transmis à la base des merlons lors des impacts

Les graphes de la figure 8 montrent que la transmission des efforts horizontaux ou verticaux est plus importante pour une orientation de l’impact inclinée à 30° que pour l’impact horizontal. Aussi, les efforts transmis sont plus élevés pour un merlon avec une épaisseur de crête plus grande.

Il faut noter que les efforts après le pic d’impact ne reviennent pas à la valeur initiale :

- Pour les efforts verticaux, les efforts après l’impact sont légèrement plus faibles, car il y a eu éjection de matières.

- Pour les efforts horizontaux, les efforts après l’impact sont plus élevés, car le bloc est toujours en contact avec le merlon. La phase de rebond n’est pas terminée.

Les calculs de stabilité générale ont été réalisés en utilisant les valeurs des pics d’efforts pour la configuration la plus préjudiciable. Le dimensionnement du merlon a été réalisé avec la configuration de l’impact inclinée à 30° pour une largeur de crête de 4 m. 3.2. Vérification de la stabilité générale du merlon

La stabilité générale du merlon et de son massif renforcé a été vérifiée à l’aide du logiciel Talren© en prenant en compte la surcharge statique du merlon et les efforts transmis à la base de l’ouvrage lors de l’impact. Le calcul montre qu’un massif renforcé par des nappes horizontales de géotextiles HS300/50 disposées tous les 40 cm permet de garantir la stabilité générale de l’ouvrage (figure 9).

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Figure 9. Schéma du merlon reposant sur le massif renforcé par géotextiles 4. Conclusions

Une étude de conception et de dimensionnement d’un merlon pare blocs implanté à Val d’Isère a été menée par le bureau d’étude IMSRN.

Des simulations numériques dynamiques à l’aide du code de calcul SDEC (code de calcul aux éléments discrets) ont été réalisées en 3 dimensions. Ces simulations ont permis de montrer qu’un merlon en terre renforcée d’une hauteur de 6 m avec une épaisseur de 4 m, à parements raidis de 75°, permet de contenir un impact ayant une énergie de l’ordre de 10 000 kJ. De plus, les simulations de l’impact ont permis de déterminer les efforts transmis à la base du merlon, nécessaires au calcul de stabilité générale. 5. Références bibliographiques Donze F.V (1995) Formulation of a three dimensional numerical model of brittle behaviour. Int. J.

Geophys. 22, 790–802, Labiouse V. (1996) Experimental study of rock sheds impacted by rock blocks, Structural Engineering

International: Journal of the International Association for Bridge and Structural Engineering (IABSE), 6(3), pp. 171-176,

Plassiard J.P (2009) Rockfall impact parameters on reinforced embankments: a discrete element method analysis”, Structural Engineering International, Vol. 19, n° 3, pp.333-431,

Subrin D. (2006) Modélisation analytique et numérique pseudo-statique des merlons de protection contre les chutes de blocs rocheux, JNGG 2006, Lyon.

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