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Nutrition et diabète : diététique pratique Nutrition and diabetes H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier) Université de Bordeaux 2, service de nutrition-diabétologie, Hôpital Sud, 33604 Pessac, France MOTS CLÉS Diabète type 1 ; Diabète type 2 ; Aliments – Nutriments ; Apports caloriques, glucidiques, lipidiques KEYWORDS Type 1 and type 2 diabetes mellitus; Caloric, lipid, glucide, and proteine intake Résumé La prescription diététique chez un patient diabétique ne peut s’envisager qu’après un diagnostic étiologique précis, c’est-à-dire en ayant une idée certaine du type de diabète ; elle ne peut se concevoir que dans le cadre d’une bonne connaissance du rapport aliment-nutriment. L’apport calorique est respecté chez le patient diabétique de type 1 et est réduit chez le patient diabétique de type 2 en surcharge pondérale. L’apport glucidique représente 45 à 50 % de la ration calorique prescrite ; la bonne connaissance des équivalences glucidiques assure au patient diabétique de type 1 une bonne gestion de son insulinothérapie ; le respect d’une ration glucidique suffisante chez le patient diabétique de type 2 est un bon moyen de lutter contre l’insulinorésistance. L’apport lipidique est ce qui doit être restreint le plus en luttant contre les graisses saturées ; il ne doit pas dépasser 35 % de la ration calorique, quel que soit le type de diabète. Enfin, un bon contrôle de l’apport protidique au-dessous de 1 g/kg/j est un excellent moyen de préserver une fonction rénale. Toutes ces notions ne peuvent se concevoir que dans le cadre d’une bonne pédagogie diététique où on évite de confondre protides et viande, glucides et pain, lipides et beurre, mais où on a une bonne connaissance de la composition exacte des aliments ; il s’agit d’un acte médical à part entière, relevant d’une bonne connaissance diététique. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Type 1 and type 2 diabetes have not the same diet recommendation ; for making such recommendation we need a real knowledge of food composition (especially glucid, lipid, protid). Caloric intake will be respected in type 1 diabetic patients and must be reduced in over weight type 2 diabetic patients. Glucide intake must be 40-50 % of the total caloric intake; a complet knowledge of glucide equivalence is needed for a fulfil adaptation of insulin needs in type 1 diabetic patients. The lipid intake must be dramatically reduced in type 2 with a large reduction of saturated fatty acids ; lipid intake cannot exceed 35 % of total caloric intake ; protid intake must be less that 1 /kg/d for nephropathy protection. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction Chaque jour l’homme mange pour satisfaire les besoins énergétiques et plastiques de son orga- nisme ; cependant, les apports sont discontinus et la vie reste sans interruption. Les besoins énergéti- ques sont donc constants tout au long du nycthé- mère. Pour chaque type de nutriment, il existe un système de régulation ; pour les glucides, ce sys- tème est essentiellement représenté par la fonc- tion insulinique pancréatique et ses organes cibles qui assurent la mise en stock des apports glucidi- ques au niveau hépatique et musculaire sous forme Adresse e-mail : [email protected] (H. Gin). EMC-Médecine 1 (2004) 46–50 www.elsevier.com/locate/emcmed © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-4193(03)00010-9

Nutrition et diabète : diététique pratique

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Page 1: Nutrition et diabète : diététique pratique

Nutrition et diabète : diététique pratique

Nutrition and diabetes

H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Université de Bordeaux 2, service de nutrition-diabétologie, Hôpital Sud, 33604 Pessac, France

MOTS CLÉSDiabète type 1 ;Diabète type 2 ;Aliments –Nutriments ;Apports caloriques,glucidiques, lipidiques

KEYWORDSType 1 and type2 diabetes mellitus;Caloric, lipid, glucide,and proteine intake

Résumé La prescription diététique chez un patient diabétique ne peut s’envisagerqu’après un diagnostic étiologique précis, c’est-à-dire en ayant une idée certaine du typede diabète ; elle ne peut se concevoir que dans le cadre d’une bonne connaissance durapport aliment-nutriment. L’apport calorique est respecté chez le patient diabétique detype 1 et est réduit chez le patient diabétique de type 2 en surcharge pondérale. L’apportglucidique représente 45 à 50 % de la ration calorique prescrite ; la bonne connaissancedes équivalences glucidiques assure au patient diabétique de type 1 une bonne gestion deson insulinothérapie ; le respect d’une ration glucidique suffisante chez le patientdiabétique de type 2 est un bon moyen de lutter contre l’insulinorésistance. L’apportlipidique est ce qui doit être restreint le plus en luttant contre les graisses saturées ; il nedoit pas dépasser 35 % de la ration calorique, quel que soit le type de diabète. Enfin, unbon contrôle de l’apport protidique au-dessous de 1 g/kg/j est un excellent moyen depréserver une fonction rénale. Toutes ces notions ne peuvent se concevoir que dans lecadre d’une bonne pédagogie diététique où on évite de confondre protides et viande,glucides et pain, lipides et beurre, mais où on a une bonne connaissance de la compositionexacte des aliments ; il s’agit d’un acte médical à part entière, relevant d’une bonneconnaissance diététique.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Type 1 and type 2 diabetes have not the same diet recommendation ; for makingsuch recommendation we need a real knowledge of food composition (especially glucid,lipid, protid). Caloric intake will be respected in type 1 diabetic patients and must bereduced in over weight type 2 diabetic patients. Glucide intake must be 40-50 % of thetotal caloric intake; a complet knowledge of glucide equivalence is needed for a fulfiladaptation of insulin needs in type 1 diabetic patients. The lipid intake must bedramatically reduced in type 2 with a large reduction of saturated fatty acids ; lipid intakecannot exceed 35 % of total caloric intake ; protid intake must be less that 1 /kg/d fornephropathy protection.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Chaque jour l’homme mange pour satisfaire lesbesoins énergétiques et plastiques de son orga-nisme ; cependant, les apports sont discontinus etla vie reste sans interruption. Les besoins énergéti-

ques sont donc constants tout au long du nycthé-mère. Pour chaque type de nutriment, il existe unsystème de régulation ; pour les glucides, ce sys-tème est essentiellement représenté par la fonc-tion insulinique pancréatique et ses organes ciblesqui assurent la mise en stock des apports glucidi-ques au niveau hépatique et musculaire sous forme

Adresse e-mail : [email protected] (H. Gin).

EMC-Médecine 1 (2004) 46–50

www.elsevier.com/locate/emcmed

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/S1762-4193(03)00010-9

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de glycogène puis le déstockage au fur et à mesuredes besoins.Le diabète est donc une maladie où la nutrition

et la prise en charge nutritionnelle représententune part importante de la prise en charge thérapeu-tique : il n’y aura pas de suivi correct répondant auxrègles de bonne pratique clinique sans prescriptionadaptée et raisonnée de quelques règles nutrition-nelles.

Rappel et application

Diabète de type 1

Il s’agit d’une maladie aboutissant plus ou moinsrapidement à une destruction des cellules bêtaavec perte de la fonction insulinique pancréatique.Dans le diabète de type 1, il n’y a pas d’autreanomalie de l’organisme ; l’insuline est susceptibled’y agir de manière normale si elle est distribuée defaçon adaptée. La carence insulinique se traduitpar un amaigrissement portant sur la masse mai-gre ; son diagnostic est donc facile : le patient perddu poids, de la masse maigre et les glycémiesmontent. Les conséquences thérapeutiques sontdonc simples, il importe de faire le travail dupancréas. La prise en charge nutritionnelle doitassurer une adéquation entre les apports glucidi-ques et les apports insuliniques, avec une bonneconnaissance de la teneur glucidique des différentsaliments. Par ailleurs, il faut bien se souvenir que lepancréas assure une sécrétion insulinique à chaquerepas mais aussi tout au long du nycthémère, c’est-à-dire 24 heures sur 24 ; il faut donc que l’opothé-rapie insulinique assure une couverture de la tota-lité du nycthémère pour assurer un traitementcorrect du diabète.

Diabète de type 2

Il s’agit d’une maladie tout à fait différente, cen-trée certes sur une inadéquation de sécrétion insu-linique, mais la fonction pancréatique reste pré-sente pendant longtemps. Cette sécrétionpancréatique se trouve face à une entrave à l’ac-tion de l’insuline ; la sédentarité, la surchargepondérale, une alimentation trop riche en calorieset en graisses saturées sont des facteurs d’entraveà l’action de l’insuline, souvent retrouvés dansnotre civilisation moderne, expliquant l’augmenta-tion du nombre de patients diabétiques de type 2.Le patient diabétique de type 2, cliniquement,

est assez souvent facile à reconnaître ; il prend dupoids avec une hypertrophie du tissu sous-cutané,et au fur et à mesure où le poids augmente, les

glycémies s’élèvent ; en revanche, quand il faitattention à son état nutritionnel ou son activitéphysique, le poids diminue, et alors les glycémiess’améliorent. Cette évolution, tout à fait caracté-ristique du diabète de type 2, est importante àretenir. Cependant, parfois il existe quelques situa-tions cliniques où le poids du patient baisse et lesglycémies montent : soit le patient est atteintd’une pathologie intercurrente, soit il commence àdébuter une carence insulinique et évolue alorsvers l’insulinorequérance.Les conséquences nutritionnelles dans le cadre

d’un diabète de type 2 sont relativement simples ;l’essentiel est de ne pas aggraver l’état d’insulino-résistance, voire de l’améliorer. La prise en chargenutritionnelle d’un patient diabétique de type2 consiste donc à bien connaître la relation quiexiste entre aliments, nutriments, poids et insuli-norésistance.

Complications dégénératives

Les complications dégénératives du diabète à typede microangiopathies ou macroangiopathies sontdirectement liées au niveau glycémique. La glycé-mie engendre une glycation de l’ensemble des pro-téines et les protéines glyquées subissent une modi-fication de leur structure ; par ailleurs, le niveauglycémique influence le comportement rhéologi-que des hématies et donc la distribution d’oxygèneaux différents tissus. Tabac, hypertension et dysli-pémies jouent un rôle favorisant et amplifiantdes complications dégénératives ; sur le plan nutri-tionnel, aussi bien l’hypercholestérolémie que l’hy-pertriglycéridémie ont été montrées comme desfacteurs indépendants des complications dégénéra-tives du diabète ; enfin, en cas de néphropathie,l’hyperfiltration glomérulaire est un facteur d’auto-aggravation de la néphropathie.L’ensemble de ces données a des conséquences

sur la prise en charge nutritionnelle. En effet, toutun chacun sait qu’il n’est pas difficile d’aggraverune hypertriglycéridémie avec un régime un peutrop calorique ou trop riche en glucides ; il n’est pasdifficile d’aggraver l’évolution de la dégénéres-cence des parois vasculaires avec une alimentationriche en acides gras saturés ; il n’est pas difficiled’aggraver l’état d’hyperfiltration glomérulaire,donc l’évolution d’une néphropathie ou l’aggrava-tion d’une microprotéinurie avec une diététiquetrop riche en protéines.

Aliments – Nutriments

Il n’est pas possible d’aborder le principe du conseildiététique simple sans avoir une idée claire sur la

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différence qu’il y a entre aliments et nutriments etsans se préparer à une pédagogie efficace auprèsdes patients. Les médecins parlent de glucides,lipides, protides auxquels les patients associent :

• pour les glucides : pain, féculents et sucreries ;• pour les lipides : beurre et parfois fromage ;• pour les protéines : viande.La pédagogie à ce niveau doit être excessive-

ment intense et bien savoir que si les sucreriescontiennent en effet essentiellement du sucre, lepain n’apporte que 50 % de son poids sous forme deglucides, les féculents dérivés des céréales n’ap-portent que 20 % de leur poids sous forme deglucides, et les féculents dérivés des légumineusessont à la fois riches en glucides mais aussi enprotéines et contiennent généralement autant deprotéines que de glucides. Les lentilles, les haricotssecs doivent être assimilés à des aliments glucido-protidiques à part équivalente. Pour ce qui est deslipides, il est souvent oublié que les charcuteriespeuvent contenir 40 à 60 % de protéines et il estsurtout oublié qu’une viande rouge contient certesde 15 à 20 % de protéines, mais contient de 14 à18 % de lipides, la ration lipidique étant d’autantplus grande que la viande est tendre. Enfin, lesnotions de densité calorique doivent être connueset chacun doit se souvenir que 1 g de glucideapporte 4 cal, 1 g de lipide 9 cal, 1 g de protide4 cal ; mais pour apporter 1 g de glucide, il faut 2 gde pain, pour apporter 1 g de lipide, il suffit de 1 gd’huile. De ces notions, il doit être retenu parexemple qu’un patient qui croit faire un régime enne mangeant que viande grillée et salade a unrégime lipidoprotidique aglucidique, mais dont larichesse en lipides assure souvent une densité calo-rique engendrant une entrave à l’amaigrissement.

Apport calorique et diabète

L’apport calorique est la première notion qui doitêtre définie dans le cadre d’une prescription diété-tique.Le patient diabétique de type 1 n’a pas de

surpoids, n’a pas d’entrave à l’action de l’insuline.Son apport calorique doit donc être normal. Enquelque sorte, la ration calorique habituelle dupatient doit être respectée ; il n’y a pas de notionde restriction calorique dans le diabète de type 1.Le patient diabétique de type 2 a le plus souvent

une surcharge pondérale ; celle-ci est un facteurd’entrave à l’action de l’insuline. La perte de poidsa donc un double objectif ; d’une part contrôler lesfacteurs de morbimorbidité engendrés par la sur-charge pondérale, mais aussi et surtout améliorerla sensibilité à l’insuline et en quelque sorte épar-

gner la fonction pancréatique . La perte de poids nepeut être assurée que par une restriction calorique.Il importe donc, soit de donner un régime hypoca-lorique « standard », ce qui généralement n’est pasla bonne solution, car non respecté, soit aucontraire de partir de l’apport calorique actuel dupatient et diminuer cet apport calorique de 10 à15 % de façon progressive, en sachant que la plusgrande efficacité consiste à supprimer les alimentslipidiques, voire les calories alcooliques. En effet,chaque bouteille de vin apporte 650 à 700 cal.Une fois la quantité calorique définie, la réparti-

tion des différents aliments et nutriments au seinde ce volume calorique est effectuée, en se souve-nant bien que, lorsqu’un type de nutriment estdonné avec une certaine abondance, ceci doit sefaire aux dépens d’un autre nutriment1 (Tableau 1).

Prescription glucidique

L’apport glucidique devrait théoriquement être de45 à 55 % de la charge calorique totale pour assurerle meilleur équilibre alimentaire et surtout lameilleure sensibilité à l’insuline de l’organisme.Chez le patient diabétique de type 1, il importe parailleurs que celle-ci soit répartie tout au long dunycthémère de façon stable d’un jour à l’autre, defaçon à ce que les mêmes quantités de glucidessoient apportées tous les jours au petit déjeuner,que les mêmes quantités de glucides soient appor-tées tous les jours au repas de midi, et le mêmeraisonnement pour le repas du soir ; en effet, face àces quantités de glucides et l’activité physique dupatient, sont proposées des doses d’insuline quisont la variable. Seule la pratique d’une insulino-thérapie dite fonctionnelle permet une certainemodulation des apports glucidiques mais imposealors une très bonne connaissance des équivalencesglucidiques (Tableau 2).Chez le patient diabétique de type 2, il importe

de passer suffisamment de temps pour bien définircette ration glucidique, et qu’elle soit bien com-prise par le patient ; en effet, le patient diabétiquede type 2 a tendance à considérer que la glycémie

Tableau 1 Répartition des aliments-nutriments en fonctiondu type de diabète.

Type 1 Type 2Poids Normal SurpoidsApport calorique Respecté Restreint% glucidique 45 à 50 % 45 à 50 %% lipidique 30 à 35 % 30 à 35 %Apport protidique Restreint à 0,8 g/kg/j en cas

d’insuffisance rénale

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qu’il trouve élevée le matin à jeun corresponddirectement à la quantité de glucides qui se trou-vaient la veille au soir dans son assiette. Cecicorrespond à une méconnaissance de la physiolo-gie : le glucose qui circule dans le sang le matin auréveil correspond à celui qui a été libéré par le foie,et non pas à celui qui a été mangé le soir ; laglycémie élevée du réveil est une illustration di-recte de la résistance à l’insuline du foie ; or, plusla ration de glucides est restrictive, plus la résis-tance à l’insuline augmente et en conséquence,plus le diabète est difficile à traiter ; il importedonc, chez le patient diabétique de type 2, derespecter au mieux un apport glucidique suffisant.Cependant, la pratique nous montre que les pa-tients auxquels nous avons affaire ont, sous l’in-fluence de leur environnement extérieur, tendanceà diminuer leur ration glucidique ; ceci amène lemédecin au cours de la consultation à augmentercette ration, mais bien sûr, dans ces conditions, àbaisser la ration lipidique pour ne pas modifier laration calorique totale. Le risque serait qu’à lasortie de la consultation, un patient ait comprisqu’il fallait qu’il augmente sa ration glucidique sansavoir entendu qu’en même temps, il fallait qu’ildiminue sa ration lipidique. Il importe bien sûr defaire prendre conscience au patient de la diffé-rence de teneur glucidique entre les différentsaliments, ceci conduisant aux notions d’équiva-lence ; enfin, dans une connaissance diététiqueplus avancée, il peut se discuter la notion de vitessed’accessibilité aux glucides, c’est-à-dire la notiond’index glycémique. Plus un aliment est riche enfibres, moins il a été industriellement travaillé(meunerie) et moins il a été cuit, plus les glucidescontenus dans cet aliment sont lentement accessi-bles2.

Apport lipidique

Les lipides doivent donc être limités du fait de leurrôle cal (9 calories/g) et du fait de leur entravepotentielle à l’action de l’insuline. Dans une ali-mentation équilibrée, ils devraient représenter30 % de l’apport calorique ; cependant, les lipidesne peuvent pas être traités comme de simplesacteurs caloriques ; ils ont aussi un aspect structu-rel et un aspect fonctionnel. Au niveau fonctionnel,

ils participent à la synthèse des prostaglandines,elles-mêmes jouant sur les phénomènes d’adhésionplaquettaire. Au niveau membranaire, les lipidessont directement incorporés dans la constitutiondes membranes des cellules et vont, de ce fait,participer à l’accélération ou au ralentissement descomplications dégénératives. Les lipides ne peu-vent donc pas être traités comme de simples nutri-ments qu’il faut chercher à combattre mais il fautexpliquer au patient les différentes variétés delipides que l’on peut globalement opposer en satu-rés, mono-insaturés et polyinsaturés ; les saturéssont essentiellement représentés par les graissesanimales, et d’une manière générale peuvent êtreassimilés aux complications dégénératives et à l’in-sulinorésistance ; les mono-insaturés sont essen-tiellement représentés par l’acide oléique que l’ontrouve dans l’huile d’olive, l’huile d’arachide etl’huile de colza ; ces acides gras sont strictementneutres par rapport à l’insulinorésistance ; ils ne luisont ni favorables ni défavorables. Ces acides gras,en revanche, sont excessivement favorables au ni-veau membranaire et sur les complications dégéné-ratives ; la dernière variété sont les polyinsaturésdivisés en N–3 provenant essentiellement des pois-sons et mammifères marins, et N–6 apportés par leshuiles de soja, tournesol, maïs et pépins de raisin.Ces acides gras sont favorables dans la préventiondes complications dégénératives macrovasculaireset leur consommation est recommandée ; ils res-tent sans influence sur la sensibilité de l’organisme.Au total, il faut réduire l’apport lipidique total

chez le patient diabétique de type 2 mais, en mêmetemps, il faut l’instruire de l’effet non délétère decertains corps gras.

Protéines

L’attitude nutritionnelle classique consiste à consi-dérer la ration protéique comme le complémentlibre de la ration alimentaire. Ceci est générale-ment vrai ; cependant, lorsqu’il existe un risquenéphropathique, soit une microprotéinurie débu-tante, soit au contraire une néphropathie vraimentinstallée avec élévation de la créatinine, il importealors de faire attention à l’apport protidique. Lesprotéines participent en effet comme nous l’avonsvu à l’hyperfiltration glomérulaire et il a bien étémontré que chez un patient néphropathe, la pertede filtration glomérulaire mensuelle pouvait passerde 0,14 ml/mois, à 0,64 ml/mois, en fonction uni-quement de l’apport protidique. Il importe de re-commander à un patient néphropathe un apport de0,8 à 0,9 g/kg/j de protéine, en sachant que lapopulation que nous représentons mange facile-

Tableau 2 Exemple d’équivalence en apport de glucides.

40 g de pain (deux tranches)8 cuillères à soupe de petits pois2 pommes de terre (petite taille)5 cuillères à soupe de riz, pâtes, légumes secs

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ment 1,2 à 1,3 g/kg/j de protéine et que les pa-tients diabétiques qui pratiquent une restrictionglucidique consomment en moyenne 1,4 à1,5 g/kg/j. On comprend donc l’importance qu’il ya à bien identifier cette situation chez le patientdiabétique néphropathe. Pour l’identifier, il im-porte d’être bien conscient de la teneur en pro-téine des viandes et autres produits animaux, ceque tout le monde accepte, mais aussi de la hauteteneur en protéines des légumineuses. Il est à noterglobalement qu’il y a une bonne concordance entrerestriction protidique et restriction lipidique ; leschoses vont donc dans le même sens, l’objectif doitdonc être atteignable.

De la connaissance théorique auxerreurs d’interprétation des messagesgrand public

La ration calorique est une boîte inextensible ausein de laquelle les différents nutriments que nousvenons de voir sont placés ; quand les uns augmen-tent, les autres diminuent. Cependant, si cettenotion est simple à comprendre, elle se heurte auxdonnées des médias ; à titre d’exemple, le régimeméditerranéen est aujourd’hui très largement col-porté. Le grand public retient la consommation devin, la consommation de lipides mono-insaturés etd’huile d’olive. La réalité du paysan méditerranéenest un apport calorique restreint, un apport gluci-dique important sous forme d’aliments riches enfibres, très peu de graisses animales, une consom-mation importante de poissons (Crête), le tout ar-rosé d’huile d’olive apportant en effet de nom-breux acides gras mono-insaturés ; enfin, le régimeest frugal avec une consommation importante delégumes et de fruits frais. Nos contemporains occi-dentaux oublient généralement la notion d’apportscaloriques restreints, de faible teneur en graissesanimales, de consommation de fruits frais et delégumes, gardant leur habitude alimentaire exces-sive et rajoutant l’huile d’olive, ce qui ne faitqu’augmenter le nombre de calories consommées,aboutissant à l’effet inverse de celui recherché. Leserreurs d’interprétation des messages de communi-cation sont fréquentes et le médecin doit êtrecapable de les analyser et de les décrire.

De la réalité de nos patients

Nous disposons actuellement d’un certain nombrede données épidémiologiques qui nous permettentd’appréhender de façon statistique le comporte-ment de nos patients. Une enquête européenne apu montrer que les patients diabétiques detype 1 gardaient tous une consommation glucidiqueinsuffisante (39,6 % de la ration totale) et surtoutavaient une ration protéique excessive, 1,5 g/kg/jde protéine.Plusieurs enquêtes chez les patients diabétiques

de type 2 réalisées en France ont toutes abouti àdes conclusions concordantes. Le patient diabéti-que de type 2 est généralement considéré par lemilieu médical comme un patient n’adhérant pasaux conseils nutritionnels. Ces enquêtes ont en faitmontré l’inverse ; les patients qui se déclarentayant un diabète de type 2 ont tendance à consom-mer un peu moins de calories que la populationgénérale, plus de margarine que la population gé-nérale, ce qui prouve bien que spontanément, unefois qu’ils se savent malades, ils sont prêts à fairedes efforts nutritionnels ; malheureusement, sou-vent les messages qui leur sont donnés ne sont pasbons, et ceci conduit au fait qu’ils mangent moinsde glucides que la population générale, plus deprotéines et plus de lipides. Ceci laisse entrevoirque cette population diabétique de type 2 est peut-être plus motivée qu’on ne le dit mais, pour qu’ellese prenne bien en charge, il faut que les conseilsnutritionnels qui convergent vers elle soient homo-gènes, adaptés et réalistes.Au total, une prescription diététique est un véri-

table acte médical basé sur un diagnostic (il im-porte de bien savoir si on a affaire à un type 1 ou untype 2), puis une prescription adaptée au patient,c’est-à-dire différente d’un patient à l’autre, sur-tout différente d’un type de diabète à l’autre,raisonnée et comprise avec un effort de pédagogie.Il est hautement probable que c’est au niveau del’effort pédagogique que se trouve le hiatus expli-quant le relatif échec constaté aujourd’hui.

Références

1. ANAES. Suivi du patient diabétique de type 2. Recomman-dations. Diabètes Métab 1999;2(suppl2).

2. Gin H, Rigalleau V. Diététique et diabète. Encycl Méd Chir1999 (Elsevier SAS, Paris), Endocrinologie, 10-366-R-10,9p.

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