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Juillet 2007 - Volume 23 n° 1 Les paysans s'organisent

olume 23 n¡ 1 Juillet 2007 - V - IED afrique

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Les paysans s'organisent

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ILEIA est le centre d’information sur l’agriculture durable à faibles apportsexternes. Ce centre encourage l’adoption des technologies à faibles apportsexternes par le biais de sa revue trimestrielle LEISA et ses autres publications. Lecentre appuie, par ailleurs, la mise en place d’éditions régionales du magazine.ILEIA dispose également d’une base de données spécialisée et d’un site Internetinteractif qui permet d’accéder à de nombreuses informations sur le développe-ment de l’agriculture durable dans le monde (www.leisa.info).

Innovations, Environnement et Développement en Afrique est l’organisationautonome qui capitalise l’expérience du programme Sahel de l’InstitutInternational pour l’Environnement et le Développement. Sa mission reste depromouvoir un développement durable par la promotion des approches partici-patives à travers la recherche-action, l’analyse des politiques, la mise en réseau,la formation, la production et la diffusion d’information en Afrique franco-phone. Dans ce cadre, IED Afrique propose aux partenaires différents supportsaccessibles à travers son site internet (www.iedafrique.org).

AGRIDAPE c’est l’agriculture durable à faibles apports externes. Cette notion estaxée sur l’ensemble des choix technologiques et sociaux à la disposition despaysans soucieux d’articuler l’amélioration de leur productivité et la prise encompte des aspects environnementaux. AGRIDAPE est donc relative à l’utilisa-tion optimale des ressources locales, des procédés naturels mais aussi du manie-ment mesuré et maîtrisé d’intrants en cas de besoin. Il s’agit en fait de développerles capacités des individus et des communautés qui s’efforcent de se construireun avenir sur la base de leurs propres aptitudes, valeurs, cultures et institutions.Ainsi, l’AGRIDAPE tente de combiner les savoirs local et scientifique et d’in-fluencer les formulations des politiques pour la création d’un cadre favorable àleur développement. AGRIDAPE, c’est aussi un éventail de méthodologies parti-cipatives pour une agriculture viable, prenant en compte les besoins différents etparfois divergents des divers acteurs dans un contexte fluctuant.

AGRIDAPE, un concept, une approche, mais aussi, un message politique, une vision !

Adresse AGRIDAPE IED Afrique24, Sacré Cœur III – DakarBP : 5579 Dakar-Fann, SénégalTéléphone : +221 867 10 58Fax : +221 867 10 59E-mail : [email protected] Web : www.iedafrique.org

Coordonnateur : Awa Faly Ba Mbow

Comité éditorial : Awa Faly Ba Mbow,Bara Guèye, Safietou Sall Diop,Bougouma Mbaye Fall

Administration : Maïmouna Dieng.

Traduction : Bougouma Mbaye Fall

Conception graphique id - tél. +221 869 01 72

Edition InternationaleLEISA MagazineILEIA P.O. Box 2067, 3800 CB Amersfoort,The NetherlandsTél. : +31 33 467 38 70Fax : +31 33 463 24 10E-mail : [email protected]@ileia.nl

Édition espagnoleLa revista de agro-ecologiaAETCA LEISA Revista Pérou,AP.18-0745, Lima 18, PérouE-mail : [email protected]

Édition indienne LEISA IndiaAME, PO Box 7836,Bangalore 560 085, IndeE-mail : [email protected]

Édition indonésienne SALAMJL Letda Kajeng 22Den Pasar 80234Bali IndonésieE-mail : [email protected]

4 Éditorial : L’union fait la force

6 Ensemble pour la diversité biologique et les moyensde subsistance - Froukje Kruijssen, Menno Keizer et Alessandra Giuliani

9 Maintenir les populations dans leur terroir Annette Aurélie Desmarais

10 L'Association des pisciculteurs de l'Etat de LagosY. O. Basorun et J. O. Olakulehin

12 Influencer les politiques publiques :l'expérience des OP du Sénégal - Jacques Faye

15 Agriculteurs bio dans un polder hollandaisHans peter Reinders

18 Nord - Cameroun : une OP réussie la ventegroupée de tomates - Guillaume Fongang,Forbah David Nuijueh

20 Des groupements paysans traditionnels appuientl'agriculture durable - Mihin Dollo

23 La FONGS : une vision paysanne pour une nouvelle économie rurale sénégalaise - Daouda Diagne

26 Coopérative des agriculteurs de la Malabing Valley aux Philippines - Cristina R. Salvosa

27 Les organisations paysannes en questionJon Hellin, Mark Lundy et Madelon Meijer

29 S'organiser en vue de préserver les semences locales - Malamba Clement Mwangosi

30 Changement de vision au South East MarlboroughDoug Avery

33 Sites Web

34 Bibliographie

36 Des comités locaux à une association de districtCesar Gonzales

Agriculture durable à faibles apports externesVOL.23 N° 1 - Juillet 2007

AGRIDAPE est l’édition régionaleAfrique francophone des magazines

LEISA co-publiée par ILEIA et IED AfriqueISSN n° 0851-7932

S O M M A I R ELa pêche reste l'occupation principale des populations rurales lelong de la côte et des fleuves dans l'Etat de Lagos. Mais avec labaisse progressive de la production, les populations ontcommencé à s'intéresser à la pisciculture. La Lagos StateAgricultural Development Authority, l'agence en charge dudéveloppement de l'agriculture a alors décidé d'appuyer cetteactivité au vu des énormes potentialités qu'elle représente. Lesexploitants piscicoles ont vite compris la nécessité pour eux dese regrouper pour affronter ensemble leurs difficultés. Ilscréent l'association des Pisciculteurs de l'Etat de Lagoscomposée de 10 membres. Aujourd'hui elle en compte 2400 etsouhaite maintenant y intégrer les autres acteurs de la chaînede production.

L'Association des Pisciculteursde l'Etat de LagosY. O. Basorun et J.O. Olakulehin

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DES INSTITUTIONS, UNE VISION !

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Associations, réseaux locaux, nationaux, ouinternationaux ou coopératives ; les paysanss'engagent dans différentes organisations àtravers le monde. Les organisations paysannessemblent être un espace de renforcementmutuel pour faire face aux difficultés quoti-diennes, influencer les décisions politiquesrelatives à l'agriculture, ou accéder auxmarchés.

Ce premier numéro du volume 23 de AGRIDAPEexamine de près ces organisations paysannes àtravers plusieurs exemple qui démontrent l'in-teret et la capacité des agriculteurs à seregrouper pour échanger leur vision, leursexpériences, se former, défendre leur intérêt ousimplement solutionner leurs problèmes tech-niques.

Vous trouverez insérer dans ce numéro un petitguide de rédaction ainsi que les appels à contri-bution des 3 prochains numéros de votre maga-zine. Ceci constitue une initiative de l'équipedestinée à soutenir tous ceux qui veulentpartager avec nos lecteurs leurs expériencesagricoles. Alors plus d'hésitation ! A vos plumes

Bonne lecture.

Chères lectrices, chers lecteurs.

Édition brésilienne agriculturas,experiencias em agroecologiaRio de Janero, Rj Brésil 20091-020 E-mail : [email protected]

Site WebILEIA : http://www.leisa.infoIED Afrique : http://www.iedafrique.orghttp://agridape.leisa.info

AbonnementsAGRIDAPE est une revue gratuitesur demande pour les organisationset personnes du sud. Pour les orga-nisations internationales l’abonne-ment est de 45 USD (45 euro) et

pour les autres institutions du nord,le tarif est de 25 USD(28 euro) par an.Pour vous abonner, veuillez écrire à [email protected]

Financement AGRIDAPECe numéro a été réalisé avecl’appui de ILEIA, de ASDI et de DGSI

Photo de couvertureSéance de pesée d'un groupe d'agri-culteurs dans les Niayes (Sénégal). Photo : Franck Boyer, Agence Kamikaaz

La rédaction a mis le plus grandsoin à s’assurer que le contenu dela présente revue est aussi exactque possible. Mais, en dernierressort, seuls les auteurs sont res-ponsables du contenu de chaquearticle.

La rédaction encourage les lecteursà photocopier et à faire circuler cesarticles. Vous voudrez bien cepen-dant citer l’auteur et la source etnous envoyer un exemplaire devotre publication.

A Arunachal Pradesh,un Etat à l'extrême nord-est de l'Inde,vivent lesgroupements paysans traditionnels du peuple Apatani.Très orga-nisés,ces groupements gèrent avec efficacité leurs ressources natu-relles depuis de nombreuses années. L'Institut G.B. Pant pourl'Environnement et le Développement de l'Himalaya s'est penché surles pratiques traditionnelles de ce peuple afin de les remettre augoût du jour. Malgré les influences externes, les Apatani reconnais-sent la valeur et l'importance de leurs connaissances en matière degestion des ressources naturelles et cherchent aujourd'hui unemanière durable de les préserver.

Au Sénégal, la libéralisation de l'économie agricole et le désengage-ment de l'Etat dans certains secteurs ont poussé les organisationspaysannes à mieux s'organiser. Cet article s'intéresse à l'influenceque le Conseil National de Coopération et de Coordination desRuraux (CNCR), la première et la plus grande plateforme paysanne dupays, a pu avoir dans la définition des politiques agricoles. Cetteinfluence a souvent été concluante mais il reste encore à l'organisa-tion d'autres défis à relever pour une participation plus significativeen tant qu'acteur déterminant du monde agricole.

Un acheteur et des consommateurs satisfaits, des ventes crois-santes comblant les producteurs, une production de qualité, unusage de pesticides modéré. Dans la province du Nord Cameroun,une organisation de producteurs, Nowefor, s'est lancée dans lacommercialisation groupée de tomates. Une réussite bâtie pas àpas, grâce à la qualité de leur produit, et leur offre groupée qui leuront permis de conquérir de nouveaux marchés.

Nord-Cameroun : une OP réussitla vente groupée de tomates Guillaume Fongang, Forbah David Nuijueh

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Influencer les politiques publiques :l'expérience des OP du SénégalJacques Faye

Des groupements paysans tradition-nels appuient l'agriculture durableMihin Dollo

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L'un des changements les plus significatifsdans le paysage rural en Afrique francophoneau cours des trois dernières décennies a été lamultiplication et le développement organisa-tionnel particulièrement importants desorganisations rurales. Différentes appella-tions comme : organisations paysannes, orga-nisations de producteurs, associations pasto-rales, groupements de promotion écono-mique des femmes, groupements d'intérêtéconomique rural, etc. sont utilisées pourdésigner des réalités qui, tout en gardantcertaines spécifiques sont sous-tendues parle même objectif ; à savoir permettre auxpopulations rurales d'avoir leurs mots à diresur les décisions qui les concernent et d'amé-liorer leurs conditions de vie. Une grandepartie des expériences décrites et diffusées àtravers AGRIDAPE s'appuient sur ces formesd'organisations formelles ou non formelles.

Pourquoi s'organiser ?

En Afrique francophone, en particulier dans lasous-région sahélienne, l'émergence et ledéveloppement des organisations de produc-teurs ont été favorisés par un certain nombrede facteurs. Le premier a trait à la sécheressede 1972 qui avait créé une crise tellementgrande que les Etats n'étaient plus en mesurede subvenir aux différentes sollicitations despopulations rurales. Cette situation avaitsuscité une prise de conscience et l'émer-gence de nouveaux leaders paysans souventjeunes et vivant dans les villes qui ont décidéde retourner dans les campagnes pour initierdes actions pour rechercher des réponsescollectives à travers la création d'associationsde développement. Le second facteur estrelatif aux programmes d'ajustement struc-turels lancés dans les années 1980 et qui sesont traduits dans la plupart des cas par undésengagement de l'Etat de certains secteurscomme le crédit agricole, la commercialisationdes produits agricoles et la subvention desprix. Ce vide laissé par l'Etat a égalementcontribué à renforcer les dynamiques associa-tives en milieu rural. Dans d'autres régions dumonde, d'autres facteurs d'ordre social,économique ou politique peuvent égalementêtre évoqués pour expliquer le développe-ment des organisations de producteurs.

Le besoin de s'organiser est souvent motivépar plusieurs facteurs. Il y a par exemple larecherche d'une plus grande performancedans la production en aidant les membres del'association à mettre en commun leursressources pour un accès plus facile à certainsservices importants comme le crédit, lesintrants, ou pour mieux organiser la commer-cialisation. En Afrique francophone, lescoopératives ont joué ce rôle pendant trèslongtemps avant que la plupart d'entre ellesne sombrent dans la crise et la léthargie suiteaux politiques de désengagement des Etats.

Les producteurs s'organisent également pourconstituer une force de négociation pourinfluencer les politiques ou les décisions prisespar les partenaires publics ou privés. La libérali-sation de l'économie agricole, et les politiquespubliques nationales de plus en plus contraintespar les accords internationaux et régionaux ontaccéléré ce processus d'auto-organisation etd'autonomie (Jacques Faye ; page 12, DaoudaDiagne page 23). Ce rôle est surtout joué par lesorganisations à caractère fédératif qui opèrentà l'échelle nationale ou sous-régionale. On peutciter l'exemple du Réseau des OrganisationsPaysannes et de Producteurs en Afrique del'Ouest (ROPPA) qui a joué un rôle important enveillant à ce que les préoccupations des petitsproducteurs soient prises en compte dans laPolitique Agricole Commune de la Communautédes Etats de l'Afrique de l'Ouest (Jacques Fayepage 12). Elle représente également les produc-teurs de l'Afrique de l'Ouest dans les négocia-tions internationales.

Mais les paysans s'organisent également pourune meilleure gestion des ressources naturellescommunes dont elles dépendent.Dans les zonesoù le niveau de dégradation des ressources estassez élevé, les populations ont pris consciencedu rôle qu'elles doivent jouer pour inverser cettetendance.Elles le font en s'organisant et en défi-nissant des règles communes dont le respectpeut aider à sauvegarder les activités agricoles(Kruijssen,Keizer et Giuliani page 6).

Le besoin de s'organiser peut également êtremotivé par le souci de bénéficier de certainsservices comme la formation, le conseil agricoleou le partenariat avec la recherche. Aujourd'huila formation et le Conseil agricoles prennent unedimension de plus en plus importante dans uncontexte où les petits producteurs sont insérés

malgré eux dans les marchés globalisés où ilsdoivent faire face à une compétition de plus enplus féroce. Aujourd'hui l'évolution du contextefait que la demande et l'offre de formationdeviennent de plus en plus diversifiés. Auxthèmes classiques sur les techniques de produc-tion,s'ajoutent maintenant d'autres portant surle diagnostic et le développement organisa-tionnel, la gestion de l'information, le budget dela famille (Daouda Diagne page 23), les tech-niques de transformation,le plaidoyer,etc.

Aujourd'hui l'approche basée sur l'offre fait deplus en plus place à une demande plutôtbasée sur la demande, car une grande partiedes organisations paysannes faîtières natio-nales ont atteint un niveau de développementqui leur permet de définir elles-mêmes le typed'appui dont elles ont besoin. Elles sont main-tenant capables de discuter avec les orga-nismes de recherche et de conseil agricole pourdévelopper avec eux aussi bien le contenu quel'approche à adopter dans la fourniture desservices. C'est d'ailleurs ce principe basé sur lepartenariat qui organise la nouvelle approcheen matière de vulgarisation agricole, mainte-nant appelée conseil agricole.

Il faut rappeler également que les organisa-tions de producteurs se sont bien appropriéesle discours et les approches de la participation.Ce qui fait que le débat en leur sein met de plusen plus l'accent sur les aspects de transpa-rence, d'inclusion et de besoin de rendrecompte de la part des leaders chargés de gérerle patrimoine commun. Sur la question de l'in-clusion, les femmes membres de ces structuresrevendiquent une place de plus en plus impor-tantes et un accès plus facilité aux terres. Ellesdéveloppent des stratégies axées sur le renfor-cement de leur indépendance économique àtravers la mise en place d'activités autonomesgénératrices de revenus, la création d'institu-tions de micro-finance pour trouver les ressourcesnécessaires au financement de leurs activitésétant donné qu'elles sont généralement excluesdu système de crédit formel.

Leadership

Ce développement des organisations paysannespose la question du leadership et celui de la circu-lation de l'information entre le sommet et la

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ÉDITORIAL

L'UNION FAIT LA FORCE

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Il y a ensuite les contraintes liées aux faiblescapacités techniques car la majorité desmembres des organisations rurales en Afriquefrancophone sont analphabètes. Or l'accès àl'information est un besoin critique pourpermettre aux organisations de mieux plani-fier les actions. Mais généralement, cettesituation d'analphabétisme et cette difficultéd'accès à l'information pour les populationsrendent la situation plus complexe

En outre, beaucoup d'organisations ruralesn'ont pas une vision claire à long terme quis'appuie sur une définition d'orientationsstratégiques. Cette situation amène beau-coup d'organisations à faire du pilotage à vueet à saisir les opportunités au fur et à mesurequ'elles se présentent sans les lier à un projetde société clair. Aujourd'hui en Afrique, beau-coup de jeunes issus du milieu rural n'entre-voient pas leur avenir à travers l'agriculture etpensent plutôt trouver un travail en ville ouémigrer hors de leur pays d'origine. Les organi-sations rurales ne sont pas encore parvenuesà leur dessiner une alternative viable, or cesont ces jeunes qui doivent constituer larelève et les leaders paysans de demain.

Par ailleurs, en Afrique francophone, où lespolitiques de décentralisation sont solide-ment ancrées, on note une très faible articu-lation entre les organisations paysannes etles gouvernements locaux. Or une plus grandesynergie devrait aider les collectivités locales às'intéresser davantage à ces organisationsqui constituent leur prolongement naturel enparticulier pour ce qui concerne l'information,la sensibilisation et la formation de leursmembres sur les aspects liés à la décentralisa-tion, la gestion des ressources naturelles et lacitoyenneté. Cette articulation devrait égale-ment aider à une meilleure prise en charge dela question liée à l'accès au foncier dont lagestion est confiée aux gouvernementslocaux dans certains pays.

Perspectives

Les organisations paysannes et de produc-teurs en Afrique francophone font face à uncertain nombre de défis et de perspectives.

Elles vont continuer à jouer un rôle de plus enplus important au niveau sous-régional etrégional et vont prendre une part de plus enplus active dans la formulation des politiquesagricoles. Mais cette fonction nécessite beau-coup de capacités en termes de formation, derecherche, d'accès à l'information et de négo-ciation. Jusqu'à présent, les organisations

base.Car plus l'organisation se développe,plusil y a un risque d'un éloignement de la sphèrede décision de la base. Ce problème se posequelquefois avec les organisations ditesfaîtières qui regroupent plusieurs organisa-tions à la base. En l'absence d'un bon systèmed'information et des mécanismes huilés pourrendre compte, on assiste à des organisationstrès fortes au sommet mais faibles à la base.Les organisations réussissent avec plus oumoins de succès à surmonter cette difficultéen fonction des types de dirigeants dont ellesdisposent et du niveau d'organisation et deprise en conscience des organisationsmembres qui connaissent leurs droits et quis'organisent pour que les leaders rendentcompte régulièrement de leurs actions. Dansce cadre le rôle des structures extérieuresd'appui doit être mentionné. Dans certainscas, lorsque l'appui n'est pas bien réfléchi etorganisé, il peut se traduire par une situationde dépendance qui amène l'organisationd'appui à jouer un rôle central dans la défini-tion des orientations stratégiques de l'organi-sation bénéficiaire. Une telle approchemalheureusement encore courante met endanger la durabilité à long terme de l'organisa-tion bénéficiaire. Il existe même des situationsoù la création de l'organisation bénéficiaire estune initiative d'un organisme d'appui exté-rieur. De telles pratiques sont courantes dansle milieu des ONG et conduisent souvent à desconcurrences voire des compétitions avec desorganisations préalablement existantes etbien ancrées dans le tissu socioculturel local.

Heureusement, il existe à côté d'autres organi-sations d'appui conscientes de ces risques et quiapportent un soutien essentiellement orientévers le renforcement des capacités et en segardant de ne pas être trop directives dans leursrelations avec l'organisation bénéficiaire.

Limites et difficultésdes organisations rurales

Les organisations rurales, en fonction de leurtaille, des types d'activités qu'elles mènent,de leur localisation géographique, rencon-trent des difficultés de différentes natures. Ily a d'abord le problème des ressources finan-cières qui limitent les capacités d'interventionet les types de services qu'elles peuventrendre à leurs membres. Ce problème est trèsmarqué dans les organisations de base qui,contrairement aux organisations faîtières, nebénéficient généralement pas de l'appuiextérieur et doivent se contenter des maigrescontributions financières de leurs membres.

paysannes font face en faisant appel à uneexpertise extérieure qui les appuie dans laréflexion, la recherche et la construction deleur argumentaire. Mais à moyen et longterme,pour asseoir leur plus grande autonomie,il s'agira pour les organisations paysannes de sedoter de ressources humaines propres capablesd'agir en lieu et place de l'expertise extérieure.

En outre avec la globalisation de l'économie etl'ouverture des économies des Etats africainsà la concurrence, les organisations paysannesdevront renforcer leur pouvoir économiquepour permettre une meilleure organisation deleurs membres grâce à la mise à disposition deservices qui peuvent contribuer à améliorer laqualité des produits et garantir des prix inté-ressants. Ces services incluent les infrastruc-tures de stockage et de transport, les embal-lages, la transformation et le contrôle dequalité qui sont devenus des éléments impor-tants du commerce mondial.

Le développement des technologies de l'infor-mation et de la communication offre égale-ment des opportunités qui pourraientpermettre aux organisations paysannesd'améliorer l'efficacité de leurs interventionsdans le futur. En effet, un accès facilité à cessupports en milieu rural permet aux organisa-tions paysannes de diffuser auprès de leursmembres et à temps réel des informationscruciales qui peuvent leurs permettre demieux orienter leurs décisions. Ces informa-tions peuvent porter sur les prix de différentsproduits dans différents marchés du pays,l'identification d'une nouvelle opportunité demarché, les prévisions météorologiques, lamise en relation entre différents groupes ouassociations paysannes pour l'échange deleurs produits, etc. (Jon Hellin, Mark Lundy etMadelon Meijer, page 25)

Pour conclure

Les organisations paysannes jouent un rôleimportant dans la mise en œuvre des poli-tiques agricoles. Etant donné les avantagesqu'elles offrent en termes d'une meilleureproximité avec les producteurs, une bonneconnaissance du milieu rural et une grandecapacité de mobilisation sociale, celles-cidevraient bénéficier de plus d'attention de lapart des Etats dont elles prolongent et renfor-cent les actions.

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L'accès aux marchés performants resteune bataille à gagner pour favoriser ledéveloppement des populations lesplus démunies et une meilleure conser-vation de la biodiversité agricole.

Pour les petits exploitants, vendre leursproduits frais et transformés signifieemprunter un chemin semé d'em-bûches. D'abord, ils ne jouissent qued'un accès limité aux ressourcesphysiques et financières. Il leur est doncplus difficile de développer leur échellede production -ce qui réduirait lescharges- ou d'investir dans des techno-logies qui optimisent la productivité etcréent de la valeur ajoutée. La questionde l'échelle signifie aussi qu'il sera diffi-cile de commercialiser un produit demanière efficace, compte tenu descoûts de transport/manutention et desinvestissements fixes.Parfois,la pénuriede main d'œuvre que peuvent pallierdes technologies relativement simples,empêche les agriculteurs à s'engagerdans des activités à haute valeurajoutée. D'autre part, les petits exploi-tants n'ont généralement pas beau-coup de compétences techniques etn'ont pas accès à la formation enmatière de production, transformationde produits, ou encore aux informationssur les besoins du marché. Enfin,les agriculteurspris individuellement manquent de pouvoir denégociation, et donc, toute valeur ajoutée àleur produit par la transformation ou l'embal-lage ne leur profite pas nécessairement,puisque les bénéfices sont inégalement repartisentre tous les acteurs de la chaîne de commer-cialisation. Cela est particulièrement vrai pourles produits saisonniers et hautement péris-sables à cause des hausses soudaines de l'offreet de la durabilité relativement faible de cesproduits.Les économies d'échelle que favorise lamise en place d'organisations communautairesde base peuvent cependant servir de solutionsà ces problèmes.A travers une action concertée,les petits exploitants peuvent mettre encommun leurs ressources et commercialiserleurs produits surmontant ainsi les coûtscommerciaux propres à la production de petiteéchelle. Ce genre d'organisations permetd'améliorer l'accès aux ressources (intrants,crédit, formation, transport, information),d'augmenter leur pouvoir de négociation.

Biodiversity International (autrefois connusous le nom de International Plant GeneticResources Institute) a conduit plusieursétudes afin de mieux comprendre l'applicationdes approches de marché dans la gestion de labiodiversité agricole in situ et l'améliorationdes moyens de subsistance. Plusieurs étudesde cas ont été développées sur différentesespèces,variétés,et produits dérivés,dont desespèces sous-utilisées et des produits de basede plusieurs régions du monde.

Le cowa thaïlandaisUne coopérative de femmes dans la province deChanthaburi, en Thaïlande, transformeplusieurs produits tirés de fruits tropicaux dontle Garcinia cowa, mieux connu sous le nom decowa. Ce groupe, mis sur pied depuis plus de 20ans,s'est récemment joint au programme « OneTambon One Product », conçu par le gouverne-ment thaïlandais. L'idée est de baser la produc-tion sur les importantes ressources locales afinde promouvoir le tourisme au niveau du villageet accroître les revenus des populations avec la

vente de ces produits. Forte de 40membres aujourd'hui, la coopérative aété créée suite à la destruction par unetempête des arbres fruitiers demangoustan et de durian. Les fruits quin'avaient pas encore atteint maturitésont tombés et ne pouvaient plus êtrevendus comme produits frais. Desfemmes ont alors décidé de transformerles fruits. Le bureau local de la vulgarisa-tion agricole a encouragé ces femmes àtransformer plus fréquemment à partirde leurs domiciles et à ajouter d'autresfruits. Par exemple nous avons le platlocal appelé Moochamung, qui secompose de feuilles du cowa, cultivédans des potagers ou dans la nature, deviande de porc et d'autres ingrédientsque l'on trouve presque essentiellementdans les jardins potagers des femmes. Leproduit est mis en conserve, étiqueté etvendu dans des boutiques et marchésque fréquentent les touristes.

Les membres peuvent acheter desactions de la coopérative et les béné-fices leur sont redistribués annuelle-ment. Ils perçoivent également dessalaires pour leurs activités de transfor-mation, et ont également accès à desfacilités de crédit. La création de cette

organisation permet d'accroître de manièresubstantielle les revenus des membres et palliel'offre excédentaire de certains fruits. Parailleurs, les populations peuvent maintenantprofiter de la formation afin de pouvoir certi-fier l'hygiène et la salubrité de leurs produits.

Le kokum indienLe kokum (Garnicia indica) est un arbre fruitiersous exploité, originaire du Ghats occidental,en Inde,et qui pousse surtout dans les partiesouest de Maharastra,Karnataka,Kerala et deGoa. Le fruit est utilisé pour traiter l'obésité ;l'écorce sert d'acidifiant et de colorant culi-naires et la graisse extraite de la graine aide àla préparation de produits de beauté et deconfiserie. Dans l'Uttara Kanada, les exploi-tants de kokum rencontrent beaucoup dedifficultés à cause des lois imposées par leForest Department (Service forestier). Eneffet, les lois ne permettent l'exploitationforestière qu'avec une autorisation qu’on nepeut obtenir que par voie d'appel d'offres. Lesexploitants non organisés ne sont en général

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Des machines à corde ont été prêtées à des membres degroupe, de sorte qu'elles puissent fabriquer des nattes

et d'autres produits. Photo : M. Keizer.

Froukje Kruijssen, Menno Keizer et Alessandra Giuliani

ENSEMBLE POUR LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

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lois régissant l'exploitation durable desressources de la forêt et la culture en domaineprivé. Ceci permettra à long terme de mieuxconserver la biodiversité de cette ressource.

Action concertéeet moyens de subsistanceLes cas étudiés démontrent que l'actionconcertée est un processus social qui peutêtre enclenché par plusieurs facteurs. Desgroupes de personnes apprennent à traversun processus, définissent ensemble lesproblèmes, recherchent et exécutent dessolutions, et évaluent le bien fondé d'unesolution par rapport à une pratique spéci-fique. Dans ce cadre, on parle souvent « d'ap-prentissage social ». Le cas du cowa enThaïlande montre comment un groupe defemmes a initié la transformation de fruitsafin de tirer profit de leurs ressources. Lesuccès initial, combiné à des valeurscommunes bien partagées, et à la confianceau sein du groupe, a permis de renforcerdavantage le processus d'apprentissagesocial. Ce cas montre que ce procédé peut êtreun point de départ pour l'institutionnalisationde l'action concertée - les agences gouverne-mentales et les ONG interviennent ensuitepour renforcer les capacités et offrir une assis-tance technique. L'on peut affirmé que lesactivités menées ont connu un franc succèsen termes de performances économiques etde conservation de la biodiversité.

Certaines communautés dont il est questiondans les études de cas ci-dessus ne disposentpas encore de mécanisme permettant d'en-clencher le processus d'action concertée. Parexemple, en Inde où la législation rend lacueillette du kokum difficile à un niveau indivi-duel, la création d'organisations paysannespourrait être un moyen d'autonomisation despopulations. Celles-ci, tout comme les commu-nautés en milieu montagneux syrien,n'en sontqu'à leurs premiers pas dans le processus d'ap-prentissage social. Le cas du laurier démontreque d'une part, les lois rendent la concertationplus difficile,et, met en exergue d'autre part lanécessité de créer des conditions de négocia-tion (à travers la concertation entre tous lesacteurs de la chaîne de commercialisation dulaurier) afin de résoudre les conflits entre leslégislateurs et les populations.

Lorsque la concertation n'est pas initiée par lescommunautés elles-mêmes,ou par des projetsexternes,comme le projet de la noix de coco auViétnam, elle peut l'être par d'autres facteursou acteurs se situant à un niveau plus basdans la chaîne de commercialisation. Les pion-niers sont souvent des gens motivés par le

divers produits (paillassons et autres textiles).La manufacture de ces produits dérivés permetsouvent d'employer beaucoup plus depersonnes non membres de l'organisation.Comprenant que leurs meilleurs revenusproviennent des produits à base de coco, lespaysans prennent davantage soin de leursplantations, et s'engagent dans la conserva-tion des arbres, ce qui contribue à conserver ladiversité génétique de la noix de coco dans larégion.

Le savon de laurier en SyrieDans les régions montagneuses de Syrie, lesvillageois cueillent les baies de laurier (Laurusnobilis) des arbres qui poussent naturelle-ment dans la nature. L'huile extraite de cesbaies est utilisée depuis des siècles dans lespréparations cosmétiques traditionnelles dela Syrie. Des méthodes millénaires sont utili-sées pour produire l'huile et le savon de ghar(laurier). Une loi forestière interdit la cueillettedes laurier dans les bois pour usage commer-cial, mais aussi la culture de ces baies endomaine privé. Néanmoins, le laurier est cueillien forêt pour la vente et il existe un accordinformel entre les différents exploitantsquant à l'accès aux arbres. L'huile est extraitemanuellement, grâce à un processus fasti-dieux entrepris généralement par les femmeset les enfants dans l'enceinte même desjardins potagers. Le fabriquant local de savontout comme le commerçant achètenttoujours l'huile auprès de la même famille. Enraison de la méfiance entre producteurs etcommerçants, ces derniers font chuter les prixd'achat, tandis que les producteurs s'attel-lent à réduire la qualité de l'huile, installantainsi un manque de confiance encore plusgrand. La formation de groupes de produc-teurs, qui permettrait de stabiliser l'offre ainsique les prix est également découragée par laloi, limitant ainsi les possibilités de culture etde commercialisation des produits dérivés dulaurier. L'offre reste donc faible, éclatée, et depiètre qualité, forçant les fabricants de savonà importer l'huile depuis la Turquie.

Dans le village de Kassab, au nord-ouest de laSyrie, un producteur de savon a réussi àrassembler un groupe d'exploitants vivantdans les zones forestières. Il produit un savonde haute qualité pour le marché local commepour l'export, et crée ainsi des opportunitésd'emplois pour les populations, tout enaméliorant les moyens de subsistance desfamilles qui dépendent du laurier. Ce savonniera essayé de faire face aux difficultés et confu-sions qui existaient par rapport aux législa-tions forestières en engageant les villageoisdans un lobbying intense afin d'améliorer les

pas en mesure d'obtenir ces permis.Dépendantdes ressources forestières pour leur subsis-tance, ils sont obligés de cueillir illégalementle produit et de vendre à travers des intermé-diaires titulaires des licences idoines. Ceci,sans aucun doute, limite leur pouvoir denégociation. Le prix de ces fruits a chuté defaçon drastique et la tendance continue,diminuant ainsi le nombre d'individus quis'adonnent à cette activité. Pour cespersonnes, qui vivent déjà en deçà du seuil depauvreté et qui continuent de dépendre de laforêt, l'impact sur leurs moyens de subsis-tance est négatif. La nécessité d'une actionconcertée est évidente et leur permettraitd'obtenir une licence collective, mais cetteapproche nécessite une interventionpublique et un renforcement des capacités.

Les produits de la noix de coco au VietnamDans le village de Tam Quan Nam, une commu-nauté pauvre exploitant les noix de coco dansla province de Bin Dinh au Vietnam,Biodiversity-COGENT (Réseau de ressourcesgénétiques de la noix de coco) met en œuvreun projet de réduction de la pauvreté. Avec lesoutien du projet, des membres d'une organi-sation communautaire ont eu la possibilitéd'augmenter la productivité en substituant lesvieilles techniques manuelles et à forte inten-sité de main d'œuvre par le traitement desécorces de noix de coco . Le projet a mis à leurdisposition un prêt collectif sous la forme demachines à décortiquer, afin de transformer lanoix de coco en fibres. En outre, 150 machinesservant à la confection de cordes à partir defibres ont été prêtées aux membres à titre indi-viduel. Les membres de l'organisation seportent volontaires pour vendre le produit brut(les écorces de la noix de coco) à l'organisationà des prix légèrement moins élevés qu'ailleurs.En échange, ils bénéficient de revenus accruset plus stables grâce à la confection de cordeset de paillassons fabriqués collectivement etmis en vente. Grâce à un volume de productionsupérieur et à la diversité des produits, l'orga-nisation jouit d'un pouvoir collectif de négocia-tion plus fort que ne l'auraient eu les membrespris individuellement. L'action concertée tisseégalement des liens d'amitié et de confianceentre les membres, qui,autrement, se seraientconsidérés comme des concurrents. L'équipede gestion quotidienne de l'organisation secharge du fonctionnement des batteuses etdécortiqueuses. Tous les matins, les membresfont la queue afin de recevoir leur stock defibres qu'ils transforment en corde à l'aide deleurs machines de tressage. L'organisationrachète ensuite ces cordes (le coût de la fibreest déduit) qui sont ensuite transformées en

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commerce et le gain. Il est donc plus difficile des'assurer que tous les membres de la commu-nauté vont en tirer profit. Cela ne signifie pasnécessairement que les populations devraientêtre dans une situation pire ; en effet, unpartenariat fiable avec une personne interve-nant dans le secteur commercial pourraitgarantir des débouchés pour leurs produits.Dans l'exemple du savonnier, ce dernier qui ainitié le processus reconnaît l'interdépendancequi régit les relations entre tous les acteurs dela chaîne. La création des organisations deproducteurs a été mue par la nécessité d'unengagement plus actif des producteurs ouramasseurs en faveur d'une meilleure qualitédes produits, d'une offre stable et demeilleures régulations du marché. Il estpresque toujours nécessaire de disposer d'unepersonne clé, motivée, dotée d'un esprit d'ini-tiative pour commencer le processus d'actionconcertée, et dont l'impact sur la création et lefonctionnement de l'organisation est réel. Unramasseur ou une autre personne en aval de lachaîne peut jouer ce rôle indifféremment.

L'action concertée peut créer une chaînecommerciale plus efficiente,plus stable et apteà garantir une distribution efficace.En tant quegroupe, les producteurs sont en mesure defournir une matière première de meilleurequalité et de façon plus stable, ce qui améliorel'efficience économique de la chaîne commer-ciale. Dans tous les cas, le renforcement de laconfiance et des liens de solidarité entre lesdivers acteurs est déjà présente ou du moinsattendue, que ce soit à l'intérieur des groupesou de manière transversale. Le pouvoir denégociation et l'accès aux marchés pour lesmembres du groupes sont rendus possiblesgrâce à la mise en place de relations avec lesacteurs de la chaîne (échoppes, commerçantset transformateurs pour le kokum,le savonnierpour le laurier, et les utilisateurs finals pour lesproduits à base de fibres de noix de coco). Larépartition des profits est donc équitable surtoute la chaîne commerciale.

L'action concertéeet la biodiversitéLes études de cas illustrent également l'impor-tance de l'action concertée dans le maintiende la biodiversité au sein même de l'exploita-tion. Dans le cas du laurier (ramassage dans lanature), la concertation a développé la prisede conscience des populations sur la néces-sité de méthodes de cueillette durables etcelle de la production d'espèces commer-ciales. A partir de là, on peut espérer que labiodiversité liée à ces espèces et variétéssauvages locales sera préservée. Dans le casdes fibres de noix de coco, le processus d'ap-

prentissage social a permis de prendreconscience de la nécessité de lier et decombiner les réglementations relatives à laconservation de la biodiversité avec l'exploita-tion économique. Ayant constaté que la fibrede noix de coco pouvait être transformée enproduits de valeur, les populations accordentdésormais plus d'importance aux cocotiers, cequi les motive à conserver et préserver lesvariétés locales de noix de coco. Le mêmescénario est observé dans le cas du cowa où latransformation de produits locaux encourageà semer de jeunes plants de cowa. Le cas dukokum,lui,montre que lorsque les ramasseursne peuvent plus utiliser ou tirer profit decertaines espèces en raison d'obstacles dansla chaîne commerciale, leur intérêt à conserverces espèces s'étiole.

Les différentes études de cas ont montréqu'une meilleure participation au marchépeut, éventuellement, changer la manièredont les agriculteurs utilisent la biodiversitéagricole. Cela stimule donc la conservation dela biodiversité de l'exploitation,bien que cetterelation ne soit pas toujours aussi forte oudirecte. Ces études ont également montréque l'implication des producteurs et ramas-seurs dans le processus d'apprentissage socialest importante pour une plus grande viabilitéde l'environnement. Si l'engagement desautres acteurs de la chaîne commerciale estégalement assuré, ce processus peut consti-

tuer la base de la confiance et de la solidarité(capital social) nécessaires à la diminution desrisques individuels. Cette réduction desrisques, à son tour, est fondamentale dans lafacilitation de l'investissement à long terme,car elle permet des récoltes durables et desinvestissements en technologies de transfor-mation et matériels de culture.

Froukje Kruijssen. Associate scientist,Bioversity International, Regional Office forAsia, the Pacific and Oceania. P.O. Box 236,UPM Post office, 43400 Serdang SelangorDarul Ehsan, Malaysia.E-mail : [email protected]

Menno Keizer. Regional Marketing AdvisorEast Africa,VECO. P.O. Box 7844, Kampala,Uganda.E-mail: [email protected]

Alessandra Giuliani. Consultant, BioversityInternational, Hohgantweg 5, 3012 Bern,Switzerland.E-mail : [email protected]

Références

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-Giuliani A., in press. Developing markets foragrobiodiversity: Securing livelihoods indryland areas. Earthscan Publications,London, U.K.

-Keizer, M., 2005. Increasing livelihood oppor-tunities through market research and streng-thening of market channels: Conduct ofmarket surveys and development of marketchannels. In: Batugal, P. et J.T. Oliver (eds.),Poverty reduction in coconut growingcommunities Volume III: Project achieve-ments and impact. IPGRI-APO, Serdang,Selangor, Malaysia.

-Koelen, M. et E. Das. 2002. Social learning: Aconstruction of reality.. In: Leeuwis, C. et R.Pyburn (eds),Wheelbarrows full of frogs:Social learning in rural resource management.Van Gorkum, Assen,The Netherlands.

-Kruijssen, F. et S. Somsri, 2006. Marketinglocal biodiversity in Thailand: Identification ofa possible good practice for on-farm biodiver-sity management of tropical fruit trees.Article soumis au Deutscher Tropentag,“Prosperity and Poverty in a GlobalisedWorld-Challenges for Agricultural Research”,11-12 octobre 2006, Bonn, Allemagne.http://www.tropentag.de/2006/abstracts/full/221.pdf

Le Kokum, ramassé de façon sauvage,a des usages multiples. Photo : F. Kruijssen

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équitable les pouvoirs de décisions. L'UNORCA aégalement adopté plusieurs stratégies pour main-tenir les populations sur le terrain et pour améliorerleur bien-être des communautés rurales.Les straté-gies sont différentes d'une région à l'autre.Dans leChiapas,les organisations s'occupent essentielle-ment des réformes agraires, de l'autonomie descommunautés autochtones, de la gestion deressources naturelles et des droits humains.Dans leMichoacán,l'organisation locale a créé une entre-prise commerciale chargée de l'exportation de fruitsvers les Etats-Unis.En même temps,l'organisation aacquis un esprit d'initiative,des connaissances etune expérience et la communauté locale montre àprésentdes signes d'une plus grande stabilité grâceà l'augmentation du nombre d'emplois.A QuitanaRoo, les organisations participent à des projetsd'agroforesterie.L'UNORCA insiste sur la formation de nouveauxdirigeants par le renforcement des capacitésaux niveaux local et régional. Il apprend à sajeunesse à analyser ce qui se passe à travers lemonde et à se poser en leader communautaire,en vue d'une rotation constante dans les postesde direction. Elle fait subir la même formationaux femmes rurales organisées au sein de l'asso-ciation des femmes mexicaines, membre de lacoalition nationale de l'UNORCA, qui a créé denombreux groupements féminins d'épargne etde crédit dans les zones rurales.Les responsables de syndicats sont persuadésque la mobilisation est l'une des stratégies lesplus importantes pour apporter des change-ments à la campagne. De l'avis d'un leader, « larésistance doit être constante. Nous avonsbesoin de tous les modes de pressions politiquesainsi que de la mobilisation de l'opinionpublique. » En d'autres termes, la mobilisationdoit être générale, avec la participation de tousles secteurs de la société. En conséquence,lorsque la nouvelle phase de l'accord de libre-échange avec l'Amérique du Nord a démarré en2003, l'UNORCA a organisé d'importantes mani-festations pendant deux mois qui ont amené legouvernement mexicain à entamer des négo-ciations avec les chefs de file du secteur agricole.Des manifestations similaires s'organisentaujourd'hui pour protester contre la flambée desprix des denrées alimentaires.Comme tous les membres de La Vía Campesina,l'UNORCA soutient que la crise agricole est intolé-rable et qu'un nouveau modèle de développe-ment rural est absolument nécessaire. Sesmembres estiment que le changement n'estpossible que s'ils s'organisent pour agir ensemble.Annette Aurélie DesmaraisAssistant Professor, Department of Justice Studies,University of Regina,Regina,Saskatchewan,Canada.E-mail : [email protected]

la demande de l'ensemble de ses membres auniveau national en vue de contribuer au maintiendes populations à la campagne ainsi qu'à leurbien-être,grâce aux politiques nationales.Il s'agitlà d'une lutte difficile et acharnée, compte tenu,particulièrement, des changements spectacu-laires intervenus dans l'agriculture mexicainedepuis la création de l'UNORCA,en 1985.En bref, depuis les années 1980, le gouverne-ment mexicain prend d'importantes mesuresvisant à intégrer le pays dans le marché mondial.Aujourd'hui, le Mexique se vante d'avoir passéhuit accords de libre-échange englobant 24pays,sur trois continents,dont le plus réputé estl'accord de libre-échange avec l'Amérique duNord. Cet accord a annoncé la création d'oppor-tunités d'emplois et une réduction de lapauvreté rurale mais les agriculteurs et les popu-lations des zones rurales en ont très peu profité.La “libéralisation” de l'agriculture a ouvert lesfrontières aux importations alimentaires,accompagnées du démantèlement des prixgarantis aux producteurs et d'une réductionconsidérable des intrants subventionnés.Face à cette situation, l'UNORCA a commencé àparticiper à des échanges avec des organisationsagricoles d'Amérique Centrale, des Etats-Unis etd'Amérique du Sud pour voir ce qui se passaitdans les zones rurales des autres pays. Ayantconstaté des situations similaires ailleurs,l'UNORCA s'est tout de suite rendu compte de lanécessité de collaborer avec d'autres organisa-tions rurales opposées à la mondialisation del'agriculture. L'UNORCA a collaboré avec La VíaCampesina alors qu'elle organisait sa deuxièmeconférence internationale à Tlaxcala, Mexique,en avril 1996, et, depuis lors, elle joue un rôleprépondérant : elle est chargée de la commissioninternationale de travail de La Vía Campesina surla biodiversité et les ressources génétiques et ellefait également partie des coordinateurs régio-naux pour la région d'Amérique du Nord. Sontravail consiste, en grande partie, à exercer unepression sur le gouvernement mexicain et àfournir des services à ses organisations membres.Comme l'a fait remarquer un des responsables :« l'UNORCA nous sert de diverses manières : ellenous tient informés, nous dispense une forma-tion,nous permet de nous inspirer d'autres expé-riences vécues dans l'ensemble du pays et d'êtrereprésentés au niveau national.”

Stratégies efficacesL'UNORCA représente une grande diversité d'orga-nisations à travers le pays etpour être efficace dansson travail, il lui faut équilibrer les divers intérêts deses membres.Pour ce faire,elle a mis en place unestructure démocratique qui répartit de manière

“ La Vía Campesina nous a appris que nousn'étions pas les seuls à lutter. Par mondialisa-tion il faut entendre l'appauvrissement de lamajorité des communautés [mais] il nous fautmondialiser cette lutte pour la justice, pour lasurvie et le développement des commu-nautés. Il nous faut mondialiser cette lutte auniveau des communautés les plus pauvres, oùqu'elles se trouvent.”

Servando Olivarria SaavedraDirigeant de l'UNORCA

Etat de Sonora, Mexique.

Ces paroles sorties de la bouche d'un paysan duMexique,donnent un aperçu du véritable rôle deLa Vía Campesina. C'est un Mouvement interna-tional qui réunit 149 organisations de paysans,de 56 pays d'Asie, des Amériques, d'Afrique etd'Europe. C'est le mouvement paysan le plusgrand et le plus important qui ce soit créé aucours de ces dernières années. Depuis 1993, LaVia Campesina se consacre à mettre en place unmodèle totalement différent de développementrural qui aide à maintenir les familles agricoles àla campagne et à faire émerger des commu-nautés rurales pleines de vie qui produisent desaliments sains,respectent la diversité et qui sontfondées sur la justice sociale.L’organisation insiste sur huit questions d'intérêtspécial pour les familles paysannes où qu'elles setrouvent : l'autosuffisance alimentaire et lacommercialisation des produits agricoles, labiodiversité et les ressources génétiques, lesdroits des travailleurs agricoles migrants, uneagriculture durable,l'égalité des sexes,la réformeagraire,les droits humains en milieu rural et l'agri-culture durable axée sur le paysan.L'autosuffisance alimentaire est au cœur dumodèle de développement de La Vía Campesinasi l'on tient compte du fait que l'alimentation estun droit humain fondamental. La Vía Campesinaestime que cette autonomie ne peut se réaliserque par le biais d'une véritable réforme agrairequi garantit aux paysans, aux petits exploitantsagricoles, aux populations autochtones et auxfemmes rurales un meilleur accès aux ressourcestelles que la terre,l'eau,les semences,le crédit,larecherche agricole et les services de vulgarisa-tion,ainsi qu'à leur contrôle.

UNORCA-MexiqueLa Union Nacional de Organizaciones RegionalesCampesinas Autónomas (UNORCA) :l'Union natio-nale des organisations paysannes régionalesautonomes, est une fédération nationale quiréunit 2700 organisations de 23 Etats du Mexiqueet au total plus de 400 000 familles agricoles.L'objectif principal de l'UNORCA est de répondre à

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Annette Aurélie Desmarais

MAINTENIR LES POPULATIONS DANS LEUR TERROIR

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Souvent considérée comme le centre écono-mique du pays et de l'Afrique de l'Ouest, l'Etatde Lagos se situe au sud-ouest du Nigeria,s'étalant complètement dans la zone de forêtpluviale des tropiques humides. La côte s'étendsur 180 km pour une petite surface habitable (àpeu près 3577 Km2), dont les 22 % sont occupéspar des lacs,fleuves et bras de mer.On estime lenombre de familles paysannes à 350 000, et lapêche reste l'occupation principale des popula-tions rurales le long de la côte et des fleuves,devançant de peu les cultures de plein champ.Malheureusement, la production de poissonsn'est pas aussi importante qu'elle devrait, etelle a encore chuté ces dernières années. En2005, la production annuelle s'élevait à 18000tonnes. Cette production est loin d'être suffi-sante et aujourd'hui environ 80 % du poissonconsommé à Lagos est importé. les populationsont commencé à s'intéresser à la pisciculturejustement à cause de la faible production. LaLagos State Agricultural DevelopmentAuthority, l'agence en charge du développe-ment de l'agriculture s'est rendue compte de lapossibilité d'accroître la production tout encréant des emplois,et en augmentant lessources de revenus des citadins. L'agence a

inclus la pisciculture dans ses programmes devulgarisation, traitant les questions telles quela préparation des rations alimentaires avecdes ingrédients locaux et la constructiond'étangs avec des matériaux locaux. L'agences'est également penchée sur l'intégration de lapisciculture commerciale et des activités quoti-diennes de la population citadine, la produc-tion d'alevins, le marketing, la tenue deregistres et les mécanismes de crédit auprèsdes institutions financières.

Le nombre d'exploitations piscicoles est passéde 500 en 1997 à plus de 2000 en 2004,tandis que la surface totale consacrée à cesexploitations est passée de 150 à 330hectares. La pisciculture produit aujourd'huienviron 9500 tonnes par an. Elle a étéprésentée comme une activité à faible apportexterne, qui bénéficie des ressources natu-relles locales et des conditions climatiquesoptimales dans la zone : une nappe phréa-tique élevée presque partout dans l'Etat, unebonne structure du sol, une texture appro-priée à la construction d'étangs, des résidusdomestiques en abondance qui peuvent faci-lement être convertis en aliments pour les

poissons. Dans ces conditions, la pisciculturen'a presque pas de besoins externes pour uneproduction optimale.

La nécessité d'unirles effortsCependant, le nombre croissant de piscicul-teurs a également apporté son lot deproblèmes. Contrairement aux pêcheurs quivivent souvent dans une communauté le longde la côte et sont culturellement liés, les pisci-culteurs viennent d'horizons socioculturelscomplètement différents (surtout en ville) ;seule l'activité leur sert de dénominateurcommun. Certains pêcheurs s'organisent pouracheter les intrants en gros ou forment descoopératives afin de faciliter l'accès au créditet aux marchés. Cette démarche est plus diffi-cile pour les pisciculteurs parce qu'ils ne sontpas concentrés dans un endroit déterminé. Demême, la dissémination des techniquesaméliorées de culture reste un problème pourles agents de vulgarisation parce que les pisci-culteurs sont dispersés. La pratique consistantà développer des étangs en milieu résidentiel

Y. O. Basorun et J.O. Olakulehin

L'ASSOCIATION DES PISCICULTEURS DE L'ETATDE LAGOS

Certains membres de l'association au cours d'une réunion récente. Photo : J. O. Olakulehin.

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tout en étant impliqué dans d'autres activitéscommerciales pose un problème aux agentsqui sont ainsi obligés de rencontrer les exploi-tants pendant leurs heures de travail.

C'est seulement quelque temps après ledébut de leur expérience que certains pisci-culteurs ont compris les inconvénients de leursituation : accès limité aux services de vulgari-sation, dépendance vis-à-vis des intermé-diaires (qui déterminent le prix d'achat desproduits), inflation affectant le prix desintrants et aucune chance de partager sesidées et expériences. Tout cela se reflétaitévidemment sur leurs bénéfices. Pour le pisci-culteur indépendant, les coûts de productionet le prix de ventes s'équilibrent presque. Enoutre, les pisciculteurs ont compris que lemanque d'unité les empêche d'être bien repré-sentés dans les moments cruciaux, comme lorsde la journée mondiale de l'alimentation oudans les activités de lobbying.

L'Associationdes Pisciculteursde l'Etat de LagosLes problèmes mentionnés ci-dessus sontdevenus tellement importants que l'Agencede Développement de l'Etat de Lagos a dûintervenir pour promouvoir la création d'uneassociation de pisciculteurs en 2004. En plusde fournir des services de vulgarisation,l'agence a décidé de mettre en relation despersonnes qui ne se connaissaient pas et quivivaient loin les uns des autres. L'Associationdes Pisciculteurs de l'Etat de Lagos a été misesur pied avec 10 membres, tous convaincusqu'en travaillant ensemble ils seraient enmesure d'avoir un meilleur accès aux intrants,marchés, et crédit. L'agence leur a offert unsoutien institutionnel sous forme de matérielde bureau pour les comptes rendus de leursréunions, ainsi qu'une publicité gratuite pourleurs activités.

En décembre 2006,l'association comptait 2100membres. La croissance de l'association a étéprogressive et constante, et plusieurs l'ontrejointe après avoir appris les résultats enregis-trés, surtout en termes d'accès aux marchés,aux intrants et au crédit. Ce sont surtout lesmembres qui font la publicité de l'association.Les agents de vulgarisation de la Lagos StateAgricultural Development Authority ont égale-ment aidé à la mobilisation de membres enfaveur de l'association. Dès la naissance del'Association, la direction a compris l'impor-tance de se réunir régulièrement pour conti-nuer de susciter l'intérêt,mais ils ont égalementnoté que si les frais d'adhésion étaient trop

élevés, l'engagement des membres en souffri-rait. Ils ont donc demandé à l'Agence deDéveloppement Agricole de Lagos de leurtrouver un local bien situé pour tenir leursréunions, ce qui leur fut accordé gratuitement.La contribution par membre et par réunion aété fixée à 100 naira (moins d'un dollar EU).

L'association tient une assemblée généraletoutes les deux semaines pour réactualiser lesconnaissances des membres et les maintenirinformés en permanence. L'ordre du jourinclut la formation des membres par unepersonne ressource sur tout problème iden-

tifié ou existant, intéressant tout le monde etportant sur l'aquaculture. Par exemple, lesmembres ne veulent pas être tributaires desventes de poisson frais ; l'association a doncdécidé de les former sur les principes de laconservation et du marketing, en plus destechnologies de production. Lors de leurdernière réunion en février 2007, les membresont appris à faire du poisson fumé dans le butd'accroître la durée de conservation dupoisson et créer de la valeur ajoutée parrapport au poisson frais.

Ces réunions ont également fourni une bonneoccasion pour les agences gouvernementales,les ONG, les distributeurs d'intrants, les institu-tions financières et d'autres acteurs derencontrer plusieurs pisciculteurs. Outre cesréunions, l'association a aussi mis sur pied unesérie de commissions pour des activités spéci-fiques. Elles sont élues démocratiquement pardes membres éligibles, qui répartissent lesrôles et les responsabilités entre les personnesfaisant montre d'engagement (leur présenceaux réunions et leurs contributions). Parexemple, une de ces commissions a préparéune constitution qui a déjà été adoptée. Lenon respect des dispositions de la constitutionentraîne des amendes ou même l'expulsion.

L'association a pu acheter des intrants engros, ce qui réduit considérablement les coûtsde production. La standardisation de laproduction en a été facilitée ; une étapenécessaire vers l'amélioration des techniquesde marketing. Petit à petit, l'association estdevenue une force avec laquelle il faut compterdans la réglementation du prix du poissondans l'Etat. Avant la création de l'association,le prix au kilogramme était tellement instablequ'il pouvait chuter de 50 % pendant lespériodes de surabondance. Aujourd'hui, lesprix baissent de 10 % au maximum. La raisonprincipale réside dans le succès de l'associa-tion à aider les producteurs à trouver desmarchés directement sans passer par desintermédiaires.

Une réussiteLa création avec succès de l'association et sonévolution continue ont fini de montrer lesavantages qu'elle a apportés aux petitsexploitants et à tous les acteurs du secteurlocal de la pisciculture. De récents rapports duMinistère de l'Agriculture et des Coopérativesde l'Etat de Lagos indiquent que la productionde poissons en aquaculture a doublé ces deuxdernières années. Il est aussi intéressant denoter que grâce au partage de l'information,le cycle de production dans la plupart desexploitations piscicoles a été réduit de 8 à 5mois. Le regard fixé sur l'avenir, l'associationcompte introduire des frais d'adhésion pourles nouveaux membres, et envisage de mettreen place des prêts pour ses membres enpuisant dans les fonds qu'elle a en réserve.Elle pense également inviter non seulementles producteurs (pisciculteurs) en tant quemembres, mais également les autres acteursde l'industrie (distributeurs d'intrants, four-nisseurs de services, meuniers d'aliments pouranimaux, conseillers en marketing). Ceci peutmener à des chaînes d'approvisionnementplus fluide, tant en intrants qu'en productionet prenant en compte les intérêts de toutesles parties.

En peu de temps,l'Association des Pisciculteursde l'Etat de Lagos a clairement démontréqu'organiser les exploitants en groupes enfonction des denrées et produits communs estpossible même avec des ressources minimales,et peut résoudre plusieurs problèmes auxquelsfont face les producteurs.

Y. O. Basorun et J.O. Olakulehin. Lagos StateAgricultural Development Authority, P.O. Box3845, Agege, Lagos State, NigeriaE-mails: [email protected] ; [email protected]

11Etang piscicole de 3x3m.Photo : J. O. Olakulehin.

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La participation des acteurs économiques etde la société civile à la définition des politiquespubliques a d'abord été une exigence despartenaires au développement. Les Etats sontde plus en plus convaincus de cette nécessité.Nous présentons ci-après l'expérience desorganisations de producteurs agricoles duSénégal pour en dégager quelques leçons.

Les organisations de producteurs agricolesont deux principales missions :

(i) fournir des services à leurs membres. C'est laraison d'être des coopératives agricolesréunies au sein de l'Union Nationale desCoopératives Agricoles du Sénégal (UNCAS) quiorganisent la collecte primaire de la produc-tion de leurs adhérents et l'approvisionne-ment en intrants agricoles à crédit. C'est le casdes nombreuses mutuelles d'épargne et decrédit. C'est le cas de l'Association pour laPromotion du Développement à la Base(ASPRODEB) association créée par des organi-sations de producteurs et qui gère la compo-sante OP du Projet des Services Agricoles etdes Organisations de Producteurs (PSAOP).

(ii) défendre les intérêts de leurs membres dansle cadre de la définition et de la mise en œuvredes politiques publiques. C'est la principalemission du Conseil National de Coopération etde Coordination des Ruraux (CNCR) ; plate-forme paysanne regroupant plus d'une ving-taine d'organisations de producteurs.

La libéralisation de l'économie agricole a accrul'importance de ces deux missions. Dans lesannées 1990, l'Etat s'est désengagé deplusieurs services qui ne sont pas assezrentable pour attirer le secteur privé. Lesproducteurs doivent donc s'organiser pour lesassurer. La privatisation entraine l'intégrationde certaines filières de production et lesproducteurs doivent contractualiser leursrapports avec les industriels (exemple de lafilière tomate dans la vallée du fleuve Sénégal).La libéralisation met les producteurs agricolesdirectement en contact avec les marchés inter-nationaux avec ses variations continues desprix. Les politiques publiques nationales sont,aussi, de plus en plus contraintes par lesaccords internationaux et régionaux et lesprojets financés par les partenaires au déve-loppement. Les OP doivent donc s'impliquerdavantage dans la définition des projets de

développement, des politiques nationales etdans les négociations d'accords extérieurspour la prise en compte de leurs intérêts.

Nous nous intéressons ici à l'influence que leCNCR a pu avoir sur les projets, les politiquespubliques et les accords extérieurs, depuis sacréation. Le CNCR est la première et la plusgrande plateforme paysanne au Sénégal. Il aété créé en 1993 en réaction aux politiquesd'ajustement structurel menées par l'Etatsous la pression des bailleurs de fonds, enparticulier de la Banque mondiale et du FMI. Ilregroupe vingt et deux organisations natio-nales de producteurs. Sa mission est « lapromotion de l'exploitation agricole familiale». Nous prenons trois exemples pour lesanalyser et en tirer des enseignements pourles OP. Les exemples sont : la participation duCNCR au PSAOP,les tentatives en cours depuis1994 de réforme de la loi sur le domainenational et l'élaboration de la loi d'orientationagro sylvo-pastorale (LOASP). Précisons quenous avons eu la chance d'accompagner leCNCR depuis sa création et d'être son prin-cipal conseiller sur les questions stratégiques.

La création du CNCR a été précédée et suivied'une réflexion intense de ses membres surl'avenir de l'agriculture familiale. La crise agri-cole de la fin des années 1970 et les politiquesd'ajustement structurel ont fait naître desdoutes de plus en plus importants quant à lacapacité des exploitations familiales à releverle défi de la productivité et de la compétiti-vité. Depuis l'alternance politique de 2000,l'Etat semble davantage miser sur le dévelop-pement de l'entreprenariat agricole et del'agrobusiness. Il suffit de se référer à l'an-nexe sur l'agriculture du Plan Omega, auxdocuments de la stratégie de croissanceaccélérée (grappe agriculture et agroalimen-taire) et du Plan REVA pour s'en convaincre.

Le CNCR et l'élaborationdu PSAOPLes réflexions menées par le CNCR sur les exploi-tations agricoles familiales l'ont définitivementpersuadé de la nécessité de participer à l'élabo-ration des projets et politiques concernantl'agriculture et le monde rural.En 1995,le CNCR aexigé et obtenu de participer à l'élaboration età la mise en œuvre du PSAOP. Au-delà desactions d'appui aux producteurs agricoles rete-

nues dans le projet, le PSAOP définit la réparti-tion des rôles entre l'Etat, les producteurs agri-coles et leurs organisations,et le secteur privé.Ilétait donc important pour le CNCR de se battrepour que, par le biais du projet, l'Etat ne cèdepas à certaines exigences des bailleurs de fondsde transférer aux producteurs certainesmissions de service public ou d'intérêt public.C'est ainsi que le CNCR a pu éviter la privatisa-tion partielle et à terme du conseil agricole etrural et de la formation agricole. Le CNCR a puobtenir que le document de projet affirme trèsclairement la priorité de l'agriculture familialedans les politiques publiques, le rôle principaldes groupements de producteurs à la basedans la définition des actions de développe-ment à mener face aux agences en charge duconseil agricole. Le CNCR a aussi obtenu quel'ASPRODEB créée par elle en 1994 soitconfirmée dans son rôle d'opérateur de projetet donc soit en charge de la mise en œuvre de lacomposante Op du projet. Le PSAOP a été enfinla reconnaissance par l'Etat et les partenairesau développement du rôle de service public jouépar les OP. La conséquence logique a donc étél'acceptation par ceux-ci que les OP puissentbénéficier dans ce cadre d'un appui institu-tionnel. Enfin, l'Etat et la Banque mondiale ontaccepté que le CNCR soit signataire de l'accordde projet. Le président du CNCR a participé auxnégociations finales à Washington. Le CNCR estaujourd'hui membre du conseil d'administrationde l'Institut sénégalais de recherches agricoles,de l'Institut de technologies alimentaires, duFonds national de recherche agricole et agro-alimentaire et de l'Agence national de conseilagricole et rural dont il est le deuxième action-naire après l'Etat.

Mais le succès le plus important obtenu par leCNCR a été le développement de relations detravail étroites entre les leaders des OP, lescadres du ministère de l'agriculture et de sesdémembrements et les experts des parte-naires au développement. Avec l'élaborationdu PSAOP,l'Etat et les partenaires au dévelop-pement ont été définitivement convaincusque les OP étaient des partenaires incontour-nables. En 1997, le Président de la Républiquea accepté une des exigences formulées par leCNCR dès 1994 : être reçu en audience solen-nelle chaque année au même titre que lessyndicats de travailleurs et le patronat.L'audience solennelle s'est tenue en janvieren présence de l'ensemble du gouvernement

Jacques Faye

INFLUENCER LES POLITIQUES PUBLIQUES :L'EXPÉRIENCE DES OP DU SÉNÉGAL

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et a permis un véritable dialogue entre le chefde l'Etat et son gouvernement d'une part etles leaders des Op d'autre part. Cettepremière audience a permis le rétablissementdu programme agricole supprimé en 1979 :moratoire sur les arriérés de dettes, bonifica-tion du taux d'intérêt des intrants, défiscali-sation des importations de matériel agricole,subvention sur les semences d'arachide, etc.C'était une première au Sénégal et en Afriquede l'Ouest. Les grands boubous basingommés1, les sourires des leaders, les acco-lades et les congratulations suffisaient pouren montrer l'importance. A partir de cetteaudience, des rencontres trimestrielles avec lePremier ministre et des rencontres quasihebdomadaires avec le ministre de l'agricul-ture ont été progressivement instaurées. Cecadre de concertation a été remis en causeavec les changements politiques intervenusen 2000, mais personne ne conteste la néces-sité de concertations régulières entre les OP,l'Etat et les partenaires au développement.

Le CNCR et la réforme de laloi sur le domaine nationalC'est dans le cadre du Programme d'Ajustementdu Secteur Agricole (PASA) en 1995 que legouvernement du Sénégal s'est engagé auprèsdes partenaires au développement à réformerla loi sur le domaine national dans le sens d'uneprivatisation des terres. Un groupe de travailinterministériel a été mis en place à cet effet. Legroupe comprenait le président de l'Associationdes Présidents de Communauté Rurale (APCR)et celui du CNCR. Un bureau d'études futcontracté pour mener une étude de terrain etfaire des propositions de réforme.Le « Plan d'ac-tion foncier du Sénégal » soumis au groupe detravail l'année suivante comportait une analysede terrain de qualité et des propositions deréforme en trois options avec des variables àvalider avant l'approfondissement de l'optionretenue. La lecture du rapport montre que laprincipale préoccupation des experts était depermettre à des investisseurs privés d'accéderau foncier domanial et à l'obtention d'un titrefoncier.Nulle part n'est posée la nécessité d'unepolitique foncière permettant la transforma-tion et la modernisation des exploitations agri-coles familiales soumises à un morcellementintempestif, et une gestion durable desressources naturelles. La question foncière étaitréduite à une question de réforme de la loi.Comme allait le montrer les réflexions des OP,aucune des options n'était satisfaisante pourles paysans. Le ministère de l'agriculture nedonna pas suite au rapport. En 1999, le Premierministre demanda aux élus locaux et aux OP unavis sur les propositions formulées dans le

rapport. Les élus locaux, par suite du refus duCNCR,menèrent seuls,leur réflexion sous formed'ateliers régionaux et d'un séminaire national.L'option mixte combine la coexistence dudomaine national et de titres de propriété sousréserve de mise en valeur. L'examen descomptes-rendus des ateliers régionaux et notreparticipation au séminaire national permettentd'affirmer que la grande majorité des présidentsde conseil rural avait rejeté les trois optionsproposées. De façon surprenante,la déclarationfinale approuvait la troisième option « pour nepas aller à l'encontre de la politique du parti » dixitle président de l'APCR.

La même année, le CNCR décida de mener sapropre réflexion. Celle-ci fut conduite de façonparticipative et en trois étapes : ateliers auniveau de cinquante communautés rurales,ateliers régionaux et séminaire national. Baséesur l'analyse des pratiques foncières et l'élabo-ration de propositions, la réflexion fut principa-lement animée par les leaders paysans formés àcet effet et appuyés par un petit groupe d'ex-perts. Les élus locaux dont une majorité estd'ailleurs membre du CNCR et les autres plate-formes paysannes ont participé à la réflexion àtous les niveaux. Au niveau national et desrégions, les services de l'Etat, les sociétés dedéveloppement, les ONG, les universitaires et lesecteur privé ont aussi été associés.La synthèsedes analyses et des propositions consignéedans un document fut remise au gouverne-ment, aux députés, aux partis politiques, auxorganisations patronales et aux partenaires audéveloppement et largement diffusée. Ladéclaration qui l'accompagnait appelait legouvernement à la négociation et posait lesprincipes et les exigences de base des OP. Elledemandait l'élaboration d'une grande politiquefoncière et pas seulement la réforme de la loi.

C'est sur la base de cette réflexion que le CNCR aconvaincu l'Etat de différer les propositions deréforme foncière contenues dans le projet de loid'orientation agricole soumis par la Présidence dela république en 2003.Il a été soutenu en cela parles partis politiques,y compris le parti au pouvoir,et par l'opinion publique à travers les médias.L'idée que les exploitations agricoles familialesdoivent avoir des droits réels sur le foncier si onveut les inciter à investir dans la modernisation deleurs exploitations semble aujourd'hui largementadmise. En 2006,une commission de réforme dudroit de la terre a été mise en place par le chef del'Etat. Le CNCR en est membre malgré les tenta-tives de l'en écarter. Une sous commissioncomposée uniquement de fonctionnaires del'Etat a été chargée d'élaborer une nouvelle loifoncière. Ses travaux sont confidentiels. Maisdifférentes indications laissent croire que lapréoccupation principale reste l'accès des inves-

tisseurs au foncier. Si les leaders du CNCR restentsur leur garde,il n'y a aucun suivi du dossier.

Le CNCR et la LOASPEn 2003, le Président de la République a soumisà la négociation un projet de loi d'orientationagricole. Le CNCR invité à la négociation ademandé qu'il lui soit donné le temps et lesmoyens financiers pour une concertationapprofondie avec ses adhérents.Une démarchede réflexion identique à celle mise en œuvrepour le foncier a été engagée avec la formationd'animateurs paysans, la tenue d'ateliers deréflexion au niveau de l'ensemble des ComitésLocaux de Concertation des OP (CLCOP) et desComités Régionaux de Coopération des Ruraux(CRCR) créés dans le cadre du PSAOP. Ladémarche a été clôturée par un séminairenational.Plus de trois mille (3000) producteurs,hommes, femmes et jeunes ont pris part auxateliers. Un rapport de synthèse a consigné lesanalyses et les propositions des producteursconcernant le projet de loi d'orientation agri-cole. Un contre projet de loi a été aussi préparéet soumis à l'approbation du conseil d'adminis-tration du CNCR. Le conseil a pu désigner sesnégociateurs. Ce processus de réflexion partici-pative a permis au CNCR d'influencer très large-ment le contenu de la loi d'orientation agrosylvo pastorale voté en mai 2004 parl'Assemblée nationale. Il a permis de contenirles tentatives de donner une place prépondé-rante à l'agriculture d'entreprise et à l'agrobusi-ness dans la politique agricole avec commeconséquence la privatisation à terme des terresagricoles.La LOASP crée un cadre juridique,insti-tutionnel et financier nécessaire à la mise enœuvre des politiques agricoles :reconnaissancejuridique des métiers de l'agriculture avec desdroits à la protection sociale, reconnaissancejuridique de l'exploitation familiale, reconnais-sance du rôle d'intérêt public des organisationsde producteurs, création d'un Conseil nationald'orientation agro sylvo pastorale et d'un fondsnational de développement agro sylvopastoral, etc. Le vote de la loi a donc été consi-déré comme une grande avancée par les exploi-tants agricoles. Malheureusement depuis lors,aucun décret d'application n'a été pris.

Les leçons à tirerLes trois exemples présentés ci-dessuspermettent de dégager quelques leçonsconcernant les conditions nécessaires pour lesOP pour influencer les politiques publiques.

La première est la nécessité d'une réflexionstratégique et participative au sein des OP.Face à la vision des Etats et des partenaires au

1 Boubou traditionnel sénégalais amidonné.

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développement,les OP doivent de façon parti-cipative développer leur propre vision pourêtre en mesure de défendre les intérêts desexploitations familiales qu'elles représentent.Cette vision ne peut pas être élaborée une foispour toute. Elle doit être le fruit d'une réflexionpermanente pour l'adapter aux changementsde l'environnement socio-économique, tech-nique et agro-biologique des exploitations :négociations internationales, changementclimatique, crise énergétique, etc. Il est impor-tant que les OP soient capables d'anticiper surces questions car elles ont peu d'emprise surl'agenda des Etats et des partenaires au déve-loppement. Elles n'ont pas non plus lesressources financières pour, à tout moment,se lancer dans une réflexion qui associe lesmembres à tous les niveaux. Les réflexions duCNCR sur le foncier et sur la LOASP ontdemandé des moyens financiers importantsqu'il a été difficile de mobiliser. Il n'est donc paspossible, chaque fois qu'une question impor-tante se pose, d'enclencher immédiatementde telles démarches.

La deuxième est le renforcement des capa-cités des leaders à tous les niveaux. Lesréflexions menées par le CNCR ont étéanimées par des leaders paysans et onttoujours commencé par des ateliers de forma-tion avec la participation d'experts. Le coût

d'une participation des experts au niveau desateliers locaux aurait été rédhibitoire. Lesréflexions menées par le CNCR ont été uneoccasion exceptionnelle de faire émerger etde former les leaders de l'organisation.

La troisième est la nécessité de mobiliser uneexpertise. Les OP comme les partenaires audéveloppement et les gouvernements etorganismes inter-Etats ont besoin d'uneexpertise pour les conseiller dans leursréflexions et dans les négociations. Il leur fautdonc mobiliser cette expertise et en trouverles ressources financières. Cela peut paraîtrecoûteux mais c'est un investissementrentable à long terme. De plus en plus departenaires au développement et de gouver-nements acceptent de les financer.

La quatrième est la définition d'une métho-dologie de réflexion qui permette à desproducteurs agricoles en majorité analpha-bètes de prendre part à une réflexion sur desquestions qui paraissent a priori hors de leurcompréhension. Les paysans peuvent parfai-tement participer à des débats qui paraissentles plus abstraits dès l'instant que ceuxchargés de l'animation de celle-ci partent despratiques et des vécus des paysans. Parexemple, sur le foncier, un guide d'analyseélaboré avec les animateurs a permis de partir

des pratiques foncières des paysans, desconflits vécus, des solutions dégagées et deles analyser pour en tirer des propositions quedes spécialistes peuvent ensuite traduire enrègles juridiques. L'utilisation des langueslocales est incontournable pour cela.

La cinquième est l'initiation des leaders à lanégociation et à leur suivi. La réflexion remar-quable menée par le CNCR n'a pas eu tous leseffets souhaités. Les leaders nationaux n'ontpas assumé leurs responsabilités dans laconduite des négociations. Ils ont laissé lesexperts jouer un rôle qui n'est pas le leur. Laconséquence est qu'ils n'ont pas ensuiteassuré le suivi de la mise ne œuvre des résul-tats des négociations. Il ne suffit donc pas demener des processus participatifs de négo-ciation, il faut conduire les négociations doncs'y préparer. Il faut ensuite suivre la mise enœuvre des décisions prises.

Cela fait plus de trois ans que la LOASP a étévotée par l'Assemblée nationale. Elle n'esttoujours pas appliquée et il n'y a aucune pressionde la part des OP pour amener le gouvernementà l'appliquer.

Jacques Faye,Sociologue rural, coordonnateur scientifiquede l'IPAR.E-mail : [email protected]

SEMER UNE AGRICULTURE DURABLE NUMÉRO 23.2 À PARAÎTRE EN SEPTEMBRE 2007

CLÔTURE DE L'APPEL : AOÛT 2007

En général,les meilleures graines sontsélectionnées etstockées pour servir desemences. En procédant de la sorte, les petits agricultures ont, au fil dutemps,mis au point les variétés et espèces locales les plus adaptées.De cettefaçon,ils ont conservé et également enrichi la biodiversité sur laquelle reposel'agriculture de petite échelle.Cependant,il devient de plus en plus difficile pour les petits exploitants degarder leur autonomie en matière d'intrants.La baisse des rendements et lapénurie alimentaire qui s'en suit généralement,peuvent compromettre laconstitution d'un stock de semences. En outre, les mécanismes locaux quigarantissaient l'accès aux intrants s'effritent au fur et à mesure que la cohé-sion sociale s'étiole.De ce fait,les petits exploitants deviennent tributaires dumarché. Bien qu'elles soient de bonnes qualités,ces semences « commer-ciales » mettent en danger les principes même de l'agriculture durable de

petite échelle.En effet,elles sontmises au pointdans une optique d'augmen-tation de la production mais elles requièrent l'utilisation croissante d'intranttels que les engrais chimiques. A long terme,une dépendance accrue à unnombre réduit d'espèces et de variétés entraîne petit à petit la perte de labiodiversité,réduitainsi le potentiel de l'agriculture à s'adapter aux conditionsagro climatiques et sociales en perpétuel changement. Les questions rela-tives aux droits de propriété intellectuelle concernant les semences et lesautres intrants posent également problème pour les petits exploitants.Cenuméro du magazine AGRIDAPE se penche sur la problématique dessemences et des intrants pour l'agriculture durable. Nous cherchons desexpériences qui montrent comment les agriculteurs sélectionnent et conser-vent les espèces ou variétés qui les intéressent,mais également comment lescommunautés s'organisent pour satisfaire leurs besoins agricoles.

ÉCRIVEZ-NOUS ET ENRICHISSEZ NOTREPROCHAIN NUMÉRO SUR LE THÈME SUIVANT

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Aux Pays-Bas, dans les années 30, l'étendued'eau connue sous le nom de Zuyder Zee a étéceinturée d'une longue digue de 30 kilo-mètres, afin d'entamer le processus de récu-pération de la terre engloutie par la mer.Cette digue a transformé le Zuyder Zee enune mer intérieure,progressivement devenueun lac d'eau douce, appelé IJsselmeer. Quatreimmenses étendues de terre à basse altitude(polders) dans le IJsselmeer ont été drainées,fournissant ainsi 165 000 hectares denouvelle terre. Cette terre est devenue unenouvelle province, Flevoland, et deux de cespolders sont maintenant principalementaffectés à l'agriculture.

Lorsque les polders se sont asséchés, il aencore fallu plusieurs années de drainagepour que le sol se solidifie et devienne prêtpour la culture. Le bureau responsable de laconstruction des polders IJsselmeer a encou-ragé la maturation des sols en semant desroseaux, et ensuite des céréales, des légumessecs et des graines de lin. Il s'en est suivi unprogramme de transmigration qui a amenéprincipalement les jeunes agriculteursprogressistes en provenance d'autres régionsdes Pays-Bas vers ces polders. Ils ont lancé denouvelles exploitations agricoles sur une

terre de quatre à six mètres en dessous duniveau de la mer. La plupart de ces agricul-teurs ont reçu une bonne formation ; ils ontappris, au collège ou à l'université, desconcepts agricoles alternatifs tels que l'agri-culture bio et biodynamique.

En quête de connaissancesDans les années 80, les approches bio enétaient à leurs débuts aux Pays-Bas. Les agri-culteurs intéressés par la culture bio ou biody-namique recherchaient activement les infor-mations nécessaires pour diriger une exploi-tation agricole bio à grande échelle. Cetteapproche est intéressante dans la mesure oùnon seulement elle tient compte de l'environ-nement, mais aussi en raison de la demandecroissante en produits alimentaires bio auxPays-Bas et dans le reste de l'Europe.Toutefois, les agriculteurs ne disposaient pasdu savoir faire ni d'aucune expériencepratique pour conduire avec succès un telsystème. Entourés de systèmes agricolesconventionnels, ils étaient isolés et effec-tuaient les expérimentations eux-mêmes. En1989, freinés par le manque de connais-sances sur les pratiques bio, bon nombre deces agriculteurs se sont regroupés. Ils ont

commencé par mettre sur pied un grouped'étude local, qui se rencontre et partage desidées et expériences de manière informelledans l'une des fermes des participants. Plustard, lorsque s'est présentée la nécessitéd'ouvrir un compte bancaire au nom du grouped'étude,ils ontdécidé de s'appeler « Organisationdes Agriculteurs Bio et Biodynamique du Polder »(BDEKO).

BDEKO est devenu le moteur du développe-ment et de la dissémination de nouvellesconnaissances sur l'agriculture bio dans lespolders. A l'époque, les membres tenaient àrechercher toute information à même de lesaider à élaborer un plan agricole efficace etproductif pour leurs exploitations respec-tives. A l'instar de leurs homologues dumonde entier, leur préoccupation premièreconsistait, entre autres, à trouver desméthodes efficaces pour préserver de la ferti-lité des sols, et lutter contre les mauvaisesherbes, les insectes et les maladies. Le choixdes cultures était largement tributaire desdemandes du marché en produits bio etcomprenait les carottes, les choux-fleurs etdifférentes variétés de choux,d'oignons et depetits pois. Les agriculteurs ont expérimentéplusieurs modèles de culture, dans l'espace et

AGRICULTURE BIO DANS UN POLDER HOLLANDAISHans Peter Reinders

Des fermiers discutant de la caractéristique du sol lors d'une visite d'échange durant l'été. Photo : Auteur.

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dans le temps, en essayant différentes alter-natives sur leur propre terre. Comme danstoute expérimentation, le résultat n'était pastoujours probant, mais les « échecs » sontaussi source d'enseignements. L'un des pointsfaibles de cette recherche agricole résidaitdans le fait que le résultat se fondait essentiel-lement sur des observations personnelles desagriculteurs,alors que les informations étaientà peine enregistrées. C'est lorsque l'organisa-tion a commencé à collaborer avec la station derecherche agricole du gouvernement(Onderzoek Bedrijfssystemen - OBS) dans levillage voisin de Nagele que des changementsont eu lieu. La mission de cette station consisteà concevoir des systèmes agricoles dans lepolder. Ils sont donc mieux placés que les agri-culteurs pour mener des expérimentationsplus risquées et à plus long terme. Les activitésde recherche incluent des essais de trois diffé-rents systèmes agricoles, sur une échelleréaliste et sur une longue période : sur uneexploitation agricole,une agriculture classiqueà forte consommation d'intrants est prati-quée, sur une autre, on expérimente l'utilisa-tion limitée d'intrants chimiques, et la dernièreexploitation est réservée aux pratiques baséesentièrement sur les principes bio. Chaqueannée, les résultats des différents systèmesagricoles sont publiés et présentés aux agricul-teurs, notamment aux membres de BDEKO.Aussi, les agriculteurs peuvent visiter sansrestriction les parcelles expérimentales, faireleurs propres observations pendant la saisonculturale et en discuter avec le personnel de lastation de recherche.

A un stade plus avancé, et en collaborationavec la station de recherche, des expérimen-tations plus spécifiques sont effectuées surla terre de certains membres de l'organisa-tion. La question du désherbage motorisé parexemple occupe une place importante. Lamain d'œuvre coûte cher aux Pays-Bas etcelle nécessaire pour le désherbage est uncoût de production énorme pour les agricul-teurs bio dont les exploitations ont une taillemoyenne de 60 à 80 hectares. Par consé-quent,ils sont toujours en quête d'une techno-logie adaptée pour lutter contre les mauvaisesherbes de manière efficace et économique.Différents outils pour le sarclage,le labour et lehersage ont été conçus et testés sur les exploi-tations agricoles sélectionnées. Les résultatstirés de ces expériences ont été complétés avecles données enregistrées par les autres agricul-teurs, notamment durant la période dedésherbage des champs.

Grâce à ces différentes activités de recherche,des modèles et techniques de culture très effi-caces ont été conçus, dont plusieurs sont

toujours utilisés dans le polder. En guised'exemples, on peut citer les rotations decultures,aussi bien dans une seule saison qu'aucours des années suivantes. On peut égale-ment citer l'utilisation régulière de quelqueslégumineuses (fixation d'azote) comme moyende conserver la fertilité des sols,et la plantationprécoce ou tardive de certaines cultures pourlutter contre les insectes et maladies. Les tech-niques visant à empêcher la croissance deplantes indésirables dans les champs consti-tuent également d'autres exemples depratiques développées.Ces pratiques « respec-tueuses de la biodiversité » comprennent lehersage régulier de la terre de jachère et l'utili-sation de cultures de couverture.

Des membres de plusen plus nombreuxDans les années 80, l'organisation a vouluencourager une plus grande offre de produitsbio et, par conséquent, a appuyé davantaged'agriculteurs du polder dans la transition versl'agriculture écologique. L'augmentation dunombre de producteurs bio s'est traduit parune réduction des dépenses en intrants profi-table à tous les agriculteurs. En adhérant àBDEKO,les agriculteurs ont bénéficié de beau-coup d'informations pratiques et d'appui,facilitant ainsi leur transition. En l'espace decinq ans, BDEKO est passé à 80 membres,entraînant du coup des changements organi-sationnels dans la structure. Les assembléesgénérales se tiennent désormais de manièreplus officielle, moins fréquente et dans dessalles louées à cet effet. Le groupe initial a étédivisé en trois sous-groupes qui se rencon-trent toujours à périodes régulières au niveaulocal. Les membres ont continué à afficher undegré d'engagement élevé, 80 à 90 % aumoins d'entre eux assistant aux réunions.Tous les membres connaissaient les mêmesdifficultés et avaient les mêmes aspirations.Ils avaient le sentiment de parler « le mêmelangage ». C'était une grande aventure qued'explorer ce nouveau sujet et ils savaientqu'en travaillant en étroite collaboration avecles autres membres du groupe, ils pouvaientconcevoir leurs propres exploitations agricolesécologiques. C'est à cette époque que lesdifférents membres du groupe ont tissé desrelations amicales très solides.

Il convient également de mentionner qu'il n'yavait à l'époque aucun service de vulgarisationagricole disponible sur les questions relatives àl'agriculture bio, parce qu'il n'existait que trèspeu d'informations pratiques. Par conséquent,même les agents de vulgarisation agricoletravaillant dans le polder assistaient auxréunions de BDEKO ou visitaient les exploita-

tions agricoles des membres pour s'informerauprès des agriculteurs pionniers des pratiquesde production bio.

Rencontres d’hiverDès le départ, différentes activités ont étéorganisées pour les membres du groupependant l'été ou en hiver. En été, la principalesaison de production, ils visitent les exploita-tions agricoles des membres pour un appren-tissage mutuel. Ces visites ont lieu toutes lesdeux semaines à partir du mois de juin,lorsquela longue activité de désherbage est presquefinie. Au début, les discussions tournéesautour des sujets techniques tels que la rota-tion des cultures et la gestion de la fertilité dessols. Aujourd'hui, lors des visites d'été, lesmembres ont l'occasion d'observer, parexemple, un nouvel outil de désherbagemécanisé ou un système de stockage post-récolte utilisé par l'agriculteur hôte. Ces visitesdonnent souvent lieu à d'importantes discus-sions entre agriculteurs. Le fait qu'ils adhèrenttous aux principes écologiques ne signifie pasqu'ils sont toujours d'accord sur les questionsidéologiques ou techniques. Au fil des années,l'organisation a organisé des visites auprèsd'exploitations bio ou organismes derecherche qui interviennent dans l'agriculturebio en dehors du polder. Ces voyages n'enre-gistraient pas beaucoup de participants carcertains membres ne pouvaient se permettrede s'éloigner de leurs exploitations aussi long-temps, en pleine saison culturale. Toutefois,ceux qui y prenaient part ont beaucoupapprécié ces voyages d'étude.

En hiver,différents intervenants sont invités àdébattre des questions techniques intéres-sant les membres, par exemple celles portantsur la recherche en cours ou les problèmeséconomiques. Les interventions portaientsouvent sur des thématiques relatives audéveloppement personnel des agriculteurs,ou encore sur des questions pouvant suscitermotivation et encouragement auprès desmembres. Ces derniers se chargeaienttoujours de la sélection des sujets, de l'invita-tion des intervenants et de l'organisation dela soirée en fonction des besoins spécifiques.A la fin de 1997, année très mauvaise pour lesagriculteurs néerlandais, certains membresont tenu un atelier sur le rire comme méthodede décontraction. L'objectif de cetterencontre d'hiver était de remonter le moraldes membres et de rechercher ensemble denouvelles énergies en tant que groupe, afinde faire face aux préoccupations liées à laproduction de l'année suivante.

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Au fil du temps, l'organisation a invité ungrand nombre d'organisations et depersonnes qui ont présenté des communica-tions au cours de ces rencontres d'hiver. Cesrencontres ont également été exploitées demanière stratégique, en vue d'établir descontacts plus rapprochés avec certaines insti-tutions, par exemple l'université agricole deWageningen. Les premières impressions trou-vaient la recherche menée dans cette univer-sité trop conventionnelle par essence. En invi-tant les chercheurs de l'université auxrencontres, ils ont pu explorer différentesopportunités pour influencer le type derecherche effectuée par l'université. Ainsi, leschercheurs sont devenus plus impliqués dansla recherche de réponses à de nombreusesquestions brûlantes qui préoccupaient lesagriculteurs bio.

Changement de statutBDEKO n'est devenu une organisation d'agri-culteurs formelle qu'en 1999 car rien de pres-sant, au début, ne justifiait de l'enregistrerofficiellement. Cette décision de changer lestatut de l'organisation était principalementliée aux évolutions locales qui menaçaientdirectement le statut bio de certainsmembres. Des plans étaient conçus pourconstruire une installation d'incinération dedéchets dans les environs,et les gaz émanantde cette unité risquaient de rendre les exploi-tations agricoles du voisinage immédiat del'usine non éligibles pour une certification bio.Pour permettre à BDEKO de jouer un rôle delobby contre la construction de cette usine,les agriculteurs ont dû s'organiser de manièreplus formelle afin d'être reconnus par legouvernement hollandais comme partieprenante dans cette affaire.

C'est ainsi que les agriculteurs ont rédigé lesstatuts, élu un conseil d'administration etenregistré l'organisation de manière formelle.Le Centre d'agriculture bio (CBL), un institut àbut non lucratif avec lequel BDEKO collaboraitdepuis 1995, est devenu le secrétariat de l'or-ganisation. Ce statut formel a certes rendu lesprocédures beaucoup plus bureaucratiques,mais il a offert aux membres de nouvellesopportunités. Désormais, ils sont invités àparticiper à différents groupes de travail trai-tant du développement de l'agriculture auxPays-Bas et se sont impliqués dans le débatrelatif aux nouvelles politiques agricoles.

Le statut informel de BDEKO fonctionnait bienà l'époque où le développement et l'échanged'informations techniques constituaient lesaspects les plus importants. Toutefois, lesobjectifs de BDEKO ont changé lorsque ces

aspects ont cessé d'être une priorité. Enréponse à l'évolution des besoins desmembres, l'organisation s'est engagée dansla recherche de contacts marketing plusnombreux et plus fiables pour les membres.

Plus récemment, un point focal leur a servi dereprésentation dans les organisationsinfluentes dans le domaine de l'agriculture auxPays-Bas et leur a permis d'atteindre quelquesrésultats positifs. Le lobby pour influencerun plan agricole national en est un exemple.Les Pays-Bas ont un système de réglementa-tions juridiques compliqué pour juguler lesmaladies des champignons dans les culturestelles que les pommes de terre et les oignons.Pour réduire le problème très répandu du mildioudes variétés tardives de pommes de terre, un« plan directeur pour le Phytophthora » a étéélaboré. Cependant, la mise en œuvre du pland'origine aurait rendu impossible la culture depommes de terre pour les agriculteurs bio.Grâce à un lobbying efficace et un dialogueintense avec le secteur agricole conventionneldes Pays-Bas, le plan a été adapté et offremaintenant des réglementations acceptablespour les agriculteurs bio.

L'introduction de la culture du maïs généti-quement modifié fait partie des autres acti-vités de lobbying réussies de BDEKO. Mêmes'ils n'ont pas pu empêcher complètement

l'autorisation du maïs GM dans les exploita-tions agricoles conventionnelles, ils sontparvenus à faire introduire des mesures visantà réduire la menace de contamination descultures bio par ce maïs.

PerspectivesDans le polder, les membres fondateurs deBDEKO ont, depuis les années 80, fait degrands pas en ce qui concerne la productionde cultures bio. La disponibilité de la terre enquantité suffisante pour l'agriculture, laprésence d'organismes de recherche d'appuiet l'établissement de réseaux marketing pourles produits bio ont offert à Flevoland unavantage dans ce secteur bio aux Pays-Bas.Bien que BDEKO ne compte que 72 membrespour le moment,ce qui représente environ 6 %des agriculteurs et horticulteurs à Flevoland,cette organisation d'agriculteurs est souventperçue comme le « porte-parole » officiel dece secteur dans la province. Et même si ellen'est pas un membre officiel de la principaleorganisation nationale des agriculteurs (et ilsrisquent de ne jamais l'être en raison de leursintérêts divergents en tant qu'agriculteursbio), de nombreux membres représentent leurorganisation dans les groupes de travail decette fédération d'agriculteurs.

Actuellement, les agriculteurs néerlandaisengagés dans la transition vers la productionbio ne sont guère nombreux, mais la situationpeut changer d'un moment à l'autre (en fonc-tion des changements d'intérêts politiques oudes règlementations officielles, des nouvellesopportunités du marché, ou encore de la pres-sion accrue des mouvements communau-taires). Dans le cas de l'intérêt renouvelé pourl'agriculture bio, les vastes connaissances etexpériences au sein de BDEKO seront d'unegrande importance pour les autres agricul-teurs souhaitant en faire partie.

Hans Peter ReindersAncien responsable de projet CBL apportantune assistance professionnelle à BDEKO, e-mail : [email protected]

Vous pouvez contacter BDEKO via CBL -Centrum Biologische Landbouw, Bronsweg 228222 RB Lelystad, the Netherlands. E-mail :[email protected]

Cet article est le fruit d'un exercice de docu-mentation effectué en 2006 par les agricul-teurs de BDEKO, le personnel de Leisa (éditioninternationale) et Hans Peter Reinders ; laprocédure de documentation utilisée estdisponible sur le site www.leisa.info. Un articlesimilaire a été publié dans le magazine surl'agriculture bio, Ekoland.

Les pratiques écologiques développéespar les agriculteurs bio donnent des

produits de qualité. Photo par Rik Thijssen

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Le maraîchage, un secteurporteur et attractifNowefor est une fédération d'unions de groupesd'initiatives communes (Gic) fondée dans laprovince du Nord Ouest Cameroun en 1995. Ellecompte plus de 1500 paysannes et paysansorganisés en filières (regroupement par spécula-tion). L'organisation a pour but d'améliorer lesconditions de vie de ses membres. Pour cela, elleidentifie les spéculations agricoles porteuses1 etappuie la recherche d'assistance technique etfinancière nécessaire à la production et à lacommercialisation.En 2004, les producteurs de la zone deBambui ont identifié la culture de la tomatecomme fortement génératrice de revenus.Organisés au sein de la filière maraîchage, ilsont reçu un appui technique et financier duSaild et de SOS Faim-Luxembourg pour selancer dans la production de tomates etd'autres produits maraîchers.

La culture de la tomate présente plusieursavantages. Elle nécessite peu d'espace etpeut se faire en contre-saison au moyen de l'ir-rigation. En revanche, elle est exigeante sur leplan technique et donc un peu élitiste. Du faitde ces exigences techniques, de l'autoforma-tion nécessaire, du cycle de production assezcourt mais aussi sans doute de sa rentabilitéfinancière,la filière maraîchage mobilise parti-culièrement les jeunes producteurs. C'étaitdonc une activité importante pour augmenterles adhésions de jeunes dans Nowefor.

La culture de tomates nécessitant l'utilisationde pesticides pour combattre les insectes etautres attaques, dès le départ, les produc-teurs ont été formés à limiter l'utilisation deproduits chimiques afin de réduire les résidusdans le produit final. Ainsi, l'agriculture biolo-gique a été promue dans cette filière oùsoixante jeunes hommes et femmes se sontengagés en 2004.

Augmentationde la production :saturation du marchéet chute des prix Grâce aux appuis technique et financierreçus, les productions ont augmenté au seinde la filière maraîchage de Bambui. Chaqueproducteur est passé de 7 seaux de 15 l de

tomates par semaine à environ 20 à 40 seaux.Le marché local de Bambui, tout comme lemarché principal de la ville de Bamenda touteproche ont été envahis,et les prix ont chuté de3 500 FCFA pour un seau de 15 l à 1 000 à 1 800FCFA. La situation est devenue très inconfor-table, les producteurs ne recevant plus deretour satisfaisant de leur production.

Les membres de cette filière de productionont alors réfléchi à la question de savoircomment la rendre plus rentable. Deux idéesont émergé : réduire l'offre de tomates sur lemarché local, rassembler la production etrechercher des débouchés sur des marchésextérieurs. Les producteurs ont adopté unmode de production séquentiel pour réduirel'offre de tomates sur le marché local. Lesmembres du secteur de production se sontorganisés en 6 sous-groupes et un calendrierde plantation a été retenu afin de laisserdeux semaines d'écart entre deux dates deplantation. Les producteurs récoltant à desdates différentes, ils n'apportaient plustoutes leurs récoltes au même moment sur lemarché local. Afin de chercher des marchésextérieurs, deux membres du secteur ont étéenvoyés prospecter à Yaoundé, Douala etLimbe. Trois acheteurs en gros ont été identi-fiés dans chacune de ces trois villes.

La qualité du produitet l'offre groupée pour conquérir denouveaux marchés :L'acheteur de Douala s'est montré très inté-ressé et a demandé aux producteurs d'en-voyer 150 kg de tomates avant mi-décembre2005 pour un test de résidus chimiques. Letest sur les tomates de Nowefor a eu le scorede 92,5% tandis que les autres producteursayant concouru ont eu des résultats respec-tifs de 86% et 62%. Cet acheteur2 s'estengagé à nous acheter notre production. Lapremière commande a été effectuée endécembre 2005 pour la livraison de 3 tonnesde tomates à 3 200 FCFA le seau de 20 kg(contre 3 000 FCFA sur le marché local). Lesproducteurs ont été mobilisés, certains sesont regroupés et se sont entendus sur desdates.Ils récoltèrent et livrèrent les tomates àl'acheteur basé à Douala.

Négocier de meilleursarrangements commerciauxpour mieux satisfairedurablement le marchéLe transport de la marchandise à Douala s'estavéré très contraignant,tant en termes de coûtque de manutention. Après discussion etnouvelle négociation avec l'acheteur,ce derniera accepté de prendre en charge le transport.Unnouvel accord a été trouvé, les producteurss'engageant, à la demande de l'acheteur, àrassembler leur production au niveau du village.L'acheteur vient ensuite au village, il achète laproduction et la transporte à Douala.

Les producteurs ont aussi constaté que lanature périssable des tomates exigeait que lesdates de livraison de la production soientrevues pour en tenir compte. Cela aussi a faitl'objet de discussions avec l'acheteur, qui aaccepté. Un nouvel arrangement a été trouvé,selon lequel l'acheteur indique les quantitésnécessaires pour une période de 6 mois àfournir sur une base hebdomadaire. Ainsi, uncontrat a été signé entre cette organisationpaysanne et l'acheteur sur une quantitéminimum de tomates à livrer chaque mois pourune période de six mois. Le produit est fourni àun prix constant tout au long de cette période.

Des formations adaptéespour une qualité désormaisreconnueLors de la première livraison de tomates à cetacheteur, 300 kg de tomates ont été rejetéspour mauvaise qualité. En effet, tous lesmembres n'ont pas le même niveau demaîtrise des techniques de production, ni lesmême standards de production. Ceci a amenéla filière maraîchage de Bambui à organiserune formation sur lutte intégrée et la gestiondes pesticides. Des techniques visant à limiterl'utilisation de produits chimiques ont étémises en avant. La livraison suivante detomates a atteint le score de 95,5% de satis-faction après le test. Les livraisons de mars etavril 2006 ont atteint 100%.

En avril, les paysans ont reçu une lettre de féli-citation de consommateurs de Guinée équa-toriale et du Gabon. L'acheteur a égalementdemandé aux producteurs de maintenir laqualité de leurs récoltes, évoquant la possibi-

Guillaume Fongang,Forbah David Nuijueh

NORD CAMEROUN : UNE OP RÉUSSIT LA VENTE GROUPÉE DE TOMATES

1 Réussite technique possible dans le contexte agro écologique, compatibilité avec les mœurs locales, possibilités de commercialisation à des prix compétitifs2 Nous faisons ici le choix de garder l'anonymat sur l'acheteur mais sommes prêts à fournir ses références à qui nous les demande.

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lité d'augmenter le prix d'achat dans le futurau vu de la qualité.

Un contrat bien honoréqui crée de nouveauxdébouchés commerciauxpour les jeunes rurauxdésœuvrés Entre décembre 2005 et septembre 2006,25,2 tonnes de tomates ont été fournies à cetacheteur. Ces ventes ont rapporté la sommetotale de 4 032 000 FCFA aux producteurs.Groupés, ils ont pu avoir accès à des intrants àdes prix inférieurs en provenance de Douala.Mais ce n'est pas tout… Ces exportationsmassives ont réduit l'offre de tomates sur lemarché local ; de ce fait, les producteursproduisant pour le marché local ont pu vendreà de meilleurs prix.

Une production améliorée tant sur le planqualitatif que quantitatif a incité l'acheteur àdemander d'autres productions, précisémentdes pommes de terre, de la pastèque et dupiment doux.

Les jeunes les plus désœuvrés de la commu-nauté ont trouvé un emploi dans le maraî-chage et se sont investis davantage dans lesactivités de Nowefor.

Maintenir la qualité enaugmentant la production,institutionnaliser

les pratiques pour lesrenforcer, élargir l'expé-rience : des défis majeursIl arrive que les producteurs ne puissent pasfournir les quantités requises. Il est néces-saire d'augmenter la production tout enmaintenant la qualité. La productionaugmentée permettra aussi au groupe decontacter d'autres acheteurs pour réduire lesrisques inhérents à la dépendance envers ununique acheteur.

Les autres producteurs de l'organisation ontconstaté l'augmentation des revenus émanantdu maraîchage et ont exprimé leur intérêt àrejoindre cette filière.Cela signifie qu'il existe denouveaux besoins en formation pour denouveaux membres qui s'intéressent à laproduction de tomates.

Des ressources sont nécessaires pour répondreaux demandes de production de qualité dansd'autres produits demandés par l'acheteur.L'expérience de vente groupée de Bambui a étépartagée au sein de Nowefor. Elle est expéri-mentée dans la localité de Babungo où l'on suitle même processus. La production dans cettenouvelle zone a augmenté et de nouveaux prix(4 000 FCFA par panier) ont été négociés avecles acheteurs en gros. Plus de 75 jeunes sontdésormais impliqués.

Par ailleurs,avec les ventes croissantes de tomates,l'activité connexe de fabrication de paniers3 sedéveloppe etestsource de création d'emplois.Cette expérience démontre qu'en se rassem-blant, les producteurs peuvent avoir accès à

des segments du marché qui,individuellement,leur étaient inaccessibles. Non seulement leregroupement permet d'obtenir des offres plusimportantes mais surtout il permet de faciliterles approvisionnements en intrants, d'orga-niser les formations et les échanges tech-niques, de mettre en place un système derespect des normes de production. Dans cetteexpérience, les tomates biologiques semblentêtre en demande croissante.Une frange plutôtdésavantagée de la population - les jeunes -s'est engagée dans l'agriculture.

Mais les pratiques mises en œuvre dans cetteexpérience ne sont pas institutionnalisées. Lesproducteurs apportent leurs tomates pour lacommercialisation groupée selon leur volonté.L'achat d'intrants en gros est réalisé à Douala,généralement, par des producteurs capablesde préfinancer la production.

Loin d'être acquise, la situation actuelle mériteune réflexion quant aux stratégies pour faireface aux défis et pérenniser les acquis.

Guillaume Fongang,directeur du Service d'appuiaux initiatives locales de développement (SAILDAppui),coordonnateur du programmeAgriculture durable et compétitive [email protected] SAILD,BP 11955,Yaoundé,Cameroun.www.saild.orgForbah David Nuijueh,responsable de la filièreMaraîchage de Bambui.

Cet article est extrait de la revue Grain De Seln° 37 ;déc 2006 - février 2007.Le texte est uneversion traduite et mise en forme par la rédac-tion de GDS d'un texte original en anglais dispo-nible sur le site www.inter-reseaux.org.

Petites corbeilles fabriquées dans les villages avec du matériel local. Photo : Nawefor

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Les groupements paysans traditionnels peuventjouer un rôle central dans la réalisation et le maintiend’une production durable.Arunachal Pradesh,un Etatà l'extrême nord-est de l'Inde, limité à l'ouest par leBhutan,au nord par le Tibet et à l'est par le Myanmar,possède une grande diversité ethnoculturelle, avec26 tribus majeures et 110 tribus mineures (ou sous-tribus). La région est très connue pour la richesse deson héritage éco-culturel et des connaissancesécologiques traditionnelles de ses agriculteurs. Cescommunautés ethniques gèrent différentes formesde groupements paysans qui travaillent ensemble,partagent des innovations et des idées. L'agricultureconstituant la principale source de subsistance dansla région, une gestion efficace des systèmes deproduction s'avère vitale. Les groupements paysanstraditionnels du peuple Apatani, vivant dans laApatani Valley au centre-ouest des Himalayas del'Arunachal, gèrent avec succès leurs ressourcesnaturelles depuis de nombreuses années. Maisrécemment, avec la migration des jeunes en quêted'emploi et l'arrivée d'autres ouvriers agricoles, bonnombre de ces traditions, pratiques et connais-sances sont menacées de disparition.

Le partage des connaissances et pratiques localesdéveloppées au cours des siècles au sein des groupe-ments paysans constitue un appui à la gestion desécosystèmes agricoles dans cette région. Les Apatanisont réputés pour leur système de riziculture et depisciculture dans la vallée, avec une production suffi-sante pour l'exportation et la consommation locale. Ils'agit d'un système agricole autochtone très évolué,avec une haute efficacité énergique et économique,notamment grâce au recyclage des déchets orga-niques et des résidus de récoltes.

Dans le cadre d'une recherche plus vaste danscette région peu étudiée, l'Institut G.B. Pant pourl'Environnement et le Développement de l'Himalayas'est mis à recueillir, à valider et à revitaliser lesconnaissances traditionnelles par rapport à l'agri-culture durable dans les Himalayas de l'Arunachal.Les objectifs principaux de la recherche, conduiteentre décembre 2004 et juillet 2006, consistaientà étudier les différents groupements paysans detrois villages de la vallée d'Apatani, leur rôle dans lagestion des écosystèmes agricoles et les change-

ments auxquels ils font face. Des discussions degroupe chez différentes classes d'âge Apatani onteu lieu, impliquant hommes et femmes. L'accent aété mis sur les anciens agriculteurs afin decomprendre la nature et l'histoire exactes desgroupements paysans traditionnels.

Des groupements paysanspour une gestion durableLes Apatani ont différents types de groupementspaysans traditionnels, qui ont évolué au fil desannées. Il n'existe aucune archive, d'où l'impossibi-lité de retracer leur histoire. Les Apatani observentprincipalement la religion Donyi-Polo et croientque le soleil et la lune constituent les dieuxsuprêmes qui bénissent la communauté. Ce sontdes Indo-mongoloïdes qui parlent le tibétain et lebirman. Ils ont différents tabous et coutumes pourprotéger leur environnement. Par exemple, lachasse et l'exploitation de la forêt sont stricte-ment interdites durant les principales cérémoniesrituelles. Ils protègent le Castanopsis spp., le Ficusspp., le rotin, le bambou, une espèce de singes etune espèce de poissons (Schizotorax sp.) qui estconsidérée comme sacrée et utilisée lors de cescérémonies. Ils prennent soin des roseaux(Phragmites karka) et du Houttuynia cordata (laplante caméléon) le long de la rivière et desdiguettes agricoles, dont les racines luttent contrel'érosion du sol. Le Phragmites n'est récolté quepour la fabrication de paillassons traditionnels etla préparation salée locale, tandis que leHouttuynia est utilisé uniquement pour lesbesoins ethno-médicinaux ou en tant que légume.

Ces écosystèmes agricoles doivent leur durabilité, àdes organisations solides et au partage de ces infor-mations écologiques entre agriculteurs, tradition-nellement transmises oralement, de génération engénération. La classification locale de l'utilisationde la terre agricole en sept catégories constituentdes exemples de procédés écologiques novatricesde la part de ces groupements paysans. La sagessetraditionnelle sur l'interaction culture/sol, l'ethno-pédologie, la gestion des substances nutritives,ainsi que la préservation des sols et de l'eau sontquelques exemples de connaissances écologiques

qui accompagnent le système de productiondurable dans son évolution et dont la gestiondépasse le cadre individuel.

Les Apatani possèdent huit types d'organisationspaysannes informelles (Tableau 1), chacune avec unrôle et une charge de travail qui lui sont propres. Lesgroupements sont appréciés différemment par lacommunauté.Par exemple le Bogo est perçu commeétant le groupe le plus important en raison de larareté des sources d'eau pour l'irrigation dans lavallée Apatani et pour une production efficace dansle système de rizipisciculture.

Les agriculteurs savent que les pratiques tradition-nelles sont très importantes pour la conservationd’une production durable. La plupart des agricul-teurs reconnaissent que l'absence de groupe-ments paysans réduit facilement l'efficacité de lagestion des écosystèmes agricoles et hypothè-quent rapidement les connaissances écologiquestechniques qui l'accompagnent. En dehors del'appui financier, destiné particulièrement à lalutte contre l'érosion, les clôtures et la mainte-nance du drainage, les agriculteurs ne reçoivent etne recherchent aucune intervention technolo-gique ou autre forme d'aide auprès d'organismesextérieurs. D'après les experts externes, le systèmede rizipisciculture des Apatani est l'un dessystèmes de culture les plus efficaces, encoura-geant ainsi les agriculteurs Apatani à poursuivreleurs pratiques traditionnelles.

Comme le montre ce tableau,certains groupementsont un responsable qui occupe le poste pendant 1 à 3ans,alors que pour d'autres (groupes 4,5,6 et 7), lesresponsables n'occupent le poste que pendant uneseule saison. Dans tous les cas, les responsablessont sélectionnés par le groupe et au sein de cedernier. En cas d'absence d'un membre au travail degroupe, la norme traditionnelle veut que cettepersonne soit excusée si elle est malade ou, dans lecas contraire, engage un ouvrier agricole ou paieune amende.

Certains groupes ont également un Trésorier ouPasser Binee qui collecte les fonds et gère lescomptes des groupements paysans. La caissetenue par l'organisation est normalementdestinée à l'achat d'outils nécessaires pour l'exé-cution des tâches de la communauté, mais égale-ment à la boisson et aux repas. Des prêts sontégalement disponibles au sein du groupe ou de lacommunauté, avec un taux d'intérêt de 3 % parmois. Le montant du prêt dépend de la garantie(champ, jardin de bambou ou ferme) fournie parl'emprunteur. Ce système permet non seulementd'aider les personnes dans le besoin, mais égale-ment de générer des revenus pour le travailcommunautaire. Bien que le conseil traditionnel duvillage ou Bulyang soit l'autorité suprême de la

Mihin Dollo

DES GROUPEMENTS PAYSANS TRADITIONNELS APPUIENT L'AGRICULTURE DURABLE

Maintenance du système d’irrigation.Photo : Auteur.

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communauté Apatani, son rôle dans les groupe-ments paysans est limité. Il peut,de temps à autre,intervenir en cas de litige.

La plupart de ces groupements paysans sontpermanents et reposent sur les besoins de lacommunauté et la confiance mutuelle. Ainsi, ilscontribuent au maintien de l'harmonie et de lacohésion sociales.Trois exemples de gestion collec-tive des ressources naturelles sont exposés ci-dessous.

Système d'irrigation traditionnelLe système d'irrigation Apatani est vieux de plusd'un siècle. La pratique a été revue et perfec-tionnée par le biais de l'implication de la commu-nauté et du partage équitable des ressourceshydriques. L'eau est recueillie près de la forêt sur lescontreforts de la vallée. Elle est ensuite acheminéevia les principaux canaux situés sur l'un des côtésde la vallée pour approvisionner les champs. Elle estensuite distribuée à travers de nombreux petitscanaux de sorte que chaque parcelle de terre enreçoive suffisamment pour la riziculture et la pisci-culture. L'excédent d'eau est renvoyé au canalprincipal sans fuite de matière organique. Les

champs ont été formés le long des pentes d'écou-lement. Aux niveaux les plus élevés de la vallée, leschamps sont liés à des tuyaux de bambou de petitdiamètre, où le volume d'absorption de l'eau estfaible. Les tuyaux en pin de diamètre plus grandsont utilisés aux extrémités de la partie basse de lavallée où le volume d'eau est plus important. Cessystèmes d'irrigation sont gérés par les groupe-ments paysans traditionnels dirigés par BogoAhtoh. La vision de ces groupes se traduit dans lagestion et le partage de l'eau dans la commu-nauté. Etant donné qu'elle constitue l'élément leplus important dans la culture du riz, les agricul-teurs en dépendent entièrement. La distribution

Nom local desgroupementspaysans

Bogo

Aji Lenda

Sulu-sikhii

Tanser Patang

Konchi Patang

Halying Patang

Enthee Patang

Bijee Lenda

Tableau 1.Types et mode de fonctionnement des groupements paysans traditionnels de la tribu Apatani(en italiques les appellations en langues locales)

Responsable

Bogo Ahtoh (hommes)

Lenda Kagenee(hommes/femmes)

Sulu Kagenee (hommes)

Patang Ahtoh (femmes)

Patang Ahtoh (femmes)

Patang Ahtoh (femmes)

Patang Ahtoh(hommes/femmes)

Sulu Kagenee (hommes)

Tâche

Construction et maintenancedu système de fournitured'eau et réglementation dupartage rationnel de laressource entre membres dugroupement

Construction et maintenancede sentiers pour faciliterl'accès aux champs.

Construction et maintenancedes clôtures pour protéger leschamps contre les animauxdomestiques et sauvages.

Préparation des champs etdes pépinières, semis etdésherbage.

Préparation des champs,repiquage et désherbage.

Repiquage de jeunes plants,en particulier pour le rizpaddy et le mil.

Moisson et transport de larécolte.

Construction et maintenancede sentier pour transporter lebambou, le bois et le boiscombustible.

Descriptif

Groupement paysan partageant les sources d'eaucommunes. Le responsable dirige l'ensemble desactivités du groupement. Le responsable estnommé pour 1 à 3 ans ; c'est un membre du groupe-ment. La taille du groupement varie suivant celle duvillage et va de trois à 600 ménages.

Groupement dont les champs se trouvent dans lamême zone. Le responsable dirige l'ensemble desactivités du groupement. En principe, il n'occupecette fonction que pendant une année. Le groupe-ment comprend 50 à 350 ménages.

Groupement dont les champs se trouvent dans lamême zone. Le responsable dirige l'ensemble desactivités du groupement. En principe, il n'occupecette fonction que pendant une année. Le groupe-ment comprend 50 à 350 ménages.

Groupements constitués lors des périodes depréparation et de désherbage des champs. Le grou-pement comprend 5 à 15 ménages.

Ce groupement travaille le matin, entre 5 et 8heures. Il comprend de 5 à 10 ménages.

Ce groupement se donne main- forte pour le repi-quage des jeunes plants. Le groupement comprend5 à 15 ménages.

Groupement se constitue pour se donner main-forte lors des moissons. Le groupement comprend 8à 12 ménages.

Groupement disposant de jardin de bambou dansla même localité. Là aussi, le responsable dirige l'en-semble des activités du groupement. En principe, iln'occupe cette fonction que pendant une année. Legroupement comprend 70 à 300 ménages.

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équitable a ainsi fait naître le concept de surviecollective et de cohésion sociale au sein des grou-pements paysans. Chaque propriétaire de parcelleest tenu de fournir la même quantité d'eau auxparcelles voisines et le conseil traditionnel duvillage (Bulyang) veille au respect de ces réglemen-tations. Chaque année, des travaux de réparationsont effectués sur les canaux par le biais d'uneparticipation collective, chaque ménage mettantà disposition un de ses membres pour constituer lamain d'œuvre.

Protection des champsLes Apatani ont intégré l'élevage dans leurssystèmes agricoles. Ils élèvent des bovins et lemithun (Bos frontalis, un animal semi-domestique,également appelé bison d'Inde). Même si cetteactivité est positive, de nombreux champs sontexposés aux animaux domestiques et sauvagescar la terre est proche de la forêt. Pour protéger lesrécoltes, les groupements paysans clôturent leschamps avec du bambou, du bois et du rotin. Pourune gestion plus efficace des clôtures, les agricul-teurs traditionnels ont formé un groupe appeléSulu-sikhii dirigé par Sulu Kagenee. Ce groupe estdirigé par un homme, car il exige beaucoup detravail, notamment la collecte de matièrespremières dans la forêt. La clôture est réparéechaque année en fin novembre. Durant cette acti-vité, chaque ménage concerné apporte, en guisede contribution, un bol de riz/mil (300 g) pour lerepas, ainsi que du rotin, du bambou et du boispour la clôture. Les clôtures bio de bambou et debois sont construites avec du Salix sikkimensis(espèce de saule), du Pyrus pashia (famille despoires) et du Ligustrum sp. (appelé troène, uneespèce courante utilisée pour les haies) qui sontplus durables.

Préparation des champset moissonL'entretien des sentiers, la préparation des champset des pépinières ne peuvent pas se faire individuel-lement,aussi un groupe est-il formé pour mener cesactivités et coordonner les efforts. Les agriculteurspossédant des champs près du sentier forment ungroupe pour l'entretenir. Les groupes informels pluspetits se rassemblent pour le désherbage, la prépa-ration des champs, le repiquage et la moisson. Dansces activités, les femmes jouent le rôle principal,bien que les hommes aient la responsabilité de laconstruction des diguettes et du battage desrécoltes. La moisson se fait collectivement, lesfemmes coupant les épis et les hommes effectuantle battage.

Transition :défis et alternativesLes groupements paysans traditionnels sontdésormais dans une phase de transition, principa-lement en raison des influences externes.Certaines pratiques traditionnelles de gestion desécosystèmes sont menacées de disparition enraison de l'intégration de la main d'œuvre externe.Aujourd'hui, il n'est pas rare de voir les jeunes

quitter les communautés pour aller chercher dutravail, affaiblissant ainsi la main d'œuvre tradi-tionnelle. En outre, la main d'œuvre externeenvahit de plus en plus la zone pour le sciage dubois de construction, l'extraction de pierres et larécolte de produits forestiers non ligneux. En raisondes différences socioculturelles, climatiques etphysiographiques, ces populations ont des tech-niques de gestion différentes, ce qui affaiblitsouvent les pratiques traditionnelles Apatani. LesApatani essaient de faire face à la situation enprenant conscience de l'efficacité de leur système,mais également de la nécessité de préserver leursconnaissances qui ont fait leur preuve avec letemps, en les consignant dans des documentspour les générations futures.Les influences externes ont affecté différentsaspects de la gestion des systèmes agricoles. Parexemple, la clôture barbelée a été utilisée récem-ment, alors que la clôture bio est préférable car elleest plus respectueuse de la nature et plus efficace.Dans la vallée Apatani,les herbes et arbustes vivantsont traditionnellement servi à lutter contre l'érosiondes rives du cours d'eau, mais cette méthode adisparu au fil des ans,affectant aujourd'hui les tech-niques de maîtrise des inondations. Des méthodesmodernes utilisant des constructions en béton ontremplacé les techniques de conservation des sols etde l'eau, tandis que le bambou et les tuyaux en boisutilisés dans l'approvisionnement en eau d'irrigationont cédé la place aux matériaux en plomb ou en plas-tique. En outre, la biodiversité agricole s'est dégradéeavec le temps,car les autorités ont fourni des variétésde semences à haut rendement, réduisant ainsi lespossibilités d'association des cultures. Dans lesannées 90, les agriculteurs ont accepté les conceptsde variétés à haut rendement, d'engrais non orga-nique, ou encore de culture fruitière.Toutefois, plusrécemment, ils se sont rendus compte que la produc-tion de ces « variétés à haut rendement » était infé-rieure à celle des variétés locales et, en plus, deman-daient beaucoup d'apports externes. Aujourd'hui, lesagriculteurs ont abandonné l'idée de variétés à hautrendement et retournent à leurs variétés tradition-nelles (18 variétés de riz ont été enregistrées par uneseule enquête de terrain), plus adaptées aux condi-tions locales.

Se rendant compte de l'efficacité des pratiques degestion traditionnelles, les Apatani réfléchissentaujourd'hui à la manière de préserver ces connais-sances. Par exemple, à Tajang, un village de la valléeApatani, plusieurs membres des groupementspaysans prennent part au comité de développe-ment du village, qui a joué un rôle actif dans la luttecontre la disparition des connaissances écologiqueset la préservation des pratiques traditionnelles degestion. Ils ont récemment adopté une résolutioninterdisant l'utilisation de la terre à d'autres fins,ordonnant l'arrêt de l'extraction non durable desressources naturelles.Des amendes sont égalementprévues en cas de violation des rites et pratiquestraditionnels, conformément aux normes localesexistantes (dapo). Bien que les Apatani comprennentl'importance des pratiques traditionnelles, une plusgrande prise de conscience est nécessaire d'unemanière générale, car la plupart de leurs connais-sances ancestrales ne sont transmises qu'oralement.

Regard tourné vers le futurLes groupements traditionnels sont considéréscomme étant viables et, même s'ils ont toujoursbesoin de main d'œuvre externe, ils pensent eux-mêmes être en mesure de faire face aux mutationsactuelles. Les systèmes agricoles traditionnelspeuvent tirer parti de l'utilisation de technologiesnouvelles, appropriées et basées sur les connais-sances agroécologiques novatrices des agricul-teurs. Toutefois, il est important de recueillir et derevitaliser ces connaissances qui disparaissentrapidement, car les groupements paysansévoluent et les interventions dans les commu-nautés autochtones deviennent plusnombreuses. Néanmoins, ces efforts ne porterontleurs fruits que si l'on valorise les contributions descommunautés traditionnelles et que l'on consi-dère ces dernières comme de véritables parte-naires au développement. La tribu Apatani, étantconservatrice par nature et comportant des grou-pements paysans très évolués, peut constituerune force positive pour la revitalisation desconnaissances agroécologiques novatrices dansles Himalayas de l'Arunachal.

Mihin Dollo. G.B. Pant Institute of HimalayanEnvironment and DevelopmentNorth East Unit,Vivek Vihar, Itanagar-791113,India.E-mail : [email protected]

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-DeWalt, B.R., 1994. Using indigenous know-ledge to improve agriculture and naturalresource management. Human Organization53(2): 123-131.

-P.S. Ramakrishnan et A. Kumar, 1990. EnergyFlow through an Apatani Village Ecosystemof Arunachal Pradesh in Northeast India.Human Ecology Vol. 18, no. 3.

Remerciements:L'auteur aimerait remercier le Directeur duGBPIHED, de Almora (Inde) pour lui avoirpermis d'utiliser les installations ; leChercheur responsable du GBPIHED,à la NE Unit d'Itanagar (Inde) et le Dr. D.Choudhury de l'ICIMOD au Népal pour sesconseils. Ces remerciements vont égalementaux communautés paysannes Apatani pourleur coopération lors de la collecte des infor-mations et recueil de données.

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de la Communauté Économique des Étatsd'Afrique de l'Ouest (ECOWAP). Il est marquéégalement par les négociations bilatérales etmultilatérales, notamment les Accords dePartenariat Economique (APE) et, les négocia-tions commerciales multilatérales àl'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Au niveau national, le contexte est marquépar le renforcement des acteurs de la sociétécivile, notamment des organisations deproducteurs, mais aussi par l'approfondisse-ment de la libéralisation économique et par la

Un secteur agricolesénégalais en profondemutationDepuis quelques années, le secteur agricolesénégalais, est confronté à un doubleprocessus de libéralisation externe et interne.

Sur le plan international,l'environnement restemarqué par l'élaboration de politiques agri-coles à l'échelle régionale, notamment la miseen œuvre de la Politique Agricole de l'UnionÉconomique et Monétaire Ouest Africaine(PAU); et l'élaboration de la politique agricole

mise en œuvre de la Loi d'Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) qui interpelle tous lesacteurs. La LOASP constitue depuis 2004 lecadre légal de développement de l'agricul-ture sénégalaise pour les 20 prochainesannées, à travers la modernisation de l'ex-ploitation agricole familiale et la promotionde l'entreprenariat agricole et rural. Leprocessus d'élaboration des décrets d'appli-cation est en cours en 2007.

Depuis plusieurs années il est noté unedégradation continue du niveau de vie desruraux, ceci malgré les efforts des multiplesacteurs notamment les organisationspaysannes (OP). Les politiques n'ont pas étébénéfiques aux paysans, au contraire, ellesont aggravé leurs conditions de vie et lapauvreté devient insupportable. L'avenirn'est pas certain et cette tendance peutcontinuer. Les OP ont déjà réagi mais l'effortest à redoubler et de nouveaux défis sont àrelever au niveau local, national et interna-tional ; que ce soit dans la réduction de lapauvreté, le renforcement de l'organisationdu monde rural ou encore la modernisationdes exploitations agricoles.

Une vision sur la gestiondes transformations en coursLa FONGS s'est trouvée dans la nécessité derépondre à trois questions fondamentales :1. Comment faire pour que le paysan fasse

vivre et développe son exploitation ? 2.Comment faire pour que le paysan puisse

faire fasse face aux politiques libérales ? 3.Comment faire pour que le paysan recons-

truise et consolide les structures de base qui constituent son "périmètre de sécurité" (famille, communauté villageoise et inter-villageoise, groupements villageois, unions,associations, etc.) ?

En 2002, la FONGS a procédé à une lectureglobale de l'évolution de la conditionpaysanne sur le plan national qui lui a permisde formuler une vision politique et écono-mique paysanne pour construire autrementle futur du monde rural. Cette vision estexprimée dans son "document d'orientationstratégique" de juillet 2002 (voir encadré).

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Daouda Diagne

LA FONGS : UNE VISION PAYSANNE POUR UNENOUVELLE ÉCONOMIE RURALE SÉNÉGALAISE

La Fédération des Organisations NonGouvernementales du Sénégal (FONGS) estl'émanation de 3 000 groupements villageoiset touche plus de 2 millions de personnesdont 65 % de femmes. Créée en 1976 sur l'ini-tiative de 09 leaders d'associationspaysannes, elle a été reconnue officiellementle 12 octobre 1978 comme une organisation àvocation socio-économique sans but lucratif.La FONGS est un mouvement paysan auto-nome qui compte aujourd'hui plus de 150 000membres actifs regroupés dans 32 associa-tions paysannes de dimensions variéesréparties sur l'ensemble des 11 régions duSénégal. Son siège est à Thiès, à 70 km deDakar.

Dès ses origines, la FONGS s'est donnéecomme finalité de constituer un mouvementassociatif fort qui réhabilite le statut et l'iden-tité du paysan par le biais de la responsabilisa-tion et de l'autonomie dans la solidarité dansl'objectif de faire face aux défis qui interpel-lent le monde rural.

Elle vise les buts suivants :• Développer les capacités d'autonomie des

structures paysannes membres ;• Consolider la solidarité inter associative ;• Favoriser la responsabilisation de ses membres

à travers des programmes de communication,de formation et de renforcement de capacités appropriées ;

• Permettre aux paysans de mieux vivre chez eux et de jouer un rôle moteur dans le déve-

loppement local.Pour ce faire, elle se doit de remplir trois conditions :

• Etre reconnue dans son identité et ses valeurs en s'appuyant sur celle-ci pour impulser l'auto développement des terroirs villageois ;

• Valoriser les ressources humaines,naturelles,techniques et économiques ;

• Promouvoir des systèmes et des modes de production durables allant dans le sens de la sécurité alimentaire.

Depuis sa création, la FONGS a connu uneévolution marquée par trois étapes :• avant 1989 : naissance, croissance et crise ;• de 1989 à 2001 : phase de redynamisation à

travers dix ans de démarche programme avec un consortium de partenaires ;

• depuis 2002 : redéfinition d'une nouvelle vision.La FONGS propose ainsi " une vision poli-tique et économique paysanne pour construire autrementle futur du monde rural sénégalais " ;cette vision est portée par deux outils :

• le Fonds d'Appui aux Initiatives Rurales (FAIR) ;• le Programme pour Autonomiser la Réflexion

et l'Action Durable (PARAD).• depuis 2007 : confirmation de la vision et

redéfinition du PARAD 2.

Fédération des Organisations Non Gouvernementales du Sénégal :FONGS- ACTION PAYSANNEB.P. 269 THIES,Tél. 939 58 58 Fax : 951.23 52@ : [email protected] Web : www.fongs.sn

La FONGS une dynamique paysannede plus de 150 000 membres

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Une production deconnaissances paysannesPour réaliser sa vison, la Fongs a élaboré unprogramme dénommé PARAD (Programmepour Autonomiser la Réflexion et l'ActionDurable). Les activités ont démarré par une

auto analyse paysanne de l'environnement etdes pratiques des associations membres àtravers une approche par zones agro-écolo-giques. En partant des six zones éco-géogra-phiques déterminées, les associations ontanalysé leur milieu avec leurs propres critères.

Cet important travail de diagnostic et decaractérisation a permis de déterminer 6grandes zones agro-écologiques (ZAE) quirecoupent sensiblement celles du CSE.Cependant, la prise en compte de la dimen-sion socio-économique et culturelle a permisd'affiner les critères d'analyse. Ainsi, 46 sous-zones ont été déterminées d'après la lecturedes paysans et ruraux.

En 2004, la FONGS a créé dans chacune des ZAEdes pôles de compétences économiquespaysannes appelées Cellules régionales d'appuiaux initiatives économiques (CRAIES).En 2005 cescellules ont commencé à étudier les stratégiespaysannes dans chacune de leurs zones en s'ap-puyant notamment sur les bilans de campagnedes exploitations familiales. Elles ont pucommencer à repérer les bases des différenteséconomies paysannes selon les zones agro-écologiques.Elles ont pris comme point de départl'analyse de la façon dontles familles rurales assu-rent leur subsistance alimentaire (fonction "nour-ricière" de l'agriculture).

Le croisement de ces analyses a permis derepérer des différences et des constantes etd'esquisser une typologie des économies ruralessénégalaises dégageant trois cas de figure :

Cette vision repose d'abord sur :

- Une économie de promotion et non d'exploi-tation à des seules fins de recherche de profit.Les actions économiques à promouvoirdoivent d'abord permettre aux ruraux de vivrecorrectement dans les villages et d'avoir desperspectives d'avenir dans un monde ruralsécurisé. Pour redonner l'espoir aux ruraux, ilfaudra que soient assurées les conditions d'undéveloppement plus équilibré entre villes etcampagnes garantissant le devenir à longterme de la communauté nationale.

- Une économie profitable qui assure unvolume d'activité et des revenus suffisantsaux ruraux en exploitant mieux les ressourcesde base des terroirs, en y apportant unevaleur ajoutée et en diversifiant les activités

agricoles et non agricoles par la reconstruc-tion de "chaînes" de « production / transfor-mation / commercialisation / services » quipermettra de relancer l'économie rurale.

- Une économie durable, soucieuse de lareconstitution des ressources naturelles et del'entretien des mécanismes sociaux permet-tant de gérer un "vivre ensemble" solidaire.

- Une économie équitable (s'attaquant auxcauses de la pauvreté et réduisant les inéga-lités) qui doit permettre à terme d'assurer aupaysan un statut socioéconomique,une sécu-rité et des conditions de vie de même niveauque pour l'ensemble des citoyens.

Extraits du DOS de la FONGS

Une autre conception de l'économique

Auto-analyse paysanne dans les Niayes. Phato : l’auteur.

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25Connaître les réalitéspaysannes pour êtreplus efficacesUne meilleure connaissance des réalitéspaysannes a permis à la FONGS d'être plusefficace dans l'appui à ses membres maisaussi dans le développement de la capacitéd'influence des politiques agricoles.

Elle apporte une meilleure réponse auxdemandes d'appui des associations parce que :(i) les potentialités, contraintes et enjeux del'environnement économique et social sontmieux connus ; (ii) les aspects économiques etpolitiques sont mieux maîtrisés ; (iii) les critèresd'analyse pour profiler des conseils sont plusprécis. Tout ce ci permet un accompagnementdes associations et des membres plus adaptéaux réalités dans lesquelles ils vivent.Au-delà du fait que la FONGS oriente mieux sesactions à la base, elle développe un argumen-taire pertinent et défend des positions claireslors des négociations. Par exemple, elle défendl'idée que la conception des politiques agricoleset de développement rural doit prendre encompte les dynamiques en cours et considérerles exploitations familiales dans leur grandediversité. D'autre part, elle pose avec courage etacuité la question de la compréhension et del'accompagnement de la sortie de certainesfamilles de l'agriculture.

• Type 1 : "des économies et sociétés baséessur l'agriculture" : dans certaines parties dupays les activités (agriculture, élevage, pêche)permettent encore de nourrir le paysan etrestent le fondement de l'économie locale• Type 3 : "des économies et sociétésrurales nouvelles" : à l'opposé, dansd'autres parties du Sénégal, le paysan nepeut plus vivre aujourd'hui de l'agriculture, etest entré dans un nouveau type d'économiebasé sur d'autres ressources • Type 2 :"des économies et sociétés enmutation" : dans la plus grande partie du pays,c’est une situation intermédiaire aux issuesincertaines : elles peuvent tout aussi bienretrouver un équilibre autour de l'agriculture,oubasculer vers une économie non agricole.

Les trois types d'économie définispar les membres de la FONGS

Il lui est plus facile aujourd'hui d'anticiper sur lesmutations institutionnelles.En effet,il s'est avéréque les associations réagissent différemmentselon les types d'économies et de sociétésauxquels elles font face. Les changements ontdes conséquences institutionnelles,et induisentdes mutations qu'il faut maîtriser,notamment ence qui concerne l'évolution des OP au niveau duvillage (groupements,associations villageoises dedéveloppement, etc.). Le positionnement desassociations sur les dynamiques de décentralisa-tion et de développement local sera ainsi facilité.

Les bilans stratégiques et les évaluations duPARAD ont validé l'utilité et la pertinence de laproduction de connaissances paysannes.Cependant, l'introduction de la notion d'éco-nomie rurale exige :(i) une meilleure connaissancedes activités non-agricoles,etde l'élevage ;(ii) unemeilleure compréhension des flux et échangessocioéconomiques en milieu rural ; (iii) unemeilleure compréhension des logiques familialeset communautaires,d'utilisation des revenus.Ces préoccupations sont prises en comptedans le nouveau programme, le PARAD 2définie en 2007. Comme le PARAD 1, cenouveau programme va s'appuyer sur la visionpaysanne définie en 2002 dans le documentd'orientation stratégique (DOS). La pertinencede la vision paysanne est ainsi confirmée.Daouda Diagne, Responsable de l'information,la communication et la formation à la FONGSE-mail : [email protected]

1. Économie et société basées sur l’agriculture et l’élevage.

2. Économie et société en mutation.

3. Économie et société nouvelles.

Magazin de stockage de l’UGPN. Photo : Auteur

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La Vallée de Malabing se trouve au Nord-Est duCouloir de la Sierra Madre, à Nueva Vizcaya, auxPhilippines. Bien que le maïs et le riz soient toujoursles principales cultures,la production d'agrumes s'estintensifiée depuis son introduction dans la vallée audébut des années 1980.Le climat doux,les sols richeset les forêts sont des conditions exceptionnelles,favorables à la culture de diverses espèces d'agrumessur plus de mille hectares. La production d'agrumesest présentement, pour la population de la vallée, laprincipale source de revenu tiré de la ferme, et elle aégalement permis d'apporter d'importantes amélio-rations dans la communauté,par exemple,de fournirde nouvelles infrastructures, facilités et services àune vallée qui était autrefois inaccessible. La plupartde ces réalisations sont imputables aux effortsfournis par la coopérative multifonctionnelle de laVallée de Malabing.

Naissance d'une coopérativeLa création de la coopérative date du mois d'avril1989, lorsqu'un groupe de professionnels locauxdirigés par Alfonso C. Namuje Jr. a décidé d'explorerles options disponibles pour améliorer les condi-tions socioéconomiques de leurs communautésrespectives. L'une de ces options consistait àamener les agriculteurs à collaborer d'une manièreou d'une autre dans le cadre de leur travail. Cenoyau dur a d'abord formé une association d'agri-culteurs au niveau de la vallée tout en organisantd'autres groupes d'agriculteurs dans les six baran-gays ou villages de la vallée. Ils ont bénéficié dès ledépart de l'assistance des dirigeants d'une coopé-rative en place (la Bambang Fruits and VegetableGrowers Co-operative), qui organise des cours surles problèmes des coopératives ainsi que desrencontres avec les représentants de différentsgroupes d'agriculteurs. Ils ont décidé d'adopterl'idée de la création d'une coopérative qui,pour eux,était meilleure que celle de la création d'une asso-ciation d'agriculteurs.Ce groupe initial a ensuite participé à une formationvisant à renforcer leurs connaissances dans le leader-ship et la gestion de coopérative;il a par la suite invitétous les agriculteurs des six barangays à participer àun Séminaire de formation de futurs membres decoopérative. L'intérêt manifesté par l'ensemble desparticipants a mené à la création d'une coopérative àMalabing. Avec 48 membres, la Coopérative multi-fonctionnelle des agriculteurs de la Vallée deMalabing a été officiellement enregistrée en mars1990, avec pour objectif d'accorder des prêts d'in-trants agricoles pour la production d'agrumes.De prime abord, le travail était difficile : la coopéra-tive disposait d'un capital limité, les routes étantmauvaises et les installations de transport limitées,il était difficile de vendre le produit à un bon prix.Dans la mesure où la production d'agrumes exigedes investissements relativement importants, lacoopérative a sollicité un prêt de production auprès

d'une institution de financement du gouverne-ment pour augmenter son fonds de roulement.Cette démarche s'est avérée très positive dans lamesure où elle a incité davantage d'agriculteurs àl'adopter. Des cours et séminaires périodiques ontété organisés alors que les membres du bureau et lepersonnel d'encadrement ont participé à des sémi-naires sur la gestion des coopératives et les tech-niques de production d'agrumes.Créée il y a 16 ans, la coopérative compte à présent389 membres. La majorité de ses avoirs sont investisdans l'infrastructure, les installations de transport,les machines et l'équipement pour la gestion post-récolte. La coopérative a fait ses preuves en servantde catalyseur du développement dans la vallée : sesrapports avec les services de l'administration locale etavec d'autres organisations non gouvernementalesl'ont aidée à améliorer le réseau routier de la vallée.Pour être accessible aux membres et aux clientséventuels,la coopérative a implanté de manière stra-tégique son bureau commercial dans le secteurcommercial de Nueva Vizcaya. Un comptoir commer-cial a également été mis en place pour permettre auxmembres d'exposer et de vendre leurs produits.

Pour une agricultureplus durableLa Coopérative multifonctionnelle des agriculteursde la Vallée de Malabing s'est lancée dans des acti-vités de renforcement des capacités non tradition-nelles en tant que moyen d'organiser les agricul-teurs de la vallée, mais également une façon deprotéger ses ressources naturelles. La coopérativea collaboré avec des ONG et avec le gouvernementdans l'élaboration d'un cadre d'utilisation desterres pour un programme de gestion forestièreaxé sur la communauté, visant à empêcher unereconversion incontrôlée des terres forestièreslibrement accessibles à la culture d'agrumes et àd'autres activités agricoles.Le système de production promu est lié au muyong,système traditionnel des populations d'Ifugao,où lesforêts naturelles sont gérées comme des terresboisées Ces dernières servent de sources de combus-tible et de bois d'œuvre à usage local et de protectiondes micro-bassins versants. La coopérative participeactivement à la promotion du système muyong afin deveiller à ce que les intérêts commerciaux n'entraînentpas la dégradation de l'écosystème agricole.Le résultata été encourageant dans la mesure où les conditionsde couvert fermé de la forêt naturelle ont reconquis lescouverts forestiers auparavant de densité légère. Lapratique du nomadisme agricole communémentconstatée dans les forêts voisines a diminué.La production d'agrumes est favorisée en raison deson potentiel économique, mais également en tantqu'option durable. Environ 800 familles de la valléede Malabing dont la plupart sont membres de lacoopérative, pratiquent actuellement la cultured'agrumes.Le patrimoine génétique des agrumes est

géré par la coopérative grâce à une installation depépinières. Cette pratique permet de garantir uneproduction de semis exempts de maladies et laprotection des arbres arrivés à maturité. L'utilisationd'engrais organiques remplace rapidement l'applica-tion d'engrais chimiques,l'utilisation des pesticides etdes herbicides doit cependant être réduite demanière considérable.

Enseignements tirésLa création et l'évolution de la coopérative deMalabing donnent un certain nombre d'enseigne-ments fondamentaux concernant l'autonomieassistée. La coopérative a initié des activités pourattirer l'attention sur les besoins de développementde la communauté. Au lieu de rester inactive et devoir venir les choses, elle s'est lancée dans lapratique d'une agriculture à fort rapport écono-mique qui, au bout du compte, s'est avéréepayante.Entre autres enseignements tirés au coursde ces 16 années, nous pouvons noter que :• Le fait d'avoir une vision commune est un premierpas essentiel à la fondation d'une vraie coopérative.La coopérative est un produit qui exige des dirigeantsde sa communauté un véritable consensus et unevision commune. Un réel sens de l' « appropriationcollective » a été cultivé dès le départ et a parfoispermis à la coopérative de mobiliser et de soutenir uneforte participation communautaire ;• La coopérative peut faciliter un développementcommunautaire plus poussé. Le leadership institu-tionnel fort de la coopérative lui a permis de prolongerson mandat et d'intégrer des services socioécono-miques vitaux dans la communauté en établissantdes liens et un partenariat avec des organisationsgouvernementales et non gouvernementales ;• Il convient d'établir l'équilibre entre le leadershiptraditionnel et la gestion professionnelle. La solideculture autochtone de la communauté a été unesource de détection de leaders traditionnels sur quion a pu compter, qui ont exercé l'autorité avecrespect. Toutefois, les aînés ont jugé sage d'encou-rager les jeunes professionnels à accepter des rôlesde direction. A ce titre, la coopérative est gérée aveccompétence par un groupe de jeunes qui ont fait desétudes supérieures, qui ont vu les promesses d'unevie meilleure en retournant dans leur communauté.Dans le même temps, cette expérience a montréqu'une gestion convenable des ressources naturellesest essentielle à un système de productiond'agrumes durable. Pendant ses années d'activités,la coopérative s'est érigée en défenseur acharné del'agriculteur durable sur la base de l'appréciation dela nécessité d'équilibrer la production alimentaire parrapport à la conservation de l'écosystème forestier.

Cristina Salvosa.Assistant Professor,Nueva Vizcaya StateUniversity,Bayombong,Nueva Vizcaya,the Philippines.E-mail : [email protected]

Cristina R. Salvosa

COOPÉRATIVE DES AGRICULTEURSDE LA MALABING VALLEY AUX PHILIPPINES

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Les organisations paysannes apparaissentcomme un levier pour l'amélioration de l'accèsdes producteurs aux marchés. En consé-quence, les décideurs et les spécialistes dudéveloppement s'emploient à soutenir lespetits producteurs afin qu'ils puissent s'asso-cier, collaborer et coordonner leurs efforts envue de réaliser des économies d'échelle dansleurs transactions avec les fournisseurs d'in-trants et acheteurs. L'enthousiasme pour lesorganisations paysannes a parfois occulté lefait que la création d'organisations viablesn'est pas un processus simple. C'est souventun défi d'établir les règles sur lesquelles sontbasées les organisations paysannes et de faireobserver ces règles. Parfois, la création d'orga-nisations paysannes entraîne des frais detransaction qui, s'ils sont trop élevés, peuventdonner à penser que les agriculteurs auraientmieux fait de ne pas s'organiser. En outre, uneassociation prospère exige souvent descompétences en matière de gestion et destalents d'entrepreneur qui peuvent manquerchez producteurs et les services professionnelsde gestion coûtent cher.Il convient donc d'examiner ce que nousentendons par organisations paysannes et demieux comprendre quand elles ont un sens,quand elles n'en ont pas et comment ellespeuvent être mieux établies et maintenues. Ilfaut davantage d'informations sur les typesd'organisations les plus appropriés s'il enexiste, si le secteur public et/ou privé est mieuxplacé pour soutenir leur formation ainsi que lesconditions nécessaires pour garantir leur viabi-lité économique. Nous explorons ces questionsdans le contexte des légumes à fort rapportéconomique au Honduras et à El Salvador,ainsique le maïs, produit de base au Mexique.

Les légumes en AmériquecentraleEn Amérique centrale, le commerce deslégumes a augmenté de manière considé-rable depuis le début des années 1980, enraison de l'urbanisation d'une part et de l'ac-croissement des revenus d'autre part. Lesorganisations de développement ont favoriséla croissance dans la production et le marke-ting des plantes à très fort rapport écono-mique dans des environnements à flanc decoteau en vue de compléter les systèmes deproduction de maïs et de haricot des petitsexploitants les plus traditionnels. De 2004 à2005, le Centre International d'AgricultureTropicale (CIAT), l'Organisation des Nations

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Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture(FAO), l'Agropyme project of Swisscontact et leCatholic Relief Services (CRS) ont cherché desstratégies visant à favoriser la participationdes petits exploitations aux chaînes d'appro-visionnement en légumes liées aux supermar-chés locaux : un secteur d'interventionsconcernant le rôle des organisationspaysannes. Trois organisations officielles deproducteurs d'El Salvador et deux duHonduras ont fait l'objet d'enquêtes. Diversesméthodes ont été utilisées pour analyser l'his-toire des chaînes de valeur; les rapports entreles acteurs de la chaîne (agriculteurs, intermé-diaires et supermarchés), la santé et la viabi-lité financières des organisations paysannes.COHORSIL est une coopérative agricole duHonduras fondée en 1980 et traditionnelle-ment axée sur la production, la transforma-tion et le marketing du café. Face à la baissedes prix du café, la coopérative a envisagé dediversifier ses activités. Avec un financementde la Suisse, elle s'est orientée vers la produc-tion et la commercialisation des légumes frais.COHORSIL a élaboré un plan d'activités et veilléà ce que ses membres aient accès aux semisproduits dans des serres et autres entrepôts ;à des facilités de conditionnement et auxservices de commercialisation. La coopérativeapprovisionne directement ces membrescontre paiement et elle a établi des liens avecles fournisseurs privés qui offrent des servicesspécialisés tels que l'analyse du sol, l'assis-tance technique et l'installation de systèmesd'irrigation au goutte-à-goutte.La plupart desmembres de la coopérative peuvent produiredes légumes qui répondent aux normes dequalité des supermarchés locaux.Cela semble être une expérience réussie etl'est, à bien des égards. Cependant, l'équipechargée de l'enquête a découvert que lesorganisations paysannes obtiennent un trèsfaible pourcentage du prix à la consommation: 3 % au Honduras, et 6 % à El Salvador. Lacombinaison de petits volumes et de margesfaibles signifie que plusieurs des organisa-tions paysannes étudiées ont besoin desubventions pour couvrir les coûts opération-nels en dépit de l'apport important fourni parles donateurs et les agences de développe-ment pendant de longues périodes.Si ces subventions fournissaient l'accès auxmarchés à un nombre important de petitsexploitants, il y aurait un soutien constant de lapart du secteur public ou du donateur.Cependant, cela ne s'est pas produit : en dépit

d'investissements importants en temps et enressources financières, les organisations deproducteurs existant dans les deux pays repré-sentent moins de 5 % de l'ensemble des produc-teurs horticoles de chacun de ces deux pays.Entre autres raisons on compte : les compé-tences limitées en affaires au sein des organisa-tions de producteurs, les modèles organisation-nels qui sont trop coûteux du point de vue dutemps et des ressources financières pour établirun lien entre les petits exploitants et lesmarchés dynamiques et enfin,l'incertitude rela-tive aux avantages que les petits exploitantspeuvent attendre du réseau de supermarchés.L'étude explore des formules de substitution àl'organisation paysanne qui pourraientréaliser des résultats socioéconomiques simi-laires voire meilleurs à un coût global plusfaible. Une possibilité pleine de promesses estle modèle d'agriculteur principal actuellementdéveloppé par le secteur privé. Ce modèle estbasé sur des structures organiques qui sedéveloppent autour des producteurs et quiont montré leur aptitude à répondre auxexigences qualitatives et quantitatives dessupermarchés. Les supermarchés encoura-gent les principaux agriculteurs à s'organiserpour soutenir leurs voisins afin qu'ils répon-dent à ces exigences, avec peu d'investisse-ment, au-delà de la prime fournie par lesdébouchés. L'investissement initial en tempset en argent dans les modèles d'agriculteurprincipal est beaucoup plus faible que lesmodèles promus par les agences de dévelop-pement. Une autre question qui se pose estcelle de savoir quels sont les avantages quel'organisation paysanne tire d'un meilleuraccès aux intrants tels que les semences et aucrédit plutôt que des chaînes de valeur de laproduction. Le travail effectué au Mexiquejette la lumière sur cet aspect.

Le maïs du MexiqueLe maïs est cultivé au Mexique depuis 6000ans environ et revêt une très grande impor-tance économique pour des millions de petitsproducteurs, particulièrement dans le Sud dupays. Depuis 2005, le Centre internationalpour l'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT)et la FAO ont participé aux travaux derecherche de l'impact des marchés sur lagestion du maïs par l'agriculteur, dans l'Etatdu Chiapas, au Sud du pays.A la différence des légumes d'Amériquecentrale, les auteurs n'ont trouvé aucunexemple de cultivateurs de maïs travaillant

LES ORGANISATIONS PAYSANNES EN QUESTIONJon Hellin,Mark Lundy et Madelon Meijer

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Développement rural. La demande est supé-rieure à l'offre alors que théoriquement, lesagriculteurs individuels peuvent accéder à lasubvention, mais ils ont davantage de chancede recevoir des semences subventionnées s'ilsen font la demande en tant que groupe. Lasubvention aux semences encourage donc lesagriculteurs à s'organiser.Ensuite, les distributeurs de semences ? quireprésentent différentes entreprises ? préfè-rent de loin travailler avec des groupes d'agri-culteurs dans la mesure où ils réduisent leurscoûts commerciaux. En conséquence, les orga-nisations paysannes peuvent négocier demeilleurs prix. La communauté de RobladaGrande illustre les avantages de l'auto organi-sation des agriculteurs lorsqu'il s'agit d'acheterles semences. En 2006, un groupe d'agricul-teurs de Roblada Grande a fait une demandeacceptée par le Ministère pour plus de 800 sacsde semences subventionnées. L'organisation adécidé d'acheter des semences de maïs hybrideà haut rendement. Chaque sac de semencesest normalement vendu à 940 pesos (88US$)mais les agriculteurs ont décidé d'acheter lessemences chez un distributeur et ils ont essayéde négocier le prix pour le ramener à 860 pesos(80$US). Avec la subvention, les agriculteursont fini par acheter le sac à 560 pesos (52$US).De plus, le distributeur de semences a trans-porté les semences à la communauté sans fraissupplémentaires.

Organisations paysanneset accès aux marchésCes exemples montrent qu'il est très rare queles organisations paysannes s'organisentspontanément sur une base formelle et noninformelle : le soutien est souvent nécessaireà la création et aux performances soutenuesdes organisations paysannes. A El Salvador etau Honduras, les organisations paysannesobtiennent un très petit pourcentage du prixfinal à la consommation et les volumes peuimportants de produits ajoutés aux faiblesmarges signifient que les subventionsactuelles sont probablement nécessairespour couvrir les coûts opérationnels. Alors quele climat politique de ces deux dernièresdécennies a été hostile aux subventions, lerôle primordial des secteurs privé et publicdans la participation au développement agri-cole est de plus en plus reconnu.S'il existe des raisons de « relancer » les organisa-tions paysannes avec de l'argent public,cet argentdoit être utiliser de manière à promouvoir,au lieud'exclure, l'investissement du secteur privé. Celapermet à l'Etat de se retirer à mesure que la crois-sance économique se poursuit.Il convientdonc d'al-lier des compétences et expériences en gestion auxdifférentes formes d'organisations paysannes.Une

ensemble pour accéder aux marchés du maïs-grain. Les agriculteurs rapportent qu'il n'y aaucun avantage à créer une organisationpour vendre les graines. Cela est dû en partieau fait que c'est le gouvernement qui fixe leprix des graines que reçoivent les agriculteurset ces derniers reçoivent les mêmes prix, quelque soit le type de maïs qu'ils cultivent. Enoutre, les coûts de transaction liés à l'accèsaux marchés sont relativement faibles : il y atellement d'acheteurs et de vendeurs que lesorganisations paysannes auraient peu d'im-pact sur les prix, par exemple. Il existe toute-fois des exemples de localités où les produc-teurs se sont organisés pour avoir accès auxintrants tels que les semences, les engrais etle crédit. Ces organisations paysannes à la foisinformelles et éphémères ont été encoura-gées par les programmes de soutien public àl'agriculture qui fournissent des intrants. Lescultivateurs de maïs ont, en général, formédes organisations pour deux raisons : tirerpartie de l'assistance de la vulgarisationsubventionnée et avoir accès aux semencesde maïs subventionnées. Depuis le milieu desannées 1990, les vulgarisateurs privés connusau plan local sous le nom de despachos ontfourni une assistance technique aux petitsexploitants. Les despachos ne travaillent pasavec des agriculteurs individuels, d'où lanécessité d'organiser les paysans en groupe.Les despachos aident les agriculteurs àaccéder au crédit qui est accordé à de faiblestaux d'intérêt. Le crédit est lié à un dossiertechnique subventionné par le gouverne-ment qui comporte un ensemble d'intrants :engrais, pesticides, herbicides et semences.Les despachos gagnent de l'argent envendant ce dossier technique à des groupesd'agriculteurs. Le système subventionné abien fonctionné pendant de nombreusesannées mais, récemment, le maïs est devenumoins rentable, les agriculteurs n'ont pasréglé les échéances de leurs emprunts et lesbanques sont moins intéressées à prêter auxgroupes d'agriculteurs. Le nombre de despa-chos a baissé depuis le milieu des années 1990et la poursuite de cette vulgarisationpublique/privée reste encore incertaine.Les agriculteurs peuvent également avoiraccès aux semences de maïs subventionnéespar d'autres moyens. Cette subvention varied'une année à l'autre, mais, en 2006 lemontant de la subvention du gouvernementétait de 300 pesos mexicains (28$US) par sacde semences à raison de deux sacs par agricul-teur. Chaque sac contient assez de semencespour un champ d'un hectare. En fonction dutype de semence, la subvention couvre de 30à 100 % du coût des semences. Pour accéder àla subvention, les agriculteurs doiventadresser une demande au Ministère du

des raisons qui justifient l'échec des organisationspaysannes est que,encouragées par les agencesde développement elles se fixent des objectifsirréalistes. En effet, ces agences souhaitentaméliorer l'accès des agriculteurs aux marchés maisne reconnaissent pas totalement les contraintesliées à leur réalisation par une action collective.Dans certains cas,il vaut mieux mettre en relationles agriculteurs avec les fournisseurs de servicesspécialisés plutôt que d'ajouter des fonctionssupplémentaires aux organisations paysannesdéjà surchargées de travail.Les agences de développement peuvent jouerun rôle très important dans la facilitation dudéveloppement de l'organisation paysanne,particulièrement dans les premières phases,mais une plus grande attention doit êtreaccordée aux questions ci-après : « une organi-sation agricole pourquoi faire ? » et « une foisorganisés, avec qui pourrons-nous établir unpartenariat ? » En ce qui concerne l'accès auxmarchés,notre recherche nous a suggéré que lesavantages de l'organisation paysanne officiellesont plus évidents dans le secteur des légumescaractérisé par ses coûts de transaction élevésliés à l'accès aux marchés. En cas de récoltes deproduits comme le maïs,il se peut que les agricul-teurs n'aient pas intérêt à s'organiser pour desventes sur le marché ; cependant, les organisa-tions paysannes peuvent bénéficier d'unmeilleur accès aux intrants agricoles et auxservices technologiques. En outre, ces avan-tages peuvent être garantis par des organisa-tions informelles, voire éphémères plutôt quepar des organisations officielles plus exigeantes.

Jon Hellin. Impact,Targetting andAssessment Unit, International Maize andWheat Improvement Center, CIMMYT.E-mail : [email protected] Lundy. Senior Research Fellow with therural Agro-enterprise Development Project,International Center for Tropical Agriculture,CIAT.E-mail : [email protected] Meijer. Associate ProfessionalOfficer, Food and Agricultural Organization ofthe United Nations (FAO).Références-Berdegué, J., 2002. Learning to beatCochrane's treadmill. Public policy, marketsand social learning in Chile's small-scale agri-culture. In Leeuwis, C. and R. Pyburn (eds.),Wheelbarrows full of frogs: Social learning inrural resource management.Van Gorkum,Assen,The Netherlands.-Food and Agriculture Organization. 2004.The State of Agricultural Commodity Markets.FAO, Rome, Italy.-Miehlbradt, A.O. and M. McVay, 2005. FromBDS to making markets work for the poor.International Labour Organization, Geneva,Switzerland.-Stringfellow, R., J. Coulter,T. Lucey, C.McKone, and A. Hussain, 1997. Improving theaccess of smallholders to agricultural servicesin Sub-Saharan Africa: farmer cooperationand the role of the donor community. NaturalResource Perspectives, No. OverseasDevelopment Institute (ODI), London, U.K.

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Les agriculteurs de Bwipa, village éloigné,situé dans le district d'Ileje, dans la région sudde Mbeya en Tanzanie, cultivent régulière-ment le maïs, la banane, la pomme de terre etle riz des hautes terres. La variété de maïs laplus souvent semée dans cette région est unevariété hybride à haut rendement qui estsujette à la maladie et aux attaques desravageurs. Si on la compare aux variétéslocales, le maïs hybride a moins de goût etcoûte plus cher, non seulement en raison duprix de la semence, mais aussi du coût de l'en-grais. En outre, à cause de ce caractèrehybride, les agriculteurs sont tenus d'acheterde nouvelles graines tous les ans, sinon lesrendements chutent. Cette situation géné-rale s'est compliquée davantage, en 2003, enraison de la pénurie de semences.Cette situa-tion a entraîné la formation d'un groupe d'en-traide avec pour objectif précis de garantir ladisponibilité de semences de bonne qualité.L'exemple a été donné par une agricultrice,Mme Mattei qui, après avoir constaté qu'ilétait difficile d'acheter des semences de maïsplusieurs années de suite, a décidé de seprocurer quelques épis d'une variété locale.

Mme Mattei s'est procurée quelques épis d'unmaïs dénommé kobo au cours d'une visitequ'elle effectuait chez des parents à Chunya,un autre district de la même région.Contrairement au maïs hybride, le maïs kobomûrit très vite, est plus savoureux, tolèremieux les parasites et les maladies, ne néces-site pas beaucoup d'engrais et ses semencesse trouvent facilement. Mieux encore, lesagriculteurs peuvent utiliser les semencesstockées après la dernière récolte de la saisonen étant sûrs de n'affecter ni la production nile rendement. Les agriculteurs de Bwipaavaient cependant cessé de cultiver le kobo,son rendement global étant plus faible quecelui du maïs hybride. Lorsqu'elle a ramené cesépis à la maison, Mme Mattei les a stockés eta semé les graines dans son champ. Malgré larareté des pluies au cours de cette saison, ellea pu récolter suffisamment de maïs pour safamille, alors que la récolte de ses voisins étaitplutôt médiocre. Ils se sont rendus compte,encore une fois, que les semences de maïshybride ont un mauvais rendement au coursdes saisons de faible pluviosité.

Quand le maïs organiseC'est alors que l'idée de former un groupe deconservation des graines a été lancée, suiteaux expériences précédentes avec la forma-tion de groupes d'agriculteurs dans la région.Dans le cadre de ses activités de vulgarisa-tion, le gouvernement a favorisé des groupeset organisations paysans. Les agriculteurs deBwipa ont décidé de former un groupe localen vue de conserver les graines de variétéslocales. Ils ont commencé par aménager unendroit où ils pourraient stocker les semencesdes cultures pratiquées dans la région. Lesvariétés locales de maïs, haricot, mil rouge,citrouille, concombre et bien d'autres ont été,dans un premier temps, stockées dans unedes maisons d'un membre du groupe qui s'estproposé pour garder les semences du groupe.Après avoir tenu plusieurs réunions, ils ontdécidé d'utiliser différents méthodes et typesde structures de stockage, allant des réci-pients et gourdes en argile aux silos locauxconnus sous le nom de dali. Ces méthodes ontété traditionnellement utilisées dans cetterégion, bien que l'introduction de sacs en juteait rendu leur utilisation moins courante.

Le groupe a décidé par la suite que chaquemembre apporterait des semences de diffé-rentes cultures, ils procéderont ensuite à deséchanges, ce qui permettrait à chacun d'euxd'avoir un stock de semences diversifié. Ilsorganiseraient alors des rencontres régu-lières pour réfléchir sur l'état de leurs stocks etpour informer les autres membres de l'exis-

tence éventuelle de semences d'autres loca-lités qu'ils pourraient également envisager destocker. Les graines disponibles seraient alorspartagées. La plupart ont opté pour l'installa-tion d'un dali chez eux, en construisant un siloen tiges de bambou. Le feu de cuisson endessous du dali y laisse échapper de la fuméequi protège ainsi les graines contre lesinsectes. Les agriculteurs utilisent égalementles cendres de foyer pour éloigner les insecteset conserver les graines. Les graines de cesdalis sont protégées contre les insectespendant trois ans.

Tirer partie des réalisationsLes agriculteurs de Bwipa estiment que leurgroupement de production de semencesreste à consolider. Au nombre des difficultésrencontrées, ils ont constaté que certainsmembres, face à des problèmes personnels,consomment les semences stockées. Desdiscussions sont donc en cours à propos del'option de centralisation du stockage etd'une gestion tournante.

Toutefois, au-delà de ces difficultés, les résul-tats obtenus par ce groupe sont déjà visibles.Les graines stockées pendant plusieurs moisont déjà été semées et récoltées. Bien que lerendement ne soit pas élevé, surtout si on lecompare à celui du maïs hybride, leurs avan-tages résident dans la garantie de récoltemême lorsque les conditions sont incertaines.Les agriculteurs font également mention desavantages d'une plus grande diversité desemences : plus les variétés de semences stoc-kées sont différentes, plus la production seradiversifiée. L'esprit de groupe qui se développede plus en plus, est manifeste et favoriseconsidérablement la créativité. Par exemple,sur la base des premiers résultats enregistrés,le groupe envisage de se lancer dans unprogramme d'épargne et de crédit et dansd'autres activités. Tout récemment, il a étéconseillé au groupe de s'inscrire officiellementsur la liste des agriculteurs régionaux et d'inté-grer leur réseau pour pouvoir ainsi échangerdes expériences avec d'autres groupes.

Malamba Clement Mwangosi. Ministry ofLivestock Development / Ileje Farmers'Network. Box 175, Ileje, Mbeya,Tanzania.E-mail : [email protected]

Malamba Clement Mwangosi

S'ORGANISER EN VUE DE PRÉSERVERLES SEMENCES LOCALES

Un membre du groupe montre fiérement lessemences de maïs et de haricots qu’il a stocké.

Photo : Auteur.

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La Nouvelle Zélande est communémentperçue comme un pays très vert, couvert debuissons, de prairies et de belles montagnesenneigées. Ces images sont réelles, mais l'on ytrouve de vastes zones très sèches. EasternMarlborough, au Nord de la South Island, faitpartie de ces prairies sèches. Une chaîne demontagnes connues sous le nom d'Alpes duSud l'isole des systèmes de pluie d'Ouestdominants qui traversent la mer de Tasman.L'élevage du mouton y est pratiqué depuis 165ans, lorsque les premiers colons européensont exploité ces prairies ouvertes. Nosfamilles se sont installées dans ce district il y a87 ans, lorsque mon grand père y a achetéune ferme. Aujourd'hui, aidé par ma femme etmon fils aîné, j'exploite une superficie de 1100hectares où j'élève des moutons pour laviande et la laine, et des bovins pour laproduction de viande et de lait.

Nous avons une moyenne annuelle de précipi-tations de 520 mm mais, malheureusementpour nous et pour la terre, nous avons connu

en 1997, une période de sécheresse exception-nelle qui s'est poursuivie jusqu'en 2004. Lasécheresse n'a pas été persistante au long deces sept années mais nous n'avons jamais punous en remettre. Pour tous les agriculteurs dela région, ce fut une situation de crise. Poursurvivre à cette crise, il nous a fallu nécessaire-ment puiser abondamment dans notre capitalnaturel et notre terre a chèrement payé pournotre survie. Les collines sèches exposées auNord ont été fortement dégradées par le pâtu-rage excessif des moutons et les feux épiso-diques d'origine naturelle.

Changements nécessairesLa sécheresse persistente a vu la plupart desagriculteurs de la région se replier sur eux-mêmes dans la mesure où chaque famille luttepour préserver ses exploitations agricoles. Denombreux agriculteurs devaient trouver dutravail en dehors de la ferme pour soutenir leursfamilles et le travail agricole se faisait le soir etles week-ends. Pour tous, cette lutte était

menée isolément et les agriculteurs n'étaientplus disponibles pour le travail bénévole qu'ilsfaisaient avant volontier. Les organisationscommunautaires qui en dépendaient ont étésérieusement touchées. De ce fait,bon nombredes structures sociales de la région n'étaientplus subventionnées au moment où elles enavaient réellement le plus grand besoin.

Après environ trois années de sécheresse,nousavons atteint un niveau où il nous fallait abso-lument réévaluer tous nos systèmes agricoles sinous voulions vraiment survivre. Un grouped'agriculteurs locaux s'est réuni pour étudierune technologie de production de rechange etessayer d'arrêter l'immense érosion de lacouche causée par la sécheresse. En tantqu'agriculteurs, nous étions conscients d'avoirlà un problème et nous souhaitions le prendreen charge mais il nous fallait de l'aide pour luitrouver une solution.

En 1998,j'ai appris,au cours d'un séminaire orga-nisé par un phytologue de Lincoln University,

Doug Avery

CHANGEMENT DE VISION AU SOUTH EASTMARLBOROUGH

Les brebis et leurs agneaux à la ferme de l’auteur dans la Grassmere. Photo : Auteur.

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nées communautaires que nous organisons. Lasuperficie que nous exploitons est de 100 000hectares environ, mais, dès le début, nousavons décidé de travailler avec les agriculteursqui le souhaitaient et ainsi, certains agricul-teurs de la région continuent de gérer leursexploitations conformément à leurs anciennesméthodes.

Notre mission est beaucoup plus importanteque la simple recherche d'une série d'options degestion durable des terres pour le district deMarlborough qui constitue sa base et pour desrégions similaires à la Côte Est de la NouvelleZélande affectées par le climat. Il s'agit d'êtreinfluent, de changer notre manière de penserainsi que les vieilles habitudes,de préserver nosressources naturelles et de changer nossystèmes agricoles pour une durabilité à longterme. En bref, nous ne voulons pas nouscontenter de rester là à attendre la pluie. Nousapprenons à vivre en parfaite harmonie avecnotre environnement naturel.

Les éléments clés de notre organisationpaysanne sont :• La communication,dans ce sens,une commu-nauté d'intérêts a été établie. L'échange d'ex-périences et de connaissances entre lesmembres se fait par des réunions convoquéeslorsque nous avons des questions à débattre.L'organisation a également tenu un certainnombre d'ateliers pratiques et de journéescommunautaires dans la région deMarlborough, visant à fournir des rapportspériodiques sur les activités de projet entre-prises et à défier les agriculteurs locaux àpenser différemment en ce qui concerne lesméthodes de gestion de leur exploitation agri-cole. Un bulletin a été publié et régulièrementdistribué aux membres de l'organisation et auxautres parties intéressées. En outre, certainesactivités du groupe ainsi que leurs résultats,ont attiré l'attention des média locaux.

• Vision et confiance remplacent souci etisolement. L'on comprend de plus en plus quela durabilité est, par-dessus tout, une atti-tude. La durabilité n'est pas une transactioncourante avec quelques concessions, maisplutôt une nouvelle voie.

Une vision sans action n'est qu'un rêve.Une action sans vision n'est qu'une simple activité.Ensemble,la vision et l'action peuvent changer lemonde.

• Nous prenons en charge les problèmesrencontrés ainsi que leurs solutions. Despersonnes étrangères choisies assistent à laformation des membres du groupe dans le

d'aide que nous souhaitions obtenir. Ce fûtune nouvelle expérience pour nous. EnNouvelle Zélande, on avait tendance à réglerles problèmes par des mesures législatives.Malheureusement, une grande partie de cet« arrangement » a été transmise par despopulations qui ne connaissent pratiquementrien de ces problèmes et encore moins de leurssolutions pratiques. Aussi, grâce aux conseilsinestimables de Landcare Trust, le groupe a puélaborer un projet scientifique pour exploreret proposer des solutions éventuelles auxproblèmes rencontrés.

Notre groupeNotre groupe est dénommé StarboroughFlaxborough Soil Conservation Group. Lesmembres du groupe sont des agriculteurs etleurs familles ; cependant, la plupart des acti-vités sont menées par les hommes. Le Comitécentral est composé de huit personnes, maisenviron 60 autres agriculteurs de la région ontmanifesté leur intérêt et participent aux jour-

à donner directement de la luzerne fraîche auxmoutons et aux ovins. Cette expérience a ététrès intéressante, en effet, nous disposionsdéjà de 80 hectares de luzerne environ quiétaient jusqu'alors, pour la plupart, trans-formée en foin pour l'alimentation du bétailpendant l'hiver.Dans la mesure où cette cultureétait la seule de notre système agricole tradi-tionnel qui marchait bien dans des conditionsdifficiles, nous avons immédiatementcommencé à cultiver une surface beaucoupplus grande de cette formidable plante àracines profondes. Nous avons continué àréaliser de très bons résultats avec ce nouveausystème de production et d'alimentation four-ragères. Encouragé par ces résultats, le groupea décidé de mener des essais avec le sénevé(Atriplex),une espèce de fourrage locale.

Il nous a fallu encore attendre jusqu'en 2004,pour contacter, sur proposition d'un tiers, laNew Zealand Landcare Trust pour solliciter del'aide (voir encadré). Le personnel nous arencontrés pour nous demander la forme

31Evolution de Landcare

Une révolution tranquille est en cours dans lagestion des terres, révolution concernant desvoisins qui oeuvrent ensemble à l'améliorationdes terres privées et publiques. De petitsgroupes sont constitués pour résoudre lesproblèmes : l'érosion du sol, la dégradation deszones humides ou des rives ou la perte de labiodiversité. Ces groupes sont bénévoles etcomptent en grande partie sur leurs propresfonds. Ils s'instruisent mutuellement et parfoispuisent dans les ressources et services gouver-nementaux et non gouvernementaux. Cetteapproche a été adoptée pour la première foisen Australie au milieu des années 1980 sous lenom de Landcare. Landcare, c'est à la fois unestratégie de développement et un mouvementsocial dirigé par des agriculteurs. En tant questratégie de développement, Landcare vulga-rise rapidement et à moindre frais,chez les agri-culteurs démunis, des techniques agricoles deconservation, d'agroforesterie et d'autressystèmes améliorés de gestion des ressources.En tant que mouvement social, il permet à desgroupes de personnes concernées par la dégra-dation des terres et qui souhaitent oeuvrerensemble en vue d'améliorer la qualité desterres à long terme. Le mouvement Landcare aévolué au plan international et des réseauxrégionaux ont été établis en Afrique du Sud, auKenya, en Ouganda, en Allemagne, en Islande,en Tanzanie et ailleurs.

L'acquisition de technologies appropriées,l'établissement de collectivités locales effi-

caces et le partenariats avec des gouverne-ments et des ONG sont les trois principesfondamentaux qui régissent le Landcare. Lesgroupes de Landcare réagissent à des ques-tions qu'ils jugent importantes pour la localitéet trouvent, à leur manière, des solutions auxproblèmes. En d'autres termes, Landcare s'ap-puie sur des communautés très motivées quirépondent aux questions de la communautéet non aux questions imposées par un orga-nisme externe. Ces approches locales ont plusde chances d'apporter des changementspositifs et durables. Les groupes de Landcarebénéficient du soutien du gouvernement etfont participer les réseaux pour veiller à ce queles différentes idées et initiatives soientpartagées et diffusées.

Le Groupe Landcare - New Zealand est uneorganisation non gouvernementale qui faciliteaux communautés rurales une gestion durabledes terres et des projets sur la biodiversité. LeGroupe est créé par le Ministère del'Environnement et Transpower New Zealand,une société commanditaire; il est composéd'une équipe de coordonnateurs et d'unpersonnel d'appui. Les coordonnateurs régio-naux oeuvrent à la fourniture de soutien etd'informations utiles à une gestion plus durablede leurs terres, en collaboration avec d'autresgroupes du pays tels que le Starborough-Flaxbourne Soil Conservation Group.

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cadre de notre travail expérimental, par despublications et, en tant que personnesressources, au cours des journées champêtres.

Landcare Trust nous apporte son assistancedans le cadre de la gestion et de la dynamiquede groupe. Il facilite l'échange de connais-sances et d'expériences par des applicationspratiques, à mesure que nous poursuivonsnotre apprentissage et nos expériences. Iljoue un rôle important dans l'engagement dedifférents membres et favorise la participa-tion de tous en portant notre attention sur lesquestions de l'heure.

ActivitésNos activités de recherche et de développe-ment sont en partie financées par leSustainable Farming Fund (une organisationgouvernementale de la Nouvelle Zélande), leConseil du District et le Centre de Recherche deMarlborough. Les agriculteurs concernésversent une contribution qui couvrent 50% descoûts. Une partie de ces fonds est utilisée pourengager des consultants ayant une expertiseen matière de sols, de plantes de terres arides,de processus sociaux, de changements clima-tiques. Nous choisissons ces experts suite àune réunion de groupe organisée pourdiscuter de notre processus de production etdes aspects à améliorer où pour lesquelsnous souhaitons avoir une meilleure compré-hension.

Un des consultants a mené des recherches surnos sols et nous avons à présent une bienmeilleure idée des défis qui nous interpellentdans l'exploitation de ces sols impraticables,trop riches en sodium. Un expert en climato-logie étudie les effets du changement clima-tique sur la région alors qu'un autre consultantobserve le paysage, renforçant de manièreconsidérable nos connaissances sur l'écologieet ses systèmes fondamentaux. Par ailleurs, unsociologue a mené une étude sur le comporte-ment de l'agriculteur, en tenant compte de ladimension humaine de l'adaptation.

Les pluies printanières font de cette saisonnotre période de croissance la plus sûre. Lamajeure partie de notre production devraitdoncavoir lieu en cette période de l'année selonl'expert en système d'exploitation que nousavons engagé. En conséquence, nous avonsréduit la taille du bétail pendant la saison sèchede l'année, alors que l'argent a déjà été gagné,ce qui crée un système beaucoup plus viable.

Nous avons deux exploitations agricolescibles, choisies pour représenter les cultures

sèches locales concernées et où différentsprocessus sont testés avec un grand nombrede cultures sèches. L'idée qui sous-tend cetteapproche du travail de recherche et dévelop-pement est que les agriculteurs locauxdétiennent la plupart des réponses et quel'objectif ultime doit être l'apport de solutionspratiques. En outre, nous clôturons des zonesde végétation spontanée et nous plantonsdes arbres d'essence locale. Certaines collinesarides ont été plantées de sénevé, Atriplexhalimus et Atriplex nummularia. Les deuxespèces ont bien poussé et sont, neuf moisaprès, bonnes pour le pâturage, l'Atriplexhalimus étant de loin préférée par lesmoutons. Les sénevés ont créé de nouvellesconditions de microclimat, notamment deseffets d'ombre qui permettent présentementaux autres espèces de retrouver un supportdans ces terres appauvries.

Notre avenirAprès les trois premières années d'activité dugroupe, il restera à savoir ce que nous réservele futur. Cela dépendra en grande partie de ceque nous réservera le temps et du succès denos différentes adaptations. Cependant,nous prenons de nouvelles initiatives. Cetautomne, par exemple, nous allons ouvrir uneallée à travers notre exploitation agricole etson environnement. La traversée mènera lesmarcheurs des ravins où abondent arbres et

arbustes locaux peuplés de faune aviaire à lagrande colline qui surplombe le Détroit deCook et s'ouvre largement sur les vignobles etexploitations agricoles en plein essor danscette zone. De nombreuses autres initiativessont prises autour du District. Nous consta-tons progressivement de nombreux change-ments et de nouvelles idées. Un tout nouveauclimat de confiance émerge et il vise la viabi-lité à long terme, objectif merveilleux.

En 2004, le bureau du Commissaire parlemen-taire pour l'environnement a publié Growingfor Good, un livre passionnant qui nous metau défi, en tant que Néo-Zélandais, d'exa-miner soigneusement nos systèmes agricoles.La Nouvelle Zélande est le pays du monde quidépend le plus des exportations agricoles.Environ 68 % de nos richesses nationales nesont générées que par 4 % de la population:les agriculteurs, les forestiers et les pêcheurs.Nous avons une merveilleuse tradition natio-nale de production agricole de qualité et lesconnaissances acquises en ce moment nousseront utiles dans l'avenir.

Doug Avery. Chairman of the Starborough-Flaxbourne Soil Conservation GroupGrassmere, Marlborough, New Zealand.E-mail : [email protected]

Une clôture de végétation spontanée de la ferme de l’auteur visitée par des fermiers.Photo : Auteur.

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de contribuer au développement de l'agriculturefamiliale par la promotion de circuits agroalimen-taires locaux compétitifs et rémunérateurs pour lespetits producteurs. Vous pouvez aussi consulter lesfiches élaborées pour chaque pays d'intervention.

Via Campesina, Mouvementpaysan international http://www.viacampesina.org

La Vía Campesina est un mouvement internationalcomposé d'organisations paysannes de petits etmoyens agriculteurs, de travailleurs agricoles, defemmes ainsi que par des communautés indigènesd'Asie, d'Afrique, d'Amérique et d'Europe. C'est unmouvement autonome, pluraliste et indépendantde tout mouvement politique, économique ouautre. Disponible en anglais, espagnol et français,ce site nous fait vivre au jour le jour les grandsévénements et actions de lobbying et de plaidoyerdu réseau et nous présente les grands thèmes surlesquels l'organisation s'active .

Association des producteursde cotonhttp://www.aproca.net

L'Association des Producteurs de Coton Africains aété créée le 22 décembre 2004 à Cotonou au Bénin.Face à la crise de la filière coton qui affecte plus de10 millions de personnes en Afrique de l'Ouest et duCentre, des producteurs de coton de douze paysd'Afrique de l'Ouest et du Centre (Burkina Faso,Bénin, Cameroun, Côte d'ivoire, Gambie, Ghana,Guinée, Guinée Bissau, Mali, Sénégal, Tchad, Togo)se sont réunis les 21 et 22 décembre 2004 pour

Le Réseau des organisationspaysannes et de producteursde l'Afrique de l'Ouest(ROPPA) www.roppa.info

Ce réseau a été fondé en juillet 2000, lors d'unerencontre à Cotonou qui a rassemblé une centainede responsables paysans mandatés par leurs orga-nisations. Il regroupe des organisations ou "cadresde concertation" de 10 pays d'Afrique de l'Ouest(Bénin,Burkina Faso,Côte d'Ivoire,Gambie,Guinée,Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo,). Cetensemble n'est pas fermé et l'ambition, à moyenterme, est d'accueillir des organisations paysannesde l'ensemble des pays de la CEDEAO,qui représentel'Afrique de l'Ouest réelle. Vous trouverez dans cesite un ensemble de ressources documentaires surdifférentes études menées par le réseau sur le planagricole (stratégies de réflexion sur la souverainetéalimentaire, déclarations communes etc.)

Groupe Associatif CIDR http://www.groupecidr.orgCIDR Burkina /

Ce site présente les activités du groupe associatifCICR qui a pour objectif la construction et le renfor-cement d'institutions locales, régionales et natio-nales durables, au service des populations, partici-pant à la réduction de la pauvreté et à l'améliora-tion des politiques publiques.Il est actuellement présent dans une douzaine depays africains (Afrique de l'Ouest, Afrique Centrale,Afrique de l'Est, Océan Indien). Le site présente leprogramme « Entreprises de services et organisa-tions de producteurs » du groupe dont l'objectif est

analyser la crise qui touche la filière et définirensemble des stratégies de mobilisation, de posi-tionnement et d'actions qui leur permettent dedéfendre leurs intérêts.Cette rencontre des producteurs avait pour but,d'échanger sur la situation internationale afin decerner la problématique du coton dans un contexteplus global, puis analyser la situation de crise telleque vécue par chaque pays. Elle a abouti à la nais-sance de l'APROCA.Au sortir de ces travaux,l'APROCA s'est donnée pourmission de défendre les intérêts des producteursafricains dans un cadre de concertation à l'échellecontinentale.Le site de l'association donne informations sur l'en-semble des organisations membres dans les diffé-rents pays de la sous région.Vous pouvez aussi y liretoute l'actualité (événements, revue de presse)relative au plaidoyer que méne l'organisation et lesgouvernants des pays concernés par ce dossier.

La plateformehttp://www.hubrural.org/plateforme/index

Immeuble O. Thiam Gueye, Point E, rue 4 x G BP 15702CP 12524 Dakar Fann Tél. : (221) 869 39 60 - 869 38 38Fax : (221) 869 39 62 Email : [email protected]

La plateforme a pour vocation d'aider les acteursd'Afrique de l'Ouest et du Centre (Etats, organisa-tions intergouvernementales, organisations de lasociété civile, partenaires au développement) àmettre en cohérence les programmes menés endirection du monde rural. Son site nous informe defaçon détaillée sur ses activités et services et sur lesorganisations partenaires de ce programme.

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Les mouvements coopératifsen Afrique de l'ouest,Intervention de l'Etat ouorganisations paysannesDominique Gentil, ISBN : 2-85802-644-0, 270pages, édition l'Harmattan

Sur la base d'une étude comparative de cinq pays(Bénin, Haute-Volta, Mali, Niger, Sénégal), l'auteur,essaie de dégager les lois d'apparition et d'évolu-tion des organisations paysannes dans l'Afrique del'Ouest francophone, entre 1960 et 1980. Il cherchenotamment à expliquer la régularité et la diversitédes phénomènes, l'emprise de l'Etat et la faibleautonomie paysanne, la domination des notables,les conditions d'émergence et les limites des organi-sations non étatiques. Il analyse la logique despratiques des agents de "promotion" coopérativeet des paysans et émet un certain nombre depropositions pour un meilleur ajustement entre cespratiques et leur objectif officiel : "la coopérativedoit être l'affaire des coopérateurs".

Organisations paysanneset construction des pouvoirsdans le Cameroun forestierElong Joseph Gabriel, Presses universitaires deYaoundé, coll. Sociétés,Yaoundé. 2005, 151 pages.

L'auteur expose les origines de la rupture de l'assis-tance de l'Etat, montre comment émergent lesregroupements paysans et surtout comment ceux-ci se mettent à l'œuvre dans la province du Centre,

point d'ancrage de son étude. Il souligne à grandstraits le boom des GIE comme forme d'organisationadoptée par les ruraux. L'ouvrage fourmilled'exemples, d'expériences originales, de projetsinédits. Au terme de la lecture, on peut conclure parsoi-même que les pouvoirs qui se construisent dansles organisations paysannes suscitent de l'espoir.

Vía Campesina:une alternativepaysanne à la mondialisationnéolibérale Jean ZIEGLER, Jacques BERTHELOT, Jean-PierreBERLAN et al. CETIM N°23/24, 256 pages 2002CETIM, 6 rue Amat, 1202 Genève, Suisse.Tél. : +41 (0)22 731 59 63. Fax : +41 (0)22 731 91 52. E-mail : [email protected]

« Sur les 1 milliard 300 millions d'actifs agricoles que

compte l'agriculture mondiale, quelques dizaines demillions seulement, soit une infime minorité, dispo-sent d'un tracteur, 350 millions en-viron disposentde la traction animale, et près de 1 milliard (les troisquarts) n'ont qu'un outillage strictement manuel.»Pour cette immense majorité des paysans du monde,les prix internationaux sont beaucoup trop bas pourleur permettre de vivre de leur travail et de renouvelerleurs moyens de production, encore moins pour leurpermettre d'investir et de progresser. Cette concur-rence entraîne le blocage de leur développement,puis leur appauvrissement allant jusqu'à la pauvretéextrême, la faim, la famine, l'exode rural massif et legonflement des bidon-villes.» Les paysans et les paysannes,les « sans-terre »,lespeuples indigènes, comptent parmi les premièresvictimes de la mondialisation néolibérale. Riend'étonnant donc à ce que, partout dans le monde,ils résistent et luttent pour leur survie. Mais, « quiaurait pu imaginer, à l'ouverture en 1986 du dernier

cycle de négociations du GATT, des fermiers dedifférents pays marchant ensemble sur la ville dePunta del Este, qui accueillait la conférence ? »,demande la chercheuse canadienne AnnetteAurélie Desmarais. Or,quelques années plus tard, lafiction était dépassée par les faits. En mai 1993,avant même la fondation de l'OMC, des leaderspaysans du monde entier se sont retrouvés unis àMons, en Belgique, sous la bannière d'un mouve-ment paysan planétaire naissant, la VíaCampesina. Sept mois plus tard, au cours de laphase finale des négociations du GATT, plus de 5000 paysans, venus d'Europe, du Canada, desÉtats-Unis, du Japon, de l'Inde et d'Amérique latineont marché ensemble sur le GATT à Genève.»Depuis lors, les paysans et les paysannes sont à lapointe du combat contre l'OMC et pour imposer lasouveraineté alimentaire. De tous les continents,certains de leurs leaders, hommes et femmes,racontent leurs luttes et donnent chair à ce « frontcommun Nord-Sud » mis en branle par la VíaCampesina. Ce livre, réalisé par le CETIM en étroitecollaboration avec Vía Campesina, essaie de faireconnaître cette résistance paysanne, au travers dequelques exemples de luttes,et de montrer la diver-sité des domaines qu'elles abordent.

Le grand saut des organisations deproducteurs agricoles africaines :de la protection sous tutelle à lamondialisationBosc P.M., Berthomé J., Losch B., Mercoiret M.R.In : RECMA Revue internationale de l'économiesociale (2002) n 285, p. 47-62

Cet article revient sur le contexte d'émergence desorganisations paysannes qui durant les années 80se sont multipliées à la base et ont vu leurs dyna-miques fédératrices se renforcer. Cette émergencedu mouvement coopératif s'est réalisée souscontrôle de l'administration et les fonctions écono-miques officiellement reconnues et «dévolues»aux organisations de producteurs étaient stricte-ment limitées. Aussi, les organisations localesprenaient en charge des actions sociales en s'effor-çant de pallier la défaillance des pouvoirs publicsLes auteurs font le parallèle avec les nouveaux défisqui attendent les organisations paysannes à l'heureactuelle où le contexte est marqué par la libéralisa-tion économique et politique et le désengagementdes Etats. Ces organisations doivent faire face à desdemandes sociales croissantes liées à la dégrada-tion de nombreuses situations nationales.

Former et conseiller les agricul-teurs du Nord-Cameroun pourrenforcer leurs capacités deprise de décisionDjamen Nana P., Djonnewa A., Havard M., Legile A. In :Agricultures (2003) vol.12:n 4, p. 241-245

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Au Nord-Cameroun, la libéralisation de l'économieet le désengagement de l'État exigent que lesservices d'appui à l'agriculture s'orientent vers lerenforcement des capacités des producteurs. Cetouvrage présente une démarche d'aide à la déci-sion est proposée par l'Institut de recherche agri-cole pour le développement (Irad) dans le cadre duPôle de recherche appliquée au développement dessavanes d'Afrique centrale (Prasac).Elle évolue de laformation de groupes de producteurs aux bases dela gestion et aux analyses technico-économiquesvers le développement d'un conseil stratégique plusindividualisé en troisième année. Les premierseffets de cette démarche sont perceptibles chez lespratiques paysannes, laissant entrevoir à termeune amélioration de leurs performances technico-économiques et organisationnelles.

Emergence d'un dispositifde conseil d'exploitation géréau sein de la filière coton-nière burkinabéRebuffel P., Faure G, références technico-écono-miques et conseil aux exploitations agricoles : Actesde l'atelier. - Montpellier : CIRAD, 2000, p. 109-120Atelier Références technico-économiques et conseilaux exploitations agricoles,01/09/1999,Montpellier,France

Après un rappel du contexte d'intervention, cettecommunication présente les résultats d'unerecherche-action sur la conception et la mise enplace d'un dispositif de conseil d'exploitations, afinde répondre aux besoins des producteurs et de lafilière cotonnière du Burkina. L'opération s'inscritdans la dynamique des expériences de conseil degestion aux exploitations menées dans cette zone(quelle zone ?) depuis 1993. La gestion par l'Unionnationale des producteurs de coton d'un conseild'exploitation et la mise en place d'un conseil à laproduction cotonnière par la société cotonnière(Sofitex) nécessitent des adaptations de laméthode et des outils. Les questions soulevées parle changement d'échelle sont discutées.

Diversité des formes d'organi-sation des producteurs de rizet de coton au Mali :évolutionset perspectives pour un déve-loppement agricole durable[Organisations professionnelles]. [Cd-Rom]Bélières J.F., Barret L., Djouara H.Les institutions du développement durable des agri-cultures du Sud : journées SFER de Montpellier, 7-9novembre 2005. - Paris : SFER, 2005, 20 p.Journées SFER 2005 sur les institutions du dévelop-pement durable des agricultures du Sud, 2005-11-07/2005-11-09, Montpellier, France

Cette communication traite du rôle des organisa-tions paysannes du Sud dans l'élaboration de poli-tiques publiques pour un développement agricoledurable. Le cas malien présenté a pour objetd'aborder les questions clés et d'en tirer deséléments de discussions. C'est avant tout undiagnostic partagé par les auteurs sur la situationet les évolutions récentes des organisationspaysannes dans les principales zones d'investisse-ments publics agricoles que sont la zone Office duNiger et la zone cotonnière. Dans ces zones, lesorganisations paysannes se sont multipliées, audébut,initiées par les sociétés d'encadrement.Maisil n'y a pas eu d'incitation à la création de fédéra-tions pour constituer de véritables partenaires tantdans les activités économiques que pour la repré-sentation des producteurs. Ce sont les syndicats,créés à l'initiative des paysans, qui représentent lesproducteurs et à qui ont été transféré des fonc-tions d'approvisionnement. La privatisation de lafilière cotonnière et les option pour l'extension dudomaine aménagé de l'Office du Niger sont à l'ori-gine de nouvelles interrogations et de nouvellesinitiatives sur le rôle des organisations paysannespur assumer des fonctions économiques, participerà la gestion des filières et représenter les produc-teurs et le monde rural notamment dans l'élabora-tion des politiques publiques.

Etats désengagés, paysansengagés, Perspectiveset nouveaux rôles des organisa-tions paysannes en Afriqueet en Amérique latineTRANCHANT, J.P.GEYSER : Groupe d'Etudes et deServices pour l'Economie des Ressources 1998 ; Ruehaute, 34270 Claret, France

Cette réflexion s'appuie sur sept études de casréalisées dans le cadre de la recherche-actionanimée par le CIRAD (Centre de coopération inter-nationale en recherche agronomique pour le déve-loppement) et sur six autres exemples d'organisa-tions paysannes en Afrique et en Amérique latine.Ce dossier concentre beaucoup de vécu à travers lesnombreuses expériences qui y sont relatées.L'approche théorique et l'intellectualisation d'unedémarche paysanne semblent bien loin des aspira-tions de la base, mais on y trouve une vision d'en-semble et un riche comparatif des différentes expé-riences.

Agriculture viable et rôle desorganisations agricoles Collection :Spore ;spore 32, Éditeur:CTA ;FIPA. 21,rueChaptal, 75009-Paris-France

«Les agriculteurs doivent être à la base de laprogrammation du développement rural» telle estl'idée de base de cet ouvrage issue d'un colloqueFIPA-CTA ayant réuni des dirigeants agricoles des

pays en développement à Adélaïde, en Australie,sur le thème Agriculture viable et rôle des organisa-tions agricoles. L'objet principal de ce document estde faire connaître les réalisations récentes de laFIPA concernant ces questions primordiales et depromouvoir une plus grande reconnaissance du rôledes organisations agricoles dans la réalisation dessystèmes d'exploitation viables. Destiné aux orga-nisations d'agriculteurs et aux responsables desdécisions en matière de développement, ce manuelvise à présenter le point de vue des agriculteurs et àformuler des suggestions constructives pour lesactions à entreprendre.

Les organisations paysanneset rurales des acteurs dudéveloppement en Afriquesub-saharienneGroupe de travail « Etat et organisations rurales »du Réseau GAO - Chaire de sociologie rurale Institutnational Agronomique 1995, 84 pages, 16, rueClaude Bernard 75231 Paris Cedex 05 France

Les groupements paysans sont amenés depuisquelques années à jouer en Afrique un plus grandrôle social, économique et probablement politique.Extrêmement variés par leurs origines, leurs buts,leurs membres et leurs bénéficiaires et confrontés àdes exigences diverses sinon divergentes de la partde leurs partenaires (Etat, bailleurs de fonds,ONG...) que sont aujourd'hui les groupementspaysans et que pourraient-ils être demain ? Unmouvement paysan autonome est-il en train denaître à la faveur du désengagement de l'Etat dansles campagnes et dans certaines filières ?Le Réseau GAO (Groupements Associations villa-geoises Organisations paysannes), fort de 2000membres dont les deux tiers sont africains et prèsde la moitié des gens de terrain, a travaillé pendantdeux ans sur le thème des organisations paysanneset rurales en Afrique sub-saharienne. Il livre aujour-d'hui, dans un document d'une centaine de pages,le produit d'une réflexion très riche étayée par debrefs points de vue de leaders paysans et par lesopinions des meilleurs spécialistes.De courts récits d'expériences (crédit rural au Bénin,radio rurale au Mali...) jalonnent cette étude dontl'objectif est de relancer le débat en dégageant lesquestions susceptibles d'aider les groupements etleurs partenaires à situer leur action.

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Le district de San Luis se trouve dans les hautes Andes,à385 km au nord de Lima, la capitale du Pérou.Lapauvreté y est très répandue. L'accès aux services debase est très limité et la moitié de la population estanalphabète. Malgré l'altitude, l'agriculture constituela principale activité des habitants du district, lesquelscultivent essentiellement des pommes de terre etd'autres tubercules pour la consommation. A cette alti-tude, les rendements n'ont jamais été élevés mais, aucours des trois dernières décennies, la situation aempiré. La division des terres de la communauté, ainsique le taux vertigineux de croissance démographique,ont conduit au surpâturage et à la disparition de laquasi totalité du couvert arboricole. La dégradation desressources naturelles est manifeste avec la disparitiondes forêts natives,de la flore et de la faune locales,ainsique la baisse de la productivité dans le district.

Le programme national de conservation des sols duministère de l'agriculture, connu sous le nom de PRONA-MACHCS (Programa Nacional de Manejo de CuencasHidrográficas y Conservación de Suelos),a démarré à SanLuis en 1996. Ils ont commencé par mettre sur pied des «comités chargés de la conservation »,composés de grou-pements paysans avec lequel le programme collabore surla conservation des sols. En réponse aux initiatives dePRONAMACHCS, ces comités villageois ont construit desterrasses et conçu des systèmes d'agroforesterie.Chaque comité travaille dans son village et aux alentours.

Dans leurs efforts de renforcer leur impact, les leadersde trois de ces comités villageois ont proposé la forma-tion de grands groupements, pour être en mesure detravailler au niveau du district.Finalement,les leaders de tous les comités villageois ontfondé un seul groupement.

Sa tâche consistait à appuyer les comités villageois, àorganiser des rencontres périodiques et à suivre etévaluer leurs activités. Toutefois, dans la pratique, iljouait principalement le rôle d'intermédiaire entrePRONAMACHCS et les comités villageois pour desdemandes de fonds ou, simplement, pour coordonnerdes visites régulières dans chaque village.

L'organisation d'uneassociation paysanneEn 1998, avec un financement de la Banque Mondialeet du gouvernement central, PRONAMACHCS acommencé à mettre en œuvre un nouveau projet degestion des ressources naturelles dans les différenteszones des hautes terres péruviennes. San Luis et cinqautres districts ont été sélectionnés comme zonepilote, avec pour objectif, de « mettre en place uneapproche participative pour la gestion des ressourcesnaturelles ». L'avantage à San Luis est que les agricul-teurs ont déjà essayé de travailler ensemble par le biaisdes comités villageois et du groupement du district. Laformation d'une association efficace contribuerait à lamise en œuvre du nouveau projet, mais elle défendraitégalement leurs propres intérêts en représentantchacun dans le district.

L'équipe du projet a commencé par identifier lescomités, organisations et institutions en place dansles 19 villages du district. Dans chaque village setenaient des réunions pour identifier les principalesdifficultés et déterminer les actions prioritairesfutures. Après plusieurs mois, les leaders de 16 villagesont formé l'Association pour la Gestion de la ligne departage des eaux de San Luis, en adoptant immédia-tement ses statuts et en élisant ses représentants.Elle a été officiellement enregistrée en octobre 2002.Pour le moment, l'association dispose d'un petitbureau dans la capitale du district, qui accueille tousles jeudis les représentants des villages ainsi que lesagriculteurs ou représentants d'autres institutions.Des assemblées générales se tiennent tous les troismois, au cours desquelles les dirigeants de l'associa-tion présentent toutes les activités mises en œuvre ettous les résultats obtenus. L'une des questions régu-lièrement débattues est celle de l'utilisation des fondsde l'association. Chaque village verse une cotisationmensuelle de 50 soles (environ 15 $ US), affectée auxdépenses courantes de l'association.

Quatre ans plus tardLa première difficulté rencontrée est liée à la tentatived'impliquer tous les villages du district. Cette initiatives'est révélée particulièrement pertinente dans lamesure où l'association considère le district comme uneseule entité. Trois villages ont décidé de rester à l'écartpour plusieurs raisons :d'une part, les villageois ne sontpas propriétaires de la terre qu'ils exploitent et, d'autrepart, le village est trop proche de la capitale du districtet l'agriculture n'y constitue pas la principale activité.Plus tard, deux autres villages ont décidé d'arrêterleurs cotisations et ont été par conséquent exclus. Laprise de décision sur une question particulièreconstitue également une autre difficulté. Cette situa-tion s'est particulièrement manifestée lors del'ébauche des statuts de l'association.

Contrairement aux premiers comités villageois, l'asso-ciation s'est toujours portée volontaire pour repré-senter l'ensemble du district. L'autre pas positif a étéd'inviter d'autres institutions présentes dans la zoneaux rencontres et discussions : écoles et autoritéséducatives, église, autorités politiques et même lapolice. Leur participation a été active, avec à la clé desrésultats intéressants. En revanche,il a été plus difficiled'obtenir une représentativité au niveau du village, carles agriculteurs avaient le sentiment que leur représen-tant ne faisait pas le travail qu'il fallait, ou encore qu'ilne les représentait pas réellement.Des élections démo-cratiques ont été promues au niveau du village, enveillant à ce que l'association ne représente pas seule-ment les intérêts du comité local ou de ceux qui sontplus proches du projet du ministère de l'agriculture.Au cours de la première année, un programme deformation complet a été mis en œuvre, avec des coursen administration et en gestion financière de base.Selon les agriculteurs, l'un des aspects les plus intéres-sants est que ces cours ne sont pas centrés sur les acti-vités ou objectifs spécifiques du projet, mais plutôt sur

les besoins de l'association elle-même. Ils ont reconnula nature ouverte des cours, qui encouragent la parti-cipation de tous les villageois. Les autorités et autresinstitutions ont été invitées à y prendre part. Les agri-culteurs ont perçu cette démarche comme un moyenpositif de présenter leurs idées et intérêts, contri-buant ainsi à l'identification des activités de l'associa-tion et à la définition de leur propre rôle. La principaledifficulté est liée à la participation des femmes et desagriculteurs analphabètes.

Résultats et défis futursTous ces efforts ont véritablement commencé à porterleurs fruits à la fin de 2002, lorsque le gouvernementprovincial a invité l'association à participer à la Mesa deConcertación Provincial, l'organe représentant toutesles institutions et organisations de la province. Les agri-culteurs de San Luis ont présenté leur point de vue parrapport aux plans esquissés et mis en œuvre dans toutela province. En reconnaissant l'importance d'une bonnegestion des ressources naturelles dans ce district, lesdiscussions de la Mesa ont convaincu les autoritésrégionales à allouer 54 000 soles (environ 17 000 $ US) àun projet de reforestation à San Luis.

Une participation active des dirigeants de l'associa-tion a également généré d'autres résultats concrets.Les négociations avec les représentants du ministèrede l'agriculture ont conduit à la construction d'unréservoir de 2000 m3 au bénéfice de 285 familles. Leministère de l'agriculture, la mairie et l'église ontégalement apporté un financement supplémentairepour des projets de production à petite échelle(production de truites, boulangerie, cochons d'Inde)conduits par différents villages. Un autre accord a étésigné avec le représentant du gouvernement centralet la police, dont l'objectif est de prévenir les feux debrousse et de protéger les ressources du district.

Après plusieurs années de collaboration, les agricul-teurs de San Luis ont reconnu l'importance de lagestion des ressources pour garantir des rendementsdurables. Bien que le travail des comités villageois aitdonné quelques résultats au niveau du village, celuide l'association a convaincu ses membres de l'avan-tage de travailler ensemble à un niveau supérieur,dans une perspective à plus long terme. Les résultatspositifs ont incité l'association à réfléchir au-delà desquestions de gestion des ressources naturelles. Desdiscussions ont déjà eu lieu sur la nécessité de colla-borer sur la production bio, le marketing et la commer-cialisation de la production locale, et même sur desquestions de santé et d'éducation.

Cesar Gonzales. Coordonnateur, PRONAMACHCS,Agencia Zonal C.F. Fitzcarrald, Ancash. PasajeTrinitarias 375, Nicrupampa, Huaraz, Peru. E-mail :[email protected]

Cesar Gonzales

DES COMITÉS LOCAUX À UNE ASSOCIATIONDE DISTRICT