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Richard Abibon
Origine et fin « Et comme un cœur bien né qui, sans chercher d’excuse, fait son propre désir du
désir du prochain sitôt qu’il s’est traduit par un signe quelconque, telle la belle dame, ayant saisi ma main, se mit en marche et dit, en se tournant vers Stace d’un geste gracieux : « Viens, accompagne-‐le !» » Purgatoire XXIII
J’ai isolé ce vers de Dante pour ce qu’il nous interpelle en rapport à notre questionnement sur le désir de l’analyste. Est-‐ce que, pour nous, le désir de l’analyste doit s’effacer devant le désir de l’analysant ? Je reprendrais volontiers ici la distinction apportée par Bernard Balavoine à l’occasion de notre précédent colloque : désir d’analyse et désir de l’analyste. Le premier serait celui qui réunit les deux protagonistes. Tous deux souhaitent que l’analyse se fasse. Mais est-‐ce un désir au sens freudien du terme, de désir inconscient s’opposant au souhait conscient ? Le désir de l’analyste de son côté, pourrait être aussi bien du côté du souhait d’analyse de ce qui inconsciemment s’y oppose.
Approfondissons un peu. L’analysant met l’analyste en place de l’objet de son désir. L’analyste serait donc requis, en principe, de se conformer à ce désir, qui serait son désir d’analyse. Mais, comme tout sujet de l’inconscient, celui de l’analyste n’est pas toujours d’accord avec cette réduction à l’état d’objet. Il a donc tendance à se révolter et à faire valoir son statut de sujet désirant. Ça irait donc à l’encontre du désir d’analyse. Mais d’un autre côté, le véritable objet du désir de tout sujet, ce n’est pas l’autre comme objet, mais son désir. Donc si l’analyste laisse échapper par quelque signe son désir d’analyste, comme dit Dante, d’une part, ça contredit au désir d’analyse, d’autre part ça contribue à l’analyse, car le sujet ne saurait désirer un pur objet : il ne le désire qu’en raison même de ce que cet objet est aussi sujet qui désire.
Comme toujours, raisonner dans la pure théorie ne fait pas avancer les choses ; faisons donc un détour par la pratique.
Je rêve qu’un paysan se sert de la voiture que j’avais achetée à l’occasion de la naissance de ma fille, pour irriguer un champ très en pente. Ensuite j’emmène cette voiture au garage. Sur le sol de ce garage je cherche un bouchon de plastique, type bouchon de batterie ou de bouteille d’eau. Puis je me retrouve attablé avec un jeune apprenti garagiste et une jeune femme brune, tandis que le patron du garage est parti faire une course. L’apprenti nous informe de son intention de se barrer avec la caisse, en l’occurrence, une vieille Subaru. Puis, il me reproche de ne pas lui reprocher. Je lui réponds que, là, je ne dis rien, mais que, lorsque la police viendra, je lui signalerai son forfait.
En cette jeune femme brune qui n’a pas l’air de jouer un grand rôle, je reconnais l’une de mes analysantes qui, à l’époque du rêve, n’est en analyse que depuis quelques mois. En fait, c’est autour d’elle que tout tourne. L’épisode de l’irrigation du champ rapporté à la naissance de ma fille révèle mon désir d’enfanter, autant comme père en usant de la voiture phallus qui irrigue, que comme mère avec la voiture ventre qui sert à transporter. Voilà ce qui est remis en jeu par l’arrivée de cette nouvelle analysante. Or, je sais très bien que « ça ne se fait pas ». Je ne suis pas là pour réellement l’ensemencer ni pour réellement la transporter dans mon ventre. Ce ne sont que les données du transfert
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qui se mettent en place de mon côté. Mais, dans mon rêve, tout se passe comme si je me sentais coupable de ces désirs, puisque le jeune apprenti qui, lui, va se rendre coupable de voler une autre voiture, voire tout l’argent du garage, me reproche de ne pas lui reprocher. Cet apprenti garagiste n’est qu’une version de l’apprenti analyste que je suis encore, une sorte du surmoi antérieur qui rappelle à l’ordre l’analyste supposé chevronné qui serait censé être le garant de la loi. Le vol de voiture s’avère une métaphore du vol de phallus ou du ventre, donc du mésusage de ces instruments de la fécondation.
Voilà pourquoi je cherche un bouchon de plastique : dans le rêve, le veilleur n’est pas complètement endormi, il cherche un compromis avec le ça dans l’usage d’un préservatif. On le fait quand même, mais en se protégeant. Ça ne suffit pas au veilleur surmoïque qui réitère sa question en me reprochant mon manque de reproche, alors qu’il va commettre un délit avec le désir qu’on le lui reproche.
Dans une autre histoire, en fin d’analyse, je rêve que, en colère, je chasse l’analysante de mon cabinet, mais qu’elle ne cesse d’y revenir. Et je finis par m’apercevoir que c’est ma mère qui lui ouvre la porte subrepticement. Là, c’est mon côté mère qui lutte avec ma fonction de Nom-‐du-‐Père. De son côté, elle me rapporte un rêve dans lequel elle est enfermée dans une cave par des truands et, chaque fois qu’elle tente de s’évader, un homme muni d’un grand bâton la renvoie dans sa cave.
En début d’analyse il s’agit donc d’un conflit entre « mettre dedans ou pas », et en fin d’analyse, « mettre dehors ou pas ». Vu mes rêves, cela peut s’entendre en termes de conception et de naissance, faisant de l’analyse un lieu de gestation.
Il est clair que je ne suis pas là pour féconder les analysants, ni pour les garder ensuite dans mon ventre. Et pourtant si, j’y suis, au sens métaphorique du verbe féconder. Dans la première acception il s’agirait du désir de l’analyste, dans la seconde, du désir d’analyse, où il s’agit de produire du sujet. Mais c’est la parole qui va le produire, non moi, quoiqu’il faille, pour que cette parole soit féconde, que je l’entende : à élabore le fait qu’on dise, j’y ai bien ma participation. Or, je peux très bien avoir entendu un désir inconscient de cette jeune femme de se faire féconder par son analyste, ce dernier représentant son père tandis que pour moi, elle serait ma fille. Auquel cas j’aurais sans le savoir identifié mon désir, au sien, comme le « cœur bien né » évoqué par Dante. Mais, d’avoir identifié un tel désir au mien revient à agréer à l’inceste, ce qui n’est guère le fait d’un cœur bien né, ce que mon rêve n’est pas sans savoir depuis que je suis moi–même, apprenti analyste, mais aussi apprenti parlant, confronté à l’interdit de l’inceste.
Le même double sens s’institue du mot conception. Je ne suis là, ni pour concevoir les analysants comme un père, ni pour les faire concevoir, comme un amant. Mais j’ai le désir de les concevoir, surtout en début d’analyse, c'est-‐à-‐dire de m’en faire une conception, d’en élaborer un concept, non seulement parce que je ne les connais pas encore assez bien, mais encore parce que fondamentalement, je ne pourrai jamais parvenir à une représentation totale du désir de l’autre.
Le désir de l’analyste, incestueux d’une part, s’identifiant au désir de l’autre d’autre part, va à l’encontre du souhait d’analyse qui, d’une part interdit tout passage à l’acte et qui, d’autre part, vise à l’intérêt du sujet analysant. D’un autre côté, ces rêves permettent d’analyser ce qu’il en est du transfert, au moins de mon côté et va donc dans le sens du souhait d’analyse. Ainsi, paradoxalement, le désir de l’analyste et le désir d’analyse sont à la fois contradictoires et concordant.
Ne suis-‐je pas dans ce rêve, dans une attitude semblable à celle de Dante en son périple ? Il va de l’un à l’autre, damné ou élu, lui demandant : « quel est ton nom ? Quel
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est ton péché ? ». A sa façon il rêve, et nombreux sont les moments où effectivement il s’évanouit, s’endort, et rêve. Mais les moments où, éveillé, il interroge les autres, sont bien dans le cadre de son fantasme d’au-‐delà et dans le sens de son interrogation sur son identité et sa culpabilité propre. Une façon habile de pratiquer la dénégation : « c’est pas moi, c’est l’autre ». Ainsi dans mon rêve, c’est ma voiture1 qui fertilise la montagne, mais ce n’est pas moi qui conduis. C’est l’apprenti qui vole l’autre voiture, et qui me reproche de ne pas lui faire de reproche, mais c’est bien à moi comme voleur que j’adresse le reproche. Je me reproche de ne pas m’être fait le reproche d’avoir eu des désirs incestueux jusque dans le cadre de l’analyse. Pourtant, c’est bien de les avoir exprimés dans le rêve, puis d’avoir analysé ce dernier, qui va me rendre capable de les entendre lorsqu’ils seront énoncés de manière peut-‐être un peu plus explicite, par l’analysante.
Observons le voyage de Dante d’une manière un peu plus globale. La traversée des enfers, et d’une manière générale de l’au-‐delà, est sous le signe du péché. Autrement dit, sous l’égide de cet idéal de moi qu’est le père éternel, il faut mettre en place le surmoi qui va refouler les péchés dans l’enfer. C’est ce que nous faisons tous dans la petite enfance afin de conquérir notre place dans la société. Nous refoulons donc les désirs incestueux et les désirs de meurtre à l’égard des rivaux, sachant qu’ils vont dès lors persister dans l’inconscient, comme ils persistent dans l’enfer, comme socle sur lequel nous allons pouvoir poser nos pieds : l’enfer se situe au centre de la terre. Or, que font les enfants lorsqu’ils en sont à leurs apprentissages du refoulement ? Ils renvoient leurs péchés dans le passé, dans le lieu même de leur désir fondamental : le ventre de la mère, enfer et paradis, objet du désir et des luttes qu’il a engendrées du fait même d’être l’objet du désir d’autres personnes, père, frères et sœurs, les rivaux. C’est ce que j’ai repéré dans mes propres rêves et ceux de pas mal d’analysants. C’est le cheminement d’une analyse, dit en d’autres termes, « traversée du fantasme », et c’est le cheminement de Dante, parcourant rétroactivement le chemin jalonné par toutes les tentations de l’enfance. L’analogie se poursuit dans le compagnonnage de Virgile, qui fait office de guide, comme l’analyste pour l’analysant.
Voici une illustration décrivant le voyage de Dante :
1 Voiture = phallus = P.339 « ce ver fautif qui perfore le monde (Belzébuth) »
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On y voit clairement la terre comme ventre féminin avec, juste sous une forêt pubienne, l’ouverture vaginale dans le rôle d’entrée des enfers où rougeoient les flammes des désirs refoulés. Au centre trône le diable, dans une position inversée haut et bas, dit Dante, ce qui n’est pas respecté dans cette illustration. Je l’interprète comme dans un rêve : puisque c’est en passant par le corps du diable que Virgile et Dante sortirons des enfers, je le lis comme une sortie à l’envers du ventre maternel, une naissance par l’anus2, ainsi que les enfants se l’imaginent.
Le voyage de Dante aux enfers trouve là son analogie avec une gestation suivie d’une naissance dans un monde où il faudra encore se purger des restes de désirs interdits, comme ce qui se passe dans l’enfance. Le voyage analytique suivra la même métaphore, à cette différence près qu’il ne s’agit pas de se purifier mais de reconnaitre son propre clivage dans lequel on ne cesse de renouveler le refoulement des désirs interdits, qui de leur côté ne cessent de tenter de refaire surface.
D’autres représentations évoquent des enroulements intestinaux débouchant inéluctablement sur ce diable l’envers, comme celle-‐ci de Botticelli :
2 P. 339 : « tu as rejoint l’hémisphère opposé » Dante se trouve donc entre les
deux hémisphères ! P 341, « … par le trou d’un rocher qu’il a creusé….nous prîmes ce chemin caché… jusqu’à ce que je voie des choses belles que le ciel porte, par le rond d’un pertuis ». La Divine Comédie, Editions de la Différence.
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Les descriptions de Dante en termes de bolges et de fosses circulaires vont dans
le sens de l’imaginaire enfantin du ventre maternel, dans lequel la merde côtoie les rivaux maudits.
L’enfer contient les représentations des désirs interdits, mais pas seulement. Avec tout l’au-‐delà, il constitue une représentation de ce que nous ne pouvons pas nous représenter : la mort. La Divine Comédie n’est dans son ensemble qu’un substitut de cette représentation impossible, destinée à canaliser l’angoisse de la mort. Or, nous avons vu que son contenu pouvait bien être lu comme un lieu des refoulements organisés dans l’enfance. L’impossible de la représentation de la fin de la vie trouve donc un substitut dans les interdits de ses commencements, et rejoint donc cet autre impossible, celui de la représentation de l’origine. C’est dans ce but que les enfants refoulent leur passé récent en projection de remplacement pour le mystère de leur conception, gestation et naissance. C’est ainsi que la vie humaine se referme en une boucle représentative tournant autour de l’impossible à représenter, à la façon d’une bande de Moebius ou du schéma du chapitre VII de L’interprétation des rêves.
L’angoisse de mort rejoint l’angoisse devant le châtiment qui n’épargne personne quelle que soit la douceur des parents : la castration, qui, présentée comme telle, est déjà l’explication que les enfants se donnent pour se représenter la différence des sexes. L’absence de phallus se recoupe ici avec l’absence de représentation de l’origine. Ça tombe bien, puisqu’il s’agit du même lieu. Tout cela constitue ce que Freud avait appelé le refoulement originaire, dont on voit à présent comment il attire à lui les représentations refoulées : l’impossible se nourrit de l’interdit, ce qu’on ne peut pas se représenter trouve compensation dans ce qu’il est interdit de se représenter. Voilà pourquoi le voyage de Dante, comme notre voyage à tous, terrestre, s’accomplit sous l’égide de la culpabilité. Si je tiens à l’écart les représentations des objets interdits et des actes interdits, je gagnerai une représentation de moi-‐même là où il est impossible qu’il y en ait : dans l’en-‐deçà comme dans l’au-‐delà, c'est-‐à-‐dire là où j’ai justement rangé les représentations refoulées.
Voici comment Jérôme Bosch représente l’arrivée des défunts dans l’au-‐delà. On y reconnaît le tunnel que décrivent tous ceux qui ont expérimenté de très près l’approche la mort (NDE). Au-‐delà, la lumière divine. Mais qu’aperçoivent les défunts parvenus à
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l’orée du tunnel, c'est-‐à-‐dire dans la partie gauche du dyptique ? Un jardin où trône, sur la colline, une colonne fichée dans une vasque.
Sans doute à lire, d’un côté, comme la fontaine de l’éternelle jouvence, mais de
l’autre, comme la conjonction sexuelle qui pourrait bien être celle de leur propre engendrement, puisqu’ils naissent à un nouveau monde. De même, n’ayant aucune représentation disponible du passage de la vie à la mort, ils ont imaginé ce tunnel avec ce que ça leur a évoqué de plus semblable, à savoir le tunnel de chair que nous avons tous dû dévaler à notre naissance. La pente en était préparée par le refoulement de l’enfance qui rejetait déjà dans le passé les enfers et les paradis vécus dans la douloureuse confrontation à l’éducation et les douces consolations obtenues de maman. La scène finitive3, impossible, trouve un substitut en une scène primitive tout aussi impossible, mais nourrie de toutes les représentations interdites de la conception et de l’inceste.
Dans cette illustration de Gustave Doré, l’Empyrée, séjour de dieu, prend curieusement cette même forme de tunnel. Comme si la sortie de la vie, la sortie des enfers, et l’arrivée au séjour divin empruntait toujours les mêmes « voies naturelles ».
3 J’emprunte le terme forgé par Daniel Bonetti in Nouvelles d’absence,
L’Harmattan
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Dans cette autre œuvre de Bosch, représentant l’enfer, le parcours du damné
s’inscrit dans cette problématique comme un parcours à l’intérieur du corps. La naissance combine alors les deux orifices, celui de la mort, représenté par la fosse d’aisance où doivent disparaître toutes les merdes et les inutilités de ce monde, et celui de la vie, symbolisé par cette bulle transparente qui n’est pas sans évoquer la poche des eaux.
Compte tenu du rêve que j’ai analysé précédemment, qui n’est qu’un exemple
parmi d’autres, tous de même structure, je pense pouvoir présenter la psychanalyse comme un parcours à l’intérieur d’un corps, longue gestation du sujet entre conception et naissance, analogue au parcours de Dante rejoignant dans l’au-‐delà l’en-‐deçà, parcours de la fin à l’origine.
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Puisque nous en sommes à cette coupure séparant un corps de l’autre par la naissance, un sexe d’un autre par la castration, un corps de la vie par la mort, revenant à la confrontation d’un sexe et de l’autre dans la conception, voyons ce que la coupure peut nous permettre de théoriser d’une manière moins imaginaire. Remarquons déjà qu’à parler en termes de coupure, nous rejoignons la question du tranchant de la morale qui nous recommande d’écarter de notre acte passage à l’acte, suggestions et conseils afin d’assurer la neutralité nécessaire de l’analyste.
Nous y lisons une abstraction du parcours de l’analyse comme traversée d’un
corps symbolisé par ce tuyau tournant autour de son l’idéal, comme Dante tourne autour de l’idéal du moi représenté par son dieu. Mais ça ne se passe pas conformément à l’idéal. Une torsion supplémentaire vient interférer, rendant compte des contradictions que nous avons repérées
Neutralité nécessaire
actes interdits Suggestion, conseils, jugements,
passage à l’acte
Idéal de la psychanalyse
jugement
Réel
S
Rejet du
jugement
Rejet des actes et objets interdits
Morale M
orale
éthique
Éthique du
« je dis »
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L’écriture de la bande de Moebius, telle que je la propose permet d’y lire à la fois la coupure accomplie, par la torsion de gauche, qui sépare nettement le dessus du dessous, et ce qui résiste à la coupure, la partie jaune à droite, qui se lit à la fois dessus et dessous. Cette « face » étant à la fois dessus et dessous, elle présente la caractéristique d’un bord : c’est la structure du bord d’une feuille de papier (une dimension). Pourtant c’est une surface (deux dimensions). Cette « face » présente donc la structure de la bande de Moebius dans sa globalité : à la fois coupure et surface. L’écriture analyse cette structure en décomposant à gauche, la coupure qui s’accomplit et à droite, la surface telle qu’elle résiste.
Ainsi, cette écriture devient analyse et représentation de la structure de l’articulation du conscient à l’inconscient. Ce dernier ne connaît pas la contradiction (à la fois dessus et dessous, à la fois coupure et surface), tandis que le conscient rejette les représentations contradictoires. Elle rend compte d’une éthique du « je dis » qui prendrait en considération la contradiction inhérente à une éthique qui se décompose en trois morales contradictoires : un jugement qui rejette l’inceste et le meurtre, un jugement rejetant le jugement, ce qui rendrait possible inceste et meurtre au niveau du fantasme, et un jugement qui rejette ce rejet du jugement. L’éthique du « je dis » serait le quatrième temps de cette articulation.
Le parcours de Dante m’a épaté lorsque je me suis aperçu que, jusqu’au paradis, on trouve encore du péché et des hiérarchies qui en sont la conséquence. Seul dieu est parfait. Autrement dit, l’épée de la justice ne cesse pas de tomber. Ce qui indique une surface partout s’opposant à l’acuité de son fil. Le purgatoire, localement, témoigne de cette duplicité générale. Ainsi en est-‐il du sujet qui ne cesse de s’accuser et de se défendre des accusations qu’il se porte à lui-‐même, incapable de se départir du clivage qui le constitue, à la fois un et deux, comme les faces de la bande de Moebius.
L’analyste n’est pas mieux, bénéficiant seulement de l’avance que lui a conféré le parcours qu’il s’est imposé et qu’il ne cesse de poursuivre. Voulant se mettre au service de son analysant en bannissant le désir de l’analyste, il ne peut que constater le retour perpétuel de ce dernier qui, aussi paradoxalement que sur la bande de Moebius, va finir par concourir au désir d’analyse. L’un s’appuie sur l’autre comme la coupure sur la surface : pas l’une sans l’autre.
Jeudi 1er novembre 2012