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Revue du rhumatisme 77 (2010) 286–290 Article original Ostéomyélite de l’adulte : une entité clinique méconnue chez l’immunocompétent. À propos de six cas Cécile Gaujoux-Viala a , Valérie Zeller a,b,e,, Philippe Leclerc b,e , Valérie Chicheportiche c,e , Patrick Mamoudy b,e , Nicole Desplaces d,e , Jean-Marc Ziza a,e a Service de médecine interne et rhumatologie, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75020 Paris, France b Service de chirurgie osseuse et traumatologique, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75020 Paris, France c Service de radiologie, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75020 Paris, France d Laboratoire de biologie médicale, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75020 Paris, France e Centre de référence pour les infections ostéo-articulaires complexes, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75020 Paris, France info article Historique de l’article : Accepté le 3 juillet 2009 Disponible sur Internet le 20 avril 2010 Mots clés : Ostéomyélites Os longs Adulte Immunocompétent résumé Objectif. – L’ostéomyélite de l’adulte est rare. Elle survient classiquement sur un terrain particulier, qu’il s’agisse d’un sujet drépanocytaire ou immunodéprimé. Beaucoup plus rarement, elle concerne l’adulte immunocompétent non drépanocytaire. Le présent travail a pour but de décrire les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, biologiques et radiologiques des ostéomyélites des os longs chez l’adulte immunocompétent non drépanocytaire, ainsi que leur prise en charge. Méthodes. – Étude descriptive rétrospective incluant tous les patients immunocompétents non drépano- cytaires, hospitalisés de novembre 2002 à novembre 2008 dans notre centre pour une ostéomyélite des os longs. Dans tous les cas, les manifestations cliniques de l’infection avaient débuté à l’âge adulte sans symptomatologie d’ostéomyélite de l’enfance. Résultats. – Six cas d’ostéomyélites de l’adulte immunocompétent ont été recensés sur six ans. Le germe isolé était un Staphylococcus aureus méticilline-sensible chez quatre patients et une salmonelle (Sal- monella typhi sauvage, Salmonella enterica) chez les deux autres. Il n’y avait pas d’atteinte multifocale, ni polymicrobienne. Cliniquement, la symptomatologie était peu spécifique : insidieuse, sous forme de douleur modérée parfois accompagnée de tuméfaction sans fièvre initiale chez cinq patients responsable d’un délai diagnostique important chez trois patients. La prise en charge a été médicochirurgicale dans tous les cas. L’évolution initiale était favorable chez tous les patients (suivi médian : 15 mois ; extrêmes : 8–72). Conclusion. – L’ostéomyélite de l’adulte est un diagnostic à évoquer, y compris chez l’adulte immunocom- pétent. L’évolution prolongée et une présentation atypique de ces infections peuvent être responsables d’un délai diagnostique important. © 2010 Société Franc ¸ aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1. Introduction L’ostéomyélite est le résultat de la contamination par voie héma- togène de l’os par un ou plusieurs microorganismes. Cette infection se rencontre en général chez l’enfant avant la puberté. Elle siège alors le plus souvent au niveau de la métaphyse des os longs des membres inférieurs. Chez l’adulte, l’infection osseuse résulte le plus souvent d’une contamination directe (postchirurgicale ou après Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais sa réfé- rence anglaise dans Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2010.03.001). Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Zeller). fracture ouverte...) ou d’une atteinte par contiguïté, ne posant alors pas de problème diagnostique [1,2]. Les ostéomyélites chez l’adulte résultent le plus souvent d’un réveil d’une ostéomyélite de l’enfance. Exceptionnellement, l’affection débute après 18 ans. Elle survient alors classiquement sur un terrain particulier, notamment chez les patients drépanocytaires ou immunodéprimés [3]. Mais dans un certain nombre de cas, elle concerne l’adulte immunocom- pétent non drépanocytaire, posant des problèmes diagnostiques et thérapeutiques [4]. Le présent travail a pour objectif de décrire les caractéris- tiques épidémiologiques, cliniques, biologiques et radiologiques des ostéomyélites hématogènes des os longs chez l’adulte immu- nocompétent non drépanocytaire, ainsi que leur prise en charge, à partir d’une série rétrospective de six cas. 1169-8330/$ – see front matter © 2010 Société Franc ¸ aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2009.07.006

Ostéomyélite de l’adulte : une entité clinique méconnue chez l’immunocompétent. À propos de six cas

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écile Gaujoux-Vialaa, Valérie Zellera,b,e,∗, Philippe Leclercb,e, Valérie Chicheportichec,e,atrick Mamoudyb,e, Nicole Desplacesd,e, Jean-Marc Zizaa,e

Service de médecine interne et rhumatologie, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75020 Paris, FranceService de chirurgie osseuse et traumatologique, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75020 Paris, FranceService de radiologie, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75020 Paris, FranceLaboratoire de biologie médicale, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75020 Paris, FranceCentre de référence pour les infections ostéo-articulaires complexes, groupe hospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon,25, rue d’Avron, 75020 Paris, France

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istorique de l’article :ccepté le 3 juillet 2009isponible sur Internet le 20 avril 2010

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Objectif. – L’ostéomyélite de l’adulte est rare. Elle survient classiquement sur un terrain particulier, qu’ils’agisse d’un sujet drépanocytaire ou immunodéprimé. Beaucoup plus rarement, elle concerne l’adulteimmunocompétent non drépanocytaire. Le présent travail a pour but de décrire les caractéristiquesépidémiologiques, cliniques, biologiques et radiologiques des ostéomyélites des os longs chez l’adulteimmunocompétent non drépanocytaire, ainsi que leur prise en charge.Méthodes. – Étude descriptive rétrospective incluant tous les patients immunocompétents non drépano-cytaires, hospitalisés de novembre 2002 à novembre 2008 dans notre centre pour une ostéomyélite desos longs. Dans tous les cas, les manifestations cliniques de l’infection avaient débuté à l’âge adulte sanssymptomatologie d’ostéomyélite de l’enfance.Résultats. – Six cas d’ostéomyélites de l’adulte immunocompétent ont été recensés sur six ans. Le germeisolé était un Staphylococcus aureus méticilline-sensible chez quatre patients et une salmonelle (Sal-monella typhi sauvage, Salmonella enterica) chez les deux autres. Il n’y avait pas d’atteinte multifocale,ni polymicrobienne. Cliniquement, la symptomatologie était peu spécifique : insidieuse, sous forme dedouleur modérée parfois accompagnée de tuméfaction sans fièvre initiale chez cinq patients responsable

d’un délai diagnostique important chez trois patients. La prise en charge a été médicochirurgicale danstous les cas. L’évolution initiale était favorable chez tous les patients (suivi médian : 15 mois ; extrêmes :8–72).Conclusion. – L’ostéomyélite de l’adulte est un diagnostic à évoquer, y compris chez l’adulte immunocom-pétent. L’évolution prolongée et une présentation atypique de ces infections peuvent être responsablesd’un délai diagnostique important.

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© 2010 Société Fr

. Introduction

L’ostéomyélite est le résultat de la contamination par voie héma-ogène de l’os par un ou plusieurs microorganismes. Cette infection

e rencontre en général chez l’enfant avant la puberté. Elle siègelors le plus souvent au niveau de la métaphyse des os longs desembres inférieurs. Chez l’adulte, l’infection osseuse résulte le plus

ouvent d’une contamination directe (postchirurgicale ou après

� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais sa réfé-ence anglaise dans Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2010.03.001).∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (V. Zeller).

169-8330/$ – see front matter © 2010 Société Francaise de Rhumatologie. Publié par Elsoi:10.1016/j.rhum.2009.07.006

se de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

fracture ouverte. . .) ou d’une atteinte par contiguïté, ne posantalors pas de problème diagnostique [1,2]. Les ostéomyélites chezl’adulte résultent le plus souvent d’un réveil d’une ostéomyélite del’enfance. Exceptionnellement, l’affection débute après 18 ans. Ellesurvient alors classiquement sur un terrain particulier, notammentchez les patients drépanocytaires ou immunodéprimés [3]. Maisdans un certain nombre de cas, elle concerne l’adulte immunocom-pétent non drépanocytaire, posant des problèmes diagnostiques etthérapeutiques [4].

Le présent travail a pour objectif de décrire les caractéris-tiques épidémiologiques, cliniques, biologiques et radiologiquesdes ostéomyélites hématogènes des os longs chez l’adulte immu-nocompétent non drépanocytaire, ainsi que leur prise en charge, àpartir d’une série rétrospective de six cas.

evier Masson SAS. Tous droits réservés.

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. Méthodes

Il s’agit d’une étude observationnelle rétrospective conduiteans les services de chirurgie osseuse et de rhumatologie du groupeospitalier Diaconesses–Croix Saint-Simon. Tous les patients hos-italisés entre novembre 2002 et novembre 2008 et répondant auxritères suivants ont été inclus :

patient pris en charge pour une ostéomyélite définie parune infection osseuse de la médullaire (métaphyse ± diaphyse),acquise par voie hématogène, c’est-à-dire en absence de chirurgieou d’antécédent de fracture ouverte et avec un germe com-patible avec une infection hématogène (Staphylococcus aureus,streptocoques, entérobactéries. . .). Le diagnostic bactériologiquereposait dans tous les cas sur la présence d’au moins deux prélè-vements peropératoires osseux positifs au même germe. Tous lesprélèvements bactériologiques ont été réalisés selon une procé-dure standardisée pour les infections ostéo-articulaires [5] ;infection localisée aux os longs (fémur, tibia, fibula, humérus,radius et ulna) ;début de l’infection à l’âge adulte (≥ 18 ans) et absenced’antécédent d’ostéomyélite dans l’enfance ;patient non drépanocytaire et immunocompétent : absenced’infection par le VIH, de diabète, de néoplasie, de traite-ment immunosuppresseur, de cirrhose, d’insuffisance rénaleévoluée. . . Pour tous les patients, une sérologie VIH, une glycémieà jeun, une électrophorèse de l’hémoglobine, une électrophorèsedes protéines sériques, un bilan hépatique, ionogramme sanguin,urée, créatinine ont été réalisés.

Les données recueillies pour chaque patient ont été lesaractéristiques épidémiologiques (âge, sexe, origine ethnique),es manifestations cliniques (présence d’une fièvre, de douleur,

dème, état cutané, état fonctionnel), la présence ou non d’uneorte d’entrée, le germe en cause, le site osseux de l’infection, leélai diagnostique et les paramètres biologiques suivants : nombree leucocytes par millimètre cube, C-réactive protéine (CRP),itesse de sédimentation (VS), ainsi que la présence de signes radio-ogiques (ostéolyse centromédullaire, appositions périostées) ouRM (image d’abcès centromédullaire associée ou non à une atteintees parties molles) évocateurs d’infection.

Tous les patients ont été opérés. Le geste chirurgical a consistén un curetage, excision des tissus infectés et nécrosés avec abla-ion des séquestres. Chez trois patients des vis ont été utiliséesour la fermeture et fixation de la fenêtre osseuse. L’antibiothérapieébutée en peropératoire dès les prélèvements bactériologiqueséalisés, comportait initialement une association de deux molé-ules administrées par voie intraveineuse (au moins pour uneolécule) pendant les six premières semaines, puis par voie orale

endant six semaines supplémentaires, soit une durée totale de2 semaines d’antibiothérapie (sauf la patiente 3 traitée par voie

ntraveineuse dix jours, puis par voie orale dix semaines). Le choixes antibiotiques reposait sur les critères et les propositions deraitement déjà décrits auparavant [5].

Tous les patients ont été suivis en consultation (six semaines,rois mois, six mois, 12 mois, 24 mois) avec un examen cliniqueévaluation de la douleur, aspect de la cicatrice) et une radiogra-hie. Une NFS et CRP étaient réalisées à six semaines et trois mois. Lauérison apparente était définie par l’absence de signes inflamma-oires locaux (érythème, fistule, douleur inflammatoire), l’absencee fièvre et une NFS et CRP normales.

. Résultats

De novembre 2002 à novembre 2008, 145 patients ont étéris en charge dans notre centre pour une ostéite des os longs.

Fig. 1. Radiographie du fémur montrant une ostéolyse centromédullaire (flèchepleine), un épaississement cortical et des appositions périostées (flèche fine).

Parmi ces patients, 28 cas (19 %) d’ostéomyélites ont été dénom-brés. Seize étaient des récidives d’ostéomyélites de l’enfance et12 des ostéomyélites de l’adulte. Parmi ces 12 cas, trois patientsétaient drépanocytaires, trois immunodéprimés (néoplasie, corti-cothérapie prolongée, lupus érythémateux disséminé). Finalement,seuls six cas d’ostéomyélites chez des adultes immunocompé-tents non drépanocytaires ont été observés sur une période desix ans. Les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, biolo-giques, bactériologiques et radiologiques de ces patients figurentdans le Tableau 1. Il n’y avait pas d’atteinte multifocale, ni poly-microbienne. Cliniquement, la symptomatologie était insidieusechez trois patients, se manifestant par une douleur dans tous lescas, d’intensité modérée dans quatre cas, plus importante dansdeux cas. L’horaire inflammatoire n’était retrouvé que chez troispatients. Chez quatre patients, la douleur a été suivie d’un œdème.La fièvre n’était présente initialement que dans un cas. Elle estapparue secondairement dans deux cas. Aucune fistule cutanéen’a été observée à l’admission dans le service, mais un antécédentde fistule existait chez un patient. Aucune porte d’entrée n’a étéretrouvée. Les examens biologiques montraient une hyperleuco-cytose modérée chez trois patients et un syndrome inflammatoirefranc chez quatre patients. Radiologiquement, l’ostéolyse centro-médullaire était constante mais les appositions périostées n’étaientprésentes que dans deux cas (Fig. 1). L’IRM montrait une imaged’abcès dans tous les cas (Fig. 2). Le délai diagnostique était trèsprolongé chez trois patients, allant de quatre mois à dix ans. Cedélai important était dû chez un patient (patient 2) à un tableauclinique trompeur sans signes septiques généraux, ni locaux, unedouleur initialement intermittente, évoquant en premier lieu unepathologie rachidienne. D’ailleurs cette patiente a consulté diffé-rents professionnels de santé (médecin généraliste, rhumatologue,ostéopathe, chiropraticien, homéopathe), a recu divers traitementsqui sont restés peu efficaces (anti-inflammatoires non stéroïdiens,acide salicylique, paracétamol. . .) et a finalement été considéréecomme une personnalité pathologique avec des plaintes fonction-nelles. Deux autres patients (patients 3 et 5) ont eu une évolutionpar poussées intermittentes, engendrant une gêne fonctionnelleet des douleurs très modérées, sans fièvre chez l’un (patient 3)et avec une fièvre d’apparition très retardée chez l’autre (patient5). Chez le patient 3 qui a consulté son médecin traitant après

dix ans d’évolution de l’infection, le diagnostic de tuberculoseosseuse avait été évoquée en raison de son origine africaine et d’untableau extrêmement insidieux [6]. Deux biopsies osseuses (percu-tanée puis chirurgicale) n’ont pas permis de confirmer le diagnosticd’ostéomyélite bactérienne, malgré des cultures prolongées et un
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(2010)286–290

Tableau 1Caractéristiques des six adultes immunocompétents pris en charge pour une ostéomyélite.

Patient 1 Patient 2 Patient 3 Patient 4 Patient 5 Patient 6

Âge (années)/sexe 21/masculin 20/féminin 36/féminin 23/masculin 32/masculin 34/masculin

Origine ethnique Caucasienne Caucasienne Africaine Maghrébine Caucasienne Africaine

Localisation Radius Fémur Ulna Tibia Fémur Fémur

Prise en charge antérieurede l’infection

Non Non Non Non Oui Oui

Adressé par Orthopédiste Internet Médecin traitant Rhumatologue Rhumatologue Urgences

Délai diagnostique 3 semaines 10 mois 10 ans 2 semaines 4 mois 2 semaines

Douleur Modérée Modérée Modérée Franche Modérée ModéréeHoraire inflammatoire Évolution intermittente

puis permanente avechoraire inflammatoire

Évolutionintermittente

Horaire inflammatoire Évolution intermittente Épanchement du genou

Impotence fonctionnelle Modérée Absente Absente Franche (boiterie) Modérée Modérée

Œdème Franc Absent Modéré etintermittent

Franc Franc Absent

Fistule Absente Absente Absente Absente Absente Fistule ancienne fermée

Fièvre Apparue à 10 jours Absente Absente Absente Apparue à 94 jours Présente

Germe Salmonella enterica sub sp.enterica

S. aureus méticillinesensible

Salmonella typhi S. aureus méticilline sensible S. aureus méticillinesensible

S. aureus méticillinesensible

Leucocytes/mm3 10 590 10 980 5410 10 300 11 280 7320

CRP/VS 91/ND 136/105 12/33 6/36 160/100 259/54

Radiographies Ostéolysecentromédullaire

Ostéolysecentromédullaire

Ostéolysecentromédullaire

Ostéolysecentromédullaire

Ostéolysecentromédullaire

Ostéolysecentromédullaire

Apposition périostées Apposition périostées

IRM Abcès centromédullaire etdes parties molles

Abcès centromédullaire Abcèscentromédullaire

Abcès centromédullaire Abcès centromédullaire etdes parties molles

Abcès centromédullaire etdes parties molles

ND : non disponible.

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C. Gaujoux-Viala et al. / Revue du rhumatisme 77 (2010) 286–290 289

Fig. 2. a : IRM de cuisse en séquence T1 montrant à gauche une image centromé-dullaire en hyposignal et un œdème des parties molles (flèche pleine) ; b : IRM deccd

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uisse en séquence T1 avec injection de gadolinium montrant à gauche une imageentromédullaire en hyposignal prenant le gadolinium en périphérie et un œdèmees parties molles avec prise de gadolinium (flèche pleine).

xamen histologique montrant un granulome inflammatoire nonpécifique. Seuls les prélèvements peropératoires multiples ont misn évidence une infection à Salmonella typhi.

Le traitement était médicochirurgical dans tous les cas (cf.éthodes et Tableau 2). Après un suivi médian de 15 mois (8–72),

ous les patients ont eu une évolution favorable avec une guérisonpparente (Tableau 2).

. Discussion

L’incidence des ostéomyélites semble diminuer. Dans une étudee 275 cas d’ostéomyélites de l’enfant en Ecosse [7], les auteursapportent en 2001 une baisse de l’incidence de 87 à 42 pour00 000 personnes-années sur une période de 25 ans. Le nombre’ostéomyélites des os longs diminue alors qu’il reste stable auxutres sites. La prévalence des ostéomyélites à S. aureus est éga-ement en baisse de 55 à 31 %. En revanche, les ostéomyélites parnoculation directe ou par infection de contiguïté sont en augmen-ation [8].

À notre connaissance, il n’existe qu’une seule étude dans la litté-ature, portant spécifiquement sur les ostéomyélites hématogènese l’adulte [9]. Cette étude rétrospective ancienne a retrouvé 39 cas

’ostéomyélite de l’adulte entre 1960 et 1985. Des antécédents

nfectieux ou un contexte pathologique particulier (immunodé-ression, drépanocytose. . .) ont été retrouvés dans 19 cas sur 39.a présentation clinique différait de celle des ostéomyélites de Ta

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’enfant par une évolution insidieuse [9]. Dans une série de 25 cas’ostéomyélites hospitalisées au Congo [10], les patients étaientgés de 15 ans et plus sans que la proportion d’adulte majeure soit précisée. Parmi ces patients, 14 étaient drépanocytaires etrois infectés par le VIH. Enfin, les auteurs ne distinguaient pas lesstéomyélites apparues dans l’enfance de celles apparues à l’âgedulte. Une autre étude rétrospective de 102 cas d’ostéomyélitehronique a été menée au Burkina-Faso [11], mais sans distinctionelon l’âge du patient. L’ostéomyélite ne concernait que 27 (6 %) des54 infections osseuses rapportées par Tice et al. [12].

Au cours des six dernières années, nous avons recensé 12 cas’ostéomyélites de l’adulte pris en charge dans notre centre. Il’agissait dans tous les cas d’adultes jeunes (≤ 36 ans) dont la moitiésix cas) étaient immunodéprimés tel que décrit dans la littérature.es six autres cas concernaient des adultes sains, sans porte d’entréevidente. Le tableau clinique était insidieux, parfois trompeur, à’origine d’un retard diagnostique important chez trois patients. De

ême biologiquement, l’hyperleucocytose était toujours mineure,oire absente, et le syndrome inflammatoire, certes présent chezous les patients, était très modéré chez deux. Les radiographiestaient plus démonstratives montrant une ostéolyse centromé-ullaire dans tous les cas. En revanche, les appositions périostéestaient inconstantes. Il est important de noter qu’une destructione 50 à 75 % de la matrice osseuse est nécessaire avant d’être visibleur une radiographie [13]. L’IRM a été d’un apport diagnostiqueéterminant, mettant en évidence des images d’abcès centromé-ullaire dans tous les cas.

Dans notre série de six cas, quatre patients étaient infectésS. aureus méticilline-sensible, germe le plus fréquemment isolé

u cours de ces infections [1,2]. Mais de facon plus surprenante,ous avons isolé une salmonelle chez les deux autres patients. Ceseux cas étaient d’ailleurs les seules infections à salmonelle obser-és parmi les 28 cas d’ostéomyélites pris en charge au cours deette période. Ces données sont différentes de celles de la littéra-ure, où les infections à salmonelle touchent surtout les patientsmmunodéprimés [14]. Dans une série espagnole [15], 93 % desatients (13 sur 14) souffrant d’une infection ostéo-articulaire àalmonelle étaient immunodéprimés. De même, dans une série’ostéomyélites chroniques du Burkina-Faso [11], les infectionssalmonelles étaient exclusivement observées chez des maladesrépanocytaires (six cas).

Récemment, des facteurs de susceptibilité génétique au déve-oppement d’ostéomyélite ont été décrits. Le polymorphisme duoll-like récepteur 4 apparaît ainsi comme étant un facteur deisque pour les ostéomyélites à bacilles à Gram négatif [16]. Asensit al. ont mis en évidence une sensibilité accrue aux ostéomyélitesssociée au polymorphisme NO53 [17]. De même, le polymor-hisme du promoteur Bax gene G (-248) A est associé à une survierolongée des polynucléaires neutrophiles chez les patients ayantne ostéomyélite, pouvant intervenir dans la physiopathologie de

a maladie et sa pérennisation en empêchant l’apoptose des poly-ucléaires et en perpétuant le relargage d’enzymes protéolytiques18]. Ces variantes génétiques très spécifiques sont pour l’instantifficiles à mettre en évidence en pratique clinique courante et neermettent pas encore de rendre compte du polymorphisme desifférentes présentations cliniques des ostéomyélites.

Hormis le caractère rétrospectif, la principale limitation deotre étude est le faible nombre de patients inclus rendant dif-cile des conclusions sur cette pathologie rare, en dehors de laécessaire sensibilisation des praticiens à cette forme cliniquearticulière d’ostéomyélite de l’adulte immunocompétent. Nous

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umatisme 77 (2010) 286–290

avons observé des manifestations cliniques atténuées chez presquetous les patients (cinq sur six), différentes de celles observées aucours des formes aiguës de l’enfant. Cette présentation atypique aconduit chez trois patients à une errance diagnostique prolongéeet un retard à la prise en charge de l’infection. On peut supposerqu’un développement plus important des défenses immunitaireschez l’adulte est à l’origine de ce tableau clinique ; comme sil’infection était limitée au site osseux avec un retentissement sys-témique limité. Par ailleurs, le suivi à moyen et long terme de cespatients est insuffisant et ne peut affirmer la guérison de ces infec-tions, puisque seuls deux patients ont un suivi supérieur ou égal àdeux ans.

Cette pathologie certes rare doit donc être évoquée chez l’adultejeune, en présence d’un tableau clinique et radiologique évoca-teur. L’IRM reste alors l’examen de choix pour porter le diagnosticd’ostéomyélite. Le diagnostic bactériologique repose sur les pré-lèvements peropératoires qui doivent être multiples. La biopsieosseuse n’a pas d’indication dans cette pathologie, puisque, d’unepart, l’intervention chirurgicale est nécessaire à visée thérapeu-tique et que, d’autre part, la négativité d’un prélèvement percutanén’élimine pas formellement le diagnostic. Un bilan à la recherched’un déficit immunitaire ou d’une drépanocytose reste toujoursnécessaire.

Conflit d’intérêt

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

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