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10 L E M A G A Z I N E D U P A L A I S D E L A M É D I T E R R A N É E S tory Gamelin “Bianca mia... au palais de Nice, tu dois aller. Retrouve mon Waka. Il doit revenir entre Bandama et Comoé. C’est important pour toi.” “Bianca mia... you have to go to the ‘Palais de Nice’. Find my Waka. It has to be brought back between Bandama and Comoé. It’s important for you.”

palais de la mediterranee - nouvelle

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Pour le magazine du Palais de la Méditerranée à Nice, une histoire romanesque au coeur du palace, sur fond de magie africaine

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Story

Gam

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“Bianca mia... au palais de Nice, tu dois aller. Retrouvemon Waka. Il doit revenir entre Bandama et Comoé.C’est important pour toi.”

“Bianca mia... you have to go to the ‘Palais de Nice’.Find my Waka. It has to be brought back betweenBandama and Comoé. It’s important for you.”

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- Bonjour Sacha. Heureux de vous revoir.- Moi aussi Daniel. Comment allez-vous ?- Bien merci. Le voyage s’est bien passé ?- Une formalité. Mais j’avais hâte d’arriver. Votre message a terrible-ment excité ma curiosité. Qu’est-ce que c’est que cette histoireincroyable ? Vous l’avez trouvée ici même ?

D’un mouvement de tête, il observa les hautes colonnes qui mar-quaient la terrasse du Palais de la Méditerranée. Le soleil jouait enreflets sur les vitres des chambres de la façade derrière eux.

Racontez moi ça.

- Vous connaissez un peu l’histoire de cet hôtel. De l’ancien casinoqui dominait la Promenade des Anglais au début du siècle, il ne resteque la grande façade, un chef d’œuvre de l’art déco. Elle a été sau-vée, mais pendant des années, elle n’a caché qu’un grand trou. Puisun jour, les travaux ont repris, pour faire naître l’hôtel qui nousentoure. C’est au cours de ces travaux qu’un ouvrier, en intervenantsur une des colonnes, a découvert comme une petite niche creuséedans la pierre. À l’intérieur, il y avait une statue, des petits bouts d’oset de plumes à ses pieds. Il y avait aussi des signes cabalistiques surles parois de la niche.Je connaissais de vue cet ouvrier dont j’ai promis de taire le nom.Comme ma galerie est située juste à côté de l’hôtel, je le croisais le matin en prenantle café au bar du coin de la rue. Alors, imaginez ma surprise quand je l’ai vu entrerdans la galerie. Il avait un bleu de travail roulé qu’il tenait contre lui. Il s’est appro-ché de mon bureau, et m’a montré ce que cachait le tissu. Une statue africaine, d’unequarantaine de centimètres. “Ça ressemble un peu à ce que vous avez en vitrine”m’a-t-il dit. “J’ai pensé que ça vous intéresserait de la voir”. Il avait raison...- Moi aussi, ça m’intéresserait beaucoup.- Je m’en doute, c’est pourquoi que je vous ai appelé. Je crois que vous n’aurez pastraversé l’Atlantique pour rien. C’est une pièce exceptionnelle.- À découverte originale, objet original. Vous l’avez avec vous ?- Je n’allais pas vous faire patienter plus longtemps.

Il se pencha et sortit de sa sacoche un fourreau de cuir. Il le posa sur la table et

LE REVE DUWAKA SONA

- Good morning Sacha. It’s good to see you again.- Hi Daniel, glad to see you too. How are you?- Fine, thanks. How was the flight?- Just a formality. But I was eager to be here. Your message has real-ly aroused my curiosity. Tell me more about this incredible story.Did you find “it” here?

He glanced at the high columns on the Palais de la Méditerranée’sterrace. The sun’s rays were reflected on the façade of bedroom win-dows behind them.

Tell me everything.

- Well, you know the hotel history, right? You can still admire the Artdeco masterpiece huge façade, the only remains of the formerCasino which overlooked the Promenade des Anglia’s at the begin-ning of the century. Even if it was saved, there was just a big holebehind it for years and years. And then, one day, works wereresumed to give birth to this brand new hotel. A workman discov-ered a kind of very small wall recess inside one of the columns.There was a statue inside it, with some bones and feathers at herfeet. There were also kinds of cabalistic signs on the walls.I knew this workman by sight but he shall remain nameless. As mygallery is next to the hotel, I used to meet him in the morning while

I was having a cup of coffee, just at the corner bar. So, image how surprised I waswhen I saw him entering the gallery. He was holding a rolled overall in his hand. Hecame up to my desk and showed me what was hidden in the cloth. An African statueof about 40 cm. “Something quite similar to what is displayed in the window” hesaid. “I thought you might be interested to have a look at it”. And he was right...- Indeed, I might be interested to see it too.- I know, that’s why I called you. And I think you were right to cross the AtlanticOcean. It’s an extraordinary piece.- An original discovery implies an original object. Got it?- I couldn’t make you wait any longer.

He leaned over his leather bag, put it on the table and unveiled it. Sacha opened hiseyes wide. It was worth a jetlag.

Texte: Stéphane GamelinPhotos: S. Gamelin et Michel Johner

T H E W A K A S O N A ’ s D R E A M

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- So?- So, I would say... Africa, the Ivory Coast,Baoulé. And antique, really antique. Well... Ihave to observe the details now. But it’s def-initely a unique piece. There’s somethingspecial about it. How the hell could it be hid-den in the pillar of a Niçois luxury hotel?- Being the best Art specialist, you will haveto answer these kinds of questions. Your con-scientiousness, your knowledge and yourintegrity have made your reputation. Beforeknowing what would become of this statue,we first have to find out who it is. Welcomein the Palais de la Méditerranée, you are myguest. - I’ll have to consult my assistants in NewYork. But they’re still sleeping right now.Tonight, we’ll know more about it.- No need to ask you to keep the highest dis-cretion. I entrust you with it. Keep meinformed.

Sacha picked up the statue from its plinth. Itwas like a first one-to-one meeting. That’swhat he liked most about his job. Thisappointment between two worlds. The pri-mary energy of wood which kept its growthburst and was beaming with pure magic.This image couldn’t be more symbolic. Thestatue was not standing for a deity, it wassupposed to welcome this deity. The spiritwas INSIDE the statue. It was a depositorywhich allowed the spirit to exert an influencearound it, which seemed to be positive andpermanent at first sight.But he had not said everything to Daniel.Indeed, it was a Baoulé statue and more pre-cisely a Waka Sona which means a “woodenbeing” and also a “being from the otherworld”.Baoulé people live in the East of the IvoryCoast, at the edge of the savanna and theforest. The most famous African legendarieshave often referred to this tribe. Its culture,as well as its masks and its statues areunique and show their very close relation-ships with the forces of nature.Some details still to be checked would givehim more information about the identity ofthis statue. He took a few photos and joinedthem to the e-mail he sent to his office.The statue was now having pride of place onthe bedroom table. Behind it, through theopened window, sea and sky seemed to offerit an azure case.A smooth summer scents breeze was blowingthrough the room. He made up his mind andwent down to the third floor large terrace totake advantage of this sweet air.He sat down at a Pingala Bar’s table andordered a cup of tea. It was decorated in theHindu style. India had always fascinatedhim but he could not know everything and hewas just an expert on the huge Africa.

- He suddenly heard a voice behind him:“Beautiful isn’t it? ... or rather soothing”.He turned round and for the second timetoday, he lived an incredible face-to-faceexperience. A delightful young lady was

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l’ouvrit. Les yeux de Sacha s’écarquillèrent.Un instant comme celui-là valait bien undécalage horaire.

- Alors ?- Alors je dirais... Afrique, Côte d’Ivoire.Baoulé. Et ancien, très ancien. Ensuite... ilfaut que je l’observe plus en détail. Maisc’est bien une pièce unique. Elle a quelquechose de particulier. Comment diable a-t-elle pu se retrouver cachée dans le pilierd’un palace niçois ?- C’est à ce genre de questions qu’il vousfaudra répondre. Vous êtes le meilleur spé-cialiste d’Art premier qui soit. Votre sérieux,votre connaissance du sujet, et votre inté-grité ont fait votre réputation. Avant desavoir ce que va devenir cette statue, nousdevons déjà savoir qui elle est. Vous êtesmon hôte au Palais de la Méditerranée. - Il faudra que je consulte mes collaborateursà New York. À cette heure-ci, là-bas ils dor-ment encore. Ce soir nous en saurons déjàplus.- Je pense qu’il est superflu de vous recom-mander la plus grande discrétion. Je vous laconfie. Tenez-moi informé.

Sacha releva la statue sur son socle. C’étaittoujours comme un premier face à face.C’est ce qui lui plaisait dans ce métier. Cetterencontre entre deux mondes. L’énergiebrute du bois, qui conservait son élan decroissance, et rayonnait d’une magie pure.La représentation était symbolique. La sta-tue ne représentait pas une divinité, elle étaitcensée recevoir cette divinité. L’esprit estDANS la statue. Elle est un réceptacle. Ellepermet à l’esprit d’exercer son influence, apriori bénéfique, autour d’elle et donc enpermanence.Il n’avait pas tout dit à Daniel. C’était bienune statue Baoulé, plus précisément unWaka Sona. Traduisez un “être de bois”, ouaussi un “être de l’autre monde”.Le peuple Baoulé occupe l’est de la Côted’Ivoire, à la lisière de la savane et de laforêt. La naissance de cette tribu est inscritedans les plus célèbres légendes d’Afrique.Sa culture est particulière, tout comme sescréations de masques et de statues, qui mar-quent un rapport très étroit avec les forces dela nature.Quelques détails à vérifier lui donneraient deplus amples informations sur l’identité decette nouvelle venue. Il prit quelques photos,et les joignit au mail qu’il envoya à sonbureau.La statue trônait maintenant sur la table de lachambre. Derrière elle, à travers la fenêtreouverte, ciel et mer semblaient lui faire unécrin d’azur.Une légère brise parcourait la pièce, appor-tant les parfums de l’été. Il décida de descen-dre profiter du soleil et de cet air si doux surla grande terrasse du troisième étage.Il s’installa à une table du Pingala Bar etcommanda du thé. La décoration était d’ins-piration hindoue. Ce n’était pas pour luidéplaire. L’Inde le fascinait, mais on ne peutêtre spécialiste en tout. L’Afrique était déjàun domaine immense.

- C’est beau n’est-ce pas, dit une voix der-rière lui. Ou apaisant devrions-nous dire.Il se retourna et pour la seconde fois de lajournée, il eut un incroyable face à face. Une

ravissante jeune femme lui souriait. Sonregard était perçant, ses traits fins, ses che-veux retombaient en ondulant sur ses épau-les. Les mots refusèrent de sortir de sa bou-che pour répondre. Certainement habituée àprovoquer ce genre de mutisme chez la gentmasculine, elle enchaîna. “C’est un décortrès relaxant. Une idée originale, quicontraste avec le style Art Déco général deslieux, ne trouvez-vous pas?”Il fut surpris de s’entendre répondre. - Vous connaissez l’Inde ?- Non, malheureusement. La planète est biengrande, et la vie m’a plus portée versl’Espagne, l’Amérique du Sud et un peul’Afrique.- Vous aimez l’Afrique ?- J’aime ses mystères, et le cœur desAfricains.- J’y vais souvent.- Et où vivez-vous ? Pas à Nice, puisque

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Pour la seconde fois de la journée, il eut un incroyable face à face.For the second time today, he lived an incredible face-to-face experience.

Je dois trouver un “esprit africain”? C’est monnaie courante ici ?Do I have to find an “African spirit”? Is it common in these circles?

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Croyez-vous à l’importance des rêves, Sacha ? Celui que j’ai eu est très étrange. Croire en lui peut mener très loin.

Do you believe in dreams, Sacha ? The one I had is strange and can lead one’s really far.

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vous êtes à l’hôtel...- New York - New York, dit-il avec commeun soupçon de honte ou de regret. Et vous ?- Barcelona !!!- Et bien, nous avons presque fait le tour dumonde en quelques phrases. Un peu de thénous fera une pause bien méritée. Puis-jevous en proposer ?- Avec plaisir.....- Sacha.- Merci Sacha. Je m’appelle Bianca. BiancaRosamunda.- Et que me vaut le plaisir de vous rencontrerici Bianca ? Vacances, travail ?- Je suis musicienne et il est vrai que je vienssouvent à Nice, pour le Festival de Jazz.Mais cette fois, c’est pour une raison un peuplus particulière. - Qu’entendez-vous par raison particulière ? - Un rêve. Croyez-vous à l’importance desrêves, Sacha ?- À vrai dire, j’ai l’impression d’en vivre undepuis ce matin, Bianca. Bien sûr qu’il fautcroire en ses rêves.- Celui que j’ai eu est très étrange. Croire enlui peut mener très loin.- Jusqu’ici ? - Oui.- Beaucoup de gens rêvent de venir ici, etbon nombre finit par y arriver. Mais je sensdans votre regard qu’effectivement ce rêvedoit être une histoire passionnante.Comment commence –t-elle ?- Tout commence à Barcelone. J’ai dansé leFlamenco toute la nuit lors d’un grandspectacle. Je m’effondre endormie sur le canapé de ma

loge, encore bercée de toute cette musiqueandalouse et des applaudissements. Une voiedouce m’appelle. “Bianca, Bianca mia...”Je me retourne doucement et m’apparaîtalors le visage de ma marraine. CarmenAmaya.Ce nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, mais sachez qu’elle fut au début dusiècle la plus grande danseuse de Flamenco.Elle a révolutionné cet art. Elle était la filled’un célèbre musicien gitan, El Chino, avecqui elle avait commencé à danser à l’âge desix ans. On voulait la voir danser dans lemonde entier. Elle a fait chavirer le cœur dupublic ici même, au Palais de laMéditerranée.Et surtout, elle était ma marraine. Je ne l’aipas connue longtemps. Assez pour qu’elleme transmette la passion de la musique, de ladanse. Un peu de son caractère aussi.J’ai souvent eu l’impression que son souve-nir me suivait, me soufflait ses conseils àl’oreille, mais jamais elle ne m’était apparueainsi, comme maintenant. Elle me souritavec tendresse. Ses longs cheveux noirsondulent doucement autour de son visage.Son regard capte le mien. “Bianca mia... aupalais de Nice, tu dois aller. Retrouve monWaka. Il doit revenir entre Bandama etComoé. C’est important pour toi.”Elle m’a répété cette phrase plusieurs fois,puis son image s’est dissipée et je me suisréveillée.J’étais dans la douce lumière chaude de maloge, enveloppée dans ma robe de danseuse.Le palais de Nice.... Le lendemain, je sautaisdans le premier avion pour Nice. J’avais tout

smiling at him. She had piercing eyes andher wavy hair was falling down on hershoulders. He couldn’t utter one singleword. As she was probably used these kindsof reaction from men, she went on: “Thisatmosphere is really relaxing. An originalidea that contrasts with the Art Deco stylehere, don’t you think so? »He surprised himself by answering:- “Have you ever been to India?- Unfortunately not. The earth is too big andI’ve just visited Spain, South America andsome African countries.- Do you like Africa?- I like its mysteries and the Africans’ heart.- I often go there.- But where do you live? Not in Nice asyou’re staying in this hotel...- New York - New York, he said with a bit ofshame and regret. What about you?- Barcelona!!!- Well, we’ve just traveled around the worldin a few sentences. We deserve a break inthis long trip; may I offer you a cup of tea?- Willingly.....- Sacha.- Thanks Sacha. My name is Bianca. BiancaRosamunda.- Nice to meet you, Bianca, but what are youhere for? Holidays, work?- I’m a musician and I must tell you that Ioften go to Nice, for the Jazz Festival. Butthis time, the aim of my trip is a bit different. - What do you mean by ‘a bit different’? - A dream. Do you believe in dreams, Sacha?- Well to be perfectly honest with youBianca, it seems like I’ve been living a

dream since this morning. Of course, I dobelieve in dreams.- The one I had is strange and can lead one’sreally far.- As far as here? - Exactly.- Many people dream to come here and mostof them do it. But your eyes tell me that thisdream does not look like others and must befascinating. How did it start?- Everything started in Barcelona. I haddanced Flamenco all night long for a show. I fell asleep on the sofa, still rocked by thisAndalusian music and the applause.Suddenly, someone called me: “Bianca,Bianca mia...”I slowly turned round and I saw myGodmother’s face. Carmen Amaya.You may not know her name but at the begin-ning of the century, she used to be the mostfamous Flamenco dancer and she revolu-tionized this art. She was the daughter of afamous gipsy musician, El Chino, whotaught her to dance when she was six. Thewhole world wanted to see her dance. Theaudience fell in love with her, here, at thePalais de la Méditerranée.And above all, she was my Godmother. Shedied when I was young but she had time tohand down me her passion for music anddance. I also inherit from some her charac-ter traits.I’ve often had the feeling that she was besideme, whispering me some advice but I hadnever saw her. She tenderly smiled at me.Her long hair was waving down her face.Our eyes met. “Bianca mia... you have to go

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Bianca s’était allongée sur le lit, la statue entre ses mains.Il émanait d’elle une part de mystère, une sensualité féline qui le troublait.Bianca was lying on the bed, holding the statue in her hands. A sort of mystery as well as a feline sensuality were emanating from her and troubled him.

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Selon vous, je n’arrive pas à rencontrer l’amourparce que ma marraine a un jour enfermé unestatue magique dans un pilier du Palais de laMéditerranée ?

So, according to you, I’ve never met true lovebecause of my Godmother who imprisoned astatue in one of the Palais de la Méditerranée’spillar, right?

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to the ‘Palais de Nice’. Find my Waka. It hasto be brought back between Bandama andComoé. It’s important for you”.She repeated this sentence several times,then her image disappeared and I woke up.A sweet light was floating in the air and Iwas wrapped in my dance dress.The ‘Palais de Nice’.... The next day, Iboarded the first plane to Nice. All the flightlong, I was wondering which ‘palais’she hadtalked about. A few minutes before landing,while looking through the window, the obvi-ous answer appeared to me. The whitefaçade of the Palais de la Méditerranée wasmajestically standing in front of the longturquoise sea ribbon. Carmen had obviouslyfound in the former Casino a place worthy ofher talent. But everything was so differenttoday. From that time, the only remains is thefaçade and a few photos on the walls. And Istill don’t know what a Waka is, and what thewords Bandama or Comoé mean.- I do know.- Are you serious?- Definitely. Some people could even tell youthat I am a Waka’s specialist.You must admit that this is disconcerting.- Nothing else can surprise me from now. So,can you tell me more about it?- A Waka is a forest spirit. An African spirit.- Do I have to find an “African spirit”? Is itcommon in these circles?- More that you can think... And what do youintend to do once you’ve found it?- I have to put it back between Bandama andComoé. This is important for me.- Bandama and Comoé are two big riverswhich flow in the Ivory Coast. - My Godmother used to go to this country.She had her famous ivory castanets

engraved there. She personally watchedtheir making.- I dare say that this is a track, an Africantrack. Let’s go back to the Waka. Do youreally think you would find one in this hotel?- I don’t know. What does a spirit look like?- From the forest?- Yes.- Well, the spirit is invisible, intangible. Butyou can make it enter an object.- What sort of object?- Preferably a small statuette. But, tell me:Are you sent by someone? Have you got anyinformation from someone else? Are youworking for a collector?- Not at all. I don’t understand what youmean. Or, I should say I guess what youmean. Do you have a Waka?- I’ve just been asked to value one. But howdid you get to know about this?- I did not know anything about this. Sacha,I’m telling you the truth. I’ve confided in youbecause I’ve had that feeling I could trustyou, that you would listen to me withouttaking me for a fool who hopes to makedreams a reality. Would you be willing toshow it to me?- I did not want to upset you. I’m sorry.These objects excite envy. Come with me,I’m gonna introduce you to a forest spirit.

He took her hand and walked to the lift.

- Bianca, this is a Waka. A Waka Sona. Whileyou are getting acquainted, I have to call mypartners to ask them some information.

The Macintosh screen was casting an unreallight in the room. Bianca had leaned abovethe statue, looking for some details.

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le vol pour deviner quel palais. Quelquesminutes avant l’atterrissage, par le hublot, laréponse m’est apparue, évidente. La blanchefaçade du Palais de la Méditerranée s’impo-sait avec à ses pieds un long ruban bleu tur-quoise. Bien sûr. Carmen avait dû trouverdans l’ancien casino une demeure à lamesure de son talent. Mais aujourd’hui touta changé. Il ne reste que la façade, et quel-ques photos d’époque sur les murs. Et je nesais toujours pas ce qu’est un Waka, ni lesens des mots Bandama ou Comoé.- Moi je sais.- Vous êtes sérieux ?- Assurément. Certains vous diraient mêmeque je suis un spécialiste du Waka.Avouez que c’est troublant.- J’ai décidé de ne plus m’étonner de rien.Alors, pouvez-vous m’éclairer ?- Un Waka est un esprit de la forêt. Un espritafricain.- Je dois trouver un “esprit africain”? C’estmonnaie courante ici ?- Plus qu’on ne pourrait le croire... Et quecomptez-vous en faire, quand vous l’aureztrouvé ?- Je dois alors le placer entre Bandama etComoé. Ceci est important pour moi.- Le Bandama et le Comoé sont deux grandsfleuves qui coulent en Côte d’Ivoire. - Ma marraine allait souvent dans ce pays.C’est là-bas qu’on lui ciselait ses célèbrescastagnettes en ivoire. Elle suivait en per-sonne leur fabrication.- Voici une piste, une piste africaine si j’osedire. Revenons au Waka. Vous pensez vrai-ment en trouver un dans l’hôtel ?- Je ne sais pas. À quoi ça ressemble unesprit…- De la forêt ?- Oui.

- En fait, l’esprit est invisible, intangible.Mais on peut le faire entrer dans un objet.- Quel genre d’objet ?- Une statuette de préférence. De petitetaille. Mais, dites-moi: quelqu’un vousenvoie ? Vous avez eu une information, il ya eu des fuites. Travaillez-vous pour un col-lectionneur ?- Pas du tout. Je ne comprends pas ce quevous voulez dire. Ou plutôt je devine. Vouspossedez un Waka ?- On vient de m’en confier l’expertise. Maiscomment êtes-vous au courant ?- Je n’en savais rien. Sacha, ce que je vous airaconté est la pure vérité. Je me suis confiéeà vous parce que j’ai senti que je pouvaisvous faire confiance, que vous sauriezm’écouter sans me prendre pour une folle,qui confond rêves et réalité. Accepteriez-vous de me le montrer ?- Je ne voulais pas vous vexer. Excusez-moi.Ces objets attisent bien des convoitises.Venez avec moi, je vais vous présenter unesprit de la fôret.

Il lui prit la main, et se dirigea vers l’ascen-seur qui menait vers les étages supérieurs.

- Bianca, voici un Waka. Un Waka Sona.Pendant que vous faites connaissance, jecontacte mon bureau. Je leur ai demandéquelques informations.

L’écran du Macintosh projetait une lumièreirréelle dans la pièce. Bianca s’était penchéevers la statue, y cherchant quelques détails.- Bianca, je vous le confirme, vous êtes biendevant une Statue Baoulé. Un Waka bénéfi-que. C’est spécial. Il va falloir que je vousexplique.- Et si vous pouviez aussi me dire le rapport

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Ma marraine était Carmen Amaya. Elle fut au début du siècle la plus grandedanseuse de Flamenco. Elle a révolutionné cet art.My godmother was Carmen Amaya. At the beginning of the century, she usedto be the most famous Flamenco dancer and she revolutionized this art.

L’esprit est invisible, intangible. Mais on peut le faire entrer dans un objet. Une statuette de préférence.The spirit is invisible, intangible. But you can make it enter an object. Preferably a small statuette.

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avec Carmen Amaya...- Imaginez un monde parallèle à celui-ci. Un« Outre-monde » dans lequel vous avezvotre double, mais du sexe opposé. Il corres-pond à votre époux, ou épouse. Il exprimel’existence de votre partenaire, il garantitvotre vie amoureuse, conjugale, parentale. Iln’apporte pas l’amour, il le concrétise.Parfois, dans la vie, on a besoin de son aide.On demande alors au sorcier de confection-ner une statue, un Waka Sona, pour que l’es-prit puisse la pénétrer, qu’il soit ainsi plusproche, donc plus actif. On doit la conserveravec soi. C’est une statue facilement trans-portable, qui va apporter à ceux qui la possè-dent des amours heureuses.- J’en aurais bien besoin.- Mais le Waka Sona qui est dans cette statuen’est pas le vôtre. Il ne saurait vous aider.J’ai d’ailleurs du mal à croire que vous ayezpeine à trouver l’amour. Vous êtes si ravis-sante, tous les hommes doivent être à vospieds.- Cela ne garantit pas l’amour, le grandamour. Celui qui importe.- L’important pour vous, m’avez-vous dit, oudu moins votre marraine a-t-elle dit, se passeentre deux fleuves d’Afrique...- Je ne sais pas, tout est allé très vite. Lerêve, l’avion, notre rencontre, et maintenantcette statue et ces histoires d’esprits... Votreordinateur vous dit-il autre chose ?- Les quelques décorations du collier, lapatine significative du bois, la position desbras, la forme de la tête nous apportent desprécisions sur son origine et son rôle. C’estbien le nord-est du pays, donc entre les deuxfleuves dont vous m’avez parlé. C’est ledouble d’une femme. A en juger sa patine, ildate des années 30 ou 40. Ce serait un esprittrès fort. À part cela, rien qui nous rapprochedu flamenco.- Il doit pourtant y avoir un lien. Pourquoicette statue est-elle ici ?- Elle était cachée dans un des piliers de lafaçade. On vient de la découvrir.- Cachée par qui ? Et pourquoi ?- Vous êtes la seconde personne à me ledemander aujourd’hui.Le téléphone sonna à cet instant.- Allo, Sacha ? C’est Daniel. Des infos surnotre objet ?- J’ai des précisions. J’ai aussi des questionssur la cachette. Vous m’avez parlé de signes,et de petits os.- Oui, l’ouvrier m’a montré la niche. J’ai pufaire une photo, avant qu’il ne referme lacolonne. Il y avait quelques plumes, et dessignes bizarres sur la paroi. Je peux vousenvoyer l’image par mail si vous le désirez.Ça n’avait pas l’air africain, mais c’est vousle spécialiste. Vous pensez que cela peutjouer sur la valeur de la statue ?- Daniel, essayons déjà d’en savoir plus surcette statuette avant de parler d’argent…- Oui, pardon. J’ai juste très envie de la pro-poser à certains collectionneurs. C’est toutde même une belle pièce ?- Unique. J’ai sa provenance, mais je vou-drais connaître toute son histoire.- Je vous envoie l’image. Dites-moi cequ’elle vous apprend.

Il raccrocha. Bianca s’était allongée sur lelit, la statue entre ses mains. Il avait rarementvu une femme aussi belle. Il émanait d’elleune part de mystère, une sensualité féline quile troublait.

- Parlez-moi de votre marraine. Et de vous,Bianca.- De ma marraine, je vous ai presque tout dit.Elle était très particulière. Elle pratiquait lamagie noire. Elle a connu la gloire et la for-tune, sans pour autant oublier ses originesmodestes. Elle était la sœur de ma grand-mère. Elle est décédée quand j’étais toutepetite. Maman m’a raconté qu’elle m’ado-rait, qu’elle passait des heures à chanter àcôté de mon berceau. Une fontaine deBarcelone porte son nom. Elle a dansé àMadrid, Paris, et en Argentine avec RamonMontoya, au Mexique, et au Brésil, où elles’est initiée au rituel vaudou. Elle dansaaussi au Carnegie Hall de New York, et lePrésident Roosevelt l’invita à la MaisonBlanche. Elle tourna des films à Hollywood,et son interprétation de « El amor brujo »,traduisez l’amour sorcier, accompagnée duPhilharmonic Orchestra est restée célèbre.- L’amour sorcier ? Décidemment, il doit yavoir un lien.- En Angleterre, elle dansa devant la Reine.

- Bianca, I confirm you that you are in frontof a Baoulé statue. A beneficial Waka. This isquite special. I’ll have to explain you a fewthings.- I would appreciate if you could tell me therelations with Carmen Amaya...- Just imagine a parallel world, an « Over-world » in which you would have a « dou-ble », but of the opposite sex. He or shestands for your husband or your wife. He orshe represents you partner’s life, he or sheprotects your love, married and parental life.He or she doesn’t bring you love, he or shecarries it out. Sometimes, you’ll need his orher help in your everyday life. The wizardwas asked to make a statue, a Waka Sona sothe spirit can fathom him or her and be clo-ser and more active. This statue is not bulkyand you have to keep it with you. It bringshappy love to its owners. - That’s exactly what I need.- But the Waka Sona which is in this statue isnot yours. He won’t be able to help you. AndI can’t imagine you’re still looking for love.

You are so delightful, all the men must be atyour feet.- This does not guarantee love, true love, theone that matters.- You told me, or rather your Godmother toldyou that the important thing was betweentwo African rivers ...- I don’t know, everything has been so fast.The dream, the plane, our meeting and nowthis statue and those spirit stories ...Something new on your computer?- The necklace decorations, the wood patina,the arms’ position, the head shape give usprecious information about its origin and itsrole. It comes from the North-East of thecountry, between the two rivers you talked tome about. It’s a woman’s double. Judgingby its patina, it dates back from the thirtiesor the forties. It seems to be a very strongspirit. But nothing gets us closer to fla-menco.- Yet, there must be a relation. Why does thisstatue do here?- It was hidden in one of the façade’s pillars.It was discovered a few days ago.- Who hid it? And what for?- You are the second one asking me thesequestions today.Then, the phone rang.- Hello, Sacha? This is Daniel. Any informa-tion about our object?- Yes, a few details. I have also some ques-tions to ask you about the hiding place.You’ve talked to me about signs and smallbones.- Indeed, the worker showed me the recessand I took a photo of it before he filled thecolumn again. There were a few feathers andsome weird signs on the wall. I can send youthe photo by e-mail if you want. It does notseem to be African but YOU are the specia-list. Do you think it could have an influenceon the statue’s value?- Daniel, first of all and before talking aboutmoney, let’s try to get more informationabout this statuette …- Ok, sorry. But I’d really like to show it tosome collectors. It’s such a beautiful piece!- A unique piece. Now that I know where itcomes from, I want to find out its history.- I’m sending you the pic. Tell me what youthink about it.

He hung up. Bianca was lying on the bed,holding the statue in her hands. He had sel-dom seen such a beautiful woman. A sort ofmystery as well as a feline sensuality wereemanating from her and troubled him.

- Tell me more about your Godmother andabout you, Bianca.- I’ve almost told you everything about myGodmother. She was really special. She usedto practice black magic. She became famousand wealthy yet, she never forgot her modestorigins. She was my grandmother’s sisterand died when I was really young. Mum toldme that she was fond of me, that she used tospend hours singing next to my cradle. ABarcelona’s fountain bears her name. Shedanced in Madrid, Paris and Argentina withRamon Montoya, in Mexico and Brazil,where she started learning the voodoo rites.She also performed in the New YorkCarnegie Hall and she was even invited atthe White House by President Roosevelt. Sheplayed in some Hollywood films and her rolein “El amor brujo” (which means “the

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Elle est juste à côté de moi, et je ne rêve que d’une chose, c’est qu’elle y reste.She’s right beside me and I wish she could be there until my death.

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wizard love”) with Philharmonic Orchestrais still a classic today.- The wizard love? There really must be arelation.- She danced for the Queen in England andthe press titled: “A face to face between twoQueens”. Yet, she remained the little Gipsy,The Capitana. Her art was pure and inborn.She was bewitching her audience. Her hus-band was called Antonio Agüero. But herlove life was as tumultuous as the way shedanced.A far as I’m concerned, my musical career isreally modest, even if I do my best to followher footprints. As for my love life, we’vealready mentioned it, it’s a fiasco.

She was lost in her thought when she heardthe computer electronic signal which meantthat the photo was there.- Look at this Bianca, this is the place wherethe statue was found. These are voodoosigns. This statue was probably shut up there

to take the power out of it. A magic prisoncoupled with a stone prison. But what for?Let’s imagine that your Godmother was thisWaka’s owner. In your dream, she was tal-king about her Waka, right? As you know,she had her castanets made in Africa but sheprobably had this statue too. Well, she took itwith her throughout the whole world. Its spi-rit offers her stability or rather, a kind ofloving satisfaction.- So far, so good. I understand.- But something happened here. Someonewho prevented the Waka from playing its roleand then isolated it. She may have used hervoodoo knowledge to neutralize it.- And how do you explain the fact that,from the next world, she wants to free ittoday? And why does she entrust me withthis mission?- You seem to be her heiress, at least her spi-ritual heiress. This reminds me somethingabout the Baoulés. These people’s culture isoriginal and differs from the other Africantribes, ruled by a Queen. Among the particu-

larities of this society, there’s one dealingwith the heiress who is often the dead’s sis-ter or aunt. For according to them, if youcan’t have doubt about your mother, you canhave some about your father.- How wise it is…- In a way, it makes me think that you may bethe heiress of this African heritage.- This could explain why this statue is soimportant to me. - Don’t go too fast, even if I must admit thateverything is becoming clearer and clearer.But why did she try to get rid of it?- Maybe to escape her fate. She seemed tohave a strong character and to know how tofoil spells. So… she might have wanted toplay another game and meet a new love, astronger one, and managed to make the sta-tue quiet. As time went by, you’ve inheritedfrom her Waka. It has become your double inthe parallel world. But as a prisoner, it can’thelp you, neither expresses itself. So you liveyour life without its help. Hence the difficult

sentimental loneliness you’vebeen going through.Well, this could be an explana-tion.- It’s just ... bright. Difficult tobelieve but admissible. So,according to you, I’ve nevermet true love because of myGodmother who imprisoned astatue in one of the Palais dela Méditerranée’s pillar,right? - Exactly. You won’t expressyour love as long as Carmen’sWaka, which is now yours, hasnot been released. And tomake it totally free, I’m afraidyou’ll have to bring it backwhere it was born.- Between the two Africanrivers.

They both looked at the statuewhich was standing motion-less on the table.

The phone rang again.- This is Daniel. So what aboutthis photo, Sacha? Any clues?- More than clues. I’ve foundback the statue’s owner.

- You must be joking. This piece of wood wasinside this pillar for decades. I’m willing tonegotiate with the hotel manager, the QuaiBranly museum, the Ministry of Culture oranybody else but seriously, I don’t think wecould find this statue’s owner. Or at thecemetery may be.- Well, her heiress if you prefer.- And where have you met her? Who is she?- I don’t know her very well. Her name isBianca Rosamunda. She’s right beside meand I wish she could be there until my death.I’m really sorry for you, Daniel. But I’mafraid you won’t be able to negotiate thisstatue. She does belong to Bianca and shedoes not intend to sell it.

He moved the receiver away from his earand gave a knowing smile to Bianca whileDaniel was still barking.- Come on Sacha, have you become crazy?- Crazy in love, maybe, Daniel. I’ll soonexplain you everything, as soon as I’m backfrom Africa.

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La presse titra « deux reines face à face ».Pourtant elle restait la Petite Gypsie, LaCapitana. Son art était pur, inné. Elle envoû-tait ceux qui la regardaient danser. Son maris’appelait Antonio Agüero. Mais sa vie sen-timentale fut aussi tumultueuse que sa façonde danser.Pour ma part, ma carrière musicale est bienmodeste, même si je continue sur le cheminqu’elle a tracé. Quant à ma vie sentimentale,nous l’avons déjà évoquée, c’est un fiasco.

Un petit dong électronique la tira de ses pen-sées. L’ordinateur signalait l’arrivée de laphotographie.- Regardez Bianca, voici l’endroit où étaitenfermée la statue. Les signes sont vaudous.On a dû enfermer cette statue pour en sup-primer les effets. Une prison magique, dou-blée d’une prison de pierre. Mais pourquoidonc ? Imaginons que ce Waka ait effective-ment appartenu à votre aïeule. Dans le rêve,elle vous parle bien de son Waka. Elle aurafait confectionner enAfrique, en plus de ses casta-gnettes, une statuette. Soit.Elle l’emporte donc avecelle, fidèle compagnon devoyage de ses tournées.L’esprit lui apporte la stabi-lité, ou disons la satisfactionamoureuse.- Jusque-là je vous suis.- Mais il s’est passé quelquechose ici. Quelque chose decontradictoire avec le rôle duWaka. Il fallait l’empêcherd’agir, l’isoler. Elle auraalors usé de ses connaissan-ces vaudous pour le neutrali-ser.- Et pourquoi aujourd’hui,depuis l’au-delà, voudrait-elle le libérer ? Et pourquoime confier cette mission ?- Vous semblez être son héri-tière, spirituelle du moins.Cela me rappelle quelquechose à propos des Baoulés.C’est un peuple dont la cul-ture est originale, différentedes autres tribus d’Afrique,dirigé par une reine. Parmiles particularités de sasociété, il en est une qui concerne les héri-tiers. Ces derniers sont souvent une sœur ouune tante de l’épouse du défunt. Car seloneux, on est toujours sûr de la mère, jamais dupère.- Quelle sagesse…- D’une certaine façon, cela me fait penserque vous recevez cet héritage africain.- Ce qui expliquerait que retrouver cette sta-tue soit important pour moi. Vous allez viteen besogne, mais je dois avouer que les piè-ces du puzzle se mettent en place. Maispourquoi n’en voulait-elle plus ?- Peut-être pour échapper à son destin. Ellesemblait avoir du caractère, et savoir sedéjouer des sortilèges. Alors… elle auravoulu jouer sur un nouveau tableau.Connaître un autre amour, plus fort,contraire à la volonté de l’esprit, qu’elle aréussi à faire taire. Le temps passant, vousavez hérité de son Waka. Il est devenu votredouble dans le monde parallèle. Mais pri-sonnier, il ne peut vous aider, s’exprimer.Vous vivez ainsi, sans son aide. D’où votre

solitude sentimentale actuelle.Enfin, tout ceci n’est qu’une hypothèse.- Elle est brillante. Difficile à croire, maisrecevable. Ainsi, selon vous, je n’arrive pas àrencontrer l’amour parce que ma marraine aun jour enfermé une statue magique dans unpilier du Palais de la Méditerranée ? - Oui. Votre amour ne peut s’exprimer tantque le Waka de Carmen, devenu le vôtre,n’est pas libéré. Et j’ai bien peur que pourredevenir complètement libre, il ne doiveretourner sur son lieu de naissance.- Entre les deux fleuves, en Afrique.

Ils regardèrent d’un même mouvement detête la statue, immobile et muette sur latable.

Une fois encore, le téléphone sonna.- C’est Daniel. Alors Sacha, cette photo ?Des indices ?- Plus que cela. J’ai même retrouvé le, ouplutôt la, propriétaire de la statue.

- Vous plaisantez, j’espère. Ce bout de boisrepose depuis des dizaines d’années dans unpilier. Je veux bien négocier avec la directionde l’hôtel, le musée du Quai Branly, leMinistère de la culture, ou n’importe quid’autre, mais je ne crois pas qu’on puissetrouver un propriétaire à cette statue. Aucimetière peut-être, et encore.- Disons son héritière, alors, oui.- Et où l’avez-vous rencontrée ? Qui est-ce ?- Je ne la connais pas très bien. Elle s’appelleBianca Rosamunda. Elle est juste à côté demoi, et je ne rêve que d’une chose, c’estqu’elle y reste jusqu’à la fin de mes jours. Jesuis désolé pour vous, Daniel. Mais vous nepourrez certainement pas négocier cettestatue. Elle appartient sans conteste àBianca, et elle ne compte pas la vendre.

Il éloigna l’écouteur de son oreille, adressantun sourire complice à Bianca. Daniel aboyaitdans le combiné.- Allons, Sacha, êtes-vous devenu fou ?- Fou d’amour, peut-être, Daniel. Je vous

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Depuis le haut balcon de la chambre, ils contemplaient l’horizon au-delà duquel l’Afrique les attendait.From the high balcony of the bedroom, they were gazing at the horizon that they would soon cross to join Africa.

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Caché dans son Waka, un petit esprit de la forêt savourait sa libertéretrouvée. Il n’avait rien perdu de sa force. Il s’en servait déjà, comme ils’en était servi autrefois pour la belle danseuse andalouse. Ces deux-là s’aimeraient pour toujours.

Hidden inside its Waka, a small forest spirit would soon enjoy freedom.It had not lost its power, he was using it again, as he used it in the pastfor the beautiful Andalusian dancer. An endless love was beginning.

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expliquerai. Bientôt. À mon retour d’Afrique.Il raccrocha.- Alors ainsi, vous aussi vous avez un rêve, lui dit elle.- Saurez-vous le rendre réel ?

Il s’approcha d’elle et la prit dans ses bras. Depuis le haut balcon de la chambre, ils contem-plaient l’horizon au-delà duquel l’Afrique les attendait.Dans leur dos, caché dans son Waka, un petit esprit de la forêt savourait sa liberté retrouvée.Il n’avait rien perdu de sa force. Il s’en servait déjà, comme il s’en était servi autrefois pourla belle danseuse andalouse. Ces deux-là s’aimeraient pour toujours. Qu’il soit en Afrique ouici, il veillait déjà sur eux.L’Afrique cachait encore bien des forces surnaturelles que ne connaissait pas Sacha.Des forces d’un Outre-monde, qui plonge ses racines aux sources de l’amour.

FIN

He hung up.- So, you also have a dream, she told him.- Will you be able to make it true?

He came up to her and took her arm. From the high balcony of the bedroom, they weregazing at the horizon that they would soon cross to join Africa.Behind them, hidden inside its Waka, a small forest spirit would soon enjoy freedom.It had not lost its power, he was using it again, as he used it in the past for the beautifulAndalusian dancer. An endless love was beginning and in Africa or anywhere else, the spi-rit would protect them forever.

In Africa, there were still many supernatural forces Sacha did not know about.Forces from an Over-world which plunged its roots into the spring of love.

THE END

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