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Depuis le 24 janvier, nous avons intensément vécu chacune de ces sombres journées en nous demandant quand ce cauchemar allait prendre fin. On a beau avoir vu venir ce lock-out de longue date, notamment avec les 16 mois de conflit qu'ont vécus nos collègues du Journal de Québec, force est d'admettre qu'il est impossible de se préparer à ce genre d'épreuve. Depuis la fondation du Journal, en 1964, nous n'avions jamais pensé nous retrouver dans une telle situation. Depuis 253 jours, nous ressentons le mépris des dirigeants d'un empire qui a été érigé grâce à notre travail et à l'attachement que nous avions toujours porté au Journal de Montréal. Ce quotidien, il a toujours fait partie de nos vies. Nous y avons investi du temps, mais plus en- core, notre coeur. Jour après jour, pendant que nous arpentons le trottoir, pancarte à la main, ou que nous produisons RueFrontenac.com, nous ne pouvons nous empêcher de jeter un oeil, la rage au coeur, sur cet édifice de l'autre côté de la rue. Pendant ce temps, les presses continuent de rouler comme si de rien n'était. Pas que du noir Au cours de ces 253 journées, nous avons vu des collègues et amis s'en- foncer un peu plus dans des problèmes de tous ordres. Vie familiale brisée, difficultés financières forçant plusieurs à vendre leur maison, détresse psychologique et quoi encore? Ce n'est pas encore assez pour nos dirigeants, inflexibles, qui souhaitent nous dominer davan- tage pour arriver à leurs fins. Mais il n'y a pas que du noir. Le conflit que nous subissons nous a rapprochés davantage. Nous avons même eu le bonheur de voir des couples se former sur la ligne de piquetage. Après neuf mois de lock-out, certaines travailleuses ont vu leur famille s'agrandir. Hier, nous étions des individus regroupés par secteurs à l'intérieur de deux groupes d'employés: la rédaction et le personnel de bureau. Aujourd'hui, nous sommes une grande famille solidaire. Nous nous soutenons devant les embûches et toutes les difficultés qui se dressent devant nous. Notre nouvelle force, nous la puisons dans cette solidarité qui nous étreint. Chaque jour de ce conflit en est encore un de trop. Il y a eu 253 jours, le 3 octobre 2009, que nous, les 253 travailleuses et travailleurs du Journal de Montréal, avons été mis en lock-out par Quebecor. Raynald Leblanc, Président du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (CSN)

Pas que du noir...Pas pour moi. Pas pour garder ma job. Mais pour la profession. Pour le métier. Et pour les journalistes de demain, afin qu'ils puissent continuer de faire, comme

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Page 1: Pas que du noir...Pas pour moi. Pas pour garder ma job. Mais pour la profession. Pour le métier. Et pour les journalistes de demain, afin qu'ils puissent continuer de faire, comme

Depuis le 24 janvier, nous avons intensément vécu chacune de ces sombres journées en nousdemandant quand ce cauchemar allait prendre fin. On a beau avoir vu venir ce lock-out delongue date, notamment avec les 16 mois de conflit qu'ont vécus nos collègues du Journal deQuébec, force est d'admettre qu'il est impossible de se préparer à ce genre d'épreuve. Depuisla fondation du Journal, en 1964, nous n'avions jamais pensé nous retrouver dans une telle situation.Depuis 253 jours, nous ressentons le mépris des dirigeants d'un empire qui a été érigé grâce ànotre travail et à l'attachement que nous avions toujours porté au Journal de Montréal. Ce quotidien, il a toujours fait partie de nos vies. Nous y avons investi du temps, mais plus en-core, notre coeur. Jour après jour, pendant que nous arpentons le trottoir, pancarte à la main,ou que nous produisons RueFrontenac.com, nous ne pouvons nous empêcher de jeter un oeil,la rage au coeur, sur cet édifice de l'autre côté de la rue. Pendant ce temps, les presses continuent de rouler comme si de rien n'était.

Pas que du noirAu cours de ces 253 journées, nous avons vu des collègues et amis s'en-

foncer un peu plus dans des problèmes de tous ordres. Vie familialebrisée, difficultés financières forçant plusieurs à vendre leur maison,détresse psychologique et quoi encore? Ce n'est pas encore assezpour nos dirigeants, inflexibles, qui souhaitent nous dominer davan-tage pour arriver à leurs fins.Mais il n'y a pas que du noir. Le conflit que nous subissons nous arapprochés davantage. Nous avons même eu le bonheur de voir descouples se former sur la ligne de piquetage. Après neuf mois delock-out, certaines travailleuses ont vu leur famille s'agrandir. Hier,nous étions des individus regroupés par secteurs à l'intérieur de

deux groupes d'employés: la rédaction et le personnel de bureau.Aujourd'hui, nous sommes une grande famille solidaire.

Nous nous soutenons devant les embûches et toutes lesdifficultés qui se dressent devant nous.

Notre nouvelle force, nous la puisons dans cette solidarité qui nous étreint. Chaque jour de ce conflit en est encore un de trop.

Il y a eu 253 jours, le 3 octobre 2009, que nous, les 253 travailleuseset travailleurs du Journal deMontréal, avons été mis enlock-out par Quebecor.

Raynald Leblanc, Président du Syndicat des travailleurs del'information du Journal de Montréal (CSN)

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«Pour la première fois de ma vie, je nesais pas où je m'en vais, c'est un cul-de-sac. Tu ne veux pas haïr, mais tu haïs.L'employeur est d'une froideur, il n'a pasle cœur à la bonne place.»

«Je suis déçue de la façon dont on estsortis de ce journal-là. Après 30, 40 ans,nos camarades partent déçus et amers.Ils ne méritaient pas ça. C'est triste.»

«Je suis choquée. L'indifférence du pa-tron me coupe les jambes, je ne pensaisjamais qu'il serait aussi irrespectueux.»

«La meilleure façon de tuer unhomme, c'est de le priver de tra-vailler. C'est la phrase qui me revientsouvent depuis le début du lock-out.Il y a un lien avec le journal qui estbrisé à jamais, ce ne sera pluscomme avant. On veut couper mon

poste; il me restait 10 ans avant laretraite.»

«On nous traite comme des moins querien. Aucun travailleur ne mérite d'êtretraité de la sorte. Ça manque d'humanisme.»

«Un lock-out ne change peut-être pas lemonde, mais nous subissons une pertede salaire et d'avantages sociaux pourgagner davantage d'incertitude, destress et d'angoisse.»

«Je ne serai plus jamais la même aprèsce conflit de travail. Il y a quelque choseen moi qui s'est éteint, quelque choseaussi qui me comble d'amour en laprésence de camarades que je n'auraisjamais découverts autrement...»

«Je suis tombée récemment sur unelettre de félicitations que m'avait en-voyée M. PIERRE PÉLADEAU en 1987pour 1M$ de ventes en petites an-nonces. Il me signifiait à quel point lejournal et même Quebecor étaient fiersde moi. Aujourd'hui, c'est tout le con-traire, je me sens comme une vieillechaussette qui a fait son temps.»

« Un lock-out est une forme de trahison.Chaque personne réagit différemment àla trahison. Certains sont profondémentblessés, d'autres, frustrés, d'autres en-core sont anéantis ou se lèvent et disentqu'ils ne méritent pas cela. »

«Je suis très heureuse de collaborer àRue Frontenac. Je n'ai plus l'impres-sion de travailler pour un pamphlet depropagande de l'empire. Avant le lock-out, je corrigeais les textes de la sec-tion des Spectacles où le contrôle del'information était très présent. Si çane change pas, je n'aurai plus le goût

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de travailler pour ce journal-là. Ja-mais.»

« Au début, ça me brisait d'être considérée comme étant « rien dutout». Je me demandais pourquoi onavait fait table rase de tout ce noussommes en lançant la première pierreavec une violence impitoyable. Aujour-d'hui, huit mois plus tard, je me concen-tre sur l'essentiel. Je m'estimeprivilégiée de continuer de faire monmétier en toute liberté à RueFron-tenac.com. »

«J'ai passé 33 ans au journal. Je nepensais pas me retrouver sur le trottoir.J'ai mal aux genoux à force de marcher.Mais il faut continuer, sinon tu gèles.»

«Je suis mère monoparentale de deuxenfants handicapés et j'ai du mal à join-dre les deux bouts. C'est fou, l'impactqu'a M. Péladeau sur nos vies. Si je lecroisais, il ne saurait même pas qui jesuis. Pour lui, t'es rien.»

«J'avais une fierté, c'était le Journal.Après 30 ans, je ne peux pas croirequ'un patron puisse faire ça. L'argent luisort par les oreilles, mais il lui en fautencore plus. C'est effrayant...»

«Je suis un fighter, je ne souhaite unlock-out à personne, mais moi, je levis au jour le jour. Je trouve ça triste,c'est du talent perdu.»

«Est-ce que quelqu'un sait ce qu'est lerespect? La considération? Si oui, ilfaudrait l'expliquer à Pierre KarlPéladeau car lui, il ne le sait pas. Malgrétoutes nos peines et douleurs, noussommes plus forts et plus unis que ja-mais et nous tiendrons la minute deplus.»

«J'ai été plongé dans un coma artificielle 24 janvier 2009 par Quebecor et la di-rection du Journal de Montréal. Uncoma professionnel, personnel, psy-chologique et financier. Et comme dans

tout coma, si un jour on en sort, on nesait pas dans quel état, ni quelles enseront les séquelles.»

«Ça m'enlève le goût de travailler pourQuebecor. Ma grande crainte, c'est dedevoir retourner au journal.»

«Je savais que ce serait long. Je mebats pour des principes, pas pour dumarchandage, et ça, c'est plus long.Couper les postes de façon sauvage degens qui sont à 4-5 ans de la retraite, çane se fait pas! Je me bats aussi pourprotéger la qualité et la crédibilité del'information.»

«J'ai passé malgré tout un bel été. Larandonnée à vélo jusqu'à Chicoutimi acréé des liens avec mes collègues.Juste pour ça, merci PKP! Mais j'ai hâtede travailler, ça me manque.»

«Je suis malade et le fait de ne plusavoir droit à l'assurance pour payer mesmédicaments fait mal. Je suis mèremonoparentale, je me cherche donc dutravail.»

«253 jours sur le trottoir. Au début, j'é-tais en colère... là, je respire. L'air est

beaucoup plus sain dans mon nouvelenvironnement...»

«Je suis triste du peu de reconnais-sance manifestée par l'employeuraprès les 30 ans que j'ai passés auservice du Journal de Montréal. Je suistriste de ne plus côtoyer certaines per-sonnes de la direction, avec lesquellesje ne partage plus le plaisir d'œuvrerau sein d'une entreprise qui a déjàavancé vers l'avenir en synergie avectous ses employés.»

«J'ai juste hâte que l'employeur s'assoitet négocie de bonne foi. C'est dommage,une entreprise rentable qu'il jette àterre. Je trouve ça triste.»

«Une triste perte de temps et d'argent.Les lecteurs du Journal de Montréal neméritent pas ça. Mon seul désir: le pa-tron et le syndicat à la même table leplus vite possible».

«Le conflit m'a donné des ailes. AvecRue Frontenac, j'ai découvert la vraiesignification de «liberté d'expression».J'ai décidé de me battre avec mes mots.Pas pour moi. Pas pour garder ma job.Mais pour la profession. Pour le métier.Et pour les journalistes de demain, afinqu'ils puissent continuer de faire,comme il se doit, le plus beau métier dumonde.»

«Mettre ses employés à la rue est sansdoute la façon moderne de remercierceux et celles qui ont bâti Le Journal deMontréal, qui en ont fait le numéro undes quotidiens français d'Amérique etune entreprise très rentable à l'originede l'essor de Quebecor. Un lock-out toutà fait inutile...»

«Ma priorité, c'est de me garder debonne humeur. Ici à Rue Frontenac,j'ai beaucoup de petites satisfactions. Le journal me prive d'un bonéquipement de photo. On me prêteune caméra amateur, et savez-vousquoi? Je fais une belle job quandmême!»

« Le mot qui me vient à l'esprit, c'est trahison. On memet dehors après 33 ans. Je ressens beaucoupd'amertume. »

Lise Chartrand,commis au comptoir

aux petites annonces

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«Le lock-out est à ajouter à mon C.V.pour la prise de conscience qu'ilprovoque. Je regrette que certains d'en-tre nous s'appauvrissent et s'endettent.Je trouve ça dommage.»

«Ça va être dur de retourner. J'entendsbeaucoup de gens dire qu'ils n'ont plusenvie de travailler pour un patron aussiingrat. Moi, je leur dis: faites-le pourvous; faites-le pour les lecteurs.»

«On méritait de négocier quelque chosed'équitable qui n'a rien à voir avec ceque l'on veut nous imposer. C'est unmanque de respect total envers ceuxqui ont bâti cette entreprise.»

«Le patron veut nous voir à genoux.L'hiver s'en vient et le froid, c'est dur surles os. C'est très frustrant.»

«On a des petits-enfants, on ne peutmême plus les gâter comme on veut.Notre salaire est amputé, il faut sepriver.»

«Quelque chose s'est brisé. J'ai perdu lafierté et la joie de travailler au Journalde Montréal.»

«J'ai pris une distance face au journal.Ce deuil va rendre mon éventuel départà la retraite moins difficile.»

«Je participe à Rue Frontenac, c'eststimulant, c'est l'avenir. Le patron nenous croyait pas capables et on l'a fait!»

«J'ai souvent la boule dans la gorgequand je viens piqueter. Je suis surnuméraire depuis 20 ans au journal.Je ne retourne plus là, c'est sûr. C'estrough sur le moral.»

«On dit toujours que rien n'arrive pourrien. Je me demande à quoi aura service conflit.»

«Le lock-out, c'est 25% moins de salairemais 75% plus de fun. Avec Rue Fron-tenac, j'ai un défi emballant, j'exploreune technologie que je ne connaissaispas et dont le potentiel est énorme.Mieux, je suis libre de toute conver-gence.»

«Chaque mercredi, lors de nos rassem-blements, je me dis: que de talentsgaspillés!»

«Je ne peux pas concevoir qu'en 2009,on permette à un seul homme de con-trôler comme ça l'information. Il a tousles pouvoirs, et le CRTC, le gouverne-ment, la justice ne font rien. Commephotographe de presse, je voulaisdénoncer l'injustice, je me trouve à lasubir.»

«Après 253 jours, c'est évident qu'onpasse l'hiver. On s'est tenus jusqu'ici,on va continuer. On n'a pas le choix, ons'organise.»

«Quand on me demande des nouvellesdu Journal, je suis tannée de dire que çane négocie pas. J'étais fière de travaillerau Journal de Montréal; maintenant...bof!»

«Chaque année, je rapportais au journalà moi seule environ 800 000 $ en ven-

dant des petites annonces. On est 30filles dans le département. Pourquoi ilnous jette sur le trottoir? Je suis encoresonnée. J'ai passé 32 ans au journal, j'aicommencé à 17 ans. J'ai perdu monsentiment d'appartenance.»

«C'est du mépris envers nous. Ils ontdéménagé nos bureaux avant mêmed'avoir négocié. Ils veulent nous fairemal, ils jouent avec nos sentiments.C'est de la méchanceté.»

«Le dernier jour avant le lock-out, j'aiété mise dehors comme une voleuse,sachant qu'on ne me laisserait plusrevenir. Maintenant, c'est l'inconnu. Mondépartement risque d'y passer. Je n'airien fait pour mériter ça.»

«À mon âge, marcher avec une pan-carte, c'est humiliant. J'ai été engagéeparce que j'étais compétente. Main-tenant, on nous dit qu'on n'a plus besoinde nous, que nous sommes des bons àrien.»

«Je me sens prise au piège, c'est toughmais j'ai appris à ne pas me stresser.J'ai déjà fait une dépression et je ne merendrai pas malade pour une situationque je ne peux changer.»

«Mon poste est aboli. Pour moi, c'est laretraite forcée après 35 ans au journal...le tiers de ma vie. Je mène le combatpour les autres qui restent, mais je lesplains. Moi, j'ai eu 30 belles années.»

«Le fait d'être en lock-out m'a tué endedans. Je suis devenu peureux et in-quiet. On se retrouve à la rue commedes pas bons.»

«L'employeur veut aller trop vite et toutobtenir en une convention. Il aurait puéviter le lock-out, mais il était pressé.J'ai juste hâte que ça fasse un an pourvoir la lumière au bout du tunnel.»

«Les premiers mois de lock-out ont étéles moments les plus difficiles de ma

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« Que peut-on dire d'unesituation quand elle est insensée? »

Marc de Foyjournaliste aux sports

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vie. Maintenant, j'apprends à vivre sansle journal et je découvre qu'il y a autrechose. Ça me fait triper de collaborer àRue Frontenac. C'est le média qui fait leplus jaser au Québec en ce moment.»

«Je ne m'attends pas à ce que ce soitréglé avant deux ans. L'employeur veutépuiser notre fonds de grève et nousvoir rentrer à genoux. Mais moi, je gardele moral.»

«Un lock-out, c'est sans-cœur et sansconscience. Se débarrasser comme çade gens qui ont bâti le journal, c'est in-concevable. J'ai trois jeunes enfants. Àleurs yeux, c'est épouvantable que jen'aie pas de job.»

«Marcher ne me dérange pas. Je n'aipas perdu le contrôle de ma vie, j'étaispréparée. Retourner au journal? Onverra.»

«Sur le plan financier, ça commence àêtre difficile. J'ai dû sortir mes REER. Jesuis seule, sans conjoint. C'est désolantde finir comme ça après 33 ans au jour-nal. Il faut se tenir et c'est ce qu'onfait!»

«L'argent en moins, ça paraît. Je suistriste, je fais mon deuil du Journal.Même quand on va y retourner, pourmoi, c'est fini. Ce n'est pas comme çaque je voulais partir.»

«On ne sait pas où va s'arrêter ce lock-out-là. Ça me dérange, c'est l'incerti-tude.»

«J'aurais aimé terminer autrementaprès 29 ans, mais ça ne m'atteint pas.Mon moral est bon, je suis en santé, toutva bien.»

«253 longs jours à se faire la guerre etaucun espoir de trêve à l'horizon.En colère, tu dis? Bien au-delà: triste àl'infini.»

«En près de neuf mois de conflit, il n'y apas eu une seule minute de négociationpour essayer de trouver un terrain d'en-tente. Comment peut-on s'en sortir si onne se parle pas? Comme membre ducomité de négociation, je représente magang et je trouve très difficile d'admet-tre mon impuissance...»

«Nous sommes effectivement privés denos tribunes au Journal depuis troplongtemps, mais grâce à Rue Frontenac,on ne nous enlèvera jamais l'essentiel:vous, le PUBLIC, que nous aimons tou-jours informer avec constance, rigueuret passion.»

«J'aimerais ne pas avoir de colère, maisj'en ai. Je suis au Journal depuis 29 anset là, on tourne en rond.»

«Je pense à l'hiver et aux -40 degrés quis'en viennent, au vent dans la face etaux bottes qui brisent tellement ellessont gelées. Et je ne sais même pas si jevais retrouver mon emploi...»

«Ça prend beaucoup d'humour pourpasser à travers ça. J'ai vécu le canceret la mort de mon mari. Alors t'sé, moi,un lock-out...»

«Je ne reviens plus au journal, je prendsma retraite. Ce qui m'écoeure, c'est departir dans le mépris après 35 ans. J'suis pas de la chnoutte! J'ai la chanced'être vieille et de pouvoir partir. Pourune fois qu'être vieille est une bonnenouvelle.»

«Le lock-out, bof! C'est une préretraite.Je ne m'en fais pas plus qu'il ne faut.Mais ce n'est pas une belle fin de carrière.»

«C'est comme si, après nous avoir utilisés, on nous jetait. J'ai tellementdonné à ce journal-là. Je me senstrahie, je ne veux plus y retourner.»

«Je suis tannée du lock-out. C'est du niaisage, une perte de temps.»

«Je me sens revivre, je constate qu'il y aune vie à l'extérieur du journal. Ça pre-nait un lock-out pour m'amener ailleurs,mais je ne sais pas où encore. Je suisprête à tout, je n'ai peur de rien. Au jour-nal, c'était stagnant, je le constatemaintenant.»

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«Après 30 ans dans lemétier, je ne pensais plusparticiper un jour au démar-rage d'une nouvelle entre-prise de presse, surtoutfondée sur l'autogestion. Jesuis d'autant plus fier deRueFrontenac.com quenous faisons la preuve queles travailleurs et tra-vailleuses du Journal deMontréal, autant des bu-reaux que de la rédaction,sont des professionnels quiméritent le respect, et non lemépris.»

Michel Van de Walle,journaliste et chroniqueur

en économie

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«J'ai l'impression de perdre du tempsprécieux de ma vie. Tu te poses desquestions, tu te remets en question. Tute demandes si tu devrais changer dedomaine.»

«Je trouve ça triste de finir ma carrièrecomme ça. Je ne retourne plus au jour-nal et je suis soulagée.»

«Je n'ai plus le goût de travailler pourquelqu'un qui ne respecte pas ses em-ployés. C'est un sauvage. On n'est pasdu bétail! Tout ça pour qu'il puisse semettre plus d'argent dans les poches...»

«Depuis le conflit, je me sens commeune itinérante, sans but, à tourner enrond avec une pancarte. Il y a des gensqui sortent du 4545, rue Frontenac avecun journal sous le bras, le sourire encoin et qui n'ont aucun respect pour leslock-outés et artisans du Journal deMontréal. Quelle frustration!»

«J'aimerais que le plus grand nombrede personnes possible dans lapopulation soient informées et sensibi-lisées au lock-out que nous vivons. Avecleur appui, je voudrais réussir à convain-cre la direction du Journal de négocieravec nous une convention collectivedans les règles de l'art.»

«Pour moi, le lock-out, c'est un em-ployeur à bout d'arguments qui donneune gifle en pleine figure à de dévouéset loyaux employés. C'est aussi la réor-ganisation d'une vie en fonction de nou-velles contraintes. Malgré tout, je voisen RueFrontenac l'occasion de finale-ment exprimer mon talent avec uneréelle liberté. Aussi bien en profiter!»

«Depuis le début de ce conflit où PKPcherche à nous mettre à genoux, jepense souvent à Pierre Falardeau.Comme ce grand gueulard à l'âme sen-sible et à la générosité sans bornes, jejure de mener cette lutte jusqu'au bout,en me tenant debout!»

«Ces employés jetés à la rue injuste-ment n'ont jamais baissé les bras. Aucontraire, les huit derniers mois ont so-lidifié les fondations d'une équipe de-passionnés, capable de s'adapter auxnouvelles technologies. Capable ausside réaliser, avec des moyens limités, cequ'elle fait de mieux: informer les gensde façon claire et objective.»

«Je suis papa d'une petite fille de 6mois. Sa présence m'aide beaucoup àvivre cette épreuve que je n'ai pasdésirée. Je garde espoir de pouvoir luiexpliquer, un jour, à quel point son papafait le plus beau métier du monde etcombien il en est fier.»

«On m'a arraché une grosse partie de

ma vie le 24 janvier dernier et je ne saispas si on va me la redonner un jour.»

«C'est indécent pour un employeur deprofiter du fait que la loi anti-scabadoptée en 1977 ne prévoyait aucuneclause moderne, tel le transfert detextes et d' images par Internet. Uneentreprise qui abuse ainsi de trous dansune loi n'est pas digne d'être un des plusgros employeurs du Québec. Honte àQuebecor!»

«Lâchez pas!», nous disent plusieurssympathisants? Comment voulez-vousqu'on fasse autrement. On n'a pas lechoix. Le boss nous a sortis sur le trot-toir et n'est pas du tout pressé de nousramener au boulot, même si, durant desannées, on s'est donnés corps et âmepour le succès de son entreprise.»

«Après 253 jours sur le trottoir, moi, jetrouve désolant de voir que les gens quiont préparé ce lock-out sauvage et quis'enrichissent sur le dos des 253familles ne livrent même pas lamarchandise! Tant d'hypocrisie medonne des haut-le-cœur! Je n'ai plusenvie d'y retourner. Je préfère ma dignité et ma liberté, au lieu de vendremon âme à l'empire! Vive RueFron-tenac.com!»

«Ça fait huit ans que je suis au Journalet grâce à ce conflit, j'ai découvert leplein potentiel de chacun et chacune.Après huit mois de conflit, il seraittemps que Pierre Karl et son empire né-gocient. Il oublie peut-être que, derrièrece conflit, il y a 253 familles.»

«J'avais à coeur ce journal, cette qualitéet ce nouveau souffle que nous voulionslui donner. Si vous pensez qu'à 39 ans,j'attendrai que la direction me donnedes signes de vie dans deux ans... Moi,mes objectifs sont ailleurs. Traiter sesemployés ainsi, nul ne peut aller de l'a-vant. Mes amis, ne restez pasdans l'indifférence et boycottez ceJour-nal en conflit!»

«Les enjeux de la qualité de l'informa-tion et de l'indépendance journalistique

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«C'était facile de régleravec nous sans faire unlock-out. Je n'acceptepas ce que l'employeur a fait. Ce qui fait le plusmal, c'est de voir des col-lègues en détresse. Certains ne sont pas capables de gérer ce qui arrive.»

Hélène Fontaine,commis aux comptes

à recevoir, comptabilité

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m'apparaissent cruciaux dans ce conflit.J'ai entendu un jour un de mes col-lègues dire avec justesse sur la ligne depiquetage que l'issue de ce conflit dé-cidera de la façon dont se pratiquera lejournalisme au Québec pour les 20prochaines années. D'où l'importanceque nous en sortions gagnants.»

«Après 31 ans de service, se faire met-tre à la porte de façon irrespectueusepar notre employeur... Je n'ai plus lesentiment d'appartenance ni aucun respect pour cet employeur.»

«Deux cent cinquante-trois jours. Lefroid. La pluie. La canicule. Les pancar-tes. L'attente. Le vide. La famille quiquestionne. Les amis qui commentent.Les inconnus qui encouragent. Les con-vaincus qui boycottent.Les indifférents qui ignorent. Difficile?Oui. Frustrant? Beaucoup. Invivable?Non. Pas avec deux cent cinquante-deuxamis.»

«Je cite Umberto Eco: quand on doitparler en défense de la liberté de lapresse, cela signifie que la société, etavec elle une grande partie de lapresse, est déjà malade.»

«Je marche, je marche, je marche, maisje n'avance pas. Assoyons-nous et né-gocions!!!!»

«Force m'est de constater qu'en l'ab-sence de ses professionnels del'information, Le Journal de Montréalest devenu un produit dedivertissement avant tout. La rigueurjournalistique et photographique y faitcruellement défaut. Il faudra revoirl'appellation «média d'information» ence qui concerne Le Journal de Mon-tréal.»

«Ce lock-out signifie pour moi une rup-ture brutale après 32 ans d'une vie com-mune avec le même employeur. C'estune vie professionnelle excitante etriche en événements agréables quiprend fin sur une amère trahison, unemise à la porte humiliante et un impar-donnable manque de respect de la part

d'une entreprise à laquelle j'ai été pour-tant si fier d'appartenir.»

«On ne change pas une équipe gagnante!»

«J'aime profondément Le Journal deMontréal. J'aime son audace, soneffronterie, son humanité, son accessi-bilité, sa force de frappe, sonabsence de prétention, sa camaraderie,sa capacité à repousser les limites etmême, parfois, sa maladresse. Mais jecrains le jour où je ne serai plus capablede l'aimer. Et cette idée me terrifie.»

««Lutte, espère et crois!» Où qu'on soit:au front, dans les coulisses ou sur lecarreau. Pour qui le peut: prier aussipour l'adversaire, rien de moins.»

«Ce lock-out est si ridicule et incom-préhensible que j'ai l'impression qu'onnous a mis en punition sans nous expliquer pourquoi.»

«Vivre le rejet et le mépris que l'on aaprès 32 années de loyaux services,c'est inacceptable! Comment vaincre la

compétition médiatique si, aux yeux dePierre Karl Péladeau, nous, le Syndicatdes travailleurs de l'information duJournal de Montréal, sommes ses com-pétiteurs...»

«Le 23 janvier dernier, j'ai fermé la portedu Journal de Montréal avec un profondsentiment de trahison. Pendant 32 ans,j'ai aimé passionnément mon métier.Pour le faire, comme tous mes con-frères, j'y mettais tout mon coeur etplus encore. Pour nous alors, le droit dupublic à une information juste était unerègle fondamentale.»

«253 jours pour réaliser que le lecteurne lit pas les sports. Il est un ami per-sonnel de Bertrand Raymond ou deMarc de Foy avec qui il partage sonopinion et ses émotions. 253 jours pourvouloir créer, comme Pierre Péladeauun jour de 1964, un nouveau journal,plus prometteur parce que franc, droitet sain, à l'abri de toute convergence.»

«La devise des dirigeants du Journal deMontréal: «Oui à la liberté de presse; non à celle de nos employés!»La devise de Quebecor: «Divide et im-pera». Ma devise à moi: «Le Journal deMontréal est mort, vive RueFrontenac!»

«Je souhaite partager cette phrase dujournaliste burkinabè Norbert Zongoqui, je crois, exprime de façon juste l'é-tat de situation: La pire des choses, cen'est pas la méchanceté des gensmauvais. Mais le silence des gens bien.»

«C'est particulièrement éprouvant d'es-sayer de débattre avec un homme pourqui il est plus important de gagner qued'avoir raison.»

«253 jours qui m'ont permis de côtoyeret de connaître les artisans quitravaillent à produire ce journal, àréaliser la qualité de leur travail,la diversité de leurs compétences, lesespoirs qui les animent... 253 jours d'uncombat accentué par l'insensibilité etl'absence d'intérêt d'un patron qui

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«Au-delà du conflit, j'aitrouvé la vraie significationdes mots solidarité, déter-mination et dignité. Je l'aitrouvée dans les yeux de252 hommes et femmes.»

Raynald Leblanc,photographe

Page 8: Pas que du noir...Pas pour moi. Pas pour garder ma job. Mais pour la profession. Pour le métier. Et pour les journalistes de demain, afin qu'ils puissent continuer de faire, comme

trouve le moyen de justifier son gestepar des arguments fondés sur des men-songes.»

«J'aimerais remercier sincèrement tousceux et celles qui nous appuientdepuis que PKP nous a mis en lock-out.À tous ceux et celles qui nous crientd'aller travailler quand ils nous croisentpendant notre piquetage, je voudraisleur rappeler que c'est ce que l'on veutdepuis le 25 janvier. Nous prouvons tousles jours sur le site RueFrontenac.comque le travail ne nous fait pas peur.»

«Comme l'ont si bien dit les CowboysFringants: c'est comme si t'avais prisune paire de cutters pis qu't'avais coupéle cordon de mon cœur.»

«J'ai accouché deux jours après le dé-clenchement du lock-out et en huitmois, ma fille a eu le temps d'apprendreà se tourner, à ramper et à marcher àquatre pattes. Mais notre patron, lui, n'apas encore appris à négocier... Que detemps gaspillé!»

«Notre bataille dépasse largement nosintérêts personnels. Personne, à partl'employeur, ne profitera du fait qu'unjournal produise une information con-trôlée et à rabais. Ni les journalistes, ni

les lecteurs, ni la démocratie. J'ai leprivilège de voir se tenir debout des tra-vailleurs à qui on a voulu couper lesjambes.»

«On peut tenter de nous imposer deschoses, nous mettre des bâtons dansles roues, nous empêcher de nous exprimer mais de grâce restons forts,restons debout, restons fiers.»

«Lorsque j'ai eu la chance de me joindreà la section des Sports du Journal deMontréal, ç'a été un moment d'immensefierté pour moi. Quand on nous a jetésdehors, la gang s'est serré les coudespour pouvoir continuer de faire cequ'elle a toujours fait, informer et diver-tir les gens. Après 253 jours de lock-out,je suis encore plus fier qu'avant de pou-voir dire que j'appartiens à ce groupe-là.»

«Huit mois de lock-out, c'est huit moisde hauts et de bas où la frustration, ladéception et le pessimisme, le tout par-fois aux détriments de tes proches, cô-toient la solidarité, la fierté etl'optimisme.»

«Merci de me donner le COURAGE deme lever pour affronter les hauts et lesbas de Dame Nature, la PATIENCE d'at-

tendre ce rendez-vous qui tarde à venir,la TOLÉRANCE d'entendre toutes cesinsultes et surtout le PARDON que jedois avoir envers tous ces gens qui necomprennent pas notre réalité.»

«Avec une famille de quatre enfants ànourrir, un lock-out n'est pas évident àsubir...»

«Une société de moutons finit toujourspar être gouvernée par les loups, dit-on.Il est pénible de constater à quel pointc'est exact... et c'est encore plus difficileà prendre lorsqu'on est empêché depuisneuf mois de nuire, dans la mesure dupossible, aux loups qui l'ont trop facile.»

«Patience et longueur de temps fontplus que force ni que rage.

-Jean de La Fontaine»

«Être statisticienne sportive au Journalde Montréal, c'était mon rêve de petitefille. Depuis 253 jours, depuis 6 072heures, depuis 364 320 minutes, j'oseencore espérer que les rêves ne sontpas seulement faits pour les enfants...»

«Il n'asséchera pas nos plumes vives.RueFrontenac.com, notre étendard,

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«Au début du conflit, je me suis fait diagnosti-quer une grave maladie au poumon, qui né-cessitait une réaction vive et immédiate. Sansassurance collective à cause du conflit de tra-vail, je ne pouvais me payer les scans dansune clinique privée, qui coûtent presque 3 000 $ mais qui ont l'avantage de se faire toutde suite. Mon collègue François Leblond a envoyé un message aux 252 syndiqués enleur demandant le montant du prix d'une bièreou deux, histoire de remplacer les assurancesdu boss. En quelques jours, le STIJM meremettait un chèque qui payait les scans. C'estdepuis ce jour que mon sentiment d'apparte-nance à la plus belle bande de fous que je con-nais vibre très fort en moi. À tel point que ç'a dissous le cancer annoncé.» Alain Décarie,

photographe

Page 9: Pas que du noir...Pas pour moi. Pas pour garder ma job. Mais pour la profession. Pour le métier. Et pour les journalistes de demain, afin qu'ils puissent continuer de faire, comme

témoigne que les sbires ne gagnerontpas contre les scribes. Il ne viendrapas à bout de notre extraordinaire unité,de notre formidable entrain.»

«Je ne peux pas dire que je suis bien surtous les plans, mais grâce à ma famille,mes amis, de près ou de loin, qui sontderrière moi et qui m'aident à traverserce conflit, je suis en mesure de rester leplus positif possible. Et, bien entendu, laforce que nous avons entre nous, leslock-outés, et qui nous réunit commeune autre grande famille. Un grandmerci à vous tous!»

«Ma première journée de travail au Jour-nal était le 11 septembre 1978; j'avaisalors 17 ans. J'ai maintenant 48 ans.Depuis 1985, je suis responsable de l'in-formatique de toute la salle de rédac-tion. Aujourd'hui, j'offre mon expérienceà RueFrontenac.com, pas seulementd'un point de vue informatique, maisaussi d'un point de vue humain.»

«Je continue d'appuyer mon comité denégociation, auquel j'accorde d'ailleurstoute ma confiance pour mener à biennos luttes. Avant qu'il ne soit trop tard,dénonçons l'envahisseur. Pourquoi y au-rait-il une fin pour nous qui avons bâtialors que lui récolte sans cesse?»

«J'avais une véritable passion pour leJournal, c'était ma vie. Après 32 ans derespect pour cet employeur, je constateque ce n'est pas réciproque.»

«Arrivé si près du but comme sur-numéraire depuis un an et demi, j'ail'impression qu'on m'a arraché monrêve et qu'on a mis ma vie sur pausesans savoir quand le film recom-mencera et si je ferai encore partie de ladistribution.»

«La vie n'est pas un jardin de roses.C'est un combat perpétuel pourpréserver nos droits.»

«Après 36 ans à l'emploi du Journal deMontréal dans la section des sports,j'aurais voulu que ma carrière se ter-

mine sur une plus belle note. Mal-heureusement, le respect et la recon-naissance sont des mots, semble-t-il,qui n'existent pas dans le vocabulaire denotre patron, P.K. Péladeau.»

«Après 33 ans de service et à seule-ment 50 ans, une seule question mehante: vers quoi me tourner? Ce conflitinutile a totalement bouleversé ma vieainsi que celle de ma famille. Seul pointsuper positif: j'ai découvert tellement degens merveilleux, des collègues que jesaluais tout au plus qui sont devenusdes amis pour la vie.»

«La raison me dit qu'il faudra bien re-tourner au Journal de Montréal un deces jours. Le cœur m'affirme pourtantque je suis tellement plus heureux surRueFrontenac.com. Il n'y a pas deréponse à ce dilemme, sinon celle de

citer Lamartine : laissez-nous savourerles rapides délices des plus beaux de nosjours.»

«Le mépris n'aura qu'un temps. Tel étaitsans doute le souhait le plus sincère ducinéaste Arthur Lamothe quand il réa-lisa son documentaire sur les ouvriersde la construction en 1969. Après 253jours du lock-out décrété par Pierre KarlPéladeau, il me semble, à mesure quepassent les jours, que le mépris paraîtsans fin.»

«Un lock-out, c'est l'explosion debombes à fragmentation faites demépris, une pénible attaque contre ladignité humaine. Des bombes qui necessent de sauter, peu importe le jour, lanuit, même à des moments où nousnous croyons à l'abri. Je suis persuadéque les blessures finiront par guérirparce que jamais cet employeur n'auraété capable de nous isoler.»

«Je me sens trahie. Dans mon départe-ment, tout allait bien avec les patrons,je vivais de belles choses. Alors, ça m'abouleversée quand on s'est fait jeter de-hors comme si l'on ne servait à rien,sans respect ni considération. En ce mo-ment, je marche beaucoup et je me disque c'est ça, mon travail. La solidaritéavec les autres syndiqués me fait dubien.»

«Le conflit démontre à quel point LeJournal de Montréal est essentiel dansl'information au Québec car la situationactuelle est très nuisible à la discussionpublique. Il faudra que Pierre KarlPéladeau revisite sa philosophie indus-trielle concernant l'information.»

«Je trouve ça indécent chaque fois quej'entends d'autres médias citer le Jour-nal en lock-out comme si de rien n'était,alors qu'il n'y a pas un journaliste à l'in-térieur. J'ai envie de leur dire: Noussommes tous dans la rue, lisez doncRue Frontenac!»

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«Construire peut être le fruitd'un travail long et acharné.Détruire peut être l'œuvred'une seule journée»

-Winston ChurchillRecette pour construire :négocier, dialoguer, fairepreuve d'ouverture et debonne foi. Recette pourdétruire : décréter un lock-out.»

Marie-Eve Fournier,journaliste

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«J'ai toujours donné mon 150% à monemployeur en 30 ans de service. Pourmoi, le Journal était comme une deu-xième famille. Donc, ce lock-out, je le viscomme si des êtres chers m'avaientlaissé tomber. Je me sens trahie.»

«Pierre Karl Péladeau est un sans-cœurqui pense juste à se remplir les poches.»

«Pendant le lock-out, j'ai agrandi mafamille en donnant naissance à unepetite fille, un rêve que je chérissais. Surle plan personnel, je suis comblée. Maisprofessionnellement, à 34 ans, avecdeux enfants, je ne sais pas ce qui m'at-tend.»

«Pour utiliser une analogie propre aumerveilleux monde du sport, être mis enlock-out, c'est un peu comme se faireéchanger à une autre équipe pour unathlète professionnel. On se sent un peurejeté, un peu coupable et certainementhumilié, mais une fois ces émotionspassées, on veut faire la preuve que lepatron a fait une grosse erreur en nousjetant à la rue.»

«Encore une fois, le magnat abuse deson influence et écrase. La solidaritésera toujours la meilleure alliée du toutpetit.»

«Après huit mois de conflit, la colère afait place à l'insécurité qui granditchaque jour que je marche sur le trot-toir... Ce n'est pas facile à vivre !»

«Ça me brise le cœur de constater queLe Journal de Montréal puisse ainsijeter à la rue, et pour aussi longtemps,ses employés qui ont contribué pendantde nombreuses années à construire et àrendre très florissant l'empire Quebecor.Nos vies en seront à jamais altérées.»

«J'étais fier de faire partie de ces artisansqui ont permis à M. Péladeau (père)decréer Quebecor. Je n'aurais jamais puimaginer que notre travail servirait un jourà nourrir l'égo d'un «dictateur» qui ne re-specte rien et qui s'amuse à ruiner la viede ceux à qui il doit tout. Ça me révolte...»

«Un lock-out, c'est une grosse blessure.Les premiers jours, ma douleur étaittrès vive. Les semaines et les mois ontpassé, et j'ai fini par m'habituer à cettedouleur. Mais c'est une blessure quiguérit mal. Elle vit toujours en moi, cequi fait que je ne peux pas l'oublier. Non,je ne l'oublierai jamais, JAMAIS.»

«Le combat que mènent les lock-outésdu Journal est beaucoup plus importantque ne le croient les gens. Nous nousbattons pour la survie du journalisme,contre la censure et l'imposition desidées. Les gens doivent comprendre quela liberté de presse est importante et vi-tale pour le Québec comme pour lereste du monde.»

«Après 34 ans à travailler pour ce quoti-dien que j'avais tant à coeur, je ne peuxcroire qu'une personne intelligentepuisse faire vivre tant de chagrin et d'é-motions à 253 personnes, et tout çapourquoi? Je ne comprends pas encoreaprès 253 jours... J'ai vraiment hâte quesa cloche sonne!!!!»

«Nous avons TOUS sans exception lelogo du Journal de Montréal tatoué surle coeur. Pas certain que les cadres quiobéissent au doigt et à l'oeil durant lelock-out et qui ont pour la plupart beau-coup moins d'ancienneté que les syn-diqués possèdent la mêmephilosophie.»

«Je suis prise en otage par un em-ployeur face auquel je me sens com-plètement impuissante. Chaque semaine,je passe par des montagnes russes d'é-motions, allant de l'euphorie au dé-couragement total. Heureusement, jepeux continuer de pratiquer le métierque j'aime sur RueFrontenac.com. Et ça,même Pierre Karl Péladeau ne peutm'en empêcher.»

«Certains matins, j'ai l'humeur dans lestalons, tellement je suis tannée du lock-out. Puis, je me rappelle combien le tra-vail de journaliste est stimulant etessentiel et que ça vaut la peine de sebattre pour la cause. Du coup, jeretrouve le sourire et le goût de continuer.»

«C'est beaucoup plus qu'une lutte pourdes conditions de travail. Il s'agit d'unebataille pour la liberté de presse et ledroit à l'information. Pierre Karl Péladeauest en train de tuer l'information auQuébec. Nous sommes TOUS perdantsà laisser aller la convergence. Passeulement les 253 lock-outés. Lesmétiers de journaliste et de photojour-naliste sont en péril avec Quebecor.»

«...»

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«Le paysan veut être riche, le seigneur veut devenir roi, le monar-que n'est pas satisfait tant qu'il ne gouverne pas sans partage.

Cette phrase, traduite librement de la chanson Badlands, de BruceSpringsteen, dénonçait déjà les intentions des nouveaux barons dupouvoir, plus de 30 ans avant le conflit au Journal de Montréal. Nevous demandez plus pourquoi nous sommes en lock-out.»

Philippe Rezzonico,journaliste

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«Désillusion...»

«Contrairement à ce que plusieurs per-sonnes croient, un lock-out est bien dif-férent d'une grève. Puisque c'est lepatron qui a pris la décision de mettreses employés à la rue, ces derniers n'ontaucune emprise sur la décision de re-tourner au travail ou non. Retourner tra-vailler, c'est tout ce que nousdemandons. Un vœu bien difficile àréaliser lorsque le patron refuse des'asseoir à la table de négociation.»

«Les vrais professionnels ont choisi dese battre pour que le métier qu'ilsfont conserve son importance dans lasociété. Ils se battent contre un hommequi se croit plus fort qu'eux. Ils se bat-tent pour tous ceux qui ne le peuvent oune le veulent pas. Nous avons la têtehaute et des mollets d'acier. Et nousavons les mots de notre côté.»

«Comme photographe, j'ai toujours rêvéde couvrir des conflits. Jamais je nepensais documenter mon quotidien.»

«Parmi les demandes de l'employeur, ils'en trouve une qui me ferait rigoler, sielle ne risquait pas de me faire perdremon emploi : l'abolition de six des huitpostes de réviseur que comptait avantle conflit la salle de rédaction. Cette exi-gence farfelue, comme bien d'autres,donne à réfléchir. Parce que le bon sensnous force à nous y refuser, on nous ajetés à la rue. Et cela dure maintenantdepuis plus de huit mois.»

«Je tiens à remercier toutes les person-nes avec qui j'ai des échanges superprofonds et intéressants sur la ligne depiquetage. Ce conflit nous rapproche etnous permet de connaître des person-nes merveilleuses... Ne lâchons pas, rienn'est permanent dans la vie. Le lock-outaussi va passer. Le meilleur est à venir.»

«Rien n'est plus violent qu'un lock-outen relations de travail. Quebecor en a

décrété 14 au cours des 14 dernièresannées. Que dire de plus?»

«Je ne peux pas croire qu'après huitmois de conflit, je suis encore sur letrottoir. J'ai donné 32 ans de ma vie à cejournal. Maintenant, je dois penserqu'un autre hiver est à nos portes. Maisheureusement, mon proverbe est Unjour à la fois et demain est un autrejour.»

« Nous sommes le 6 octobre. Je viensde passer au travers de ma premièresemaine de piquetage après un longcongé de maladie. Je suis encore un peuétourdie par le va-et-vient des collèguesqui travaillent au local syndical. Étour-die aussi par les voitures qui roulenttout près de nous à toute vitesse. Ellesfrôlent l'îlot où l'on doit marcher, enplein milieu de la rue Frontenac.»

«Avec l'argent que l'employeur con-sacre au lock-out et ce qu'il paie à sesavocats de chez Ogilvy Renault, il auraitpu régler bien facilement en rachetantdes jobs et en restructurant son journal.Mais ça ne l'intéressait pas. La preuve,c'est qu'il n'a pas négocié. C'est dom-mage.»

«J'espère que ce lock-out sensibiliserala population et les partis politiques àl'urgence de lancer une réflexion sur l'é-tat des médias et les conditions danslesquelles l'information est produite auQuébec.»

«Comment autant d'énergie malsainepeut-elle émaner d'un seul homme?»

«J'ai passé 27 ans de ma vie au Journalde Montréal. J'ai été embauché commechef de pupitre en 1982. J'étais chef desecteur en janvier 2009. Depuis, c'est lelock-out. C'est le black-out. On ne traitepas des êtres humains de la sorte. Onne prive pas des êtres humains de leurdignité. Le mépris l'anéantit. Aujour-d'hui, je me nourris du passé en es-pérant entrevoir l'avenir. Je penseà mes collègues, nos collègues qui sont

disparus. Et je dis à mon patron: «Re-gardez, M. Péladeau, ils sont mortspour le Journal, ne tuez pas ceux quivous restent.»

«Trente-cinq ans de travail au Journalde Montréal m'ont permis de constaterà plusieurs reprises que si la volonté derèglement est présente, la solution finittoujours par s'imposer. La feuille deroute du Syndicat des travailleurs del'information du Journal de Montréal(aucun conflit avant le 24 janvier 2009)est nettement plus éloquente à cechapitre que celle de Quebecor Médiasous le règne de Pierre Karl Péladeau.Monsieur Lock-out cherche continuelle

«C'est beaucoup plus durque je ne l'aurais cru, sur lesplans financier, moral etpsychologique. Surtout quand on a tout donnécomme journaliste, au détri-ment de notre vie familialeet parfois même de notresécurité personnelle. Je meconsole en me disant quec'est pour le public que jetravaille en premier lieu,pas pour Pierre KarlPéladeau ou pour un petitboss méprisant.»

Vincent Larouche,journaliste

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Page 12: Pas que du noir...Pas pour moi. Pas pour garder ma job. Mais pour la profession. Pour le métier. Et pour les journalistes de demain, afin qu'ils puissent continuer de faire, comme

ment l'affrontement. Cette fois, 253 ar-tisans du STIJM en sont les innocentesvictimes.»

«Je suis entrée au Journal de Montréalle 15 juin 1995, date d'anniversaire duJournal (le 15 juin 1964). J'ai travaillécomme commis aux transmissions ettéléphoniste/réceptionniste. J'ai tou-jours été à temps partiel mais bon sangque j'étais heureuse d'y travailler! Au-jourd'hui, je suis malheureuse et àtemps plein... dehors, sur le trottoir!»

«Il était une fois... la mauvaise foi et lecapitalisme sauvage qui décapitent lecapital humain. Chez Sun Media, lesoleil ne brille pas pour tout le monde.»

«Je suis infiniment triste de constaterqu'il existe encore des patrons commele nôtre. Des patrons aveuglés par leurtoute-puissance à un point tel qu'ils enperdent de vue que des gens ont tra-vaillé fort, sué sang et eau pour bâtirl'empire qui a fait leur fortune et leurgloire. Un patron qui perd de vue queces gens ont des familles et que, par safaute, l'avenir d'enfants est dorénavanthypothéqué alors qu'il a l'audace dehausser son propre salaire.»

«Ce conflit concerne tous les Québécois.Tous les démocrates d'abord qui ne veu-lent pas qu'un Big Brother tripote l'in-formation au seul bénéfice de sesintérêts commerciaux et politiques.Tous les travailleurs ensuite qui ne veu-lent pas qu'on laisse des cyber-scabsvenir voler et détruire des emplois dequalité.»

«D'habitude, je m'exprime par la carica-ture, mais ce que j'ai à dire aujour-d'hui ne se dessine pas. Depuis ledébut du lock-out en janvier 2009,non seulement m'a-t-on enlevé monemploi, mais encore j'ai perdu lasanté. Une maladie chroniquedouloureuse, la colite ulcéreuse, la-tente depuis plus de 10 ans, est réap-parue comme par hasard. Cettemaladie est due au stress, à l'anxiétéet à l'insécurité de la situation danslaquelle je vis depuis neuf mois Mercibeaucoup... Aucun anti-douleur pre-scrit par un médecin ne sera assezpuissant pour soulager toute ladouleur que m'occasionne le conflit àMON journal de Montréal. Commecaricaturiste, ma tâche première estde faire rire. Mais depuis le 24 janvier2009, j'ai perdu le goût de rire.»

«Je suis en colère. Aucune négociation en près de neuf mois. C'est scan-daleux. J'accuse le gouvernement Charest de laxisme éhonté et defrilosité chronique. J'accuse d'individualisme mesquin et d'irresponsabil-ité civique tous les journalistes et chroniqueurs de remplacement qui ali-mentent la machine pendant que les vrais artisans tentent de négocierleurs conditions de travail de bonne foi. J'ose croire que ces collabora-teurs immoraux dorment mal. Encore faut-il qu'ils aient un coeur et uneconscience.»

Mario Leclerc, chef de pupitre

«S'il y a un élément qui n'a jamais fait défaut dans ceconflit qui s'éternise inutilement, c'est l'enthou-siasme des gens qu'on a mis à la rue. On le constateassez facilement en parcourant les textes qui sontrédigés sur RueFrontenac.com. On le remarque toutautant duran t nos assemblées générales. Franche-ment, l'aspect qui m'a le plus étonné depuis le débutde ce conflit, c'est la détermination de ceux et cellesqui en sont victimes. Les femmes surtout. Pourquoiles femmes? Parce que la majorité d'entre ellessavent qu'on a l'intention d'abolir leur poste le jour oùle grand patron de l'entreprise décidera que cette hu-miliation planifiée a assez duré. Elles sont là, dy-namiques, enjouées et ponctuelles sur la ligne depiquetage. Je les trouve inspirantes, elles qui ont tantà perdre. Comme nous tous, leurs bras meurtris por-tent toujours bien haut le flambeau.»

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Bertrand Raymond,journaliste et chroniqueur aux sports