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Généralités sur les pays du Sud L es médias influencent énormément les représentations que l’on se fait aujourd’hui des réalités du Sud. Dans de nombreux cas, le tableau est sombrement dépeint et semble correspondre à une partie de la réalité : pauvreté économique, conflits, catastrophes naturelles, famines, sida, etc. Pourtant, d’autres facettes coexistent, mais ne sont pas pour autant portées à l’avant-plan. Des peuples s’organisent au quotidien, avec parfois beaucoup d’imagination et grâce à la puissance des liens sociaux. Les réalités contemporaines des pays du Sud sont le fruit de multiples facteurs. Quels sont les mécanismes qui ont engendré tant d’inégalités entre le Nord et le Sud, sur les plans historique, économique, politique ou social ? THEMA 1

Pays du Sud

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Pays du Sud

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Page 1: Pays du Sud

Généralités sur les pays du Sud

Les médias influencent énormément les représentations que

l’on se fait aujourd’hui des réalités du Sud. Dans de nombreux

cas, le tableau est sombrement dépeint et semble correspondre

à une partie de la réalité : pauvreté économique, conflits,

catastrophes naturelles, famines, sida, etc. Pourtant, d’autres

facettes coexistent, mais ne sont pas pour autant portées à

l’avant-plan. Des peuples s’organisent au quotidien, avec

parfois beaucoup d’imagination et grâce à la puissance des

liens sociaux. Les réalités contemporaines des pays du Sud

sont le fruit de multiples facteurs. Quels sont les mécanismes

qui ont engendré tant d’inégalités entre le Nord et le Sud, sur

les plans historique, économique, politique ou social ?

THEMA 1

Page 2: Pays du Sud

Généralitéssur les pays

du Sud

THEMA 1

LE SCHEMA DE LA COUPE DE CHAMPAGNE1 :L’INEGALE REPARTITION DES RICHESSES

La rupture entre le Nord et le Sud se manifeste notamment par le schéma d’inégalité des

richesses, appelé « schéma de la coupe de champagne » : le haut correspondant au Nord et

le « pied » au Sud. Il apparaît sur celui-ci que les 20% les plus riches de la population mon-

diale possèdent 83% de la production mondiale et que les 20% de la population la plus

pauvre se partagent 1,4% des richesses.

Parmi les pays les plus pauvres, on retrouve la majorité des pays africains où la plupart des femmes

et des enfants vivent avec moins d’un dollar par jour.

Notons aussi que la fiabilité des statistiques sur les pays du Sud, même fournies par des institutions

internationales « sérieuses », doivent être considérées avec des pincettes. En effet, le manque

d’enregistrement des naissances et donc d’existence légale de nombreux individus, empêche le

bon déroulement des enquêtes statistiques.

20% de la population du monde produisent et

consomment 82,7% des richesses

Un quintile = 20%

= 1.200 millions de

personnes sur les

quelques 6.000

20% de la population du monde se contentent

de 1,4% des richesses

11,7%

2,3%

1,9%

UN PEU D’HISTOIRE DES RELATIONS NORD-SUD

La découverte du Nouveau Monde et la période esclavagiste

Aux 15ème et 16ème siècles, les grandes puissances européennes en quête de pouvoir et de

richesse partent à la découverte de nouveaux horizons. Cette conquête de nouveaux terri-

toires s’accompagne d’un pillage systématique des ressources justifié au nom de la chris-

tianisation des populations locales considérées comme « sauvages ». Les conséquences

directes de ces découvertes seront l’enrichissement des Européens et le développement du

commerce international entraînant dans son sillage l’explosion de la traite négrière, période

de l’esclavagisme qui décimera les peuples pendant 500 ans. A la fin du 15ème siècle, le traité

de Tordesillas établit la répartition des territoires entre l’Espagne et le Portugal, ce qui aura

des conséquences sur la période de colonisation de ces pays. Ce traité apparaît comme un

compromis hispano-portugais, nécessaire à la paix entre les deux nations. Un partage des

terres sera organisé, et débouchera sur la conquête, par le Portugal, de la pointe orientale du

continent latino-américain, appelé plus tard le Brésil.

La colonisation et la décolonisation

En 1884, lors de la conférence de Berlin, les puissances européennes organisent leurs colonies en

divisant le continent africain en 14 nations. Ils tracent de nouvelles frontières, et ce sans tenir

compte des différentes ethnies et des futures sources potentielles de conflits. Ces territoires

seront occupés et dépouillés jusque dans les années 50-60, époque des indépendances.

L’aide au développement

Généralités sur les pays du Sud

THEMA 1

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Schéma de la coupe de champagne

1Guy Bajoit, sociologue du développement, professeur à l’Université Catholique de Louvain, Belgique

La notion de « sous-développement » appa-

raît au lendemain de la deuxième guerre

mondiale. Le 20 janvier 1949, lors de son

investiture, le président des Etats-Unis,

Truman évoque, dans le « point quatre » de

son discours, une extension de l’aide tech-

nique aux nations défavorisées, qui avait été

jusqu’ici accordée à certains pays d’Amérique

latine. A cette époque, l’Occident se rend

compte de l’importance stratégique que

représentent les pays « sous-développés »

dans la lutte contre l’expansion commu-

niste. Un nouveau modèle de développe-

ment économique est alors injecté pour

venir en aide aux pays du Sud. Dans la

pratique, une partie importante des fonds

va être détournée par les dirigeants

politiques et ce, en connaissance de cause

des pays occidentaux.

République démocratique du Congo, écoliers à Kinshasa

© Layla Aerts - pour Handicap International

Page 3: Pays du Sud

La dette des pays du Sud

Le remboursement de la dette constitue une véritable source d’étranglement de

l’économie des pays du Sud et a des répercussions importantes sur les budgets consa-

crés aux services publics tels que la santé ou l’éducation. Aujourd’hui, les pouvoirs

publics des pays du Sud ont déjà remboursé l’équivalent de 94 fois leur dette de 1970.

D’une part, à l’origine de cet endettement, un investissement massif des banques du

Nord dans les années 60 sous forme de prêts accordés aux pays du Sud (Afrique et Amé-

rique latine). A cette époque, les banques européennes regorgent de dollars suite à

l’instauration du plan Marshall par les Etats-Unis qui avait pour objectif de relever

l ’économie européenne. Les banques vont utiliser ces fonds en incitant les différents

gouvernements des pays du Sud à emprunter à de faibles taux. Le boom pétrolier des

années 70 va encore accentuer ce phénomène suite au placement des revenus des pays

producteurs de pétrole dans les banques occidentales. L’ensemble de ces prêts va

constituer la partie privée de la dette.

80, les banques du Nord vont décider de façon unilatérale d’augmenter considérablement

leurs taux d’intérêt. Leurs prêts ayant été contractés à taux variable, les pays du Sud

voient leurs taux d’intérêt passer de 4 - 5% à 16 - 18%, ne leur permettant plus de rem-

bourser leur dette qui ne fait qu’augmenter, essentiellement sous forme d’intérêts. Par

ailleurs, les pays du Sud, contraints de se concentrer sur les exportations pour rem-

bourser leur dette, vont inonder le marché mondial de matières premières.

L’augmentation de l’offre va de suite avoir comme conséquence une chute du prix de

ces produits.

Les Plans d’Ajustement Structurel

Face à cette situation, seul le Fonds

Monétaire International continue de

bien vouloir accorder des prêts aux

pays du Sud, mais sous certaines condi-

tions. Les mesures préconisées sont inscri-

tes dans un Plan d’Ajustement Structurel

(PAS), qui prévoient généralement comme

mesures : réduction des budgets « non

productifs » (santé, éducation, subven-

tions aux produits de base, etc.), produc-

tion agricole tournée vers l’exportation

(café, coton, cacao, arachide, thé, etc.) pour

faire rentrer des devises, réduction des

cultures vivrières, libéralisation de

l’économie, privatisations massives des

entreprises publiques, etc. Le but est

de dégager des capitaux pour rem-

bourser leur dette.

L’argent ainsi dégagé a servi en priorité

aux grands projets énergétiques ou

d’infrastructures (barrages, centrales

thermiques, oléoducs, etc.), souvent

inadaptés et mégalomaniaques, qu’on

a appelés « éléphants blancs ».

L’objectif n’était pas d’améliorer les

conditions de vie des populations,

mais plutôt d’extraire les richesses

naturelles et de montrer par ces grands

chantiers les progrès réalisés en

matière de développement.

D’autre part, les pays du Nord

vont également prêter d’Etat à

Etat des sommes importantes

aux gouvernements du Sud

sous certaines conditions

« d’exclusivités économiques ».

L’Europe connaissant une réces-

sion importante, ces prêts

avaient pour objectif de donner

du pouvoir d’achat aux popula-

tions du Sud afin de relancer

l’exportation de marchandises

européennes. Il s’agit ici de la

part bilatérale de la dette exté-

rieure publique.

Afin de résorber la crise écono-

mique du début des années

Tibet, ville de Lhassa, vue du ciel

© Handicap International

2Le Fonds Monétaire International est une institution internationale multilatérale qui vise la stabilité du système monétaire et

financier international.

3D. MILLET et E. TOUSSAINT, 60 questions-réponses sur la dette, le FMI et la Banque Mondiale, CADTM & Syllepse, 2008, p. 230

Cuba, vélo-taxi dans les rues de la Havane

© Handicap International

L’évolution de l’aide au développement

Depuis les années 70, la plupart des pays du Nord ne respectent pas leurs engagements

consistant à verser 0.7% de leur revenu national brut (RNB) à l’aide publique au dévelop-

pement (APD) des pays du Sud. L’APD a connu une importante régression durant les

années 90, passant de 0.33% à 0.22% au cours de la décennie3.

A côté de l’aide étatique, le monde des organisations non gouvernementales s’est égale-

ment considérablement développé. Les ONG possèdent de plus en plus de compétences

techniques et sont directement consultées lors de grandes réunions internationales.

Généralitéssur les pays

du Sud

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Page 4: Pays du Sud

Source : Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 2008

0,25 0,50 0,65 0,78 0,85 1,00 Données non disponibles

Indice du Développement Humain (IDH)

En tenant compte des populations locales et de leurs réalités sociales et culturelles, les

ONG sortent de cette vision « paternaliste » qu’elles adoptaient pour désormais

s’orienter vers de réels partenariats.

L’ONU a également créé en 1995 l’Indice de Développement Humain (IDH) qui permet

d’évaluer le développement humain des pays dans le monde. Auparavant, on mesurait

la richesse uniquement avec le Produit Intérieur Brut des pays, alors que l’IDH prend

également en considération la santé (espérance de vie, accès à l’alimentation et à l’eau

potable…), le niveau d’alphabétisme (taux d’alphabétisation, taux de scolarisation…) et

le niveau de vie (PIB, accès à la culture…). Les pays sont classés en trois catégories de

pays : développement humain élevé, développement humain moyen et faible dévelop-

pement humain.

L’ONU a également mis sur pied les « Objectifs du Millénaire » à atteindre pour 2015. La

coopération belge, en partenariat avec les ONG belges, a donc mis sur pied un plan

pour les atteindre et travaille dans différents secteurs: soins de santé de base, éducation

et formation, agriculture et sécurité alimentaire, infrastructures et bonne gouvernance.

Dans ses projets, elle prête particulièrement attention à l’égalité entre les hommes et

les femmes, la lutte contre le sida, les droits de l’enfant, l’économie sociale et le respect

de l’environnement.

LA QUESTION DE L’APPELLATION4

Dès les indépendances, un ensemble de pays nouvellement décolonisés apparaît et

forme comme un tout. Auparavant, ces pays n’existaient ni en tant qu’entité spécifique,

ni en tant qu’objet d’étude des « pays en développement ». De nombreux termes furent

utilisés pour qualifier cette entité, mais l’utilisation des termes n’est jamais neutre et

reflète l’adhésion à une idéologie ou l’évolution des mentalités face à l’objet d’étude,

selon que l’accent est mis sur tel ou tel aspect d’une réalité.

Les différentes appellations:

Pays riches et pays pauvres

Cette appellation se base sur le PNB et PIB. Il est difficile de situer la ligne de démar-

cation qui classifie les pays sur cette échelle (en général, ce sont les critères de la

Banque Mondiale qui sont pris comme références). Notons que certains pays ne

sont pas nécessairement pauvres en matières premières mais n’ont pas le contrôle

de celles-ci ou ne bénéficient pas des profits qui en sont retirés.

Pays du Nord et pays du Sud

Cette appellation est fort utilisée mais est assez vague. La référence géographique

ne se justifie pas car de nombreux pays « pauvres » se trouvent dans l’hémisphère

Nord (Inde, pays d’Afrique de l’Ouest, etc.) alors que certains pays riches se trouvent

dans le Sud (Nouvelle Zélande, Australie, etc.).

Pays industrialisés et pays non industrialisés

Aujourd’hui, tous les pays sont plus ou moins industrialisés, le terme fait donc

référence à un type spécifique d’industrialisation, celle qui contribue essentielle-

ment à la production totale des biens et des services.

Nations prolétaires

Cette formule d’allure marxiste suggère l’existence d’états exploités et exploiteurs à

l’image des classes sociales.

Pays du centre et pays de la périphérie

Ces termes proviennent d’une vision du système capitaliste mondial. Dans cette

optique, le capitalisme s’est étendu et a soumis le reste du monde par des formes

multiples de dépendances. Cette vision oppose le centre (pays capitalistes dévelop-

pés) et la périphérie (qui reste en marge du développement tout en le nourrissant).

Tiers monde

Ce terme commença à désigner en bloc, au moment de la guerre froide, tout ce qui

ne couvrait ni l’étiquette classique de l’Occident libéral ni celle du communisme

soviétique. Néanmoins, fin des années 80, l’opposition entre pays capitalistes et

communistes qui avait présidé la naissance du concept n’existait plus avec la chute

du régime soviétique. L’effondrement des régimes communistes européens avait

révélé que les pays de l’Europe centrale et orientale pouvaient se trouver dans des

4F. NAHAVANDI, Du développement à la globalisation : Histoire d'une stigmatisation, Emile Bruylant, 2005

Généralitéssur les pays

du Sud

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Généralités sur les pays du Sud

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Page 5: Pays du Sud

VOIR ACTIVITES- 1. La ruée vers la richesse et le pouvoir

- 2. Un pas en avant !

- 7. Photo-langage

- 10. Petit reporter sans frontières

- 11. Contes

DATES-CLES21 mai : Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et pour

le développement

24 octobre : Journée mondiale d’information sur le développement

situations politiques et économiques assez similaires à celles de nombreux pays du

Tiers monde. De plus, un grand nombre de pays du Tiers monde ayant connu des

taux de croissance spectaculaires ne sont alors plus considérés comme en faisant

partie et sont appelés pays émergents ou nouvellement industrialisés car, même

s’ils ont traversé d’incroyables transformations économiques, ils n’ont pas atteint le

niveau des pays industrialisés occidentaux.

Pays développés, sous-développés et en voie de développement

L’unanimité sur ce que veut dire « développement » n’existe pas, mais la répartition

actuelle du pouvoir fait prévaloir la définition occidentale du terme. Ces concepts

renvoient à l’idée d’un modèle de développement unique, celui des pays capitalis-

tes développés. Les termes « pays en voie de développement », « émergents », etc.

évoquent l’idée que le processus de croissance est en cours et que certaines trans-

formations des structures économiques et sociales sont déjà opérées. L’emploi de

ces termes se réfère à l’idée que le développement est un processus ininterrompu.

Dans le cadre de ce manuel, nous avons principalement utilisé l’appellation Nord/Sud.

Ce choix nous semblait être le moins occidentalo-centré, et n’induisant pas une idée de

modèle unique de développement.

Bien entendu, nous l’avons vu, cette vision du monde est trop simplifiée car le Nord ou

le Sud ne peuvent être vus comme des ensembles homogènes, et l’on trouve « du Nord

au Sud » et inversement. Ajoutons que l’on s’accorde à dire aujourd’hui que certains

pays ne font plus partie du « Sud » mais pas non plus du « Nord » : il s’agit de pays que

l’on qualifie d’« émergents », comme le Brésil, la Russie, l’Inde ou la Chine.

Généralitéssur les pays

du Sud

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