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Paysage et anthropologie
Montagne vs campagnol terrestre
Journée Agriculture, Environnement et Territoire
Yves Michelin, Shantala Morlans13 septembre 2011
Faire le diagnostic d’un aléa pour proposer des solutions sur le terrain
A travers l’exemple des pullulations decampagnols terrestres, nous allons déterminerles points à questionner pour mener undiagnostic d’un aléa du territoire, afin deproposer des solutions de gestion aux acteursconcernés
Contexte
• Depuis plusieurs dizaines d ’années, on
observe à grande échelle en Auvergne et
en Franche Comté …
Un phénomène particulièrement visible
Une prolifération de mottes de terre dans les prairies
D’abord de manière éparse …
Fuans, Dessus des Commènes, 2004
Jusqu’à ce qu’il ne reste que quelques reliquats d’herbe dans des parcelles de terre!
Comment appréhender ce phénomène ?
Ce qu’on a besoin de savoir
1. A quoi cela est du ?Le campagnol terrestre mis à nu
• Biologie de l’animal• Fonctionnement temporel et spatial des populations• Ce qui déclenche ces pullulations• Fonctionnement des cycles de pullulations • Quels en sont les incidences ?• Ce qui peut avoir une incidence directe ou indirecte sur ces pullulations incontrôlées
• Activité souterraine
• Alimentation : espèces prairiales
• Durée de vie en moyenne : 6 mois (max 1 an)
• Reproduction : 4 à 6 portées par an
2 à 8 petits par portée
21 j de gestation & maturité sexuelle à 2 mois
1 couple --> 100 à 120 campagnols en 6 mois
Le campagnol terrestre cohabite et/ou colonise les
galeries des taupes. Il est donc nécessaire de les
distinguer
Biologie du campagnol
Comment reconnaître les indices de présence ?
Campagnol terrestreTaupe
Campagnol des champs
Plusieurs espèces de rongeurs cohabitent, sans avoir la même activité ni les mêmes impacts.
Brischoux et al., 2000.Données SRPV, FREDON FC.
Il s’agit d’un phénomène cyclique
l’exemple du
département du Doubs
Réalité temporelle du phénomène
Quels sont les impacts des pullulations ?
Les pullulations de CT ont des
conséquences sur la santé
• échinococcose alvéolaire
• maladie du poumon de fermier
Un cycle complexe
Source : CHU Besançon extrait de ERZ 2005
La situation actuelle en France et en Auvergne
www.eurechinoreg.orgwww.sante.gouv.fr
• Perte fourragère• Diminution de la qualité fourragère et dégradation de la flore• Mauvaise conservation des ensilages •Dégâts matériels• Travail supplémentaire pour l’entretien des prairies
Conséquences sur les prairies
• Baisse de la qualité du lait• Mauvaise hygiène pour la traite• Troubles métaboliques (sous-alimentation, déséquilibre de la ration)• Risque de contamination
Conséquences sur les troupeaux
• Achats de fourrage et concentré alimentaire de substitution• Re-semis• Dégâts matériels• Qualité du lait amoindrie• Surcroît de travailPertes évaluées à 38 millions d’euros pour 1200 exploitations
une année de pullulation (1998) Jusqu’à 15 000 € de perte pour certaines exploitations sur un
cycle de pullulationSource : DRAF Franche-Comté
Conséquences pour l’exploitation
Pour toutes ces raisons, la demande pour développer la lutte est très forte
La désolation
Tsunami
Invasion
Alarmant
Fausses
promesses
L’impact important de ces pullulations sur le systèmeagricole nécessite d’apporter une réponseagronomique à destination des agriculteurs et desconseillers techniques… mais pour apporter desréponses ciblées, il faut connaître les causes de cespullulations
Quelles sont les causes ?
Causes multifactorielles :
Changement des pratiques agricoles : homogénéisationdes cultures de l’espace, remembrement, augmentationde l’usage de pesticides, baisse des prédateursconsidérés comme nuisibles, disparition des bocages, ….
Comprendre les causes permet de mettre aupoint des moyens de lutte adaptées auxcontextes
• Augmentation de l’habitat favorable aux campagnols• Augmentation de la connectivité de l’habitat favorable aux campagnols• Ouverture du milieu défavorable aux prédateurs généralistes
HOMOGENEISATION DU MILIEU
Evolution du Paysage Agricole
4 Hypothèses1. La gestion de l’herbe a un impact sur l’habitat du
Campagnol
1.2 perturbation
Manure Mineral fertilisation Manure Mineral fertilisation
2004 2005
...
Coef.
pert
urb
ati
on
4 Hypothèses1. La gestion de l’herbe a un impact sur l’habitat du
Campagnol
1.3 ressource alimentaire
Manure Mineral fertilisation Manure Mineral fertilisation
2004 2005
...
Bio
ma
sse
4 Hypothèses2. Les structures paysagères influencent les relations
proies/prédateurs
Exemples de territoires de chasse
Renard
Rapace
4 Hypothèses3. Les galeries de Taupe favorisent la diffusion du
Campagnol
?
4 Hypothèses3. Les galeries de Taupe favorisent la diffusion du
Campagnol
4 Hypothèses4. L’organisation spatiale et temporelle de ces facteurs
influencent les pullulations de Campagnol terrestre
En résumé, les facteurs locaux de pullulation sont soit :
• liés au paysage:
– Composition
– Structure
• liés aux pratiques agricoles:– Hauteur d’herbe
– Etat du sol
– Composition prairiale
Pratiques agricoles
Pullulations de campagnols
Contrôle des populations de campagnols
Physique Biologique et agronomique Chimique
BROMADIOLONE?
Agronomie Santé publique Écologie
1989 19961992
• Échinococcose alvéolaire
Densité RenardsDensité Lièvres
Déclin campagnolsR.O.P.R.E 2001
Pour résumer
Comment réguler les pullulations ?
Jusqu’à peu, on ne s’attaquait qu’aux symptômes (les pullulations) enpratiquant la lutte chimique à plus ou moins haute dose et le piégeage,qui tend néanmoins à disparaitre avec l’évolution des structures familialesau sein des exploitations.
1970 : seul moyen éprouvé(appâts empoisonnées restent moyens exceptionnels)
mise au point d ’un premier modèle de piège simple
1979 : Mise au point du piège Scherman pour estimation des populations
Actuellement : N’a été utilisé à grande échelle que sur la commune de
Mouthe (25) depuis 1999 et ponctuellement sur d’autres
communes
Top catPiège pince
La lutte physique contre la taupe et le campagnol terrestre
La lutte chimique Désavantage, elle a un impact direct sur la faune non-cible
Impact sur la représentation que se font les acteurs sociaux de la lutte chimique et de ses utilisateurs… le paysan passe
du statut de nourrisseur à celui de pollueur
Ce changement de représentation est lié à un paradoxe de l’évolution des techniques
Max : 10 g.m-1
20 kg d’appâts.ha-1
Soit 1g de bromadiolone.ha-1
Appâts : blé à
0,05 g.kg-1
Galerie artificielle
Traitements automnaux
et printaniers
Mais utilisée à basse densité, la lutte chimique reste un atout de choix dans la lutte intégrée des espèces invasives
Les autres méthodes de luttes
On tente depuis peu de repenser l’ensemble des causespouvant générer ces pullulations (approche systémiqueprenant en compte l’ensemble des facteurs impactant), et demodifier les pratiques agricoles et la gestion du paysage pourréguler ces pullulations à la source
Les prédateurs
Les prédateurs jouent un rôle essentiel
• Strigiformes
•Carnivores
• Falconiformes & Corvidés/Ardéidés
•Lutte à court terme contre la taupe et le campagnol
•Réintroduction d’une rotation dans la gestion des
prairies
•Revalorisation des haies par rapport aux
besoins des prédateurs, amélioration de la
nidification et du territoire de chasse
Quelques exemples de réalisations
•Revalorisation des haies par rapport aux besoins
des prédateurs, amélioration de la nidification et du
territoire de chasse
A. Sorbier des oiseaux,
B. Amélanchier du canada,
C. Alterner : Erable plane ou Frêne (à trouver localement)/
prunier myrobolan
D. Noisetier,
E. Charmille
F. Viorne lantane,
G. Bouleau verruqueux
H. Groseillier à fleurs
•Revalorisation des haies par rapport aux besoins
des prédateurs, amélioration de la nidification et du
territoire de chasse
Les pratiques agricoles
•Réintroduction d’une rotation dans la gestion
des prairies
Pratiques agricoles : le cas du pâturage
0,0
10,0
20,0
30,0
40,0
50,0
60,0
70,0
80,0
avr-97 juil-97 oct-97 avr-98 sept-98 mai-99 avr-00 oct-00 avr-01 oct-01 avr-02 oct-02
Partie fauchée
Partie pâturée
Pic de pullulation
Phase de croissance
La parcelle
La pullulation se manifeste à différents niveaux spatiaux
Unité paysagère
Exploitation agricole
Qui mettent en jeu des processus différents sur lesquels l’agriculteur peut agir … ou pas !
Unité paysagère
Exploitation agricole
Parcelle agricole
Territoire "petite région"cadre socio-économique
Parcelle/animalLogique agro-écologique
Exploitation agricole/troupeauxdimension technico-économique
Lutte collective
Manifestations
Plantation de
haies
Chasse du renard
Laisser-faire…
Fauche/pâture
Mise en culture
Arrêt du lait…
piégeage
Traitement
chimique
fertilisation…
- Préserver la qualité et la quantité de fourrage
- Préserver la faune non-cible
La lutte raisonnée vise ainsi à :
La lutte contre le campagnol terrestre
bromadiolone ou piégeage
La lutte contre la taupe
piégeage ou gazage
Le travail du sol / Pâturage
cover crop ou labour
En combinant différentes méthodes
Entretien de l’habitat des prédateurs
Mise en place de perchoirs Mise en place de nichoirs
Broyage des refus
Gazons courts
Avec des méthodes complémentaires
Temps
Densité
Mais qu’en pensent les agriculteurs ?
Accueil de ces nouvelles approches de l’activité agricole
Les solutions préconisées nécessitent de repenser lefonctionnement agricole dans son ensemble
Elles n’apportent pas forcément les résultats escomptéset elles ont plutôt un mauvais accueil.
Est-ce du à un manque de connaissances ?Est-ce que les « solutions » préconisées ne sont pasadaptées ?
Repenser les pullulations sous un nouvel angleÀ la rencontre des éleveurs
Aller à la rencontre de ceux qui « font » le territoire au jour le jour pour saisir à la fois ce qu’ils font, mais aussi ce qu’ils en pensent et ce qui motive leurs pratiques et leurs relations au territoire, à l’exploitation, aux autres, …
Ce qui motive l’éleveur à mener ses pratiques agricoles
Typologie des systèmes de production
Groupes Caractéristiques
S1 (n=5) : « parcellaire bien structuré
mais dépendance fourragère totale »
Parcellaire sans contrainte majeure
Forte dépendance fourragère
Faible mobilité des surfaces fauchées
S2 (n=6) : « optimisés de la gestion de
l’herbe »
Conduite du pâturage privilégiant la
gestion de la ressource en herbe
Peu de souplesse d’adaptation
S3 (n=5) : « intensifs qui maîtrisent
leur système »
Structure contraignante (notamment
chargement élevé)
Gestion assez souple des surfaces
S4 (n=6) : « volonté d’autonomie pour
les fourrages »
Autonomie fourragère
Exploitations extensives
« Typologie » des systèmes de pensée
Groupes Caractéristiques
P1 Perception du campagnol terrestre comme une figure anxiogène
Réaction par l’expérimentation de nouvelles méthodes
Volonté d’éliminer le campagnol terrestre quel qu’en soit le coût
P2 Résignation
Les pullulations sont subies
Pas de lutte, pas de modification des pratiques
P3 Réactions duales
Plusieurs stratégies d’adaptation concomitantes, complémentaires
ou contradictoires
P4 Pragmatisme
Adaptation de l’ensemble des pratiques afin de réduire l’impact
des pullulations
Typologie des stratégies de lutte
L1 (n=9) Lutte intégrée contre le campagnol terrestre
L2 (n=9) Lutte directe contre taupe et campagnol
Refus des méthodes alternatives
L3 (n=4) Stratégie centrée sur la lutte directe contre la taupe
Croisements des trois typologies
• On ne peut pas cibler une
stratégie de lutte par type de
système de production.
• Un système de production ne
détermine pas un système
de pensée ; un système de
pensée ne prédétermine pas
un type de système de
production.
• Un système de pensée
n’explique pas à lui seul un
mode de lutte.
S1 S2 S3 S4
L1
L2
L3
S1 S2 S3 S4
P1
P2
P3
P4
Le gradient de couleurs indique le nombre d’exploitations présentes à chaque intersection de types.
P1 P2 P3 P4
L1
L2
L3
0 1 42 3
Pour conclure
• Pullulations cycliques de campagnols en Franche-Comté et en Auvergne
• Des modifications des pratiques agricoles et d’aménagement du paysage devraient permettre de limiter les pullulations.
• Ces solutions demandent des remises en cause des systèmes de production
• => mais les agriculteurs ne font pas toujours ce qu’ils auraient économiquement intérêt à faire
• => certaines de leurs décisions ne s’expliquent pas par des critères technico-économiques
Agronomie, géographie, écologie mais aussianthropologie, sociologie et psychologie doivent collaborerpour développer une approche systémique des hommes et deleurs territoires.
- Nous avons le visible, qui est modifié par les pratiques (basegéographique/fait agronomique)- Il se distribue dans l’espace (géo/écologie)- Il est agencé par la rationalité humaine : façon de voir/façonde penser (anthropologie et psychologie)
Nécessité d’une approche interdisciplinaire, voir transdisciplinaire
Perspectives pour le conseil agricole
• Une cible = un discours = une solution : ça ne marche
pas.
– La démarche de conseil ne peut pas consister à proposer des
« recettes ».
• Il y a interconnexion des 3 systèmes.
– Le conseiller doit rechercher la prise en compte de l’ensemble
de ces volets.
• Les solutions sont à co-construire.
– Des changements de posture pour un effort de compréhension
des autres acteurs
– Des supports pour ancrer la discussion dans le réel
• Le campagnol n’est pas forcément la meilleure entrée
– Privilégier les questions de capacité de résistance de
l’exploitation (flexibilité et résilience)
– Partir de la gestion de l’herbe (qualité, quantité, sécurité)
Conclusion
Réguler une espèce invasive qui, à priori, ne renvoie qu’à desajustements techniques, nécessite en réalité de s’interrogersur ce qui fonde les rapports sociaux (hiérarchie des relations,rapport au territoire, …) et ce qui lie les manières de voir, defaire et de penser pour former le paysage de moyennemontagne.Chaque discipline apporte une part de compréhension duphénomène, mais puisque ce sont les humains qui vont leréguler et qui en sont la cause, cela nécessite de prendre cettedimension en compte….
À vous de jouer