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(ANTI) TERRORISME. MUTATIONS DES APPAREILS DE SÉCURITÉ ET FIGURE DE L'ENNEMI AUX ÉTATS-UNIS DEPUIS 1945 Philippe Bonditti Presses de Sciences Po | Critique internationale 2013/4 - N° 61 pages 147 à 168 ISSN 1290-7839 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2013-4-page-147.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bonditti Philippe, « (Anti) terrorisme. Mutations des appareils de sécurité et figure de l'ennemi aux États-Unis depuis 1945 », Critique internationale, 2013/4 N° 61, p. 147-168. DOI : 10.3917/crii.061.0147 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 20/06/2014 20h15. © Presses de Sciences Po Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 20/06/2014 20h15. © Presses de Sciences Po

Philippe Bonditti Antiterrorisme Aux USA-comVST

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antiterrorisme

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  • (ANTI) TERRORISME. MUTATIONS DES APPAREILS DE SCURITET FIGURE DE L'ENNEMI AUX TATS-UNIS DEPUIS 1945

    Philippe Bonditti

    Presses de Sciences Po | Critique internationale

    2013/4 - N 61pages 147 168

    ISSN 1290-7839

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2013-4-page-147.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Bonditti Philippe, (Anti) terrorisme. Mutations des appareils de scurit et figure de l'ennemi aux tats-Unis depuis1945 , Critique internationale, 2013/4 N 61, p. 147-168. DOI : 10.3917/crii.061.0147--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • (Anti)terrorisme. Mutations des appareils de scurit et figure de lennemi aux tats-Unis depuis 1945

    par Philippe Bonditti

    Rien ne nat ni ne prit, mais des choses dj existantes se combinent, puis se sparent de nouveau1.

    Il faut concevoir le discours comme une violence que nous faisons aux choses, en tout cas comme une pratique que nous leur imposons2.

    nous souhaitons mettre quelques suggestions propos des transformations contemporaines de lart de gouverner et des formes dans lesquelles se fond l tat moderne lorsque ses appareils sont mis au service de la lutte contre le terrorisme . Si lon parvient en effet, par un effort gnalogique, se soustraire lemprise des narratifs dominants qui dpeignent lantiterrorisme comme une rponse au terrorisme , on comprend que ce qui se joue est autrement plus fondamental que lopposition manichenne entre barbares et dfenseurs des liberts, et que les transformations en jeu

    1. Anaxagore de Clazomnes (Ve sicle avant J.-C.), Fragments.2. Michel Foucault, Lordre du discours, Paris, Gallimard, 2001 (1971), p. 55.

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  • 148 Critique internationale n 61 octobre-dcembre 2013

    touchent directement au devenir de ltat moderne et donc aux formes de la vie politique telle quelle sest labore sous la modernit. En loccurrence, porter leffort gnalogique sur lantiterrorisme aux tats-Unis ces cinquante dernires annes se rvle de bon enseignement. La lutte contre le terro-risme se donne alors comme un des sites contemporains, peut-tre le site privilgi, dune profonde mutation des formes et des pratiques associes la souverainet dtat. Les transformations luvre tant multiples, nous nous limiterons ici en observer deux en particulier : celles, dune part, qui affectent la structure des appareils de scurit des tats modernes ; celles, dautre part, qui touchent la figure de lennemi politique. Eu gard la premire, nous suggrons que la structure des appareils de scurit, jusqualors articule selon la division spatiale entre linterne et lexterne (reflte dans les divisions scurit int-rieure/scurit extrieure3, law enforcement/national security aux tats-Unis), se mue progressivement en une structure rticulaire. propos de la seconde, nous mettrons en vidence la lente rlaboration de la figure schmittienne de lennemi selon des critres temporels avec des implications spatiales et politiques encore largement insouponnes. Comme nous serons amens le voir, ces transformations expriment toutes, en mme temps quelles participent de la remise en cause du modle territorial de la modernit politique , ce que John G. Ruggie a appel la territorialit moderne 4.Mthodologiquement isolables, ces deux sries de transformations pourraient chacune faire lobjet dune publication spare tant leurs mcanismes, par-tant leur analyse, sont complexes. Mais l nest pas notre perspective. Nous souhaiterions au contraire souligner leur caractre intrinsquement li, afin de mettre en vidence ce quelles dessinent ensemble. Ce faisant, nous nous rapprochons de la thorie politique, raison pour laquelle on ne trouvera ici que peu de rfrences aux travaux pourtant riches de sociologie de la dfense ou de War Studies, aux tudes de scurit, de surveillance et de renseignement. Et si nous avons opt pour une exposition chronologique des rsultats de la recherche, cest prcisment pour mieux rendre compte de lenchevtrement de ces transformations qui simpliquent mutuellement chacune soffrant comme condition de possibilit de lautre et, de l, signifier notre refus du rapport de causalit linaire selon lequel la transformation des appareils de scurit de ltat moderne rsulterait de lapparition dun nouvel ennemi . Cest tout cet ensemble quil nous faut parvenir saisir dun mme geste. Un ensemble en train de se muer et de se faire lexpression en mme temps

    3. Didier Bigo, Internal and External Security(ies): The Mbius Ribbon , dans Mathias Albert, David Jacobson, Yosef Lapid (eds), Identities, Borders, Orders. Rethinking International Relations Theory, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2001, p. 91-116.4. John G. Ruggie, Territoriality and Beyond: Problematizing Modernity in International Relations , International Organization, 47 (1), 1993, p. 139-174.

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  • Mutations des appareils de scurit et figure de lennemi aux tats-Unis depuis 1945 149

    que le site radicalement htrogne dune troisime transformation : celle de lart de gouverner. la suite des travaux de Michel Foucault sur la raison gou-vernementale, nous suggrons cet gard lavnement de la traabilit comme technologie renouvele de gouvernement. Trois sries de transformations donc : des appareils de scurit des tats modernes dune part, de la figure de lennemi dautre part, de lart de gouverner enfin, dont ltude historique nous suggre de les resituer dans le cadre dune mutation plus profonde et plus large encore qui les implique toutes et les met en mouvement : celle de la modernit politique .

    Temps, espace, changement et modernit (politique)

    Notre argument nest toutefois pas celui de lentre de lhumanit dans la post-modernit ou lre liquide5 de linformation, du temps et de la vitesse6 aprs celle, rigide, de lindustrialit et de lespace. Parler de lentre dans une re qui serait en train de souvrir devant nous, tandis que se refermerait celle que nous sommes censs quitter, cest souscrire lide de moder-nit en tant que priode historiquement situe et gnralement associe au projet philosophique des Lumires, lavnement des sujets cartsien puis kantien et des sciences positives. Les mtaphores de lentre et de la sortie nous situent dans une philosophie de lHistoire qui veut que celle-ci soit dote dun sens, savoir dune direction, qui en dterminerait le sens, savoir la signification historique. Une philosophie de lHistoire elle-mme labore partir dune conception bien spcifique du temps compris comme un flux continu scoulant irrmdiablement du pass vers le futur . Parler ainsi de sortie, en loccurrence de lre de la modernit (politique), cest reconduire cette conception dun temps absolu, homogne et linaire, qui sest impose avec les rvolutions spirituelles et scientifiques des XVie et XVIIe sicles7. Cest donc toujours parler le langage de la modernit et, ds lors, la re-conduire, la re-produire au moyen dune formule qui se rvle aportique : comment, en effet, pourrions-nous entrer dans ce qui se trouve tre re-prsent au moyen de catgories de pense propres ce que nous serions supposs tre en train de quitter ?Se dgager de cette aporie implique de changer de langage et de prfrer aux mtaphores de lentre et de la sortie, et de lide induite de rupture, celles de la re-composition et de la mutation pour apprhender le changement affec-tant les structures sociales, politiques et de la pense. Nous nous accordons ainsi avec ceux pour qui le changement ne consiste pas en une succession

    5. Zygmunt Bauman, Liquid Modernity, Cambridge, Polity, 2000.6. Paul Virilio, Lespace critique, Paris, Christian Bourgeois, 1984.7. Alexandre Koyr, Du monde clos lunivers infini, Paris, Gallimard, 2003 (1957).

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  • 150 Critique internationale n 61 octobre-dcembre 2013

    dtats diffrencis des choses mais en une ralit en soi8, oprant dans la permanence et par re-composition dlments toujours dj existants. Dans cette perspective, les ruptures qui priodisent ne sont que des constructions ncessairement arbitraires opres par le discours et aux moyens desquelles nous pensons recomposer le changement, lapprivoiser et lui donner sens. Bien que trs puissant dans sa fonction de reprage, le dcoupage en squences ou priodes historiques se rvle trs pauvre denseignements, ds lors quil sagit de diagnostiquer ce prsent qui toujours nous fuit9. Ainsi en est-il de ces 11/9 et 9/11 qui auraient sign respectivement la fin de la bipolarit (le 9 novembre 1989, chute du mur de Berlin) et lentre dans une nouvelle re du terro-risme (11 septembre 2001, attaques contre New York et Washington), la mort dun ennemi sovitique et la naissance dun autre terroriste , la victoire de la dmocratie librale et son entre dans une nouvelle re du danger. Deux moments construits comme des vnements-ruptures mais que lon parvient sans mal dissoudre dans le mouvement continu des mutations voques plus haut pour peu que lon parvienne sabstraire de la charge symbolique place en eux.Il ny a plus, ds lors, de nouvel ennemi terroriste surgissant brusquement le 11 septembre 2001, mais un mouvement ample de mutations impliquant la fois la structure des architectures de scurit et la figure de lennemi politique telles quelles staient labores sous la modernit politique, cest--dire partir dune conception du politique compris comme systme dinternes et dexternes construits depuis un imaginaire spatial principalement territorial et gographique10, lui-mme adoss aux conceptions dun temps et dun espace absolus, homognes et continus. Une conception du politique lintrieur de laquelle allait pouvoir fonctionner les distinctions entre scurit interne et externe, entre criminel et ennemi politique que le discours militaro-stra-tgique de la guerre froide, en faisant surgir les figures de la menace et du terrorisme , a graduellement dplaces, disposant le politique sa dsormais ncessaire re-conceptualisation. Ce nest ainsi pas dans lirrup-tion insouponne dun nouvel ennemi, en loccurrence terroriste, quil faut chercher le principe de ces changements, mais dans le mouvement lui-mme non seulement continu mais aussi immanent ce qui se mue en se mouvant, et dont la recherche doit semparer pour parvenir en rendre compte.Il faut pour cela prendre les choses par le milieu, dirait Deleuze. Dveloppe en appui de leffort gnalogique, la mthode archologique foucaldienne

    8. Henri Bergson, La perception du changement (1911) , dans H. Bergson, La pense et le mouvant, Paris, PUF, 2005 (1938), p. 143-176.9. Jean-Franois Lyotard, Rcrire la modernit , dans J.-F. Lyotard, Linhumain. Causeries sur le temps, Paris, ditions Galile, 1988, p. 33-44.10. R. B. J. Walker, Gulliver and the Territorial State , dans R. B. J. Walker, Inside/Outside. International Relations as Political Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 125-140.

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  • Mutations des appareils de scurit et figure de lennemi aux tats-Unis depuis 1945 151

    nous a permis de conduire cette recherche historique soucieuse dobserver non pas les choses en elles-mmes lantiterrorisme et le terrorisme mais lensemble disparate et radicalement htrogne (bureaucraties, lois, instruments, techniques, mais aussi discours sur la violence, le danger, la menace et lennemi) partir duquel le couple antiterrorisme/terrorisme sest graduellement constitu comme le site privilgi des mutations de la modernit politique et de lart de gouverner.

    Les appareils de scurit des tats modernes : le cas des tats-Unis

    Aux tats-Unis, le National Security Act de 1947 (ci-aprs NS Act) sert de socle aux mutations de structure des appareils de scurit. Prsente lpoque comme lacte de naissance dune architecture intgre de scurit et de ren-seignement, cette loi peut tre comprise la fois comme une pure expression de limaginaire spatial de la modernit politique en ce quelle a fait merger une architecture tout entire articule autour de la division entre linterne et lexterne et comme lun de ses bourreaux en ce quelle a affirm en linstitutionnalisant la logique du renseignement et sa rationalit anticipative. Ces deux aspects ont fait que, ds sa cration, cette loi a prpar larchitec-ture amricaine de scurit sa lente mutation en une structure en rseau.

    Les domaines de la scurit : Law Enforcement et National Security

    Pour les promoteurs du NS Act, lenjeu tait double : il fallait, dune part, mettre un terme aux luttes interservices entre le dpartement de la guerre (les forces terrestres) et la Navy par lunification de lappareil militaire ; dautre part, doter lAdministration des tats-Unis dun appareil de renseignement centralis11. En crant le National Military Establishment (NME) sous la tutelle duquel ont t places les forces terrestres et maritimes et la CIA, le NS Act se prsente lpoque comme une (tentative de) rponse ce double enjeu. La mise en place du NME est toutefois loin de raliser lunification de lappareil militaire puisquelle saccompagne de la cration de lUS Air Force aux cts de lUS Army et de la Navy. Une triplification qui entrinait lexistence arienne des tats et troublait dj lordre spatial de la modernit et son modle territorial jusque-l dtermin par la seule division entre la terre ferme et la mer libre 12, reflte dans la division entre forces terrestres et forces navales. De la mme manire, la centralisation du renseignement est demeure une chimre malgr les efforts rpts de coordination des agences de renseignement.

    11. Rhodri Jeffreys-Jones, Why Was the CIA Established in 1947? , Intelligence and National Security, 12 (1), p. 21-40.12. Carl Schmitt, Le nomos de la terre, Paris, PUF, 2008 (1950), p. 141-212.

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  • 152 Critique internationale n 61 octobre-dcembre 2013

    Or, sil na pas ralis ses objectifs dunification et de centralisation, le NS Act nen a pas moins contribu redfinir les missions des agences gouvernemen-tales de scurit : pour le dpartement de la Dfense (DOD), les affaires alors comprises comme strictement militaires lexclusion donc des formes non conventionnelles de combats arms , pour la CIA, le renseignement extrieur , les oprations clandestines et la direction des oprations spciales qui se multipliaient dans le cadre des guerres irrgulires 13. Il en a dcoul la limitation du champ dintervention du FBI, lacteur fdral de police judi-ciaire, lespace national. Si bien quavec cette loi sest consolid un rgime de distribution spatial des prrogatives de scurit : celles du Law Enforcement exclusivement dployes sur le sol national par le FBI pour lutter contre les illgalismes et le crime avec ici la figure rgulatrice du criminel , celles dites de scurit nationale, tournes vers ltranger, associes la dfense du territoire, la guerre et aux affaires militaro-stratgiques, dvolues au DOD, la CIA, au dpartement dtat (DOS) avec ici la figure rgulatrice de lennemi politique, tatique et territorialis. De ce point de vue, le NS Act de 1947 signale ce que la sociologie historique interprterait probablement comme un certain achvement du long processus dmergence dune architecture moderne de scurit ; moderne en ce que sa structure reflte celle des catgories de pense articules autour de la division entre linterne et lexterne.

    Les espaces de la scurit : interne/externe

    On notera toutefois quil ny a pas de correspondance totale entre les pr-rogatives ou domaines de scurit ainsi consolids et les espaces respectifs de leur mise en uvre. En effet, la CIA nayant t dote daucun mandat pour intervenir sur le sol national, cest au FBI quont t dvolues les pr-rogatives de contre-renseignement en interne, soit des activits qui relvent du domaine de la scurit nationale mais qui sont conduites sur le sol national par une agence de Law Enforcement. Or cest de cette impossibilit faire se correspondre lespace juridique des prrogatives et celui go-graphique de leur mise en uvre que sont nes les pratiques hybrides de lantiterrorisme car cest prcisment pour pallier cette impossibilit et donc combler cet cart (forme spatialise de limpossibilit) quont t mises en place partir des annes 1970 les units du contre-terrorisme. Des units qui, nous le verrons, vont jouer en oprateur de la mutation de larchitecture de scurit, la faisant passer dune structure articule sur

    13. CIA Memorandum (Lawrence R. Houston, General Counsel), CIA Authority to Perform Propaganda and Commando Type Action, 25 septembre 1947 ; Memorandum from the Executive Secretary of the National Security Council (Souers) to Director of Central Intelligence (Hillenkoetter), NSC 4-A on Psychological Operations, 17 dcembre 1947.

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  • Mutations des appareils de scurit et figure de lennemi aux tats-Unis depuis 1945 153

    la division spatiale entre linterne et lexterne une structure rticulaire gouverne par la rationalit anticipative qui se trouve tre au principe de la praxis du renseignement et que le NS Act installera durablement au cur de la raison scuritaire .Cest l ce qui fait aussi de la loi de 1947 lun des bourreaux de limaginaire spatial de la modernit politique. Sil na pas permis, lpoque, dinstaurer un appareil centralis de renseignement au sein de larchitecture de scurit des tats-Unis, le NS Act a toutefois institutionnalis un troisime registre dactivits dites de renseignement , aux cts de celles associes la rpres-sion du crime, dune part, la guerre, dautre part. Or il existe une diffrence de nature essentielle entre les activits dites de renseignement (civiles comme militaires) et celles des forces armes de type policier ou militaire. Cette diffrence tient des raisons historiques qui touchent au dveloppement de ltat de droit et du droit international, et qui avaient notamment permis du moins thoriquement de maintenir les forces de police comme les forces militaires dans un rle ractif, car susceptibles de ntre actives quune fois linfraction la loi ou lagression arme constate. linverse, les activits dites de renseignement sont dployes avant lvnement redout, dans lobjectif de dceler dans lordre potentiel cens lui prsider les lments susceptibles daider son anticipation. La loi de 1947 na bien sr pas sign lacte de nais-sance ni des activits de renseignement et de la rationalit anticipative qui les sous-tend, ni de leur existence institutionnelle, puisque celle-ci remonte au moins 1863 et la mise en place du Bureau of Military Intelligence au sein du dpartement de la guerre. Toutefois, en tablissant la CIA, le NS Act a offert la rationalit anticipative une existence bureaucratique spare des capacits ractives de type policier ou militaire. Dans lhorizon du danger et des prils qui guetteraient la nation territorialise, cette loi a donc contribu installer en bonne place dans la raison scuritaire et les mcanismes de sa mise en uvre cet ordre potentiel qui leur prvaudrait, et avec lui lide de menace, distincte de celle dennemi bien quelle lui soit associe. Ainsi ont pu se dployer les politiques dites de dissuasion, plus tard retranscrites dans celles de la lutte contre le terrorisme .

    Lennemi, ladversaire, la menace et le terrorisme

    La guerre froide a t une priode charnire des mutations de structure des appareils de scurit, notamment militaires. Dun point de vue politico-stratgique, ce fut la conscration de la dissuasion et de ses politiques associes, tout entires gouvernes par la potentialit dun conflit nuclaire et la ncessit quil nadvienne jamais. Guerre impossible mais paix improbable , a dit Raymond Aron pour rsumer cette situation kafkaenne. Du point de vue de

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  • 154 Critique internationale n 61 octobre-dcembre 2013

    laffrontement arm de type militaire, on saccorde aujourdhui dire que cette guerre reste froide sest limite des conflits priphriques dans lesquels les ennemis dclars saffrontaient par adversaires interposs. trange priode donc, durant laquelle la guerre tant redoute est demeure ltat de possibilit tout en trouvant de multiples sites deffectuation un peu partout sur la plante.

    Guerre froide, guerre action et guerre tat

    On trouve pourtant dans les crits de Carl Schmitt un dbut de sens cette dissociation entre possibilit de la guerre et guerre effectue, et surtout ce quelle implique du point de vue de laltrit en politique, de la catgorie de lennemi et de ses figures associes. Dans un texte de 1938, Schmitt part de lancienne et apparemment invitable distinction 14 entre la guerre action (Krieg als Aktion) et la guerre tat (Krieg als Zustand) : La guerre action, dans ses batailles et ses oprations militaires, cest--dire dans laction elle-mme, dans les hostilits, implique dj la prsence immdiate et visible dun ennemi comme adversaire, [ la diffrence de] la guerre-tat [qui] implique lexistence dun ennemi subsistant au-del de la cessation des hostilits immdiates et violentes 15. Pour Schmitt, la guerre action , qui sincarne dans leffectivit de lagression arme, cest--dire dans la matrialit de ses batailles, implique lexistence dun rapport dinimiti direct et non dissimul avec lennemi/adversaire, tandis que la guerre tat se caractrise par la permanence du rapport dinimiti radical au-del de la matrialit et de leffectivit de laffrontement arm. Schmitt relgue donc lennemi ltat de prsuppos, cest--dire dans un ordre potentiel, tout en lui confrant une pleine et entire ralit faisant quil ne relve pas du possible mais du virtuel, si lon recourt ici la distinction deleuzienne, non pas du visible mais de lnonable, si lon prfre fonctionner dans les catgories foucaldiennes. Chez Schmitt, cet ennemi continue de travailler un tat suppos de paix qui est en fait un tat de guerre sans la matrialit de la guerre. Nous savons aujourdhui les intentions qui prsidaient aux analyses de Schmitt : son ressentiment envers un trait de Versailles jug responsable dune paix fictive et le conservatisme idologique douteux qui sous-tend sa critique de lvolution du droit international, de la criminalisation de lennemi et du libralisme. Il nen demeure pas moins quen premire analyse la guerre froide semble rpondre une telle configuration thorique et mme la valider. Les guerres actions pouvaient bien cesser (comme au Vietnam), lennemi politique et idologique perdurait, et avec lui la guerre tat et

    14. C. Schmitt, lecteur de Hobbes, nest pas ici sans faire rfrence lauteur du Leviathan.15. C. Schmitt, Corollaire II. Du rapport entre les concepts de guerre et dennemi (1938), dans C. Schmitt, La notion de politique et Thorie du partisan, Paris, Flammarion, 1992 (1963), p. 161 (nous soulignons).

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  • Mutations des appareils de scurit et figure de lennemi aux tats-Unis depuis 1945 155

    les politiques de dissuasion. Sauf que, dans le cadre plus particulier de ces guerres actions , les adversaires arms, immdiats, visibles, effectifs, ntaient pas lennemi politique, malgr une possible proximit idologique et le soutien logistique que ce dernier pouvait leur apporter. Ce qui donc sopre cette poque avec le schma schmittien, cest la dis-sociation des figures de lennemi et de ladversaire et la mise en place de rponses diffrencies au danger. Face lennemi, ses intentions hostiles et la menace quil incarne dans un jeu de reprsentions et de peur temporel-lement indfini, on dveloppe les politiques et les doctrines de la dissuasion, de la destruction mutuelle assure, du Containment puis du Roll Back ; face aux adversaires arms des guerres priphriques , on pratique les techniques de la contre-insurrection. Dun ct, des forces conventionnelles maintenues dans lattente dun Jour-J qui narrivera jamais ; de lautre, des forces spciales charges de conduire des oprations qui mlent dj laffrontement arm et le renseignement. Dun ct, lhorizon temporellement indtermin du conflit nuclaire potentiel contre un ennemi politique (lURSS) spatialement ramass dans ses frontires ; de lautre, lhorizon immdiat de la matrialit des guerres irrgulires conduites aux quatre coins du monde gopolitique face des groupes arms spatialement distribus. Dun ct, la figure schmittienne de lennemi fonctionnant dans les catgories tablies de la modernit politique, son modle territorial et sa forme tat ; de lautre, la figure indtermine de cette multiplicit dadversaires, associs idologiques (supposs) de lennemi, spatialement relis ce dernier au moyen de la forme rseau. Du point de vue de la pense politico-stratgique, une scission sopre pour opposer ds les annes 1950 les tenants du renforcement (puis du maintien) des capacits militaires conventionnelles ceux qui prnent la transformation des forces armes. Pour ces derniers, la guerre nest dj plus exclusivement envi-sage dans les termes traditionnels de lunique front linaire tel quenvisag en Europe contre les forces du pacte de Varsovie , mais comme un ensemble daffrontements arms plus ponctuels et multi- localiss16 prfiguration de la doctrine des Two (puis Four) Major War Theater (MWT) qui dominera la pense stratgique amricaine des annes 199017. Aussi marginales fussent-elles dans les annes 1950, aussi contestes ensuite, aprs les revers au Vietnam, les initiatives en matire de guerres irrgulires et de contre-insurrection nen ont pas moins amorc cette poque une reprsentation dun conflit arm spatialement clat qui par ailleurs, dans la mesure o il nest pas limit aux protagonistes arms mais stend la population, prfigure le programme Human Terrain de lUS Army dploy en Afghanistan partir du milieu des annes 2000.

    16. Brian Jenkins, Unchangeable War , Santa Monica, Rand Corporation, 1970.17. U.S. Marines Corps, FM 8-2: Counterinsurgency Operations, 1967, p. 14 ; Remarks from Les Aspin, U.S. Air Force Senior Statesman Symposium, 24 juin 1993.

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  • 156 Critique internationale n 61 octobre-dcembre 2013

    Terrorisme, forme tat, forme rseau

    Cest dans ce contexte, qui mle de manire complexe les trois figures de lennemi, de ladversaire et de la menace, que simpose aux tats-Unis la ter-minologie du terrorisme pour rendre compte dune violence radicalement htrogne, parfois transnationale. Les narratifs son sujet la rinscrivent dabord dans les coordonnes de la modernit politique en lanalysant au filtre des catgories tablies du national et de linternational, du crime et de la guerre. Cest le sens des distinctions tablies entre terrorisme international et terrorisme domestique ou encore de la publication partir de 1979 dune liste d tats-sponsors du terrorisme par lOffice of Combating Terrorism (premier service antiterroriste de ladministration amricaine cr en 1972 au sein du DOS). En effet, le terrorisme tel que nous le connaissons aujourdhui, cest--dire tel quil nous est rendu par la mtaphore du rseau, napparat pas immdiatement comme tel dans le discours18. Dans les annes 1950-1960, cest dabord une arme, une mthode de lutte arme ou une tactique de combat des gurillas19. Si limage du rseau jaillit au milieu des annes 1970 dans le premier rapport public de la CIA sur le terrorisme en rfrence un terrorisme trans-national totalement autonomis des structures de linternational moderne 20, ce nest que de manire phmre. Elle est ensuite trs vite vacue pour laisser la place limage du terrorisme inter-national . Dans cette version, le terrorisme devient arme des tats, soit, en loccurrence, de lURSS qui, voulait-on croire sous les administrations Nixon, Carter puis Reagan, mne contre les dmocraties occidentales une guerre qui ne dit pas son nom21. Aussi fumeuse ft-elle22, cette thorie dite du Fil rouge 23, qui faisait de Moscou la tte pensante de tous les terrorismes du monde, nen a pas moins permis darticuler les deux modles du territoire et du rseau au moyen dun narratif sur les rseaux de la terreur au service de Moscou 24, maintenant par l mme lunit suppose de lennemi et des adversaires. lpoque, le

    18. Sur le rle des experts dans linvention du terrorisme , voir Lisa Stampnitzky, Disciplining Terror: How Experts Invented Terrorism , Cambridge, Cambridge University Press, 2013. 19. U.S. Department of the Army, FM 31-15: Operations Against Irregular Forces, 1961, p. 6 ; U.S. Department of the Army, FM 31-22: U.S. Army Counterinsurgency Forces, 1963, p. 8.20. David Milbank, International and Transnational Terrorism: Diagnosis and Prognosis, Central Intelligence Agency, 1976, p. 1.21. William Casey, The Real Soviet Threat in El Salvador and Beyond , U.S. News and World Report, 8 mars 1982, p. 23 ; Brian Jenkins, International Terrorism: A New Kind of Warfare , Santa Monica, The Rand Paper Series, 1974.22. Edward S. Herman, The Real Terror Network. Terrorism in Fact and Propaganda, Cambridge, South End Press, 1982.23. Claire Sterling, The Terror Network. The Secret War of International Terrorism, New York, Holt, Rinehart, and Winston, 1981.24. Ambivalence que lon retrouve dans la dfinition du terrorisme international telle quelle a t introduite dans le Code civil amricain par le Foreign Intelligence Surveillance Act of 1978, P.L. 95-511, Oct. 25th, 1978, Title I, Sec. 101, (c) : Le terrorisme surgit totalement en dehors des Etats-Unis, ou transcende les frontires nationales (nous traduisons).

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  • Mutations des appareils de scurit et figure de lennemi aux tats-Unis depuis 1945 157

    surgissement de la forme rseau aux cts de la forme tat dans le discours politico-stratgique ne remettait donc pas encore en cause le modle terri-torial de la modernit politique et son imaginaire spatial. Le rseau de la terreur y restait instrumentalis par lennemi et donc pleinement intgr aux mcanismes des rapports damiti et dinimiti tel quils staient labors sous la modernit politique. Cette forme rseau a en fait servi dimage pour lespace plus particulier de la menace, cest--dire de la potentialit de laction violente que lennemi politique fait peser par lintermdiaire de ses agents terroristes supposs. Un espace transversal du rgime de dmarcation spatial de la modernit politique, qui le transcende et va le subvertir.Ds le milieu des annes 1980 en effet, le rseau ne simpose plus seulement comme mode dorganisation mais aussi comme grille de lecture et danalyse des phnomnes contemporains. Il devient le filtre interprtatif dun monde qui nest plus seulement mis en mouvement par les rseaux techniques dchanges et de communications, mais est analys et imagin au moyen de limage du rseau25. Et tandis que les systmes techniques (notamment informatiques) se dploient par-del les limites gographiques du national, anantissant les distances et le sentiment de protection avec lequel elles avaient jusqualors pu fonctionner, limage du monde gopolitique se trouble. La frontire ligne perd progressivement de sa capacit rgulatrice et limaginaire spatial et politique qui la faisait jouer dans sa fonction de dmarcation sestompe, incapable dapprivoiser un monde de plus en plus associ la permanence de ses flux constitutifs.

    Le transnational menaant et la rticulation des appareils

    Aux tats-Unis, les militaires sont les premiers prendre toute la mesure de ce mouvement auquel ils ont largement contribu avec linvention de lARPANET au dbut des annes 1970. La mutation de structure de lappareil militaire amorce au lendemain de la seconde guerre mondiale se prolonge dans les annes 1980. Toutefois, elle ne renvoie pas encore llment techno-logique. Le fiasco de lopration de libration des otages lambassade des tats-Unis Thran en 1980 et lattaque contre le btiment des Marines au Liban en 1983 ravivent dabord le souci de transformer les forces armes , fournissant aux promoteurs des forces spciales une nouvelle occasion dagi-ter le spectre des conflits non conventionnels. Largumentaire bnficie de la nouvelle posture offensive (Roll Back) de ladministration Reagan face lUnion Sovitique et sappuie sur un discours dexpertise bien rod sur le terrorisme comme nouvelle forme de guerre . De ces narratifs qui ne

    25. Armand Mattelart, Histoire de lutopie plantaire. De la cit prophtique la socit globale, Paris, La Dcouverte, 1999, p. 305-350.

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  • 158 Critique internationale n 61 octobre-dcembre 2013

    dfendent pas seulement lide dune nouvelle gopolitique des conflits, mais aussi celle dune nouvelle manire de faire la guerre26 nat la doctrine des conflits de basse intensit (LIC Doctrine), qui puise au cur du savoir contre-insurrectionnel des annes 1960 et fait du contre-terrorisme lun des six champs dintervention des forces armes amricaines27. Sensuivent une revue gnrale desdites forces et la promulgation du Goldwaters Nichols Act de 1986 qui pose les bases dune profonde restructuration de lappareil militaire. Au cur de cette rforme, le combat conjoint (Joint Combat) et la simplification des structures de commandement militaires avec, notamment, le renforcement des commandements unifis (Unified Combatant Commanders). Plus de trente ans aprs la cration des Green Berets et du 10th Special Forces Group, les Forces spciales sont leur tour dotes de leur commandement propre (US Special Operation Command) et de fait renforces dans leur statut de forces du futur . Un ensemble de rformes que la rflexion thorique dite de la rvolution dans les affaires militaires sefforce de rationaliser partir de 1993, installant linteropra-bilit des forces et bientt leur intgration technologique au cur des enjeux de restructuration de lappareil militaire.Dans la perspective des militaires les plus sensibles aux dveloppements technologiques, il ny a dj plus de terre, de mer et dair mais un espace de combat homogne dans lequel les forces armes doivent pouvoir sengager conjointement et dont lenjeu devient trs vite la supriorit informationnelle. Et tandis que le mot guerre disparat progressivement du lexique des relations internationales au profit du mot intervention 28, les oprations spciales donnent le ton des conflits que les penseurs de la doctrine posent dj dans les termes du rseau (Network-Centric Warfare)29. Au Pentagone, on repense en profondeur les relations civilo-militaires et lon saffaire la construction darmes non linaires et horizontalises au moyen de leur intgration num-rique dans une grille dinformation globale (Global Grid Information) cense assurer la supriorit des armes dans les domaines terrestre, maritime et arien par la matrise de lespace informationnel et le partage instantan de linformation entre units dployes sur un mme thtre doprations. Cest la doctrine de lInformation Dominance, hritire du Strategic Computing Initiative de lre reaganienne et embryon de la doctrine du Full Spectrum Dominance

    26. William L. Cogley, A New Look at Peoples War , Air University Review, 4, 1977 ; Jay Mallin, Terrorism as a Military Weapon , Air University Review, 1, 1977.27. Michael T. Klare, Peter Kornbluh (eds), Low Intensity Warfare. Counterinsurgency, Proinsurgency, and Antiterrorism in the Eighties, New York, Pantheon Books, 1988.28. Pierre Hassner, From War and Peace to Violence and Intervention. Permanent Moral Dilemmas under Changing Political and Technological Conditions dans Jonathan Moore (ed.), Hard Choices: Moral Dilemmas in Humanitarian Intervention, New York, Rowman & Littlefield, 1998, p. 9-27.29. Arthur K. Cebrowski, John J. John Garstka, Network-Centric Warfare: Its Origins and Future , Proceedings, 124 (1), 1998, p. 28-35.

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  • Mutations des appareils de scurit et figure de lennemi aux tats-Unis depuis 1945 159

    de la fin des annes 1990. Cest aussi lentre du Command and Control dans lre communicationnelle et dromosphrique 30 dont limaginaire spatial fait jouer des armes en rseau contre des menaces diffuses. Arrachant la guerre des doctrines gostratgiques traditionnelles, les doctrines de la cyberguerre prennent leur essor et consacrent la dromosphre , espace de vitesse pur dans lequel le combat arm, dsormais conduit distance et par crans interposs se pixellise 31. Dun point de vue stratgique, le territoire gographique perd alors de son importance relative et avec lui la distinction si chre Clauzewitz entre loffensive et la dfensive. Signe de lavnement progressif de cette dromopolitique en lieu et place de la gopolitique, le Joint Forces Command (commandement fonctionnel en charge de linteroprabilit des forces armes amricaines) remplace en 1999 lAtlantic Command (le com-mandement gographique auquel devait choir la conduite des oprations militaires en cas de guerre contre les forces du pacte de Varsovie). Les civils ne sont pas en reste dans cette mise en rseau que lgitiment les discours sur le terrorisme transnational . Comme pour les militaires, elle prend dabord la forme de mcanismes de coordination interservices avec la cration en 1996 au sein du FBI dune division antiterroriste. Comme pour ses homologues du DOS (lOffice for Combating Terrorism) et de la CIA (le Counterterrorism Center mis en place en 1986), cette structure doit assurer une meilleure circulation de linformation propos du terrorisme entre les diffrents services de ladministration amricaine. Dans les annes 1990, la nature transnationale du terrorisme ne requiert plus seulement des agences quelles saffranchissent de leurs espaces gographiques dintervention tels qutablis par le NS Act. Il leur faut galement dpasser leur domaine de spcialisation fonctionnelle par une mise en rseau que le recours aux techno-logies informatiques acclre, tend et systmatise. Tandis que la CIA redouble defforts pour technologiser son renseignement, le FBI densifie son rseau dagents de liaison ltranger via son programme de Legats et squipe de sys-tmes de surveillance des communications lectroniques avec les programmes Omnivore, Etherpeek puis Carnivore. Le travail de renseignement sen trouve transform et lventail de ses cibles souvre. La figure de l analyste prend alors place aux cts de celle de lagent de terrain . Le recours aux technologies informatiques nentrane toutefois pas le basculement du renseignement humain vers le renseignement technologique sans aussi profondment affecter le travail des polices qui repose de plus en plus sur la capacit collecter des donnes en grande quantit, grande chelle, et bientt en permanence. Cette volution conduit lavnement de ce que lon appelle aujourdhui lIntelligence-led policing

    30. P. Virilio, Linertie polaire, Paris, Christian Bourgeois, 1990.31. James Der Derian, Virtuous War. Mapping the Military-Industrial-Media-Entertainment Network, Boulder, Basic Books, 2001.

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  • 160 Critique internationale n 61 octobre-dcembre 2013

    et fait surgir la traabilit comme vritable technologie de gouvernement. Traabilit : un terme qui, comme le note Armand Mattelart, vaut pour la traque des ennemis (intrieurs ou extrieurs) comme pour lobservation du parcours de la production et de la consommation 32.

    Le terrorisme e(s)t lennemi

    Dans ce paysage, la thse qui expliquait le terrorisme par ses soutiens tatiques (Union Sovitique puis Rogues States des annes 1990) sessouffle. Les discours shomognisent progressivement pour finalement reverser la violence ainsi prise pour objet dans la catgorie de la violence des individus. Prive de lennemi sovitique et pour tout dire de tout ennemi politique clairement identifi , ladministration des tats-Unis ne voit plus dans le monde post-bipolaire que des menaces diffuses, au premier rang desquelles le terrorisme joue en repre des transformations de larchitecture de scurit. Reflet des discours apologtiques de la socit de linformation cette poque, la forme rseau supplante alors dfinitivement la forme tat dans les descriptions du terrorisme . partir du milieu des annes 1990, il nest ainsi plus question que de rseaux et dorganisations terroristes dont la liste accompagnera dsormais celle des tats sponsors du terrorisme dans les Patterns of Global Terrorism du DOS. cette mme poque, le discours sur lincertitude stratgique du monde post-bipolaire confre la rationalit anticipative du renseignement un primat jusque-l indit. Du point de vue militaro-stratgique en effet, il ne sagit plus de contenir (Containement) ou de repousser (Roll Back) au plus loin dans lespace un ennemi, qui dailleurs nexiste plus comme tel, mais de dceler la menace et de la neutraliser au plus tt dans le temps. Do limportance du dploiement des agences civiles et militaires en rseau, lequel rseau, en matrialisant un espace de communication lectronique entre agences, des-sine aussi un champ ubiquitaire de visibilisation du danger. Ce narratif de lincertitude stratgique dissocie galement la menace de la figure tatique et territorialise de lennemi politique laquelle elle tait jusqualors rattache, et cest lennemi qui devient potentiel son tour dans un discours qui prvient tous ceux qui soutiendraient le terrorisme quils deviendront les ennemis de lAmrique. Ainsi, la menace dpourvue dorigine claire acquiert une vie autonome et devient ce qui doit tre identifi et combattu. Cest l la violence inoue quopre le discours politique des annes 1990 sur la pense strat-gique : lennemi politique, tatique et territorialement isolable, il substitue une menace illimite dans le temps et dterritorialise, avec des implications

    32. Armand Mattelart, Histoire de la socit de linformation, Paris, La Dcouverte, 2001, p. 95.

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    spatiales dont nous navons probablement pas encore mesur toute lampleur. Paul Virilio pressent ce renversement lorsquil voque le dclin crpusculaire de ltat providence [qui trouvera] une gographie volontaire () illustrant la venue dun tat destin post-industriel et transpolitique fond sur la menace, le risque apocalyptique et non plus sur lennemi politique 33.La contingence de la menace (terroriste) ainsi substitue lennemi nces-saire de et la modernit politique, lanalyse de risque a pu simposer et les discours sur la rduction de la vulnrabilit rpondre ceux de lincer-titude. dfaut de pouvoir aller espionner un ennemi introuvable, on tente didentifier les failles de la nation amricaine , ces vulnrabilits que les terroristes pourraient exploiter. Cest le sens du plan de protection des infrastructures critiques lanc en 1998 (prfiguration des politiques du Homeland de ladministration Bush) avec lequel la scurit des rseaux infor-matiques notamment devient une priorit. Ce nest plus tant la scurit du territoire gographique qui est la condition de scurit des populations, que celle des rseaux techniques qui conditionne dsormais celle du territoire gographique. La tche est confie au FBI et son National Infrastructure Protection Center cr en 1998, tandis que les militaires publient la mme anne leur Critical Infrastructure Protection Plan, pionnier dune longue srie de documents sur ce qui deviendra la scurit du cyberespace . Relgu larrire-plan de limaginaire spatial et politique, le territoire gogra-phique a resurgi brusquement au cur des proccupations de scurit et de dfense lors des attentats du 11 septembre 2001. Le recours la smantique de la mre patrie (et les politiques du Homeland de ladministration Bush) ou la cration au DOD du Northern Command (NORTHCOM) en charge de protger un territoire national que lon avait cru sanctuaris en sont une premire expression. La rponse militarise aux rseaux terroristes en Irak, en Afghanistan, au Ymen et ailleurs en est une autre. Depuis 2002, les oprations militaires lances contre le terrorisme , nouvel ennemi politique et stratgique , ne visent pas seulement sa destruction, elles sinscrivent dans une dmarche plus large de rhabilitation des tats dits dliquescents quil faudrait aider mieux contrler leur territoire par une meilleure matrise de leurs frontires. La guerre globale au terrorisme prend alors les formes dune dfense de la territorialit moderne (J. G. Ruggie) et du systme intertatique comme forme exclusive dorganisation des socits humaines. Mot dordre : pas de futur hors de la forme tat... quand bien mme ltat pourrait sen trouver radicalement transform.

    33. P. Virilio, Lespace critique, op. cit., p. 161 (soulign par P. Virilio).

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    Architecture de scurit en rseau

    On pourrait penser que les politiques de soutien aux tats faibles , comme dailleurs la cration du NORTHCOM, sont un bmol dans la partition de ceux qui annoncent la sortie du monde de lre de lespace et son entre dans celle de la dromopolitique, du temps ou de la liquidit. Or ce retour du territoire gographique est avant tout symbolique. Sil contribue raffirmer lancrage terrestre du soi collectif national et le modle territorial de la modernit, le territoire gographique nest pas pour autant rhabilit dans la pense stratgique et de scurit. En tmoigne la cration en 2002 du Dpartement pour la scurit de la patrie (Department of Homeland Security, DHS). Fruit de la plus importante rforme de ladministration amricaine depuis 1947, le DHS a souvent t prsent comme une agence de scurit du territoire , de scurit intrieure ou de scurit des frontires alors que ses prrogatives en font la premire agence gouvernementale au monde mandate la gestion de lurgence, au contrle et la surveillance des flux et des infrastructures critiques. Face un ennemi terroriste susceptible de frapper nimporte o et nimporte quand, ltranger comme sur le sol national, sur terre, en mer, comme dans les airs ou dans le cyberespace , la dfense de la souverainet des tats modernes et du systme internatio-nal ne peut se limiter au soutien des tats dits dliquescents. Elle implique galement un contrle plus pouss des flux. Ds lors, ce nest plus seulement lhorizontalization des forces armes qui est de mise, mais celle de lensemble des appareils de scurit, civils et militaires, de police et de renseignement. Les civils doivent taire leurs rivalits et dpasser lantagonisme de leurs cultures bureaucratiques. L encore, loutil informatique, dont personne ne peut revendiquer le monopole, simpose. DHS, FBI, CIA sont tous pro-gressivement connects les uns aux autres via les rseaux informatiques de bases de donnes administrs par des units dun nouveau genre : les centres dexploration et de partage de donnes, points nodaux de redistribution de l information terroriste .Depuis 2004, le Terrorist Identity Datamart Environment du National Counterterrorism Center connecte entre elles les 17 agences amricaines de renseignement civiles et militaires, tandis que le Terrorist Screening Center du FBI centralise et recoupe avec les donnes de ses bases criminelles celles collectes par le Dpartement dtat (dans le cadre de ses prrogatives dattribution des visas ou dinterdiction de vol) et par les services de la citoyennet et de limmigration (CIS), des douanes et du contrle aux fron-tires (CBP) ainsi que de scurit des transports (TSA) du DHS. Les Fusion Centers tablis ces dix dernires annes dans le cadre du programme Global Justice Information Sharing Initiative, co-administr par le Dpartement de la

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    justice (DOJ) et le DHS, alimentent le rseau de renseignement fdral des donnes collectes au niveau local par les diverses autorits de police agissant sous la juridiction des tats fdrs. Cest lavnement de lInformation Sharing Environment (ISE), espace de circulation grande vitesse de l information terroriste lre dromosphrique.Le branchement des rseaux de bases de donnes du DOJ et du DHS sur le rseau du renseignement fdral via lISE assure en effet la circulation des informations collectes au niveau local comme ltranger et leur recoupement au sein dune architecture nationale de renseignement dver-ticalise dont les units constitutives ne sont organises ni selon la division administrative entre le fdral et le fdr ni selon la division spatiale entre linterne et lexterne, mais selon cette structure en rseau articule sur les systmes techniques mis au service de cette rationalit anticipative qui na pas cess dinnerver le registre des pratiques de souverainet dtat depuis le NS Act de 1947. lpoque, cette loi avait donc autoris ce qui soffre dsor-mais nous sous forme dun vaste mouvement dintgration (et peut-tre dhomognisation) des techniques de la coercition dtat dont lInformation Warfare, lIntelligence-led policing ou encore lelectronic monitoring constituent les expressions les plus contemporaines. Dans ce contexte, il ny a rien de surprenant ce que la scurit des rseaux (informatiques surtout) et du cyberespace soit faite priorit des priorits comme en tmoigne la mise en place dun Cyberspace Command au sein du DOD (2009) et la publication dune Stratgie internationale pour le cyberespace, derniers signes en date de la tentative dappropriation des systmes lectroniques et informatiques par les gouvernements des tats modernes.La loi Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act (IRTPA) adopte par le Congrs amricain en 2004 est une tape essentielle de ces dveloppe-ments. Avec la mise en place de lISE, elle remet dfinitivement en cause les fondements du Foreign Intelligence and Surveillance Act (FISA) de 1978 en introduisant la catgorie juridique de Terrorism Information . la fin des annes 1970, ladoption de la FISA tait venue rpondre aux abus constats des agences de renseignement de ladministration amricaine. Elle protgeait depuis les citoyens amricains en imposant le respect du principe de spa-ration stricte des activits de renseignement et de Law Enforcement. Avec la catgorie du Terrorism Information , ces garde-fous tombent puisque toutes les informations sont d-diffrencies, quelles soient collectes sur le sol national ou ltranger, propos des ressortissants trangers ou nationaux, dans le cadre dactivits de renseignement, doprations de combat mens sur des thtres de guerre ou de police judiciaire. Cette loi opre ainsi une triple d-diffrenciation : spatiale dabord, entre linterne et lexterne ; fonctionnelle ensuite, entre activits de renseignement et de police judiciaire ; entre civil

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    et militaire enfin. Et en fond, ce sont bien sr les catgories historiquement distingues de lennemi, du criminel et du combattant arm qui se trouvent remises en cause, subsumes sous celle du terrorisme , cet instrument des gurillas des annes 1960 devenu arme des tats dans les annes 1970-1980 et aujourdhui ennemi politique et stratgique dont on cherche anticiper les actions au prix dun recul sans prcdent de ltat de droit. Une figure de lennemi, double monstrueux des appareils dtat spcifiquement mandats la protection des territoires et des populations, mais dont on comprend quelle est prcisment celle ncessaire leur mutation. Une mutation elle-mme rendue ncessaire par lentre en dsutude dun modle et de sa forme associe (le modle territorial et la forme tat) aujourdhui submergs par les mouvements du monde. Cette opration essentiellement discursive par laquelle, partir du milieu du XXe sicle, le terrorisme sest graduellement impos comme figure de lennemi est aussi celle qui aura autoris les architectures de scurit se muer en une structure renouvele susceptible de leur permettre de rpondre aux ncessits de scurit dun monde dont les ralits ne sont plus tant apprhendes et reprsentes via le modle territorial et la forme tat que par un modle technicien et sa forme rseau.

    La traabilit comme technologie de gouvernement

    Ces mutations de la structure des architectures de scurit et de la figure de lennemi trouvent toute leur place dans ce que Michel Foucault a appel le processus de gouvernementalisation de ltat qui a conduit vers la prmi-nence [du] gouvernement sur () la souverainet [et la] discipline () [et par lequel] ltat de justice du Moyen-ge, devenu aux XVe et XVIe sicles ltat administratif, sest trouv petit petit gouvernementalis 34. Or nous voudrions suggrer que ce processus de gouvernementalisation de ltat est aujourdhui travaill, et depuis un demi-sicle, par un autre processus, qui est dinformatisation. Gouvernementalisation de ltat et donc dsormais informatisation du gouvernement . Linformatisation du gouvernement, ce nest bien sr pas, en tout cas pas seulement, ce que lon trouve parfois repr sous lappellation d e-gouvernement ou d administration lectronique mme sil sagit l de deux des multiples expressions de ce phnomne. Le gouvernement chez Foucault nest pas en effet ce que nous dsignons communment par ce terme, savoir cet organe politico-administratif en charge de la conduite des affaires de ltat. Comme souvent chez Foucault, ce nest pas une notion stable et prcise qui dlimiterait un registre bien spci-

    34. M. Foucault, Scurit, Territoire, Population. Cours au Collge de France 1977-1978, Paris, Le Seuil/Gallimard, 2004, p. 112.

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    fique de pratiques mais une notion lastique qui finit par dsigner un mode daction , une manire de diriger la conduite dindividus ou de groupes (), de structurer le champ daction ventuel des autres 35. Foucault dveloppe cette notion de gouvernement partir du milieu des annes 1970 dans le cadre dune rflexion plus large qui en vient interroger les mutations de lart de gouverner travers une srie de questionnements sur lavnement dun biopouvoir et dune biopolitique 36, de socits de scurit 37, ou de gouvernements 38, ou encore dune gouvernemen-talit librale 39. Dans ce cadre, lide de gouvernement fonctionne dans un appareillage conceptuel articul autour de quelques notions cls : la gou-vernementalit qui finit par dsigner le champ stratgique des relations de pouvoir 40 lintrieur duquel peuvent stablir les diverses formes de gouvernement (des mes, des individus) ; la biopolitique comprise comme lensemble des procdures de pouvoir prenant pour cible les vivants constitus dans la catgorie de population . Gouvernement, gouverne-mentalit, biopolitique, population. Quatre notions qui signent leffort de Foucault darticuler un appareil conceptuel susceptible de servir lanalyse des transformations historiques de lexercice du pouvoir afin de dceler ce qui est en train de prendre la place des socits disciplinaires 41. Cest l lenjeu de diagnostiquer ce quest aujourdhui 42 et le sens des questions qui ouvrent le cours de 1978 propos des socits de scurit 43. Si bien qu la fin des annes 1970 se dessinent les lignes dune gouvernementalit contemporaine laborieusement articule autour du triangle souverainet/discipline/gestion gouvernementale44 avec, associ chacun des trois ples, un ensemble de technologies de pouvoir qui, en combinant diverses techniques, instruments et types de savoir, ont historiquement contribu forger leurs cibles respectives, leur sujet politique propre : le territoire que les pratiques associes la souverainet dtat sefforcent de capitaliser , lindividu corps que les techniques disciplinaires dressent et duquent et enfin la popu-lation que les technologies biopolitiques cherchent faire vivre dans sa

    35. M. Foucault, Deux essais sur le sujet et le pouvoir , dans Herbert Dreyfus, Paul Rabinow, Michel Foucault. Un parcours philosophique, Paris, Gallimard, 1984, p. 314.36. M. Foucault, Histoire de la sexualit 1. La volont de savoir, Paris, Gallimard, 2007 (1976), p. 175 et suivantes ; M. Foucault, Il faut dfendre la socit. Cours au Collge de France 1976, Paris, Gallimard, 1997, p. 213 et suivantes.37. M. Foucault, Scurit, Territoire, Population, op. cit., p. 12.38. Ibid., p. 111.39. M. Foucault, Naissance de la biopolitique. Cours au Collge de France 1978-1979, Paris, Le Seuil/Gallimard, 2004, p. 80.40. M. Foucault, Lhermneutique du sujet. Cours au collge de France 1981-1982, Paris, Le Seuil/Gallimard, 2001, p. 241.41. Gilles Deleuze, Post-scriptum sur les socits de contrle , dans G. Deleuze, Pourparlers, Paris, Les ditions de Minuit, 2003 (1990), p. 240.42. M. Foucault, La philosophie structuraliste permet de diagnostiquer ce quest aujourdhui , dans M. Foucault, Dits & Ecrits 1, Paris, Gallimard, p. 608-612.43. M. Foucault, Scurit, Territoire, Population, op. cit., p. 49-50.44. M. Foucault, Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 111.

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    multiplicit. Cest larticulation de tout cet ensemble qui forme lart contem-porain de gouverner. Un art de gouverner qui se trouve aujourdhui totale-ment reconfigur par ce processus dinformatisation qui innerve lensemble du corps social et reconfigure les appareils de scurit dans une architecture assemble au moyen de systmes informatiques de bases de donnes, et dont la structure en rseau doit permettre le recueil et la mise en circulation des informations dsormais collectes propos et au moyen de tout ce qui entre en mobilit. Aucun dplacement ne se fait aujourdhui sans mdiation de loutil lectronique et informatique, si bien que lentre en mobilit gnre de multiples traces lectroniques activant des mcanismes de contrle et de surveillance dont lefficacit reposerait sur la collecte aussi systmatique que possible dinformations, sur leur conservation et sur leur parfaite circulation entre les appareils dtat mandats la scurit des territoires gographiques et des populations. La traabilit, comprise la fois comme le caractre de ce qui est traable et comme la capacit technique dautorits habilites tracer les individus (mais aussi les biens, les capitaux et mme les donnes numriques), surgit alors comme la technologie majeure de gouvernement de lhumain et du non-humain. Dans un monde toujours plus apprhend par ses flux, elle devient cette capacit pouvoir marquer ces derniers en certains de leurs points de passages, cest--dire les fixer, afin de pouvoir recrer les trajectoires de leurs units constitutives dans le temps et dans lespace. La traabilit ne prend plus pour cible le territoire la manire des tech-niques et du savoir juridiques de la souverainet , lindividu corps la manire des techniques denfermement cellulaire des socits disciplinaires ou la population comme avec les technologies biopolitiques , mais tout ce qui entre en mobilit, humain et non humain, vivant et non vivant. Dans la nouvelle configuration gouvernementale, le territoire gographique , lindividu corps , et la population se trouvent chacun dplacs dans leur fonction et leur statut : non plus sujet politique ou cible des technolo-gies de pouvoir mais instrument du marquage et de la (go)localisation des personnes, des biens, des capitaux et des donnes numriques, de la collecte et de lenregistrement des informations leur propos. Lmergence de la traabilit comme technologie de gouvernement nest pas sans effets sur lart de gouverner. Elle participe de la production dun nouveau sujet politique : les mobilits et, plus fondamentalement, le mouvement. Cest bien l tout le sens du ragencement des appareils dtat : opration de dterritorialisation et de recomposition qui fait lentement merger, dune part, une architecture rhizomatique de recueil et de mise en circulation des informations, dautre part, la traabilit comme technologie renouvele de gouvernement de lhumain et du non-humain, du vivant et du non-vivant. Sassurer la matrise des cir-culations par la circulation entre autorits autorises de donnes recueillies

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    propos et au moyen de ce qui flue, et pour cela sinscrire en rseau pour se situer dans le mouvement et sen faire ltre mme, voil la rationalit politique luvre. Nous voil renvoys un thme ancien : celui du mouvement et de sa matrise graduelle par les hommes.

    De sa fixation dans les rgles immuables de la dynamique par Galile au traage des mobilits contemporaines, il se pourrait bien que le mouvement ait toujours t premier et que le changement soit finalement ce quil y a de plus permanent, ainsi que le suggrait Hraclite dEphse au VIe sicle avant notre re. Ds lors, la lutte contre le terrorisme nest pas lexpression dune lutte de souverainet entre des tats modernes territorialiss et des rseaux dterritorialiss de la terreur sans tre aussi, et avant tout, lexpression de la tentative la plus contemporaine dapprivoisement du mouvement aux fins de matrise du changement. Cest l, tout du moins, lhypothse sur laquelle leffort gnalogique entrepris ici pourrait se prolonger en vue dtablir les possibles continuits entre la lutte contre les nomadismes et la piraterie par ltat territorial naissant du XVIIe sicle et les formes contemporaines de la lutte contre les terroristes quon appelait les pirates de lair dans les annes 1970. Peut-tre cette entreprise gnalogique suggrerait-elle de rouvrir le chapitre de la modernit politique pour ne plus la comprendre comme une priode historique , mais plutt comme une construction thorique forge depuis cet imaginaire spatial principalement territorial et gographique, appuye sur une conception euclidienne de lespace physique et au moyen de laquelle les socits humaines se sont donn certaines limposant dautres (le fait colonial) de pouvoir ordonner et (co)habiter (sur) lespace de la terre selon un systme dautorits souveraines amna-geant un rgime historique de dmarcations spatiales lintrieur duquel les mobilits des hommes et des choses ont pu tre rgles en circulations internationales. Cest tout ce systme qui, implosant aujourdhui de toutes parts sous leffet des nouvelles conceptions de temps et despace et de lintensification/diversification des flux, ne se voit laisser dautre option que de steindre en se muant radicalement, nous laissant face la crise des catgories traditionnelles du politique45.

    la mmoire de Bastien Irondelle

    45. Je remercie Pierre Hassner, Didier Bigo, Jef Huysmans pour leurs prcieux commentaires sur des versions antrieures de cet article ainsi que les relecteurs anonymes de Critique internationale pour leurs suggestions trs utiles. Mes remerciements vont aussi Catherine Burucoa pour ses prcieuses suggestions lors de la finalisation de ce texte.

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  • 168 Critique internationale n 61 octobre-dcembre 2013

    Philippe Bonditti est docteur en science politique de lIEP de Paris (2008) et professeur assistant lInstitut de relations internationales de lUniversit pontificale de Rio de Janeiro (IRI/PUC-Rio). Ses recherches portent sur les politiques et les organi-sations antiterroristes aux tats-Unis et en Europe laune desquelles il analyse la transformation des pratiques de la souverainet dtat et de lart de gouver-ner. Il a notamment publi (avec Andrew Neal, Sven Opitz et Chris Zebrowsky) Genealogy. Problematizing Power and Knowledge in Security Studies , dans Claudia Aradau, Andrew Neal, Jef Huysmans, Nadine Voecklner (eds), Critical Methods in Security Studies (Routledge, 2013, paratre) ; Act Different, Think Dispositif , dans Mark B. Salter, Can E. Mutlu (eds), Research Methods in Critical Security Studies (Londres/New York, Routledge, 2013, p. 101-105) ; Du contrle de limmigration la rgulation de la nomadicit contemporaine : propos de quelques dispositifs amricains de contrle de la mobilit dans Didier Bigo, Emmanuel-Pierre Guittet, Amandine Scherrer (dir.), Mobilits sous surveillance (Montral, Athna, 2010, p. 167-182) et Lantiterrorisme aux tats-Unis : de la contre-insurrection des annes 1960 la guerre globale au terrorisme , dans Didier Bigo, Laurent Bonelli, Thomas Deltombe (dir.), Au nom du 11 septembre Les dmocraties lpreuve de lantiterrorisme (Paris, La Dcouverte, 2008, p. 151-167). [email protected]

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