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DANS L’ACTU P.2 • COLLECTE ET TRI DES DÉCHETS : QUI VA PAYER ? FOCUS P.4 • COMMANDE PUBLIQUE : UNE FONCTION STRATÉGIQUE DROIT P.8 • LA RÉFORME DES MARCHÉS PUBLICS URBANISME P.19 • LA PLANIFICATION TERRITORIALE EN ESPAGNE POPSU P.20 • L’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE TERRITOIRES P.22 • DES AMÉNAGEMENTS EN FAVEUR DE LA POLITIQUE D’INSERTION SOCIALE • L’ASSEMBLÉE DES TERRITOIRES EN OCCITANIE © Sébastien Ortola / RÉA DOSSIER P.11 Politique de la ville Les intercos face à leurs responsabilités Décembre 2016 • N° 215 Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org 5,50 E

Politique de la ville - AdCF · Pour l’année 2016, une enveloppe de 216 millions d’euros issus du FSIL est déjà garantie. Logements sociaux : une plateforme numérique pour

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Page 1: Politique de la ville - AdCF · Pour l’année 2016, une enveloppe de 216 millions d’euros issus du FSIL est déjà garantie. Logements sociaux : une plateforme numérique pour

DANS L’ACTU P.2• COLLECTE ET TRI DES DÉCHETS : QUI VA PAYER ?

FOCUS P.4• COMMANDE PUBLIQUE :

UNE FONCTION STRATÉGIQUE

DROIT P.8• LA RÉFORME DES MARCHÉS PUBLICS

URBANISME P.19• LA PLANIFICATION TERRITORIALE EN ESPAGNE

POPSU P.20• L’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE

TERRITOIRES P.22• DES AMÉNAGEMENTS EN FAVEUR

DE LA POLITIQUE D’INSERTION SOCIALE • L’ASSEMBLÉE DES TERRITOIRES EN OCCITANIE

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Politique de la ville Les intercos face à

leurs responsabilités

Décembre 2016 • N° 215 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E

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Collecte et tri des déchets : qui va payer ?

Gemapi : ne pas subirUn nuage inquiétant plane au-dessus de nombreux territoires : la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (Gemapi). Cette responsabilité très lourde, aux contours encore mal précisés, a été dévolue aux intercommunalités par la voie d’un amendement parlementaire, sans réelle concertation préalable ni étude d’impact digne de ce nom. En guise de financement ? Une gracieuse habilitation des communautés à lever une taxe additionnelle sur nos impôts locaux ! Depuis deux ans, la Gemapi fait office d’épouvantail pour nombre d’élus, au risque d’un blocage de la décision et de postures attentistes qui conduiront d’autres à décider à leur place. Il est donc important de reprendre la main sans tarder tout en exigeant des clarifications et, certainement, des rectifications législatives.Alors que les échéances de 2018 et 2020 approchent à grands pas, beaucoup de choses restent en effet à améliorer et préciser. Quelles digues ont vocation à être transférées ? Comment traiter la problématique spécifique des grands fleuves et des linéaires côtiers où le périmètre des intercommunalités apparaît totalement inadapté ? Quelles solidarités financières pourront être établies entre secteurs amont et aval ? Doit-on traiter différemment la question des milieux aquatiques et celle de la protection contre les inondations ? Jusqu’où ira la responsabilité des élus sur le plan financier et juridique, voire pénal ?

L’AdCF continue de demander l’ouverture d’un vrai débat, aujourd’hui occulté, sur un financement sérieux de la compétence Gemapi et sur ses actuelles conditions de mise en œuvre dans les territoires complexes. Les élus sont conscients de la nécessité d’agir mais ne sauraient assumer que de simples obligations de moyens, et non de résultats. L’AdCF souhaite que les services de l’État laissent aux communautés compétentes le soin de définir librement les missions qu’elles souhaiteront confier aux grands établissements publics (Epage et EPTB), en dehors de tout schéma organisationnel prédéfini. Actuellement, les services de l’État font pression pour des transferts intégraux aux syndicats mixtes. Connaissent-ils le principe de libre administration ? Sur quel texte législatif fondent-ils leur doctrine ? Nous devons prendre les devants pour ne pas nous faire imposer une organisation par d’autres.

« La Gemapi fait office d’épouvantail pour nombre d’élus »

Le financement de la collecte et du recyclage des déchets a constitué l’une des actualités brûlantes de cet automne. Qui payera et combien ? Les équilibres à trouver entre les éco-organismes des filières de responsabilité élargie des producteurs et les contribuables locaux sont au cœur des débats.

L e financement de la collecte et du recyclage des déchets s’appuie en partie sur les soutiens versés par les filières de responsabilité élargie des produc-

teurs (REP) aux éco-organismes agréés par les pouvoirs publics. Ces derniers collectent les soutiens auprès des producteurs, puis les reversent ensuite aux collectivités compétentes en matière de gestion des déchets. Ce système répond au principe « pollueur-payeur » suivant lequel le producteur de déchets (les entreprises qui mettent les produits sur le marché) est incité à réduire le volume émis. Les modalités de fonctionnement des filières – dont leur financement – sont actuellement renégociées. Compétentes à titre obligatoire en matière de collecte et traitement à partir du 1er janvier 2017, les communautés sont directement concernées.

Des objectifs non atteintsLa loi Grenelle 1 fixe un objectif d’augmentation du recy-clage matière et organique : de 24 % en 2004, ce taux devait être porté à 45 % en 2015 pour les déchets ménagers et assimilés. Pour les déchets d’emballages ménagers, l’objectif a été fixé à 75 % dès 2012.Afin d’y parvenir, outre l’encouragement à la réduction à la source, la loi élargit la responsabilité des produc-teurs. Concernant les emballages, les producteurs doivent

couvrir la collecte, le tri et le traitement à hauteur de 80 % des « coûts nets de référence d’un service de collecte et de tri optimisé ». Nous en sommes encore loin… En 2015, la gestion des emballages coûtait plus d’1,4 milliard d’euros, financée à hauteur de 600 millions d’euros (soit un peu moins de 43 %) par les producteurs d’emballages, le diffé-rentiel de 800 millions restant à la charge des collectivités. Pour la filière papiers, le taux est encore plus faible (à hauteur de 20 %). Au bout du compte, le différentiel est répercuté sur la feuille d’impôt des contribuables locaux.

Nouveaux cahiers des chargesPour atteindre les objectifs de la loi, il est essentiel d’ac-croître la prise en charge du recyclage par les filières, autrement dit par le consommateur, plutôt que par le contribuable local. À défaut, les communautés n’auront

pas les moyens de financer des centres capables d’absorber l’extension des consignes de tri à tous les emballages, généralisée sur le territoire national d’ici 2022.Ces questions sont au cœur de la négociation des nou-veaux cahiers des charges concernant les agréments des éco-organismes. Particulièrement controversé, le cahier des charges de la filière des déchets d’em-ballages ménagers, soumis à l ’avis consultatif de la commission « emballages », a été rejeté massivement début septembre, appelant l’arbitrage de la ministre Ségolène Royal. La question a été tranchée par l’arrêté du 21 octobre 2016, qui retient pour 2017 un cahier des charges identique à celui publié pour la période précédente et intègrant uniquement « des ajustements visant à assurer une bonne transition entre la période

d’agrément qui se termine en décembre 2016 et celle qui portera sur la période 2018-2022 ». L’année 2017 y est en effet présentée comme une année de transition pour préparer la mise en concurrence des éco-organismes dans les meilleures conditions. S’agissant de la filière papiers, le barème reste en vigueur pour l’année 2017. En revanche, à compter

de 2018, le seul mode de traitement soutenu est le recy-clage en vue d’une valorisation matière. Face au dialogue actuel contraint entre éco-organismes et collectivités et à la difficulté d’atteindre les objectifs fixés, plusieurs associations de collectivités (AdCF, France Urbaine, AMORCE et le Cercle national du recyclage) ont appelé à la tenue d’une véritable concerta-tion sur le financement du recyclage dans les territoires pour la période 2018-2022.

Camille Allé

L’objectif : favoriser la prise en charge du recyclage par le consommateur plutôt que par le contribuable

Controversé, le cahier des charges pour la filière emballages a nécessité un arbitrage

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Charles-Éric Lemaignen Président de l’AdCF

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En bref1 263 C’est le nombre de communautés

et métropoles que devrait compter la France au 1er janvier 2017 ; une projection très proche des

chiffres initiaux des schémas départementaux. Le nombre d’intercommunalités sera ainsi réduit de 39 % par rapport à 2016, mais surtout de 52 % par rapport à 2011, au lendemain de la loi dite « RCT ». Les communautés de communes repré-senteront 81 % des groupements (1 024) et 17 nouvelles agglomérations seront créées. En septembre dernier, la DGCL estimait qu’une communauté regroupera en moyenne 29 communes et 54 000 habitants, contre 17 communes et 32 500 habitants aujourd’hui.

Guide de l’élu local pour la transparenceEn 2014, 277 élus ont été mis en cause pour corruption. Ce chiffre a été mis en avant par

le Service central de prévention de la corruption (SCPC) dans son rapport annuel, qui appelle à un renforcement de la prévention et de la formation en matière de lutte contre la corruption. Une préoccupation partagée par l’association Transparency International France, qui vient de publier son Guide de l’élu(e) local(e). Destiné à aider les élus à répondre aux enjeux auxquels ils sont confrontés en matière de probité, cet ouvrage se veut pratique, illustré par un glossaire et des retours d’expérience. Il rappelle aux intéressés les obligations déclaratives, les principaux points de vigilance et les réflexes à adopter durant leur mandat, et balaye également les champs de l’accès à l’information (administrative, budgétaire, environ-nementale), de la participation citoyenne et de la commande publique, « zone à risque ». Un outil précieux, téléchargeable librement sur transparency-france.org.

Premier contrat de ruralité signé dans le PercheLe 24 novembre dernier, le pôle d’équilibre territorial et rural du Perche a signé le premier

contrat de ruralité. Ce dispositif, qui avait été annoncé lors du troisième Comité interministériel des ruralités en mai dernier, s’inspire des contrats de ville, qu’il entend adapter pour les territoires ruraux. Chaque contrat de ruralité, établi pour la période 2017-2020 afin de s’aligner sur la programmation européenne, emporte toute une série de financements (fonds de soutien à l’investissement local (FSIL), contrats de plan, DETR, FNADT, fonds européens…) concentrés sur quelques thématiques phares : services publics et santé, centres-bourgs, mobilités, transition écologique, cohésion sociale. Pour l’année 2016, une enveloppe de 216 millions d’euros issus du FSIL est déjà garantie.

Logements sociaux : une plateforme numérique pour l’informationÀ l’occasion de la Semaine de l’innovation

publique, la ministre du Logement et de l’Habitat durable Emmanuelle Cosse a lancé une nouvelle plateforme sur le logement social. Cette plateforme agrège toutes les données disponibles pour l’année 2016 et permet un accès commun par commune aux informations sur le respect des obligations de construction prévues dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) de décembre 2000. Taux de logements sociaux existants, taux à atteindre, état de carence éventuel de la commune, montant des pénali-tés payées en 2016, types de logements sociaux… sont ainsi accessibles en ligne. Pour Emmanuelle Cosse, « la réponse aux besoins de logement abordable de nos concitoyens est au cœur de la cohésion et de la justice sociale, il est donc nécessaire que chacun puisse s’en emparer grâce à une information ouverte et accessible ». Plus d’informations sur www.transparence-logement-social.gouv.fr.

Interventions économiques : la fin des compétences départementales

D ans une circulaire datée du 3 novembre et adressée aux préfets de région et de dépar-tement, le ministre de l’Aménagement du

territoire Jean-Michel Baylet rappelle les règles qui s’imposent aux différents niveaux de collectivités en matière d’interventions économiques. La Direction générale des collectivités locales (DGCL) précise notamment que la région ne peut pas déléguer au

département ses compétences en matière d’aides aux entreprises, et que les interventions des départements relatives aux aides à l’immobilier d’entreprise sont strictement encadrées (CGCT, art. L. 1511-3).La circulaire détermine les modalités d’interven-tion et de retrait des départements selon deux cas de figure : en l’absence de délégation, et en cas de délégation de tout ou partie des aides à l’immobilier

d’entreprise. Dans le cas d’une absence de déléga-tion, les départements doivent transférer les zones d’activités dont ils sont propriétaires et se retirer des syndicats mixtes compétents pour la gestion et l’amé-nagement des ZAE. La circulaire rappelle également leur obligation de céder, d’ici le 31 décembre 2016, au moins les deux tiers des actions qu’ils détiennent dans des SEM ou SPL d’aménagement. Si au contraire

une délégation existe, celle-ci ne peut porter que sur l’octroi des aides et non sur leur définition ; et dans ce cas, département et communes ou communautés ne peuvent

être membres d’un même syndicat mixte ouvert. La commune ou l’intercommunalité devra sortir de cette structure, sauf si elle en est membre au titre d’une autre compétence.

La circulaire, ainsi que des notes d’analyse, peuvent être téléchargées

sur www.adcf.org, rubrique Thématiques/Développement économique.

Évolution de l’emploi territorial : panorama

E n novembre dernier, la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) et l’Association nationale des directeurs et directeurs adjoints

des centres de gestion (ANDCDG) ont présenté leur panorama annuel de l’emploi territorial. Celui-ci s’appuie sur la base des données 2014, année des élections muni-cipales et communautaires. Ce travail met en évidence la présence forte du bloc local, principal recruteur dans la fonction publique territoriale (FPT) en 2014 malgré une réduction du nombre d’offres due aux échéances électorales. Ainsi, sur les 58 719 offres d’emploi publiées en 2014 par les centres de gestion, 52 % émanent des communes et 18 % des communautés.Autre enseignement : l’ampleur du phénomène de recrutement d’agents contractuels, qui progresse de plus de deux points par rapport à 2013. En 2014, 40 % des recrutements concernent des agents contrac-tuels alors que ceux-ci ne représentent que 20 % des

effectifs. Ces données varient toutefois fortement en fonction des régions (61 % de nominations de contrac-tuels en Île-de-France contre 20 % en Bretagne). L’étude

laisse entrevoir la difficulté que rencontrent les com-munes à recruter des secrétaires de mairie, dont le profil exigeant et rare fait de ce métier le premier en tension au niveau national. Enfin, ce panorama permet de dresser le profil type des offres d’emploi dans la FPT. Dans une nette majorité, il s’agit de postes à caractère permanent, pour des agents de catégorie C (50 % des offres) dans la filière technique et à temps complet.

Le panorama complet est accessible sur le site www.cigversailles.fr.

Le bloc local reste le premier recruteur de la fonction publique territoriale. / © Jean-Pierre Clatot / AFP

La circulaire détermine les modalités d’intervention et de retrait des départements

En 2014, 40 % des recrutements concernent des agents contractuels

Que pensez-vous d’Intercommunalités ?La rédaction lance une enquête auprès de ses lecteurs pour améliorer la qualité de cette revue. Le questionnaire est disponible sur le site app.wisembly.com/mensuelinterco, il est anonyme et ne prend que quelques minutes !

DANS L’ACTU 3

www.adcf.org • N° 215 • DÉCEMBRE 2016

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Commande publique : une fonction stratégique« L’achat public est un acte économique. » Cette analyse de Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises (voir l’interview en page suivante), met en exergue la responsabilité portée par les élus des communes et communautés, responsables de 80 % de l’investissement public local. Alors que les données 2016 de la commande publique, sur le point d’être rendues publiques par l’observatoire mis en place par l’AdCF et la Caisse des dépôts, témoignent des contraintes financières lourdes qui pèsent sur les donneurs d’ordres, ce Focus d’Intercommunalités insiste sur l’enjeu d’une commande publique « stratège ». Il donne la parole au médiateur des entreprises, outil précieux d’accompagnement des relations fournisseurs/donneurs d’ordres, présente plusieurs témoignages relatifs à la fonction achats des communautés, et décrypte le nouveau cadre réglementaire de la commande publique.

Pour une commande publique décisiveL’observatoire mis en place par l’AdCF et la Caisse des dépôts s’apprête à révéler les données relatives à la commande publique pour l’année 2016, une année marquée par de fortes contraintes budgétaires. La relance de la commande publique sera donc fondamentale pour la santé économique des territoires. Celle-ci se devra d’être plus qualitative, plus stratégique et davantage attentive à ses retombées locales.

L a commande publique s’est imposée comme une composante majeure des économies développées. Souvent

appréhendée à travers la seule dépense d’équipement et d’investis-sement (formation brute de capital fixe), elle s’avère dans la réalité beaucoup plus large. À travers les commandes de matériels (civiles et militaires), de programmes de formations ou de recherches, de prestations d’ingé-nierie ou d’architecture, de services, de travaux d’entretien, de fournitures, de ressources diverses (énergie, produits alimentaires…), la commande publique est estimée en France entre 250 à 300 milliards d’euros par an. L’effet de levier sur le développement économique et le secteur marchand est naturellement consi-dérable, ce qui rend assez stériles certaines oppositions idéologiques entre secteurs public et privé.

2016 : une année contrainteDans les territoires, les élus ont une conscience assez claire des retombées monétaires de la commande publique sur les artisans locaux, les professionnels du BTP, les bureaux conseils, les agricul-teurs (approvisionnement des cantines scolaires, hôpitaux, maisons de retraite…), les entreprises délégataires de services (eau, déchets, transports publics, centres de congrès…).Certains « f lux financiers » de la com-mande publique reposent sur des enga-gements contractuels de long ou très long

terme via les délégations, les concessions ou les partenariats public-privé. De fait, les nouvelles attributions de marchés publics représentent annuellement des

montants moins élevés, de l’ordre de 80 à 90 milliards d’euros selon les années et les méthodes de calcul ; ce qui demeure néanmoins très important, tant en valeur qu’en nombre de lots. Début 2016, l’Ob-servatoire de l’évolution de la commande publique mis en place à l ’ initiative de l’AdCF et de la Caisse des dépôts a permis de proposer une rétrospective détaillée de la commande publique sur les années 2012-2015. Une radioscopie fine sera bientôt proposée pour l’année 2016, qui aura été marquée par l ’accroissement des pressions budgétaires sur les déci-deurs publics (collectivités, opérateurs de l’État, hôpitaux…), par d’importantes réorganisations institutionnelles mais également par la réforme des règles de la commande publique.

Faire mieuxÀ ce jour, ce contexte n’a guère permis la relance attendue, une situation sans doute dommageable tant le plan Juncker et des taux d’intérêt exceptionnellement bas offrent d’opportunités. Tout devra donc être mis en œuvre, en 2017, pour

redynamiser la commande publique, notamment à travers la relance de l’in-vestissement local et la mise en place des projets de territoire. À cet effet, l’AdCF a proposé aux préfets et présidents de région de remobiliser les conférences de l’inves-tissement, créées en 2015 mais demeu-rées sans lendemain. Dans une période budgétaire durablement contrainte, il ne faudra pas seulement « faire plus » mais aussi « faire mieux », en hiérarchisant les projets, en mesurant leur utilité sociale, en évitant le superf lu et le luxe mais sans tomber dans le low cost qui peut s’avérer très coûteux sur le long terme. Pour les collec-tivités, la commande publique doit être économiquement efficiente, mais égale-ment durable dans ses effets de long terme.Cette commande publique « stratège » se doit également d’être attentive à ses retombées directes sur les économies locales. Certaines pratiques constatées ces dernières années, tant du côté des adjudicateurs que des fournisseurs, ont affaibli ces retombées « circulaires » de la commande publique sur les territoires.

Optimiser les retombées localesLes dérives du travail détaché comme les pratiques agressives de certaines entre-prises internationales ont pu, en cassant les prix, conduire à une concurrence déloyale et à la délocalisation de la valeur ajoutée. Les groupements d’achat et de commandes peuvent, s’il n’y est pris garde, évincer

les fournisseurs locaux ; l ’effet multi-plicateur « keynésien » de la commande publique sur le développement territorial n’est plus aussi assuré. Tout en respec-tant pleinement les règles qui encadrent la commande publique, des initiatives doivent être prises dans les territoires pour optimiser ses retombées locales, permettre aux TPE-PME d’y accéder, donner de la visibilité aux entreprises locales sur les

plans pluriannuels d’investissement des collectivités publiques, être très attentifs au respect strict des délais de paiement (qui trop souvent découragent). Beaucoup d’initiatives peuvent être prises en amont des appels d’offres pour informer les entre-prises, dialoguer avec elles, les inciter à coopérer, leur donner le temps de s’adap-ter et se qualifier, lisser les carnets de commandes…Les règles de la commande publique laissent davantage de place qu’on ne le pense à ce pilotage « stratégique » pour permettre l’innovation, la qualité à des prix maîtrisés et l ’accès des TPE-PME. Encore faut-il bien connaître ces règles et se poser les bonnes questions lors de la rédaction des cahiers des charges, en évitant le simple copier-coller. Cet effort en vaut la peine.

Nicolas Portier

La commande publique est estimée en France entre 250 à 300 milliards d’euros par an

Il ne faudra pas seulement « faire plus » mais aussi « faire mieux », en hiérarchisant les projets

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DÉCEMBRE 2016 • N° 215 • www.adcf.org

FOCUS COMMANDE PUBLIQUE44

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« Chaque acheteur public doit prendre conscience de sa responsabilité économique »

Depuis 2016, la médiation des entreprises travaille à l’amélioration des relations entre donneurs d’ordres – privés ou publics – et fournisseurs. De plus en plus de collectivités locales font appel à ses services et ont signé sa charte Relations fournisseur responsables. Afin de faire connaître cet outil précieux d’accompagnement, Intercommunalités donne la parole à Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises.

La médiation des entreprises est née en 2016 de la fusion de la médiation interentreprises avec celle des marchés publics. Pouvez‑vous nous préciser ses objectifs, ses modes d’intervention et chantiers actuels ?Nommé par le président de la République en janvier 2016, j’ai en effet repris les missions précédemment dévolues au médiateur interentreprises (fonction que j’occupais jusqu’alors) et au médiateur

des marchés publics. Le médiateur des entreprises propose un service gratuit de médiation sur l ’ensemble du territoire. Placé auprès du ministre de l’Économie et des Finances, il vient en aide à toute entreprise ou organisation publique qui rencontre des difficultés dans ses rela-tions commerciales avec un partenaire – client ou fournisseur –, qu’il s’agisse d’un contrat privé ou d’une commande publique.Grâce à notre réseau de médiateurs nationaux et régionaux, nous avons traité en 2016 plus de 1 000 dossiers. Les médiateurs régionaux exercent leurs fonctions au sein des Direccte, tandis que les médiateurs nationaux sont d’anciens magistrats ou dirigeants d ’entreprise bénévoles. En 2016, 88 % des saisines reçues provenaient de TPE ou de PME et 1 % d’acteurs publics, mais ce chiffre a

vocation à croître car ces derniers sont de plus en plus nombreux à nous saisir. Dans plus des deux tiers des cas, les média-tions ont abouti à un succès, bénéfique aux deux parties, et plus généralement à l’emploi et à la compétitivité.Au-delà des médiations individuelles, nous développons des médiations col-lectives (plusieurs entreprises face à un même client ou fournisseur) et des médiations de filière. L’objectif de ces

dernières est de prévenir la survenue de litiges au sein d’un même écosystème, en développant un véritable « esprit de filière » qui permet à son intelligence collective de s’exprimer. Dans la filière

ferroviaire, par exemple, un référentiel de fonctionnement de la filière indus-trielle des matériels roulants a été élaboré par SNCF Mobilités et la Fédération des industries ferroviaires (FIF), sous l’égide du médiateur des entreprises. Ces deux établissements se sont engagés à le res-pecter sans délai.

La médiation a élaboré une charte Relations fournisseur responsables. Quelles sont vos attentes à l’égard des signataires ? Quelles sont les collectivités signataires à ce jour et quel message adressez‑vous pour en convaincre d’autres ?En effet, outre la résolution des litiges, mon rôle est aussi d’encourager l ’adop-tion et la diffusion de bonnes pratiques dans les relations commerciales entre partenaires privés ou entre acteurs

publics et privés. Avec le Conseil national des achats (CDAF), nous pilotons la charte et le label Relations fournisseur respon-sables, qui sont de formidables outils au service de la dynamique de l ’achat res-ponsable. Les acheteurs, tant privés que publics, sont de plus en plus nombreux à se mobiliser, et nous recensons aujourd’hui 1 800 signataires de cette charte. Parmi les acteurs publics signataires, on compte des ministères, plusieurs communautés d’agglomération et communautés de com-munes, mais aussi un département (les Hauts-de-Seine), une région (Centre-Val de Loire), de nombreux hôpitaux (notam-ment l’APHP) et des entreprises publiques de référence (dont SNCF, RFF, EDF, la RATP, la RTM…).Pour une collectivité locale, signer la charte revient à promouvoir un nouveau modèle de relations collaboratives entre

acheteurs et fournisseurs. C’est aussi s’en-gager à améliorer ses propres pratiques d’achat. Parmi les engagements de la charte, je citerai la réduction des délais de paiement fournisseur, le travail en coût total et en mieux-disant, en prenant en compte des critères environnementaux et de développement durable. De plus, privilégier la médiation et désigner un « correspondant PME » et un médiateur interne facilite la relation avec les four-nisseurs. Chaque acheteur public doit prendre conscience de sa responsabilité économique et de la contribution terri-toriale de l’achat public.

Quelles recommandations la médiation adresse‑t‑elle aux collectivités afin de veiller à une commande publique responsable et en optimiser les retombées locales, dans le respect naturellement du nouveau cadre juridique ?L’achat public est un acte économique, chaque acheteur doit avoir cela à l’esprit. Adhérer à la charte Relations fournis-seur responsables, c’est s’engager mais aussi bénéficier d’un accompagnement. En effet, entrer dans la « communauté » des 1 800 signataires permet à la fois de bénéficier des retours d’expériences des autres signataires, mais aussi de « parler le même langage » que les fournisseurs et les acheteurs du privé.La mise en place des plans d’actions nécessite de passer en revue les dix engagements de la charte pour se les

approprier et aller plus loin dans ses pratiques, en choi-sissant quelques priorités et en s’appuyant sur des indi-cateurs permettant dans un premier temps de faire le diagnostic, puis de mesurer l’impact des actions engagées. La médiation met à la dispo-

sition du signataire de nombreux outils pour favoriser l’évolution des pratiques, avec les comités de pilotage nationaux et régionaux, les groupes de travail théma-tiques, les publications Talents d’ache-teurs réalisées grâce aux contributions des labellisés.Enfin, adhérer à la charte est une décision politique, puisqu’entretenir de meilleures relations avec les fournisseurs permet de générer des économies et d ’offrir un meilleur service et un meilleur rapport qualité/coût aux électeurs et aux contribuables.

Propos recueillis par AP

Pierre PelouzetMédiateur des entreprises view

En 2016, notre réseau de médiateurs nationaux et régionaux a traité plus de 1 000 dossiers

Signer la charte revient à promouvoir un nouveau modèle de relations collaboratives entre acheteurs et fournisseurs

Une charte pour faciliter les relations entre donneurs d’ordres et fournisseursDepuis 2015, la médiation des marchés publics et la médiation des relations interentreprises ont été réunies au sein de la médiation des entreprises, confiée à Pierre Pelouzet. Celle-ci constitue un formidable observatoire de la vie des entreprises, de leurs difficultés éventuelles avec leurs acheteurs et clients. Elle permet de proposer des démarches de progrès et un règlement amiable de litiges en procédant par la voie de recommandations mais aussi de chartes d’engagement.En 2010 et 2012 ont été créés une charte et un label Relations fournisseur responsables, en lien avec la Compagnie des acheteurs de France (actuel Conseil national des achats - CDAF). La charte intègre dix engagements qui visent à assurer l’équité financière (délais de paiement notamment), favoriser les collaborations entre grands donneurs d’ordres et fournisseurs stratégiques, réduire les risques de dépendances réciproques, se doter d’une responsabilité territoriale et environnementale... À l’origine principalement conçue pour pacifier les relations interentreprises et engager les grands acheteurs privés, elle est transposable aux relations entre les acheteurs publics et leurs fournisseurs. Parmi les 1 800 signataires figurent la plupart des grands groupes français, qui représentent environ 600 milliards d’euros d’achats, mais aussi quelques collectivités (les premières étant la Métropole Rouen-Normandie et la communauté Caux vallée de Seine dès 2012). Le président de l’AdCF, Charles-Éric Lemaignen, s’est engagé auprès de Pierre Pelouzet à mieux faire connaître la médiation et inciter les adhérents de l’association à signer la charte, comme il l’a lui-même fait dans sa communauté d’agglomération Orléans Val de Loire.

Le médiateur, ici Pierre Pelouzet, vient en aide à toute entreprise ou organisation publique qui rencontre des difficultés dans ses relations commerciales avec un partenaire. / © Bruno Levy / Challenges-RÉA

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www.adcf.org • N° 215 • DÉCEMBRE 2016

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Page 6: Politique de la ville - AdCF · Pour l’année 2016, une enveloppe de 216 millions d’euros issus du FSIL est déjà garantie. Logements sociaux : une plateforme numérique pour

Nadège BaptistaDirectrice générale des services de Châteauroux Métropole (Indre) view

Fonction achats des collectivités territoriales : quelles perspectives d’évolution ?

Mutualisation, professionnalisation, évaluation et dématérialisation : tels semblent être les maîtres-mots de la fonction achats de demain. Dans le cadre de la revue des dépenses instaurée par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’administration (IGA) ont émis plusieurs recommandations sur la fonction achats des collectivités territoriales. Des propositions qui correspondent globalement aux travaux menés sur le terrain pour améliorer cette fonction stratégique du bloc local, comme l’exprime Nadège Baptista, DGS de Châteauroux Métropole.

Dans une enquête menée en 2015 par l’AdCF et Mairie‑conseils, le service commun le plus fréquemment créé entre une agglomération et sa ville‑centre, après l’informatique, portait sur les marchés publics (40 %). Comment vous êtes‑vous organisés à Châteauroux Métropole ? Dans notre territoire, les groupements de commandes ont été le premier axe de mutualisation (réfection de la voirie, fourni-ture de végétaux, éclairage public, matériel sécurité incendie, pièces détachées de véhi-cules…). C’est ce que nous avons appelé « la mutualisation souple », complémentaire à la constitution de services communs. Ces groupements permettent de générer des économies d’échelle et d’associer les communes les moins peuplées. Notre schéma de mutualisation prévoit la possibilité d’organiser ce type d’asso-ciations mais aussi une fiche action sur la commande publique, en complément du service commun préexistant avec la ville-centre : substitution aux communes pour toute la procédure marché et pros-pective sur les besoins d’achats. Notre stratégie est en cours de finalisation avec une cartographie de nos achats et une évaluation des économies réalisées.

Comment pourrait‑on faciliter la mutualisation de la fonction achats ?Sur la base de cette expérience, nous sous-crivons tout à fait aux deux recomman-dations du rapport. La procédure d’achat groupé est relativement lourde : plus le nombre de participants est élevé, plus les délais sont importants ; et l’obtention de l’accord de chaque conseil municipal pour chaque groupement est souvent longue. Une délégation à l’exécutif serait en effet plus simple. Avec la constitution de communautés « XXL », cela va devenir très complexe. Par ailleurs, la création d’un service commun entre une intercommunalité et ses communes membres ne devrait pas nécessiter l’organisation d’un groupement de commandes pour réaliser un achat

en lien avec ce service. La création d’un service partagé devrait induire la com-mande groupée.

Les centrales d’achat sont‑elles un bon outil pour améliorer la fonction achats du bloc local ? L’agglomération de Châteauroux adhère actuellement à deux centrales d’achat géné-ralistes locales qui devraient fusionner au 1er janvier prochain. D’importantes éco-nomies ont été réalisées pour la fourniture en gaz et en électricité notamment. Notre adhésion à l’Ugap est également intéressante.Le recours à ces structures est donc positif mais deux points méritent sans doute d’être soulignés. D’abord, le recueil des besoins est une étape clé pour le succès de l’opération. Les échanges entre les collectivités adhérentes et la centrale d’achat demeurent souvent perfectibles. Plusieurs pistes pourraient être explorées, comme un engagement réciproque sur la qualité de la prestation, une visibilité sur le calendrier avec une planification pluriannuelle ou la réunion d’un comité

de pilotage composé de techniciens en complément du conseil d’administration, qui a une vocation plus officielle. Second point de vigilance : l ’impact de ces centrales sur le tissu économique local. La possibilité de ne pas être partie prenante de tous les marchés coordon-nés par la centrale permet de cibler des commandes auxquelles les prestataires locaux n’auraient pas pu répondre.

Pensez‑vous qu’il soit utile de pouvoir évaluer les gains réalisés au travers d’une fonction achats dynamique et d’avoir une base de comparaison avec les autres collectivités locales ? Les achats ne sont pas d’une nature fondamentalement différente d’une collectivité à une autre. Un tel travail devrait donc être réalisable et nous serait très utile ; certains logiciels métiers de la commande publique le prévoient d’ail-leurs déjà. La constitution d’un groupe de travail composé d’agents territoriaux serait indispensable pour mener à bien ce programme.

De nombreux acheteurs changent réguliè-rement de collectivités et découvrent des pratiques et outils nouveaux. Leur expé-rience devrait également être valorisée.

Quels sont les besoins de formation des agents travaillant au service de la fonction achats ? À Châteauroux Métropole, une dizaine d’agents sont affectés à la commande publique de l’agglomération et de la ville-centre. Bien évidemment, nous leur deman-dons de maîtriser le droit de la commande publique mais également de s’inscrire dans une logique d’ « achat ». En d’autres termes, il est indispensable de bien maîtriser le cadre juridique, mais celui-ci n’est qu’un outil au service d’une stratégie globale.

Avec l’aide du CNFPT, nous avons donc organisé une formation en intra puisqu’il n’existait pas d’offre correspondant à nos besoins dans le catalogue. Ce travail a eu des effets très positifs. Aujourd’hui, ces agents doivent savoir faire du benchmar-king, développer une méthode de sour-cing en amont (sans créer d’usine à gaz…), formaliser une stratégie, suivre et évaluer leurs actions.

Propos recueillis par Floriane Boulay

Les groupements de commandes ont été notre premier axe de mutualisation

Le rapport Revues de dépenses - La

fonction achats des collectivités territoriales, rédigé par l’IGF et l’IGA, peut être téléchargé sur www.interieur.gouv.fr.L’adhésion à une centrale d’achat pour la fourniture du gaz et de l’électricité permet

d’effectuer d’importantes économies. / © Gilles Colosio / Châteauroux Métropole

Recommandations nos 1 et 13 :

Prévoir dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) que les schémas de mutualisation com-portent un volet sur l’achat.Faciliter le recours au groupement de commandes en allégeant les exi-gences procédurales qui y sont liées, en intégrant cet instrument dans le champ des délégations de signature à l’exécutif (article L. 2121-22 CGCT) et en reconnaissant explicitement les conventions-cadres de groupement.

Recommandation n° 2 :

Soutenir le recours des collectivités territoriales aux centrales d’achat, en trouvant une complémentarité entre l’Union des groupements d’achats publics (Ug ap) et les centrales locales. L’Ugap pourrait ainsi envisa-ger d’assouplir les conditions d’accès des petites collectivités (regroupées entre elles) aux conventions parte-nariales. Pour leur part, les centrales locales pourraient s’impliquer dans la coordination de l’expression des besoins des acheteurs locaux et la massification de leurs achats.

Recommandations nos 5 et 8 :

Établir une méthode commune de calcul des gains achats dans les col-lectivités territoriales, sur la base de travaux déjà menés par l’État et les établissements hospitaliers (pro-gramme de Performance hospitalière pour des achats responsables).Mettre en place un programme par-tenarial d’appui à l’optimisation des achats des collectivités territoriales, porté par une instance nationale réunissant les associations d’élus et l’État.

Recommandation n° 6 :

Pour soutenir la professionnalisa-tion des acheteurs publics locaux, donner au Centre national de la fonc-tion publique territoriale (CNFPT) la mission de créer une filière de forma-tion dédiée. Au niveau universitaire, inciter certains mastères spéciali-sés à intégrer une formation sur les achats. Au niveau de la formation initiale des fonctionnaires, insérer la problématique de l’achat dans les formations d’intégration. Au niveau de la formation continue, développer un référentiel de formation unique et un certificat professionnel commun aux trois fonctions publiques.

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FOCUS COMMANDE PUBLIQUE6

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COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION LIMOGES MÉTROPOLE (HAUTE-VIENNE)

Des outils partagés dédiés à la commande publique

À Limoges Métropole, la commande publique fait l’objet d’une démarche de mutualisation avec plusieurs communes membres qui utilisent la plateforme informatique d’avis d’appels d’offres mise en place par la communauté. Un mouvement appelé à se poursuivre.

E n juillet 2016, Limoges Métropole a mis en ligne une nouvelle plateforme commune d’acheteurs qu’elle partage

avec celles de ses 19 communes membres qui le souhaitent. Cette démarche de déma-térialisation des marchés publics et de mutualisation est néanmoins plus ancienne et s’inscrivait jusqu’alors dans le cadre d’un groupement de commandes constitué entre la ville-centre de Limoges, coordinatrice, et la communauté, laquelle mettait ensuite l’outil à disposition d’autres communes membres. La préparation de la reconduc-tion de ce premier marché a montré que le coût des logiciels de profils d’acheteurs avait beaucoup diminué, amenant la com-munauté d’agglomération à privilégier la passation de son propre marché.

Accompagner les usagesLors de la mise en place de la nouvelle plate-forme, les communes membres intéressées ont été sollicitées en vue d’ouvrir un espace d’utilisateur propre à chacune d’elles. Les utilisatrices les plus assidues se trouvent parmi les communes les plus peuplées de la première couronne de Limoges, la ville-centre ayant souhaité conserver son propre outil et les communes les plus rurales ne passant que rarement des marchés publics. Ces dernières ont cependant été informées et peuvent à tout moment bénéficier de cet outil, qui sera également proposé à la

commune qui rejoindra Limoges Métropole au 1er janvier 2017. À nouvel outil, nouveau mode d’emploi, lequel a fait l’objet d’une explication lors d’une réunion de formation ouverte aux agents de toutes les communes et de la communauté. Au besoin, les services de cette dernière aident les communes dans leur utilisation de la plateforme, tout comme ils accompagnent parfois certaines d’entre elles en matière de règles de la commande publique, ceci à titre informel.

Les entreprises écoutéesPour leur part, les opérateurs économiques ont accès à toutes les consultations figurant sur la plateforme intercommunale d’ache-teurs. En septembre, une demi-journée d’information a rassemblé plusieurs entre-prises, des fédérations locales d’entrepre-neurs ainsi que la chambre de commerce et d’industrie. L’occasion tant de rensei-gner ces acteurs sur le nouvel outil que de connaître leurs besoins, comme celui de

pouvoir répondre aux appels d’offres des marchés à procédure adaptée.Cette plateforme commune d’acheteurs est un exemple de l’offre que la communauté entend développer, au-delà des services

mutualisés, à destination de ses communes membres. Plusieurs autres outils sont ainsi partagés en matière de gestion financière et de transmission au contrôle de légalité. Ils peuvent être mis en place au moyen de groupements de commandes, comme celui que Limoges Métropole s’apprête à constituer avec Isle, la quatrième commune la plus peuplée de l’agglomération, afin de mutualiser un outil d’aide à la rédaction et à la passation de marchés publics que

cette dernière utilise déjà. Pour les deux collectivités, l’objectif attendu est d’obtenir la licence d’utilisation à un meilleur prix et de partager le recours à certaines prestations qui s’y attachent, comme celles prévues en matière de formation. Une nouvelle initiative pour l’instant limitée à deux collectivités en raison de son coût plus important, mais qui poursuit la dynamique de mutualisation dans le champ de la commande publique.

Simon Mauroux

COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION GRAND POITIERS (VIENNE)

Le succès des marchés publics simplifiésComment simplifier la commande publique tout en dématérialisant ? La communauté d’agglomération Grand Poitiers et la ville-centre ont sauté le pas de la dématérialisation, et utilisent les marchés publics simplifiés avec succès.

L es marchés publics simplifiés (MPS) permettent aux entreprises de candi-dater en ligne avec leur seul numéro

Siret et des déclarations sur l’honneur au lieu d’attestations papier : la plateforme de marché public utilisée par l’acheteur permet en effet à celui-ci de récupérer toutes les informations fiscales, sociales et pénales à jour que le candidat n’a pas eu à fournir. Dispositif majeur de la sim-plification de la commande publique souhaitée depuis 2012, le MPS suscite parfois des craintes d ’exclusion des consultations de petites entreprises qui

ne candidateraient pas sur Internet. Les expériences menées dans les territoires soulignent cette crainte, mais démontrent

que certaines bonnes pratiques permettent de les surmonter et de faire vivre le prin-cipe « dites-le nous une fois »1. Un an après sa mise en œuvre, le bilan national du MPS était toutefois mitigé. En avril 2015, 1 200 consultations avaient été publiées et 1 800 candidatures dépo-sées, soit des résultats assez loin, alors, de l’objectif affiché de 50 000 MPS pour toute l’année 2016.

L’intégralité des marchés simplifiésLa communauté d’agglomération Grand Poitiers, dont le service en charge de l’achat

public est mutualisé avec la ville-centre, a débuté la démarche en dématéria-lisant et en recourant aux marchés publics simplifiés pour les marchés à procédure adaptée. Ces marchés, d’une valeur inférieure à 209 000 euros HT pour les fournitures et les services et à 5 225 000 euros HT pour les travaux,

ont été passés par le processus du marché public simplifié dès le 1er novembre 2014, lorsque celui-ci a été généralisé. Depuis,

tous les marchés sont « simplifiés », y compris ceux passés selon une procédure formalisée.La dématérialisation des marchés publics et l’adoption de cette mesure simplificatrice ont été opérées en une seule fois. « Nous avons cessé de demander des candidatures sous la forme papier, et toutes les procé-dures que nous publions sont en MPS », explique Sylvie Dupoirier, directrice Achats et moyens généraux à Grand Poitiers-ville de Poitiers, avant d’ajouter : « Cela s’est fait rapidement, peut-être un peu naïvement. On savait que l’on prenait un risque, celui de voir le nombre de réponses baisser, mais nous sommes passés outre. »

Des clauses de simplificationSi ce risque semble réel, le service Achats et moyens généraux de Grand Poitiers le maî-trise pourtant. Par des réunions régulières des acheteurs et des fédérations d’entre-preneurs au sein d’un « club de la com-mande publique », il était apparu nécessaire de se « mettre à la place des candidats

potentiels, et en particulier des petites et moyennes entreprises ». Cette méthode a mis en lumière le besoin de simplification exprimé par les entreprises.Les résultats sont sans appel : le nombre de réponses aux consultations reste le même qu’auparavant, mais avec une simplifica-tion pour les candidats ; et les missions des agents du service Achats et moyens géné-raux n’ont finalement évolué qu’à la marge dans la mesure où la récupération des docu-ments se fait par un simple téléchargement. Le succès des marchés publics simplifiés de Grand Poitiers s’inscrit dans une démarche de dématérialisation totale de la chaîne de passation des marchés publics, depuis la réception des candidatures jusqu’à la facturation électronique.

Pablo Hurlin-Sanchez

1- Principe issu d’un programme de simplification des procédures relatives aux marchés publics mis en place par le gouvernement et visant à éviter aux entreprises de fournir leurs informations d’identité, sociales et comptables à chaque consultation.

Le nombre de réponses aux consultations reste le même qu’auparavant

La plateforme a fait l’objet d’une réunion de formation ouverte aux agents de toutes les communes et de la communauté

Chaque commune membre dispose de son propre espace utilisateur sur une plateforme partagée d’avis d’appels d’offres. / © Nickolay Grigoriev / Shutterstock

www.adcf.org • N° 215 • DÉCEMBRE 2016

7FOCUS

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Réforme des marchés publics : quel impact sur l’intercommunalité ?Effective depuis le 1er avril, la réforme des marchés publics a notamment pour objectif de clarifier le champ d’application de la commande publique, d’assouplir les procédures et de favoriser « une meilleure utilisation stratégique des marchés publics ». Passage en revue de ses conséquences pour les communautés par le cabinet Seban & Associés.

E ntrée en vigueur le 1er avril 2016, la réforme des marchés publics issue du droit de l’Union européenne1 a

été transposée en droit interne par l’or-donnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et ses deux décrets d’application2. Elle participe au développement de la coopération entre les collectivités territoriales, leurs établisse-ments publics et groupements en ce qu’elle a consacré et étendu les possibilités de coopération entre ces dernières 1 et la mutualisation de leurs achats 2 .

1 Extension de l’exclusion du champ d’application de l’ordonnance des contrats conclus entre entités appartenant au secteur public

Extension de la quasi-régie conjointeAprès avoir consacré l’existence de contrats de quasi-régie, l’ordonnance en a assoupli les conditions de recours. Pour mémoire, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne reconnaissait d’ores et déjà le in house, y compris le in house dit « conjoint », permettant à plusieurs pou-voirs adjudicateurs de contrôler une même entité. À ce titre, elle exigeait la réunion de trois conditions, à savoir : le contrôle exercé par le ou les acheteurs sur l’entité devait être analogue à celui exercé sur leurs propres services ; l’entité contrôlée devait réaliser l’essentiel de son activité avec le ou les ache-teurs qui la détiennent ; la personne morale contrôlée ne devait pas comporter de parti-cipation directe de capitaux privés3.En premier lieu, l’ordonnance du 23 juillet 2015 a assoupli deux de ces conditions de recours à la quasi-régie : d’une part, le critère lié à l’activité de l’entité contrôlée est désormais mieux défini et encadré puisqu’il comprend à présent un pourcentage fixé à 80 % des activités exercées par l’entité contrôlée dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par l’acheteur contrôlant ; d’autre part, le critère lié à la nature de l’actionnariat de l’entité contrôlée a été assoupli en ce qu’il est dorénavant possible, sous certaines conditions stric-tement définies, que celui-ci comporte des participations directes de capitaux.

En second lieu, l’ordonnance du 23 juil-let 2015 a supprimé la condition tenant à ce que le cocontractant de l’acheteur, en situation de quasi-régie, soit tenu d’appli-quer pour ses propres contrats les règles des passation issues du droit de la commande publique. Dès lors, le respect de ces règles ne s’impose que lorsque l’entité en cause répond elle-même aux critères de qualification d’acheteur.Le recours à une structure dédiée commune, sans procédure de publicité et de mise en concurrence préalable, est plus aisé et peut prendre différentes formes consacrées par l’ordonnance. Ainsi en est-il (article 17-III) de la « quasi-régie conjointe descendante », dans laquelle plusieurs pou-voirs adjudicateurs attribuent directement un contrat à une personne morale qu’ils contrôlent conjointement. Cette relation peut également être inver-sée de manière à aboutir, conformé-ment à l’article 17-II de l’ordonnance du 23 juillet 2015, à une « quasi-régie conjointe ascendante » au sein de laquelle un pouvoir

adjudicateur contrôlé conjointement par d’autres pouvoirs adjudicateurs attribue directement un contrat auprès de l’un des pouvoirs adjudicateurs. Dans la pratique, cela sécurise la constitution de sociétés

publiques locales4 et sociétés publiques locales d’aménagement afin de mener à bien leurs opérations d’aménagement5 ou de construction, ainsi que la gestion de leur service public industriel et commercial ou de toute autre activité d’intérêt général.

Consécration de la coopération public-publicLes collectivités territoriales peuvent également choisir d’instituer entre elles une simple coopération, en dehors de toute procédure de publicité et de mise en concurrence, afin d’assurer en commun des missions de service public dont elles ont la charge, sans qu’existe de contrôle de l’une sur l’autre et sans recourir à une forme juridique spécifique6.

L’article 18 de l’ordonnance du 23  juil-let 2015 consacre ainsi une nouvelle forme de coopération d’ores et déjà reconnue par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne7. Cette coopération dite public-public peut être établie, sans pro-cédure de publicité et de mise en concur-rence préalable, entre plusieurs pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu’ils agissent en qualité d’entité adjudicatrice. Afin de bénéficier de cette coopération public-public, les pouvoirs adjudicateurs

doivent démontrer que (i) la coopération a pour objet d’assurer conjointement la réalisation de missions de services publics en vue d’atteindre des objectifs communs8, (ii) que cette coopération n’obéit qu’à des considérations d’intérêt général9, et (iii) qu’eux-mêmes réalisent moins de 20 % des activités concernées par la coopération hors du marché concurrentiel10. Cette forme de coopération pourrait être utilement envisagée entre plusieurs auto-rités publiques coopérant pour assurer une mission commune d’intérêt général d’élimination des déchets dès lors qu’elles instituent une réelle démarche de coo-pération caractérisée par des exigences propres à assurer la mission d’élimination des déchets11.

La réforme des marchés publics étend les possibilités de coopération entre les collectivités et leurs groupements. / © Pixza Studio / Shutterstock

Quelles conséquences pour le bloc local ?Certes, les organismes de coopération locale disposaient déjà d’outils de mutualisation non soumis aux règles de la commande publique à travers les mises à disposition de services ascendantes ou descendantes (entre un établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres notamment, avec un système de remboursement, à grands traits, à « l’euro/l’euro »). Toutefois, les textes en cause limitaient les structures pouvant avoir recours à ce système (pas de mutualisation commune/commune non membres d’un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre par exemple).

Les nouvelles dispositions de l’ordonnance du 23 juillet 2015 sont susceptibles de faciliter les relations, notamment, entre syndicat mixte et établissement public de coopération intercommunale, dans l’hypothèse d’une coopération transitoire, par exemple en cas de nécessité d’assurer la continuité du service dans le cadre d’un retrait de communes d’un syndicat lors d’un transfert de compétence.Les groupements de commandes se voient renforcés par

l’ordonnance du 23 juillet 2015. / © magic pictures / Shutterstock

Les collectivités locales peuvent choisir d’instituer une simple coopération entre elles

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DROIT8

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Réforme des marchés publics : quel impact sur l’intercommunalité ?Effective depuis le 1er avril, la réforme des marchés publics a notamment pour objectif de clarifier le champ d’application de la commande publique, d’assouplir les procédures et de favoriser « une meilleure utilisation stratégique des marchés publics ». Passage en revue de ses conséquences pour les communautés par le cabinet Seban & Associés.

2 Renforcement de la mutualisation des achatsLes collectivités locales peuvent également avoir recours à la mutualisation de leurs achats, en décidant de se grouper avec d’autres acheteurs ou de recourir à une centrale d’achat pour répondre à leurs besoins. Au-delà des économies d’échelle

inhérentes à de telles opérations d’ampleur, la coordination des achats permet égale-ment de faciliter la coopération entre ces différentes personnes publiques12.

Renforcement des centrales d’achatPeu définie sous l’empire du Code des marchés publics, la centrale d’achat est un acheteur ayant pour objet d’exercer, à titre onéreux ou non, des activités d’achat centralisé, c’est-à-dire soit l’acquisition de fournitures ou de services destinés à des acheteurs, soit la passation des marchés publics de travaux, de fournitures ou de services destinés à des acheteurs. En premier lieu, la réforme (article 26 de l’ordonnance du 23 juillet) a confirmé que tout acheteur peut, sans publicité ni mise en

concurrence préalable, acquérir des fourni-tures et des services auprès d’une centrale d’achat. Les acheteurs qui ont recours à une telle centrale d’achat sont considérés comme ayant respecté leurs obligations de publicité et de mise en concurrence, pour autant que cette centrale d’achat res-pecte les dispositions de l’ordonnance du

23 juillet 2015 et de ses décrets d’application. En second lieu, l’ordonnance a étendu les missions dévo-lues aux centrales d’achat. Parallèlement à leur activité d’achat centralisé, ces der-nières peuvent désormais

réaliser des activités d’achat auxiliaires, les-quelles ont pour objet de fournir une assis-tance à la passation des marchés publics. L’ordonnance cite notamment la mise à disposition d’infrastructures techniques permettant aux acheteurs de conclure des marchés publics de travaux, de fournitures ou de services, le conseil sur le déroule-ment ou la conception des procédures de passation de marchés publics et la prépa-ration ainsi que la gestion des procédures de passation de marchés publics au nom de l’acheteur concerné et pour son compte.

Renforcement des groupements de commandesLes collectivités territoriales, leurs établis-sements publics et groupements peuvent constituer un groupement de commandes.

Dépourvu de la personnalité juridique et basé sur une convention constitutive signée par chacun des membres, il peut être constitué entre tout acheteur, y compris une centrale d’achat13, voire des per-sonnes morales de droit privé. Il convient seu-lement que chacun des membres applique, pour les achats réalisés dans le cadre du groupement, les règles prévues par l’ordonnance du 23 juillet 2015 et ses décrets d’application. L’article 28 de cette même ordonnance a eu pour effet d’assouplir les modalités de fonctionnement de ces groupements en ce que les règles relatives au coordonna-teur, dont le rôle est d’avoir « la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution au nom et pour le compte des autres membres », ont été assouplies.

D’une part, si, sous l’empire du Code des marchés publics, la convention constitu-tive ne pouvait désigner qu’un seul coor-donnateur, à la suite de l’entrée en vigueur

de l’ordonnance du 23 juillet 2015, cette charge, et la responsabilité qui s’y attache, peut désormais être répartie entre plu-sieurs coordonnateurs.D’autre part, tout membre du groupement de commandes, et non plus seulement les personnes publiques, peut dorénavant être coordonnateur du groupement de commandes.

Consécration des entités communes transnationalesSoucieuse de « faciliter la coopération entre pouvoirs adjudicateurs et d’ac-croître les avantages pouvant être retirés du marché intérieur en ouvrant des pers-pectives commerciales transnationales aux fournisseurs et aux prestataires de services »14, la réforme des marchés publics a également consacré les entités communes transnationales.L’ordonnance du 23 juillet 2015 octroie ainsi aux acheteurs la possibilité de recourir à la mutualisation de leurs achats publics avec d’autres membres de l’Union européenne, voire même des États tiers. Outre le recours aux centrales d’achat d ’autres États membres15 ou d ’États tiers16, les collectivités territoriales dis-posent désormais de la possibilité d’adhé-rer à une entité commune transnationale, laquelle peut notamment être constituée sous la forme d’un groupement européen de coopération territoriale17.

Élisa Jeanneau, avocate à la Cour Cabinet Seban & Associés

Les relations entre une communauté et un syndicat mixte, notamment lors de périodes transitoires (transfert de compétence par exemple), devraient être facilitées. / © dloboda / Fotolia

Quelles conséquences pour le bloc local ?En élargissant le champ d’action de la mutualisation des achats, l’ordonnance du 23 juillet 2015 facilite la coopération entre les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements et ce, y compris en dehors de nos frontières.

En outre, l’évolution du rôle du coordonnateur de groupement de commandes et l’extension des missions dévolues aux centrales d’achat permettent aux intercommunalités qui décident de recourir à de tels outils d’offrir à leurs membres un véritable soutien dans leur processus d’achat.

L’ordonnance du 23 juillet a confirmé que tout acheteur peut acquérir des fournitures et services auprès d’une centrale

Un groupement de commandes peut être constitué entre tout acheteur, y compris une centrale d’achat

1- Directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et directive 2014/25/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés passés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. 2- Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics et décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité. 3- CJUE, 18 novembre 1999, Teckal, aff. C-107/98, point 50. 4- Article L. 1521-1 du CGCT. 5- Article L. 327-1 du Code de l’urbanisme. 6- CJUE, 9 juin 2009, Commission

c/ Allemagne, aff. C-480/06. 7- Ibidem. 8- Doivent être exclus de ce cadre les cas où une mission serait simplement confiée unilatéralement par une personne publique à une autre et où la première se bornerait à jouer un rôle d’auxiliaire pendant que la seconde prendrait en charge l’ensemble de la mission (CJUE, 19 décembre 2012, Azienda Sanitaria Locale di Lecce, Università del Salento, aff. C-159/11, points 35 et 40). 9- Les conditions de mise en œuvre de la coopération, notamment les transferts financiers entre les pouvoirs

adjudicateurs, ne doivent pas pouvoir être regardées comme le résultat d’une activité commerciale (CJUE, 9 juin 2009, Commission c/ Allemagne, C-480/06), les actionnaires privés ne doivent pas disposer d’une capacité de blocage ou de contrôle, ni retirer aucun avantage au titre de l’exécution des prestations de la coopération (considérant 32 de la directive 2014/24/UE). 10- Le pourcentage d’activités réalisées est déterminé dans les conditions fixées au IV de l’article 17 de l’ordonnance du 23 juillet 2015. 11- CJUE, 9 juin 2009, Commission

c/ Allemagne, aff. C-480/06. 12- Considérant 59 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE. 13- CE, 24 septembre 2003, CAMIF, req. n° 24064. 14- Considérant 73 de la directive 2014/24/CE. 15- Article 27 de l’ordonnance du 23 juillet 2015. 16- Article 28 de l’ordonnance du 23 juillet 2015. 17- Article 29 de l’ordonnance du 23 juillet 2015.

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DROIT 9

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Conduire la politique de la ville à l’échelle du territoireAttendue par un grand nombre d’acteurs de la politique de la ville, élus comme techniciens, la montée en responsabilité de l’intercommunalité constitue l’une des avancées majeures de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de février 2014. Près de trois années après l’adoption de la loi, ce dossier d’Intercommunalités propose une première analyse de l’action des communautés en la matière.

C onscient que le développement concret et pérenne des quartiers prioritaires relève, en grande partie,

de leur intégration dans la dynamique d’ensemble de l’aire urbaine à laquelle ils appartiennent, le législateur a promu le pilotage stratégique et politique du contrat de ville à l’échelle intercommunale. Alors que certaines agglomérations ou métro-poles étaient d’ores et déjà bien engagées dans la démarche, cette petite révolution renouvelle les pratiques et méthodes de travail dans de nombreux territoires.Un mouvement qui tend à s’amplifier si l’on tient compte du fait que la géographie

prioritaire 2015-2020 identifie de nouveaux quartiers (dénommés « quartiers entrants »), au sein de communes et de communautés jusqu’à présent pas ou peu concernées par la politique de la ville. C’est l’objet d’une des pages de ce dossier. Ce cas particulier

s’accompagne fréquemment de difficul-tés complémentaires, telles qu’un manque d’appui et d’accompagnement des services de l’État, un défaut d’ingénierie et d’expérience aux niveaux communal et intercommunal, une acculturation collective à construire entièrement quand le contrat de ville ne concerne qu’une seule commune au sein d’une communauté de plusieurs dizaines de communes et en majorité rurales…

Des compétences clés à mobiliser Cohésion sociale, renouvellement urbain, développement économique et emploi : les trois piliers de la politique de la ville 2015-

2020 sont censés aider à mieux structurer la stratégie et l’action des collectivités. Si les deux premiers restent des « grands classiques » de cette politique publique, le

troisième marque une nouvelle manière d’aborder la question de l’emploi, de la formation et de la création d’activités par et pour les habitants des quartiers priori-taires. Ne plus simplement penser insertion, emplois aidés ou aide au retour à l’emploi

mais bien intégrer les quartiers dans la stratégie globale de développement éco-nomique du territoire (communauté et

bassin d’emploi), telle est l’ambition des contrats de ville, telle est la responsabilité de l’intercommunalité. Deux pages sont consacrées à ce sujet.D’autres compétences portées à l’échelle communautaire se révèlent structurantes dans la démarche du contrat de ville : les transports, l’aménagement, les questions environnementales, la culture et le sport. L’action des communautés sera également jugée à l’aune de leur capacité à mobiliser leurs propres compétences.

Un contexte institutionnel et financier fragileL’évaluation à mi-parcours des contrats de ville (courant 2017) ne devra cependant pas occulter le contexte institutionnel actuel,

particulièrement chargé pour les commu-nautés appelées à fusionner ou à intégrer de nouvelles compétences. Si la politique de

la ville n’est pas concernée au premier plan, elle l’est néces-sairement quand le territoire évolue, dans certains cas quand il s’agrandit et voit la naissance d’une communauté à la fois urbaine et rurale. Opportunité ou menace ?

Tout dépendra de la capacité à porter et partager le contrat de ville, pour qu’il soit intégré à l’élaboration du nouveau projet de territoire comme de son volet « cohésion sociale et territoriale ».Le pari est loin d’être gagné, notam-ment là où le fait intercommunal reste en construction (dans les Outre-mer ou en Île-de-France). Et des zones d’ombre persistent, dans la collaboration entre commune et communauté, sur la pré-vention de la délinquance et de la radica-lisation par exemple. Une seule certitude pourtant : la responsabilité, collective, de réduction des inégalités et de lutte contre la pauvreté passe désormais obligatoirement par l’intercommunalité.

Romain Briot

L’interco a pour mission d’intégrer les quartiers dans sa stratégie globale de développement économique

Des zones d’ombre persistent sur la prévention de la délinquance et de la radicalisation

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Politique de la ville Les intercos face à

leurs responsabilités

www.adcf.org • N° 215 • DÉCEMBRE 2016

11DOSSIER

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Anne TerlezVice-présidente de la communauté d’agglomération Seine-Eure et membre de l’Observatoire national de la politique de la ville view

« Le législateur ne s’est pas trompé en confiant la politique de la ville aux communautés »

Vice-présidente de communauté, Anne Terlez représente l’Assemblée des Communautés de France (AdCF) au sein du nouvel Observatoire national de la politique de la ville (ONPV). Elle revient sur l’enjeu du transfert aux communautés de la compétence « politique de la ville », et sur le rôle que joue l’ONPV.

En tant que vice‑présidente d’agglomération, comment percevez‑vous la montée en charge des intercommunalités sur la politique de la ville ?Le législateur ne s’est pas trompé en confiant la compétence « politique de la ville » aux communautés. L’intercommunalité est le lieu de coordination, de médiation et d’animation par excellence. La loi a donc pour objectif la démultiplication de l’action publique en faveur des quartiers de géo-graphie prioritaire en premier lieu, puis de l’ensemble du territoire.La plus-value intercommunale permet d’en-clencher des solidarités d’agglomération en veillant à la cohérence entre les politiques publiques intercommunales (l’habitat, l’emploi et l’économie, le transport, l’envi-ronnement) et en soutenant les petites com-munes ; de disposer de moyens d’ingénierie renforcés, ce qui permet de qualifier les acteurs, de consolider l’expertise, de mettre en réseaux les professionnels et de mieux mobiliser les enveloppes contractuelles et les appels à projets ; de jouer le rôle d’ensem-blier et de favoriser l’échange de bonnes pratiques sur des territoires communaux voisins, de permettre de croiser les regards sur des expériences respectives passées.

Quel bilan tirez‑vous de la première année de plein exercice de la programmation 2015‑2020 de votre contrat de ville ?Après 11 mois de co-construction et d’écriture de notre contrat de ville, il nous faut désormais l ’animer et faire

vivre le partenariat. En réalité, le travail est colossal car nous menons de front la mise en œuvre des actions, la nouvelle programmation de rénovation urbaine sur deux sites de notre territoire et la mise en application de la convention que nous avons signée avec la région Normandie pour l’octroi de 4 millions d’euros de fonds Feder au titre du projet urbain intégré.Si les actions du pilier « cohésion sociale » s’inscrivent d’une manière générale dans la continuité des programmations pré-cédentes, celles définies dans le pilier « développement économique et emploi » représentent un vrai challenge. Cela implique de nouveaux partenariats (avec, entre autres, le service public de l’emploi

et la Caisse des dépôts), mais aussi un important travail en transversalité des services de l’agglomération. Par exemple, le développement de l’économie sociale et solidaire sur notre territoire requiert l’expertise des services Développement économique, juridique et Politique de la ville, l ’implication des communes, etc. Ce travail de partenariat, de mise en cohérence des politiques publiques de l’intercommunalité est une conséquence très positive du contrat de ville.La mise en place et l’animation des conseils citoyens restent un exercice très complexe. La démocratie ne se décrète pas, elle se construit. Le plus difficile est de parvenir à mobiliser les habitants.

Vous représentez l’AdCF au sein de l’Observatoire national de la politique de la ville. Quel intérêt pour l’AdCF d’y siéger ? Que peuvent attendre les territoires des travaux de l’ONPV ?Puisque les intercommunalités exercent désormais la compétence « politique de la ville », il est tout naturel qu’elles soient représentées à l’ONPV. C’est une instance de travail qui permet de consolider les données, de partager les expériences, de mesurer quantitativement et qualitative-ment les actions, les dispositifs, de dresser des perspectives et donc de réorienter, le cas échéant, les politiques publiques. L’AdCF doit porter la voix des intercom-munalités qui sont les chefs de file de la politique de la ville. Forte de son expérience de terrain, notre association participe ainsi de manière constructive à l’évaluation de la loi de février 2014. Je m’attache à rester pragmatique et évoque les difficultés que nos collectivités rencontrent, nos réussites et nos attentes aussi. L’ONPV doit servir à la relecture et au discernement. Le rapport qu’il produit devrait être utile aux collec-tivités aussi bien qu’à l’État. Les territoires sont en droit d’attendre de cette instance qu’elle soit critique (au bon sens du terme), qu’elle observe une stricte neutralité, que certains de ses travaux sortent du cadre du rapport annuel pour évaluer les dispositifs de manière scientifique (en suivant des cohortes par exemple), pour transmettre des fiches de « bonne pratique » et pour aller voir ce que font nos voisins européens.

Propos recueillis par Romain Briot

La politique de la ville en chiffresNIVEAU DE RESSOURCES EMPLOI

ÉDUCATION

SÉCURITÉ

SANTÉ

48,5 %C’est le pourcentage de femmes de 30 à 49 ans occupant un emploi (à temps complet ou partiel) dans les quartiers prioritaires, contre 77,8 % dans les autres quartiers des unités urbaines.

25 %C’est la proportion d’habitants des quartiers prioritaires qui se sentent en insécurité, contre 14 % pour le reste du territoire.

21,7 %C’est le pourcentage de lycéens qui s’orientent vers une filière générale en première dans les quartiers prioritaires, contre 40,4 % dans le reste du territoire.

52,9 %C’est le taux de scolarisation des 16-24 ans dans les quartiers prioritaires, contre 63,9 % dans les unités urbaines environnantes.

30 C’est le nombre de médecins spécialistes libéraux pour 100 000 habitants dans les quartiers prioritaires, contre 103 dans les unités urbaines environnantes.

1 sur 4C’est la proportion d’habitants des quartiers prioritaires qui déclarent avoir renoncé à des soins dentaires pour raisons financières en 2014.

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La communauté d’agglomération Seine-Eure a mis en place un axe urbain durable en signant une convention avec la région Normandie pour obtenir des financements Feder. / © Agglomération Seine-Eure

38,4 %C’est le pourcentage de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté dans les quartiers prioritaires, contre 12,2 % dans le reste du territoire.

63,8 %C’est la proportion d’enfants vivant dans un foyer allocataire à bas revenu dans les quartiers prioritaires, contre 33,5 % dans les unités urbaines environnantes.

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12 DOSSIER POLITIQUE DE LA VILLE

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« Accompagner la mise en œuvre de la politique de la ville à l’échelle intercommunale »L’Inter-réseaux des professionnels du développement social urbain (IRDSU) réunit depuis 1997 des professionnels engagés pour le développement des quartiers et des villes de la politique de la ville. Dans cette tribune, il livre son analyse de l’émergence de l’échelle intercommunale dans la politique de la ville, et présente l’appui qu’il constitue pour les acteurs de terrain.

S i l’intercommunalité est affirmée dans la loi comme territoire perti-nent pour répondre aux enjeux de

la politique de la ville, elle l’est moins dans

les usages. Le mouvement positif engagé depuis 25 ans semble aujourd’hui en crise. Trois points viennent particulièrement altérer cette dynamique. En premier lieu, l’élargissement des périmètres intercom-munaux et la logique de mutualisation déstabilisent les organisations, parfois au détriment de l’action publique. Ensuite, les contraintes budgétaires contribuent au décalage entre ambitions et moyens des politiques structurantes, détermi-nantes pour la réduction des écarts entre territoires. Enfin, la suppression de la clause de compétence générale oriente les choix financiers sur les compétences obligatoires au détriment des politiques de cohésion sociale.Conscient de l’importance de l’approche intercommunale pour porter les enjeux de cohésion sociale et territoriale et du risque de « pause » ou de « repli », l’Inter-réseaux des professionnels du développement social urbain (IRDSU) agit en faveur de la mise en place d’une politique de la ville structurée et structurante à l ’échelle intercommunale.

TransversalitéC’est la vocation des réseaux locaux qui constituent l’IRDSU de soutenir la mise en place des projets urbains intégrés et de s’impliquer en faveur de la mobilisation des fonds européens dédiés aux actions visant la réduction des écarts économiques, sociaux et environnementaux en milieu urbain. Ces réseaux veillent en particulier à accompagner les territoires dans

l’émergence d’une parole habitante à cette échelle élargie. Ils développent une expertise en faveur de l’emploi et du développement économique au profit des

habitants des quartiers.L’enjeu, pour les professionnel∙le∙s, est d’agir sur les mécanismes qui produisent l’exclusion sans restreindre la politique de la ville à une seule logique de réparation.Plus que jamais, il est nécessaire

de disposer d’une ingénierie à l’échelle intercommunale, légitime au sein des com-munes et en capacité d’agir en transver-salité. L’enquête 2017 portera sur ce sujet.

IngénierieL’IRDSU déploie en ce sens une ingé-nierie qui permet aux professionnels de s’informer, de se former et d’accroître

l’efficience de l’action sur les territoires. Il développe des temps de coformation et des recherches-actions éclairant les enjeux et axes de progrès en faveur de l’inclusion urbaine. Il diffuse les savoir-faire, ressources et projets qu’il capitalise : expérimentation de projets construits avec les habitant∙e∙s et usagers concer-nés, démarches locales pour l’égalité et la lutte contre les discriminations, outils

et méthodes pour améliorer l’ingénierie locale. Il accompagne également la struc-turation des démarches citoyennes et le

renforcement de la capacité de proposition et d’action des habitants sur des enjeux intercommunaux.Aujourd’hui, de nombreux sujets restent encore à explorer à l’échelle intercommu-nale et de nouveaux défis s’ouvrent sur les territoires urbains. À titre d’exemple, les questions de lutte contre les discri-minations, de santé ou d’éducation sont à investir. L’IRDSU s’est notamment

particu lièrement impliqué dans la création d’un réseau d’élus dédié aux questions de lutte contre les discrimi-nations. Ce travail de mise en lien des professionnel∙le∙s et des élu∙e∙s illustre bien la

nécessité de coopération renforcée qu’il convient de développer pour répondre aux défis d’espaces urbains inclusifs.

Khalid Ida-Ali, Claire Lemeunier, Gaëlle DanielPrésident de l’IRDSU, vice-présidente, trésorière

tribune

La politique de la ville ne se résume pas à une logique de réparation

Les questions de lutte contre les discriminations, de santé ou d’éducation restent à investir

L’IRDSU déploie plusieurs actions qui permettent aux professionnels de s’informer, de se former et d’accroître l’efficacité de leur intervention sur les territoires. / © IRDSU

Un observatoire pour mieux connaître les quartiersCréé par la loi dite « Lamy » de 2014 et installé officiellement le 19 janvier 2016, l’Obser vatoire national de la politique de la ville (ONPV) a pour mission d’approfondir les connaissances des territoires ciblés par cette politique : trajectoires des résidents, évolution des inégalités au sein des agglomérations, progrès en matière de participation des habitants, discriminations envers les femmes, mais aussi contribution indépendante à l’évaluation de la mise en œuvre des politiques dans les quartiers prioritaires.

Il succède à plusieurs structures qui coexistaient : l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) et le comité d’évaluation et de suivi (CES) de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Il est composé de 47 membres siégeant au Conseil national des villes (élus, associations, habitants) ou représentant l’administration centrale, les opérateurs publics, des experts, des chercheurs en tant que personnalités qualifiées et des représentants des associations de collectivités.

L’ONPV publie des rappor ts thématiques ainsi qu’un rappor t annuel. Le premier, qui traite les données de l’année 2015, est disponible en ligne sur www.onpv.fr.

Loi Lamy : penser la politique de la ville à l’échelle intercommunale« Nul ne peut penser qu’une opération de désenclavement puisse se mener à l’échelon communal. Si les choses se sont si difficilement passées à Clichy, c’est que les communes environnantes ont manqué à la solidarité. » Ces propos de François Lamy, tenus en séance au Sénat en janvier 2014 lors des débats sur sa loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, illustrent la philosophie du texte proposé.

Parmi les évolutions qu’elle apporte au paysage de la politique de la ville, la loi Lamy supprime notamment les contrats urbains de cohésion sociale (Cucs), qu’elle remplace par le contrat de ville, élaboré à l’échelle intercommunale. Ce contrat, passé entre tous les partenaires locaux et l’État, fait apparaître de façon transversale les politiques d’emploi, de sécurité, de transport, de santé, d’éducation… qui seront portées sur le territoire.

La loi Lamy transforme également la géographie prioritaire en opérant un recentrage des moyens sur 1 300 quartiers prioritaires (contre 2 600 auparavant), identifiés sur le critère unique de la pauvreté (revenu par habitant). Enfin, elle relance une nouvelle étape du programme national pour la rénovation urbaine, auquel elle alloue 5 milliards d’euros.

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Contrats de ville et développement économique : maintenant ou jamais ?Considéré, depuis la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, comme l’un des trois piliers fondamentaux des contrats de ville 2015-2020, le développement économique reste l’une des grandes inconnues de cette programmation : quels champs recouvre-t-il exactement ? avec quels acteurs ? pour quelles finalités ?

L a loi NOTRe a permis de clarifier l’exercice des compétences écono-miques, jusqu’à présent partagé par

plusieurs niveaux de collectivités. La région est désormais chef de file d’une stratégie régionale économique, traduite dans le schéma régional de développement écono-mique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), dont la finalisation est attendue au 31 décembre 2016. Elle a donc compétence exclusive dans les domaines de l’internatio-nalisation, du soutien à l’innovation et de la formation professionnelle. Le bloc local (communes et intercommunalités) exerce quant à lui les missions relatives au foncier et à l’immobilier d’entreprise, à la politique locale du commerce, à la gestion et à l’amé-nagement des zones d’activité économique. Lorsqu’on évoque le volet « développement économique » du contrat de ville, un élément doit impérativement être pris en considé-ration : toute stratégie intercommunale de

développement économique est désormais subordonnée au SRDEII. Il est donc néces-saire, pour les acteurs de la politique de la ville, de bien veiller à la prise en compte des enjeux et spéci-ficités des quartiers prioritaires au sein de ce document régional, désormais structurant, élaboré dans un calen-drier très contraint mais dont la mise en œuvre devrait permettre une réelle territorialisation de l’action régionale, via des contractualisations entre région et territoires.

Développement endogène et/ou exogèneFaut-il privilégier un développement écono-mique endogène ou exogène ? La question s’est souvent posée et, trop souvent, l’ac-tion publique s’est contentée de dispositifs

rectificatifs, tournés exclusivement vers la sortie « insertion et retour à l’emploi », parfois même sans caractère pérenne. S’il est absolument impensable d’opposer

développement endogène et développement exogène, les exemples de Nantes Métropole, Carcassonne Agglo et des régies de quar-tier présenté dans ce dossier nous semblent assez bien illustrer ce que l’on est en droit d’attendre du pilotage intercommunal des contrats de ville : la capacité d’agir « à l’inté-rieur même du quartier », en soutien par exemple à la création et la reprise d’activités, et la capacité à intégrer le quartier dans la dynamique économique de la communauté.

L’intercommunalité, pilote et chef d’orchestreL’un des écueils constatés lors de l’élabo-ration des contrats de ville et de leur volet « développement économique et emploi » fut le manque de lisibilité de l’écosystème des acteurs, à la fois très nombreux, divers dans leur structuration (institutionnels, consulaires, associatifs, privés…) et sans réels échanges entre eux.La communauté pourrait contribuer à parfaire l’articulation des actions ou dis-positifs portés par chacun des acteurs, pour une meilleure interconnaissance de ces derniers. Avec, pour objectif, la mise en cohérence du développement économique, de l ’emploi, de la forma-tion, de l ’enseignement supérieur, des besoins des entreprises, des salariés, des chômeurs et des personnes les plus éloi-gnées de l’emploi.

Romain Briot

Toute stratégie économique, y compris en politique de la ville, est désormais subordonnée au SRDEII

NANTES MÉTROPOLE (LOIRE-ATLANTIQUE)

Du sur-mesure pour les entreprises des quartiersUn pilote au niveau central, un développeur territorial dans chaque pôle de proximité, de nouvelles méthodes de repérage et d’accompagnement des entreprises : Nantes Métropole se mobilise pour favoriser le développement économique de ses quartiers.

L ongtemps, le développement écono-mique dans les quartiers n’a été vu qu’à travers le prisme de l’insertion.

Une approche trop réductrice. Nantes Métropole n’a pas attendu la nouveauté d’un volet dédié au développement éco-nomique, inscrit dans son dernier contrat de ville, pour en prendre conscience ; mais cela a indéniablement constitué un booster dans sa démarche. « Nous sommes sur un changement de paradigme : il faut sortir du seul réflexe des entreprises d’insertion pour aller aussi vers les entrepreneurs des quartiers et accom-pagner les porteurs de projet », explique Myriam Naël, vice-présidente de Nantes Métropole déléguée à la politique de la ville. « Trouver du travail aux habitants des quartiers et favoriser le développement

économique relèvent de deux logiques dif-férentes », complète Jean-Michel Jaouen, directeur de la mission Politique de la ville, pour expliquer la démarche.

Deux leviers complémentairesPour cela, Nantes Métropole s’appuie sur deux leviers : tout d’abord, un développe-ment endogène afin de connaître les entre-prises et savoir comment les accompagner ; ensuite, un développement exogène pour que les différentes entreprises de l’agglo-mération prennent conscience de l’intérêt d’une implantation dans ces quartiers, notamment grâce à l’attractivité des prix du mètre carré ou aux opportunités offertes en matière de recrutement de salariés. « Nous sommes dans une métropole attractive. Il n’y aucune raison pour que les quartiers ne

puissent pas être regardés aussi comme des vecteurs du développement économique », lance Myriam Naël. En pratique, cela passe par une personne pilote, intégrée à la direction du développe-ment économique de la métropole. Inscrite dans le contrat de ville, la feuille de route est claire pour ce donneur d’ordres qui peut agir sur tous les leviers.

Un repérage fin de toutes les entreprisesLa méthode nantaise repose aussi sur une approche territoriale grâce à l’organisation de la métropole en sept pôles de proximité regroupant environ 40 % des agents. Chaque pôle dispose d’une personne dédiée au déve-loppement économique. Son rôle ? Repérer les entreprises présentes sur les quartiers et animer un réseau pour répondre à leurs besoins. Tout commence par une connais-sance extrêmement fine des entreprises : champ d’activité, ancienneté, nombre de salariés, compétences, chiffre d’affaires,

etc. Cette qualification permet de com-prendre leurs atouts et potentiels comme leurs attentes et besoins particuliers. En l’absence d’outils de repérage spécifiques, les développeurs territoriaux des pôles de proximité effectuent un travail de fourmi, fastidieux mais indispensable pour soutenir le développement endogène. Dans l’un des quartiers, par exemple, l’exercice a permis de passer de 70 à 700 très petites entreprises recensées ! Si l’on y trouve toutes sortes de structures, avec des durées de vie extrême-ment variables, le potentiel est là. « Une fois ce travail effectué, c’est à nous d’ajuster nos dispositifs, explique Jean-Michel Jaouen. Il s’agit de se doter des bons outils de soutien à la création et à l’accom-pagnement des entreprises. »Le volet développement économique du contrat de ville de Nantes Métropole ne comporte pas d’objectifs chiffrés. Mais celle-ci compte bien évaluer régulièrement tous les dispositifs mis en place et leur retour sur investissement. Philippe Pottiée-Sperry

Faciliter l’accès aux appels d’offresAutre chantier lancé par Nantes Métropole : l’accessibilité des entreprises des quartiers aux appels d’offres relatifs aux opérations de renouvellement urbain. « Nous avons été innovants sur les clauses d’insertion dans les marchés publics, il faut l’être à présent pour favoriser les petites entreprises du bâtiment dans les appels d’offres. Je suis convaincue que nous pouvons arriver à aider ces entreprises qui n’ont pas les reins assez solides, notamment en favorisant des regroupements, avec des fonctions ressources, permettant de répondre aux marchés publics », détaille Myriam Naël. Et de préciser : « Notre service des marchés travaille sur ce sujet. J’espère que nous trouverons la solution courant 2017 pour nous lancer le plus rapidement possible. » Une démarche juridiquement complexe, mais précurseur.

Nantes Métropole s’appuie sur le développement économique pour booster sa politique de la ville. / © Régis Routier - Ville de Nantes

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14 DOSSIER POLITIQUE DE LA VILLE

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Les régies de quartier, acteurs économiques de proximitéLes régies de quartier portent, au sein des quartiers prioritaires, des projets originaux, entre insertion par l’activité économique, économie solidaire et éducation populaire. Panorama par Tarek Daher, délégué général du Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ).

A ssociations loi 1901, labellisées, les régies de quartier sont nées à la fin des années 1970 de la volonté des

habitants de se réapproprier la gestion de leur territoire. En contribuant, par leur action, à l’amélioration du cadre de vie, elles concourent à recréer ou renfor-cer le lien social, inventer des modes de gestion partagée avec les acteurs locaux, construire avec les habitants une citoyen-neté active sur leurs territoires.Structures démocratiques, elles regroupent habitants, collectivités et bailleurs. Ce triptyque fondateur les inscrit dans une dynamique territoriale, politique et éco-nomique partagée, en impliquant chacun dans la gestion de son territoire.

Opérateurs économiques, elles inter-viennent principalement sur des activités de gestion urbaine de proximité (nettoyage des communs, entretien d’espaces extérieurs, gestion des déchets…). Elles profitent des politiques d’achat socialement responsables des bailleurs et collectivités, et font des habitants les premiers bénéficiaires des emplois qu’elles proposent comme des prestations qu’elles réalisent. Acteurs de proximité, elles développent, dans les quartiers, des services axés sur le

lien social et la médiation. En proposant jardins partagés, cafés associatifs, laveries et garages solidaires, elles promeuvent des valeurs de convivialité, de solidarité et de vie en commun.

Plus de 300 QPV couvertsEn 2015, on recensait 124 régies de quar-tier et 12 régies de territoire (en territoire rural), 90 % d’entre elles intervenant sur un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) : plus de 300 QPV sont ainsi couverts par l’action des régies. En moyenne, une régie compte 50 salariés, dont près de 60 % en contrats d’insertion (CDDI, CAE…), et dispose d’un budget global de plus d’1,3 million d’euros auto-

financé à 60 % par les revenus de ses activités économiques. Dans l ’ensemble du réseau, on dénombrait 7 000 salariés en 2015 et 4 500 personnes formées par an.Ces dernières années, les régies,

tout en maintenant un ancrage fort sur leur territoire d’origine et leur cœur de métier, ont élargi leur champ d’inter-vention. Économiquement, en innovant pour développer des activités en phase avec les attentes des habitants (exemple des recycleries) ; géographiquement, en intervenant sur plusieurs territoires pour répondre aux sollicitations des partenaires et s’adapter à l’organisation administra-tive : 40 % des régies interviennent à une échelle intercommunale.

L’exemple de Creusot MontceauL’expérience du Creusot illustre bien ces évolutions. Sous l’impulsion de la commu-nauté urbaine Creusot Montceau (CUCM), l’ancienne régie de quartier du Creusot a fusionné avec celle de Montchanin, étendant leur périmètre d’intervention à 16 com-munes pour donner naissance, en 2014, à la régie de territoire CUCM-Nord. La CUCM

se positionne aujourd’hui aux côtés de la régie, sur laquelle elle s’appuie tant pour renforcer son action sur les QPV que pour répondre à la demande des habitants d’une plus forte animation locale. De l’importance de faire vivre et d’adapter les partenariats qui se nouent sur les territoires !

Tarek Daher, délégué général du CNLRQ

En 2015, on recensait 124 régies de quartier et 12 régies de territoire

Des salariés des régies en formation « jardinage au naturel » dans les jardins de la régie du Creusot, septembre 2016. / © CNLRQ

COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION CARCASSONNE AGGLO (AUDE)

La régie du Carcassonnais, un vrai levier d’insertionEn cohérence avec la compétence « politique de la ville » de Carcassonne Agglo, la régie de quartiers du Carcassonnais est intercommunale. Elle propose toutes sortes d’activités, dont des chantiers d’insertion, qui concernent avant tout les quartiers prioritaires. Prochaine étape prévue : s’adresser aussi aux petites communes de l’agglomération.

C réée en 1998, la régie de quartiers du Carcassonnais résulte d ’une volonté commune de la mairie de

Carcassonne, du département, de l’État et de deux bailleurs sociaux, qui trou-vaient l’outil pertinent. Étendue en 2007 aux communes de Trèbes et Berriac, elle devient intercommunale en 2010. Un changement qui correspond à la prise de compétence « politique de la ville » par Carcassonne Agglo. « Coordonnant le contrat de ville, l’agglo est devenue notre interlocuteur. Parallèlement, nous poursuivons nos activités tradi-tionnelles avec la ville ou les bailleurs

sociaux. À présent, notre potentiel de développement est plus large », explique Florence Hatin, directrice de la régie. Selon les dossiers traités, les compétences et donc les interlocuteurs ne sont pas forcément les mêmes. Pas toujours simple ! « Notre

positionnement est que la régie est au service de tous : la ville, l’agglo, le dépar-tement… », insiste la directrice.

Participation des habitants et lien socialAvec un chiffre d’activités annuel d’1,8 mil-lion d’euros, la régie, sous statut associatif, possède un vaste périmètre d’intervention. Se définissant comme un ensemblier d’in-sertion, elle propose un premier accueil sur l’orientation professionnelle dans les quar-tiers prioritaires, trois chantiers d’insertion (entretien, peinture, espaces verts) et une entreprise d’insertion (peinture) qui bénéfi-

cient d’agréments de l’État comme du département. Second volet d’activités, un pôle proximité repose sur l’intervention de sept médiateurs (dans les quar-tiers de Carcassonne) et la

conduite de projets favorisant la participa-tion des habitants et le lien social (verger partagé, réunions de bas d’immeuble, la Boîte à linge…). Le public touché est assez large, allant des bénéficiaires du RSA aux personnes

sans formation en passant par les jeunes titulaires d’un CAP à la recherche d’une première expérience. Les différentes acti-vités de la régie passent pour l’essentiel par des marchés publics. « Historiquement, il était intéressant d’avoir la régie de quartiers à l’échelle de l’agglomération car nous avions

cinq quartiers prioritaires sur trois com-munes », explique Tamara Rivel, vice-pré-sidente de Carcassonne Agglo déléguée à la politique de la ville et à la rénovation urbaine. Mais de préciser : « Avec la nouvelle géographie prioritaire, deux cités sont sorties de la liste des quar-tiers prioritaires. Elles restent néanmoins des quartiers de veille avec un travail conjoint de la préfecture, de l’agglo et des communes. »Leurs problématiques et leurs besoins n’ont en effet pas changé. « Le travail de la régie demeure important pour capter des populations très éloignées de l’emploi

et les mettre dans des processus d’inser-tion et d’accompagnement personnel », constate l’élue.

Se faire connaître auprès des petites communesParmi ses principales missions, la régie contribue à l ’amélioration du cadre de

vie. Cela se traduit par des actions au quotidien qui impliquent les habitants dans leur quartier. « Nous souhaitons dans l’avenir

démultiplier ces actions sur toutes les communes qui, dans leur cœur de bourg, connaissent des soucis identiques de pau-périsation et d’éloignement des personnes par rapport aux services publics et à l’emploi », indique Tamara Rivel. À cette fin, la régie doit se faire connaître auprès de tous les élus qui, pour certains d’entre eux, ignorent que la compétence « politique de la ville » de Carcassonne Agglo leur permet de bénéficier d’ou-tils efficaces. Cinq ou six communes semblent déjà intéressées pour des chan-tiers d’insertion espaces verts et peinture.

Philippe Pottiée-Sperry

Parmi ses principales missions, la régie de quartiers contribue à l’amélioration du cadre de vie

La régie se définit comme étant un ensemblier d’insertion

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15DOSSIER

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COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE PETITE-TERRE (MAYOTTE)

Politique de la ville à Mayotte : une cerise sans gâteau

Comment mettre en œuvre la politique de la ville à Mayotte, où les besoins apparaissent conséquents et où de nombreux dysfonctionnements limitent l’efficacité de l’action publique ? Réponse avec le témoignage de la communauté de Petite-Terre, premier territoire mahorais à se doter d’un contrat de ville intercommunal.

A vant même la création de la com-munauté de Petite-Terre, les deux communes de l’île du même nom,

Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi, avaient constitué un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délin-quance et mutualisaient leurs moyens pour développer différents projets relevant de la politique de la ville, bien que seule Pamandzi était signataire d’un contrat urbain de cohésion sociale (Cucs). Une démarche commune qui a servi de prémices à la constitution de l’intercommunalité. Lorsque la nouvelle géographie prioritaire identifie, en 2014, le quartier de la Vigie, situé à cheval sur les deux communes, les élus envisagent rapidement le portage

d’un contrat de ville intercommunal, et Petite-Terre se dote de la compétence « politique de la ville » dès sa création au 1er janvier 2015. Un outil précieux pour agir sur le territoire de la Vigie, mais qui se heurte à de nombreux dysfonctionnements propres au territoire mahorais.

Un financement difficileL’élaboration du contrat de ville a été portée par les services de la communauté, appuyés par le centre de ressources de Mayotte. « Les services de l’État ont proposé des fiches actions communes à l’ensemble des territoires mahorais, donc non territoriali-sées », explique Adrien Michon, directeur en charge de la politique de la ville à la communauté de Petite-Terre. Difficile donc de concrétiser ces actions, surtout sans financements adaptés : le financement du contrat de ville reste annuel, et non plurian-nuel ; l’insuffisance des montants engagés par le CGET (70 000 euros en 2015), la faiblesse du budget de la communauté et les difficultés à mobiliser les fonds européens (plafonnés à Mayotte, et que les collectivités peinent à solliciter en raison de leur manque de fonds propres) rendent la conduite des

actions hasardeuse. « Nous restons sur du coup par coup, regrette le directeur. Nous répondons à des appels à projets qui nous permettent d’agir sur les urgences, mais nous n’avons aucune capacité de projection à moyen ou long terme. »

Absence de donnéesAutre difficulté importante commune à la totalité du territoire mahorais : l’absence criante de données statistiques et quan-titatives fiables. Du fait de l’ampleur du phénomène d’immigration, non pris en compte lors du recensement, les données de l’Insee ne reflètent pas la réalité démo-graphique du territoire, à la natalité galo-pante. Certains élus de Mayotte évoquent

une variation entre les données officielles et la population réelle allant jusqu’à 40 % ! Quand d’autres séries de données et d’indicateurs n’existent tout sim-plement pas… « Ce manque de données affaiblit notre capacité

de négociation avec l’État central et nos différents partenaires, explique Adrien Michon. Les besoins sont très importants, mais notre capacité à les évaluer de façon objective est très limitée. » La communauté de communes de Petite-Terre a d’ailleurs embauché six personnes en contrats aidés, dont la mission est de recenser les habi-tants du quartier de la Vigie et de recueillir un certain nombre d’informations statis-tiques et quantitatives relatives à leurs conditions de vie.

Bidonville plutôt que grand ensembleParmi les objectifs poursuivis par le contrat, beaucoup sont communs aux actions menées dans d’autres territoires de la poli-tique de la ville, qu’il s’agisse de désenclaver le quartier et de faciliter l’accès des habitants aux services et équipements, de proposer une offre socio-culturelle à la population, de construire un projet éducatif de quartier, de renforcer la place des acteurs associatifs, d’agir contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, de développer l’offre de soins, etc. Pour autant, « même si, dans la prise en charge des habitants, on retrouve les mêmes

besoins qu’ailleurs, la Vigie est un quartier qui présente des caractéristiques très éloi-gnées des grands ensembles », commente Adrien Michon. Vaste et densément peuplé, aux logements de fortune et insalubres, la Vigie ressemble davantage à un bidonville qu’aux grandes barres des quartiers priori-taires situés en zones urbaines de France métropolitaine. Les montants financiers à engager apparaissent ainsi considérables, et certains axes relatifs à l’hygiène, la salu-brité en matière d’eau, d’électrification ou de déchets restent spécifiques au contexte territorial ultramarin.

Extrême précaritéLe tissu associatif au sein du quartier prio-ritaire semble lui aussi beaucoup plus ténu que dans d’autres quartiers de la politique de la ville. « L’extrême précarité de la

population, dont les principales préoc-cupations sont l’alimentation, le logement et l’hygiène, fait qu’il est très difficile de demander aux habitants de s’impliquer davantage dans des programmes culturels, éducatifs ou d’aménagement », analyse Adrien Michon. Parmi les deux associa-tions qui existaient déjà au sein du quar-tier, l’une porte le conseil citoyen, et donc l’expression des habitants de la Vigie. Si les nouvelles associations ne se sont pas multipliées, le contrat de ville a toutefois permis d’accroître le nombre d’associations extérieures intervenant dans le quartier.

Le développement économique et l’emploi font également partie intégrante des objec-tifs poursuivis par le contrat de ville. Des conventions ont été signées entre la commu-nauté et des centres de formation pour que des formations et des accompagnements individualisés des habitants puissent être mis en place à la Vigie. Une réflexion est également en cours sur la façon de soutenir les créateurs d’entreprise du quartier.

Politique de substitutionEnfin, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) devrait intervenir au sein du quartier afin d’y conduire des opérations d’aménagement, pour des montants finan-ciers qui restent encore à affiner.Le cadre de la politique de la ville est donc bel et bien posé à Petite-Terre. Mais pour Adrien Michon, « ce qui fait défaut, c’est

le reste. À partir du moment où les politiques de droit commun dysfonctionnent et où les services administratifs des collectivités et de l’État ne sont pas suffisamment struc-turés, il est difficile d’agir. La

politique de la ville devrait intervenir en complémentarité avec les autres poli-tiques du territoire. Or, aujourd’hui, nous conduisons fréquemment une démarche de substitution. Pour définir vulgairement la politique de la ville, il est souvent fait référence à une jolie cerise sur un gâteau. À Mayotte, nous nous demandons souvent, entre acteurs du territoire, où est réellement le gâteau... » Alors même que les besoins des habitants et les problématiques mahoraises apparaissent sans commune mesure avec ceux du reste du territoire français.

AP

La Vigie ressemble davantage à un bidonville qu’aux grandes barres des quartiers prioritaires situés en zones urbaines de France métropolitaine. / © Hervé Vincent / RÉA

La politique de la ville en Outre-merDans le cadre de la nouvelle génération de contrats de ville (2015-2020), 45 contrats ont été signés dans les Outre-mer, soit un peu plus de 10 % du total des contrats de ville conclus en France. La principale adaptation appliquée aux territoires ultramarins réside dans la possibilité qui leur a été donnée de retenir l’échelon communal, plutôt que l’échelon intercommunal, comme niveau de pilotage et de signature des nouveaux contrats. Cette adaptation a permis de prendre en considération les niveaux de maturité contrastés des intercommunalités en Outre-mer.Il est toutefois intéressant de relever que trois contrats de ville, parmi ceux élaborés en Guadeloupe et en Polynésie française, font l’objet d’un pilotage intercommunal. Sur les autres territoires relevant de la politique de la ville, les communautés sont généralement signataires des contrats.Globalement, la nouvelle géographie prioritaire équivaut à 25 % de la population des territoires ultramarins concernés (586 000 habitants), contre 8 % de la population en France métropolitaine (4,8 millions d’habitants). Alors que les 217 quartiers prioritaires de la politique de la ville ultramarins concernent près de 25 % de la population d’Outre-mer, cette proportion est d’environ 50 % en Guyane et 70 % à Mayotte.

Les données de l’Insee ne reflètent pas la réalité démographique du territoire

La politique de la ville devrait intervenir en complémentarité et non en substitution

DÉCEMBRE 2016 • N° 215 • www.adcf.org

16 DOSSIER POLITIQUE DE LA VILLE

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Les « nouveaux entrants » de la géographie prioritaire : un espace pour réinventer la politique de la ville ?Quelles sont les caractéristiques des territoires nouvellement arrivés dans le giron de la politique de la ville, et comment les accompagner de façon adaptée ? Réponse par Murielle Maffessoli, directrice de l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville (ORIV) au centre de ressources Grand Est.

L a loi du 21 février 2014 de program-mation pour la ville et la cohésion urbaine s’est accompagnée d’une

refonte de la géographie prioritaire de la politique de la ville, amenant à identifier des territoires dits « entrants ». Ceux-ci sont de deux types : soit il s’agit de quar-tiers identifiés comme prioritaires dans une ville déjà inscrite en politique de la ville, soit il d’agit de quartiers situés dans

une ville ne relevant pas antérieurement de la politique de la ville. Si ces derniers ter-ritoires focalisent notre attention, c’est en raison de leur absence d’antériorité dans le dispositif. Cela nous a permis de constater que la politique de la ville continuait à

mobiliser des modes d’intervention sin-guliers et utiles à l’action territoriale dans un contexte où il est urgent de penser l ’articulation, voire l ’interdépendance entre les territoires.

Un profil particulierCes territoires se signalent souvent par une approche très pragmatique. Elle s’est imposée de fait compte tenu de leur profil :

en région Grand Est, il s’agit souvent de communes de taille moyenne, voire petite, n’ayant qu’un quartier en politique de la ville, dans des intercommunalités en construction où les problé-matiques urbaines sont souvent peu abordées.

L’absence d’ingénierie a permis de travailler de manière plus optimale les articulations au droit commun, la démarche étant portée par un niveau hiérarchique permettant de faire levier au sein de la collectivité comme dans le lien avec l’État. Le contrat de ville

a également permis d’initier ou de ren-forcer les modalités de travail. Malgré le temps d’implication que cela suppose, ce partenariat et la manière de travailler en lien avec le territoire ont été vécus par les acteurs comme un atout. Le contrat a été l’occasion de mettre en œuvre des articula-tions nouvelles (pas toujours simples pour autant) entre la ville où se situe le quartier prioritaire et l’intercommunalité, ainsi que parfois avec les autres communes. Le travail engagé peut également constituer un levier pour les autres politiques communautaires (notamment l’habitat).

Adapter les attentes et les moyensLe travail des acteurs de l’État, comme des centres de ressources, a souvent consisté d’abord en une explicitation des enjeux de l ’ inscription du territoire dans le dispositif « contrat de ville », l’exigence de partenariat et de co-élaboration – y compris avec les habitants – pouvant être

perçue comme une « perte de temps », une lourdeur, et la focalisation sur un quartier comme une stigmatisation. Cela suppose sur la durée, et afin de ne pas perdre les acquis, d’une part un travail récurrent sur le sens de l ’action et l’articulation avec les réalités locales, d ’autre part de ne pas attendre de ces territoires la même mobilisation en temps et en moyens humains que pour des ter-ritoires plus grands. Du fait de leur taille, les moyens financiers complémentaires au droit commun y sont souvent assez limités ; il est donc nécessaire d’assurer les moyens d’un appui technique, notam-ment dans des domaines mobilisant une grande technicité (renouvellement urbain par exemple). Sans cette adaptation ter-ritoriale des attentes et une articulation judicieuse aux autres politiques de pro-grammation intercommunale, le risque, à terme, est celui de l’immobilisme.

Murielle Maffessoli, centre de ressources Grand Est

Les « nouveaux entrants » se signalent souvent par une approche très pragmatique

COMMUNAUTÉ DES COMMUNES GIENNOISES (LOIRET)

Atouts et contraintes d’un contrat de villePour la première fois, la Communauté des communes giennoises (25 000 habitants) a signé un contrat de ville au bénéfice de ses deux quartiers sensibles. Celui-ci vise surtout la requalification urbaine qui s’ajoute aux différentes actions d’accompagnement social déjà mises en place ; mais il se heurte à un double problème : la rigidité du dispositif et le manque de moyens financiers de l’interco.

H istoriquement construite autour de la Loire et de la faïencerie, la ville de Gien s’est développée au

fil du temps sur deux plateaux. Avec la construction de logements sociaux dans les années 1960 et 1970, chacun possède son quartier sensible ; une conséquence de l ’apport de main-d ’œuvre néces-saire pour la création des deux cen-trales nucléaires proches (Dampierre et Belleville). Aujourd’hui, les quartiers des Montoires et des Champs-de-la-Ville – 1 500 et 2 000 habitants – connaissent une paupérisation importante.

La Communauté des communes gien-noises, avec ses 11 communes pour un peu plus de 25 000 habitants, fait donc partie de ces nouveaux territoires rentrés dans la dernière génération de géographie priori-taire. « Nous n’avions pas fait de demande. Ce sont les services de l’État qui sont venus nous voir. Cela est évidemment positif pour la requalification des quartiers », se réjouit Yannick Rouyeras, le directeur de cabinet du maire et président Christian Bouleau. Mais de regretter le manque de concertation avec des choix effectués sur des périmètres préétablis – critères uniques

de concentration de populations ayant des ressources inférieures à 60 % du revenu médian – sans réelle négociation possible.

Un booster pour l’action du bailleur socialAutre reproche formulé : une démarche un peu précipitée qui a heurté le plan pluriannuel d’investissement 2014-2019, déjà lancé, pour la revitalisation du cœur de ville de Gien. Avec, comme conséquence, la difficulté pour l’interco d’investir suffisam-ment dans le contrat de ville signé en 2015. « Il nous apporte néanmoins de vraies capacités d’investissement et constitue un levier fort de coproduction entre les services de l’État, l’Anru, la communauté, la ville, le bailleur social, les associa-tions… », explique Yannick Rouyeras. Le contrat de ville permet aussi la formalisa-tion de partenariats qui n’existaient pas auparavant malgré un travail en commun déjà ancien. En outre, il booste l’action du bailleur social. « De quoi transformer le visage des quartiers et la vie des gens. C’est essentiel ! » lance le directeur de cabinet.

Le casse-tête de la concertationLa compétence « politique de la ville », dont la communauté s’est dotée en 2015, découle logiquement d’une addi-tion d’actions d’accompagnement social menées depuis une quinzaine d’années,

en particulier sur les deux quartiers de Gien. Les secteurs couverts ? L’insertion économique et sociale, la prévention de la délinquance et des incivilités, l’aide aux victimes, la médiation, l’accompagnement éducatif, la lutte contre les comportements déviants... Le contrat de ville permet de passer à la vitesse supérieure avec des projets de requalification des quartiers et la création d’espaces publics. Son budget

s’élève à 17 millions d’euros dont plus de la moitié pour le bailleur social. L’existence préalable d’une ingénierie a facilité sa signature et permis de gagner du temps. Essentielle, la concertation passe surtout par les associations culturelles et spor-tives. Mais l ’obligation, édictée par le contrat de ville, de créer un conseil citoyen dans chaque quartier pose, dans l ’un d’eux, un vrai problème en raison d’un contexte inquiétant de radicalisa-tion et d’une tentative de phagocytage de cet espace d’expression pour faire du prosélytisme religieux. Sur ce sujet extrê-mement sensible, la communauté reste en contact permanent avec la préfecture et les services de l’État.

Philippe Pottiée-Sperry

Essentielle, la concertation passe surtout par les associations culturelles et sportives

La politique de la ville des communes giennoises mise entre autres sur l’insertion sociale, et notamment sur l’accompagnement éducatif. / © Marta Nascimento / RÉA

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17DOSSIER

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Comment agir en matière de pauvreté urbaine et d’exclusion ?

À bien des égards, la politique de la ville française, circonscrite à un certain nombre de territoires et transversale, témoigne d’une approche originale au sein de l’Union européenne. Chercheur au sein du programme Urbact, Ivan Tosics revient, dans cette tribune, sur les différentes façons de penser la pauvreté urbaine en Europe.

I l apparaît nécessaire d’envisager la pro-blématique des espaces défavorisés sous l’angle, plus large, de la pauvreté urbaine.

La lutte contre la pauvreté et l’exclusion constitue d’une des cibles principales de la stratégie Europe 2020. Cet enjeu jouit d’une définition plus large que l’approche tradi-tionnelle basée uniquement sur les faibles revenus. Elle s’appuie sur trois indicateurs : le taux de population menacée par la pau-vreté (après transferts sociaux), l’indice de privation matérielle, et le pourcentage de personnes appartenant à des foyers à faible intensité de travail. Cette définition exprime la multiplicité des facteurs sous-tendant la pauvreté et/ou l’exclusion, ainsi que la diversité des problèmes auxquels font face les pays membres de l’Union euro-péenne. Au total, 120 millions de personnes sont concernées par cette définition – une population substantiellement plus impor-tante que celle concernée par le seul critère de pauvreté économique, qui recouvrait 80 millions d’Européens en 2008.Avant 2008, le taux de population menacée par la pauvreté ou l’exclusion sociale était en voie de réduction. Toutefois, cette

population a augmenté de 6,1 millions de personnes entre 2008 et 2012 en raison de la crise financière. Malgré une nou-velle diminution depuis 2012 (2 millions de personnes de moins), les chances que l’UE atteigne son objectif de réduction de la population menacée par la pauvreté ou l’exclusion sociale de 120 à 96 millions d’ici 2020 restent très faibles. En outre, l’augmentation des inégalités de revenus entraîne une croissance de la ségrégation socio-spatiale dans la quasi-totalité des grandes villes européennes.

Des politiques en voie de réductionLa multiplicité des facteurs de pauvreté induit, sans surprise, différentes visions quant aux stratégies à déployer. Une nou-velle étude démontre que « lutter contre la pauvreté urbaine (…) requiert une approche et des mesures multidimensionnelles et multisectorielles, combinées à des poli-tiques publiques territorialisées et visant la population. Cependant, l’objectif devrait reposer sur la réduction des inégalités et de la pauvreté à travers des mesures appuyées

sur les populations visées. Une seule disper-sion spatiale de la pauvreté pour réduire la ségrégation ne résoudra pas le problème fondamental de la pauvreté et ne permettra pas la lutte contre l’exclusion sociale. (…) La mixité sociale peut être utile dans les cas les plus extrêmes, mais même dans ces situations, l’investissement humain (éduca-tion, opportunités professionnelles, retour à l’emploi, etc.) est également nécessaire. »1

La crise financière a aussi transformé les politiques nationales de lutte contre la pauvreté, qui apparaissent en voie de

réduction dans la plupart des pays euro-péens. Parmi ces politiques, l ’approche territoriale est encore présente en France (à travers la politique de la ville) et en Allemagne (Soziale  Stadt), mais a été fortement contrainte voire abandonnée dans d’autres pays tels que les Pays-Bas, la Suède ou le Royaume-Uni.

Pratiques variéesEn mars 2015, un séminaire Urbact à Bruxelles sur la régénération intégrée des zones urbaines défavorisées a permis de mettre en lumière les différences de pra-tiques nationales : l ’approche française apparaît très centralisée, avec une déter-mination, par l’échelon national, des aires défavorisées sur la base de données écono-miques détaillées qui prennent le pas sur d’autres types d’indicateurs ; l’approche allemande s’appuie sur une politique-cadre au sein de laquelle les régions et les villes jouent un rôle important ; l’approche néerlandaise repose quant à elle sur une nouvelle version de politique-cadre, où l’approche locale est dominée par des interventions dites « douces ». Durant

le séminaire ont été pointés, d’une part, l’importance de lier les interventions ter-ritoriales avec des politiques horizontales correspondantes et, d’autre part, le besoin de nouveaux partenariats institutionnels et de gouvernance en réponse à l’émergence d’initiatives locales.

La territorialisation n’est pas une évidenceDans la période actuelle 2014-2020 de la politique européenne de cohésion, deux outils ont été introduits pour assurer la

mise en œuvre de stratégies territoriales de cohésion sociale et économique : les investissements territoriaux intégrés (ITI) et le dévelop-pement local mené par les acteurs locaux (DLAL). Une

étude récente montre un usage très varié de ces outils d’un État membre à l’autre2. En Pologne par exemple, où les 17 capitales régionales et les municipalités environ-nantes doivent développer des ITI, 9 ont prévu des fonds pour la revitalisation des zones urbaines défavorisées, les autres ayant rejeté un usage territorialisé des ITI.Les différentes vues et pratiques ont récemment été confrontées au sein du partenariat « pauvreté urbaine » conduit par la France et la Belgique, un des par-tenariats pilotes de l’agenda urbain pour l ’UE. Différents séminaires, débats et études ont soulevés de nouvelles idées rela-tives à la façon dont l’Union européenne pourrait aider à combattre la pauvreté urbaine avec une meilleure régulation, un meilleur usage des fonds et des échanges de savoirs améliorés.

Propos traduits par Apolline Prêtre

1- Nevalainen J., Van Ham M., L’agenda urbain, une note politique sur la pauvreté urbaine et la ségrégation, manuscrit, 2016. 2- Tosics I., La régénération intégrée des zones défavorisées et la politique de cohésion, contribution à l’agenda urbain pour l’UE, 2015.

Ivan TosicsMathématicien et sociologue à l’Institut de recherche métropolitain de Budapest

tribune

120 millions de personnes en Europe sont visées par les politiques de lutte contre la pauvreté

Dans le quartier de Luník IX à Kosice (Slovaquie), le taux de chômage dépasse 90 %. La lutte contre la pauvreté et l’exclusion constitue l’une des cibles principales de la stratégie Europe 2020. / © Ivan Tosics

Biens communs et lutte contre la pauvreté à Turin

L auréate du premier appel à projets « Actions innovatrices urbaines », la ville de Turin s’est vu accorder

4,1 millions d’euros par l ’Union euro-péenne pour financer Co-city, un projet de lutte contre la pauvreté et l’exclusion dans les zones urbaines défavorisées. Fruit d’un partenariat entre la ville, l’université de Turin, l’Association nationale des com-munes italiennes (ANCI) et la fondation Roccafranca, le projet Co-city s’inscrit dans les démarches de régulation des biens communs urbains, testées dans d’autres villes italiennes comme Bologne. Objectif : promouvoir une nouvelle gestion locale et

la régénération de structures aujourd’hui inutilisées, en s’appuyant sur les habitants et les associations et en encourageant la création d’entreprises sociales. Co-city prévoit le réaménagement de biens immo-biliers et d’espaces publics dégradés grâce à des accords avec des associations, des entreprises sociales et des groupes de citoyens. Le projet s’appuie notamment sur le réseau des maisons de quartier, ainsi que sur l’usage de plateformes innovantes de communication (telle que FirstLife, créée par l’université de Turin) et sur des actions de mise en visibilité conduites par l’Asso-ciation italienne des villes et municipalités.

Selon Chiara Appendino, maire de Turin, « Co-city constitue une occasion extraor-dinaire de soutenir de nouvelles formes de participation active des citoyens à la régé-nération de la région ». « Nous entendons soutenir la mise en capacité des citoyens

et donner de nouvelles compétences et des moyens aux habitants et aux parties pre-nantes afin de faire de l’économie sociale un élément décisif du développement de la ville de Turin », ajoute Simone d’Antonio, chargé de communication à l’ANCI. AP

Le mouvement des biens communs, appuyé notamment sur les travaux du prix Nobel d’économie Elinor Ostrom, entend repenser la gestion de ressources considérées comme indispensables à la vie de tous, en prônant une gestion locale dans laquelle la population joue un rôle majeur. Ce mouvement s’est traduit par des actions concrètes dans de nombreuses villes italiennes. À Bologne, un règlement des communs adopté par délibération municipale définit les communs et leur mode de gestion. À Milan, associations et élus déterminent ensemble les communs, dont la liste est régulièrement actualisée.

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18 DOSSIER POLITIQUE DE LA VILLE

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REGARDS EUROPÉENS

La planification en matière d’urbanisme chez nos voisins espagnolsDans le cadre de la 27e convention de l’intercommunalité, un groupe d’élèves administrateurs de l’INET a étudié l’organisation de la planification territoriale dans différents pays d’Europe. Intercommunalités vous livre les résultats de ce travail à travers plusieurs décryptages de pays. À la loupe dans ce numéro : la planification en Espagne.

L’ Espagne présente un contexte géo-politique particulier. Son découpage territorial actuel est un héritage de

la transition démocratique qui a donné au pays sa forme d’État quasi fédéral. La tension entre une volonté d’unité nationale et celle d’une reconnaissance de l’auto-nomie des régions a toujours alimenté les débats institutionnels. L’Espagne compte 17 régions, appelées « communautés autonomes », aux profils très hétérogènes. Ces collectivités ne dis-posent pas toutes des mêmes compétences, et trois d’entre elles, en vertu de leur his-toire, ont accédé au statut de « nationali-tés » avec des compétences élargies.La Constitution espagnole délimite comme suit les domaines d’intervention des diffé-rentes échelles : la planification locale ou municipale est dévolue aux communes ou à leurs groupements, et correspond, en espagnol, au terme d’urbanisme ; la planification territoriale proprement dite correspond à l’échelle des régions et des comarcas (regroupements de communes) et est assurée par les communautés auto-nomes ; la planification stratégique et les plans spécialisés liés à des infrastructures d’intérêt national sont, eux, exercés par l’État central.

L’État central donne le cadreL’État central fixe les conditions de base de l’exercice de la propriété des sols : classifi-cation des sols et détermination des droits et devoirs en fonction des types de sol ; législation sur l’expropriation, en matière d’indemnisation et de régimes juridiques ;

et, de façon exclusive, valorisation du sol à des fins fiscales et d’expropriation. Trois types de sol sont reconnus et peuvent être complétés par les communautés auto-nomes : le sol urbain, déjà transformé ; le sol urbanisable ; et le sol non urbanisable. La jurisprudence a qualifié ces plans de « norme à caractère réglementaire à tous les niveaux ».L’État espagnol détient également une compétence exclusive en matière d’amé-nagement dès lors qu’il s’agit de projets d’intérêt national. Il est en revanche dans l’impossibilité légale d’élaborer un plan national d’organisation du territoire.

Les plans des communautés autonomesLes communautés autonomes possèdent toutes les autres compétences et détiennent la compétence législative, réglementaire et exécutive en matière d’aménagement du territoire (avec notamment l’adoption des instruments et du contenu de la planifi-cation urbaine). Au vu des tensions existant sur la répar-tition des compétences, le Tribunal constitutionnel a posé le principe que ces collectivités sont l’échelon de la planifi-cation territoriale et doivent, à cet égard, planifier cette activité, développer l’admi-nistration compétente et coordonner les administrations impliquées. Les communautés autonomes votent des lois d’aménagement du territoire, avec ou sans lien direct avec les lois d’urba-nisme : plans territoriaux sectoriels (sur certains territoires de la communauté),

plan d’aménagement des ressources ou du milieu naturels, projets d’intérêt régional ou territorial (outil permettant l’exécution immédiate de travaux en cas de conflit avec les communes), mais surtout un plan global. Ce dernier constitue un instrument ordi-naire ou stratégique qui couvre l’ensemble du territoire de la communauté autonome. Il

est adopté sous forme de loi par le Parlement autonome, ou par le gouvernement auto-nome après rapport du Parlement. Il contient des éléments obligatoires, des recomman-dations et des critères d’orientation, chacun nécessitant une procédure d’élaboration et d’adoption différente.Le plan global fixe des grands objectifs de cohésion du territoire et de résorption des inégalités sociales et territoriales, et assure le rôle de coordination horizontale entre les plans sectoriels, et verticale entre les diffé-rents niveaux de planification. C’est aussi un instrument normatif qui, en choisissant parmi la nomenclature nationale, catégorise chaque sol par son contenu et son utilisation. Sa procédure d’élaboration est longue et se déroule en trois phases : adoption initiale par les municipalités (avec possibilité d’enquête publique préalable) ; adoption provisoire par les municipalités (après information publique) ; puis, enfin, adoption définitive par la communauté autonome.

Les villes et leurs regroupements Les plans municipaux doivent respecter le plan global et les directives d’aménagement du territoire. Ils sont adoptés définitivement par les communautés autonomes avant leur entrée en vigueur, de manière à faciliter le contrôle du respect de la législation

sectorielle nationale et d’autonomie. Une commission d’urbanisme composée de fonc-tionnaires des communautés autonomes et des municipalités est en charge d’apporter les documents nécessaires. La tendance actuelle est ainsi à la planifi-cation stratégique et sectorielle au niveau des communautés autonomes et à une

planification contraignante de la part des échelons subrégionaux. Les outils présentés ont un fort caractère normatif et tracent des solutions concrètes en matière de qualification des sols, de tracés des infrastructures, de

régime de protection et restriction des usages. Pour l ’heure, seules quelques collectivités – Pays Basque, Navarre, Catalogne, Andalousie ainsi que les archi-pels – s’en sont emparées, même si leur généralisation est en devenir.

La planification n’est pas une prioritéExcepté pour quelques régions identifiées, la planification du territoire ne constitue pas une priorité des administrations publiques. À la différence de la planification sectorielle liée à un thème particulier ou au secteur de l’urbanisme, elle nécessite un tour de table des administrations publiques très difficile à réunir, notamment du fait de l’histoire du pays. Les régions où une telle discussion s’est mise en place ont instauré de nouvelles formes de gouvernance. Il existe un contraste fort à cet égard entre l’effort législatif qui a été consenti ces der-nières années et la production effective de plans stratégiques qui peut également s’expliquer par l’absence d’une culture poli-tico-administrative de coopération et de coordination territoriale. Élodie Hiltenbrand, Thomas Lecomte,

Pauline Malet, Carole Robert, Silvère Say, élèves administrateurs

territoriaux, promotion Léo Lagrange

Échelle territoriale Actions en matière d’aménagement du territoire

Niveau national État

élaboration de plans sectoriels (énergie, eau, infrastructures) d’intérêt territorial à l’échelle nationale

élaboration de plans économiques d’intérêt national ou régional

Niveau régional Communautés autonomes

élaboration de plans d’occupation du territoire d’échelle régionale ou infrarégionale

approbation de manière définitive des plans d’urbanisme municipaux

Niveau subrégional

Provinces

pas de compétence en matière de planification territoriale mais élaboration de plans de secteur (en matière d’infrastructures) d’intérêt territorial

rédaction de plans stratégiques de finalité territoriale

Comarcas

Dans certaines communautés autonomes, les comarcas jouent un rôle en tant qu’échelle d’intervention administrative, à qui l’on reconnaît une existence et des compétences légales. Elles sont le cadre des plans subrégionaux, sous l’égide des communautés autonomes.

Intercommunalités (mancomunidad)

Par transfert des villes ou par les lois les régissant, élaboration des plans d’urbanisme

Niveau municipal Villes Élaboration de plans d’urbanisme

Domaines d’intervention des différents échelons territoriaux en matière d’urbanisme

Les communautés autonomes espagnoles jouent un rôle majeur en matière d’aménagement. / © morfeo86ts12 / Fotolia

Les communautés autonomes votent des lois d’aménagement du territoire

www.adcf.org • N° 215 • DÉCEMBRE 2016

19URBANISME

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« Les régions ont besoin des métropoles pour avoir des pôles universitaires forts »

La métropole de Rennes entretient des partenariats étroits et anciens avec le monde de l’enseignement et de la recherche. Isabelle Pellerin, vice-présidente, croit fermement au rôle à jouer des métropoles en matière d’ESR. Explications.

Vous avez pris connaissance de la synthèse de l’article des chercheurs Popsu rédigée pour Intercommunalités (voir ci‑dessus). Partagez‑vous ses conclusions ?Il s’agit d’une synthèse, donc la réflexion est sûrement raccourcie. Néanmoins, ses conclusions ne paraissent pas toutes évi-dentes, car j’estime que les métropoles sont aujourd’hui largement investies dans le champ de l ’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Auparavant, le lien métropoles-universités était envi-sagé sous l ’angle de l ’aménagement et de l’immobilier. Ce n’est plus vraiment le cas : il me semble que les principales métropoles universitaires ont aujourd’hui bien compris l’importance de l’enjeu de l’économie de la connaissance, et que leur implication va bien au-delà d’une mise à disposition de foncier et d’une seule politique d’aménagement. Mais mon point de vue témoigne éga-lement d’une originalité rennaise. Sur notre territoire, le partenariat entre universités et collectivités locales (ville et intercommunalité) est très fort, et ce depuis longtemps. La ville de Rennes s’est développée grâce à son université. Quant à la métropole, elle a été l ’une des premières à réaliser un schéma de développement universitaire. Ce projet concerté a d’ailleurs approfondi encore le lien entre collectivité et monde de l’enseignement supérieur.

L’article pointe l’implication conjointe – à l’articulation pas toujours évidente – des métropoles, de la région et de l’État. Comment travaillez‑vous avec ces acteurs ?Les régions sont chefs de file sur un ensemble de domaines. Néanmoins, les métropoles ont vu leur légitimité être reconnue dans le champ de l’ESR. En outre, elles sont de plus en plus conscientes que l’aménagement et l’intégration des campus dans la ville, qui est un sujet majeur, n’est plus la seule entrée possible, mais que l’ESR est un véritable facteur de rayonnement, un levier de développement économique. Les métropoles ne peuvent laisser la région

et l’État traiter seuls ces sujets. Les régions ont besoin des métropoles pour avoir des pôles universitaires forts. En Bretagne, le choix des projets et leur définition dans le cadre du dernier contrat de plan État-région (CPER) se sont faits entre État, région et métropole dans le respect des compétences de chacun. De plus, la région Bretagne a élaboré un schéma régional de l’enseignement supérieur et de la recherche à peu près en même temps que le schéma de développement universitaire de la métropole. Les deux collectivités se sont mutuellement associées à la réalisation de ces documents. Leurs deux approches ont été différentes et complémentaires.

Comment les acteurs de l’enseignement supérieur perçoivent‑ils cette ambition de la métropole de Rennes en matière d’ESR ?Il faudrait leur poser directement la question ! Néanmoins, je crois que notre démarche est perçue de façon tout à fait positive, jamais comme une forme d’ingé-rence. Au contraire, il me semble que nous jouons plutôt un rôle facilitateur. Dans le cadre de la stratégie de développement universitaire, nous avons mis l’accent sur l’aménagement des campus, en utilisant la planification comme un levier pour donner du rayonnement aux universités, développer la vie étudiante, renforcer la visibilité des pôles de recherche et de for-mation, etc. Nous avons également mis en place une conférence métropolitaine de l’ESR, instance informelle qui se réunit deux à trois fois par an. Tous les acteurs de l’ESR du territoire en font partie, ainsi que l’État et la région. Par cette conférence, on donne aux acteurs les moyens de se réunir et d’intervenir sur des sujets collectifs. Aujourd’hui, nous venons de terminer la construction d’une cité internationale pour l’accueil de chercheurs internationaux et portons ensemble une candidature à l’appel à projets « Initiatives d’excellence ». J’ai coutume de dire que la métropole joue le rôle d’animateur du territoire, y compris en matière d’ESR, pour porter plus effica-cement des projets partagés.

Propos recueillis par Apolline Prêtre

Isabelle PellerinVice-présidente à l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de Rennes Métropole (Ille-et-Vilaine) view

Universités et métropoles : stratégies croisées ou constructions parallèl es ?

L’économie de la connaissanceSur six numéros successifs, Intercommunalités revient sur les études conduites au sein de dix territoires métropolitains par l’équipe de chercheurs de la plate-forme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), un programme de recherche accompagné par les ministères du Logement et de l’Environnement. Ce mois-ci, regards croisés sur l’économie de la connaissance.

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Dans leur article intitulé « Universités et métropoles : stratégies croisées ou constructions parallèles ? », Hélène Dang Vu, Olivier Ratouis, Bernard Bensoussan et Sarah Cordonnier examinent les coopérations entre universités et métropoles. Ils démontrent que malgré des rapprochements (opérations d’aménagement, plan Campus), universités et collectivités conservent leur distance, obéissant à des logiques d’action différentes.

À Rennes, la coopération entre région et métropole s’opère dans le respect des compétences de chacun. / © Jean-Claude Moschetti / RÉA

P armi les multiples façons d’abor-der le rôle des universités dans la construction des métropoles fran-

çaises, plusieurs équipes du programme Popsu 2 ont choisi d’interroger la réalité des coopérations de ces établissements avec les collectivités territoriales en charge du déve-loppement des métropoles (depuis les com-munes et EPCI de la métropole jusqu’aux régions). Au départ de ce questionnement, un constat commun : le succès des théories de l’économie de la connaissance et, en lien, l’acceptation voire la revendication, par les acteurs universitaires comme ceux des collectivités des dix métropoles étudiées,

de la nécessité de se rapprocher et de co-porter des projets d’envergure métropoli-taine ainsi que des stratégies communes. À lire ces travaux pourtant, derrière le discours, la coopération ne semble pas toujours évidente ni effective.

Des référentiels différentsD’abord parce que le milieu universitaire et celui des collectivités ne fonctionnent pas selon les mêmes logiques et contraintes. Si les collectivités ont une grille de lecture parfois très sectorielle, de leur côté les universitaires fonctionnent encore large-ment selon des référentiels nationaux voire

internationaux qui recouvrent finalement assez peu les problématiques territoriales (cf. les grilles d’évaluation utilisées par les classements internationaux et l’influence de ceux-ci sur les modalités d’évaluation de la performance des universités et des universitaires).Ensuite, l’instabilité du jeu d’acteurs peut freiner la coopération effective entre universités et collectivités. Du côté de l’université d’abord, les recompositions institutionnelles – création des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), puis des communautés d’univer-sités et établissements (COMUEs), fusion

des universités ou avortement de fusions programmées – ne facilitent pas la lisibilité du système universitaire et n’aident donc pas les acteurs extérieurs à identifier des interlocuteurs qui leur seraient utiles dans le cas d’une éventuelle coopération. Du côté des collectivités, l’alternance (bien sûr nécessaire et souhaitable) des équipes municipales et intercommunales peut éven-tuellement entraver le suivi des dossiers ; de même que les rivalités et l’évolution des rap-ports de force entre échelons territoriaux peuvent complexifier les relations entre les universités et leurs partenaires locaux. Rappelons que les régions ont souvent été,

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« LyonTech-la Doua 2025 : urbaniser le campus et universitariser la ville »

La Métropole de Lyon, en partenariat avec plusieurs universités, porte un vaste projet d’aménagement du campus de la Doua. Tour d’horizon.

Quelles sont les caractéristiques du campus de la Doua ? Le campus de la Doua date des années 1960. Il s’étend sur une zone de 100 ha au nord de la ville de Villeurbanne. Premier campus scientifique de la métropole, il regroupe notamment l’université Claude Bernard Lyon 1, l ’Institut national des sciences appliquées et l’École supérieure de chimie, physique, électronique (CPE Lyon). Au total, ce sont près de 30 000 usagers dont 25 000 étudiants, 2 000 chercheurs, 1 500 doctorants mais aussi 70 entre-prises et 700 salariés qui le fréquentent ; 6 000 étudiants sont logés sur place.

Aujourd’hui, le campus fait l’objet d’un vaste projet baptisé « campus LyonTech‑la Doua 2025 ». Quels en sont les objectifs ?Le campus dispose d’un potentiel scien-tifique et économique de premier ordre ; l ’enjeu du projet est de moderniser, de révéler et d ’amplifier ces atouts. Cela passe par un renforcement des passe-relles entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise pour favoriser l’inno-vation, élément clé de la compétitivité métropolitaine. Au-delà des opérations immobilières, pour atteindre cet objectif économique, il faut aussi proposer un espace de très grande qualité de vie qui soit intégré dans la ville. Or, le campus est aujourd’hui perçu comme un espace fermé. Il s’agit donc de passer par une prise de

conscience de la valeur de cet espace pour ces usagers mais aussi pour l ’ensemble des habitants de la métropole.

Quels sont les principaux éléments de contenu de ce projet ?Tout d’abord, ce qui doit être remarqué dans ce projet, c’est un copilotage exem-plaire par la métropole et l’université de Lyon et le partenariat actif entre les établis-sements d’enseignement, l’État, la région et la ville de Villeurbanne. Ce projet est à la croisée de trois enjeux interdépendants : le renforcement des passerelles entre monde universitaire et monde économique, le renouvellement urbain et l’amélioration de la qualité de vie. Le principal levier d’action est la réalisation d’opérations de construction et d’aména-gement : le montant de l’investissement global atteint plus de 340 millions d’euros (dont 250 millions d’euros de l’État). La structuration fonctionnelle de l’ensemble a été repensée afin de dégager six quartiers scientifiques inter-établissements rendant visibles les thématiques d’excellence du campus. Ces opérations immobilières sont accompagnées d’une requalification des espaces publics dans l’optique d’une qualité de vie amplifiée. La relation avec la ville sera facilitée avec la future ligne de tramway T6 qui reliera le campus au centre-ville de Villeurbanne. De nouveaux logements étudiants seront construits sur le campus mais aussi dans la centralité même de la ville.

Et sur le plan de l’urbanisme en particulier, que prévoit le projet ?Les opérations de valorisation du campus vont souligner son identité : proximité de grands parcs, du Rhône, lien direct avec Villeurbanne et Lyon… Cela passe par un travail sur la visibilité des entrées du campus, le traitement des limites, la struc-turation des circulations internes autour des quartiers scientifiques et la création d’un axe vert paysagé est-ouest dédié aux modes doux… Les espaces disponibles du campus en contact avec la ville auront un rôle stratégique : ils permettront de faire le

lien entre ville et campus en accueillant des équipements publics, des commerces, des habitations, des services... Le campus devient un quartier de grande qualité urbaine dans un environnement universitaire d’excel-lence. Jean-Paul Bret, maire de Villeurbanne et vice-président de la Métropole de Lyon délégué à l’université, utilise la formule « urbaniser le campus et universitariser la ville » pour parler du projet LyonTech-la Doua 2025. Cette ambition est la condition pour réussir à installer le campus comme une référence européenne de l’innovation.

Propos recueillis par Erwan Le Bot

Delphine Picard et Sophie CourtinatRespectivement chef de projet Développement des campus de la Métropole de Lyon et chargée de développement du campus LyonTech-la Doua à l’université de Lyon

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Universités et métropoles : stratégies croisées ou constructions parallèl es ?

hors Île-de-France, des acteurs « naturels » de l’enseignement supérieur, un peu dans la continuité de leurs missions auprès des lycées. Les communautés urbaines sem-blaient bien moins légitimes. Aujourd’hui, les métropoles montent en force sur des opérations d’aménagement universitaire (dans le cadre de projets urbains métro-politains, d’opérations immobilières, mais aussi dans le cadre de plans de déplace-ments universitaires, etc.) sans que les régions ne désinvestissent complètement le terrain.

Dispersion des énergiesMais plus encore, c’est peut-être surtout l’ambigüité de la posture, et notamment celle des acteurs universitaires et de l’État dans le champ de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui complique la copro-duction effective de projets métropolitains. Cette ambigüité n’est pas nouvelle : elle a déjà été commentée par Jérôme Aust dans les années 2000. Elle s’exprime d’abord par

le fait que paradoxalement, les dispositifs et projets qui vont engager l ’université dans son territoire sont pour beaucoup initiés par l ’État : Opérations Campus, pôles de compétitivité, etc. L’enseignement supérieur et la recherche reste donc bien

un domaine de compétence de l’État, mais sur lequel, et c’est là toute l’ambivalence, les collectivités sont sensiblement mises à contribution. À leur tour, les universi-tés sollicitent elles aussi directement les collectivités dans le cadre de contrats de plan État-région et d’autres projets, tout en exigeant qu’elles restent à distance par crainte de les voir s’ingérer dans les affaires académiques. Mais les collectivités sont de

plus en plus réfractaires à jouer les simples agents payeurs ; elles demandent à être associées davantage dans le contenu des projets qu’elles financent.Ces malentendus ou décalages peuvent expliquer un certain nombre de rendez-

vous manqués entre universi-tés et collectivités territoriales, ou du moins des coopérations encore parfois limitées alors que les intérêts sont bien parta-gés. Les politiques et dispositifs mis en œuvre pour accueillir les étudiants internationaux

dans les métropoles françaises en sont un bon exemple. Voilà en effet un sujet sur lequel universités et collectivités ter-ritoriales devraient se retrouver : pour la métropole, ces étudiants sont des futurs ambassadeurs et peut-être même ses propres futurs cadres ; pour l’université, l’accueil d’étudiants internationaux consti-tue un standard international, il est un indicateur de son attractivité ainsi qu’un

élément de visibilité. On pourrait donc penser qu’universités et acteurs publics mettent en œuvre des moyens et disposi-tifs communs pour organiser cet accueil. Mais les travaux de Bernard Bensoussan et Sarah Cordonnier ne le confirment pas vraiment ; ils donnent plutôt à voir une dispersion des énergies et un déficit de coordination des actions engagées par chacun. Il s’agit là d’un exemple parmi d’autres qui souligne l ’écart persistant entre discours et réalité et qui montre, par là même, le chemin à parcourir pour concrétiser les co-engagements annoncés entre métropoles et universités.

Hélène Dang Vu, Olivier Ratouis, Bernard Bensoussan et Sarah Cordonnier

Découvrez l’article complet dans Économie

de la connaissance : une dynamique métropolitaine ?, sous la direction d’Élisabeth Campagnac-Ascher, éditions du moniteur, 2015.

Premier levier du projet LyonTech-la Doua : l’aménagement, pour mieux intégrer le campus dans la ville. / © Stéphane Audras / RÉA

Les métropoles montent en force sur des opérations d’aménagement universitaire

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RÉGION OCCITANIE

Une Assemblée des territoires pour un meilleur dialogue entre collectivitésL e 4 novembre 2016 avait lieu à Albi la séance constitutive

de l’Assemblée des territoires en Occitanie Pyrénées-Méditerranée. Un dispositif unique en France créé à l’initia-

tive de Carole Delga, ancienne ministre et présidente de la région.Cette assemblée a pour objectif de favoriser la démocratie ter-ritoriale et le dialogue au sein de la nouvelle région, d’inscrire l’action de cette dernière dans la proximité et la concertation, de faciliter la mutualisation d’expériences, l’innovation et la co-construction. Elle est composée de 158 élus des territoires, soit autant de sièges qu’au sein du conseil régional. Ses membres sont issus des territoires de projet (Pays, pôles d’équilibre territoriaux

et ruraux, parcs naturels régionaux, groupes d’action locale, communautés d’agglomération, métropoles…). Leur désignation a dû veiller à respecter la parité, ainsi qu’une bonne représen-tation de tous les territoires.« Je crois en la République des territoires et je suis convaincue que c’est par la proximité et le dialogue territorial que nous pourrons mettre en œuvre toute notre intelligence collective, au service de nos citoyens. La région est prête à questionner, tester, adapter ses politiques pour répondre au plus près aux attentes et besoins locaux. L’action collective est, dans notre région, synonyme d’efficacité, d’accélérateur de croissance, de

développement et d’innovation pour nos territoires et nos entreprises », a indiqué Carole Delga, quelques jours avant le lancement de l’Assemblée des territoires.Le rassemblement du 4 novembre a permis d’inaugurer des pratiques de concertation plus innovantes que celles d’un conseil d’élus classique : la plé-nière d’ouverture a été suivie de travaux en ateliers plus restreints, le choix des thèmes de travail s’est déroulé via un vote par SMS et l’accent a été mis sur la volonté d’encourager l’échange et le dialogue. « C’est un saut dans l’in-connu, un pari politique mais aussi un moment peut-être historique, a estimé Gérard Onesta, élu régional. Le législateur nous regarde. » AP

SAINT-BRIEUC AGGLOMÉRATION (CÔTES-D’ARMOR)

Des aménagements en faveur de la politique d’insertion socialeE n novembre dernier, les Ateliers

du Cœur de Saint-Brieuc se sont installés dans des locaux flambant

neufs de la nouvelle zone urbaine des Plaines Villes de Ploufragan. Un démé-nagement nécessaire étant donné la vétusté des anciens locaux, et rendu pos-sible par l’agglomération de Saint-Brieuc qui a pris en charge la construction du bâtiment dans le cadre de son plan plu-riannuel d’investissement d’insertion.Les Ateliers du Cœur incarnent en effet l ’un des acteurs importants du champ de l’insertion sur le territoire briochin. Cette association, créée en 1994 à l’initiative des Restos du Cœur, a pour objet de lutter contre l’exclu-sion et d’accompagner les personnes démunies vers leur réinsertion sociale et professionnelle. Une convention permet à 36 personnes du territoire d’être accueillies en contrats à durée déterminée d’insertion (CDDI) au sein de quatre chantiers d’insertion consacrés à la restauration, la couture, l ’équipement de la maison et la menuiserie. Ces personnes perçoivent le RSA socle sur prescription de Pôle emploi. Elles bénéficient également d’un accompagnement dans leur projet professionnel assuré par les Ateliers du Cœur.

Un plan pluriannuel d’investissement d’insertionLe soutien aux Ateliers du Cœur s’inscrit pleinement dans la volonté de la communauté de renforcer sa politique d’inser-tion sociale et professionnelle. Le territoire de Saint-Brieuc Agglomération était déjà actif en matière d’insertion à travers plusieurs actions, telles que l’animation et la gestion de l’Es-pace Initiatives Emploi et le pilotage et la mise en œuvre de la clause d’insertion sociale et du contrat de ville. Afin de

donner davantage de cohérence, de lisibilité et d’efficacité à ces interventions, l’agglomération s’est dotée d’une plateforme d’insertion sociale et professionnelle. Elle a également fait le choix de doter sa politique d’insertion de moyens financiers conséquents. En 2016, les 400 000 euros du budget « sub-ventions et cotisations » ont permis de co-construire, avec l’ensemble des partenaires opérateurs et institutionnels, un programme annuel d’actions d’insertion sociale et profession-nelle ambitieux. Une intervention complétée par l’élaboration d’un plan pluriannuel d’investissement d’insertion comportant, entre autres, le projet immobilier des Ateliers du Cœur. Le coût total des travaux s’est élevé à 1,68 million d’euros, dont 1,5 million portés par l’agglomération. Une clause d’insertion a été intégrée au chantier : sur l’ensemble du projet, non moins de 735 heures d’insertion ont été réalisées par des personnes du territoire en recherche d’emploi.

AP

MÉTROPOLE EUROPÉENNE DE LILLE (59)La MEL lance son site d’open dataLa Métropole européenne de Lille a ouvert son site d’open data. Une initiative concou-rant à la transparence de l’action publique, mais également à l’innovation et à la créa-tion de nouveaux services par des entre-prises. « Ouvrir les données de la MEL, c’est fournir aux habitants l’opportunité d’accé-der demain à de nouvelles applications et à de nouveaux services, explique Damien Castelain, président de la métropole. Cette plateforme a d’ailleurs déjà attiré l’attention de Handisco, une start-up qui a mis au point une canne connectée pour les non-voyants et qui souhaite accéder à nos données théoriques des transports en commun pour les intégrer à son système. »

Cinquante-six jeux de données sont aujourd’hui mis à disposition, dans des domaines très variés (localisation des abris à vélos, des pistes cyclables, disponibilité des parkings en temps réel, subventions versées par la MEL en 2015…), et d’autres viendront progressivement enrichir le site. Celui-ci pourra également servir de plateforme pour une mutualisation avec l’ensemble des 85 communes du territoire.

COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DE SAINT-OMER (62)Encadrer l’affichage publicitaire pour préserver les paysagesÀ la communauté d’agglomération de Saint-Omer, 87,5 % des dispositifs publicitaires présents sur le territoire seraient non conformes. L’agglomération s’est récem-ment vu transférer la compétence en matière de police de l’affichage publicitaire ; il lui appartiendra donc désormais de faire res-pecter la réglementation dans ce domaine, sur laquelle elle travaille actuellement.

Le nouveau règlement aura pour objectif la préservation du paysage afin de « renfor-cer l’attractivité du territoire » et d’affirmer « l’identité et l’image de l’intercommuna-lité en homogénéisant les règles », notam-ment avec celles du parc naturel régional du territoire de Saint-Omer. Il visera entre autres à harmoniser les formats, à limiter les enseignes scellées au sol et celles fixées sur les toits, à accroître les critères esthé-tiques dans l’affichage, et s’appuiera sur un zonage de l’agglomération afin de protéger plus efficacement les aires à haute valeur architecturale ou paysagère.

COMMUNAUTÉS DE COMMUNES DU PAYS TOY ET DE SARLAT - PÉRIGORD NOIR (24)Une mutuelle de santé intercommunaleDes mutuelles de santé trop onéreuses, mais une couverture maladie universelle inaccessible faute d’entrer dans les cri-tères de ressources demandés : telle est la situation que connaît aujourd’hui une part croissante de la population. Face à ce phénomène, le collectif citoyen Actiom se propose d’accompagner les collectivités qui souhaiteraient mettre à la disposition de leurs administrés une offre de mutuelle locale. Si le programme « Ma commune ma santé » concerne majoritairement des municipalités, certaines intercommuna-lités, comme les communautés de com-munes du Pays Toy (Haute-Pyrénées) ou de Sarlat - Périgord Noir (Dordogne), se sont saisies de l’opportunité.

Actiom leur propose une offre peu coû-teuse grâce à un partenariat avec trois mutuelles qui se sont entendues sur des tarifs réduits. La communication auprès des administrés et la gestion des dossiers sont assurées à la fois par l’association et par les collectivités. Quant aux souscrip-teurs, ils devraient pouvoir réaliser entre 20 % et 60 % d’économies par rapport aux tarifs classiques.

Les nouveaux locaux accueilleront la partie administrative des Ateliers du Cœur et plusieurs chantiers d’insertion. / © Saint-Brieuc Agglomération

L’Assemblée des territoires veut encourager le dialogue par l’usage de pratiques de concertation innovantes. / © Frédéric Scheiber

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22 TERRITOIRES

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Les communautés de communes doivent prendre leurs responsabilités écologiques

Au 1er janvier 2017, la totalité des communautés se verront confier, à titre obligatoire, la compétence de collecte et traitement des déchets ménagers. À la veille de cette échéance, David Lelubre, président de la communauté de la Région de Bar-sur-Aube (27 communes, 12 133 habitants), témoigne du rôle essentiel que cette compétence « déchets » devra jouer dans la transition écologique.

L e 4 novembre, l’accord de Paris, signé l’année dernière par 31 pays, est entré en vigueur juste avant le début de la

22e Conférence des parties sur le climat (COP22) de Marrakech, au Maroc. Cet accord ambitionne de contenir le réchauf-fement climatique sous le seuil de 2 °C par rapport au niveau préindustriel.Ce réchauffement climatique est la résul-tante de plusieurs facteurs, dont notamment la pollution industrielle et l’augmentation des gaz à effet de serre… Tous ces indicateurs sont autant de lanceurs d’alerte sur les risques réels et actuels qui pourraient compromettre les vie des générations futures.L’enjeu est donc mondial, mais l’action touche et doit toucher l’échelle locale de chaque pays. Comme on aime à nous le répéter aujourd’hui, chaque petit geste compte. Si cette litanie est entrée dans nos têtes, encore faut-il qu’elle entre aussi dans nos habitudes. Et c’est bien là le véritable enjeu. Pour cela, il semble exister une action quotidienne essentielle qui aurait des effets bénéfiques à long terme : le tri des déchets.

La question environnementale multiscalaireDepuis plusieurs décennies, la question environnementale est devenue omni-présente dans les médias – le traitement médiatique des conférences sur le climat en est la preuve. Et pour cause, les enjeux économiques notamment dus à l’envolée des prix des matières premières et fossiles ont conduit à une implication politique toujours plus importante et ont placé les questions environnementales au centre des débats publics.Mais le sujet le plus important, aujourd’hui, reste celui du tri des déchets. En effet, au cours des trente dernières années,

la production moyenne en France de déchets par habitant a été multipliée par cinq. Désormais, elle dépasse les 480 kg par an. Cet accroissement, qui s’observe dans l’ensemble des pays industrialisés, s’explique par la conjugaison des facteurs démogra-phiques, techniques et de marketing. En effet, consommer beaucoup, c’est jeter beau-coup. Cette surabondance d’emballages encombrants représente environ 50 % du volume de nos poubelles, ce qui ne va pas sans poser de problèmes quant à la gestion de

ces résidus de consommation. Pour tenter de résorber ces difficultés, l’État a été conduit à statuer sur le traitement des déchets, faisant rentrer le déchet au centre des enjeux envi-ronnementaux et économiques.Mais c’est bien à l’échelle locale que l’ac-tion sera la plus efficace tant au niveau de son organisation que sur l’impact réel qu’elle aura.Dès lors, le tri doit apparaître comme le premier acte éco-citoyen essentiel et à la portée de tous.

Une compétence pour les communautésAujourd’hui, les collectivités sont soumises à deux forces qui semblent s’affronter. D’un côté, la dotation générale de fonctionne-ment versée par l’État pour les communes et les communautés a accusé une baisse importante de près d’un milliard d’euros, réduisant très fortement les moyens des collectivités. De l’autre côté, le poids et le volume des déchets sont devenus pour les collectivités, confrontées au premier chef à ce problème, un enjeu fort – si ce

n’est primordial – pour les années à venir.Pourtant, ces deux forces ne sont pas tant opposées l’une à l’autre. Elles pourraient même devenir complémentaires. En effet, certaines communautés de communes ont réussi à optimiser les dépenses com-munautaires de certains secteurs afin d’en privilégier d’autres, qui semblent plus importants, comme la gestion des ordures ménagères et la déchèterie. En bref, elles promeuvent une croissance éco-nomique verte pour avoir une meilleure qualité du cadre de vie. Pour cela, le tri, la déchèterie et les composteurs individuels sont autant d’outils complémentaires qui doivent faciliter le recyclage des ordures pour ne laisser dans nos poubelles que les déchets non recyclables.

Le tri des déchets, une urgenceLe plus souvent, ces communautés sont reconnues « territoires à énergie positive pour la croissance verte », un label qui

distingue les territoires d’excellence de la transition énergétique et écologique. Mais pour que l’action ait des résultats prégnants, il convient que chaque collectivité, chaque communauté de communes, dont celles notamment qui accueillent des industries fortement polluantes, fasse une place cen-trale à la question du tri des déchets indus-triels comme ménagers.Le tri des déchets est un point d’honneur sur lequel les collectivités ne peuvent passer sans rien faire, tant les répercussions posi-tives pourraient être mesurées à l’échelle globale et sur un laps de temps infini. Et il y a urgence à faire du concret ! Le processus sera long à se mettre en route, les résul-tats se feront attendre, mais d’ici quelques années on notera des changements plus que bénéfiques. C’est pour cela qu’il faut croire que chaque petit geste de tri du quotidien est important : ces petits gestes impulsent, dès aujourd’hui, les grandes actions de demain !

David LelubrePrésident de la communauté de communes de la Région de Bar-sur-Aube (Aube)

tribune

Chaque communauté doit faire une place centrale au tri des déchets industriels comme ménagers

Ces trente dernières années, la production moyenne en France de déchets par habitant a été multipliée par cinq. / © Andrey Popov / Fotolia

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23TERRITOIRES

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Page 24: Politique de la ville - AdCF · Pour l’année 2016, une enveloppe de 216 millions d’euros issus du FSIL est déjà garantie. Logements sociaux : une plateforme numérique pour

la beauté du mondePour l’entrevoir, il faut parfois le pire. Le ciel assombri en un cauchemar mugissant. Des arbres devenus brindilles. Des tôles pareilles à du carton. Il faut les cris de terreur devant l’eau la boue le vent dont la furie emporte tout. Il faut le choléra. L’ironie de la soif après tant d’eau déversée. Et c’est alors, et seulement alors, qu’on l’aperçoit. Entre les murs d’un centre de soins érigés pour ceux qui n’ont plus rien. Sur le visage d’un homme qui, enfin, a pu boire. Dans le regard d’une mère dont on a pu sauver l’enfant. La beauté absolue.

Merci à tous les donateurs qui, depuis 36 ans, nousperMettent d’œuvrer chaque jour à cette beauté.

www.medecinsdumonde.org