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31 N° 550 - Janvier - Février 2013 R e v u e h o s p i t a l i è r e d e F r a n c e I l y a treize ans, la France fournissait, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les meilleurs soins de santé généraux 4 . Pourtant son dispo- sitif de soins et de santé est un des plus coûteux au monde. Plusieurs pays obtiennent des prestations de qualité comparables voire meilleures et à un coût nettement inférieur, à hauteur de un à deux points de PIB, comme l’Espagne ou l’Italie. Dans les années 2000 5 et 2004 6 , plusieurs explica- tions étaient données : dispositif de soins et de santé centralisé et complexe, politique de prévention et de promotion de la santé lacunaire, orga- nisation du secteur ambulatoire peu intégrée, agencement des réseaux peu rationnel, professionnels et acteurs peu responsabilisés, risques de fraude et de gaspillages trop nombreux, dispositif de formation des professionnels insuffi- sant… Pour l’égalité d’accès aux soins et à la santé et la réduction des inégalités de santé Pierre-Henri BRÉCHAT* Habilité à diriger des recherches du département des politiques de santé, université Sorbonne Paris-Cité, membre de l’institut Droit et Santé - EA 4473 - de l’université Paris 5 (Paris-Descartes), membre du comité de direction de la chaire Santé de Sciences-Po, professeur de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) Pour l’égalité d’accès aux soins et à la santé et la réduction des inégalités de santé Le dispositif actuel de soins et de santé n’est pas en mesure de garantir l’égalité d’accès aux soins et à la santé et la réduction des inégalités de santé, alors qu’augmentent dans ce domaine les besoins et la paupérisation : le principe d’égalité est remis en cause. Un service public de santé peut être proposé 1 afin de réduire les inégalités qui se développent sur fond de crises économiques et financières, et pour que la cohésion nationale ne soit pas menacée 2 . Des éléments issus de travaux de recherche récents existent 3 . << Offres d’emploi Librairie Réflexions hospitalières International Précarités et inégalités Sur le web Système d’information Actualités * Praticien hospitalier spécialiste de santé publique et de médecine sociale, groupe hospitalier Lariboisière - Fernand-Widal, en mobilité au centre Cochrane français de l’Hôtel-Dieu (AP-HP) 1. Le droit de l’Union euro- péenne permet le développe- ment des services publics na- tionaux de santé. Sylvie Hen- nion, « Service public de santé et droit européen» in: Tabu- teau D. (dir), Service public et santé, collection Verbatim santé, éditions de Santé/Presses de Sciences-Po, 2012, p. 86. 2. Haut Comité de la santé publique. La Progression de la précarité en France et ses effets sur la santé, La Docu- mentation française, 1998, p. X. 3. Cet article est essentiellement issu des travaux de recherche conduits par l’auteur : Pierre- Henri Bréchat. Territoires et égalité d’accès aux soins et à la santé ; mémoire de thèse de droit public, université Paris 2 (Panthon-Assas), 2012, 612 pages ; Pierre-Henri Bréchat. « Il y a urgence pour un service public de santé ! » in : Tabu- teau D. (dir), Service public et santé, op. cit., p. 157-166. 4. OMS. Rapport sur la santé dans le monde 2000, pour un système de santé plus per- formant. Genève : éditions de l’OMS, 2000, p. 175. 5. Dominique Polton, «Quel système de santé à l’horizon 2020 ? », rapport préparatoire au schéma de services collectifs sanitaires, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Centre de recherche, d’étude et de do- cumentation en économie de la santé (CREDES), La Docu- mentation française, 2000, p. 55-159. 6. Édouard Landrain, « Infor- mation sur les réformes de l’assurance maladie en Euro- pe », rapport d’information n° 1672, Assemblée nationale, enregistré à la présidence de l’Assemblée, 15 juin 2004, p. 91-92.

Pour l’égalité d’accès aux soins et à la santé Pass Revu… · soins», in Annette Leclerc, Didier Fassin, Hélène Grandjean, Monique Kaminski, Thierry Lang (dir), Les

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Il y a treize ans, la France fournissait,selon l’Organisation mondiale de lasanté (OMS), les meilleurs soins de

santé généraux 4. Pourtant son dispo-sitif de soins et de santé est un des pluscoûteux au monde. Plusieurs paysobtiennent des prestations de qualitécomparables voire meilleures et à uncoût nettement inférieur, à hauteur deun à deux points de PIB, commel’Espagne ou l’Italie. Dans les années2000 5 et 2004 6, plusieurs explica-tions étaient données : dispositif desoins et de santé centralisé etcomplexe, politique de prévention et depromotion de la santé lacunaire, orga-nisation du secteur ambulatoire peuintégrée, agencement des réseaux peurationnel, professionnels et acteurs peuresponsabilisés, risques de fraude et degaspillages trop nombreux, dispositif deformation des professionnels insuffi-sant…

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Pierre-Henri BRÉCHAT*Habilité à diriger des recherches du département

des politiques de santé, université Sorbonne Paris-Cité,membre de l’institut Droit et Santé - EA 4473 -

de l’université Paris 5 (Paris-Descartes), membre du comité de direction

de la chaire Santé de Sciences-Po, professeur de l’Écoledes hautes études en santé publique (EHESP)

Pour l’égalité d’accèsaux soins et à la santé

et la réduction des inégalités de santéLe dispositif actuel de soins

et de santé n’est pas en mesure de garantir

l’égalité d’accès aux soins et à la santé

et la réduction des inégalités de santé,

alors qu’augmentent dans ce domaine

les besoins et la paupérisation :

le principe d’égalité est remis en cause.

Un service public de santé peut être

proposé 1 afin de réduire les inégalités

qui se développent sur fond de crises

économiques et financières, et pour

que la cohésion nationale ne soit pas

menacée 2. Des éléments issus de travaux

de recherche récents existent 3.

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* Praticien hospitalier spécialiste desanté publique et de médecine sociale, groupe hospitalier Lariboisière -Fernand-Widal, en mobilité au centreCochrane français de l’Hôtel-Dieu (AP-HP)

1. Le droit de l’Union euro-péenne permet le développe-ment des services publics na-tionaux de santé. Sylvie Hen-nion, «Service public de santéet droit européen» in : Tabu-teau D. (dir), Service publicet santé, collection Verbatimsanté, éditions de Santé/Pressesde Sciences-Po, 2012, p. 86.2. Haut Comité de la santépublique. La Progression de laprécarité en France et seseffets sur la santé, La Docu-mentation française, 1998,p. X.3. Cet article est essentiellementissu des travaux de recherche

conduits par l’auteur : Pierre-Henri Bréchat. Territoires etégalité d’accès aux soins et àla santé ; mémoire de thèsede droit public, université Paris 2(Panthon-Assas), 2012, 612pages; Pierre-Henri Bréchat.«Il y a urgence pour un servicepublic de santé !» in : Tabu-teau D. (dir), Service publicet santé, op. cit., p. 157-166.4. OMS. Rapport sur la santédans le monde 2000, pourun système de santé plus per-formant. Genève: éditions del’OMS, 2000, p. 175.5. Dominique Polton, «Quelsystème de santé à l’horizon

2020?», rapport préparatoireau schéma de services collectifssanitaires, ministère de l’Emploiet de la Solidarité, Centre derecherche, d’étude et de do-cumentation en économie dela santé (CREDES), La Docu-mentation française, 2000,p. 55-159.6. Édouard Landrain, « Infor-mation sur les réformes del’assurance maladie en Euro-pe», rapport d’informationn° 1672, Assemblée nationale,enregistré à la présidence del’Assemblée, 15 juin 2004,p. 91-92.

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Précarités et inégalités en santé : prises en charge et activités PASS

Contexte et priorités ont changé. Notredispositif est-il en capacité d’yrépondre ? Si dès 1998, le Haut Comitéde la santé publique nous alertait surla progression de la précarité et seseffets sur la santé, qui concernait alorsprès de 25 % de la population, tout ensignalant un bouleversement de lasociété française qui creusait les inéga-lités sociales et menaçait à terme lacohésion nationale 7, la paupérisationaccrue par la crise économique estaussi à prendre en compte.En 2012, l’Institut national des étudesdémographiques (INED) indiquait quel’espérance de vie en bonne santé dimi-nuait depuis plusieurs années, et cemalgré un allongement continu de l’es-pérance de vie et une améliorationgénérale de l’état de santé.Les inégalités de santé s’accroissententre catégories sociales : avec unedurée de vie plus courte, les ouvriersvivent un plus grand nombre d’annéesavec des problèmes de santé 8 etsubissent une « double peine » 9. EnNord-Pas-de-Calais, le recours auxsoins est souvent trop tardif en raisonde difficultés sociales mais aussi del’absence de prévention et d’un secteurambulatoire dégradé 10,11. Les inéga-lités de santé tant régionales qu’infra-régionales ne se réduisent pas, voires’accroissent 12,13. Ces inégalités sont

7. Haut Comité de la santé publique(HCSP), La Progression de la pré-carité, op. cit., p. X.8. Sandrine Danet, Nicolas Cocagne,Aurélie Fourcade, «L’état de santéde la population en France», rapportde suivi des objectifs de la loi desanté publique 2009-2010, sérieÉtudes et recherches, DREESn° 747, janvier 2011, p. 8.9. HCSP. Les inégalités socialesde la santé : sortir de la fatalité,Haut Conseil de la santé publique,2009, p. 32.10. Suscitant aussi une surconsom-mation de soins ainsi que des dé-penses de soins ambulatoires et hos-pitaliers plus élevées par rapport à lamoyenne nationale. Voir «Les dis-parités territoriales de dépenses desanté dans le Nord-Pas-de-Calais auregard des facteurs démographiques,sanitaires et sociaux», Vincent Malaizé,David Desrivierre, Pages de profilsn° 105, INSEE 2012.

11. Cela peut vouloir dire que l’effetboomerang de l’augmentation desdépenses de l’assurance maladieen raison d’un désengagement dusecteur social - que Johan P. Mac-kenback et al. prévoyaient pour lagénération future – a commencé.Cité dans Johan P. Mackenback,Willem J. Meerding, Anton E. Kunst.“Economic costs of health inequalitiesin the European Union”, J EpidemiolCommunity Health 2011; 65 (5),p. 412-419.12. Jean Pascal, Roland Sambuc,Pierre Lombrail, «État de santé desFrançais», in François Bourdillon,Gilles Brücker, Didier Tabuteau (dir),Traité de santé publique, éditionsMédecine-Sciences Flammarion,2007, p. 324-326; Pierre Chauvin,Jacques Lebas, «Inégalités et dis-parités sociales de santé en France»in François Bourdillon, Gilles Brücker,Didier Tabuteau (dir), Traité de santépublique, op. cit., p. 334-341.

13. SCORE-santé de la Fédérationnationale des observatoires régio-naux de santé (FNORS) sur lasanté de la population. Disponiblesur: http://www.score.sante.org/sco-re2008/index.html [consulté le16 mars 2012].14. Haut Comité de la santé pu-blique, La Santé en France en2002, La Documentation française,2002, p. 165-166.15. Pierre Lombrail, «Accès auxsoins», in Annette Leclerc, DidierFassin, Hélène Grandjean, MoniqueKaminski, Thierry Lang (dir), LesInégalités sociales de santé, col-lection Recherches, éditions La Dé-couverte/INSERM, 2000, p. 403.16. Danièle Cristol, «La concurrenceentre le service public hospitalieret les cliniques privées», thèse:droit public: université Nice-SophiaAntipolis, 1993, p. 499-511.17. Didier Castiel, Pierre-Henri Bré-chat, Marie-Christine Grenouilleau.

«De la nécessité d’un financementsupplémentaire pour la prise encharge des patients handicapés so-ciaux à l’hôpital», Presse Med2007; 36 (2 Pt 1), p. 187-188;Didier Castiel, Pierre-Henri Bréchat,Marie-Christine Grenouilleau, RolandRymer, «Handicap social et hôpitauxpublics: pour un modèle d’allocationde ressources dans le cadre d’unepolitique de santé publique», Santépublique 2009; 21 (2): 195-212.18. La définition du continuum aété faite en 2002 par le HautComité de la santé publique pourqui : « le fonctionnement actuels’inscrit difficilement dans les enjeuxde santé publique dont l’importanceapparaît de plus en plus clairement:[…] une conception globale de lasanté impliquant un continuumdes actions de prévention et desactions curatives […] », pourl’étendre au secteur médico-socialet social, cité dans HCSP. La santé

plus importantes que dans la plupartdes pays européens 14.D’autres éléments viennent interrogerce classement de l’OMS. Tous montrentque le dispositif actuel de soins et de

santé est en incapacité de garantir l’éga-lité d’accès aux soins et à la santé ainsique l’augmentation récente, en nombreet en importance, des inégalités d’accèsaux soins et à la santé.

Un dispositif de soins et de santé à bout de souffle

L’égalité d’accès aux soins - primor-diale pour éviter l’aggravation des

inégalités sociales face à la santé, mêmesi l’on considère qu’une faible part desvariations de l’état de santé est liée auxsoins médicaux 15 - a été considérable-ment réduite et de façon multiple par lesdernières réformes. La loi n° 2009-879du 21 juillet 2009 portant réforme del’hôpital et relative aux patients, à lasanté et aux territoires (HPST) aremplacé le service public hospitalier pardes missions de service public,lesquelles n’avaient pas été mises enœuvre en 2012 : il s’agit là d’une étapesymbolique du rejet de la dynamique deservice public dans le domaine sanitaire,en œuvre depuis les années 1990 16.Malgré les alertes 17, la prise en chargeglobale des soins n’est non seulementpas suffisamment prise en compte parla tarification à l’activité, mais elle tendà être aussi exclue du continuum 18 :prévention, secteur ambulatoire et

secteur médico-social et social. La priseen charge globale des soins n’est plusà l’usage de tous.Cet état de fait a pu contribuer à laconstruction d’un service hospitalier quine soit plus public car tendant à exclureles usagers « complexes » 19 - patientsprécaires, personnes âgées, patientsatteints de pathologies chroniques… -des soins et de la santé 20, à l’instar desactivités ou services 21 dont ces usagersont particulièrement besoin : gériatrie,psychiatrie, médecine interne, santépublique ; prévention, secteur ambula-toire, réseau sanitaire et social. Larecherche d’efficience de l’établissementde santé a pu se faire particulièrementau détriment de l’égalité d’accès auxsoins des patients complexes et de l’ef-ficacité sociale du dispositif.Les autres filets de sécurité que sont lespermanences d’accès aux soins de santé(PASS), les programmes régionaux pourl’accès à la prévention et aux soins des

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personnes les plus démunies (PRAPS) 22

ou la couverture maladie universelle(CMU) n’ont pas été renforcés. En outre,les PASS spécialisées - en psychiatrie,gériatrie, dentaire, etc. -, qui ont étémalgré tout développées en mêmetemps que l’ont été des offres du conti-nuum par les associations ou les orga-nisations non gouvernementales, sontporteuses, pour les patients complexes,d’un risque de stigmatisation et deremplacement du service public.Les déserts médicaux ou l’augmentationdes dépassements d’honoraires consti-tuent en plus un puissant vecteur dediscrimination dans l’accès aux soins 23.Or ils ne sont pas réduits, les réseauxmaillent les territoires infrarégionaux enpointillés et la prévention n’est pasaccessible à tous. Ceci alors que lesinégalités d’accès à l’informationaugmentent et que les inégalités inter-générationnelles interrogent.En même temps, si le taux de rembour-sement global pour les soins et biensmédicaux était, en 2009, de 82% pourles dépenses présentées au rembourse-ment, en 2012, il ne dépassait vraisem-blablement pas les 50% pour les soinscourants hors affections de longue durée(ALD) et hospitalisations 24. Il étaitencore bien moindre pour les soinsdentaires et les traitements ophtalmo-logiques, comme les lunettes.

De plus, la protection complémentairetend à devenir le pivot de la prise encharge des dépenses de santé sauf pourquatre millions de Français dont les reve-nus dépassent de peu le seuil fixé pourl’accès à la CMU, et qui ne peuvent yaccéder malgré l’aide à l’acquisitiond’une assurance complémentaire.Les services publics de santé et d’as-surance maladie sont en repli 25, alorsque les ménages les plus modestes sepaupérisent, s’imposent des restrictionsbudgétaires en matière de soins médi-caux en raison de leur coût. Étaient

concernées 8 millions de personnes(13 % des Français) en 2010, contreseulement 3 % il y a trente ans 26,27.Pourtant, la dépense de santé enFrance demeure l’une des plus élevéesau monde 28.Si l’on considère les autres déterminantsde santé 29 comme le travail, le loge-ment, l’alimentation ou l’éducation, c’estbien l’accès à la santé qui a été ainsiréduit de façon multiple, alors que lePréambule de la Constitution (27 octobre1946) précise que la nation « garantità tous, notamment à l’enfant, à la mère

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en France 2002, La Documentationfrançaise, 2002, p. 30.19. Jean-Philippe Vinquant, SéverineMayo-Simbsler, «Vieillissement etprise en charge des maladies chro-niques», Actualité et dossier en santépublique 2010; 72, p. 33-36.20. Didier Castiel, Pierre-Henri Bré-chat, Marie-Christine Grenouilleau,«De la nécessité d’un financementsupplémentaire pour la prise encharge des patients handicapés so-ciaux à l’hôpital», op. cit.21. Jacky Le Menn, Alain Milon.«Le financement des établisse-ments de santé», rapport n° 703(2011-2012) établi au nom dela commission d’évaluation et decontrôle de la sécurité sociale (1)de la commission des affaires so-ciales (2), enregistré à la présidencedu Sénat, 25 juillet 2012, p. 66.22. PASS et PRAPS ont été imposésaux établissements publics de santéet aux établissements de santé privés

assurant des missions de servicepublic par la loi n° 98-657 du29 juillet 1998 d’orientation relativeà la lutte contre les exclusions.23. Pierre Aballéa, Fabienne Bartoli,Laurence Eslous, Isabelle Yeni,«Les dépassements d’honorairesmédicaux», rapport RM n° 2007-054P, Inspection générale des af-faires sociales (IGAS), 2007.24. Pierre-Louis Bras, Didier Ta-buteau, Les Assurances maladie,Que sais-je? Presses universitairesde France, 2012, p. 80.25. Didier Tabuteau, Les Servicespublics de santé et d’assurancemaladie entre repli et renouveau.Service public et santé, éditionsde la Santé, coll. Verbatim santé,2012, p. 19.26. Régis Bigot, « L’opinion défendà la fois la liberté individuelle et lacohésion sociale. Consommationet modes de vie», CREDOC 2010;231, p. 4.

27. Il y aurait plus de Françaisque d’Américains qui déclarentavoir reporté ou renoncé à dessoins (29% contre 25%). Citédans Cercle Santé Europ Assistance.Les soins de santé en Europe etaux Etats-Unis. Résultats du baro-mètre 2011 et évolutions observéesdepuis 2006. Synthèse. CercleSanté Europ Assistance, 2011.28. L’évolution de la part des dé-penses de santé dans le PIB estglobalement stable depuis 2004.Elle représente 11,8% du PIB, soitenviron 225 milliards d’euros. «LaFrance se détache rarement, parses résultats, des autres pays à si-tuation épidémiologique et démo-graphique comparable, qui consa-crent pourtant moins de dépensesà leur système de santé […]. Leniveau de la dépense de santén’est pas un gage de la qualitédes soins dispensés, ni de l’état desanté de la population.» In Vincent

Lidsky, Pierre-Emmanuel Thiard,Maryvonne Le Brignonen, JérômeThomas, Matthieu Olivier, QuentinJeantet, Dominique Giorgi, HubertGarrigue-Guyonnaud, Marine Jean-tet, Virginie Cayre, Jeanne Davenel,«Propositions pour la maîtrise del’ONDAM 2013-2017», Inspectiongénérale des finances et Inspectiongénérale des affaires sociales [enligne], juin 2012, p. 2.29. Alvin R. Tarlov, Robert F. StPeter, The society and populationhealth reader, volume II, A stateand community perspective, NewYork, The Press, 2000, p. IX-XXV.30. APM International. «Plus de80% des médecins hospitaliersmécontents de l’évolution de l’hôpitalpublic» (sondage). Le 22 mai 2012.31. Pierre-Henri Bréchat, AntoineLeenhardt, Marie-Christine Ma-thieu-Grenouilleau, Roland Rymer,François Matisse, Denis Baraille,Philippe Beaufils. Des pôles d’activités

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Précarités et inégalités en santé : prises en charge et activités PASS

et aux vieux travailleurs, la protectionde la santé ».Les professionnels de santé 30 ont l’im-pression de « gérer la crise» plutôt quede « mettre en œuvre une politique desanté publique» 31 et que les principes,les valeurs, l’éthique, la déontologie etle droit peuvent être remis en cause 32.Les représentants d’associations d’usa-gers ont le sentiment d’être considérésdavantage comme des alibis quecomme coconstructeurs du système desanté, et comme des consommateursplutôt que des codécideurs de leursanté. Ceci, malgré les nombreusespossibilités données par le développe-ment de la démocratie sanitaire.Il y a une perte de confiance, méfiance,voire défiance dans les capacités del’État et de l’assurance maladie à prendreen compte démocratiquement lesbesoins de santé et à réduire les inéga-lités 33. Les représentants d’associationsd’usagers soutiennent l’expérimentationdu «parlement sanitaire» 34 et le déve-loppement de la démocratie participativeen santé. Dans une étude conduiteauprès des citoyens francs-comtois parleurs représentants d’associations d’usa-gers, cinq priorités ont été privilégiéespar les réponses. En ordre décroissant :disposer d’un logement, se nourrirconvenablement, disposer d’un certainrevenu, disposer d’une eau de qualité,développer le dépistage et le contrôle ducancer 35. Les représentants d’associa-

tions d’usagers demandent à participerà l’élaboration d’une politique de santérégionale et infrarégionale en associationavec les collectivités territoriales 36.L’agence régionale de santé (ARS) depremière génération s’est désengagéedu territoire infrarégional 37 : le nombrede territoires de santé a été réduit parles ARS de 32,1 % au regard de celuides précédentes agences régionales del’hospitalisation 38 ; la moyenne de lapopulation par territoire de santé estpassée de 374 000 habitants à605000 habitants. L’ARS de premièregénération a aussi peu collaboré avecles préfectures, les collectivités territo-riales, les représentants d’associationsd’usagers et les citoyens pour mettre enplace un « territoire pertinent en santépublique ». La planification de la santés’est faite au minimum de ses possibi-lités en privilégiant la contractualisationà la prise en compte des déterminantsde la santé, de la concertation et del’adaptation des offres aux besoins desanté infrarégionaux. Pourtant, c’estbien la prise en compte fine des spéci-ficités infrarégionales qui, par l’en-semble homogène d’offres du conti-nuum, ainsi que d’actions adaptées auxbesoins par déterminant de la santé, estla plus porteuse d’égalité d’accès auxsoins et à la santé, de réduction desinégalités d’accès aux soins et à lasanté, et d’amélioration de l’état desanté pour tous et partout.

Le territoire de santé n’est pas enmesure de garantir l’égalité d’accès auxsoins et à la santé, ni la réduction desinégalités de santé. Il peut être lesymbole de la remise en cause duservice public, des principes d’égalité,de solidarité et de fraternité.Nous assistons à un « crash sani-taire» 39, une « insécurité sanitaire» 40,une « inquiétante dilution des servicespublics » de santé et de l’assurancemaladie 41. Comme si la continuité dessoins et de la santé pour tous et partoutainsi que le droit des malades tendaientà être sacrifiés, au seul profit de l’aug-mentation de la consommation decertains soins pour ceux qui peuvent seles offrir. Les besoins fondamentauxcomme la santé, le logement ou l’édu-cation ne seraient plus garantis aumoment où croissent les inégalités surfond de longues crises économiques.Notre société tend à ne plus êtrejuste 42, ce qui représente un risquesupplémentaire qui peut contribuer à la«dislocation sociale» 43.Garantir l’égalité d’accès aux soins et àla santé, et réduire les inégalités desanté, suppose de faire évoluer lemodèle « revenu, précarité, accès auxsoins» vers un modèle « déterminantsde santé, amélioration de l’état de santéde la population, égalité d’accès auxsoins et à la santé » 44. Avec un but :celui de produire davantage de santéque de consommation des soins 45. Si

hospitaliers entre gestion de la criseet mise en œuvre d’une politiquede santé publique. Santé publique2010; 22 (5), p. 571-580.32. Michel Caillol, Pierre Le Coz,Régis Aubry, Pierre-Henri Bréchat,«Réformes du système de santé,contraintes économiques et valeurséthiques, déontologiques et juri-diques», Santé publique 2010;22 (6), p. 630-634.33. Pierre-Henri Bréchat, JeannetteGros, Michel Haon, Odile Jeunet,Christian Magnin-Feysot et al. «Re-présentants d’associations d’usagerset loi Hôpital, patients, santé etterritoires : enjeux et douze propo-sitions», Santé publique 2010;1, p. 131-146.34. Didier Tabuteau, «Loi HPST:des interrogations pour demain!»,Santé publique 2010; 1, p. 80.

35. Pierre-Henri Bréchat, ChristianMagnin-Feysot, Odile Jeunet, AurélieAttard, Gilles Duhamel, Didier Ta-buteau, «Priorités de santé, région,territoires de santé et citoyens:L’exemple Franc-Comtois», Santé pu-blique 2011; 23 (3), p. 169-182.36. Dixième anniversaire de l’As-sociation des représentants desusagers dans les cliniques, asso-ciations sanitaires, hôpitaux deFranche-Comté (ARUCAH), «Bilande 10 ans d’expériences de démo-cratie citoyenne pour la populationfranc-comtoise: perspectives d’avenirpour les collectivités territoriales?»,Besançon, 15 septembre 2012.37. Pierre-Henri Bréchat, «Précaires,personnes âgées, patientes com-plexes: les exclus du système desanté», Le + Le nouvel Observateur.Disponible sur: http://leplus.nou-

velobs.com/contribution/520544-precaires-personnes-agees-patients-complexes-les-exclus-du-systeme-de-sante.html + [consulté le 3 oc-tobre 2012].38. Il y avait 159 territoires desanté entre 2004 et 2009.Entre 2009 et 2012, les ARS ontdiminué le nombre de territoiresde santé de 51 pour arriver à untotal de 108 territoires de santé,cité dans Bernard Basset. Lesprojets régionaux de santé. Com-munication orale. Module «Régu-lation, aide à la décision, planifi-cation». École des hautes étudesen santé publique, Rennes, le15 mars 2011.39. «Krach sanitaire : la crise àquel prix?», Revue humanitaire2012; 30, p. 16-83.40. Didier Tabuteau, «Tribune»,

in Pierre-Henri Bréchat, JacquesLebas, Innover contre les inégalitésde santé, Presses de l’EHESP,2012, p. 417-420.41. Didier Tabuteau, «Santé et as-surance maladie : l’inquiétante di-lution des services publics», Droitsocial 2011; 12 (704), p. 1277.42. Pierre Rosanvallon, La Sociétédes égaux, éditions du Seuil, 2011,p. 16-17.43. Martin Hirsch, «Gare à la dis-location sociale ! », Le Monde,mardi 12 décembre 2011, p. 22.44. Pierre-Henri Bréchat, «Pour laconstruction d’une politique desanté publique en faveur de l’égalitédes chances», in Didier Castiel,Pierre-Henri Bréchat (dir), Solidarités,précarité et handicap social, Pressesde l’EHESP, 2010, p. 135-138.45. R.G. Evans, G Stoddart, “Pro-

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le service public est le mieux à mêmede préserver et garantir les intérêts desadministrés tout en œuvrant pour laréduction des inégalités sociales, et si

la gestion publique est socialement laplus efficace - également accessible etfonctionnant au meilleur coûtpossible 46 - il faut envisager la possi-

bilité de refonder notre dispositif desoins et de santé en un service publicde santé. Des propositions vont êtrefaites.

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ducing health, consuming health care. Populationhealth program. Canadian institute for advancedresearch 1990”, working paper n° 6, cité dansRaymond Soubie, «Santé 2010», rapport dugroupe Prospective du système de santé, travauxd’ateliers, Commissariat général du plan, LaDocumentation française, 1993, p. 137.46. Jacques Chevallier, Le Service public, neu-vième édition, Que sais-je? Presses universitairesde France, 2012, p. 41.47. Un système (system) ou un programmeest un ensemble d’activités ayant une séried’objectifs communs et un rapport annuel. Unsystème de santé fonctionne en réseau inter-connecté en permanence (network) avec lesusagers, les citoyens et les professionnels desanté. Des connaissances partagées sont pro-duites en continu en prenant en compte lesdonnées scientifiques, les innovations, les don-nées économiques, politiques, environnementaleset celles des médias. Il va faire le meilleur

usage des ressources et améliorer la valeur. Ilva promouvoir la formation du personnel, lesenseignements et les recherches en santé pu-blique. Un rapport sera réalisé tous les anspour la population desservie, cité dans J.A.Muir Gray, «Quel système de santé dans10 ans: réflexion stratégique prospective»,communication orale, Paris, Reid Hall, 18 et19 octobre 2011.48. John Wennberg, “Time to tackle unwarrantedvariations in practice”, BMJ 2011; 342,p. 687-690.49. À partir du GHS «socialisable» par exemple,cité dans Didier Castiel, Pierre-Henri Bréchat,«Handicap social et hôpitaux publics : pour unGHS “socialisable”», Presse Med 2009; 38,p. 142-145.50. Pierre-Henri Bréchat, Jacques Lebas, «Élé-ments pour un concept avec référentiel : le“centre de santé primaire polyvalent (CSPP)”»,in Pierre-Henri Bréchat, Jacques Lebas (dir),

Innover contre les inégalités de santé, Pressesde l’EHESP, 2012, p. 355-369; ÉvelyneBanas, Hélène Piquet, Pierre-Henri Bréchat,«Éléments médico-économiques pour un centrede santé primaire polyvalent (CSPP) : étudepilote à la policlinique Baudelaire de l’hôpitalSaint-Antoine de l’Assistance publique-Hôpitauxde Paris», in Pierre-Henri Bréchat, JacquesLebas (dir), Innover contre les inégalités desanté, op. cit., p. 371-376.51. Proposé par la Conférence contre la pauvretéet pour l’inclusion sociale du Premier ministre,en lien avec la Conférence nationale despolitiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusionsociale (CNLE), des 10 et 11 décembre 2012.52. Article L.1411-11 du code de la santépublique (CSP).53. Article L. 4130-1 du CSP.54. Article L.6323-1 du CSP.55. Article L.6323-3 du CSP.56. Article L.6323-4 du CSP.

Vers un service public de santéD’un dispositif sans servicepublic à un système public de santéUn service public de santé est le garantde l’égalité d’accès aux soins et à la santé,et est en capacité de réduire les inégalitésde santé. Le dispositif de soins et de santéactuel peut devenir un système 47 desanté qui organise des réseaux, desparcours de soins et de santé, à plus-values (value) plus importantes en fonc-tion de la ressource investie pour l’en-semble du continuum, ainsi que desactions en faveur des déterminants de lasanté, l’objectif étant de répondre auxbesoins de santé de la population du terri-toire infrarégional pertinent en santépublique. Il a été calculé que si l’on appli-quait le niveau d’organisation du systèmede santé des régions desservies par laMayo Clinic ou l’Intermountain Healthcareà tout le territoire des États-Unisd’Amérique, près de 40% des dépensesde santé consacrées aux maladies chro-niques pourraient être économisées 48.Une loi est indispensable pour donnerau système comme direction, comme

« règle et but du jeu », l’égalité d’accèsaux soins et à la santé et l’améliorationde l’état de santé de toute la populationet partout. Cela à partir d’unesurveillance continue de l’état de santéde la population et de ses facteurs déter-minants (enquêtes sociosanitaires, miseen place d’un système de collecte derenseignements et de registres) et d’en-quêtes visant à protéger la santé de lapopulation (enquêtes épidémiolo-giques). Le service public hospitalier estréaffirmé par la loi.Le service public de santé du territoireinfrarégional pertinent en santé publiqueest organisé en réseau, tant de préven-tion, de soins ambulatoires et hospita-liers, que médico-social et social, pardes programmes régionaux et territo-riaux de santé publique.Le financement de la prise en chargeglobale des soins et de la santé à l’usagede tous 49 et les activités et les servicesen gériatrie, psychiatrie et médecineinterne sont particulièrement mis enadéquation par rapport aux besoins dela population (un service universitaire de

gériatrie est par exemple enfin installé enFranche-Comté) sont prévus. Le finan-cement des PASS et le financement desPRAPS sont rendus transparents, indé-pendants et bénéficient d’un pilotage etd’un suivi au niveau national et régional.

Un service public de soinsambulatoires souple : le centrede santé primaire polyvalentLes maisons de santé pluridisciplinaires,comme le centre de santé primaire poly-valent (CSPP) 50, sont développées 51.Ce CSPP intègre, tout en allant plusloin, la définition des « soins de premierrecours» donnée par le titre II de la loiHPST 52 ; il prend en effet en charge lestravaux jusqu’alors à la seule charge desmédecins généralistes de premierrecours 53 tout en intégrant centres desanté 54, maisons de santé 55 et pôlesde santé 56.Le CSPP, à l’instar du centre de santé etde services sociaux de la province duQuébec, ou du centre d’attention primairede la région de Catalogne en Espagne,est une offre de soins organisée qui

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Précarités et inégalités en santé : prises en charge et activités PASS

intègre les autres dispositifs existants :des PASS généralistes ou spécialisées,cabinets médicaux et paramédicaux,centres d’examen de santé, dispensaires,centres de dépistage anonymes etgratuits (CDAG) ou services communauxd’hygiène et de santé (SCHS).Le centre de santé primaire polyvalentintègre également les réseaux (de soins,de santé, maisons pour l’autonomie et l’in-tégration des malades Alzheimer-MAIA,etc.) et les dispositifs (ASAC 57, SOPHIA 58,CAPI 59, ASALEE60, les contrats santé soli-darité et les payements à la performance)de l’assurance maladie, ou encore lesdispositifs des collectivités territoriales.Le CSPP intègre les gestionnaires de cas(MAIA, SOPHIA, etc.) et les aidantsfamiliaux. La coopération entre profes-sionnels de santé y est développée ainsique l’utilisation de recommandations debonnes pratiques et de protocoles defonctionnement.Le CSPP favorise l’exercice libéral sousdes statuts alternatifs au payement àl’acte. Des postes partagés entre cescentres, l’hôpital ou les collectivités terri-toriales sont possibles. Il est un centrede services de santé et de servicessociaux ouvert à tous. C’est un lieu demixité sociale qui « refait société» 61 etparticipe au renforcement de la cohé-sion nationale 62.C’est un service public souple pouvantêtre décloisonné avec d’autres, afin d’ex-périmenter des formes de polyvalences.Ce centre de santé primaire polyvalentpermet de prendre en compte l’ensembledes déterminants de la santé pourchaque patient et chaque population :

logement, éducation, travail, culture, etc.Il est un des constructeurs d’une poli-tique de santé publique infraterritoriale,qui favorise l’égalité d’accès aux soins età la santé, ainsi que la protection de lasanté de la population et la mise enplace de conditions favorables au main-tien et à l’amélioration de l’état de santéde la population en général.Il n’y a plus les étaux qui pesaient surl’accès aux soins et à la santé despatients complexes.

Le rôle clé des ARS de deuxième générationLe plan stratégique régional de santé dela loi HPST est enrichi d’un plan trans-versal de santé publique « égalité d’ac-cès aux soins et à la santé, protectionde la santé de la population et mise enplace des conditions favorables aumaintien et à l’amélioration de l’état desanté de la population ». Ce dernierintègre des articulations avec l’ensembledes déterminants de santé et unschéma régional de mise en œuvre enmatière ambulatoire opposable. Lescollectivités territoriales sont étroitementassociées à ces travaux. Ceci afin d’op-timiser la coordination des actions etfinancements visant à réduire les inéga-lités par le développement du servicepublic pour le continuum et l’ensembledes déterminants de santé.L’ARS de deuxième génération a lesmoyens de mettre en œuvre une poli-tique de santé publique infrarégionale.Il n’y a plus de dichotomie entre l’Étatet l’assurance maladie 63. Une planifi-cation de la santé au maximum de ses

possibilités devient un outil de mise enœuvre stratégique de la politique desanté 64 et d’aide à la décision pluridis-ciplinaire. Elle vise, par concertationsociale entre acteurs de santé, profes-sionnels de santé, représentants d’as-sociations d’usagers et populationsconcernées, à prévoir les ressources etservices requis pour atteindre des objec-tifs déterminés, selon un ordre de prio-rité établi. Elle permet ainsi le choixd’une solution parmi plusieurs alterna-tives. Elle prend en compte le conti-nuum et les déterminants de la santéavec l’assurance maladie et les collec-tivités territoriales. Objectifs : mettre enplace et organiser un service public desanté qui réponde aux besoins de santéde la population du territoire infrarégio-nal pertinent en santé publique. Ladémocratie sanitaire, la démocratieparticipative en santé et le parlementsanitaire sont développés. La satisfac-tion des usagers est régulièrementévaluée. Il y a davantage d’espacesd’initiatives, de conduite de projet etd’animation infrarégionale, car il fautaccompagner les réformes complexesen cours. Le financement suit la santépublique.L’ARS de deuxième génération réduit lesdéserts médicaux, innove pour intégrerles différents dispositifs et développe lesréseaux sanitaires et sociaux pourdavantage d’efficacité sociale et écono-mique. Elle développe la prévention etla santé-environnement. Le contrôle etl’inspection sont augmentés pourréduire les gaspillages et les préjudicespour l’usager. Cela, ajouté à l’optimisa-

57. Pour les usagers précaires,une équipe spécialisée peut pro-poser des aides financières auxpersonnes qui rencontrent des dif-ficultés pour régler leurs dépensesde santé. C’est le service ASACdédié à la lutte contre la précarité,mais il n’est pas mis en place par-tout. Disponible sur :http://www.ameli.fr/assures/votre-caisse-loiret/nos-services/des-aides-pour-lutter-contre-la-precarite/les-aides-financieres_loiret.php [consultéle 5 janvier 2011].58. Service d’accompagnementdans le temps. SOPHIA permet à

des gestionnaires de cas de proposerdes conseils adaptés à la situationde chaque personne diabétiqueprise en charge dans le cadred’une ALD, afin de limiter lesrisques de complications liées àcette maladie. Disponible sur :http://www.sophia-infoservice.fr/[consulté le 25 novembre 2010].59. Contrat d’amélioration des pra-tiques individuelles (CAPI). Dispo-nible sur : http://www.ameli.fr/pro-fessionnels-de-sante/medecins/exer-cer-au-quotidien/le-capi/qu-est-ce-que-le-capi.php [consulté le 25 no-vembre 2010].

60. Action de santé libérale d’uneéquipe médecins/infirmiers pourl’amélioration de la qualité dessoins, avec délégation de tâchesen médecine générale et mise àdisposition, dans des cabinets degroupe expérimentaux, d’une in-firmière de santé publique. Dispo-nible sur : http://urpsmed-pc.fr/index.php/archives-urpsmed-pc/projet-asalee [consulté le 5 janvier2011].61. Olivier Pascal-Moussellard,Pierre Rosanvallon, «L’idée fonda-trice d’égalité est en passe dedevenir une coquille vide. L’entre-

tien», Télérama, 3218, 14 sep-tembre 2011, p. 20.62. Haut Comité de la santé pu-blique, La Progression de la pré-carité, op. cit., p. X.63. Jean-Louis Vidana, « Lesagences régionales de santé : del’usage du mythe du préfet sani-taire», Revue de droit sanitaire etsocial 2012; 2, p. 273-279.64. Alain Lopez (dir.), «Méthoded’élaboration du PRS. Projet dedocument méthodologique du projetrégional de santé», document detravail, École des hautes étudesen santé publique, Rennes, le

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tion de l’organisation, augmente lavaleur du système ainsi que la qualitéet la sécurité des soins de santé, ce quipermet des économies.

Une professionnalisation dehaut niveau en santé publiqueDe hauts responsables en santépublique 65 sont nécessaires pour exer-cer le leadership indispensable à lagestion de l’augmentation des besoinsde santé et des demandes des usagersdans un environnement de finance-ments en stagnation ou en diminution,tout en réduisant les inégalités.Une professionnalisation de haut niveauen santé publique favorise la prise dedécisions pour l’ensemble de la popula-tion et partout sur le long terme ainsiqu’un niveau élevé de cohésion sociale.Elle encourage les initiatives de dévelop-pement durable au sein des territoires desanté publique. Les hauts responsablesde la santé publique d’un «État interven-tionniste garant de la solidarité sociale [qui]se démarque profondément de l’État libé-ral classique» 66 travaillent «à la réalisa-tion et au développement de la solidaritésociale, notamment en prenant en chargeles activités d’intérêt général indispensablesà la vie collective» 67. Ils sont formés à lasanté publique et à la médecine sociale,à l’hygiène publique et au solidarisme 68,ainsi qu’au droit de la santé. Ils ont desexpériences professionnelles en santépublique et en recherche.La première qualité d’un haut respon-sable en santé publique est une implica-tion personnelle forte visant à réduire lesinégalités de santé. Il témoigne d’une

capacité à travailler en équipe interdisci-plinaire afin de trouver des solutions àdes problèmes complexes et obtenir desrésultats. Il a une propension à l’innova-tion et à la recherche ainsi qu’à la lectured’articles scientifiques, une capacité à laprise en compte globale et dans le temps,des compétences d’écoute et de négo-ciation qui lui permettront de réagir defaçon positive et constructive face auxmouvements d’opposition qu’il pourraêtre amené à rencontrer 69,70.En plus du dispositif actuel, des ensei-gnements, des formations, desrecherches en santé publique et enplanification de la santé sont développésau sein d’écoles régionales des hautesétudes en santé publique (ERHESP), oud’écoles interrégionales des hautesétudes en santé publique (EIRHESP).Avec la mise en place du « pôle decompétitivité en santé publique », leterritoire de santé publique et l’ARS dedeuxième génération portent une ambi-tion industrielle créatrice d’emploisdans les secteurs de l’innovation sociale

et environnementale, et participent àla compétitivité et à l’attractivité desterritoires.

Des évolutions importantes du dispo-sitif de soins et de santé actuel sont

nécessaires pour parvenir à un systèmede santé public qui puisse être en capa-cité de garantir l’égalité d’accès aux soinset à la santé et la réduction des inégalitésde santé. C’est avec la réduction desgaspillages 71 et des préjudices pour l’usa-ger, l’augmentation de la valeur et de lasécurité, ainsi que le développement dela prévention et de la santé-environne-ment, un enjeu majeur des systèmes desanté au XXIe siècle, alors que les besoinset les demandes vont augmenter et lesfinancements stagner, voire diminuer 72.Un « Grenelle de la santé » 73,74 paraîtindispensable pour favoriser une prisede conscience et l’élaboration de propo-sitions, à l’instar de l’évolution du dispo-sitif actuel vers le système qui vientd’être esquissé. Suivront des décisionspolitiques et des efforts importants. ■

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29 septembre 2009.65. Didier Tabuteau, « Le PRESSorbonne Paris Cité et le dépar-tement des politiques de santé »,communication orale. Journéede travail du département despolitiques de santé, Paris, le23 novembre 2011.66. Jacques Chevallier, Le Servicepublic, op. cit., p. 12.67. Jacques Chevallier, Le Servicepublic, op. cit., p. 22-23.68. Gérard Jorland, Une société àsoigner. Hygiène et salubrité pu-bliques en France au XIXe siècle,éditions Gallimard, 2010.

69. John R. Kimberly, “Preparingleaders in public health for successin a flatter, more distributed andcollaborative world”, Public HealthReviews 2011; 33(1) p. 289-299. Cité par Antoine Flahault.Disponible sur : http://blog.ehesp.fr[consulté le 19 septembre 2011].70. Disponible sur: http://blog.ehesp.fr[Consulté le 18 novembre 2011].71. APM International. « Assu-rance maladie : deux tiers desFrançais pensent que la luttecontre la fraude permettrait derésorber le déficit (sondage) »,le 10 avril 2012.

72. J.A. Muir Gray, How To BuildHealthcare Systems, Oxford: OffoxPress Ltd, 2011, p. 38.73. Didier Tabuteau, «Quelle poli-tique pour demain?», communi-cation orale. Colloque «La santépour tous: innover contre les in-égalités de santé», Sciences-Po,Paris, le 28 mars 2012.74. Le projet de loi de financespour 2013 présenté au Conseildes ministres et à la Commissiondes finances de l’assemblée na-tionale fin 2012 prévoit la défi-nition d’un cadre stratégique globalet d’une nouvelle stratégie natio-

nale de santé, qui « fera l’objetd’une large concertation avecl’ensemble des parties prenantes,notamment l’assurance maladie,les collectivités territoriales, lesprofessionnels et les associations».Cette stratégie nationale de santé« redonnera notamment des orien-tations fortes à la politique desanté publique, près de 10 ansaprès la loi de 2004, pour plusd’égalité devant la santé, plusde protection face aux risques,plus de démocratie, plus de co-hérence et d’efficacité dans l’in-tervention publique ».

>> Les enjeux des systèmes de santé au XXIe siècle

Source: J.-A. M. GRAY. «La création de valeur dans le système de santé, réflexions de Sir Muir Gray pour le système de santé du XXIe siècle», communication orale. Séminaire Prospective Santé 2020, Paris, 16 novembre 2011.

• Réduire les inégalités• Développer la prévention• Réduire les gaspillages• Réduire les préjudices pour l’usager• Augmenter la valeur,

la qualité et la sécurité • Prendre en compte la taxe carbone

et la santé-environnement

Besoins et demandes

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