Annales historiques de laRévolution française

Pour un colloque Mably

Citer ce document / Cite this document :

Pour un colloque Mably. In: Annales historiques de la Révolution française, n°261, 1985. pp. 398-399.

http://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_1985_num_261_1_3348

Document généré le 23/09/2015

POUR UN COLLOQUE MABLY

Projet de colloque : « Rencontres autour de Mably », présenté par Florence Gauthier, Guy-Robert Ikni et Jacques Bernet. Paris, juillet 1987.

Co-présidé par l'Institut d'histoire de la Révolution française, la Société des Études Robespierristes, la Société française d'Étude du XVIIIe siècle.

Les études mablysiennes accusent — en France tout au mmoins — un retard étonnant et paradoxal. Depuis l'édition de l'An III, seuls quelques textes épars ont été republiés ; (en Allemagne fédérale cependant, une édition complète en français...) Cette rencontre devrait d'abord permettre de tirer Mably du relatif oubli dans lequel il est encore tenu ; ou à tout le moins, de sortir de la double réduction schématique qui l'atteint : celle du père de la dictature révolutionnaire de l'An II, tracée par Benjamin Constant qui alimente les extrapolations de certains modernes sur les origines du totalitarisme politique et celle du précurseur du socialisme entaché d'utopie. Restituer à Mably son originalité au sein des Lumières, le mettre en perspective à partir de ses multiples champs d'intérêt, en ouvrant une réflexion interdisciplinaire, tel est notre projet.

Oui, dégager l'originalité du projet mablysien qui se tisse autour des rapports entre philosophie du Droit naturel et Histoire. L'objectif de la philosophie du droit naturel est de restaurer les droits de l'homme et sa dignité. Le problème politique qu'elle pose et la solution qu'elle propose demeurent incontournables : le pouvoir politique ne peut être le produit de la force et de la violence. Le primat du Droit assujetit ainsi l'exercice des pouvoirs, quels qu'ils soient, et leur assigne des bornes dans le principe des droits déclarés. La philosophie du droit naturel combat l'autonomie du politique et ne le conçoit que comme une branche de la connaissance où théorie et praxis sont en étroite connexion.

Compte-tenu des réflexions précédentes, nous proposons d'ordonner le débat autour des thèmes suivants : 1 - Pour une anthropologie « non-utilitaire ».

La démarche de Mably s'inscrit tout d'abord dans la longue quête de la théorie moderne de la connaissance. Celle-ci, loin de revêtir d'emblée un caractère instrumental doit d'abord s'autoconstituer et légitimer son objet : Une nouvelle épistémologie scientifique surgit du débat entre l'innéisme et l'empirisme psychologique ; mais la critique de l'évidence cartésienne n'aboutit-elle pas à un déplacement de celle-ci plutôt qu'à sa critique radicale ? C'est donc par rapport aux évidences de l'anthropologie matérialiste que Mably devra se situer et particulièrement à son choix de l'athéisme. Implicitement se pose ici la question de l'émergence et de la pratique d'une pensée dialectique, question qui dépasse d'ailleurs singulièrement le « cas-Mably ». Comment ce dernier « règle-t-il le problème à propos de la critique de la métaphysique de l'ordre naturel des Physiocrates ? La critique de la fonction idéologique du discours des intellectuels du temps ne débouche-t-elle pas avec la

POUR UN COLLOQUE MABLY 399

théorie des passions, sur une sorte de sociologie historique qui cherche à coudre les formes économiques, sociales et institutionnelles avec les comportements et les systèmes d'idées qu'elles font naître, se développer ou disparaître ? Comment dès lors la réflexion anthropologique peut-elle conserver son autonomie, son rôle critique sinon en réintroduisant la dimension esthétique dans le quotidien ? Cette éthique de « sage » n'isole-t-elle pas celui qui la pratique ? et dès lors comment définir son rapport à l'histoire concrète ? 2 - La critique du libéralisme naissant et la question du progrès.

Cet aspect relativement négligé devrait s'apprécier à partir de trois approches : a) les arguments philosophiques et théoriques de cette critique : Les fondements de la critique de « l'évidence » dans le courant condillacien et

l'application de cette critique à la sphère des sciences humaines en cours de constitution.

La part des mystiques chrétiens ; le problème de l'inquiétude, la doctrine de « désappropriation » et le Bien commun.

Étude des rapports entre Droit naturel moderne et philosophie du Droit en France au XVIIIe siècle.

Démystification du politique et refus de l'autonomisation de l'économique dans la pensée sociale des Lumières.

b) Le rôle des conditions socio-historiques — Raison d'État, intérêts particuliers et Bien public dans le cadre du passage de

la politique paternaliste à la nouvelle économie politique ou les dilemnes de l'Absolutisme éclairé.

— La critique au sein de la société civile. Le rôle de la République des lettres par exemple à propos de la liberté du commerce des grains, l'analyse du rapport droit à l'existence - droit du propriétaire. La critique diffuse des intermédiaires culturels et des publicistes accasionnels (à l'occasion des concours académiques notamment). Enfin, la critique en acte ou le mouvement populaire et les mesures de laisser-faire.

c) L'originalité de Mably : — Société civile, État et droit dans l'Histoire, ou la critique du droit de propriété

et de l'universalité du droit à la concurrence. Matérialisme grossier et économisme bourgeois. Contre l'utilitarisme, l'économie comme moyen et non comme fin. La critique du pessimisme libéral et ses fondements : une utopie peut en cacher une autre. 3 - La critique du Politique ; Mably et les révolutions

Restauration du Politique et restauration des droits naturels ; les révolutions sont-elles des événements scandaleux ou l'expression de la vitalité du corps social ?

— Le droit à l'insurrection : le débat et l'apport de Mably par rapport à Locke et aux théoriciens modernes du Droit Naturel ou comment appeler le médecin avant la mort du patient.

— Mably et les processus contemporains de révolution et de transformation socio-politiques : Pologne, Corse, colonies d'Amérique du nord et du sud.

— Mably et la Révolution française, une référence ambiguë ? Les interprétations libérales et égalitaires et la dynamique révolution politique - révolution sociale.

— Références ultérieures à Mably, de l'Empire à nos jours : entre l'anathème de Benjamin Constant et les résurgences de 1848, 1871 : les avatars des droits naturels.

Pour tous renseignements, écrire à : Florence GAUTHIER, 6, rue de Lancry, 75010 Paris - Tél. : 239.08.17.