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Prescription diététique dans l’hypertension artérielle

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Page 1: Prescription diététique dans l’hypertension artérielle

Prescription diététique dans l’hypertensionartérielle

Lifestyle measures in high blood pressuremanagement

P. Gosse (Cardiologue, praticien hospitalier) *, H. Bely (Diététicienne)Hôpital Saint-André, 1 rue Jean-Burguet, 33075 Bordeaux, France

MOTS CLÉSHypertension ;Mesureshygiénodiététiques ;Alcool ;Régime sans sel ;Exercice physique

KEYWORDSHigh blood pressure;Lifestyle measures;Salt intake;Alcohol intake;Physical activity

Résumé Les règles hygiénodiététiques constituent un élément important de la prise encharge de l’hypertendu et doivent être adaptées à chaque patient. Les conseils visentd’une part à diminuer les chiffres tensionnels (réduction de la consommation d’alcool etde sel, exercice physique, perte de poids) et d’autre part à lutter contre les autresfacteurs de risque éventuellement associés (tabac, hypercholestérolémie, diabète...).Ces conseils doivent être formulés dès le début de la prise en charge de l’hypertendu, etpeuvent parfois éviter ou retarder la nécessité d’un traitement médicamenteux. Laprincipale difficulté consiste à faire accepter ces modifications à des sujets souventasymptomatiques.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Lifestyle measures are an important tool in high blood pressure managementand should be tailored for each individual. They are used to lower blood pressure(reduction of alcohol consumption and salt intake, increased physical activity, weightloss) and to address other risk factors (smoking, hyperlipidemia, diabetes...). Lifestylemeasures should be instituted as soon as possible and may reduce the need for antihy-pertensive treatment. The main difficulty is certainly to convince asymptomatic patientsto accept these recommendations.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

L’hypertension artérielle touche environ 15 % despopulations des pays industrialisés. Elle est respon-sable d’une morbimortalité cardiovasculaire impor-tante, que permet de réduire très significativementla baisse des chiffres de pression artérielle (PA).L’hypertension artérielle (HTA) dite essentielle, de

très loin la plus fréquente (95 %), fait intervenir desfacteurs génétiques et environnementaux. Ces der-niers rendent compte de l’intérêt des mesures hy-giénodiététiques qui permettent souvent de limiterl’importance des prescriptions médicamenteuses,et qui de ce fait doivent être la première étape del’acte thérapeutique. Cependant, l’HTA touchantune population de sujets en général asymptomati-ques, les mesures diététiques ne doivent pas êtretrop contraignantes pour être acceptées sur le longterme et être présentées avec conviction et pa-tience.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected]

(P. Gosse).

EMC-Médecine 1 (2004) 37–41

www.elsevier.com/locate/emcmed

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/S1762-4193(03)00007-9

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Les conseils à donner à nos patients ont deuxvolets : des mesures restrictives et des mesuresadditives.

Mesures restrictives

Facteurs hypertensifs

AlcoolLa responsabilité de l’alcool dans l’HTA est indiscu-table, mais insuffisamment connue et prise encompte. Il existe une relation linéaire entre laquantité d’alcool consommée et l’élévation de laPA, et une consommation d’alcool excessive etrégulière fait partie des HTA iatrogènes. Uneconsommation aiguë peut être à l’origine de pous-sées hypertensives, surtout pendant la période desevrage. Cette cause d’HTA est de beaucoup plusfréquente que la consommation de réglisse alorsqu’elle est souvent oubliée dans l’interrogatoire del’hypertendu. La réduction de la consommationd’alcool fait partie des mesures efficaces dans lecontrôle de la PA (encadré 1).

SelLa responsabilité du sel dans l’HTA reste très discu-tée. La controverse est liée à deux types de résul-tats contradictoires. Épidémiologiquement, ilexiste une relation entre la consommation de seldans une population et la prévalence de l’HTA, lespopulations où l’alimentation reste très pauvre ensel connaissant peu d’HTA à la différence des popu-lations industrielles. En revanche, les études d’in-tervention sur la consommation de sel ont montréune efficacité faible et inconstante sur la réductiondes chiffres de PA. Au niveau individuel, il existe degrosses différences de sensibilité au sel et cettesensibilité est génétiquement déterminée. À notreavis, il fait peu de doutes que l’augmentation consi-dérable de la consommation de sel qu’a connuel’espèce humaine dans un passé récent, avec sonutilisation d’abord comme mode de conservationpuis aujourd’hui comme additif quasi constant detoute alimentation industrielle, est en grande par-tie responsable de la fréquence actuelle de l’HTA.

Cependant il est difficile de revenir en arrière tantcette consommation est devenue habituelle. Ilfaut, pour espérer prévenir un nombre significatifd’HTA, diminuer progressivement la consommationde sel des populations par un certain nombre demesures progressives visant à limiter les apportsdans l’alimentation industrielle. Ces mesures sont àl’étude. Pour le présent et pour nos patients, laproposition de restriction sodée a une portée limi-tée :

• pour être vraiment efficace, elle doit être rela-tivement importante, autour de 3-4 g de chlo-rure de sodium alors que la consommation ha-bituelle est autour de 10 g. Une tellerestriction n’est en général pas supportée parles patients, surtout des hypertendus parailleurs en bonne santé ;

• les effets d’une telle restriction sur la PA sonttrès variables d’un individu à l’autre et, endehors d’élévations modestes de la PA, ne suf-fisent pas à éviter un traitement médicamen-teux ;

• il faut se méfier de ses inconvénients possibleschez les sujets âgés (anorexie).Cependant, il faut souligner qu’une consomma-

tion sodée excessive peut limiter l’action de cer-tains antihypertenseurs (inhibiteurs de l’enzyme deconversion [IEC], diurétiques) et doit être combat-tue.En pratique nous limitons la restriction sodée à

quelques conseils faciles à suivre pour la majoritédes patients (encadré 2).

Surchage pondéraleIl existe un lien indiscutable entre surcharge pon-dérale et HTA. Ce lien est complexe et comportedes aspects génétiques et métaboliques (insulino-résistance, hyperuricémie...). La perte de poids estun des éléments importants de la prise en charged’un hypertendu, non pas tant pour la diminutiondes chiffres tensionnels qui reste le plus souventmodeste que pour la diminution du risque cardio-vasculaire qui est l’objectif primordial. Quelquesprincipes doivent guider l’action diététique :

• la restriction calorique doit être progressive etpouvoir être acceptée sur le long terme et

Encadré 1 Alcool et hypertension artérielleLes apports quotidiens d’alcool devraient être inférieurs à 20 g pour la femme, 30 g pour l’homme.À titre indicatif, 10 g d’alcool sont apportés par :• vin 12° : 10 cl ;• bière : 25 cl ;• porto : 6 cl;• whisky, pastis, cognac : 3 cl;

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s’intégrer dans une alimentation équilibrée etvariée ;

• la restriction calorique doit surtout porter surles sucres rapides et les aliments gras ;

• la ration calorique doit être répartie sur troisrepas équilibrés ;

• une perte de poids modeste peut déjà êtrebénéfique.La restriction calorique doit toujours s’accompa-

gner d’une augmentation de l’exercice physique,elle-même bénéfique sur les chiffres de PA.

RéglisseLa consommation régulière de réglisse peut entraî-ner une HTA. Il existe une sensibilité individuellegénétiquement déterminée et liée à l’activitéd’une enzyme : la 11-bêtahydroxydéshydrogénasequ’inhibe la réglisse. Cette enzyme joue un rôlefondamental en protégeant l’accès des récepteursde l’aldostérone de l’action du cortisol. Sa totaleabsence dans certaines formes rares d’HTA conduità un tableau de pseudohyperaldostéronisme avechypokaliémie. C’est ce que reproduit l’intoxicationà la réglisse. Il ne faut cependant pas interdire uneconsommation occasionnelle aux hypertendus.C’est la consommation quotidienne qui doit êtreévitée (encadré3).

StressLes patients font souvent un lien entre stress etHTA. Il est vrai que toute émotion, toute douleurs’accompagne habituellement d’une élévationtransitoire de la PA. Certaines études épidémiolo-

giques ont décrit une augmentation de l’incidencede l’HTA dans certaines situations particulièrementstressantes, et quelquefois un effet bénéfique àcourt terme sur la PA des techniques de relaxation.Cependant, le lien entre HTA et stress reste ténu,et le médecin ne doit pas encourager le patientdans cette direction qui peut avoir des conséquen-ces néfastes sur sa prise en charge : abandon destraitements antihypertenseurs quand le patient sesent bien (vacances...), automesure de la PA àchaque fois que le patient se sent stressé, ce quipeut aboutir à une surestimation de ses chiffrestensionnels et à un cercle vicieux HTA-stress.

Cofacteurs de risque

TabacLa consommation de tabac entraîne une élévationbrève de la PA et de la fréquence cardiaque, maisle tabagisme ne paraît pas lié à une augmentationde la prévalence de l’HTA. Cependant, le taba-gisme majore de façon indiscutable le risque car-diovasculaire et doit être combattu chez l’hyper-tendu avec toute l’énergie nécessaire.L’hypertendu tabagique doit comprendre quel’arrêt du tabac est aussi important que la prise detraitement antihypertenseur. L’utilisation despatchs de nicotine n’est pas contre-indiquée chezle patient hypertendu.

DiabèteL’existence d’une HTA est particulièrement né-faste chez le diabétique, et ce danger se manifestedéjà pour des élévations modestes de la glycémie

Encadré 2 Le sel chez l’hypertenduNotre alimentation est trop riche en sel. Certains gestes peuvent contribuer à diminuer ces apports :• limiter le sel dans la préparation des aliments. Préférer les herbes aromatiques (persil, thym,basilic, estragon...), les épices (poivre, muscade, safran, curry...), l’ail, l’oignon et l’échalote ;

• ne pas mettre systématiquement de salière sur la table, ni des condiments salés comme Ketchup,mayonnaise, moutarde ;

• éviter les aliments très salés : salaisons, chips, gâteaux apéritifs...Pour information :• 60 g de pain (un quart de baguette), trois biscottes, 30 g de fromage, une tranche de jambon, unetranche de saumon fumé, deux tranches de saucisson, 30 g de céréales, une viennoiserie, cinqpetits beurre, quatre olives noires apportent 1 g de chlorure de sodium (NaCl) ;

• une part (200 g) de pizza ou de quiche, une assiette de soupe industrielle (150 ml), 100 g de biscuitsapéritifs apportent 2,5 g Nacl,

Encadré 3 Réglisse et alimentationLes sources de réglisse restent multiples et parfois cachées. Citons :• les confiseries, certains chewing-gums dont le parfum principal peut ne pas être la réglisse• certaines boissons : anthésite, certains pastis• tisanes.

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(glycémie à jeun entre 6,1 et 6,9 mmol/l) avantmême le diabète avéré1. Dans ces conditions, larestriction calorique et la diminution des sucresrapides font partie des mesures diététiques avantmême que le diabète s’installe.

Graisses alimentairesLa lutte contre l’hypercholestérolémie fait bien sûrpartie de la prise en charge globale du patienthypertendu. Une consommation importante degraisses insaturées et en particulier d’huiles depoisson pourrait avoir un effet hypotenseur. Lerégime DASH, riche en fruits et légumes, pauvre engraisses saturées, a permis de réduire la PAS d’hy-pertendus de 11 mmHg2.

CaféContrairement à une idée parfois répandue chez lespatients, il n’existe aucun lien entre la consomma-tion de café et la survenue d’une HTA.

Mesures additives

Activité physique

L’exercice physique régulier fait partie des mesuresdiététiques efficaces pour diminuer la PA et lerisque cardiovasculaire, et cela reste valable à toutâge. L’exercice ne doit pas être violent mais sou-tenu (au moins une demi-heure) et répété (aumoins trois fois par semaine). Il faut privilégier lesefforts isotoniques et d’endurance (marche,course, vélo, natation...). Les efforts violents sanspréparation et les efforts isométriques (muscula-tion) doivent être évités par les hypertendus nonéquilibrés.

Potassium

Les études épidémiologiques objectivent un lienpositif entre la consommation de potassium et laPA, et la supplémentation potassique pourraitcontribuer à faire baisser légèrement la pressionartérielle3. Il faut cependant se méfier d’un apportpotassique excessif (encadré 4), en particulier avecles sels de potassium en cas d’insuffisance rénale,chez le sujet âgé ou en association avec certainesthérapeutiques (diurétiques épargneurs de potas-sium, antialdostérone, IEC, antagonistes des récep-teurs de l’angiotensine II).

Calcium

Une augmentation des apports en calcium de l’ali-mentation pourrait contribuer à faire baisser la PA.Ces résultats sont cependant discutés. En fait,comme d’ailleurs pour le potassium, ces effetss’annuleraient en cas de restriction sodée (encadré5).

Conclusion

Un certain nombre de mesures hygiénodiététiquespeuvent ainsi chez l’hypertendu contribuer à dimi-nuer les chiffres de PA et le risque cardiovasculaire.Le rôle du médecin est d’éduquer le patient tout aulong des consultations motivées par la prise encharge de l’HTA. Dans l’hypertension légère à mo-dérée, qui est de loin la plus fréquente, le traite-ment antihypertenseur ne doit être débutéqu’après une période d’observation de plusieurssemaines à plusieurs mois, qui vise à vérifier lapermanence de l’HTA. Cette période doit absolu-ment être mise à profit pour mettre en place les

Encadré 4 Alimentation et potassiumUne alimentation équilibrée contient naturellement du potassium, en particulier si elle apporte

quotidiennement deux fruits crus, un plat de légumes verts cuits, une crudité.Sont particulièrement riches en potassium :• les légumes secs (lentilles, pois cassés) dont la consommation hebdomadaire est recommandée ;• les fruits secs et oléagineux mais qui représentent un apport calorique important ;• les potages de légumes, de préférence faits à la maison sans trop de sel ;• les jus de fruits frais.

Encadré 5 Alimentation et calciumLa source principale de calcium est représentée par les produits laitiers. Il faut privilégier les produits

écrémés pour limiter l’apport en graisses saturées et en calories.Certaines eaux minérales constituent une source intéressante de calcium : Vittel, Contrexéville,

Hépar, Salvetat... Cette liste n’est pas exhaustive.

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mesure hygiénodiététiques qui peuvent dans cer-tains cas éviter la prescription d’un traitementmédicamenteux4. Ensuite, tout au long du suivi del’hypertendu, la consultation ne doit pas se limiterà la mesure des chiffres tensionnels et au renouvel-lement de l’ordonnance. L’éducation du patient,l’encouragement insistant à abandonner les plusmauvaises habitudes (alcool, tabac, sédentarité...)doivent être chaque fois un temps important del’entretien avec le patient. Si le médecin veut êtreconvaincant, il doit d’abord être lui-mêmeconvaincu, et son insistance calme et patientepourra permettre des changements significatifs etbénéfiques dans l’hygiène de vie de ses patients.

Références

1. Henry P, Thomas F, Benetos A, Guize L. Impaired fastingglucose, blood pressure and cardiovascular disease mortal-ity. Hypertension 2002;40:458–463.

2. Appel LJ, Moore TJ, Obarzanek E, Vollmer WM, Svetkey LP,Sacks FM, et al. A clinical trial of the effects of dietarypatterns on blood pressure. DASH Collaborative ResearchGroup. N Engl J Med 1997;336:1117–1124.

3. Cappucio FP, MacGregor GA. Does potassium supplementa-tion lower blood pressure? A meta-analysis of publishedtrials. J Hypertens 1991;9:465–473.

4. Prise en charge des patients adultes atteintsd’hypertension artérielle essentielle. Anaes, 2000.

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