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DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHESION SOCIALE MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME D’ETAT DE MASSEUR-KINESITHERAPEUTE 2016 Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé En service de réanimation Stage temps plein TERSIGUEL Baptiste

Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

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Page 1: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS

ET DE LA COHESION SOCIALE

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU

DIPLOME D’ETAT

DE

MASSEUR-KINESITHERAPEUTE

2016

Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

En service de réanimation

Stage temps plein TERSIGUEL Baptiste

Page 2: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

RESUME

Ce mémoire aborde la prise en charge d’un patient grand brûlé en service de réanimation

spécialisé, appelé centre de traitement des brûlés.

Nous étudierons cette situation au travers du cas clinique d’un patient brûlé sur 38% de la

surface corporelle, dont 9% de brûlures du troisième degré.

Après un rappel sur la physiologie de la peau et de la brûlure, seront abordés les différents

bilans et moyens masso-kinésithérapique spécifiques à la prise en charge des patients

grands brûlés en rééducation.

Etant en service de réanimation avec des normes d’hygiène très strictes, et une partie des

plaies non refermées, la plupart des techniques masso-kinésithérapique spécifiques à la

prise en charge des patients grands brûlés ne sont pas applicables à ce patient à l’heure

actuelle.

La cicatrisation étant souvent problématique et pouvant laisser des séquelles parfois

importantes, la prévention joue un rôle majeur.

En s’appuyant sur le processus de cicatrisation, je me suis donc interrogé sur les facteurs

que nous pouvions influer lors de la prise en charge pour prévenir les troubles cicatriciels

à venir ?

Mots clés / Keywords

- Grands brûlés - Serious burn

- Réanimation - Intensive Care Unit

- Rééducation - Re-education

- Prévention des troubles cicatriciels - Prevention of scar disorders

Page 3: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

Sommaire

1. Introduction: .................................................................................................................. 1

2. Présentation du patient .................................................................................................. 2

3. Bilans initiaux réalisés à J41 ......................................................................................... 3

3.5. Bilan cutané trophique et vasculaire ....................................................................... 5

3.6. Bilan respiratoire ..................................................................................................... 7

3.7. Bilan articulaire ....................................................................................................... 8

3.8. Bilan musculaire ..................................................................................................... 9

4. Bilan diagnostic kinésithérapique ................................................................................ 10

4.1. Objectifs ................................................................................................................ 11

4.2. Principes ............................................................................................................... 12

5. Traitement .................................................................................................................... 13

5.1. Normes d’hygiène du centre de traitement des brûlés .......................................... 13

5.2. Travail respiratoire ................................................................................................ 13

5.3. Déglutition ............................................................................................................ 14

5.4. Travail cutané ...................................................................................................... 14

5.5. Entretien musculaire et premier lever ................................................................... 16

5.6. Traitement de l’atteinte des extenseurs du poignet et du pouce ........................... 17

5.7. Présentation du miroir ........................................................................................... 17

6. Bilan de sortie du centre de traitement des brûlés, J51 ............................................... 18

7. Discussion .................................................................................................................... 21

7.1. Processus de cicatrisation ..................................................................................... 21

7.2. Cicatrisation pathologique .................................................................................... 24

7.3. Facteurs influençable et moyens masso-kinésithérapique .................................... 25

8. Conclusion ................................................................................................................... 29

Références

Annexes

Page 4: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

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1. Introduction:

La brûlure est une destruction cutanée plus ou moins profonde et étendue. L’étiologie peut

être thermique, chimique, électrique, mécanique ou radiologique. Celle-ci influencera la

thérapeutique utilisée.

La peau est l'organe le plus volumineux et le plus lourd du corps humain, sa surface est

d’environ 1,7m² et de 4kg chez l’adulte [1]. Elle a un rôle de protection vis-à-vis de

l'extérieur, que ce soit des agressions physiques, thermiques ou chimiques. Elle joue

également le rôle de barrière imperméable et de régulateur thermique. En plus de ses

différents rôles mécaniques, elle joue un rôle important dans les relations sociales dans la

communication, que ce soit par les expressions faciales ou le toucher. (Annexe I)

Lors de l'évaluation de la gravité d'une brûlure plusieurs facteurs rentrent en compte [1- 4]:

L’étendue, la localisation, la profondeur, l’âge du patient, les lésions associées, le terrain,

ainsi que la date de début de traitement. (Annexe II)

En 2011 en France, selon les chiffres de l'institut de veille sanitaire, 11 824 personnes ont

été hospitalisées pour brûlure, dont 5 369 pour lesquelles l'hospitalisation a eu lieu dans un

Centre de Traitement des Brûlés (CTB) [5].

Dans une unité de CTB, 69% des patients sont des hommes, avec un âge moyen de 40 ans

et demi.

Lors de la prise en charge initiale d'un grand brûlé, le pronostic vital peut être mis en jeu,

des scores pronostics permettront d'avoir une idée quant à l'évolution du patient. Les plus

connus sont le score de Baux et UBS [1, 6].

Le score UBS (Skin Burn Unit) prend en compte la surface brûlée totale ainsi que

la surface brûlée au troisième degré. Si le résultat est compris entre 50 et 100 il s'agit d'une

brûlure grave, de 100 à 150 une brûlure très grave, au-delà de 150 le risque de décès est

majeur.

Le score de Baux, prend en compte l'âge et l'étendue de toute brûlure à partir du

deuxième degré intermédiaire. Si le score dépasse 100, le pronostic vital est très fortement

engagé.

Page 5: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

2

La brûlure, d'une façon générale, a des conséquences fonctionnelles, esthétiques et

psychologiques [7].

En effet, lors de la cicatrisation, il y a des risques d'hypertrophie, de rétraction pouvant

aller jusqu'à l'attraction de la peau saine. Ce sont ces cicatrisations pathologiques qui vont

avoir à long terme les répercutions précédemment citées.

Les brûlures graves entrainent, à long terme un préjudice fonctionnel et esthétique pouvant

être sévère. En service de réanimation spécialisé, la priorité du corps médical est la survie

du patient. Passé cette période, le rôle du masseur kinésithérapeute reste fondamental pour

limiter les futures déficiences cutanées, articulaires, musculaires, sensitives, respiratoires.

Il contribue ainsi à limiter les désavantages sociaux et professionnels. Son action reste

déterminante lors du processus de cicatrisation surtout durant les premiers mois. En effet

l’apparition des complications cutanées intervient très tôt dans le processus de

cicatrisation.

Malgré les moyens engagés, les résultats restent parfois non satisfaisants. Quels facteurs

sont surtout influencés par cette prise en charge et comment peut-on les faire évoluer ?

Ce mémoire aborde le cas d'un patient grand brûlé polytraumatisé pris en charge dans un

service de réanimation spécialisé, à la levée des sédations le quarante et unième jour après

l'accident, soit durant la phase de réparation tissulaire.

2. Présentation du patient

Monsieur F, âgé de 44ans est militaire engagé en tant que mécanicien.

Il mesure 182 cm, pour 100kg lors de son arrivée dans le service, cela correspond à un

indice de masse corporelle de 30, le classant dans la catégorie «surpoids ».

Il est droitier et pratique le badminton à titre de loisir. Il est marié, a deux enfants et vit

dans une maison à étage.

2.1. Antécédents

Rupture du tendon calcanéen gauche en 2013, traitée de manière chirurgicale.

Page 6: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

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2.2. Anamnèse

Lors de son service, un avion s'est écrasé au décollage, M.F était présent au sol, il a été

brûlé à 38% de la surface corporelle totale, dont 9% de brûlures du troisième degré. Elles

sont localisées au niveau des membres inférieurs à l’exception des pieds, au crâne, ainsi

qu’aux mains. Le score de Baux est de 82, le score UBS de 65.

Il est transporté d'urgence à l'hôpital le plus proche puis rapatrié par avion médicalisé au

centre de traitement des brûlés où il est pris en charge.

2.2.1. Traumatismes associés

Il présente de multiples fractures, dont une fracture des deuxième et troisième têtes

métatarsiennes droites. Les autres fractures se trouvent au niveau des parois antérieures et

postérieures du sinus maxillaire droit, du plancher de l'orbite droit, de l'apophyse

transverse droite et des épineuses de T7 à T11.

2.2.2. Déroulement de l'hospitalisation

M.F a eu cinq opérations pour bénéficier d’incisions de décharge au niveau des mains et du

membre inférieur droit; de greffes au niveau des mains, des membres inférieurs, des fesses,

du front, et des paupières droites ; ainsi qu’une tarsorraphie (suture chirurgicale des

paupières) bilatérale.

Dans le cas de la fracture des deuxième et troisième métatarsiens droits, une gouttière

plâtrée a été placée, associé à une interdiction d’appui.

L'hospitalisation a été marquée par plusieurs épisodes infectieux (une sinusite, une

bactériémie et une pneumopathie), par une dénutrition sévère, par une sédation et une

ventilation mécanique dès son arrivée.

3. Bilans initiaux réalisés à J41

3.1. Bilan général

3.1.1. Constantes

Fréquence cardiaque 98 bpm

Tension artérielle 108/98 mmHg

Fréquence respiratoire 39 cycles/min

Saturation en O2 100% (sous tube T)

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Température 37,4° C

Poids 75kg

3.1.2. Médicamenteux [8]

En intraveineuse Centrale:

Héparine® (anticoagulant)

Catopressan® (hypotenseur artériel),

Diprivan® (un sédatif pouvant également servir d'anesthésiant),

Humalog® (traitement du diabète)

En intraveineuse périphérique : vitamine C

Per os :

Paracétamol® (antalgique),

Tranxene® (traitement des manifestations anxieuses),

Cetornan® (adjuvant nutritif pour patient dénutri)

3.2. Bilan de l'environnement

M.F se trouve dans un centre de traitement des brûlés : service de réanimation spécialisé.

Il est alité sur un lit mousse, les avant-bras et les mains reposant sur des coussins

triangulaires. Les deux mains sont placées dans des attelles de repos suite aux différentes

greffes.

Il est ventilé par l'intermédiaire d'une trachéotomie sur laquelle a été mis en place un tube

T ce jour, le débit d'oxygène est de 5L/min.

Le respirateur indique sa fréquence respiratoire, les volumes inspirés et expirés, la

concentration en oxygène et en dioxygène.

Le scope permet d'avoir en permanence le pouls, la saturation en oxygène, la tension

artérielle, la fréquence respiratoire.

Une sonde nasogastrique est présente, et permet l'alimentation du patient.

Il est bandé au niveau des mains, du crâne, des membres inférieurs, des fesses, ainsi que les

deux tiers inférieurs du tronc.

Page 8: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

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3.3. Bilan morpho statique

M.F est alité en position demi-assise, avant-bras et mains en déclive.

Ses mains se trouvent dans des attelles thermoformées réalisées par le kinésithérapeute en

position intrinsèque plus, c’est-à-dire, métacarpo-phalangiennes en flexion, les inter-

phalangiennes en extension et le pouce en abduction. Lorsque celles-ci sont retirées, sa

main gauche est tombante et volontairement placée, par le patient, en dedans du coussin.

Il ne présente pas d'attitude vicieuse de la talo-crurale gauche, la droite étant dans une

gouttière plâtrée maintenant le pied à angle droit.

Les ceintures scapulaires et pelviennes sont parallèles.

3.4. Bilan douloureux

Suite à la levée progressive des sédations, le bilan douloureux est réalisé grâce à une

canule phonatoire mis en place transitoirement.

M.F présente une douleur spontanée cotée à 8 sur 10 à l'échelle numérique simple (ENS)

au niveau de la pulpe des doigts qui reste à vif. Il ne se plaint pas d'autres douleurs.

3.5. Bilan cutané trophique et vasculaire

3.5.1. Localisation des lésions cutanées (fig. 1)

3.5.1.1. Brûlures du second degré

Elles occupent 29% de la surface corporelle totale.

Les brûlures du second degré superficiel se situent sur le haut du crâne, à la face

postérieure de la cuisse droite, à la face antérieure de la cuisse et de la jambe gauche.

Les brûlures du second degré profond se situent sur l’intégralité de la face, la face

palmaire des deux mains, la totalité des fesses, la face antérieure et postérieure de la cuisse

et de la jambe droite, ainsi qu’à la face postérieure de la jambe droite.

3.5.1.2. Brûlures profondes du troisième degré

Ces brûlures plus profondes se localisent à la face dorsale des deux mains, en deux patchs

au niveau de la partie supérieure des fesses, ainsi qu'à la face latérale du membre inférieur

droit.

Les brûlures au niveau des mains et de la partie latérale du membre inférieur ont bénéficié

d'une incision de décharge précoce dans les premières 24h.

Page 9: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

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Figure 1 : localisation des différentes brûlures

3.5.2. Résumé des différents actes chirurgicaux, localisation des greffes (fig.2)

M.F a subi cinq interventions chirurgicales, une sixième sera réalisée à J43. (Annexe III)

Figure 2 : localisation des différentes greffes et prise de greffes

Page 10: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

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3.5.3. Structure des zones brûlées, greffées, de prise de greffe [9]

Les membres inférieurs, le dos, les mains et le crâne sont toujours bandés. L’évaluation est

donc réalisée lors de la réfection des pansements.

L’évaluation de la couleur de la peau est biaisée par la présence de Bétadine®. La densité et

la mobilité de la peau ne seront évaluées que sur une peau ne présentant plus de plaie, de

même pour le test de vitropression [9].

Le dos est cicatrisé, ainsi que la partie inférieure du visage. Le crâne, une partie des

membres inférieurs et surtout les mains sont toujours sanguinolent.

Aucune zone de prurit n’a été évoquée par le patient. Il n’y a pas de phlyctènes.

Le patient ne présente pas pour l'instant de zone hypertrophique ni de bride.

Un œdème, non quantifiable, de la face et des mains est présent.

3.5.3.1. Face

La face n’est plus sous pansement, une tarsorraphie bilatérale ainsi qu’une greffe de peau

pleine au niveau des paupières supérieure et inférieure droites est à noter.

La peau est rouge, avec un test de vitropression positif, c’est-à-dire une recoloration de la

peau en moins de 3 secondes. Au niveau de la greffe, la peau est claire, et le test de

vitropression est négatif, la recoloration se fait en plus de 3 secondes [10].

La peau est d’aspect tendu. Compte tenu de sa fragilité, le test de pli de peau n’a pas été

réalisé afin de ne pas être délétère.

Une restriction de mobilité cutanée, sur toute la partie moyenne de la face, est présente

dans trois directions : l’avant, l’arrière et le bas.

Il n’y a pas d’attraction de peau à distance.

3.5.3.2. Prise de greffe au niveau dorsal

La peau est de couleur rouge, le test de vitropression est positif, ce qui traduit un état

inflammatoire des tissus.

3.6. Bilan respiratoire

Le patient est trachéotomisé, un tube en T a été posé. Sa saturation est à 100% sous 5L

dO2.

Il présente une polypnée, avec une fréquence respiratoire à 39 cycles/min et un volume

courant de 400ml.

Page 11: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

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La ventilation est symétrique et thoraco-abdominale, il n’y a pas de signe de tirage lors de

la respiration spontanée.

Une augmentation du flux expiratoire (AFE) entraine une toux efficace, productive et non

quinteuse. Les expectorations sont de couleur blanche transparente, épaisses, non

adhérentes.

3.7. Bilan articulaire

3.7.1. Qualitatif

Les mouvements sont fluides, sans ressaut et sans arthrophonie. Il n'y a pas de désaxation

apparente ni de mouvements anormaux.

Sensation d’arrêt :

-Au niveau des mains, les mouvements sont de faible amplitude afin d’éviter une

mise en tension cutanée.

-Pour les genoux, l'arrêt est dû à la rencontre des masses musculaires.

-Concernant la hanche, la flexion est limité à 90° à droite en raison d'un cathéter

dans l'artère fémorale, il n'y a pas de sensation d'arrêt à ce niveau. Une amplitude

supérieure n’est pas recherchée du côté gauche.

3.7.2. Quantitatif

Conformément aux règles strictes d'hygiène du service, aucun appareil de mesure n'a pu

être utilisé, les amplitudes données ci-dessous sont donc issues d'une approximation

visuelle.

Les seules articulations limitées par la brûlure sont celles des mains. Toutes les autres

articulations présentes des amplitudes physiologiques [11].

3.7.2.1. La colonne du pouce

Les atteintes sont bilatérales.

Au niveau de l'articulation trapézo-métacarpienne:

L'adduction ne pose pas de problème. L'ouverture de la première commissure dans le plan

frontal et sagittal est de 30°.

La flexion de la métacarpo-phalangienne (MP) et de l'inter-phalangienne (IP) est de 30°.

La rectitude est atteinte.

Page 12: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

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3.7.2.2. Les doigts longs

Les mesures annoncées ont été réalisées sans mise en tension de la peau au niveau des

articulations sus et sous-jacente.

Les mouvements d'abduction/adduction sont présents au niveau des MP.

Flexion

Droite Gauche

II III IV V II III IV V

MP 45 30 30

IPP 30 15 30 45 30 15

IPD 10 10

Extension

Droite Gauche

II III IV V II III IV V

MP 0 0

IPP 0 -15 0 0

IPD 0 0

3.8. Bilan musculaire

3.8.1. Qualitatif

D’une manière générale, le patient présente une amyotrophie et une hypotonie généralisées

en relation avec la dénutrition (perte de 25kg en 6 semaines) et l’alitement prolongé.

Aucune hypo-extensibilité n’a été relevée.

3.8.2. Quantitatif

L’évaluation est réalisée en référence à la pesanteur. Sans aucun appareil de mesure.

L'extenseur ulnaire du carpe, le long et court extenseur radiaux du carpe, l'extenseur des

doigts, l'extenseur du V, le long abducteur du I, le court et long extenseur du I, l'extenseur

du II de la main gauche sont côtés à 1 à l’échelle d’évaluation dérivée du testing

musculaire, ils sont contractiles mais n'entrainent pas de mouvement [12].

Hormis les muscles précédemment cités, l’ensemble de la musculature est fonctionnelle.

Page 13: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

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3.9. Bilan neurologique

Au bilan morpho-statique, il ressort que la main gauche est tombante, le bilan musculaire

quantitatif indique un déficit des extenseurs du poignet et des doigts.

Le corps médical suppose une atteinte du nerf radial gauche, en relation vraisemblablement

avec une compression nerveuse lors d'un pansement, d'une intervention en bloc opératoire,

ou lors de l’accident.

La sensibilité du territoire innervé par le nerf radial au niveau de la main n’a pas été testée

du fait de la brûlure et de la fragilité de la greffe.

3.10. Bilan Fonctionnel

Les prises sont impossibles en raison de la présence de deux attelles de positionnement

posées en sortie de bloc opératoire.

M.F réalise le pont fessier pour permettre la mise en place du bassin pour aller à la selle.

Les retournements au lit, les stations assise et debout n'ont, pour l'instant, pas lieu d'être.

3.11. Profil psychologique

M.F est toujours sédaté même si il est à noter que les sédations sont diminuées afin de

permettre une reprise de conscience

La communication est fortement réduite du fait de l’absence de la vue, de la parole et du

toucher.

4. Bilan diagnostic kinésithérapique

M.F est un homme de 44 ans, père de deux enfants. Il est militaire engagé en tant que

mécanicien aéronautique. Durant son service, un avion s’est écrasé alors qu’il se trouvait

au sol. Il en résulte des brûlures au 2ème

et 3ème

degrés occupant 38% de la surface

corporelle, localisées sur la face, les mains, et les membres inférieurs.

Des fractures métatarsiennes du côté droit, des apophyses épineuses et transverses de T7 à

T11, du plancher de l’orbite et du sinus maxillaire droit font également partie des

conséquences de l’accident.

A 41 jours de l’accident, des greffes de peau en filet sont toujours en cours de cicatrisation,

la peau est d’une extrême fragilité, limitant les amplitudes articulaires.

Page 14: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

11

Les sédations ont été diminuées, permettant une reprise de conscience progressive de la

part du patient.

A ce jour il est entièrement dépendant du corps médical.

Il présente de nombreuses déficiences. D’un point de vue musculaire, on constate une

atteinte des muscles extenseurs du poignet, des doigts et du pouce, ainsi que du long

abducteur du pouce à la levée des sédations. Au niveau respiratoire le patient souffre

également d’un encombrement bronchique.

Ayant les deux paupières suturées et une trachéotomie l’empêchant de parler, la

communication ne peut se faire que par des signes de tête.

On note une amyotrophie et une hypotonie généralisées dus aux sédations et à l'alitement

prolongé, ainsi que des difficultés de préhension du fait des bandages, des attelles et des

douleurs pulpaires.

A long terme, l’amélioration de la préhension dépendra de l’évolution cicatricielle.

A l’heure actuelle, il se trouve dans l’incapacité de réaliser seul les activités de la vie

quotidienne.

Le désavantage est important, que ce soit d’un point de vue familial, social et

professionnel. Les visites sont limités à une heure et une personne par jour.

La sédation quasi-permanente du patient au moment de ma prise en charge l’empêche de

participer à sa rééducation, les projets d'avenir et les objectifs du patient ne sont donc pas

exprimés à ce jour

L’objectif principal de la rééducation sera de prévenir les éventuels troubles cicatriciels

afin de préserver les amplitudes articulaires fonctionnelles.

4.1. Objectifs

4.1.1. A court terme

Diminuer l'encombrement bronchique.

Améliorer la mécanique ventilatoire en vue d'un sevrage respiratoire.

Vérifier le bon fonctionnement de la déglutition.

Page 15: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

12

Contribuer à orienter le processus cicatriciel.

Prévenir les limitations articulaires et musculo-squelettiques.

Préparer le patient au premier lever et aux transferts.

4.1.2. A moyen terme

Surveiller les premiers levers et autonomiser le patient dans les transferts.

Reprendre l'appui et la déambulation en fonction de la consolidation de l’avant pied.

Récupérer les amplitudes articulaires physiologiques.

Limiter les conséquences des troubles cicatriciels, notamment au niveau des mains et des

orifices.

4.1.3. A long terme

Favoriser l'évolution cutanée.

Réacquérir les différents types de préhension, notamment de finesse au niveau des mains.

Réadapter le patient à l'effort en vue d'une reprise sportive et d'une réinsertion

professionnelle.

4.2. Principes [4]

4.2.1. Généraux

Respecter les consignes chirurgicales notamment au niveau des délais de prise de greffe.

Respecter les consignes chirurgicales vis-à-vis de la consolidation osseuse.

Respecter la douleur du patient, qui est un facteur informatif de la tension cutanée.

Surveiller les signes de complication.

4.2.2. Spécifiques

Respecter les règles strictes d'hygiène du service.

Respecter la fragilité cutanée.

Proscrire les mouvements alternatifs rapides et les mobilisations itératives, favoriser les

temps posturants.

Informer le patient sur la rééducation à venir et les contraintes que cela implique.

Page 16: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

13

5. Traitement

5.1. Normes d’hygiène du centre de traitement des brûlés

La prise en charge de M.F a eu lieu dans un Centre de Traitement des Brûlés, en service de

réanimation spécialisé. Les normes d’hygiènes sont strictes, d’autant plus que le patient est

porteur d’une Bactérie Multi-Résistante (BMR).

En plus des mesures d’hygiènes classiques pour un service hospitalier, il est impératif :

Avant d’entrer dans le service, de porter une tenue particulière comprenant une blouse

spécifique au CTB, des surchaussures, une charlotte et un masque chirurgical. Cette tenue

doit impérativement être changée en cas de souillure, de forte sudation, ou après un

pansement chez un patient BMR.

Lors de la prise en charge en chambre, pour M.F, il faut porter une surblouse plastifiée

à manches longues, mettre une paire de gants non stériles pour les soins courants.

Dès lors qu’il existe un risque de projection, que ce soit lors du pansement ou lors

d’une séance de kinésithérapie respiratoire, il faut porter des lunettes de protection.

Lors du pansement, il est impératif, en plus des mesures précédemment citées,

d’effectuer un double gantage stérile.

Au moment de sortir de la chambre, la surblouse et les gants doivent être jetés avec les

déchets liés à l’activité de soins à risque infectieux.

5.2. Travail respiratoire

5.2.1. Drainage bronchique

Le niveau de sédation permet une participation du patient, le drainage est donc effectué par

modulation du flux expiratoire. Dans un premier temps, le patient est aidé à l’expiration

par des appuis thoraciques et un maintien abdominal de la part de deux masseurs-

kinésithérapeutes.

Le travail de désencombrement est biquotidien tant que l’encombrement est présent.

Les sécrétions sont expectorées par la trachéotomie. Lorsque la canule phonatoire est

présente, elles arrivent en arrière gorge. Il est demandé au patient de ramener les sécrétions

au bord des lèvres pour vérifier ses capacités à les mobiliser. Cela facilitera également

l’aspiration.

Page 17: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

14

5.2.2. Mobilisation des volumes

M.F mobilise aisément des volumes compris entre 1,5L et 2L. Le travail des volumes n’a

pas lieu d’être pour l’instant. De plus la décision est prise, de la part du corps médical, de

réaliser l’ablation de la trachéotomie.

5.3. Déglutition

Il est nécessaire, après un mois passé en réanimation, de vérifier le bon fonctionnement de

la déglutition. Le test se déroule tête en position anatomique, demi-assis.

Les aliments fournis pour le test sont de plus en plus durs à déglutir. Il est impératif de

réussir à déglutir correctement un aliment avant de passer au suivant.

Les premiers essais sont réalisés à l’aide d’eau gélifiée froide. Dans un second temps il

s’agit de purée chaude, et pour finir de l’eau pétillante à température ambiante.

Aucun problème particulier n’est rencontré.

5.4. Travail cutané [4,13]

5.4.1. Aux mains

5.4.1.1. Mobilisations

Les mobilisations au niveau des mains sont arrêtées pendant six jours après une greffe, sur

demande du chirurgien.

Les mobilisations sont lentes et à visée posturale.

Le patient étant toujours sous antidouleur puissant, et les pansements limitants les

mouvements, il est primordial de voir l’état des zones brûlées ou greffées lors de la

réfection des pansements tous les deux jours. Une attention particulière est apportée au

niveau des mains pour déceler tout début éventuel de rétraction cutanée ou de bride.

L’ouverture de la première commissure est réalisée dans le plan frontal et dans le plan

sagittal.

La mobilisation des doigts se fait de manière analytique puis globale en fermeture puis en

ouverture. Les postures sont maintenues 5 à 10 minutes.

5.4.1.2. Compression

Un point important du traitement des brûlures est la compression, qui débute en service de

réanimation par des bandes élastiques cohésives appliquées par-dessus le pansement. A

long terme il s’agira de vêtements compressifs réalisés sur mesure.

Page 18: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

15

Au niveau de la main, les bandes sont appliquées de manière à former un gant. En prenant

l’axe de la main en référence, la bande est appliquée de latéral en médial pour chaque doigt

afin d’entrainer le doigt vers une position physiologique.

Cette bande est appliquée de manière à couvrir toute la surface brûlée.

La compression est faible pour ne pas entrainer une ischémie néfaste à la prise de greffe.

Chaque tour de bande augmente la compression

5.4.2. Travail de la face

5.4.2.1. Au niveau des yeux

Une fois les sutures des yeux retirées, un ectropion palpébral bilatéral s’est révélé, cela

correspond à une éversion de la paupière, le plus souvent inférieur, qui perd contact avec le

globe et découvre sa surface muqueuse [14]. Il est partiellement résorbable manuellement.

Le chirurgien demande à ce que les paupières soient mobilisées plusieurs fois par jour, par

le masseur-kinésithérapeute ainsi que par le corps infirmier. Il veut également que de la

vitamine A soit appliquée sur les paupières après chaque série de mobilisations.

Ces mobilisations consistent en des pressions glissées. Chaque mouvement par paupière

doit durer minimum dix secondes.

La pression glissée est réalisée de l’intérieur vers l’extérieur. Une contre prise est effectuée

à la jonction médiale des paupières supérieure et inférieure.

5.4.2.2. Moitié inférieure de la face

Les mises en tensions cutanées ainsi que les mobilisations vont dans le sens des restrictions

de mobilité.

Les mises en tension consistent en :

Une contre prise de la peau sur l’os zygomatique pour éviter d’augmenter l’ectropion.

Un appui étalé pluri-digital sur la peau en regard de la mandibule.

Une mobilisation vers le bas, vers l’avant et vers l’arrière. Ceci de manière analytique,

les directions ne sont pas combinées.

Un blanchiment de la peau est recherché, mais il est impératif d’être délicat et lent

compte tenu de l’état inflammatoire des tissus.

Des manœuvres intra-buccales sont réalisées. La contre prise est identique. La mobilisation

se fait dans le sens de l’écartement de la joue.

Page 19: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

16

Un ballonnet est mis en place entre les dents et la joue pour réaliser une posture sur un

temps plus long que la mobilisation réalisée en séance. Le patient a besoin de l’aide d’une

tierce personne pour mettre le ballonnet en place.

Il est également demandé à M.F de réaliser des ouvertures buccales jusqu’à obtenir un

blanchiment des commissures labiales. La contre prise est toujours la même.

5.5. Premier lever et entretien musculaire

L’alitement prolongé ainsi que la dénutrition sévère ont entrainé une diminution de la

masse musculaire. De manière générale, la contraction musculaire est fonctionnelle en

référence à la pesanteur.

Avant d’entreprendre le premier lever, il est nécessaire de relancer à minima la chaine de

triple extension du membre inférieur. Quelques contractions en chaine cinétique parallèle

sont réalisées au niveau des membres inférieurs.

Avant que le premier lever ne soit envisageable, des mobilisations à visée posturante sont

réalisées en flexion de l’articulation talo-crurale.

5.5.1. Premier lever

Lors du premier lever, les paupières sont toujours suturées, ce qui majore la difficulté.

Le passage de la position demi-assise à assise au bord du lit se fait sans aide, en passant par

le latérocubitus, avec un appui au niveau du segment anté-brachial.

Aucune perte d’équilibre assis ou de vertige n’a été évoquée par le patient.

Le passage de la position assise à la position debout ne peut se faire que sur un membre

inférieur du fait de l’interdiction d’appui dû à la fracture métatarsienne.

Le lit est monté de façon à avoir une assise située au tiers supérieur de la cuisse.

L’assise du fauteuil est également rehaussée pour faciliter le passage assis-debout, debout-

assis.

5.5.2. Entretien musculaire

En dehors des séances M.F réalise des exercices d’extension active du genou au fauteuil ou

une co-contraction du quadriceps et des ischio-jambiers par l’exercice d’écrase coussin au

lit.

Page 20: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

17

Dans un second temps, des exercices en charge sont intégrés. Il s’agit de contrôler le

verrouillage actif du genou. Ces exercices sont réalisés de façon sécuritaire, dos au lit,

uniquement en présence du masseur-kinésithérapeute.

En fonction de l’état du patient, des répétitions d’assis-debout sont effectués.

Les sutures de paupières n’étant plus présentes, une paire de canne sous axillaire est mise à

disposition du patient pour permettre les transferts lit-fauteuil seul.

Le choix d’une canne sous axillaire est dû principalement aux brûlures palmaires, mais

également au non verrouillage actif du poignet gauche. Une surépaisseur de mousse est

ajoutée au niveau de l’appui axillaire pour éviter toute compression nerveuse

supplémentaire.

5.6. Traitement de l’atteinte des extenseurs du poignet et du pouce

Un entretien passif de la mobilité du poignet, principalement en extension, est mis en

place. Concernant la colonne du pouce, des mobilisations passives ont lieu dans le cadre de

l’entretien de la zone brûlée.

La stimulation musculaire se fait principalement par chaine musculaire associée à une

commande motrice de la part du patient, ce en course moyenne. De l’électro-stimulation

neuro-musculaire aurait pût être profitable, cependant par mesure d’hygiène il est

impossible d’amener du matériel en chambre.

5.7. Présentation du miroir

L’image de soi est fortement atteinte en cas de brûlures, plus particulièrement lorsqu’elles

sont localisées au niveau de la face. Pour limiter le traumatisme lié à la vision de leur

propre reflet, aucun miroir n’est présent en service de réanimation grand brûlé.

Cependant, quand le patient se sent prêt et qu’il en fait la demande, un miroir lui ait fourni.

Dans le cas de M.F, la demande a été effectuée auprès du masseur-kinésithérapeute.

Après accord préalable du médecin, la présentation du miroir est réalisée en présence du

masseur-kinésithérapeute et de la compagne du patient. Le crâne est toujours sous

pansement, seule la face est dégagée.

Avant de le fournir au patient, il est important de décrire l’aspect de la face, ainsi que les

paramètres susceptibles d’évoluer.

Il est donc précisé que l’œdème, principalement localisé au tiers inférieur de la face, va

diminuer. La rougeur va également disparaitre avec le temps.

Page 21: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

18

L’ensemble du visage est rouge excepté la greffe de peau pleine au niveau du contour de

l’œil droit qui dénote du fait de sa couleur claire. Cette différence sera toujours visible à

long terme.

Il faudra attendre une diminution des sédations lors des pansements, pour permettre au

patient de voir ses mains, son crâne et ses oreilles.

L’oreille droite a été plus gravement brûlée que la gauche. Sa taille est donc moins

importante. La diminution s’est principalement faite sur la partie supérieure ainsi qu’à la

périphérie de manière générale. Une greffe en filet a été réalisée à J43. A long terme, une

reconstruction de l’oreille est prévue.

6. Bilan de sortie du centre de traitement des brûlés, J51

Seuls seront notés les changements par rapport au bilan précédent.

6.1. Bilan général à J51

6.1.1. Constantes

Fréquence cardiaque 80 bpm

Tension artérielle 108/98 mmHg

Fréquence respiratoire 18 cycles/min

Saturation en O2 100%

Poids 72,5kg

6.1.2. Médicamenteux

Actiskenan®, Atarax

®, Dafalgan

®, Imovane

®, Xyzall

®, Lovenox

®.

Respectivement un dérivé morphinique (antalgique pour douleur intense), un traitement

contre les troubles mineurs de l'anxiété, un antalgique faible, un somnifère, un traitement

de la rhinite allergique, et un anticoagulant [8].

6.2. Bilan de l'environnement

M.F n'est plus sous ventilation mécanique. Le scope est toujours présent mais les

constantes ne sont plus prises en continu.

Le cathéter fémoral et la sonde nasogastrique ont été retirés.

Page 22: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

19

6.3. Bilan morpho statique

M.F se trouve toujours sur un lit mousse, ou au fauteuil suivant le moment de la journée.

Aucune asymétrie n’est relevée.

Les paupières ne sont plus suturées mais présentent un ectropion d’éversion bilatérale.

6.4. Bilan douloureux

La pulpe des doigts reste douloureuse mais cela est supportable grâce à l'antalgie mise en

place.

La douleur est évaluée à 4/10 lors d'un appui, à 1/10 le reste du temps, selon l’ENS.

6.5. Bilan cutanée trophique et vasculaire

6.5.1. Face

Au niveau de la face, les sutures ayant été retirées, la peau en partie moyenne attire les

paupières inférieures, entrainant un ectropion d’éversion bilatéral et empêchant le patient

de fermer les yeux en actif. La totale réduction de cette déformation est actuellement

impossible du fait de la fragilité cutanée.

La peau est toujours rouge, avec un test de vitropression positif.

6.5.2. Mains

La face dorsale est totalement refermée, cependant la face palmaire reste plus fragile avec

présence de phlyctènes, notamment au niveau de la pulpe de l’index droit.

La mobilité et la tension de la peau ont été testées dans les amplitudes permises par l’état

de fragilité cutanée. La restriction de mobilité existe dans toutes les directions mais reste

compatible avec la triple flexion des doigts et l’opposition du pouce.

6.5.3. Membres inférieurs, fesses et dos

Au niveau des membres inférieurs et des fesses il persiste quelques plaies. L’état cutané

n’a pas évolué de façon significative d’un point de vue de la mobilité ou de la tension, la

peau est toujours dans un processus inflammatoire. Il n’y a pas de bride anale.

La prise de greffe au niveau du dos évolue, elle n’est plus bandée, elle reste inflammatoire

et le pli de peau est toujours fin.

Page 23: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

20

6.6. Bilan respiratoire

Il n'y a plus de signe d’encombrement à l’auscultation, une AFE n'entraine pas de toux, le

son est clair.

Le patient évoque une dyspnée au bout de 4 répétitions de transfert assis-debout, en appui

unipodal gauche, au bord lit. Ceci correspond à un stade 3 selon l'échelle New York Heart

Association: "gêne fonctionnelle nulle au repos, mais apparaissant dans l'exercice d'une

activité physique moindre que la normale pour l'âge du sujet" (Annexe IV).

6.7. Bilan articulaire

L'ouverture de la première commissure n'a pas évoluée de façon significative en dix jours.

Les amplitudes d’extension des doigts restent inchangées.

Les amplitudes de flexion des doigts longs n’ont que peu changé, au niveau des

articulations métacarpo-phalangienne des doigts II, III, IV, l’amplitude est d’environ 45°

contre 30° au bilan initial. Les articulations inter-phalangiennes ainsi que la métacarpo-

phalangienne du Vème

doigt n’ont pas varié de manière significative. (Annexe V)

6.8. Bilan musculaire

La chaine de triple extension des membres inférieurs a gagnée en force depuis le précédent

bilan, notamment au membre inférieur gauche.

Une évaluation plus précise aurait été souhaitable, hors, pour des mesures d'hygiène il n’est

pas permis d’amener du matériel extérieur au service en chambre.

6.9. Fonctionnel

Les repas sont pris au fauteuil en chambre, avec l'aide d'une tierce personne.

Les retournements dans le lit sont acquis et réalisables de la part du patient.

Le transfert lit-fauteuil se fait avec l'aide d'une tierce personne, et en unipodal en raison de

l'interdiction d'appui au niveau de l'avant-pied droit.

L'équilibre assis est acquis.

En position debout, avec un appui contact au niveau du pied droit, l’équilibre est maintenu

une dizaine de secondes en présence de faibles déstabilisations extrinsèques.

Page 24: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

21

7. Discussion

Les conséquences d’une brûlure sont aujourd’hui connues et peuvent donc être anticipées,

limitées mais pas totalement évitées [4]. Face au processus de cicatrisation, est-il possible

de limiter les conséquences lors de la phase d’épithélialisation? Sur quel facteur pouvons-

nous influencer cette cicatrisation pour qu’elle entraine le moins de séquelle possible ?

7.1. Processus de cicatrisation

Lorsqu’une plaie ou une lésion cutanée survient, le processus de cicatrisation met en jeu un

grand nombre de variétés cellulaires. La cicatrisation cutanée permet la reconstruction d’un

épithélium stratifié (épiderme), de la jonction dermo-épidermique, du derme et de sa

vascularisation.

La survenue d’un disfonctionnement au cours du processus aboutit à des anomalies telles

qu’un retard de cicatrisation, une cicatrice chéloïde, rétractile, ou adhérente.

Trois grandes étapes dans la cicatrisation cutanée seront distinguées : une première,

vasculaire et inflammatoire ; une seconde, de réparation tissulaire aboutissant à

l’épithélialisation de la plaie ; la dernière est la phase de remodelage et de maturation de la

cicatrice. Ces phases complexes se chevauchent dans le temps. [15, 16]

Les mots suivis d’un astérisque sont définis en annexe VI.

7.1.1. Phase vasculaire et inflammatoire

Lorsque le sous endothélium est mis à nu, il y a activation des mécanismes de coagulation

et d’adhésion plaquettaire.

De nombreuses protéines sont apportées par l’extravasation* sanguine. La thrombine* et le

collagène extravasculaire contribuent à l’agrégation et à l’activation des plaquettes incluses

dans le caillot. Le produit final sera un caillot de fibrine*. Il sert de matrice provisoire

permettant la migration des cellules inflammatoires, dermiques et épidermiques sur le site

de la plaie. Il offre également un réservoir aux facteurs de croissance libérés dans la plaie.

Les polynucléaires et les macrophages vont lutter contre l’infection et déterger la plaie. Ils

produisent également des cytokines* pro-inflammatoires participant au recrutement et à la

prolifération des fibroblastes* et des kératinocytes*.

Les macrophages jouent un rôle anti-infectieux et de détersion locale grâce à leurs

capacités de phagocytose, ils participent également au remodelage matriciel. Ils sont avant

Page 25: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

22

tout, comme les plaquettes, une source essentielle de cytokines pro-inflammatoires et de

facteurs de croissance. Ceci amplifie la réponse inflammatoire et stimule la prolifération

des fibroblastes, la production de collagène et plus généralement la formation d’un tissu de

granulation.

Dans le cadre d’une plaie aigüe, dans les premières 48 à 72 heures, les macrophages

prédominent. Vers le 5-7ème

jour, ce sont les fibroblastes qui vont proliférer. [15]

7.1.2. Phase de réparation tissulaire

Cette phase se divise en deux sous parties : la formation du tissu de granulation et

l’épithélisation.

7.1.2.1. Formation du tissu de granulation

Elle correspond à la prolifération des fibroblastes, à l’angiogenèse* et à la synthèse de la

matrice extracellulaire*. Dans la zone lésionnel, il y a une migration et une prolifération

précoce des fibroblastes, le tout sous la dépendance des cytokines pro-inflammatoires

produites par les plaquettes, les macrophages, ainsi que par les fibroblastes eux même.

Les différents composants de la matrice extracellulaire favorisent la migration des cellules

nécessaires à la réparation tissulaire puis leur attachement sur la plaie et même leur

prolifération.

La matrice extracellulaire et les fibroblastes interagissent : ces derniers participent à la

synthèse et au remodelage matriciel tandis que la matrice extracellulaire agit en modulant

les différentes fonctions des fibroblastes.

La migration des cellules endothéliales s’effectue à partir des vaisseaux sains les plus

proches. Les néocapillaires envahissent la matrice provisoire riche en fibrine et

fibronectine.

L’angiogenèse aboutit à la formation d’un réseau vasculaire indifférencié visible in vivo

vers le 5ème

jour. Le réseau capillaire se raréfie progressivement dans le tissu de

granulation au fur et à mesure que le collagène est synthétisé et que la plaie évolue vers

une cicatrice.

La matrice et les cellules s’orientent selon les forces de traction auxquelles sont soumise la

plaie et la cicatrice.

La contraction de la plaie contribue au rapprochement des berges et est étroitement liée à la

formation du tissu de granulation. Cette contraction est due à la transformation de certains

Page 26: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

23

fibroblastes en myofibroblastes capables de se contracter et de transmettre leur activité

contractile au tissu environnant. [15, 16]

7.1.2.2. Epithélialisation

La réépithélialisation se déroule en plusieurs phases : la migration des cellules épithéliales

depuis les berges ou les annexes, leur multiplication puis la différenciation. La synthèse de

la jonction dermo-épidermique est concomitante grâce aux interactions derme-épiderme.

L’épithélialisation est déterminante dans les plaies peu profondes telles qu’une brûlure

superficielle. Les kératinocytes migrent sur les composants matriciels en s’orientant eux

même sur les fibres de collagène.

Lorsque la plaie est refermée par une monocouche de kératinocytes, ceux-ci arrêtent leur

migration, se multiplient et se différencient. [15, 16]

7.1.3. Phase de maturation

Le remodelage de la matrice extracellulaire passe par une phase inflammatoire et

proliférative pouvant aller jusqu’à deux mois après la fermeture de la plaie, suivie par une

phase de régression qui peut persister jusqu’à deux ans.

Peu à peu, le tissu de granulation se raréfie en fibroblastes, une structure collagénique plus

dense apparait tandis que le réseau vasculaire s’organise.

Lors du phénomène de remodelage matriciel, au niveau de la matrice extracellulaire a lieu

une lyse suivie d’une synthèse de nouvelles molécules, mieux orientées.

L’âge, les forces de tension et la pression influencent la synthèse et l’organisation des

molécules de collagène. Les cicatrices sont dans tous les cas moins résistantes et moins

élastiques que la peau physiologique, en partie à cause d’un certain déficit en élastine et

aussi en raison de la reconstruction d’une matrice extracellulaire relativement

désorganisée. [15]

La cicatrice ne contient ni mélanocytes (d’où la dyschromie finale), ni poils, ni glandes

sudoripares ou sébacées.

A une semaine du traumatisme, la résistance de la cicatrice sera de 5 à 10% , 20% après

une quinzaine de jours, 40% à trois semaines, et de 80% à un an. Elle ne reviendra jamais à

une valeur physiologique. [16]

Page 27: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

24

7.2. Cicatrisation pathologique

Il existe trois principaux types de cicatrisation pathologique chez un grand brûlé: un excès

du processus physiologique, qui sera responsable des cicatrices hypertrophiques et

chéloïdes ; une altération du processus, qui engendrera une cicatrice rétractile ; une fibrose

sous-jacente qui entrainera une adhérence cicatricielle.

7.2.1. Cicatrices hypertrophiques et chéloïdes

Les chéloïdes sont des "pseudotumeurs cutanées intradermiques fibreuses, exubérantes

avec des extensions en pattes de crabe" [15]. Elles récidivent en cas d’ablation

chirurgicale.

Contrairement aux cicatrices hypertrophiques qui sont limitées à la zone traumatisée, et qui

ont une tendance à la régression spontanée ; les chéloïdes présentent d’abord un aspect de

cicatrice hypertrophique (épaissie, érythémateuse), elles continuent d’évoluer après le

sixième mois.

Elles sont plus fréquentes dans la population à phénotype africain. Lors de leur formation,

les chéloïdes présentent une activité fibroblastique excessive responsable d’une production

importante de fibres de collagènes épaissies et hyalinisées. Les nodules ainsi formés

peuvent refouler les structures avoisinantes.

La production de collagène par les fibroblastes issus de chéloïdes est augmentée, sa

dégradation est également diminuée en raison d’une baisse des capacités de ces cellules à

stimuler la fibrinolyse.

Le traitement par compression mécanique des cicatrices hypertrophiques pourrait et

favoriser l’apoptose des myofibroblastes. [15]

7.2.2. Cicatrices rétractiles

Elles sont souvent le résultat d’une plaie mal orientée par rapport aux lignes de tractions

physiologiques de la région. Elles surviennent fréquemment après des brûlures profondes.

Elles peuvent avoir des répercussions fonctionnelles importantes notamment sur la

mobilité des articulations avoisinantes et en regard de la rétraction.

La physiopathologie précise est mal connue. Les tractions mécaniques exercées sur les

fibroblastes stimulent fortement la synthèse de collagène.

Page 28: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

25

La rétraction cicatricielle est exacerbée par les tensions brutales, en particulier pendant la

mobilisation articulaire. Plus la tension est vive plus la synthèse de collagène par les

myofibroblastes est abondante et anarchique. [15]

7.2.3. Cicatrices adhérentes

L’adhérence de la cicatrice aux tissus sous-jacents est due à la fibrose.

Des facteurs tels que l’œdème persistant, les saignements, l’ischémie et les infections

profondes vont favoriser la fibrose et l’adhérence [15].

Elles agiront comme un point de fixité sur les aponévroses et les fascias internes. Cela aura

des conséquences sur les tissus environnants [17].

Lors d’une immobilisation, des ponts fibreux vont se former et ainsi limiter les amplitudes

articulaires. La prévention de la raideur doit être un souci immédiat et systématique. Elle

passe par une mobilisation "contrôlée", indispensable, adapté à chaque cas [18].

7.3. Facteurs influençables et moyens masso-kinésithérapique

L’inflammation est physiologique lors du processus de cicatrisation. Cependant elle joue

un rôle majeur dans la constitution des cicatrisations pathologiques.

Le but de la prise en charge masso-kinésithérapique sera dans un premier temps de

prévenir l’apparition de cicatrisation pathologique, et d’en limiter les effets.

Pour ce faire, le traitement de l’inflammation se fera précocement.

Les moyens masso-kinésithérapiques de traitement de l’inflammation sont nombreux mais

sont-ils tous applicables à un patient grand brûlé ?

7.3.1. Protocole RICE [19]

Initialement décrit en médecine du sport en 1978, ce protocole s’applique plus

généralement pour le traitement d’une inflammation.

RICE est l’acronyme de rest, ice, compression, elevation (également appelé GREC en

français : glaçage, repos, élévation, contention).

7.3.1.1. Rest

Il s’agit de ne pas sur-solliciter la zone inflammée, ce qui maintiendrait ou aggraverait

l’inflammation.

Page 29: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

26

Le patient étant dans une période de levé des sédations, ce point lui est appliqué.

Comme vu dans le paragraphe 7.2.2, les mises en tensions brutales majore le risque de

rétraction cicatricielle, de synthèse anarchique et abondante de collagène de la part des

myofibroblastes [15].

Lors de la prise en charge de M.F, les mobilisations était d’autant plus prudente que nous

n’avions pas de retour direct sur l’état de blanchiment cutanée, ou sur la sensation du

patient du fait des bandages et de la sédation. Il est donc primordial d’assister à la réfection

des pansements et de mobiliser lorsque la peau est à nue pour avoir un retour quant à

l’intensité de nos manœuvres.

7.3.1.2. Ice

Le glaçage peut s’effectuer par contact, projection ou immersion.

Les effets sont multiples : anti-inflammatoire, vasomoteur, analgésique, neurologique. [20]

Effet anti-inflammatoire :

Il est dû à une vasoconstriction au niveau des artérioles et des capillaires, ce qui va

contrecarrer la vasodilatation dû à l’inflammation. Cette vasoconstriction est responsable

d’une diminution du flux sanguin, d’une diminution de la pression hydrostatique, donc

d’une diminution de la sortie de liquide limitant ainsi l’extravasation plasmatique

responsable du volume de l’œdème.

Le froid n’empêche pas la sortie de liquide indispensable à la cicatrisation des tissus, il ne

fait que la ralentir.

Effet vasomoteur :

Le refroidissement tissulaire provoque initialement une vasoconstriction artériolaire et

capillaire par voie réflexe.

Lorsque l’application de froid est maintenue plus de 20 minutes, il se produit une

vasodilatation paradoxale correspondant à une hyperthermie de protection.

Effet analgésique :

Lorsque la température cutanée est inférieure à 15°C, il va y avoir une diminution de

l’excitabilité des nocicepteurs et un ralentissement de la conduction nerveuse. L’effet

Page 30: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

27

maximal est obtenu directement, et durera en moyenne une heure après l’arrêt de

l’application [20].

Le froid produit un effet " gate control " par l’inhibition au niveau de la corne postérieure

de la moelle épinière.

Effet neurologique :

En plus de l’analgésie, le froid diminue la spasticité musculaire. Il a été remarqué que

l’amplitude de la réponse réflexe à l’étirement d’un muscle préalablement refroidi diminue

pendant et après l’application de cryothérapie.

Comme cité dans le paragraphe 7.2.3, l’œdème persistant favorise la constitution

d’adhérence tissulaire, il est donc primordial d’y palier. De plus, M.F reste douloureux,

principalement au niveau des mains.

Les effets anti-inflammatoires, vasomoteurs et antalgiques seraient bénéfiques.

Cependant, la cryothérapie, par son effet vasomoteur va diminuer l’apport cellulaire sur la

zone traité, ce qui peut être néfaste pour la prise de greffe.

L’élément majeur contre-indiquant la cryothérapie, quel que soit le mode d’application,

chez un patient grand brûlé en service de réanimation, est le risque d’hypothermie. Pour

cette raison, ce moyen n’a pas été utilisé lors de la prise en charge de M.F.

7.3.1.3. Compression

Elle doit se faire par un bandage élastique qui ne doit pas être trop serré pour éviter un

œdème distal [19].

La pression des capillaires étant de 30mm d’Hg, il est primordial de ne pas aller au-delà, ce

qui entrainerait une ischémie. L’ischémie sera néfaste pour la greffe et pour l’angiogenèse.

En effet un manque de dioxygène inhibe la cicatrisation cutanée [21].

La compression lors de la prise en charge d’un patient grand brulé doit être précoce,

permanente, prolongé et comprise aux alentours de 25mm d’Hg [16,22].

Lors de ma prise en charge, la compression était réalisée par des bandes cohésives,

initialement prévu pour le maintien des pansements. L’avantage est de pouvoir réaliser un

bandage sur mesure et précis, l’inconvénient est que nous n’avions pas de retour quant à la

quantification de la compression appliqué.

Page 31: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

28

7.3.1.4. Elevation

La déclive est un élément important du protocole RICE, elle est d’autant plus efficace

lorsqu’elle est associée à la contention et la cryothérapie [20].

Pour être efficace, la zone où se trouve l’inflammation doit être au-dessus du niveau du

cœur [20]. Il faut également que les segments de membres proximaux soit plus bas que la

zone inflammée.

Dans le cas de M.F, la déclive est réalisée pour ses mains, les avant-bras reposant sur des

coussins triangulaires.

7.3.2. Travail musculaire

La contraction musculaire va écraser les veines qui se vidangent en proximal. Ce

phénomène, appelé "vis a latere" va favoriser le retour veineux. Il est d’autant plus

important que les veines sont à l’intérieur ou à proximité des muscles, ou entouré de gaines

aponévrotiques [22].

Cependant, dans le cas d’un patient grand brûlé en service de réanimation spécialisé, le

travail musculaire dynamique est à proscrire. Le travail isométrique est autorisé et

recommandé [4].

Lors de ma prise en charge, le travail isométrique a été utilisé dans un but fonctionnel, en

vue du premier lever, et non dans un but drainant.

7.3.3. Travail respiratoire

Le travail du diaphragme, et plus particulièrement les pressions qu’il exerce sur les grosses

veines de l’abdomen, vont agir sur le retour veineux.

La respiration va à la fois aider et contrecarrer l’écoulement. A l’inspiration, les viscères

abdominaux sont comprimés par la poussée du diaphragme, la pression intra-abdominale

augmente et la pression intra-thoracique diminue par élargissement de la cage thoracique,

entrainant une chute des pressions extra et intra-thoracique.

A l’expiration, la pression intra-abdominale s’effondre et une forte aspiration du sang des

membres se met en place. [23]

Cette aide au retour veineux est physiologique et appelé vis a fronte. Ce moyen est

préconisé dans le cas présent du fait que M.F se trouve en polypnée.

Le travail respiratoire effectué avec ce patient avait pour but un désencombrement des

voies aériennes. Lors de la prise en charge, le travail des volumes par une respiration

Page 32: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

29

profonde à un rythme plus lent dans le but de faciliter le retour veineux n’a pas été

effectué, car je n’avais pas connaissance de ce moyen.

7.3.4. Drainage lymphatique manuel

Pour diminuer l’œdème dû à l’inflammation, le drainage se fera par le système veineux et

également par le système lymphatique. Les modalités d’application dépendent de la

pathologie et de la zone à traiter.

Les manœuvres reproduisent les processus physiologique de captage et de transport. Elles

s’adressent au système circulatoire superficiel.

Le drainage lymphatique est un moyen recommandé dans la prise en charge des

conséquences de brûlure en centre de rééducation et en ambulatoire. Concernant la prise en

charge d’un patient durant la période de greffe, il peut être utilisé mais n’est pas le moyen

le plus approprié [4].

Ce moyen n’a pas été utilisé lors de la prise en charge de M.F. Il aurait pu être bénéfique

mais difficilement réalisable car nous aurions dut réaliser les manœuvres par-dessus les

différentes contentions. Ceci aurait entrainé une pression trop importante, comprimant les

vaisseaux lymphatique et donc rendant le drainage inefficace.

8. Conclusion

Une fois les urgences vitales traitées, se pose le problème de la sauvegarde fonctionnelle et

esthétique de la peau.

Une prise en charge pluridisciplinaire est primordiale dans la rééducation d’un patient

grand brûlé, le masseur-kinésithérapeute y tient un rôle important. Etant ici à l’aube d’une

rééducation de longue durée, il est primordial de s’adapter à l’état du patient, de

régulièrement suivre l’évolution de la cicatrisation, et de l’informer sur la rééducation à

venir.

Ce mémoire m’a fait réaliser à quel point il est important d’évaluer la balance

bénéfice/risque de nos manœuvres, surtout lorsque nos critères décisionnels sont biaisés.

Page 33: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

Références

[1] A.LAKHEL, J-P. PRADIER, M. BRACHET, A. DUHOUX, P. DUHAMEL, S.

FOSSAT et al. Chirurgie des brûlures graves au stade aigu. Encyclopédie Médico-

Chirurgicale, (Elsevier, Paris), 45-157. 2008 ; p1-9

[2] D.WEISSERMANN. Critères de gravité des brûlures. Pathol Biol. Editions

scientifiques et médicales. Elsevier. 2002 ; p65-73

[3] H.CARSIN. Prise en charge des brûlés dans les premières heures. CTB Percy. 2003;

p4-5

[4] JM.ROCHET, D.WEISSERMANN, H.CARSIN, A. DESMOULIERE, H. ABOIRON,

D. BIRRAUX et al. Rééducation et réadaptation de l'adulte brûlé. Encyclopédie Médico-

Chirurgicale, (Elsevier, Paris), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation,

26-280-C-10, 1998

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2011 et évolution depuis 2008 — Institut de veille sanitaire. 2014; p.1-8.

[6] P.GOLDENSTEIN et al. Les brûlures. Comprendre et évaluer les brûlures.

Enseignement Supérieur Médecins, Urgences. 2003; p57-58

[7] http://www.kinebrul-pro.com/pub/brugen/brulgen05.html; le 23/04/2015

[8] VIDAL, 2014

[9] D. JAUDOIN, A. KINTS, Y. MATHIEU, F. GALAUP, J-C. GAUTHIER. Evaluation

des différentes strates fonctionnelles d'une cicatrice. Kinébrul pro. 2001

[10] P.RUELLE. Bilan-évaluation d’une cicatrice en kinésithérapie. Kinésithérapie les

annales n°32-33. Aout Septembre 2004 ; p37-42

[11] M.PILLU, M.DUFOUR. Biomécanique fonctionnelle. 2007

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clinique de la fonction musculaire, 7e édition, Maloine. 2014 ; p228-231 p236-238 p242-

247

[13] L.VIGNERON, C. CHIRON, S. MALIVOIR, C. MAULNY, C. NICOLAS. La prise

en charge des patients brûlés en centre de rééducation. Soins. Juillet Août 2012 ; p49-62

[14] Dictionnaire de médecine Flammarion, huitième édition, 2008 ; p333

[15] P.SENET. Physiologie de la cicatrisation cutanée. Encyclopédie Médico-Chirurgicale,

(Elsevier, Paris), 98-040-A-10. 2007

[16] O. GERBAULT. Cicatrisation cutanée. Encyclopédie Médico-Chirurgicale, (Elsevier,

Paris), 45-010. 1999 ; p17

Page 34: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

[17] S. PLANTE. L’importance d’une cicatrice dans les douleurs à distances. www.kine-

formations.com/. Consulté 05/2016

[18] J. DELPRAT, S. EHRLER, M. ROMAIN, M. MANSAT. Rééducation des raideurs

post-traumatiques des doigts. Encyclopédie Médico-Chirurgicale, (Elsevier, Paris),

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-220-A-13. 2003 ; p8

[19] W. H. BLAHD. JR, A. HUSNEY, D. MESSENGER. RICE: Rest, Ice, Compression,

and Elevation for injuries. Health System, University of Michigan. Juillet 2008

[20] L. DELASSUS. La Cryothérapie et les techniques d’utilisation du froid. Mars 2004

[21] M. DEMARCHEZ. La phase de prolifération et de réparation de la cicatrisation

cutanée. Biologiedelapeau.fr. Septembre 2015

[22] Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de

santé. Avis sur les vêtements compressifs sur mesure pour grands brûlés. Haute Autorité de

Santé. Septembre 2013

[23] M.R. BOISSEAU, V. BOURDENX, A. DIARD, N. MOORE. Physiologie de la

circulation veineuse. Encyclopédie Médico-Chirurgicale, (Elsevier, Paris), 19-0040. 2008

Page 35: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

Annexes

Annexe I : Représentation schématique de la peau, de la profondeur des lésions et du

niveau de passage des prises de greffes

Annexe II : Facteurs à prendre en compte lors de l’évaluation de la gravité d’une brûlure

Annexe III : Tableau récapitulatif des différentes interventions chirurgicales

Annexe IV : Classification New York Heart Association

Annexe V : Flexion des doigts longs lors du bilan final

Annexe VI : Quelques définitions

Page 36: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

Annexe I: Représentation schématique de la peau, de la profondeur des lésions et du

niveau de passage des prises de greffes.

D’après Peter D, Compendium medical, vol 1, Asmussen, Hambourg

Annexe II: Facteurs à prendre en compte lors de l’évaluation de la gravité d’une brûlure

L'étendue: Pour évaluer une surface corporelle brûlée de façon rapide, une

technique longtemps utilisée est la règle des 9 de Wallace. Actuellement, une évaluation

beaucoup plus précise est réalisée, grâce à la table de Lund et Browder [1].

La localisation: Une brûlure touchant un orifice ou en regard d'une articulation est

plus grave et a plus de conséquence qu'une brûlure sur un segment de membre.

Page 37: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

La profondeur: Quatre stades sont classiquement distingués [2] :

La brûlure superficielle, de premier degré où seul l'épiderme est atteint. L'aspect est sec,

rouge, sans phlyctène. La cicatrisation se fait sans séquelle en trois à cinq jours.

La brûlure du second degré superficiel, le derme commence à être affecté mais où la

couche basale n'est pas entièrement lésée. Il y a présence de phlyctènes, cependant le

plancher est bien vascularisé et très douloureux. La cicatrisation se fait spontanément en

moins de 15jours et habituellement ne laisse pas de trace.

La brûlure du second degré profond entraine une destruction de la totalité de l’épiderme et

d’une partie du derme, ne laissant intact que le derme profond et les annexes épidermiques

qu’il contient. Le plancher de la phlyctène apparait rosé ou blanc. La cicatrisation

spontanée est possible mais longue (15 à 30 jours), elle sera remise en question en cas de

complication (dénutrition, infection, …).

La brûlure du troisième degré se caractérise par une destruction du derme, dont l'aspect est

variable, de parcheminé à noir, la peau est inélastique, son aspect cartonné. Toute

cicatrisation spontanée est impossible. La guérison ne peut être obtenue que par greffe

dermo-épidermique.

Au-delà les auteurs parlent de carbonisation des tissus.

L'âge: Les extrêmes sont problématiques, que ce soit chez le très jeune enfant ou

chez la personne âgée.

Les lésions associées: Deux éléments sont dissociés:

Les atteintes respiratoires, par inhalation de fumée, de gaz ou par une brûlure des voies

aériennes.

Les lésions traumatiques: traumatisme crânien, fractures, hémorragie, …

Le terrain: Une attention particulière est portée aux patients présentant des

addictions, un diabète, des troubles circulatoires, des troubles psychiques.

La date de début de traitement: Les premières heures post-brûlure sont primordiales

car il existe un risque important d'infection, d'hypothermie, de déshydratation, et à moyen

terme de dénutrition. Cela est encore plus important si un des facteurs de gravité cité

précédemment est présent.

Page 38: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

Annexe III : Tableau récapitulatif des différentes interventions chirurgicales

Interventions

chirurgicales

Actes réalisés Localisation

n°1

J06

Incision de décharge

Pose d'un derme artificiel (Integra) et

d'un pansement à pression négative

(VAC)

Mains et membre inférieur droit.

Mains.

n°2

J17

Second temps Integra: dépose de

silicone et d'autogreffe

Mains. Prise de greffe sur la cuisse

gauche.

n°3

J23

Excision des brûlures, Suivi de la

fermeture et du rapprochement des

berges d'aponévrotomie

Greffe et prise de greffe sur le membre

inférieur droit.

n°4

J25

Excision suivie d'une autogreffe Fesses, face postérieure de la jambe et de

la cuisse gauche, patchs sur la face

antérieure de la jambe gauche. Prise de

greffe au niveau du dos.

n°5

J30

Greffe de la paupière supérieure et

inférieure droite. Tarsorraphie

paupière gauche

Prise de peau pleine face médiale du bras

droit.

n°6

J43

Excision suivie de greffe Sur la tempe et l'oreille droite.

En patchs disséminés sur les mains.

Prise de greffe au niveau pariéto-occipital

droit.

Annexe IV : Classification New York Heart Association

Stade 1 : Aucune gêne fonctionnelle ; capacité d'effort physique normale pour l'âge.

Stade 2 : Gêne fonctionnelle nulle au repos, mais apparaissant dans l'exercice d'une activité

physique normale pour l'âge du sujet.

Stade 3 : Gêne fonctionnelle nulle au repos, mais apparaissant dans l'exercice d'une activité

physique moindre que la normale pour l'âge du sujet.

Stade 4 : Gêne fonctionnelle apparaissant au moindre effort et/ou présente au repos.

Page 39: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

Annexe V : Flexion des doigts longs lors du bilan final

Droite Gauche

II III IV V II III IV V

MP 45 30 45 30

IPP 30 15 30 45 30 15

IPD 10 10

Annexe VI : Quelques définitions

Extravasation : L'extravasation est le passage de produits intraveineux d'un vaisseau

sanguin vers les tissus environnants. Cela est possible soit par diffusion, soit par rupture du

canal conducteur. (Source : futura santé futura-sciences.com)

Thrombine : Enzyme dont l'action principale est de transformer le fibrinogène en

fibrine, étape finale de la coagulation plasmatique. (Source : Larousse médical édition

2006)

Fibrine : Protéine insoluble, constituant principal du caillot sanguin. (Source :

Larousse médical édition 2006)

Cytokine: molécule sécrétée par un grand nombre de cellules, en particulier les

lymphocytes (globules blancs intervenant dans l'immunité cellulaire) et les macrophages

(cellules de défense de l'organisme chargées d'absorber des particules étrangères) et

impliquée dans le développement et la régulation des réponses immunitaires. [...]

Les cytokines pro inflammatoires sont des facteurs régulateurs de l'inflammation. (Source :

Larousse médical édition 2006)

Fibroblastes: Chacune des cellules fusiformes qui, disposées en faisceaux,

constituant l'essentiel du tissu conjonctif de l'organisme. Les fibroblastes sont

responsables, d'une part, de la formation des fibres collagènes (substance intercellulaire du

tissu conjonctif) et, d'autre part, de la production de la substance gélatineuse et amorphe

qui entoure les fibroblastes et les fibres collagènes. Le rôle des fibroblastes est essentiel

dans la réparation des lésions traumatiques, inflammatoires ou autres; devenant alors

Page 40: Prise en charge d'un patient grand brûlé polytraumatisé

mobiles et contractiles (myofibroblastes), ils permettent la cicatrisation des plaies.

(Source : Larousse médical édition 2006)

Kératinocytes: Les kératinocytes sont les cellules qui recouvrent la peau.

Structure des kératinocytes : cellule constitutive de la couche superficielle de la peau

(épiderme) et des phanéres. Se renouvelant constamment, il faut un mois aux kératinocytes

pour passer de la couche basale (la plus inférieure) au stratum corneum (la plus

supérieure). A ce stade avancé, les kératinocytes ne sont plus vivants, ce sont des squames,

des cellules mortes par apoptose.

Rôle des kératinocytes : ils synthétisent la kératine, protéine fibreuse et insoluble dans

l'eau, qui assure à la peau sa propriété d'imperméabilité. Les kératinocytes participent

également à la protection de la peau contre les rayons ultraviolets en accumulant de la

mélanine. (Source : futura santé futura-sciences.com)

Angiogénèse : Formation de nouveaux vaisseaux à partir de vaisseaux préexistants

ou de précurseurs des cellules endothéliales (hémangioblastes). (Source : Larousse médical

édition 2006)

Matrice extracellulaire : La matrice extracellulaire est composée par l'association de

3 types de molécules :

Des fibres : collagène et élastine.

Des glycoprotéines : moins abondant que les fibres mais ont un rôle plus important dans

l'adhérence cellulaire comme la fibronectine et la laminine.

Des polysaccharides très hydratées constituant un gel de remplissage de la matrice.

(Source : futura santé futura-sciences.com)