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Problèmes médicaux lors de la consommationde drogues illégales

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Problèmes médicaux lors de la consommationde drogues illégales

Hugo KupferschmidtCentre suisse d’information toxicologique (CSIT), Zurich

Karin FattingerDivision de Pharmacologie et Toxicologie cliniques, Département de Médecine interne, Hôpital Universitairede Zurich

1 Introduction

Classification: L’Organisation mondiale de la santé(OMS) distingue neuf classes de substances psycho-tropes différentes:– alcool– opioïdes– cannabinoïdes– sédatifs et hypnotiques– cocaïne– autres stimulants, caféine incluse– hallucinogènes– tabac– solvants volatils

Ces substances peuvent être classifiées en drogues lé-gales et illégales; le présent chapitre ne traite que desdrogues illégales.

Un risque d’abus existe pour les substances quipossèdent deux caractéristiques: (1) les non-primatesles consomment également de leur plein gré, et (2)elles activent de façon aiguë le «système de récom-pense» («rewarding system») du système nerveuxcentral. Dans toutes les dépendances à des sub-stances, le système dopaminergique méso-cortico-limbique est mis à contribution, dont les neurones setrouvent dans l’aire du tegmentum ventral avec desliens vers les noyaux du système limbique (Nucleusaccumbens, Amygdala, Hippocampus). Ce systèmefavorise la répétition de toutes les activités qui aug-mentent le sentiment de bien-être; en assurant la prisede nourriture, la sexualité et les soins à la descen-dance, il sert directement à la survie de l’espèce. Alorsque la prise de nourriture et la sexualité conduisentrapidement à une diminution du circuit de récom-pense avec la répétition des stimuli, les substances fai-sant l’objet d’abus provoquent une nouvelle libéra-tion de dopamine à chaque fois.

Dépendance psychique et physique: La dépendancepsychique est définie comme le besoin impérieux d’at-teindre toujours et encore l’état d’euphorie, de dé-tente et de contentement que provoque la drogue.Elle est reliée à l’envie de consommer la drogue de fa-çon périodique afin de conserver le sentiment de bon-heur et d’éviter malaise et déplaisir. Une dépendancephysique se manifeste lorsque des symptômes de se-

vrage apparaissent à l’arrêt de la substance: la dispari-tion de l’inhibition du système nerveux sympathiquepeut alors entraîner des symptômes neurologiques etcardiovasculaires potentiellement mortels. Les symp-tômes de sevrage dépendent nettement de la durée del’abus; comme une nouvelle consommation de droguepeut les faire disparaître rapidement, un cercle vicieuxs’établit en cas d’abus chronique. Survient alors unetolérance ou une tachyphylaxie supplémentaire: uneaugmentation continuelle de la dose est nécessairepour obtenir un effet identique, jusqu’à ce qu’un nou-vel équilibre s’établisse à haute dose et à intervallesrapprochés. Des processus d’adaptation fonctionnelset morphologiques ont alors lieu au niveau cérébral.Leur rôle dans la dynamique de la toxicomanie n’estpour l’heure que partiellement connu. Une chose estcependant sûre: la dépendance psychique peut persis-ter bien longtemps après une cure de désintoxicationréussie.

Abus de drogues: L’abus de drogues est un comporte-ment acquis; les propriétés euphorisantes des droguespermettent de prendre de la distance avec les conflitsliés à la personnalité et perçus comme une menace.De ce fait, l’abus chronique de drogues est une mala-die: le «gain» ressenti au départ comme une victoiresur la vie débouche sur un processus autodestructeur,modulé par des facteurs biologiques (génétiques),psychologiques et sociologiques. Dans ce contexte, laclassification des drogues uniquement en fonction deleur mécanisme d’action ou de leur tableau cliniqueest presque impossible à établir. Le tableau cliniqueprésente de nombreux recoupements, car les effetssur le cerveau sont le résultat de l’influence molécu-laire de très nombreux systèmes, pouvant être activésou inhibés simultanément.

Drogues de substitution et polytoxicomanie: En de-hors des stupéfiants à proprement parler, toutes lessubstances qui modifient la perception de l’envi-ronnement et qui s’accompagnent de sensations eu-phoriques peuvent être utilisées comme drogues desubstitution et conduire à la dépendance. C’est ainsiqu’à côté des véritables drogues, une multitude demédicaments (comme les antidépresseurs tricycli-ques, les phénothiazines ou les anti-H1) ou de consti-tuants de plantes et de champignons (comme noix/

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fleurs de muscade ou psilocybine/psilocine) peuventdéclencher une perception chimérique de la réalité.L’inhalation de solvants, un problème sanitaire quiéchappe en grande partie aux statistiques, peut égale-ment générer euphorie et illusions. Depuis long-temps, l’intérêt des toxicodépendants ne se porte plusseulement sur la codéine, le flunitrazépam ou la mé-thaqualone pour compléter ou remplacer les drogues«dures» usuelles. Des médicaments de prime abordanodins peuvent être utilisés dans ce but (commel’acide méfénamique). La polytoxicomanie est égale-ment répandue, surtout chez les grands toxicomanes.En utilisant des substances dont le profil d’action estdifférent, ils cherchent non seulement à renforcerl’euphorie, diminuée par les effets de tolérance, maisaussi à réduire l’apparition d’effets indésirables diffi-cilement supportables. L’héroïne permet ainsi decontrer l’énorme stimulation du système nerveuxadrénergique engendrée par la cocaïne. Combinéavec la cocaïne, l’alcool provoque des problèmes àplusieurs niveaux: il exerce certes un effet sédatif,mais le métabolite qui en dérive provoque un nou-veau tableau d’intoxication, similaire à celui de la co-caïne.

Drogues de synthèse: Pour augmenter de façon cibléeles effets «souhaités», mais surtout pour éviter l’illéga-lité, aussi bien des drogues connues que des médica-ments voient leurs structures modifiées pour être ven-dus sur la scène de la drogue (drogues de synthèse ou«designer drugs»). Les exemples les plus connus sontles dérivés de l’amphétamine et les drogues dérivéesdu fentanyl. La naissance de la 3,4-méthylènedioxy-méthamphétamine (MDMA ou «ecstasy») a suivi unparcours classique: la 3,4-méthylènedioxyamphéta-mine (MDA ou «Adam»), la «drogue de l’amour» dessoixante-huitards, a été déclarée illégale par l’OMS enraison de ses propriétés neurotoxiques. L’ecstasy ne sedistingue de la MDA que par un groupe méthyle sup-plémentaire. Lorsque l’OMS classe également l’ecsta-sy dans la liste des drogues illégales à cause de son po-tentiel toxique, la 3,4-méthylènedioxyéthylamphéta-mine (MDEA ou «Eve») fait son apparition sur lemarché; d’autres dérivés montrant un spectre d’actionet des effets indésirables comparables ont suivi pourcontourner l’illégalité de l’ecstasy. MDA, MDMA etMDEA ne sont que quelques exemples d’une série dedrogues de synthèse dérivées de l’amphétamine ou dela méthamphétamine. Ces dérivés amphétaminiquessont également vendus sous le nom «d’ecstasy».

Substances de substitution: En dehors de l’offre no-toire de substances apparentées, l’adjonction de sub-stances de substitution bon marché («adulterants»)complique l’appréciation du tableau clinique en casde consommation de drogues. Caféine, quinidine,mannitol, procaïne et lidocaïne, ainsi que glucose,dextrose, lactose et amidon sont souvent détectés lorsde contrôles. Les amphétamines et la phencyclidine

ont également été utilisées comme substances desubstitution. L’évolution devient inquiétante lorsquede l’amphétamine, de la cocaïne ou d’autres drogues àpotentiel de dépendance élevé sont mélangées auxcomprimés d’ecstasy. Les impuretés issues durant lasynthèse peuvent également modifier considérable-ment le tableau clinique.

Symptomatologie et principes thérapeutiques: En rè-gle générale, les problèmes médicaux apparaissentlors de la consommation de drogues illégales soit suiteaux effets aigus toxiques immédiatement après laconsommation, soit en relation avec les manifesta-tions de dépendance lors de prise chronique. Les pa-ragraphes suivants donnent un aperçu des problèmessomatiques aigus liés à un abus des drogues illégalessous forme de brefs résumés tirés de la littérature. Lespublications contiennent malheureusement peu dedonnées quantitatives sur l’incidence des symptômeset leur gravité. La liste de symptômes chroniques estdestinée à mettre en évidence la dynamique liée à latoxicomanie. Pour une meilleure compréhension,chaque passage débute par une courte présentationdes processus neurophysiologiques importants – pourautant qu’ils soient connus. Les directives formuléespour le traitement des intoxications aiguës (voir lechapitre «Intoxications médicamenteuses») valentégalement en cas d’intoxication par des drogues illé-gales. Outre les mesures d’urgence, l’administrationd’antidotes – s’ils existent – constitue les piliers dutraitement. Le lavement intestinal orthograde avecune solution de Fordtran a fait ses preuves lors de«body packing» pour accélérer l’élimination des pa-quets de drogue hors de l’intestin. Les principes théra-peutiques qui suivent se rapportent ainsi principale-ment à des mesures d’urgence plus ou moins spécifi-ques. La collaboration d’une équipe médicale pluri-disciplinaire est indispensable pour le traitement deseffets d’un abus chronique et le suivi à long terme despersonnes dépendantes, car le sevrage ainsi que l’éta-blissement et le maintien de l’abstinence représententdavantage qu’un simple problème toxicopharmacolo-gique.

2 Présentation détaillée desdrogues illégales

2.1 Marijuana/HaschischLe tétrahydrocannabinol (THC) est le principe actifmajeur de trois préparations qui sont principalementfumées ou consommées sous forme de gâteaux ou deboissons: (1) la marijuana («herbe») est constituée desfeuilles séchées et des inflorescences du chanvre fe-melle; la teneur en THC s’élève aujourd’hui à environ15% (1–5% par le passé) par des cultures spéciales(«herbe indoor»), parfois même à 25%; (2) le ha-schisch («kif») est une résine contenant 10% de THC

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et (3) l’huile de haschisch est un extrait qui contient50% et plus de THC. Environ 60 cannabinoïdes sup-plémentaires partiellement actifs, ainsi que 360 autresconstituants ont été répertoriés, ce qui compliqueénormément l’évaluation du profil toxicologique.La caractéristique du THC repose sur ses proprié-tés stimulantes sur le SNC, en plus d’un effet psycho-dépresseur. Le THC réagit avec la plupart des sys-tèmes de neurotransmetteurs; il se lie à des récepteursspécifiques (CB1 et CB2) dans le cervelet et la zonedu cortex frontal. L’effet anticonvulsivant, analgé-sique et antiémétique des cannabinoïdes est partielle-ment dû à cette liaison spécifique. Ils abaissent la tem-pérature corporelle au niveau central et augmententl’appétit.

Tableau clinique: Euphorie, détente et somnolencesont des effets aigus à faibles doses, accompagnés gé-néralement d’une légère ataxie et d’une faiblessemusculaire. Le THC provoque une vasodilatation gé-nérale et une tachycardie. Lorsque la dose augmente,l’intensité des perceptions sensorielles se modifie, ain-si que la notion d’espace et de temps. Se produit alorsune perte du sens de la réalité, accompagnée d’une ap-préciation erronée des performances personnelles etde troubles de la mémoire à court terme. Chez les néo-phytes (intoxication accidentelle!) et à hautes dosesapparaissent une sensation d’oppression au niveau dela poitrine, de l’anxiété et des états d’excitation allantjusqu’à la panique. Une terrible sensation de soif, desvertiges, ainsi que des nausées et des vomissements –malgré des propriétés antiémétiques – constituentd’autres symptômes végétatifs. Une augmentationsupplémentaire de la dose cause égarement, illusionset hallucinations avec induction de psychoses. Uneévolution vers la psychose se rencontre plus fréquem-ment lorsqu’il y a association à d’autres psychostimu-lants.

Contrairement aux symptômes d’intoxication co-gnitifs et végétatifs, l’utilisation chronique de marijua-na provoque rapidement une tolérance qui touchel’euphorie recherchée et conduit ainsi à une augmen-tation de la consommation. Un «syndrome d’absencede motivation» a été décrit après un abus chronique,accompagné d’humeur dépressive, de léthargie, detroubles de la concentration et altération de la pensée.Le contraire reste cependant possible, à savoir qu’un«syndrome d’absence de motivation» latent pourraitprédestiner à la consommation de marijuana. Laquestion sur le potentiel toxicologique des cannabi-noïdes reste encore ouverte, surtout concernant leurseffets sur le fœtus; vu le nombre de consommatrices,cette question n’est pas seulement d’intérêt scienti-fique. Les lésions chroniques respiratoires dues, entreautres, à la forte teneur en goudron des cigarettes demarijuana restent par contre incontestées. L’appari-tion d’un léger syndrome de sevrage est un phéno-mène connu, accompagné de nervosité, de troubles del’humeur anxio-dépressifs, de tremblements et de

troubles du sommeil, et peut persister quatre à cinqjours.

Mesures thérapeutiques: En règle générale, desmesures spécifiques sont rarement nécessaires en casd’intoxication aiguë par la marijuana:– en cas de psychose (le plus souvent auto-limitée et

de courte durée): environnement calme;– en cas d’anxiété ou d’agitation: benzodiazépines;– en cas de troubles dépressifs: consultation psychia-

trique et traitement antidépresseur.

2.2 Opioïdes et opiacésLes opiacés regroupent les constituants naturels etsemi-synthétiques de l’opium (codéine, morphine,héroïne), alors que la notion d’opioïdes englobeégalement les substances entièrement synthétiques.Malgré des structures très différentes, les opioïdespossèdent une gamme d’effets désirables et indésira-bles comparable, principalement dus à leur liaison àdifférentes classes de récepteurs aux opioïdes (récep-teurs µ, δ et κ). Les agonistes purs sont à différencierdes antagonistes partiels (comme buprénorphine,pentazocine, nalorphine). Tous les opioïdes peuventengendrer une toxicomanie et une dépendance, quisemblerait toutefois moins forte pour les antago-nistes partiels. Les drogues de synthèse dérivées dufentanyl, appelées «héroïne synthétique» (α-méthyl-fentanyl «china white» et 3-méthylfentanyl «persianwhite») sont jusqu’à 3000 fois plus puissantes que lamorphine. Elles engendrent presque immédiatementune euphorie prononcée, ainsi qu’une rigidité thora-cique extrême et une dépression respiratoire, mêmeà petites doses, qui aboutissent souvent à la mort.Des impuretés contenues dans les esters de la péthi-dine (MPPP, PEPAOP) ont provoqué un syndromeparkinsonien grave et irréversible. En règle générale,une réaction de sevrage apparaît lorsque l’opioïdefaisant l’objet de l’abus, quel qu’il soit, n’est plus pris;une réaction de sevrage aiguë peut également êtredéclenchée lorsqu’un antagoniste des opiacés est ad-ministré (naloxone, naltrexone). La synthèse et la li-bération de noradrénaline est inhibée au niveau pré-synaptique par l’intermédiaire des récepteurs auxopioïdes. Cette inhibition est supprimée durant lesevrage, laissant place à une véritable «marée de nor-adrénaline». L’administration de clonidine, un ago-niste α2, permet d’inhiber similairement la synthèsede noradrénaline au niveau présynaptique et de trai-ter les symptômes adrénergiques durant une réactionde sevrage. De très graves intoxications peuventavoir lieu durant un traitement de sevrage par la nal-trexone lorsque les patients essaient de contre-carrerson effet antagoniste par une augmentation massivedes doses d’opiacés. Les anciens toxicomanes dépen-dant des opioïdes ne devraient pas être réexposéstrop facilement aux opioïdes, car la dépendance psy-chique persiste bien plus longtemps que la dépen-dance physique.

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Tableau clinique: D’abord survient une euphorie,qui fait place à des sentiments dysphoriques rapide-ment après le «kick» obtenu lors d’abus répétés. L’in-toxication aiguë se caractérise par les symptômes sui-vants: sédation allant jusqu’au coma; myosis; à desdoses plus élevées, inhibition de la réaction du centrerespiratoire à l’irritation due au CO2 avec dépressionrespiratoire; également typiques: bradycardie, hypo-tension artérielle, hypothermie et diminution des ré-flexes allant jusqu’à l’aréflexie, y compris inhibitiondu réflexe de la toux, également rigidité des musclesstriés, surtout au niveau du tronc, augmentation du to-nus des muscles lisses avec constipation et rétentionurinaire; prurit, ainsi que vasodilatation générale etbronchoconstriction dues à la libération d’histamine.Le stade chronique est marqué par une importante dé-pendance psychique et physique, ainsi que par ledéveloppement d’une tolérance. La tolérance peut ré-gresser dès quelques jours d’abstinence; un risque dedépression respiratoire existe réellement lors d’uneréexposition. Comme la polytoxicomanie s’accom-pagne souvent d’isolement social, les données sur leslésions chroniques altérant les fonctions cérébralessont rares. Une évolution vers la dépression est cepen-dant fréquente. De plus, des troubles du système im-munitaire accompagnés d’infections virales et bacté-riennes locales se manifestent. Une lésion directetoxique peut apparaître sous forme de cardiomyopa-thie ou d’un œdème pulmonaire, bien connu avec l’hé-roïne. Si la stimulation des récepteurs aux opiacés pardes opioïdes exogènes disparaît, l’activité du sympa-thique augmente rapidement et une réaction de se-vrage apparaît, qui débute par le besoin intense dedrogue («craving») et des sentiments d’anxiété, suivisde bâillements, de nervosité, d’insomnie, de transpira-tion, de larmoiement et de rhinorrhée, puis de my-driase, chair de poule, tremblements, spasmes et dou-leurs musculaires, bouffées de chaleur. Un syndromede sevrage marqué verra l’apparition supplémentairede tachycardie, élévation tensionnelle, tachypnée,nausées, fièvre, ultérieurement diarrhée, vomisse-ments, transpiration excessive et douleurs massivesdes membres. Avec l’héroïne et la morphine, les pre-miers symptômes apparaissent après 8 à 10 heures; ilsatteignent leur maximum après 2 à 3 jours. Avec laméthadone, les premiers symptômes s’observentaprès 12 à 24 heures et persistent 1 à 3 semaines. Laréaction de sevrage est éventuellement un peu plusfaible avec les agonistes partiels. L’arrêt de drogues«coupées» peut également provoquer des symptômesd’abstinence. Des vasospasmes accompagnés d’in-farctus cérébral et du myocarde ont été occasionnelle-ment observés.

Mesures thérapeutiques: Administrer la naloxonecomme antagoniste spécifique des opioïdes en cas dedépression respiratoire potentiellement mortelle etde risque d’insuffisance cardiovasculaire; surveiller lerythme cardiaque, car des troubles du rythme ventri-

culaire et des fibrillations ventriculaires sont possi-bles, spécialement en cas d’intoxications mixtes avecde la cocaïne:– intoxication chez l’adulte: 0,4 mg (–2 mg) de na-

loxone, à doser en fonction des signes cliniques (di-latation pupillaire, fréquence respiratoire, pressionsanguine, conscience);

– intoxication chez le toxicomane dépendant desopiacés: après la dose initiale, titrer la naloxone parpalier de 0,2 mg afin d’éviter les symptômes de se-vrage aigus; une éventuelle perfusion après la doseinitiale permet d’antagoniser l’effet des opioïdesde longue durée d’action (comme la méthadone) etla «remorphinisation»;

– intoxication chez le petit enfant: naloxone0,01 mg/kg de poids corporel;

– en cas d’œdème pulmonaire toxique: respirationavec PEEP, les diurétiques sont le plus souvent in-utiles;

– en présence de symptômes de sevrage: clonidine(HCl) 3 × 0,3 mg p.o. en surveillant la pression san-guine et le pouls, augmenter éventuellement jus-qu’à 1,2 mg p.o. par jour; diminuer progressive-ment la clonidine après 4 à 7 jours pour l’héroïne,ou après 14 jours pour la méthadone (attention:augmentation de la pression sanguine à l’arrêt dutraitement!); les benzodiazépines peuvent momen-tanément être utiles, mais doivent être utiliséesavec retenue (dépendance);

– en cas de vasospasmes: inhibiteurs calciques oumagnésium i. v.

2.3 CocaïneLa cocaïne stimule la libération de neurotransmet-teurs biogènes et inhibe la recapture synaptique de lanoradrénaline et de la dopamine. La cocaïne pro-voque ainsi une intoxication aux catécholamines ful-gurante, aiguë et dose-dépendante; les réserves detous les neurotransmetteurs biogènes s’appauvrissentrapidement. Dynamique d’action: forte euphorieaprès quelques secondes (i. v., «crack») ou quelquesminutes («sniffer») avec augmentation de laconscience de sa propre valeur, sensations intenses etdiminution de l’anxiété. Disparition de l’euphorieaprès quelques minutes («crack») ou 1⁄2 heure (i. v.,«sniffer») avec augmentation des sentiments d’anxié-té, illusions et hallucinations allant jusqu’à des per-ceptions paranoïdes; besoin impératif d’une nouvelledose («craving»). Sans nouvelle dose, «crash» accom-pagné de fatigue, perte d’entrain et forte tendancedépressive; besoin intense de cocaïne. L’euphorie gé-nérée par la cocaïne devient un objectif vital («junkiestate»). Augmentations des doses dues au développe-ment d’une tolérance et passage à un abus chroniqueen cas de «craving» fréquent. En cas d’applicationchronique, carence permanente en neurotransmet-teurs, avec mécanismes d’adaptation fonctionnels etstructuraux au niveau du cerveau, ainsi que symp-

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tômes de toxicité directe ou indirecte de la cocaïne,touchant potentiellement tous les systèmes organi-ques. La consommation simultanée d’alcool atténuel’hyperactivation du SNC; l’alcool provoque simulta-nément l’apparition de l’éthylcocaïne, un métabolitede la cocaïne dont le potentiel de toxicité et de dé-pendance est comparable à celui de la cocaïne elle-même.

Tableau clinique: En cas d’intoxication aiguë, la sti-mulation massive du système nerveux adrénergiqueprovoque mydriase, agitation prononcée, transpira-tion, tachycardie et hypertension artérielle. La vaso-constriction générale accompagnée de spasmes ou dela formation de thrombi, et l’augmentation des be-soins en oxygène peuvent provoquer des signes isché-miques allant jusqu’à l’infarctus du myocarde. Ary-thmies ventriculaires par surcharge en calcium intra-cellulaire, plus blocage des canaux sodiques; des bra-dyarythmies accompagnées de torsades de pointessont également possibles. Comme au niveau car-diaque, des accidents vasculaires peuvent se produireau niveau cérébral (lésions ischémiques et hémorra-gies cérébrales), le facteur pathogénétique étant unappauvrissement en magnésium intracellulaire enplus de l’activation sympathique. Panique, psychoseset crises épileptiques sont d’autres symptômes gravestouchant le SNC, en dehors d’illusions marquées etd’hallucinations. L’apparition supplémentaire d’unerhabdomyolyse accompagnée d’insuffisances rénaleet hépatique et d’hyperthermie débouche sur un pro-nostic sérieux. L’intervalle libre de drogues lors d’unabus chronique est caractérisé par un important syn-drome d’anhédonie, partiellement accompagné detroubles dépressifs graves et de réactions psychoti-ques ou d’idées délirantes. Désintégration socialecroissante avec augmentation du risque de polytoxi-comanie et ses conséquences. Augmentation du nom-bre d’infections, y compris endocardite, pas seule-ment en cas d’application i. v. Dissection aortique,hypertrophie ventriculaire gauche et cardiomyopa-thie sont les conséquences à long terme. La toxicité dela cocaïne est probablement plus élevée durant lagrossesse et la période prénatale. L’influence de la co-caïne sur le fœtus et le développement précoce del’enfant fait l’objet d’une recherche intensive.

Mesures thérapeutiques:– benzodiazépines en cas d’anxiété et d’agitation,

également lors d’élévation de la température cor-porelle et en cas de crises épileptiques;

– substitution volumique, refroidissement physiquepar enveloppements de glace; éventuellement sul-fate de magnésium i.v. en cas d’hyperthermie po-tentiellement mortelle;

– en cas de réactions psychotiques: halopéridol;– α-bloquant (phentolamine) en cas d’hypertension

artérielle (attention: un blocage uniquement bêtaentraîne une aggravation à cause de la fraction al-pha-adrénergique non bloquée);

– nitroglycérine sublinguale en cas d’arythmies; suitedu traitement selon les directives valables en car-diologie (attention: pas d’antiarythmiques detype I, car la cocaïne bloque déjà les canaux sodi-ques);

– en cas de toxicité hépatique: N-acétylcystéine enraison de l’appauvrissement en glutathion dû à lacocaïne, éventuellement traitement antioxydantpar les vitamines C et E;

– en cas de craving massif: traitement psychiatrique,éventuellement antidépresseur.

2.4 AmphétaminesLes amphétamines possèdent des propriétés dopami-nergiques et de puissantes propriétés adrénergiques.A doses élevées, elles provoquent en plus une libéra-tion de sérotonine et inhibent la recapture synaptiquedes amines biogènes. L’effet s’amenuise avec l’épuise-ment des réserves d’amines. Les principaux sites d’ac-tion se trouvent dans les neurones nigrostriataux (sté-réotypies), l’hypothalamus (inhibition de l’appétit),la formation réticulée (augmentation de l’activité) etle système nerveux sympathique périphérique (symp-tômes végétatifs). De nombreuses substances d’actionsimilaire sont produites illégalement par modificationde la structure phényléthylaminique commune; cer-taines pénètrent mieux à l’intérieur du cerveau etagissent plus longtemps que l’amphétamine elle-même, comme entre autres la méthamphétamine(«ice») et la phentermine. Le khat (Catha edulis)est une plante d’Afrique de l’Est dont la substanceactive est la norpseudoéphédrine; son effet stimulantsur le SNC est d’environ 10% de celui de l’amphéta-mine.

Tableau clinique: La toxicité aiguë touche essen-tiellement le SNC et le système cardiovasculaire. Eu-phorie, chez certains patients états anxieux dysphori-ques, agitation motrice, augmentation de l’excitabilitéallant jusqu’à l’agressivité, ainsi que stéréotypies sontcaractéristiques. Les hallucinations sont typiques etpeuvent faire partie du délire amphétaminique à côtéde troubles du discernement, de l’orientation, de lamémoire et de la conscience. Les réactions psychoti-ques sont fréquentes et vont souvent de pair avec undélire de persécution et une mégalomanie. Mydriase,tremblements, transpiration, tachycardie et hyperten-sion artérielle sont des symptômes végétatifs cou-rants. Des crises épileptiques et des arythmies ventri-culaires apparaissent à hautes doses. Une élévationexcessive de la pression sanguine et des vasospasmespeuvent entraîner une dissection aortique, des infarc-tus et des hémorragies cérébrales. L’apparition d’unehyperthermie est également défavorable pour le pro-nostic, surtout si elle s’accompagne d’un syndrome decoagulation intravasculaire disséminée (CIVD) etd’une rhabdomyolyse avec insuffisance rénale crois-sante. En cas d’application chronique, la perte de l’ef-fet conduit à une augmentation de la posologie. Une

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dose élevée ou une application i.v. provoquent un«kick», ou une sensation d’euphorie courte et exces-sive. La déprime qui s’ensuit pousse à reprendre de ladrogue à intervalle toujours plus court, souvent jus-qu’à épuisement total. Les troubles de la mémoire etles déficits cognitifs durent de quelques jours à plu-sieurs semaines. La dépendance psychique, ainsi queles troubles dépressifs chroniques et une anorexiemarquée, conduisent à une désintégration sociale etsouvent à une polytoxicomanie. L’abus chroniqued’amphétamines conduit éventuellement à une lésionirréversible des neurones dopaminergiques et séroto-ninergiques. L’amphétamine et la méthamphétaminepeuvent de plus exercer un effet toxique direct sousforme de vasculite nécrosante ou de cardiomyopathiedue à une hyperactivation adrénergique.

Mesures thérapeutiques:– benzodiazépines en cas d’agitation et d’élévation

de la température corporelle, de crises épilepti-ques, ainsi qu’en cas de délire accompagné d’agita-tion et d’anxiété ou de perturbations des fonctionsvitales;

– halopéridol en cas de délire ou d’hallucinationslorsque les fonctions vitales sont normales;

– phentolamine, nifédipine, nitroprussiate de so-dium en cas d’hypertension artérielle excessive;

– lavements réfrigérants, sulfate de magnésium et re-froidissement physique en cas d’hyperthermie.

2.5 Hallucinogènes, y comprischampignons hallucinogènes

Une hallucination est une distorsion de la réalité ac-compagnée d’une perception de choses inexistantes.Les véritables hallucinations se produisent spontané-ment et sans stimulation externe. Elles peuvent fairepartie intégrante d’un délire accompagné de troublesdu discernement, de l’orientation, de la mémoire et dela conscience. Elles représentent également un symp-tôme typique du sevrage des sédatifs/hypnotiques oude l’alcool. Le terme «hallucinogènes» s’est toutefoisétabli pour un groupe de substances qui ne déclenchepas de délire mais très rarement de véritables halluci-nations, et n’entraîne ni sédation ni troubles massifsde la mémoire en phase aiguë. Le symptôme majeurest constitué d’illusions, soit une distorsion des vraisstimuli venant de l’environnement. Contrairementaux véritables hallucinations observées sous amphé-tamine ou cocaïne, le patient sous hallucinogènesreste conscient que les hallucinations ne sont pasréelles (les termes «hallucinogène», «psychédélique»ou «illusiogène» sont fréquemment utilisés comme sy-nonymes).

On distingue deux groupes parmi les hallucino-gènes: (1) les substances dont la structure est parenteavec la noradrénaline et l’amphétamine (type phé-nyléthylamine) et (2) celles parentes avec la séroto-nine (type indol) dont le LSD est le plus puissantreprésentant. La psilocybine (principe actif des cham-

pignons hallucinogènes, «magic mushrooms») appar-tient également à ce deuxième groupe. Les drogueshallucinogènes agissent sur différents systèmes deneurotransmetteurs. Les signes cliniques sont géné-ralement le résultat d’un effet sympathomimétiquedirect de ces substances ou d’une activation indirectedu système nerveux sympathique induite par les expé-riences psychiques vécues sous l’effet de ces drogues.Une action agoniste sur les récepteurs 5-HT2 post-synaptiques provoque l’effet hallucinogène. Leshallucinogènes de type indol se lient également auxrécepteurs 5-HT1a présynaptiques et inhibent ainsila libération de sérotonine. L’inhibition de ces ré-cepteurs au niveau du tronc cérébral influence égale-ment les effets locomoteurs. En règle générale, cessubstances provoquent une diminution du turnoverde la sérotonine. La durée de l’effet varie largement(diméthyltryptamine (DMT) 1–2 h; LSD 6–8 h; mes-caline 6–10 h; 2,5-diméthoxy-4-méthylamphétamine(DOM) plus de 24 h). En cas de prises répétées, déve-loppement d’une tolérance en 2–3 jours diminuantl’effet hallucinogène.

Tableau clinique: Une situation potentiellementmortelle est rare. L’évolution fatale observée sousLSD est généralement due à un accident provoquépar les hallucinations. Les cas d’hémiplégie ont étémis sur le compte de vasospasmes. L’intoxication ai-guë est caractérisée en premier lieu par des troublessomatiques comme des vertiges, paresthésies, trem-blements et faiblesse musculaire, ainsi que des trou-bles de la perception visuelle et auditive, de la concen-tration et de l’attention, mais aussi des modificationspsychiques éventuellement accompagnées de sautesd’humeur extrêmes, de rêveries, d’une forte augmen-tation des sensations tactiles et d’une modification dela notion du temps. Les stimuli sensoriels se mélan-gent; le patient «entend» les couleurs et «voit» lesodeurs (= synesthésies). Les objets glissent les unsdans les autres et le «moi» ne peut plus être séparé dece qui l’entoure. En présence de troubles psychiquespréexistants, évolution dramatique avec «bad trips» etsentiments de dépersonnalisation; anxiété et crises depanique peuvent apparaître dans de telles situations.La désorganisation de la personnalité provoquée parles hallucinogènes peut conduire à des troubles delongue durée de la personnalité. D’autres effets chro-niques regroupent dépressions et «flashbacks» (ou re-viviscences); il s’agit de l’apparition spontanée desymptômes après une phase d’abstinence qui peuventengendrer des crises de panique et des réactions psy-chotiques des semaines après l’ingestion de la der-nière prise.

Mesures thérapeutiques: Une perception erronéede la réalité et la peur peuvent être responsables decomportements autodestructeurs. C’est pourquoi lapremière priorité consiste à parler sur un ton tran-quille et continu, dans un environnement calme etprotégé de tout brusque stimulus externe («talk-

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down»), comme cela se pratique avec succès dans lescercles de consommateurs.– benzodiazépines en cas d’agitation importante mé-

langée de peur;– 50–100 mg de chlorpromazine p.o. (ou i. m.) ou

2–4 mg d’halopéridol i. m. en cas d’agitation impor-tante accompagnée de réactions psychotiques.

Attention: pas de bêtabloquants pour traiter les effetssympathomimétiques à cause de la fraction alpha-adrénergique non bloquée!

2.6 Méthylènedioxy-3,4-méthamphéta-mine (MDMA, ecstasy)

La MDMA est devenue dans les années 1990 unedrogue culte parmi les adeptes de soirées techno. Lasubstance montre une structure apparentée à l’am-phétamine et à la mescaline et occupe ainsi une posi-tion intermédiaire entre les hallucinogènes et lesstimulants purs. Les effets stimulants sur le SNC et leseffets psychédéliques sont provoqués par la brusquelibération de monoamines et par l’inhibition de leurrecapture synaptique. De plus, la MDMA inhibe latryptophane hydroxylase, essentielle à la synthèse dela sérotonine. La baisse du taux de sérotonine dans lecerveau se redresse 24 heures après une prise uniquede 0,5 à 1,5 mg/kg. Une carence durable en sérotonines’observe lors de l’utilisation chronique de doses suffi-samment élevées, qui limite les processus émotionnelset cognitifs. La courbe dose-toxicité est très penchée:des troubles partiellement irréversibles avec destruc-tion de neurones sérotoninergiques ont été mis en évi-dence chez les rongeurs et les primates après l’admi-nistration répétée de doses 5 fois supérieures à la dosede «consommation habituelle». Les demandes adres-sées au CSIT laissent supposer une tendance vers uneconsommation plus fréquente et de doses plus éle-vées. L’incertitude sur le contenu exact des compri-més d’ecstasy représente un risque supplémentairepour le consommateur.

Tableau clinique: La MDMA exerce un effet exci-tant et renforce les perceptions sensorielles, princi-palement celles produites par la musique et la lu-mière, jusqu’à l’illusion; elle exacerbe de façon aiguële sentiment de sa propre valeur, de performance etd’euphorie; le renforcement des sensations inté-rieures et de la perception est décrit comme «entacto-gène». Les effets négatifs se résument en une réactionde stress avec tachycardie, augmentation de la pres-sion sanguine, tremblements et transpiration. Tris-mus et crampes musculaires principalement dans lazone maxillaire sont fréquents. Flashbacks, crises depanique et réactions psychotiques peuvent apparaîtreaussi bien dans les premières 24 heures après la priseque des jours, voire des semaines plus tard. Ces symp-tômes précisément ne dépendent pas uniquement dela dose mais apparaissent également après une priseunique (facteurs prédisposants?). Une élévation de latempérature corporelle à plus de 40 °C représente un

signal d’alarme; la combinaison hyperthermie, criseépileptique, rhabdomyolyse, coagulation intravascu-laire disséminée avec chute tensionnelle et défail-lance rénale a été observée dans la plupart des cas dedécès. Une insuffisance hépatique a également unpronostic très sérieux. Le mode de prise actuel sem-ble consister en des doses en majorité faibles avec delongs intervalles sans MDMA, ce qui pourrait expli-quer l’apparence inoffensive de la toxicité aiguë. Lesrisques liés à la prise chronique et fréquente deMDMA ne sont pas encore clairement définis chezl’être humain, malgré les données expérimentalesanimales. Des épisodes de panique, de dépressions etde psychoses sont documentés à plusieurs reprisesdans la littérature. Des dépressions dues au manque,des troubles de l’humeur, une nervosité intérieure etdes troubles de la mémoire ont été également décritslors d’abus chronique.

Mesures thérapeutiques: En phase aiguë, il suffitgénéralement d’administrer une importante quantitéde liquide en surveillant les électrolytes et la fonctionrénale (la température ne peut pas se normaliser effi-cacement en l’absence d’un volume extracellulairesuffisant!) et de traiter l’anxiété et l’agitation (diazé-pam i.v.);– en cas d’hyperthermie potentiellement mortelle:

lavements réfrigérants, sulfate de magnésium,éventuellement anesthésie avec ventilation méca-nique;

– tachycardie et élévation tensionnelle excessive:phentolamine; benzodiazépines;

– paranoïa/psychose: essayer les neuroleptiques oules benzodiazépines; éviter les médicaments séro-toninergiques (comme les inhibiteurs de la recap-ture de la sérotonine) en raison du risque de syn-drome sérotoninergique.

2.7 Phencyclidine (PCP) et substancesapparentées

La popularité de la PCP a diminué au cours de ces der-nières années. La PCP a été développée à l’originecomme anesthésique dissociatif, déconnectant les pa-tients de la réalité sans perte de conscience et sansperception de la douleur. Le blocage du canal ioniquerégulé par le récepteur NMDA lui confère ces effets.De nombreuses substances analogues ont été pro-duites en modifiant la structure de la PCP. De puis-sance variable, ces substances sont utilisées commeanesthésiques (par ex. la kétamine) ou venduescomme drogues de synthèse. La PCP exerce un effetdose-dépendant sur pratiquement tous les systèmesde neurotransmetteurs importants, y compris le sys-tème opioïde endogène. Son potentiel de dépendanceest semblable à celui des opiacés et de la cocaïne. L’ap-parition simultanée d’effets centraux stimulants et dé-primants en cas de surdosage sont typiques de la PCPet de ses dérivés. La présence du produit intermé-diaire contaminant PC (1-pipéridinocyclo-hexanecar-

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bonitrile) peut provoquer une intoxication au cya-nure.

Tableau clinique: L’intoxication aiguë est caractéri-sée par le rétrécissement des pupilles, agitation et pa-nique allant jusqu’à des actes de violence, ainsi que desévères réactions délirantes ou psychotiques. L’appa-rition d’un nystagmus typique facilite le diagnosticdifférentiel de la PCP par rapport aux autres drogues.L’activité sympathique est également prononcée, avectachycardie, hypertension artérielle, transpiration et«flushing». Après le «high», les patients sont souventdysphoriques, anxieux et dépressifs. Le développe-ment d’une hyperthermie, d’une rhabdomyolyse etd’un coma est le signe d’une intoxication grave. Lessymptômes persistent normalement entre 7 et 16 h,mais peuvent durer jusqu’à une semaine en cas d’abuschronique et de «runs» durant des jours entiers, ce quinécessite une surveillance prolongée. A hautes doseset en présence de maladies psychiatriques préexis-tantes, des psychoses chroniques de très mauvais pro-nostic peuvent se déclencher. De plus, l’utilisationchronique de PCP prédispose au «postwithdrawalstate» à l’arrêt de la prise, accompagné de léthargiedépressive, de troubles du sommeil et de l’appétit. LaPCP traverse le placenta et peut déclencher chez lenouveau-né un syndrome de sevrage similaire à celuides narcotiques.

Mesures thérapeutiques: Le meilleur traitementdes impulsions agressives et autoagressives est la miseen place d’une sédation dans un environnement tran-quille, dépourvu le plus possible de stimulations sen-sorielles:– liquide en suffisance pour garantir la thermorégu-

lation;– en cas d’agitation: 10 mg de diazépam i. v., éven-

tuellement à répéter; ou 2–5 mg d’halopéridol i. m.ou i. v. (pas de phénothiazines anticholinergiquesen phase aiguë!);

– en cas de tachycardie importante et d’hypertensionartérielle: labétalol;

– en cas de rhabdomyolyse marquée: assurer la diu-rèse et envisager une alcalinisation de l’urine;

– en cas d’état dépressif: antidépresseur (après dis-parition des signes d’intoxication anticholinergi-ques!).

2.8 Gamma Hydroxybutyrate etGammabutyrolactone

Le Gamma Hydroxybutyrate (GHB, «liquid ecstasy»,4-hydroxybutyrate) est un analogue synthétique duGABA (acide γ-aminobutyrique), un neurotransmet-teur inhibiteur central qui se trouve en traces dans leSNC. La substance a été synthétisée pour la premièrefois en 1960 et utilisée comme narcotique en anesthé-sie. L’absence d’effet analgésique et ses effets indési-rables (convulsions) ont provoqué l’abandon du GHBen anesthésie; sa présence sur le marché a pourtantcontinué dans les années 1980 comme somnifère ven-

du sans ordonnance. La substance a connu une nou-velle ère de popularité principalement dans les mi-lieux culturistes («body building») au début des an-nées 1990 comme lifestyle-drug. Les effets qui lui ontété attribués et jamais démontrés regroupent sa capa-cité de stimuler la libération de l’hormone de crois-sance, des effets anabolisants, une induction du som-meil et des effets anorexigènes. Le GHB est considérécomme euphorisant et hallucinogène. Se présentantsous forme liquide pratiquement inodore et insipide,il est occasionnellement utilisé à des fins criminellescomme «date-rape drug» ou «knock-out drops» car ilpeut être mélangé à une boisson à l’insu de la victime.Les autorités sanitaires de différents pays l’ont décla-ré illégal après que plusieurs incidents (rarement mor-tels) aient été mis en rapport avec son utilisation tou-jours plus fréquente dans les milieux branchés.Comme pour les drogues de synthèse, sa vente est pas-sée alors par le biais du marché noir. Une grande dif-fusion existe actuellement via Internet.

La Gammabutyrolactone (GBL) et la Gammavalé-rolactone (GVL) sont des précurseurs chimiques dansla synthèse du GHB et permettent sa production. LaGBL et la GVL sont transformées dans l’organismeen GHB. Leur tableau d’intoxication correspond à ce-lui du GHB. Depuis début 2002, date depuis laquellele GHB est soumis en Suisse à la loi sur les stupéfiants,la consommation de la GBL semble augmenter.

Tableau clinique: Une dose de 10 mg/kg de GHBentraîne une amnésie de courte durée, 20–30 mg/kgprovoquent une somnolence et 50–70 mg/kg induisentsommeil (hypnose) et hypotension. Sa résorption de-puis le système gastro-intestinal est rapide, mais in-complète. Son effet se manifeste après 15 min envi-ron; les taux plasmatiques maximaux sont dose-dépendants et sont atteints entre 25 min (après12,5 mg/kg) et 45 min (après 50 mg/kg). Sa durée d’ac-tion varie entre 4 et 6 heures (2 à 96 heures dans lescas extrêmes). La demi-vie d’élimination terminaleest d’environ 20 min. Le GHB traverse les barrièreshématoencéphalique et placentaire. Les signes aigusprovoqués par le GHB regroupent en première lignedes symptômes nerveux centraux: somnolence, délire,coma. Des crises épileptiques (grand mal et petit malde type absence) et des convulsions épileptiformessont fréquentes, bien que certains auteurs doutentque ces convulsions soient de véritables crises épilep-tiques. A fortes doses, une dépression respiratoire etune apnée peuvent apparaître. Bradycardie, vomisse-ments et hypothermie ont été également observés, lesdécès apparaissant à la suite de complications (bles-sures causées par une perte de connaissance rapide,apnée, aspiration). Les combinaisons avec d’autressubstances sont dangereuses, surtout les médicamentsdépresseurs du SNC (opiacés, alcool, benzodia-zépines, cannabis, amphétamines). Des données ré-centes indiquent que l’abus chronique de GHB peutengendrer une dépendance physique lorsque la sub-

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stance est consommée pendant longtemps à inter-valles courts (quelques heures) et à hautes doses.

Mesures thérapeutiques: Maintien des fonctionsvitales:– lorsque la protection des voies respiratoires n’est

pas assurée chez le patient comateux: intubationtrachéale;

– en cas de crises épileptiformes: benzodiazépines(par ex. diazépam).

2.9 Nitrite d’amyle et substancesapparentées («poppers»)

Les nitrites d’amyle, de butyle et d’isobutyle («pop-pers») sont utilisés principalement dans les milieuxhomosexuels comme substances à inhaler pour aug-menter l’activité sexuelle. Leur effet est dû à une in-tense vasodilatation (dans la région du bassin). Sur lemarché noir, ces préparations sont souvent proposéessous une dénomination trompeuse («produits d’am-biance»).

Tableau clinique: Les effets aigus sont dus à la vaso-dilatation et se manifestent par une rougeur cutanée(flush), une hypotension orthostatique, des palpita-tions et une tachycardie. L’apparition de céphaléesdues aux nitrates, de xanthophtalmie, de nausées et devomissements est typique. Les nitrites augmentent lapression intraoculaire et peuvent déclencher une der-matite. Un surdosage peut provoquer hypotension(éventuellement choc), bradycardie, méthémoglobi-némie, anémie hémolytique et coma. Une associationpossible existe entre un abus chronique et l’apparitionaccrue d’un sarcome de Kaposi chez les personnes in-fectées au VIH. Les nitrites ont probablement un effetcancérigène dû à la formation de nitrosamines.

Mesures thérapeutiques:– en cas d’hypotension: substitution volumique;– en cas de méthémoglobinémie (>30%): bleu de

méthylène i. v.

2.10 Abus de solvants volatils ou de gazinhalés

La consommation abusive de solvants organiques vo-latils, mais également de protoxyde d’azote (gaz hila-rant, N2O), est souvent due à leur effet enivrant. Lenombre des solvants potentiellement utilisables estimportant, mais le toluène (diluant pour peinture), labenzine, le butane (combustible pour briquet) et leshydrocarbures halogénés (diluants pour liquide cor-recteur de machines à écrire, gaz propulseurs, sol-vants utilisés pour le nettoyage chimique) sont le plussouvent incriminés dans les cas d’abus.

Tableau clinique: L’intoxication aiguë qui consisteà inhaler sous forme concentrée le solvant ou le pro-duit contenant le solvant (colle, «glue sniffing») à par-tir d’un chiffon ou d’un récipient (sac plastique, bi-don), conduit rapidement à une ivresse qui persisteplusieurs heures. Les symptômes sont un état sopo-reux, excitation, agitation, hallucinations, convul-

sions, vertiges, nystagmus et dépression respiratoire.Des complications mortelles ne sont pas si rares. Ledanger d’asphyxie peut être réel lors d’une techniqued’inhalation inappropriée et en présence éventuelled’une dépression respiratoire centrale. Des troublesdu rythme cardiaque (dus à une sensibilisation dumyocarde aux catécholamines) sont fréquemmentune cause de décès (mort subite), surtout avec leshydrocarbures halogénés. Ceux-ci peuvent de plus en-traîner une hépatite toxique grave (classique avec letétrachlorure de carbone). Les symptômes dus au to-luène regroupent faiblesse musculaire et rhabdomyo-lyse, acidose métabolique (tubulaire) et hypokalié-mie. Finalement, des accidents provoqués parl’ivresse sont fréquents, de même que des brûlures,car ces substances sont hautement inflammables. Encas d’abus chronique de solvants organiques sur plu-sieurs années, des lésions graves et partiellement irré-versibles peuvent s’observer touchant principalementles reins, le système hématopoïétique (benzène), lapeau, le foie, le cœur et la circulation, ainsi que le sys-tème nerveux central et périphérique (parésies, spé-cialement atrophie cérébrale et cérébelleuse).

L’abus de gaz hilarant constitue une situation parti-culière. Ce gaz narcotique employé en anesthésie estutilisé abusivement par le personnel médical (accèsfacile), mais aussi par des profanes qui se servent descartouches de gaz destinées aux bombes de chantilly,car elles contiennent du protoxyde d’azote commegaz propulseur. Depuis peu, des ballons remplis degaz hilarant se trouvent dans des soirées ou en disco-thèque, l’inhalation de leur contenu entraînantl’ivresse recherchée (euphorie, désinhibition, analgé-sie douce, rêveries agréables). Son emploi aigu causepeu d’effets toxiques, bien qu’un déplacement del’oxygène puisse entraîner une asphyxie accompa-gnée de lésions anoxiques. Finalement, le gaz hilarantexerce une inhibition réversible sur le système héma-topoïétique. En cas d’utilisation chronique, il peutprovoquer une polynévrite sensomotrice.

Mesures thérapeutiques:– suppression rapide de l’exposition, administration

d’oxygène;– en cas de pancytopénie: vitamine B12 et acide fo-

lique.

AbréviationsDOM 2,5-Diméthoxy-4-méthylamphéta-

mineDMT DiméthyltryptamineGABA γ-AminobutyrateGBL γ-ButyrolactoneGHB γ-HydroxybutyrateLSD Diéthylamide de l’acide

d-lysergiqueMDA 3,4-MéthylènedioxyamphétamineMDEA 3,4-Méthylènedioxyéthamphéta-

mine

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MDMA 3,4-Méthylènedioxyméthamphéta-mine

MPPP N-Méthyl-4-phényl-4-propoxypipé-ridine

NMDA N-Méthyl-D-aspartatePC 1-Pipéridinocyclohexanecarboni-

trilePCP PhencyclidinePEEP Pression positive résiduelle

expiratoirePEPAOP N-Phenéthyl-4-phényl-4-acétoxypi-

péridineTHC Tétrahydrocannabinol

Noms courants utilisés dans la rueAdam MDAChina white α-MéthylfentanylCrack CocaïneEcstasy MDMAEcstasy liquide γ-Hydroxybuturate (GHB)Eve MDEAIce MéthamphétamineHerbe, Grass MarijuanaPersian white 3-MéthylfentanylPoppers Nitrite d’amyle, nitrite de butyle, ni-

trite d’isobutyle

Les noms indiqués ici sont des exemples que l’on peutentendre typiquement dans la rue. Les substancessont parfois appelées par des noms différents. Inver-sement, un même nom peut désigner plusieurs sub-stances différentes.

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