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JO politiques
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Pascal Boniface
Avec la collaboration dePim Verschuuren
JO politiques
Jean-Claude Gawsewitch Ăditeur
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Tous droits rĂ©servĂ©s© Jean-Claude Gawsewitch Ăditeur, 2012
130, rue de Rivoli75001 Paris
www.jcgawsewitch.comISBN : 978-2-35013-346-1
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Introduction
27 juillet 2012 : ouverture des JO de Londres. Cesera une grande fĂȘte du sport. Les Jeux olympiquessont, avec la Coupe du monde de football, la princi-pale compĂ©tition sportive mondialisĂ©e. Cela seraĂ©galement un formidable spectacle vĂ©cu en direct pardes milliers de chanceux ayant obtenu leur billet et,par la magie de la tĂ©lĂ©vision, par des centaines demillions de tĂ©lĂ©spectateurs, les yeux rivĂ©s sur leur Ă©cranpour admirer les exploits des champions, vibrer aveceux et vivre des Ă©motions partagĂ©es. Il y aura desvaincus magnifiques et tragiques, il y aura des vain-queurs Ă©blouissants. Bref, la dramaturgie est assurĂ©e.
Mais les Jeux olympiques ne sont pas que du sportet du spectacle. Ce sont Ă©galement des Ă©vĂ©nementspolitiques et stratĂ©giques ; la prĂ©sence de plus dâunecentaine de chefs dâĂtats et de gouvernements aucours des Jeux en est une indication. Au-delĂ des affir-mations du ComitĂ© international olympique (CIO)
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sur lâapolitisme du sport, les JO ont un impact gĂ©opo-litique majeur. Au moment oĂč la mondialisation estcritiquĂ©e parce quâelle tend Ă faire disparaĂźtre lâiden-titĂ© nationale, la compĂ©tition sportive vient larenforcer. Le soutien aux sportifs nationaux trans-cende clivages sociaux, ethniques, religieux etculturels. La tĂ©lĂ©vision crĂ©e un stade oĂč chacun peutvenir prendre sa place sans aucune limitation. Le sportsâest transformĂ© en un instrument de soft power, cettepuissance douce qui est devenue la forme nouvelle etsubtile du pouvoir. Chaque Ătat tente dâattirer lâatten-tion, le respect et la sympathie des autres nations grĂąceĂ ses champions qui sont devenus de vĂ©ritables starsinternationales, connues et admirĂ©es sur les cinqcontinents. Des icĂŽnes vivantes du village mondialquâest aujourdâhui la planĂšte avec lâessor des techno-logies de communication et de lâinformation.
DĂšs lâorigine il y avait un fossĂ© entre lâaffirmationhypocrite de lâapolitisme des Jeux et la rĂ©alitĂ©. Les Jeuxolympiques ont eu, depuis leur crĂ©ation, un objectifpolitique et sont les otages des Ă©vĂ©nements stratĂ©-giques. Ce qui Ă©tait vrai lorsque seules treize nationsy participaient en marge (et comme accompagne-ment) dâune exposition dite « universelle », est forcĂ©-ment encore plus vrai Ă lâheure du sport mondialisĂ©.
Câest cette histoire gĂ©opolitique des Jeux olym-piques qui va vous ĂȘtre contĂ©e.
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Le mythe de lâapolitisme olympique
Le baron Pierre de Coubertin et ses diffĂ©rentssuccesseurs nâont eu de cesse de rĂ©affirmer le carac-tĂšre strictement apolitique des Jeux. Le sport, seloneux, doit ĂȘtre au-dessus de la mĂȘlĂ©e politique et ĂȘtreneutre. Cela nâa jamais Ă©tĂ© le cas, et ce nâest toutsimplement pas possible.
Le CIO lui-mĂȘme baigne dans un ocĂ©an dâhypo-crisie. Le choix des villes hĂŽtes, des nations partici-pantes â ou exclues â est le rĂ©sultat de savantsdosages gĂ©ostratĂ©giques. TrĂšs vite, les participantsvont reprĂ©senter leur nation et donc prolonger surles stades les rivalitĂ©s gĂ©opolitiques. La visibilitĂ©drainante des Jeux, leur hypermĂ©diatisation leurdonnent un impact politique formidable. Il esttentant de sâen servir pour faire passer un messageface au monde, rĂ©uni pour lâoccasion.
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Lâapolitisme est une valeur fondamentale des Jeuxolympiques modernes qui a accompagnĂ© et favorisĂ©leur dĂ©veloppement, depuis les premiĂšres olym-piades, il y a plus dâun siĂšcle, jusquâĂ aujourdâhui.La Charte olympique 1 proscrit toute expression dupolitique dans le mouvement olympique, Ă traverssix stipulations :
â interdiction de toute forme de discrimina-tion politique : « Toute forme de discrimination Ă lâĂ©gard dâun pays ou dâune personne fondĂ©e sur desconsidĂ©rations de race, de religion, de politique, desexe ou autres est incompatible avec lâappartenanceau Mouvement olympique. » Principes fondamen-taux, numĂ©ro 6 ;
â interdiction de toute forme dâutilisation poli-tique des Jeux : « Le rĂŽle du CIO est [âŠ] desâopposer Ă toute utilisation abusive politique oucommerciale, du sport et des athlĂštes. » RĂšgle 2,alinĂ©a 10 2 ;
â lâindĂ©pendance politique des membres duCIO est exigĂ©e : « Le CIO admet ses nouveauxmembres lors dâune cĂ©rĂ©monie au cours de laquelleceux-ci sâengagent Ă remplir leurs obligations enprĂȘtant le serment suivant : « Admis Ă lâhonneur defaire partie du ComitĂ© international olympique, et
1. www.olympic.org/Documents/olympic_charter_fr.pdf2. La Charte utilise le terme de « rĂšgles » au lieu dâ« articles ».
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me dĂ©clarant conscient des responsabilitĂ©s quimâincombent Ă ce titre, je mâengage Ă servir leMouvement olympique dans toute la mesure de mesmoyens, Ă respecter et Ă faire respecter toutes lesdispositions de la Charte olympique et les dĂ©cisionsdu ComitĂ© international olympique, que je consi-dĂšre comme Ă©tant sans appel de ma part, Ă meconformer au code dâĂ©thique, Ă demeurer Ă©tranger Ă toute influence politique ou commerciale comme Ă toute considĂ©ration de race ou de religion, Ă luttercontre toute forme de discrimination et Ă promou-voir en toutes circonstances les intĂ©rĂȘts du ComitĂ©international olympique et du Mouvement olym-pique ». » RĂšgle 16, alinĂ©a 1.3 ;
â parallĂšlement, cela permet de prĂ©server lâindĂ©-pendance politique des comitĂ©s nationaux olym-piques (CNO) face aux pouvoirs politiques : « LesCNO doivent prĂ©server leur autonomie et rĂ©sister Ă toutes les pressions, y compris, mais sans sâyrestreindre, les pressions politiques, juridiques, reli-gieuses ou Ă©conomiques qui pourraient les empĂȘ-cher de se conformer Ă la Charte olympique. »RĂšgle 27, alinĂ©a 6. « Un CNO nâinscrira desconcurrents que sur les recommandations dâinscrip-tion Ă©manant de fĂ©dĂ©rations nationales. Si le CNOles approuve, il transmet ces inscriptions au ComitĂ©dâorganisation des Jeux olympiques (COJO). LeCOJO doit en accuser rĂ©ception. Les CNO doivent
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enquĂȘter sur la validitĂ© des inscriptions proposĂ©espar les fĂ©dĂ©rations nationales et sâassurer que nul nâaĂ©tĂ© Ă©cartĂ© pour des raisons raciales, religieuses, poli-tiques ou en raison dâautres formes de discrimina-tion. » RĂšgle 44, alinĂ©a 4 ;
â interdiction de toute manifestation politiquesur le lieu des Jeux (particuliĂšrement stricte etsĂ©vĂšre) : « Aucune sorte de dĂ©monstration ou depropagande politique, religieuse ou raciale nâestautorisĂ©e dans un lieu, site ou autre emplacementolympique. » RĂšgle 50, alinĂ©a 3 ;
â enfin, interdiction de tout discours politiquependant les Jeux : « Pendant toute la durĂ©e des Jeuxolympiques, y compris toutes les cĂ©rĂ©monies, aucundiscours de quelque nature quâil soit ne pourra ĂȘtreprononcĂ© par un reprĂ©sentant dâun gouvernementou dâune autre autoritĂ© publique ni par un autrepoliticien, dans un lieu placĂ© sous la responsabilitĂ©du COJO. Pendant les cĂ©rĂ©monies dâouverture et declĂŽture, seul le prĂ©sident du CIO et le prĂ©sident duCOJO sont autorisĂ©s Ă prononcer une courte allocu-tion. » RĂšgle 55, alinĂ©a 3.
Cette interdiction repose sur une formidableambiguĂŻtĂ©, voire mĂȘme une incontestable contradic-tion, pour ne pas parler dâhypocrisie flagrante. DĂšsle dĂ©part, lâobjectif officiel â contribuer Ă la pacifi-cation des relations internationales â est hautementpolitique et stratĂ©gique. Lâobjectif non avouĂ© de
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Coubertin (renforcer, grĂące Ă la politique sportive,le rang de la France) lâest tout autant.
Ă partir du moment oĂč on rassemble, en vuedâune compĂ©tition, des citoyens de diffĂ©rents pays,lâĂ©vĂ©nement est forcĂ©ment politique. Ceux quifeignaient de lâignorer faisaient de la politiquecomme Jourdain de la prose. Mais ce dernier sâenĂ©merveilla alors que les membres du CIO sâen offus-quĂšrent lorsquâils dĂ©couvrirent la rĂ©alitĂ©.
Lâinterdiction officielle de lâintrusion de la poli-tique dans les Jeux concerne les athlĂštes, pas lesĂtats. Les premiers, qui vont vite devenir des ambas-sadeurs en short, sont tenus au devoir de rĂ©serve. LesĂtats restent libres de dĂ©terminer leur ligne poli-tique et le CIO, que ce soit dans lâacceptation oulâexclusion de dĂ©lĂ©gations nationales ou le choix dela ville hĂŽte, va prendre ses dĂ©cisions en fonction decritĂšres gĂ©ostratĂ©giques.
Lâinterdiction est le signe dâun conservatismesocial. Il ne peut ĂȘtre question de laisser des indi-vidus exprimer une opinion. Si celle-ci est conformeĂ lâordre politique existant, elle est inutile. Si ellediffĂšre, elle peut ĂȘtre dangereuse, car incontrĂŽlĂ©e.
Sur le lien entre sport et politique, deux juge-ments antagonistes reviennent rĂ©guliĂšrement ; cesont des analyses miroirs, toutes deux dĂ©formantes.La premiĂšre revendique le mythe de lâapolitisme dusport et des Jeux olympiques comme sâils Ă©taient
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dans une bulle atemporelle, aspatiale, asociĂ©tale. Laseconde veut que le sport soit une machine dâabru-tissement des masses, au service de la dominationdes puissants. Nouvel opium du peuple, il divertiraitle peuple et le dĂ©tournerait des objectifs rĂ©volution-naires. Se basant sur une interprĂ©tation erronĂ©e desJeux de Berlin et sur une lecture rapide de WilhelmReich, ce courant, qui se prĂ©sente comme une socio-logie critique du sport, assimile compĂ©tition spor-tive et rĂ©pression. Mais câest une façon purementidĂ©ologique qui repose sur une pensĂ©e binaire (bien/mal) et surtout qui occulte tout simplement larĂ©alitĂ©, y compris dans sa complexitĂ©. Certes, desrĂ©gimes rĂ©pressifs ont essayĂ© dâinstrumentaliser lesport (mais aussi la musique, la littĂ©rature, etc.),mais les rĂ©gimes dĂ©mocratiques lâont tout autantfait, fĂ»t-ce de façon diffĂ©rente. Ce type de raisonne-ment revient un peu Ă dire : « Je ne prends jamaisles autoroutes, câest Hitler qui les a construites enpremier. »
Cela ne veut pas dire que le sport en soi est auservice de rĂ©gimes rĂ©pressifs, et surtout â nous allonsle montrer â, lâhistoire fourmille dâexemples oĂč lesport a permis de faire progresser des idĂ©aux dejustice et de progrĂšs.
AprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, le sportprend une place croissante et va devenir un instru-ment diplomatique au service des Ătats. Dans la
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plupart des pays, câest le ministĂšre des Affaires Ă©tran-gĂšres qui est en charge de la politique sportive. Onpeut faire mieux comme marque dâapolitisme.
Lâautorisation de participer aux JO et donc dâĂȘtreadmis dans la grande famille universelle du sport estsignificative des rapports de force politiques. AprĂšsla PremiĂšre Guerre mondiale, lâAutriche, lâAlle-magne, la Hongrie, la Turquie et la Bulgarie furentexclues des Jeux de 1920 Ă Anvers. Malheur auxvaincus ! Ce sont les vainqueurs qui font la loi olym-pique. LâAllemagne, que lâon voulait toujours punir,ne sera pas admise Ă participer aux Jeux de 1924qui, de surcroĂźt, se dĂ©roulent Ă Paris. Câest pourmontrer que la punition de lâAllemagne Ă©taitterminĂ©e quâon lui attribua les Jeux en 1931, sanssavoir quâHitler les accueillerait en 1936. LâAlle-magne et le Japon seront de nouveau exclus des JeuxaprĂšs la Seconde Guerre mondiale. le Japon recevrales Jeux en 1964, signe de sa pleine rĂ©intĂ©grationdans la communautĂ© internationale. Dans lesannĂ©es 1960, câest lâAfrique du Sud qui sera excluepour cause dâapartheid. En 1999, lâAfghanistan serasuspendu pour sanctionner lâinterdiction faite auxfemmes par le rĂ©gime des talibans de participer Ă desactivitĂ©s sportives.
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Les facteurs géopolitiques jouent pour désignerle pays organisateur. Ils sont subtils, jamais affichés,mais puissants.
Le monde occidental est dominant au CIO.LâURSS a obtenu lâorganisation des Jeux de 1980parce quâen 1973, date de la dĂ©cision, on nageaiten pleine dĂ©tente soviĂ©to-amĂ©ricaine. En pĂ©riode deconfrontation avec les Ătats-Unis, la Chine nâauraitjamais pu obtenir lâattribution des Jeux, comme cefut le cas en 2001. Lâattribution des Jeux de 2016 auBrĂ©sil peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme la reconnaissancepar le CIO de la multipolarisation du monde, et dela poussĂ©e des pays Ă©mergents.
En 2008, devant les menaces de boycott quientouraient la prĂ©paration des JO de PĂ©kin, le prĂ©si-dent du ComitĂ© international olympique, JacquesRogge, avait tenu Ă rappeler : « Les Jeux olym-piques doivent rester apolitiques. » Les racines de cetapolitisme plongent dans lâimagerie des Jeux de laGrĂšce antique qui voyaient les diffĂ©rentes citĂ©s-Ătatsde lâĂ©poque dĂ©poser les armes le temps des Jeux.
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Le CIO,un gouvernement mondial ?
Ă lâorigine, Pierre de Coubertin voulait que leComitĂ© international olympique soit composĂ©dâ« un petit noyau de membres travailleurs etconvaincus, une pĂ©piniĂšre de membres de bonnevolontĂ© et Ă©duquĂ©s ». En 1908, deux tiers desmembres sont des nobles. Câest sous la prĂ©sidencede Samaranch que les milieux dâaffaires font leurentrĂ©e en masse au CIO. Le systĂšme de cooptationpermet dâĂ©tendre progressivement le rĂ©seaudâinfluence du CIO. Les membres sont choisisintuitu person eÌt contrairement Ă ce qui est gĂ©nĂ©ra-lement vĂ©hiculĂ© dans les mĂ©dias, ils ne reprĂ©sententpas leur Ătat.
Le CIO est responsable de la Charte olympique.Il est lâautoritĂ© suprĂȘme du Mouvement olympique ;
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toute personne ou organisation appartenant Ă untitre quelconque au Mouvement olympique estsoumise aux dispositions de la Charte et doit seconformer aux dĂ©cisions du CIO. Câest dire latoute-puissance de lâorganisme.
Les enjeux Ă©conomiques, politiques ou stratĂ©-giques, quâil sâagisse du choix des Ă©preuves ou plusencore celui de la ville hĂŽte ou de lâadmission ounon des comitĂ©s nationaux olympiques ou des parte-naires commerciaux, sont Ă©normes.
Certains membres du CIO nâont pas rĂ©sistĂ© Ă latentation de ce si grand pouvoir. Des cas flagrantsde corruption, notamment pour obtenir le vote demembres du CIO, ont Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©s. Ainsi, Ă la suitedu scandale des Jeux de Salt Lake City (et aprĂšs larĂ©vĂ©lation de lâachat de votes pour obtenir les Jeux),le CIO a modifiĂ© sa composition. Il comptedĂ©sormais quinze athlĂštes, quinze dirigeants de fĂ©dĂ©-rations internationales, quinze dirigeants de comitĂ©snationaux olympiques et soixante-dix autresmembres que le CIO juge qualifiĂ©s pour servirlâolympisme, soit cent quinze membres au total. Lalimite dâĂąge est fixĂ©e Ă 70 ans pour les nouveauxmembres, nommĂ©s comme le prĂ©sident pour huitans renouvelables. LâidĂ©e est dâaccĂ©lĂ©rer la rotationde membres. AprĂšs Pierre de Coubertin, il nây a euen effet que six prĂ©sidents !
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Il y a Ă©galement eu une tentative de diversifica-tion gĂ©ographique et de dĂ©mocratisation du CIO.Les femmes y ont fait leur entrĂ©e, certes timide carelles reprĂ©sentent encore moins dâun cinquiĂšme desmembres. LâEurope en fournit encore plus de 40 %,lâAmĂ©rique du Nord 5 %, lâAmĂ©rique latine 12 %,le Moyen-Orient 7 %, lâAfrique 16 % et lâAsie18 %. Dâailleurs, tous les prĂ©sidents du CIO Ă©taienteuropĂ©ens mis Ă part lâAmĂ©ricain Avery Brundage.Quant au Conseil exĂ©cutif du CIO, il est composĂ©de quinze membres, dont neuf sont europĂ©ens.Ainsi, on voit que le processus de dĂ©mocratisation etde transparence qui a Ă©tĂ© initiĂ© en 1999 est encoreamenĂ© Ă sâapprofondir.
Le CIO est en fait une organisation internatio-nale non gouvernementale Ă but non lucratif, ouune ONG, Ă lâinstar dâAmnesty International ou deMĂ©decins sans frontiĂšres. Mais le CIO est aussi uneinstitution quasi diplomatique et son prĂ©sident estreçu partout comme un chef dâĂtat, et non desmoindres. Le fait quâil compte plus de membres quelâONU lui donne Ă©galement une dimension univer-selle Ă laquelle nul autre, Ă part la FIFA, ne peutprĂ©tendre. Finalement, câest lâopinion publiquemondiale qui exerce un contrĂŽle indirect sur les acti-vitĂ©s du CIO.
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Il est indĂ©niable quâĂ lâorigine, ses membrespartageaient les prĂ©jugĂ©s des Ă©lites nobiliaires euro-pĂ©ennes : mĂ©fiance â voire mĂ©pris â des non-Euro-pĂ©ens, sentiments colonialistes et sexistes. Brundageet Samaranch Ă©taient notoirement proches delâextrĂȘme droite. Par la suite, le CIO sâest diversifiĂ©.Les accusations de corruption, notamment aprĂšs lesJeux de Salt Lake City, ont Ă©tĂ© prises en compte.Le dĂ©veloppement des contre-pouvoirs, des rĂ©seauxsociaux, des mĂ©dias, permet dâexercer un contrĂŽleindirect plus fort. La grande force du CIO, câestlâimage des Jeux. Si ceux-ci Ă©taient durablementdiscrĂ©ditĂ©s par la corruption ou le dopage, ilsperdraient de leur attractivitĂ©. Aussi, la dĂ©fense desintĂ©rĂȘts du CIO lâa amenĂ© Ă plus de rigueur.
Le CIO veut, inconsciemment ou non, parti-ciper Ă façonner le monde. Lâattribution des Jeux enest un Ă©lĂ©ment clĂ©. Bien sĂ»r, le dossier technique,les installations, les infrastructures, les garantiesdonnĂ©es comptent, mais le CIO se plaĂźt Ă faire dela gĂ©opolitique quadriennale en attribuant les JeuxĂ un pays qui reprĂ©senterait un fort symbole delâĂ©volution du monde.
Le CIO aime Ă donner le sentiment de recon-naĂźtre ces Ă©volutions et mĂȘme de les prĂ©empter(attribution des Jeux Ă la Chine, au BrĂ©sil). En tousles cas, les proclamations dâapolitisme sont une plai-santerie qui a Ă©tĂ© dĂ©mentie Ă chaque olympiade.
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La paix par les Jeux ?
La tradition grecque de la TrĂȘve olympique, diteĂ©galement « Ekecheiria », voit le jour au VIIIe siĂšcleav. J.-C. Selon la mythologie, Iphitos, le roi dâĂlide,qui cherchait Ă mettre un terme aux violences quiravageaient alors le PĂ©loponnĂšse, sâadressa Ă lâoraclede Delphes qui lui rĂ©pondit : « Iphitos et les Ăliensdoivent restaurer les concours sportifs » Ă Olympieet en faire une cĂ©lĂ©bration de la paix. Iphitosinstaura ainsi les Jeux olympiques et signa avecLycurgue (Sparte) et ClĂ©osthĂšne (Pisa) un accord depaix, la TrĂȘve olympique. La premiĂšre olympiaderemonterait aux alentours de 776 av. J.-C., maislâinstitutionnalisation de la TrĂȘve sacrĂ©e serait effec-tive plus tard, Ă partir de la fin du Ve siĂšcle, Ă©poqueoĂč le mouvement panhellĂ©nique cherchait Ă sâimposer.
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Selon la tradition, du septiĂšme jour avant lâouver-ture des Jeux jusquâau septiĂšme jour aprĂšs leurclĂŽture, toutes les hostilitĂ©s Ă©taient suspendues,permettant ainsi aux athlĂštes, familles, pĂšlerins etspectateurs de se rendre Ă Olympie et dâassister auxJeux en toute sĂ©curitĂ©. Quelques jours auparavant,des citoyens dâĂlide voyageaient Ă travers le mondegrec pour proclamer la TrĂȘve sacrĂ©e et diffuser lemessage. Il sâagissait dâun « cessez-le-feu partiel »,mais dont les rĂšgles furent observĂ©es pendant douzesiĂšcles, malgrĂ© quelques rares violations. En 420av. J.-C., durant la guerre du PĂ©loponnĂšse, Spartefut condamnĂ© Ă une lourde amende de 2 000 minespour avoir attaquĂ© LĂ©prĂ©on, un village dâĂlide. LesSpartiates, refusant de payer, furent exclus des Jeuxpendant plusieurs annĂ©es. Plus tard, en 348-347av. J.-C., lâAthĂ©nien Phrynon fut capturĂ© par lesMacĂ©doniens alors quâil se rendait aux Jeux et dutpayer une rançon pour se libĂ©rer. Le roi Philippe IIde MacĂ©doine apprit la nouvelle et le libĂ©ra, affir-mant que ses troupes ignoraient que la TrĂȘve avaitdĂ©butĂ©.
Lorsque les Jeux modernes furent instituĂ©s Ă lâinstigation du baron Pierre de Coubertin en 1894,la notion de TrĂȘve olympique nâapparaissait pasdans les dĂ©bats. Lâimportant Ă©tait alors dâenracinerle Mouvement olympique, qui dans ses premiĂšres
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annĂ©es nâaccueillait quâune poignĂ©e dâĂtats et luttaitpour sa survie. Celle-ci Ă©tait fragile et remise encause Ă chaque olympiade. Les origines modernes delâolympisme coĂŻncident avec lâinstitutionnalisationdes disciplines sportives occidentales qui se dotaientprogressivement de fĂ©dĂ©rations et cherchaient Ă dĂ©velopper leurs pratiques sportives.
Ă lâĂ©poque, le dĂ©veloppement institutionnel dusport marquait dĂ©jĂ une double dimension pour lesĂ©lites qui sâattachaient Ă la propagation des pratiquessportives 1. Dâun cĂŽtĂ©, il Ă©tait possible de renforcerle lien entre lâexercice sportif et les finalitĂ©s poli-tiques, sociales culturelles et politiques Ă lâĆuvre.Le sport prĂ©sentait lâavantage de former des jeunescitoyens vigoureux, des catholiques ou ouvriersmodĂšles, une jeunesse saine, etc. En dorant ainsi sonimage, le sport pouvait espĂ©rer attirer un grandnombre de pratiquants. De lâautre cĂŽtĂ©, les Ă©litespouvaient travailler Ă lâautonomisation du mouve-ment sportif et mettre en valeur la puretĂ© du sport,son caractĂšre unificateur, gratuit et libre par rapportaux divisions politiques ou sociales.
Si ces deux tendances ont constamment coexistédans le développement du sport et donc dans les JO,
1. Jacques Defrance, « La politique de lâapolitisme. Sur lâautono-misation du champ sportif », Politix, vol. 13, nÂș 50, 2000,pp. 13-27.
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le CIO a de facto pris position pour la secondetendance. En effet, dĂšs les premiĂšres annĂ©es oĂč lesrivalitĂ©s interĂ©tatiques Ă©taient trĂšs marquĂ©es entrepays europĂ©ens, il Ă©tait Ă©vident que les Jeux olym-piques ne pourraient survivre sans lâautonomisationdu champ sportif. En se sĂ©parant du politique, leMouvement olympique a favorisĂ© sa diffusion inter-nationale ainsi que son universalisation, devenuedĂ©finitive dans les annĂ©es 1990. Revendicationdâapolitisme et universalisme sont en profonde inte-raction dans le dĂ©veloppement historique du CIO.Dans son ouvrage Ă©crit en 1922, Pierre deCoubertin explique : « Ce qui importe nâest pas,comme on le rĂ©pĂšte Ă tort, un contact matĂ©riel dont,Ă lâheure actuelle, ne saurait rĂ©sulter aucun rappro-chement mental ; câest bien plutĂŽt lâidentitĂ© duplaisir goĂ»tĂ©. Que la jeunesse bourgeoise et lajeunesse prolĂ©tarienne sâabreuvent Ă la mĂȘme sourcede joie musculaire, voilĂ lâessentiel ; quâelles sâyrencontrent, ce nâest prĂ©sentement que lâaccessoire.De cette source dĂ©coulera, pour lâun comme pourlâautre, la bonne humeur sociale, seul Ă©tat dâĂąme quipuisse autoriser pour lâavenir lâespoir de collabora-tions efficaces 2. »
2. Pierre de Coubertin, PĂ©dagogie sportive, Paris, G. GrĂšs & Cie,1922, p. 145
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En 1917, le siĂšge social du CIO est transfĂ©rĂ© Ă Lausanne pour Ă©viter quâil soit utilisĂ© dans le rapportde force franco-allemand. Dans les annĂ©es 1920,une tentative est effectuĂ©e de transfĂ©rer lâorganisa-tion des Jeux Ă la SociĂ©tĂ© des Nations (SDN), maislâopĂ©ration Ă©choue. SimultanĂ©ment, Pierre deCoubertin milite pour lâintĂ©gration de lâURSS dansle Mouvement olympique, mais son projet Ă©choueĂ©galement, notamment Ă cause de lâopposition ducomte Clary 3.
Cependant lâapolitisme est difficile Ă dĂ©fendrepour le CIO face aux organisations sportivesouvriĂšres qui le taxent de « sport bourgeois » et qui,affiliĂ©es Ă la IIe et Ă la IIIe Internationale, crĂ©ent leursJeux olympiques ouvriers (quatre Ă©ditionsentre 1928 et 1936). Comme nous allons lâanalyserdans cet ouvrage, lâhistoire olympique est Ă©maillĂ©ede multiples formes dâexpression politique quiconcernent tout autant la politique du CIO, lesdĂ©signations des villes hĂŽtes des Jeux, la prĂ©para-tion et lâutilisation des Jeux par les pays hĂŽtes que lesathlĂštes eux-mĂȘmes.
3. Fabrice Auger, Une histoire politique du Mouvement olympique :lâexemple de lâentre-deux-guerres, thĂšse de doctorat dâhistoire contem-poraine, Paris-X-Nanterre, 1998.
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Au tournant des annĂ©es 1990, la conjugaison dela fin de la guerre froide et du clivage entre lâEst etlâOuest, le sentiment quâaprĂšs la guerre du GolfelâONU va jouer le rĂŽle de gardien de la sĂ©curitĂ©internationale, la fin de lâapartheid en Afrique duSud ainsi quâune vague de dĂ©mocratisation dansplusieurs autres pays marquent une pĂ©riode dâopti-misme dans les relations internationales. Le CIOsaisit lâaubaine et, en 1992, invite les nations Ă respecter la TrĂȘve olympique en rĂ©fĂ©rence Ă sesorigines antiques. Le message est notamment relayĂ©par le pape Jean-Paul II. Quelques mois plus tard,le 25 octobre 1993, la 48e session de lâAssemblĂ©egĂ©nĂ©rale des Nations unies adopte une rĂ©solutionhistorique qui invite tous ses Ătats membres Ă cesserles hostilitĂ©s pendant les Jeux olympiques. En 1994,lors des Jeux de Lillehammer, en NorvĂšge, la coordi-nation des efforts diplomatiques du CIO et delâONU permet le respect de la TrĂȘve olympique Ă Sarajevo, ville assiĂ©gĂ©e de 1992 et 1995, oĂč unedĂ©lĂ©gation du CIO conduite par son prĂ©sident JuanAntonio Samaranch se rend pour cĂ©lĂ©brer les dix ansdes Jeux dâhiver de 1984, tenus dans la capitalebosnienne, et exprimer sa solidaritĂ© envers la popu-lation meurtrie par la guerre. Depuis, avant toutesles olympiades, lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nationsunies vote une rĂ©solution appelant les Ătats Ă respecter la TrĂȘve olympique.
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Le Sommet du millĂ©naire des Nations unies, quise tient Ă New York du 6 au 8 septembre 2000quelques jours avant lâouverture des Jeux de Sydney,adopte une dĂ©claration finale dite « du MillĂ©naire »dans laquelle un paragraphe a Ă©tĂ© consacrĂ© aurespect de la TrĂȘve olympique. Une semaine plustard, Ă Sydney, les deux CorĂ©es dĂ©filent sous lemĂȘme drapeau pour la premiĂšre fois.
Le retour des Jeux en GrĂšce en 2004 reprĂ©senteune nouvelle opportunitĂ© de renforcer la TrĂȘveolympique. En novembre 2001, les ministres desAffaires Ă©trangĂšres de la GrĂšce et de la Turquie para-phent une dĂ©claration de soutien pour la TrĂȘveolympique, qui a Ă©tĂ© signĂ©e par une vingtainedâĂtats.
En mars 2004, Ă quelques mois des Jeux, leConseil exĂ©cutif de lâUNESCO adopte Ă©galementun texte Ă lâunanimitĂ©, La TrĂȘve olympiqueâ Ekecheiria, dans lequel il est Ă©voquĂ© que « les Jeuxolympiques, la TrĂȘve ou Ekecheiria, la Flamme etla Torche olympiques sont devenus, conjointementavec lâOlivier, symboles universels de paix et delibertĂ©, indissociables de lâidĂ©e de la paix et de lacoexistence pacifique mondiale ». LâUNESCO yreprend une rĂ©solution de lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale(58/6) adoptĂ©e en novembre 2003, qui « prie lesĂtats membres dâobserver, dans le cadre de la chartedes Nations unies, la TrĂȘve olympique, tant
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individuellement que collectivement, pendant lesJeux de la XXVIIIe olympiade, qui se tiendra à AthÚnes ».
MalgrĂ© ces tentatives diplomatiques, la TrĂȘveolympique nâest pas parvenue Ă sâinstitutionnaliseret Ă sâimposer aux nations en guerre. Lors des JeuxdâAthĂšnes de 2004, les conflits en Iraq et en Afgha-nistan mobilisaient une grande partie des Ătats occi-dentaux, et la crainte dâattaques terroristes sur lessites olympiques montrait Ă quel point lâidĂ©e dâuneTrĂȘve pacifique lors des Jeux reste vaine dans lecontexte gĂ©opolitique actuel.
Les Jeux olympiques ne sont pas la garantie de lapaix mondiale. LâidĂ©e mĂȘme de TrĂȘve olympique estambiguĂ«. Interrompre une guerre pour mieux lareprendre nâest guĂšre satisfaisant. La guerre interditplus certainement les JO que les JO nâinterdisent laguerre. Ce ne sont pas les JO qui vont amener lapaix mondiale. En revanche, ils peuvent contribuerutilement Ă dĂ©velopper les contacts internationauxet les relations pacifiques.
Si les JO sont affrontement, il est pacifique etsymbolique. On peut y appliquer les thĂ©oriesdâĂlias 4 qui voit dans la compĂ©tition sportive unĂ©lĂ©ment de pacification des sociĂ©tĂ©s en rĂ©duisant
4. Norbert Ălias et Ăric Dunning, Sport et civilisation, Fayard,1986.
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lâaffrontement Ă un niveau non guerrier. Dire que lesport stimule lâagressivitĂ© est faux. Il la canalise et lafait se dĂ©rouler selon des rĂšgles fixĂ©es Ă lâavance etjugĂ©es de façon indĂ©pendante.
Le sport est un moyen parmi dâautres pourcontribuer au rapprochement des communautĂ©s, oudes pays 5.
Les JO sont avant tout une formidable ouverturesur lâautre. Les sportifs de toute nationalitĂ©, de toutediscipline, de toute religion, de tout niveau socialcohabitent au sein du village olympique. Lesmoments de fraternisation entre compĂ©titeurs sontbien plus nombreux que ceux dâhostilitĂ© manifeste.La mĂȘme chose peut ĂȘtre Ă©crite pour les spectateurset tĂ©lĂ©spectateurs qui peuvent Ă la fois soutenir leurschampions nationaux et applaudir les exploits deceux des autres nations, et qui ont lâoccasion, tousles quatre ans, de dĂ©couvrir des pays et des peuplesdont bien souvent, ils nâavaient jamais entenduparler.
5. Cf. Joël Bouzou, La Paix par le sport, Paris, Armand Colin,2010.
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