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HAL Id: halshs-01964570https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01964570
Submitted on 22 Dec 2018
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Quels enseignements peut-on tirer des politiquesmonétaires accommodantes pour la Tunisie?
Albert Marouani
To cite this version:Albert Marouani. Quels enseignements peut-on tirer des politiques monétaires accommodantes pourla Tunisie?. Réformes structurelles et développement économique dans les pays d’Afrique du Nord.,Oct 2017, Hammamet, Tunisie. �halshs-01964570�
1
« Quels enseignements peut-on tirer des politiques monétaires accommodantes pour la
Tunisie? »
Albert MAROUANI*
Introduction.
Face à l’ampleur de la crise financière des «subprimes » de 2007-2008l, les Banques
Centrales (BC) des États-Unis (FED) dès 2008, du Royaume-Uni (2009), de l’UE (2015),
bien après le Japon (2001), ont mis en œuvre des politiques monétaires non-
conventionnelles qui se sont traduites principalement par des injections massives de
liquidités dans l’économie (par rachat d’obligations publiques et privées) afin de
contrecarrer la propagation d’une crise financière à caractère systémique et de relancer la
croissance économique. D’autres Banques Centrales dans les pays développés (Suède,
Suisse, etc.) comme dans les pays émergents (Chine, Corée, etc.) ont eu également recours
à ce type de politique monétaire.
Quels enseignements la Tunisie pourrait-elle tirer de ces différentes expériences ? Plus
précisément la BCT peut-elle mener à son tour une politique monétaire accommodante au
service d’un programme de réformes structurelles ?
1°) Une rupture épistémologique ou paradigmatique limitée, à géométrie variable et
asymétrique.
a) une rupture limitée avec le paradigme monétariste.
L’orthodoxie monétaire consiste à croire dans la neutralité de la monnaie et à assigner à
la politique monétaire le soin de la neutraliser par une augmentation de la masse monétaire
qui n’excède pas le taux de croissance de l’économie. La cible principale de la BC est donc
la stabilité des prix à moyen et long terme (de 2% par an pour l’UE). Le canal de
transmission traditionnel de la politique monétaire est le taux d’intérêt directeur qui se
répercute sur les autres taux et notamment sur le coût du crédit. Les autres canaux de
transmission de la politique monétaire transitent par le taux d’intérêt, à travers les prix
des actifs ou le crédit.
* Université de la Côte d’Azur/GREDEG (UMR CNRS).
2
Les BC contrôlent la liquidité de l’économie (par achat et vente de bons du Trésor) et la
liquidité bancaire par la fixation d’un ratio plancher de réserves obligatoires que les
banques doivent détenir pour créer de la monnaie sous forme de crédits accordés aux
entreprises et aux particuliers. Au total dans le modèle monétariste orthodoxe de la
politique monétaire on a une triple dichotomie:
1. Dichotomie entre le monétaire et le financier
2. Dichotomie entre la politique monétaire (BC) et la politique budgétaire (État)
et indépendance du gouverneur de la BC par rapport au pouvoir politique
3. Dichotomie entre les politiques monétaires qui ont une dimension
conjoncturelle de CT et les politiques structurelles de LT.
Les politiques dites « non-conventionnelles » rompent avec certaines de ces
dichotomies par des actions sur la taille du bilan mais aussi sur sa structure.
On distingue ainsi :
• les mesures d’assouplissement quantitatif (« quantitative easing ») qui visent à
augmenter le passif du bilan des BC par une hausse des réserves détenues par les
banques de second rang ;
• les mesures d’assouplissement qualitatif (« qualitative easing ») visent quant à
elles à agir sur la structure du bilan (côté actif notamment) ;
• les mesures d’assouplissement du crédit » (credit easing ») qui visent à la fois la
taille et la structure du bilan.
Ces mesures « non conventionnelles » permettent ainsi à la Banque Centrale de ne plus
être contrainte par la seule manipulation du taux d’intérêt. Elles lui permettent également
de faire face à des situations de crise économique et financière aiguë en pourvoyant à la
demande de liquidité du système financier. On voit bien ici que la stabilité financière est
interdépendante de la stabilité macroéconomique et on ne peut plus se cantonner au
principe de séparation prôné par les politiques conventionnelles entre politique budgétaire
et politique monétaire.
Au total la politique monétaire de « Quantitative Easing » a procédé à une double remise
en question de l’orthodoxie monétariste.
1. Elle a rompu avec la séparation entre monétaire et financier,
3
2. Elle a amorcé une séparation entre le volet monétaire de stabilisation des prix
et le volet macroéconomique d’action sur l’économie réelle (croissance et
chômage).
PREMIER ENSEIGNEMENT: « Nous pensons qu’il ne faut pas rester au milieu du
gué de la démarche de rupture paradigmatique et dépasser la séparation entre action
conjoncturelle de court terme et action structurelle de LT. En d’autres termes il s’agit de
mettre la politique monétaire accommodante au service de politiques structurelles de
LT. »
b) Une rupture différenciée et à géométrie variable avec le paradigme
monétariste.
Quel que soit le niveau d’appréhension du phénomène de « QE » (national, régional ou
mondial), les mesures prises sont absolument sans précédent et d’une ampleur qui donne le
vertige, notamment aux « petits pays » (Grèce pour l’UE, ou Tunisie par exemple)
confrontés à la rigueur d’un ajustement très « périphérique » sur le plan économique, mais
combien coûteux sur le plan social et humain.
Les politiques de QE ont gonflé fortement le bilan des Banques. Lorsqu’on agrège le total
des bilans des quatre plus grandes banques centrales (USA, UE, Japon et R-U) on atteint
aujourd’hui plus de 12000 milliards de Dollars US avec des taux directeurs inférieurs à
0,5% depuis 2009 et jusqu’à la fin de l’année 2016. Les dettes souveraines à taux négatifs,
représentent en mai 2016 10400 milliards de Dollars US1.
C’est ainsi qu’en rachetant massivement des MBS* (créances hypothécaires immobilières)
et des Bons du Trésor, la Fed a vu passer son bilan de 800 milliards de $ avant la crise des
subprimes, à près de 4500 milliards aujourd’hui, soit l’équivalent de 22% du PIB.
Dans un contexte similaire, le Japon a engagé un nouveau plan de relance de l’ordre de
6000 milliards de Yens pour le mois de juillet 2016 et envisage de nouvelles mesures
d’assouplissement quantitatif.
La politique monétaire accommodante dans la zone Euro est différente de celles qui ont été
menées aux États-Unis, en G-B ou au Japon. Jusqu’à l’été 2012 la BCE, dans le cadre du
« Securities Market Program », a vu la taille de son bilan augmenter, à la suite de deux
1 Agence de notation « Fitch ». * Mortgage Baked Securities
4
opérations de refinancement à très long terme qui ont permis d’allouer 1000 milliards
d’Euros, en raison principalement d’une augmentation endogène de la création
monétaire par les banques commerciales et non pas selon un mode exogène comme aux
USA, au Japon et en GB où l’augmentation de la liquidité provient de la seule impulsion
de la BC. Jusqu’en janvier 2015, la BCE a ainsi mené l’essentiel de ses interventions sous
forme de prêts collatéraux au système bancaire. La taille de son bilan a été déterminée par
la demande de liquidités en provenance des banques de second rang. Le total des différents
programmes de refinancement et d’achats de titres visant à améliorer les canaux de
transmission de la politique monétaire (qui ont été affectés par la crise des dettes
souveraines) n’a pas dépassé au début de l’année 2013, 280 milliards d’Euros. On était
bien loin des chiffres de la FED ou de la Banque d’Angleterre qui créaient massivement de
la monnaie scripturale au profit de l’État en se portant acheteur des obligations émises par
le Trésor Public. La véritable rupture intervient le 22 janvier 2015, lorsque M. Mario
Draghi, gouverneur de la BCE, (affublé depuis du surnom de « Super Mario ») a annoncé
l’achat de titres adossés à des actifs (asset backed securities), de titres souverains (bons du
Trésor émis par les États de l’UE) et de titres émis par des agences supranationales, le tout
pour un montant de 60 milliards d’Euros par mois de mars 2015 à septembre 2016, ce qui
représente une augmentation totale de la taille du bilan de la BCE de 1100 milliards
d’Euros! En rachetant ensuite 80 milliards d’euros par mois de dettes publiques et privées
la BCE a vu croitre son bilan de 32% en 2016, pour passer à 3663 milliards d’Euros.2 Le
10 mars 2016 la BCE a annoncé une baisse de son principal taux directeur de 0,05% à 0%,
une baisse de -0,3% à -0,4% du taux de dépôt de leurs liquidités, une hausse du rachat
mensuel des dettes publiques et privées de 60 à 80 milliards d’Euros!
Au regard de ces différences de politique monétaire accommodante, on constate que les
résultats obtenus par les pays de la zone Euro en termes de croissance et de chômage
notamment sont moins bons que ceux obtenus aux États-Unis et au R-U.
2 Rappelons que le Bilan de la BCE comporte à l’actif, les titres, les prêts et les avoirs, et au passif
les billets, les pièces et les comptes courants des banques auprès de la BCE
5
DEUXIÈME ENSEIGNEMENT : « La création monétaire exogène est plus réactive
et plus efficace que la création monétaire endogène ».
c) Une rupture asymétrique avec le paradigme monétariste.
Les économies émergentes sont contraintes de s’ajuster de manière unilatérale et
asymétrique aux conséquences sur leurs économies respectives des politiques monétaires,
budgétaires et de change menées par les pays développés, notamment ceux qui sont
détenteurs de devises clés.
Dans un premier temps la crise des « subprimes » a épargné les pays émergents, mais a
aussi permis à certains d’entre eux de bénéficier d’un redéploiement des flux de capitaux
internationaux en leur faveur et de la baisse généralisée des taux d’intérêt à l’échelle
mondiale. Mais par la suite ces pays ont subi directement ou indirectement la faible
croissance des économies développées et ont été contraints de mener à leur tour des
politiques monétaires plus ou moins « accommodantes ». C’est ainsi que la politique
accommodante de la FED a attiré dans un premier temps des flux de capitaux vers le Brésil
qui se sont ensuite retirés tout aussi brusquement.
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20 USA R-U
JAPON CHINE
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6
Les principales économies émergentes, notamment d’Asie, ont relâché assez nettement
leur politique monétaire à la fois pour tenter à leur tour d’enrayer par ce biais le
ralentissement de leur croissance économique associé à une faible inflation et d’autre part
pour réagir aux effets asymétriques sur leurs économies et leurs taux de change des
politiques monétaires non coordonnées, différenciées et non synchronisées menées par les
États-Unis, l’UE, le Japon, etc.
A partir du deuxième trimestre 2013 et au cours de l'année 2014 les Banques centrales des
économies émergentes (Turquie, Russie notamment) ont augmenté à plusieurs reprises
leurs taux d’intérêt directeurs, en anticipant sur une sortie éventuelle de la politique de QE
de la Fed. Les gouverneurs de ces BC craignaient que le relèvement des taux d’intérêt
américain ait pour effet un redéploiement des flux de capitaux en leur défaveur, ce qui
aurait pu déstabiliser leurs économies. Seules la Thaïlande, la Chine, la Pologne et l’Arabie
Saoudite ont maintenu leurs taux d’intérêt inchangés.
Au début de l'année 2015 la plupart des économies émergentes, à l’exception de
l’Argentine et du Brésil, relâchent à nouveau leur politique monétaire soit en maintenant
leurs taux d’intérêt stables soit en les réduisant parfois fortement comme l’Indonésie, la
Thaïlande, l’Inde, la Chine, l’Argentine, la Pologne, la Russie, la Turquie. Cette baisse des
taux d’intérêt a pour effet d’accroître de manière mécanique le rendement des obligations
et probablement de relancer les investissements et la croissance.
Mais, comme pour les pays développés, les résultats observés de ces politiques
d’assouplissement monétaire n’ont pas été à la hauteur des attentes. La Chine par exemple
a vu ses ventes augmenter mais moins fortement qu’au cours des années de durcissement
de sa politique monétaire alors que ses exportations et ses importations ont diminué.
Ces résultats divergents montrent bien le caractère asymétrique des politiques
macroéconomiques entre pays développés et pays émergents.
L’effet asymétrique joue quelle que soit la nature de la politique monétaire des PD.
Lorsque les BC des pays développés mènent une politique de QE, cela a pour conséquence
de favoriser dans un premier temps le redéploiement des flux de capitaux vers les pays
émergents. Mais, par la suite, dans la mesure où le résultat des politiques monétaires non
conventionnelles n’a pas permis de relancer la croissance dans les pays développés ni de
relancer l’inflation, les pays émergents ne peuvent profiter pleinement de cette orientation,
7
qui leur était pourtant favorable, des flux de capitaux internationaux, ni en termes de
croissance, ni en termes d’augmentation de leurs exportations. Ils peuvent être alors tentés
de pratiquer une politique commerciale plus agressive en termes de réduction des prix, ce
qui a pour effet d’aggraver davantage la situation économique dans les pays développés et
de prolonger, voire d’accentuer l’assouplissement de leurs politiques monétaires.
A l’opposé, en cas de sortie du QE plus ou moins rapide et selon un agenda différent entre
la Fed, la BCE, la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon, les pays émergents peuvent
légitimement craindre que la hausse des taux d’intérêt qui sera pratiquée va détourner les
flux de capitaux internationaux vers les pays développés, ce qui entrainera une
appréciation du taux de change du Dollar américain et de l’Euro notamment. De ce fait
leur balance des paiements va se trouver directement et négativement impactée par la
hausse des prix de leurs importations en produits pétroliers, alimentaires et de haute
technologie. Les pays émergents et en développement vont ainsi devoir s’ajuster de
manière parfois très brutale au durcissement qu’il subisse de plein fouet de leur contrainte
financière externe engendré par des politiques monétaires sur lesquelles ils n’ont aucune
prise.
Les mesures de subvention aux produits de base (augmentation de leur facture pétrolière
par exemple) et alimentaires que les pays émergents et en développement doivent prendre
sous la pression des revendications sociales notamment, vont impacter directement leur
déficit budgétaire et durcir également leur contrainte financière interne.
Les politiques macroéconomiques dans ces pays vont alors être tiraillées entre la nécessité
de réagir à cette double contrainte financière interne et externe. Sous la pression des
organisations internationales et de l’idéologie néo-libérale ils peuvent être tentés de durcir
leur politique monétaire alors même que leur situation économique, qui reste marquée par
une faible croissance et un niveau de chômage élevé (cf. l’indicateur de « l’output gap »),
nécessiterait plutôt une politique monétaire et budgétaire plus accommodante.
L’asymétrie des politiques macroéconomiques met ainsi les pays en développement et
émergents en situation de « double bind », caractéristique des situations de crise (E.
Morin).
En fin de compte, du fait de l’absence de toute coordination, les politiques accommodantes
des banques centrales des pays émetteurs de monnaies internationales obligent tous les
autres pays (émergents et en développement notamment) à ajuster leurs politiques
8
monétaires de manière asymétrique sans que cela corresponde forcément aux besoins de
leurs économies. On voit ainsi que les pays dits « périphériques » sont contraints de
s’ajuster unilatéralement en accumulant des réserves de changes pour faire face à ces chocs
exogènes et pour cela à pratiquer des politiques offensives d’exportation basées sur des
gains de compétitivité qui pèsent sur les salaires et leur demande intérieure (politiques
d’austérité) Rodrik, D. (2006). Ces chocs asymétriques qui obéissent aux contraintes
cycliques des économies dominantes s’imposent donc aux pays de leur sphère d’influence
sans lien avec leur régime de change, et sans lien avec leurs propres contraintes de
régulation macroéconomique et de développement. D’où la nécessité pour eux de sortir du
carcan des politiques libérales et d’instaurer un contrôle des capitaux pour mieux maîtriser
leur politique monétaire, infirmant par là le fameux théorème d’incompatibilité de
Mundell. 3 Rey H. (2015). Cette « tyrannie » exercée unilatéralement par les monnaies
internationales, et qu’exprime bien la boutade attribuée à la FED : « Le Dollar c’est notre
monnaie et votre problème ». (Eichengreen, 2011),4 peut être contournée par des États
volontaristes en termes de recherche d’indépendance et de contrôle des capitaux. Sur le
plan international on assiste par exemple aujourd’hui à des tentatives de création de
monnaies régionales en Afrique, en Asie et en Amérique Latine qui contestent le statut du
Dollar comme monnaie internationale.
TROISIÈME ENSEIGNEMENT: « Les pays émergents doivent viser, par des choix
pertinents de spécialisation, de diversification de leurs échanges extérieurs,
d’indépendance monétaire et de contrôle des capitaux à atténuer l’asymétrie de leurs
politiques monétaires par rapport à celles des pays développés qui sont leurs principaux
partenaires ».
2°) Des erreurs de diagnostic sur l’efficacité relative des politiques monétaires
accommodantes.
Il existe une forte inertie dans le choix des mesures de politique macroéconomique aussi
bien dans les pays qui ont adopté des politiques monétaires accommodantes que dans ceux
qui se sont obstinés à maintenir les principes de l’orthodoxie monétariste.
3 En 2011, le FMI a finit par accepter la nécessité de ce contrôle « dans certaines circonstances ». 4 Cf. le « dilemme » soulevé dans les années 60 par Robert Triffin : Une balance commerciale
excédentaire du pays détenteur de la monnaie internationale engendre une pénurie de liquidités
internationales qui freine le commerce mondial tandis qu’un déficit commercial produit de la
liquidité internationale mais accroît le doute sur la soutenabilité de ce déficit et par là sur la valeur
et le statut de la monnaie internationale.
9
a) La persistance de l’idéologie néo-libérale dans la conduite des politiques
monétaires hétérodoxes dans les pays développés, se retrouve également dans
l’interprétation qui est faite de sa faible et relative efficacité.5
On peut être frappé par le décalage entre l’ampleur du stock de création monétaire
engendré par les politiques de QE, tant à l’échelle régionale que mondiale, et la modestie
des flux financiers qui ont été mobilisés dans des opérations de création de valeur et de
richesses réelles susceptibles de soutenir plus vigoureusement la croissance, de réduire le
chômage sans dégrader la qualité des emplois, de répondre aux enjeux planétaires à la fois
sociétaux de développement inclusif et environnementaux de réchauffement climatique et
d’équilibre écologique.
La plupart des études qui ont été menées sur les pays développés pour évaluer l’impact des
politiques monétaires accommodantes et qui ont porté soit sur les canaux de transmission,
soit sur les objectifs poursuivis montrent que l’action sur la sphère financière (en termes de
stabilité, de performance financière, de charges financière, voire de redressement du
secteur bancaire) a été plus efficace que celles sur la sphère réelle (en termes de croissance,
de chômage et d’inflation). La plupart des études montrent que :
1. Les effets sur la croissance ont été faibles, tardifs et incertains.
5 Tous les graphiques ont été faits à partir des données de WDI
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2. Les effets sur le chômage ne semblent pas liés aux politiques de QE.
Sources : d’après les données de WDI
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3. Les effets sur l’inflation sont inexistants et contrariés par des tendances
structurelles de l’économie mondiale.
4. Les effets sur les taux de change ont été erratiques.
Face à ce constat désespérant, notamment dans la plupart des pays de l’UE, on en est
même venu à envisager de « jeter de l’argent » par hélicoptère en visant les pauvres et la
classe moyenne (« Monnaie hélicoptère » appelée aussi « QE for people ») pour que la
demande reparte véritablement. Plus sérieusement, il était aussi possible d’envisager des
politiques incitatives fiscales ou juridiques pour que les entreprises augmentent les salaires
et stimulent ainsi une inflation qui tarde à se faire sentir. On aurait pu aussi envisager des
politiques d’augmentation des dépenses publiques orientées sur des investissements de
long terme (infrastructures, transport, énergies renouvelables, santé, éducation, recherche,
etc.). Malheureusement, l’enfermement idéologique dans le paradigme néo-libéral des
décideurs publics, tant à l’échelle des Nations, qu’à l’échelle des organisations
internationales, et l’absence de coordination, de coopération et de régulation des politiques
économiques ne permettent pas aujourd’hui d’envisager des solutions véritablement
innovantes.
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La plupart des économistes qui appartiennent au « mainstream » de la pensée néo-libérale
(centrée sur les comportements microéconomiques des agents) ont interprété les
différences de résultats (en termes de croissance et de chômage principalement) entre pays
développés à l’existence ou à l’absence de réformes qui visent en premier lieu le « marché
du travail ». Sans la moindre preuve empirique et sur la base d’une argumentation
théorique faible, au moins sur le plan macroéconomique, ces économistes préconisent des
mesures qui :
• flexibilisent le marché du travail en termes d’ajustement souple des salaires et des
contrats de travail ;
• diminuent la pression fiscale sur les entreprises pour rétablir leur compétitivité
internationale ;
• réduisent les dépenses publiques (et la part de l’Etat dans l’économie) pour réduire
la dette publique et rétablir un strict équilibre budgétaire.
Ces réformes sont dites « structurelles », car elles visent le côté offre de l’économie
(« politique de l’offre ») et qu’elles sont supposées rétablir durablement la compétitivité
des entreprises et par là les équilibres externes (balance commerciale et balance des
paiements).
Faute d’argumentation théorique solide et d’études économétriques empiriques sérieuses,
on met en avant de manière exagérée le « succès » des pays (USA, Allemagne) qui ont mis
en œuvre ces politiques. 6
Ces économistes « libéraux », très présents dans les Média, appellent aujourd’hui de leurs
vœux la fin des politiques de « QE » et le « retour » à l’orthodoxie monétariste. Ils
désespèrent de n’être pas écoutés par la présidente de la Fed (Mme Janet Yellen), le
Président de la BCE (M. Mario Draghi), les institutions internationales (FMI, BM) et de
très nombreux prix Nobel d’économie qui ont une vision plus fine et plus réaliste des
limites structurelles de la croissance mondiale.
Malgré tout, sous la pression du lobby des banques et des idéologues du néo-libéralisme, il
est envisagé aujourd’hui une remontée en douceur des taux d’intérêt et un retour à
l’orthodoxie monétariste.
QUATRIÈME ENSEIGNEMENT : « Les politiques monétaires accommodantes ne
suffisent pas à elles seules à ramener la croissance, à réduire durablement le chômage
et à enrayer la déflation ».
6 Non seulement la croissance des pays dits « vertueux » est somme toute modérée, mais les
« bons » chiffres du chômage cachent une détérioration qualitative des conditions d’emploi, un
accroissement des inégalités et une détérioration du capital humain en termes de santé et de perte
de qualifications et d’employabilité, notamment des séniors.
13
b) L’étrange impasse des néo-libéraux sur le paradoxe de la persistance d’une
pénurie de liquidités internationales. 7
Le PIB mondial en $ courants, a diminué de 6% en 2015 (soit davantage qu’après la crise
de 2009). Dans ses « perspectives économiques » du 1er juin 2016, l’OCDE (après le FMI
et la Banque Mondiale) prévoit une croissance mondiale « molle » de 3% en 2016 et de
3,3% en 2017, en termes réels. L’OCDE souligne le nombre élevé de chômeurs (39
millions), notamment chez les jeunes et les séniors, ainsi que l’accroissement des inégalités
et de la précarité. On peut aussi ajouter la chute des prix des matières premières. Tout
concourt donc à réduire la capacité des pays émergents (Russie, Chine, Brésil…) et du Sud
de l’Europe à rembourser leurs dettes. Les politiques de QE passent à côté de cette
question et du coup échouent à faire croître le niveau des liquidités internationales en dépit
de leur politique d’accroissement massif de l’offre de monnaie. La méfiance qui règne sur
les marchés à l’égard des titres de la dette publique entraine une stérilisation immédiate de
toute création monétaire qui ne se transforme pas ainsi en liquidités prêtes à l’emploi soit
au titre de la consommation, soit au titre de l’investissement. C’est sans doute là la raison
essentielle au fait que les politiques monétaires de QE n’ont pas fait augmenter la liquidité
à l’échelle mondiale.
S’agissant de la zone Euro, les rachats massifs de titres de la dette publique n’ont pas fait
augmenter globalement le niveau d’endettement. On constate au contraire d’après les
statistiques d’Eurostat du 24 avril 2017 que le niveau public d’endettement de la zone Euro
est passé sous la barre des 90% (89,2%) de son PIB. Seuls trois pays ont une dette publique
supérieure à leurs PIB respectifs.8 La France quant à elle voit sa dette publique augmenter
de 92,3% à 96% entre 2013 et 2016, alors qu’à l’inverse, dans le même temps,
l’Allemagne réduit encore son niveau d’endettement de 77,5% à 68,3%. Si le ratio de la
dette publique dépasse largement encore la norme des 60% du PIB, celui du déficit
budgétaire reste très en deçà des 3% pour l’ensemble des pays de l’UE (1,5% du PIB en
moyenne) à l’exception de l’Espagne (4,5%) et la France (3,4%), alors que l’Angleterre et
la Roumanie se situent dans la norme de 3% de leurs PIB respectifs. Cette décrue de
7 Par liquidité internationale on entend les actifs monétaires ou quasi-monétaires qui sont classés
AAA ou AA et qui servent à payer les échanges internationaux (IMPORTS/EXPORTS) et à
rembourser les dettes externes. En général les titres publics des grands pays (USA, Allemagne, R-U,
France, etc.) jouent ce rôle de moyen de paiement international liquide. On peut y ajouter les
avances des BC des pays de l’OCDE, les titres de créance des organisations internationales (BM,
FMI, BEI, etc.) 8 Grèce (179%), Italie (132,6%) et Portugal (130,4%)
14
l’endettement associée à la diminution du ratio du déficit budgétaire en deçà des 3% traduit
bien le fait que les politiques monétaires accommodantes restent encore déconnectées
des politiques budgétaires récessives qualifiées d’austérité. La reprise lente et incertaine
de la croissance (1,7% au sein de la zone Euro et 1,6% aux USA) en 2016 ne saurait selon
nous être attribuée à ces politiques dites « d’assainissement budgétaire » qui ont contribué
à laminer partout dans l’UE les budgets sociaux, à l’exception de la France, de la Finlande
et du Danemark.9 Ces politiques d’austérité ne sont donc pas équitablement réparties au
sein de l’UE, puisque la Grèce par exemple affiche un ratio d’excédent budgétaire de 0,7%,
sans parvenir pour autant à réduire son taux d’endettement !
CINQUIÈME ENSEIGNEMENT : « Les politiques monétaires accommodantes
doivent être couplées à des politiques budgétaires de relance et de réforme du secteur
public »
c) Le « déni de réalité » sur la soutenabilité des dettes publiques.
Il nous paraît que le seul risque véritable que peuvent faire courir aujourd’hui les politiques
monétaires accommodantes est celui du « discrédit » dont peuvent être frappées les BC.
C’est ce « discrédit » qui a entrainé un déclassement des titres publics que rachètent ces
BC, et donc une raréfaction des liquidités internationales. Ce n’est donc pas, comme le
clament les puristes des politiques monétaristes orthodoxes, le risque d’inflation lié à un
excès de liquidité dans un contexte de croissance faible qui est la menace principale des
politiques hétérodoxes.
De fait, en dépit de ces injections massives de monnaie « neuve », la liquidité de
l’économie mondiale n’a jamais été aussi basse.10 Elle ne représente plus que 30% du PIB
mondial, alors qu’elle se situait en 2009 à 60%. Une partie de l’explication de cette chute
tient à la crise de la dette publique qui a favorisé le déclassement des bons du Trésor de
nombreux pays dont la dette est jugée non soutenable.
Cette raréfaction considérable des liquidités internationales explique au moins
partiellement l’atonie des flux internationaux de marchandises et de capitaux. Le niveau du
commerce international n’a jamais été aussi faible depuis le début de la mondialisation au
cours des années 70-80, et la croissance aussi atone générant aussi bien dans les pays
9 En France, la Cour des Comptes estime que la baisse du taux d’emprunt depuis 2011, explique
environ 40% de la diminution du déficit budgétaire. 10 B. Eichengreen, (2011).
15
développés que dans les pays émergents, faiblesse des investissements, chômage de masse,
fragilité bancaire et endettements privés et publics insoutenables.
Pour accroître le niveau des liquidités internationales et faciliter ainsi la reprise des
échanges internationaux et la croissance économique, il faudrait élargir le spectre des
facteurs de confiance liés à des titres publics et privés garantis par les organismes
internationaux (FMI, BM…) et les pays qui jouissent d’importantes réserves de change
(Chine notamment). Ainsi, comme le propose B. Eichengreen, le FMI pourrait vendre des
DTS non plus aux gouvernements mais aux BC, en échange de devises qu’elles créent ex-
nihilo et que le FMI réalloue directement à ses membres. Le même auteur propose que le
FMI emprunte sur les marchés financiers pour pouvoir redistribuer ces fonds par des DTS
supplémentaires, auprès de ses membres. La garantie des liquidités ainsi créées est celle de
la solvabilité collective des membres du FMI qui s’engageraient à recapitaliser le FMI en
cas de défaillance de ses emprunteurs.
L’impact du QE sur les prix des actifs a permis une envolée des cours boursiers (mesurés
par l’indice MSCI de performance des marchés boursiers des pays développés) qui ont été
multipliés par deux depuis 2009. Les investisseurs se sont reportés du marché des
obligations d’État vers l’achat d’actifs plus risqués, ce qui a dopé les bourses. Le
financement des entreprises par la finance directe aurait dû s’en trouvé facilité. De même
le fait que les rendements obligataires sont inférieurs à la croissance du PIB, et que les taux
d’intérêt sont bas, aurait dû faciliter la relance des investissements des entreprises. Or au
sein de la zone Euro, cela ne se produit pas et les économies de la plupart des pays
développés (à l’exception des USA et dans une certaine mesure de la GB) restent atones,
entraînant dans leur stagnation les pays émergents.
Les explications avancées à cette situation restent superficielles. Elles mettent l’accent sur
les comportements microéconomiques et passent à côté des facteurs structurels tels que le
partage de la valeur ajoutée, le ralentissement de la productivité et de la stagnation des
salaires au profit des revenus du capital et de la rente foncière.
Certes l’insuffisance de l’offre de crédit par les banques porte encore la marque de leurs
emprunts toxiques et de leur souci de dégonfler et d’assainir la taille de leurs bilans,
notamment dans le contexte actuel de forte incertitude économique, politique, sociale et
géopolitique. Mais cette « explication » suffit-elle à rendre compte de la faiblesse du
financement bancaire actuel alors même que la faiblesse des taux d’intérêt devrait inciter
les entreprises à prendre plus de risques dans leurs choix d’investissements ? Les chefs
16
d’entreprise seraient-ils devenus subitement averses au risque et timorés dans la recherche
de rendements plus élevés ?
En réalité les comportements sont souvent surdéterminés par des facteurs structurels qui
sont d’ordre macroéconomique. On ne saurait faire l’impasse sur les mutations de
l’économie mondiale : la révolution numérique, le ralentissement des gains de productivité
qui laisse penser que l’on est rentré dans un cycle long de « stagnation séculaire » (L.
Summers), les effets du vieillissement et de la répartition de l’épargne à l’échelle mondiale,
l’accentuation des inégalités de revenu et de patrimoine, les effets du réchauffement
climatique, etc.
Les pays « centraux » (USA, UE, Chine..) qui détiennent une monnaie qui sert de liquidité
internationale n’ont pas les mêmes contraintes de remboursement qu’un petit pays
périphérique dépendant. Pour autant cela ne signifie pas que le pays central doit se
désintéresser de la situation d’endettement du petit pays périphérique, à l’image du
comportement des États-Unis à l’égard des pays d’Amérique Latine notamment, qui
gravitent dans sa zone monétaire. L’UE, si elle veut véritablement régler durablement ses
problèmes de flux migratoires et d’insécurité, doit certes se préoccuper de la situation des
pays endettés en interne (Grèce, Italie, Espagne…), mais aussi et surtout des pays de sa
proche périphérie (de son « voisinage »).
S’agissant de la dette internationale tunisienne, et compte tenu des enjeux géostratégiques
que représente pour l’UE, la réussite de la transition démocratique en Tunisie, on pourrait
autoriser la BCE (à l’instar de ce qui a été fait dans le passé dans le cadre du « plan
Baker » au moment de la crise de la dette internationale du début des années 80), à racheter
les dettes contractées par la Tunisie non seulement auprès des organisations internationales
(FMI notamment), mais aussi auprès des banques internationales privées. Ces dernières ont
prêté à la plupart de ces pays, à des taux d’intérêt qui sont supérieurs de plusieurs points à
ceux pratiqués aujourd’hui au sein de la zone Euro. Dans ces opérations de rachat de dettes
souveraines, la BCE réaliserait des gains qu’elle pourrait reverser gratuitement aux pays
concernés, dès lors qu’ils seront directement affectés à des investissements publics ou
privés définis d’un commun accord. Ces investissements doivent viser prioritairement à
réduire le chômage et les inégalités (de revenus et régionales), mais aussi à promouvoir
une croissance inclusive endogène et durable. Ces opérations de rachat permettent aussi
d’allonger sur un très long terme la maturité de la dette souveraine de la Tunisie, ce qui
17
contribue à alléger considérablement le poids du service de sa dette internationale, offrant
ainsi à la Tunisie des marges de financements supplémentaires.
SIXIÈME ENSEIGNEMENT : « Les politiques monétaires accommodantes doivent
régler le problème des dettes publiques insoutenables à l’échelle mondiale ».
3°) LE CHANGEMENT DE PARADIGME À L’ÉCHELLE D’UNE « PETITE
ÉCONOMIE OUVERTE » : LE CAS DE LA TUNISIE.
a) Quelques tendances macroéconomiques générales de la Tunisie.
• Un ralentissement de la croissance
-4.00
-2.00
0.00
2.00
4.00
6.00
8.00
10.00TUN Croissance du PIB (% annuel)
-
10000000 000
20000000 000
30000000 000
40000000 000
50000000 000
TUN PIB ($ US courants)
18
Le taux de croissance économique remonte très légèrement à 2,2% en 2017 avec une
perspective de 2,8% en 2018.
Certes on peut espérer une croissance plus vigoureuse, notamment au regard du
ralentissement de l’investissement.
Mais globalement la Tunisie reste dans la norme du ralentissement général de l’économie
mondiale (pays développés et émergents confondus) sans rupture apparente depuis la
révolution démocratique de 2011.
• Une stabilisation du taux de chômage à un niveau structurellement
élevé (notamment des jeunes).
-
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
TUN RNB par habitant, ($ PPA internationaux courants)
TUN RNB par habitant, méthode Atlas ($ US courants)
0.00
5.00
10.00
15.00
20.00
25.00
30.00
35.00
TUN Formation brute de capital (% du PIB)
19
La stagnation du taux de croissance et le ralentissement tendanciel du taux
d’investissement ne permettent pas des créations d’emplois suffisantes pour réduire
significativement le taux de chômage, notamment celui des jeunes diplômés.
• Une stagnation de la compétitivité internationale et une dépendance
accrue au commerce international avec une balance commerciale et une
balance des paiements qui restent structurellement déficitaires.
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
TUN Chômage, total des jeunes (% de la population active âgée de
15 à 24 ans) (estimation modélisée OIT) .. ..
TUN Chômage, hommes (% de la population active masculine)
(estimation modélisée OIT) .. ..
0.00
50.00
100.00
150.00
TUN Indice des termes de l’échange des marchandises nets
(2000=100)
20
Les déficits structurels de la balance commerciale et de la balance des paiements associés à
un niveau d’endettement extérieur à court terme élevé, en grande partie libellée en Dollars,
et à une stagnation des IDE traduisent un degré élevé de dépendance asymétrique
0.00
20.00
40.00
60.00
80.00
100.00
120.00
TUN Commerce de marchandises (% du PIB)TUN Exportations de biens et de services (% du PIB)TUN Importations de biens et de services (% du PIB)
-10.00
-8.00
-6.00
-4.00
-2.00
0.00
TUN Balance des paiements courants (% du PIB)
0.00
1.00
2.00
3.00
4.00
5.00
6.00
7.00
TUN Total des réserves en mois d’importations
21
extérieure.
La « révolution » sociale de 2011 qui a marqué une rupture au sein du système politique
tunisien en ouvrant la voie à un processus de « transition démocratique » non encore
achevé aurait pu dégénérer en crise économique majeure.
En regardant « à la louche » sur près de 40 ans les évolutions de quelques grandeurs
macroéconomiques, nous avons le sentiment qu’il n’y a pas eu de véritable rupture
économique structurelle de l’économie tunisienne après 2011 et encore moins une
révolution dans les objectifs et la conduite des politiques macroéconomiques. Tout se passe
comme si les économistes universitaires tunisiens confrontés à l’ampleur des problèmes, à
la lourdeur des inerties sociales, culturelles, politiques et à la difficulté jugée
insurmontable de surmonter la dépendance à la conjoncture extérieure et aux institutions
internationales, n’osaient pas sinon proposer des solutions économiques innovantes, du
moins débattre plus librement hors des sentiers battus de la pensée néolibérale.
SEPTIÈME ENSEIGNEMENT : « La Tunisie doit mettre en œuvre une politique
monétaire accommodante pour des réformes structurelles de changement de régime
de croissance, plus compétitif et plus créateur d’emplois des jeunes, tout en réduisant
sa dépendance asymétrique extérieure, sans remise en question de sa stratégie
d’ouverture à l’international »
b) La politique monétaire tunisienne reste étrangement toujours très orthodoxe
et donc très « neutre », alors même qu’il y a un très large consensus politique
et social sur la nécessité de mener des réformes structurelles profondes.
0.00
2.00
4.00
6.00
8.00
10.00
12.00
14.00
TUN Investissements étrangers directs, entrées nettes
(% du PIB)
TUN Total de dette extérieure (% du RNB)
22
Depuis l’adoption par la Tunisie, au cours des années 90, du processus de libéralisation
réelle et financière proposé (ou imposé) par les organisations internationales, les différents
gouvernements qui se sont succédés se sont efforcés de coller au plus près au cadre
monétariste conventionnel en affichant leur préférence pour l’orthodoxie monétaire centrée
sur le ciblage d’inflation.
Pour faire face aux bouleversements politiques et à l’agitation sociale engendrés par la
«révolution tunisienne», la BCT dotée d’une nouvelle direction a voulu répondre assez
rapidement au risque monétaire et bancaire d’un «credit crunch» (voire d’un «bank run»)
et à l’éventualité d’une chute de la croissance et d’une aggravation du chômage. Pour cela
elle a assoupli assez nettement sa politique monétaire notamment en injectant de la
liquidité dans le système bancaire.
Mais après cet «écart» par rapport à l’orthodoxie monétariste habituelle, la Tunisie est très
vite revenue dans les «clous» du monétarisme et a adopté une politique monétaire neutre
dès le premier trimestre 2012 puis restrictive au second trimestre de la même année.
Les cibles de la BCT redeviennent ainsi classiquement la lutte contre l’inflation, la stabilité
du DT sur le marché des changes, l’approvisionnement de l’économie en liquidités et le
contrôle prudentiel d’un secteur bancaire (notamment public) fragile marqué par un
volume excessif de créances douteuses dans le bilan des banques.
Reprenons quelques unes des cibles visées par la politique monétaire.
i) L’inflation en Tunisie reste soutenue même si elle est contenue (5% en 2017 et
4,2%, prévus en 2018). Depuis plus de vingt ans le niveau général des prix
augmente de manière continue sans que l’on puisse constater un lien significatif
avec la politique monétaire de la BCT. Les variations du taux d’inflation en
glissement annuel ne paraissent pas non plus sous le contrôle de la politique
monétaire de la BCT.
23
0.00
20.00
40.00
60.00
80.00
100.00
120.00
140.00
TUN Indice des prix à la consommation (2010=100)
0
10,000,000,000
20,000,000,000
30,000,000,000
40,000,000,000
50,000,000,000
60,000,000,000
70,000,000,000
TUN Masse monétaire
(monnaie locale actuelle)
0.00
1.00
2.00
3.00
4.00
5.00
6.00
7.00
TUN Inflation, prix à la consommation (% annuel)
24
On peut donc légitimement s’interroger sur les raisons du ciblage d’inflation de la BCT.
On peut à la limite comprendre, sans le justifier, le comportement rigide de la Haute Cour
de justice de Karlsruhe qui a imposé sa phobie de l’inflation monétaire à la Bundesbank et
par la suite avec l’avènement de l’Euro, à la BCE.
Mais en quoi la BCT doit-elle être soumise encore à cette vision idéologique, sans
fondement scientifique, alors même que sous l’impulsion de Mario Draghi, la BCE, après
la Fed et bien d’autres BC des pays développés et des pays émergents, prend ses distances
avec cette vision étriquée de la politique monétaire ?
Pourquoi doit-on considérer que le principal risque d’inflation en Tunisie est d’ordre
monétaire ? Tous les économistes tunisiens savent pertinemment que les véritables causes
de l’inflation en Tunisie sont à rechercher ailleurs:
• du côté de l’agriculture dont le niveau de production reste encore assez largement
fonction de la pluviométrie,
• des variations du taux de change qui détermine la facture pétrolière notamment,
• d’un excès possible de demande due à l’augmentation des salaires sous la pression
des revendications syndicales au cours de la période dite « de transition ».
• De facteurs conjoncturels tels que par exemple l’impact des flux migratoires
(arrivée massive de réfugiés en provenance de Libye notamment),
• etc.
On sait aussi que l’inflation réelle est minorée par les subventions aux produits de base
(1/3 environ du panier des biens de consommation pris en compte dans l’indice des prix).
0.001.002.003.004.005.006.007.008.00
TUN Rapport de la masse monétaire sur les réserves totales
25
Qui peut légitimement croire qu’en Tunisie, « les anticipations inflationnistes des agents»
sont déterminées par la manipulation du taux d’intérêt directeur ? La politique monétaire
restrictive qui a été menée en Tunisie à partir d’août 2012 par des relèvements successifs
du taux directeur (de 3,5% à 4,75% le 25 juin 2014) n’a pas permis de réduire l’inflation.
Même si en Tunisie la BCT prend en compte le niveau des prix des produits agricoles et
des produits subventionnés (administrés) pour se focaliser sur « l’inflation sous-jacente »,
on ne peut prouver, comme l’ont montré de nombreuses études économétriques menées par
des doctorants tunisiens, que la BCT parvient à limiter l’inflation par sa politique
monétaire orthodoxe. De fait celle-ci a augmenté de 3 à 4% en 2011 à plus de 7%
aujourd’hui. En revanche il est possible et sans doute probable que le relèvement du taux
d’intérêt peut avoir un impact sur le volume du crédit alloué à l’économie pour le
financement des investissements.
ii) Une autre « cible » de la politique monétaire de la BCT est de réguler ou de stabiliser le
taux de change du DT en l’ajustant à l’évolution du niveau général des prix, aux déficits
des balances commerciales et des paiements et en contrôlant de manière plus ou moins
souple les mouvements de capitaux. Le régime de change choisi est intermédiaire entre la
fixité et le flottement libre (« peg » ou ancrage sur le Dollar et l’Euro gardé secret par la
BCT).
Il ne semble pas que la BCT ait comme politique de réduire le degré de « mésalignement »
du taux de change nominal par rapport à un taux de change réel d’équilibre fondamental
(FEER de Williamson). Mais Les variations du taux de change du DT respectivement par
rapport au Dollar et à l’Euro ne semblent pas liées à l’évolution de l’indice général des prix
à la consommation, ni aux taux d’intérêt directeurs fixés par la BCT ni à l’évolution de la
masse monétaire. Le DT se déprécie de manière continue par rapport à l’Euro et de
manière plus erratique avec le Dollar, sans que l’on puisse savoir si ces variations sont
véritablement « maitrisées » par la BCT. Dans la mesure où le Dollar est lié principalement
à la facture pétrolière et au paiement du service de la dette et que l’Euro est lié aux
importations et exportations de Biens et de services avec l’UE, aux IDE et aux
« transferts » des migrants, il nous paraît que la politique de change devrait accentuer la
dépréciation du DT par rapport à l’Euro et accentuer son appréciation par rapport au
Dollar. L’accélération de la dépréciation du DT à la fois par rapport à l’Euro et au Dollar,
non pas à partir de 2011, mais de 2014 semble résulter de la dégradation de la balance des
paiements tunisienne sur laquelle la politique de la BCT n’a aucune prise.
26
Une simple comparaison graphique des variations du taux de change du DT par rapport au
Dollar et à l’Euro aux variations du Dirham Marocain et du Dinar Algérien par rapport aux
mêmes monnaies justifie selon nous l’intérêt d’études plus approfondies sur l’opportunité
d’une « monnaie régionale » maghrébine comme stratégie de réduction de l’ajustement
asymétrique des politiques monétaires des trois pays concernés du Maghreb aux variations
du taux de change des monnaies internationales et notamment du Dollar par rapport à
l’Euro.
0.00
0.50
1.00
1.50
2.00
2.50
TUN Taux de change officiel (unités de devises locales par $ US,
moyenne pour la période)
0
0.1
0.2
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
0.9
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
TND / EUR
TND / USD
27
HUITIÈME ENSEIGNEMENT : « La politique monétaire en Tunisie doit rompre
avec l’illusion du ciblage d’inflation et se concentrer sur le plan interne sur le ciblage
de l’emploi et de la croissance et sur le plan externe sur une politique fine du taux de
change et du contrôle des sorties de capitaux ».
c) Quelle politique monétaire accommodante pourrait mener la BCT ?
Il est indispensable de retenir du caractère dit « non conventionnel » ou «hétérodoxe» des
politiques monétaires accommodantes, la nécessaire continuité entre la politique monétaire
et budgétaire et aller au-delà jusqu’à assurer une continuité jusqu’aux politiques
structurelles globales ou sectorielles (industrie, agriculture, services, transports, réduction
des inégalités de revenus et régionales, numérique, etc.).
Nous allons nous focaliser ici sur le seul volet de la politique monétaire à l’exclusion de
tous les autres aspects de la politique économique (budgétaire, fiscale, agricole,
industrielle, sociale, internationale, etc.). Nous essaierons de poser quelques idées qu’il
0
0.02
0.04
0.06
0.08
0.1
0.12
0.14
MAD / EUR
MAD / USD
0
0.002
0.004
0.006
0.008
0.01
0.012
0.014
0.016
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
DZD / EUR
DZD / USD
28
resterait à approfondir par des études plus poussées, d’une politique monétaire non
conventionnelle.
i) sur le plan interne propre à l’économie tunisienne.
Depuis l’amendement de ses statuts en 2006, la BCT ne peut accorder des concours
financiers au Trésor Public. L’article 47 (bis) de la loi 58-90 portant organisation de la
BCT stipule: « La Banque Centrale ne peut accorder des découverts ou des crédits ni
acquérir directement des titres émis par l’État ». L’État se finance aux conditions de
marché en émettant des bons du Trésor (BTCT et BTA).
Sans pour autant remettre en question la nécessaire indépendance de la BCT par rapport au
gouvernement, il nous paraît nécessaire, si l’on veut mettre en œuvre une véritable
politique monétaire hétérodoxe d’autoriser la BCT dans un cadre légal et strictement
réglementé, à acheter directement des obligations publiques, dès lors que l’État utilise la
monnaie locale ainsi nouvellement créée pour investir dans des secteurs qui feraient l’objet
d’un consensus national.11 Pour éviter que ces investissements financés en monnaie locale
ne génèrent de l’inflation, il faudrait justement faire en sorte que la monnaie nouvellement
créée ne soit pas utilisée comme pouvoir d’achat mais comme « convoi » permettant la
mobilisation de forces productives internes inemployées, et qui généreraient ainsi la
création d’emplois aussi bien pour la main-d’œuvre non qualifiée que pour les diplômés
(notamment ceux de l’enseignement supérieur au chômage). Pour les pays dont la balance
commerciale est déficitaire, le contenu en importations de ces projets doit être faible. Les
secteurs visés en priorité doivent être ceux qui sont tournés vers le développement d’un
marché intérieur et tirés par une demande interne, ce qui n’empêche pas de rechercher par
la suite des débouchés extérieurs, notamment vers d’autres pays voisins dans le cadre d’un
processus d’intégration régionale par exemple (UMA). Cette orientation doit viser aussi la
réduction des inégalités régionales permettant ainsi de freiner l’exode rural, tout en
revitalisant les campagnes et les centres urbains secondaires. Cette création monétaire ne
doit donc pas répondre à des buts conjoncturels d’accroissement des dépenses de
fonctionnement du secteur public mais à des réformes structurelles qui auraient fait l’objet
d’un débat public et dont le financement à long terme par pure création monétaire aurait
été voté par le Parlement. C’est bien ainsi qu’il faut comprendre l’articulation de la
11 Le processus d’émergence d’un consensus national sur des objectifs de développement de long
terme doit nécessairement s’opérer à travers des institutions démocratiques, ce qui suppose
l’existence d’un Etat de Droit et la lutte systématique et inflexible contre la corruption.
29
politique monétaire de QE aux politiques structurelles de mise en œuvre d’un nouveau
régime de croissance inclusive respectueux de l’environnement, du développement durable
et de la réduction des inégalités. Par exemple développer l’économie sociale et solidaire
sur la base de la valorisation des aspects les plus dynamiques de l’économie informelle.
Développer également les « SEL » (Système d’économie locale), les circuits courts, les
monnaies locales qui mobilisent une épargne locale, etc.
NEUVIÈME ENSEIGNEMENT : « La politique monétaire accommodante doit
favoriser le marché intérieur pour lutter contre les déséquilibres régionaux et
sociaux»
ii) Sur le plan externe de la politique européenne de voisinage.
La politique euro-méditerranéenne de l’UE est en panne et l’UPM reste aujourd’hui en
rade. Des voix de plus en plus nombreuses (en Allemagne, en France et dans d’autres pays
de la zone Euro) s’élèvent pour ne pas en rester à un traitement purement sécuritaire des
questions migratoires et agir en amont sur les pays d’origine ou de transit des flux
migratoires. C’est donc l’occasion ou jamais de renforcer la coordination des politiques
monétaires hétérodoxes entre la BCE et les pays de la rive Sud et Est de la
Méditerranée, dont au premier chef la Tunisie. La Tunisie peut à notre avis être l’objet
d’une expérimentation innovante en matière de coopération euro-méditerranéenne. Au-delà
des considérations géopolitiques d’une solidarité stratégique et économique mutuellement
avantageuse entre l’UE et les pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée, la France
notamment devrait davantage se souvenir qu’elle a des attaches très anciennes d’ordre
économique, politique et culturel avec la plupart des PSEM.
Par exemple, il suffirait d’un changement du cadre législatif et réglementaire pour autoriser
la BCE à acheter en Euros une partie des BT émis par des pays de son voisinage, sous la
condition que ces Obligations d’État ont bien été émises pour financer des dépenses
publiques d’investissement à long terme dans des secteurs clés de leurs économies
respectives (infrastructures coûteuses) ou, pour une meilleure acceptation par les opinions
publiques européennes, dans des secteurs ciblés par la COP 21. Mais on sait bien
aujourd’hui que les questions d’environnement (réchauffement climatique par émission de
CO2, mais pas seulement), de transition énergétique, de flux migratoires et de sécurité sont
liées. Si Mario Draghi a pu évoquer sous forme de boutade l’éventualité de la « monnaie
hélicoptère », rien n’empêche une extension du champ d’action de la BCE aux pays du Sud
de l’Est de la Méditerranée (PSEM) et à titre expérimental à la Tunisie, pour leur permettre
30
de mobiliser l’ensemble de leurs ressources productives inemployées. Orienter vers
l’économie tunisienne une partie de la création monétaire de la BCE, au demeurant très
modeste au regard de la masse des flux qui ont déjà été injectés en vain dans les économies
de la zone Euro, aurait pour avantage d’alimenter en devises ce pays. Rien n’empêche que
le cadre coopératif de la mobilisation de ces flux monétaires implique la création
d’entreprises conjointes ou d’IDE qui pourraient se transformer pour partie en importations
de technologies et de biens d’équipement en provenance de l’UE. Les entreprises et les
États des pays de l’UE qui bénéficieront de ces nouveaux marchés, en termes d’exportation
ou/et d’IDE devront assurer vers ces pays tiers, de véritables transferts de technologie par
la formation de la main d’œuvre locale à tous les niveaux de qualification. L’UE pourrait
également accompagner (relancer ?) le mouvement d’intégration de l’espace euro-
méditerranéen (Union pour la Méditerranée actuellement en panne), par des programmes
ciblés de « coopération euro-méditerranéenne » qui favoriseraient les échanges Sud-Sud.
Le contexte politique et économique interne et externe doit être pris en compte dans les
choix stratégiques de politique économique de la Tunisie.
• Sur le plan intérieur, on assiste à une montée, voire une surenchère, des
revendications salariales et régionales qui mettent sous pression le budget de l’État,
la compétitivité des entreprises exportatrices et l’inflation. La recherche de
« compromis » politiques et sociaux, interfère avec les choix contraints de la
politique économique et oblige les décideurs politiques à faire preuve d’audace et
d’imagination.
• Sur le plan extérieur, la reprise de la croissance au sein de la zone Euro reste
indécise, la sortie du QE ne semble pas encore actée par la BCE et par ailleurs, la
crise sécuritaire et migratoire en Europe (principal partenaire commercial de la
Tunisie) engendre une montée du populisme qui ne favorise pas la coopération
économique euro-méditerranéenne. En outre le climat mondial est marqué par des
incertitudes géopolitiques et géoéconomiques aux États-Unis, en Europe et au
Moyen-Orient qui rendent particulièrement difficiles les prévisions à court moyen
et long terme.
DIXIÈME ENSEIGNEMENT : « La politique monétaire accommodante de la BCT
doit se faire en coordination et coopération avec la politique monétaire
accommodante de la BCE ».
31
CONCLUSION.
Il nous a paru intéressant de jeter un regard nouveau sur la politique économique en
Tunisie en examinant quelques pistes de mise en oeuvre d’une politique monétaire non
conventionnelle, à l’instar de ce qui est fait dans les pays développés, mais en poussant
jusqu’au bout la rupture avec l’orthodoxie monétariste. Pour cela, il nous a semblé
important de pouvoir articuler la politique monétaire accommodante à une politique
structurelle de long terme, c’est à dire à remettre en cause la troisième dichotomie de la
pensée orthodoxe. Il ne s’agit pas ici, selon notre conception, seulement des « réformes
structurelles », qui, dans la vision orthodoxe libérale, portent en priorité sur les conditions
de réalisation d’un excédent durable du budget primaire (hors paiement du service de la
dette) principalement par des réductions des dépenses publiques. Pour nous, les politiques
structurelles doivent viser principalement les conditions d’une croissance endogène
inclusive et durable. Ce qui signifie des investissements publics et privés dans le capital
humain (éducation, recherche, santé), dans la diversification de la base productive, dans la
réduction des inégalités de tous ordres, dans la protection de l’environnement et dans la
promotion des écosystèmes de l’innovation. Il convient aussi d’investir dans la qualité des
institutions en termes de gouvernance et de comportements éthiques. La nécessaire
reconfiguration du système productif porteur de ce nouveau régime de croissance et de
développement durable doit être en adéquation avec l’émergence de nouveaux secteurs tels
que l’environnement, l’énergie, l’économie sociale et solidaire, etc.
Nous avons essayé dans cette communication de tracer seulement quelques pistes de
réflexion d’une politique monétaire absolument hétérodoxe qui rompt définitivement avec
l’orthodoxie du néo-libéralisme. Ces pistes théoriques ne pourront conduire à un véritable
changement de paradigme que si elles parviennent à prendre appui sur les différents
courants passés de la pensée économique hétérodoxe (keynésienne, institutionnaliste,
régulationniste, etc.) tout en les dépassant. L’alternative au néo-libéralisme ne saurait être
un retour ni au protectionnisme ni à l’étatisme, mais à des formes décentralisées de
régulation démocratique qui préservent les libertés individuelles et renforcent les
solidarités sociales et les stratégies coopératives à l’échelle locale et mondiale.
Au moment où les pays d’Europe s’interrogent sur leur avenir et la solidité d’un destin
commun, au moment où le Monde est traversé par des périls de toute nature (écologique,
climatique, sécuritaire, militaire, nucléaire…), au moment où les nationalismes et les
populismes s’exacerbent face à la mondialisation, on peut vraiment penser sans verser dans
un catastrophisme ambiant, qu’il y a « péril en la demeure » méditerranéenne !
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Faut-il persister dans la voie de politiques qui ont prouvé leur inefficacité et leur
dangerosité ?
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